Anorexie_le rêve brisé de la top model brésilienne - Eki-Lib
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ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne Ana Carolina LE RÊVE BRISÉ Elle avait 21 ans, Mesurait esurait 1,74mètre 1,74mètres mètres et ne pesait que 40 kilos. Parce que le jeune mannequin brésilien s’était persuadé de maigrir sans cesse pour être de tous les défilés -PHOTO DOMINGUES PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne LA DERNIERE SEANCE On lui a proposé un contrat pour le catalogue de Valerio Araujo. Ce sera le dernier. Ana Carolina est morte peu de temps après. Belle à en mourir. Ana Carolina rêvait d’être la splendeur incarnée. Un idéal qui l’a rongée au plus profond d’elle-même. Le 25 octobre, elle était hospitalisée pour un simple infection urinaire. En fait, le jeune mannequin souffrait d’une grave anorexie. Elle était devenue si maigre que son corps ne pouvait plus se défendre. Dans les derniers mois, les contrats se faisaient plus rares. Mais Ana Carolina restait obsédée par son irrépressible besoin de travailler. Elle courait les cachets, et même les petits boulots pour offrir une maison à ses parents et soigner son père qui souffre à la fois des maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Lourde responsabilité pour une fille de 21 ans. « Vais-je sourire ou pleurer demain? Seul Dieu peut me le dire », écrivait-elle à sa mère dans une lettre envoyée l’an passé du Japon. « Tout l’argent du monde ne paiera jamais la vie d’un enfant », répond aujourd’hui sa maman. PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne Elle se nourrissait de pommes et de tomates, qu’elle allait immédiatement vomir. Avant d’ingurgiter coupe-faim et amphétamines pour maigrir, encore et encore… -DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À SÃO PAULO, DAVID LE BAILLY- C ‘est une auberge au bout d’un chemin en terre, à la limite du village de Pirapora do Bom Jesus. Un village pauvre, à un peu plus de 50 kilomètres de São Paulo et de ses 20 millions d’habitants, traversé par une rivière qui exhale une odeur de marécage. « La Posada de lo lago », est-il écrit en lettres capitales sur la façade. L’auberge peut recevoir 120 personnes, mais, ce soir, il n’y a aucun client. Ce soir, c’est l’anniversaire de Rafaël, le frère d’Ana Carolina, et presque toute la famille Macan, les propriétaires, est réunie dans la grande salle du restaurant, aménagée comme un chalet savoyard. Quelques rires un peu contenus, puis Rafaël souffle trois bougies suspendues sur un chandelier. Ça y est, il a 20 ans. Il a l’air heureux avec sa crinière de cheveux noirs et sa boucle d’oreille de rocker. Étrange atmosphère où l’on parle d’un bout à l’autre de la table sans prêter attention au père de Rafaël, Narciso. Le regard un peu perdu, le corps immobile sur sa chaise, il tourne lentement la tête, à gauche, à droite, selon la provenance des échos de voix qui lui parviennent. Il souffre d’une double maladie, Parkinson et Alzheimer. Sait-il que sa fille Ana Carolina est morte trois jours plus tôt, à seulement 21 ans? « Parfois on dirait qu’il s’en rend compte, parfois non », me répond son épouse, Miriam. Petit bout de femme qui a l’air de supporter toute la détresse de la famille sur ses épaules. Ce matin, son médecin lui a dit de se reposer, de ne plus recevoir de journalistes. Mais c’est plus fort qu’elle, elle nous apporte les albums d’Ana Carolina : « Regardez comme elle était belle. » Son regard se pose dur la dernière photo de sa fille. C’était il y a trois mois. « Elle était bien, là! Elle n’avait pas l’air malade! » Avec Narciso et Rafaël, Miriam a quitté la maison familiale de Jundiai pour s’installer ici, à Pirapora, chez sa sœur, le temps de faire son deuil. Elle nous fait lire un bout de papier griffonné de l’an passé au Japon par Ana Carolina : « Je pars vers des endroits qui me font rêver que je suis une personne importante, que je suis une PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne gagnante. […] Je veux rire et pleurer, et être émue quand quelqu’un touche mon visage et me dit : “Tu es belle”, “tu ressembles à une girafe”, “tu es folle” […] J’ai trouvé mes anges. J’en rencontrerai d’autres plus tard […] Vais-je sourire ou pleurer demain? Seul Dieu peut le dire. Demain est juste un autre jour. Je t’aime maman. Pardonne-moi Dieu. » En 1987, Ana Carolina au temps de l’insouciance dans les bras de son père, avec sa mère et son jeune frère Rafaël. L’histoire d’Ana Carolina, c’est celle d’une petite fille qui poursuivait un rêve, mais le rêve s’est vengé. Il l’a tuée. Une petite fille qui s’amusait à se déguiser avec des accoutrements loufoques et avait décidé qu’un jour elle brillerait sur les podiums des défilés. Une petite fille qui ne voulait pas manger de sucreries parce que, disait-elle, elle ne pouvait pas grossir parce qu’elle voulait être mannequin. Une petite fille furieuse lorsque le médecin de la famille lui avait dit qu’elle ne serait jamais grande, et qui lui avait alors répondu : « Je serai grande. Je ferai n’importe quoi pour ça, mais je serai grande. » Elle avait 8 ans. Adolescente, c’est une belle fille, elle a même remporté un concours de beauté dans sa ville natale de Jundiai, à 100 kilomètres de São Paulo. En se promenant dans un centre commercial, elle est repérée par un représentant de l’agence Ford. Quelques publicités pour des marques brésiliennes, quelques présentations, mais on est encore loin des fastes de la haute couture. « Un jour, elle m’a appelée. Je l’avais rencontrée dans un défilé. Elle m’a dit que chez Ford ils ne la faisaient pas assez travailler. Je venais d’arriver chez Elite et je l’ai prise avec moi. Elle était vraiment très belle, avec quelque chose d’angélique, un côté lolita », raconte Adriana Guimarães, qui est devenue par la suite une de ses plus proches confidentes. Chez Elite, Ana Carolina est dans le temple de la mode brésilienne, dans un pays qui compte parmi les plus célèbres top models du monde, PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne Gisele Bündchen, Isabella Fiorentino ou Ana Beatriz Barros. Chaque année, l’agence organise un concours où se pressent 50 000 candidates pour seulement 24 places. Elle qui rêvait de voyager, voilà qu’on l’envoie en Chine, à Canton. Elle vient d’avoir 18 ans. Le rêve devient réalité. Mais la réalité n’est pas aussi belle qu’elle. Elle pèse 51 kilos et un type d’une agence locale lui lance qu’elle est « obèse », que « ses bras sont trop gros ». Elle se sent humiliée, ne mange presque plus, perd 4 kilos en deux mois. « Parce que si je veux être une top model, je dois maigrir », explique-t-elle à sa mère lorsqu’elle rentre au Brésil. Obnubilée par son poids, Ana Carolina commence à se faire vomir, mais personne ne voit rien. En apparence, tout va bien. Elle travaille pour de grandes marques, Fendi ou Dior, touche des cachets qui peuvent aller jusqu’à 3000 dollars. Elle à même un petit copain, un champion de kart, qu’elle préfère cacher à sa mère. Toujours souriante, toujours aimable, douce et un peu timide, Ana Carolina est une perle dans ce milieu où les caprices de ces gamines qui se comportent comme des divas font souvent disjoncter les agents. « Ana Carolina n’avait pas de vrais amis dans la mode. Chaque fois qu’elle m’emmenait dans une de ses soirées, elle me demandait : “Tu me trouves grosse?” Toutes ces filles étaient tellement maigres! J’avais l’impression d’être l’obèse de service », raconte sa cousine Ektan, de trois ans son aînée, en rigolant, avant de reprendre, plus grave : « A chaque casting, elle avait peur qu’on la trouve trop laide, trop grosse. Elle était obnubilée par son apparence. » Perfectionniste, méticuleuse, Ana Carolina est en réalité obsédée par le fait de travailler. « Elle voulait gagner de l’argent coûte que coûte. On lui aurait demandé de se raser le crâne, elle l’aurait fait », s’emporte son amie Adriana. Ce n’est pas l’avidité qui la guide, mais la nécessité. Depuis ses débuts professionnels, elle est le pourvoyeur d’argent d’une famille qui ne vit que de la pension d’invalidité versée à son père – environ 400 dollars par mois – et des quelques sous gagnés par sa mère en proposant de la joaillerie au porte-à-porte. « Il y a cinq ans, notre maison a été cambriolée. Ils nous ont volé 4 kilos de bijoux en or. Pour nous aider, Ana Carolina a commencé à faire construire une maison à Pirapora », raconte sa mère. « Elle nous parlait toujours de cette nouvelle maison, de ses parents qui n’avaient pas d’argent, pas de voiture. Elle était très préoccupée par ça », explique Adriana. « Ce qui lui importait, ce n’était pas les beaux vêtements, mais de payer l’eau, la peinture et le traitement médical de son père », précise Ektan. Alors Ana Carolina saisit toutes les occasions qui se présentent à elle. Et quand l’année dernière, une agence lui propose de partir au Mexique en juillet, elle y va sans vraiment réfléchir. Mais l’expérience tourne mal. Angoissée, de plus en plus squelettique, Ana Carolina se retrouve dans un appartement avec dix-sept filles, avant de déménager. PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne A ceux qui lui conseillent de rentrer, elle répond : « Je ne peux pas revenir sans argent. Je dois aider ma famille à finir la maison de Pirapora. » Les jours passent, Ana Carolina n’a pas de propositions, l’argent manque. Son profil de « maigre » ne correspond pas aux standards de beauté du pays. Par l’intermédiaire de l’agence brésilienne L’Equipe, elle décroche un contrat au Japon pour un catalogue Giorgio Armani. Elle débarque à Tokyo en octobre 2005, une nouvelle fois la tête pleine de rêves, parce que là-bas, pense-t-elle, on aime les corps comme le sien, juvénile, presque infantile. Mais pas à ce point. Effrayé par sa maigreur, Armani casse le contrat. Malade, Ana Carolina est hospitalisée quelques jours à Osaka, et finit par rentrer à la fin Cette année, avec une amie, de l’année dernière. Quand Miriam vient la visage creux et regard triste. chercher à l’aéroport, elle est terrifiée. Sa fille est cadavérique, les joues creusées, les yeux enfoncés, noircis, les cheveux rêches. « Elle avait honte d’avoir échoué. Elle voulait arrêter, parlait de commencer des études d’océanographie, elle adorait la mer », me dit sa mère. L’agence L’Equipe lui obtient deux rendez-vous chez un psychologue. Elle ne s’y rendra jamais. Au Brésil, son téléphone sonne de moins en moins. « Personne veut travailler avec une fille aussi maigre, surtout au Brésil », explique Olivier Daube, un Français qui dirige une agence de mannequins à São Paulo, Lumière Models Management. Pour gagner sa vie, elle distribue des cartons de promotion dans des boîtes de nuit ou dans des soirées événementielles. Et harcèle son agence pour qu’elle l’envoie à Paris, un autre de ses rêves d’enfant. Un petit deux-pièces dans le centre de São Paulo, rue Castro Alves. C’est ici, dans l’appartement d’une autre de ses cousines, Geize, productrice de spectacles, qu’Ana Carolina a passé une grande partie des derniers mois. Du quinzième étage, on voit les tours de São Paulo s’étendre jusqu’à l’horizon. Au mur, une reproduction de « The Sleeping Woman » de Picasso, une autre des Nymphéas de Monet. Ana Carolina dormait ici, mais il n’y a pas une seule photo d’elle, pas une seule trace d’elle. A la presse brésilienne, Geize a raconté qu’Ana Carolina se nourrissait de pommes et de tomates et qu’elle se faisait vomir dès qu’elle avalait le moindre aliment. Ana Carolina avait fini par admettre ce qui la rongeait dans une interview : « J’ai une image déformée de moi-même. Je me trouve souvent trop grosse. » Une prise de conscience à demi-mot, mais jamais il n’est question de maladie, d’anorexie. Au contraire, Ana Carolina va beaucoup plus loin. Elle ingurgite tout un tas de médicaments, analgésiques, antibiotiques, des modérateurs d’appétit et PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne autres comprimés à base d’amphétamines pour maigrir, encore et encore. C’est pendant qu’elle est hospitalisée dans une unité de soins intensifs, où elle a été admise le 25 octobre après de violentes douleurs aux reins, qu’Ektan découvre son arsenal de junkie. Mais il est trop tard. Son infection rénale s’est propagée dans tout le corps, faute de défenses immunitaires suffisantes. Elle souffre d’une septicémie, ne peut presque plus respirer. Ana Carolina restera vingt et un jours à l’hôpital. Pour se rapprocher d’elle, toute la famille s’est installée dans le petit appartement de la rue Castro Alves. « J’ai cru que j’allais devenir folle », me raconte Geize. Tous les jours, Ana Carolina reçoit la visite de sa mère et celle de Bruno, le garçon qu’elle a rencontré il y a quelques mois. Il est plus jeune qu’elle – il a 19 ans - et fait des études de publicité. A ses proches, elle avait confié qu’avec lui c’était différent. « Elle l’aimait vraiment beaucoup. Il y a trois mois, il l’avait emmenée pour la première fois de sa vie voir un match de foot », raconte Adriana. « Ils étaient très amoureux. C’était un garçon bien », me dit sa mère. Sur le site communautaire Orkut, très populaire au Brésil, on trouve un des mots qu’elle lui a écrits un jour : « Je ne veux pas que tu t’inquiètes pour rien, ce que je t’ai dit aujourd’hui n’était qu’un doute dans ma tête. J’ai peur de t’oppresser. » Après qu’Ana Carolina s’en est allée le mardi 14 novembre au petit matin, Bruno lui a à son tour laissé un mot, un mot parmi les quinze mille messages qui lui ont été envoyés de tout le pays : « Loin ou près de toi, je t’aimerai toujours, ma jolie petite chose. » La maison de Pirapora, elle, n’est toujours pas finie… PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne L’ANOREXIE, DEUXIÈME CAUSE DE DÉCÈS CHEZ LES ADOLESCENTS L’anorexie mentale, trouble grave du comportement alimentaire, est caractérisée par la peur obsessionnelle de devenir gros. Dans le but d’atteindre la minceur la plus extrême, les malades se soumettent volontairement à une restriction drastique de leur nourriture quotidienne. « En une journée, rapporte le Dr Sylvie Rouer-Saporta, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, un anorexique va, par exemple, boire une tasse de thé le matin, manger deux tomates avec un œuf de caille à midi, se contenter d’un bol de bouillon le soir. Et pour éliminer ces quelques aliments, il prendra un laxatif au coucher! Certains consomment des diurétiques, d’autres s’adonnent à une activité physique intense ou se font vomir après un repas. » Les sujets prédisposées à ce trouble mental sont, dans la très grande majorité, des adolescentes (1 sur 100) qui commencent à glisser vers la maladie dès l’âge de 14-15 ans. L’anorexie est plus rare chez les jeunes garçons du même âge puisqu’on en compte 1 pour 9 filles atteintes. On peut en mourir : sur vingt ans d’évolution, on recense 20% de mortalité. Chez les adolescents, c’est la deuxième cause de décès après les accidents de route. À l’origine, il existe deux sortes de cause : l’une est d’ordre purement psychologique, l’autre est socioculturelle. « Dans le premier cas, souligne le Dr Sylvie Rouer-Saporta, l’adolescente (ou l’adolescent) se heurte à un problème existentiel : elle voit son corps changer, sent qu’elle devient adulte, indépendante, et cette transformation, inconsciemment, elle la refuse. Le fait d’être maigre va bloquer l’évolution de la puberté, lui conserver un aspect infantile. Une autre cause psychologique peut relever d’un problème familial : lorsque la fillette ne se sent pas à sa place, soit parce que la famille dysfonctionne, soit parce qu’elle manque d’affection et de reconnaissance dans ses besoins. Inconsciemment, là encore, elle alerte par sa maigreur. Dans la deuxième catégorie de l’anorexie où la cause est socioculturelle, les adolescentes sont à la recherche d’identification. Parmi elles, un grand nombre va être très influencé par l’image féminine prédominante reflétée par la mode. Pour exister aux yeux des autres, elles veulent ressembler aux mannequins des magazines, devenus leurs modèles d’identification. » Le premier symptôme, la première conséquence de l’anorexie chez les adolescentes, est un arrêt des règles (aménorrhée) dû à un manque de corps gras (les hormones sont constituées de cholestérol) et à un déséquilibre hormonal central au niveau cérébral. « La dénutrition entraîne à plus long terme une ostéoporose, précise le Dr Jacques Fricker, nutritionniste, et, chez les très jeunes filles, la croissance risque d’être fortement ralentie. Le foie est atteint car les cellules ne se renouvellent plus convenablement. Progressivement, les anorexiques deviennent PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse ANOREXIE Le rêve brisé de la Top Model brésilienne extrêmement vulnérables aux infections car l’organisme ne fabrique plus d’anticorps. Bien souvent, c’est l’apparition de troubles du rythme cardiaque ou une infection gravissime qui mettent le pronostic vital en jeu. Ces jeunes anorexiques, qui n’ont plus que la peau sur les os, parviennent pourtant à demeurer actives. Il n’y a là rien d’étonnant puisque le jeûne, comme l’hyperactivité physique, entraîne une hypersécrétion d’endorphines par l’organisme, substances qui, comme la morphine, diminuent les sensations de douleur et procure une extraordinaire impression de légèreté. L’anorexie, heureusement, n’est pas une fatalité. Des traitements existent, englobant prises en charge médicamenteuse et psychologique. Grâce aux avancées de ces thérapies, de nombreux malades sont parvenus à cesser de martyriser leur corps, à se délivrer de leur trouble obsessionnel. La prise en charge s’effectue dans un centre spécialisé (comme ceux de l’hôpital SainteAnne ou de l’hôpital de Garches…), par une équipe pluridisciplinaire comportant nutritionniste, psychiatre, kinésithérapeute… « Le malade est réalimenté doucement, progressivement, explique le Dr Jacques Fricker. Au début, parfois, au moyen d’une sonde gastrique qui apporte à l’organisme protéines, acides gras, vitamines et minéraux dont il a été si longtemps privé. Dans les cas avancés, il faut généralement compter plusieurs mois d’hospitalisation pour parvenir à reconstruire tous les tissus endommagés. » Quarante pour cent environ des anorexiques guérissent définitivement et 60% rechutent, certains devenant boulimiques. -Sabine de La Brosse PARIS MATCH no 3001 Du 23 au 29 Novembre 2006 Par Sabine de La Brosse