Mieux employer jeunes et seniors, un défi pour l`entreprise
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Mieux employer jeunes et seniors, un défi pour l`entreprise
VIE AU TRAVAIL ^ Danone et des grands groupes lancent un programme pour encourager les bonnes protiques -a Mieux employer jeunes et seniors, un défi pour l'entreprise nsenior, c'est quelqu'un qui est jeune depuis plus longtemps que les autres ! » Anne Thevenet-Abitbol, directrice de la prospective de Danone, aime à évoquer cette phrase de Woody Allen, emblématique à ses yeux. Dans une Europe où un quart de la population active a entre 50 et 65 ans et où 20 % des jeunes sont au chômage, « nombre d'entreprises peinent à comprendre et à exploiter le potentiel des jeunes. Tandis qu'il y a une surcharge de travail pour les générations au pouvoir des 30 à 50 ans et une démobilisation de leurs aînés, raconte-t-elle. C'est un peu comme sur un piano qui n'userait ni des octaves graves ni des octaves aigus ». U « Aujourd'hui, les jeunes sont nombreux à être promus, et les seniors peinent à trouver leur place. » SOPHIE SCHMITT COFONDATRICE DESENIOSPHERE. jeunes sont nombreux à être promus, et les seniors peinent à trouver leur place », souligne Sophie Schmitt, cofondatrice du cabinet de conseil en stratégie Seniosphere, spécialiste des « tempes grises ». S'il n'est pas question de « segmenter » les collaborateurs en fonction de leur âge, comme l'a rappelé le PDG de Danone, Franck Riboud, chaque génération semble néanmoins avoir ses réflexes, ses pratiques et ses attentes. Et pour cause : « Elles ne sont pas arrivées sur le marché du travail dans les mêmes conditions, estime Muriel Pénicaud, directrice générale des RH de Danone. Leurs attentes différent. Et l'entreprise qui parviendra à toutes les concilier n'en sera que plus performante et innovante. C'est un sujet émergent. Mais cela peut bouleverser nos conceptions du leadership, du management pyramidal, des parcours de carrières.,. » LAURANCE N'KAOUA Situation critique De ce constat est né « Octave », un programme qui a réuni, la semaine dernière à Evian, une centaine de cadres de trois générations, issus de grands groupes partenaires (dont Danone, L'Oréal, France Télécom et GDF Suez). Le but : « Faire que les générations s'écoutent pour mieux s'entendre », afin d'élaborer des pistes pour que les employeurs tirent parti de tous leurs collaborateurs. fl y a urgence. « Les seniors constituent une vague démographique énorme à absorber pour les entreprises habituées à propulser leurs salariés vers le haut. Aujourd'hui, les Des initiatives pour tous les âges de la vie professionnelle Quête de sens, soif de reconnaissance, progression... beaucoup d'aspirations sont communes à tous les salariés. D'ailleurs, selon un sondage publié par le cabinet Frajlick Campus, 97 % des collaborateurs, quel que soit leur âge, s'offusquent lorsque leurs efforts ne sont pas reconnus. Et 98 % des sondés apprécient de se voir confier de nouveaux défis. Reste que l'ordre des priorités varie selon les différents âges. Certains employeurs l'ont compris et ont lancé des initiatives. Promouvoir dès le départ •B Aux Etats-Unis, pour séduire de jeunes recrues, le loueur de voitures Entreprise Car Rental se présente comme la « meilleure société pour démarrer une carrière ». Et s'assure qu'elles deviennent très tôt managers, non sans avoir occupé plusieurs métiers. g» Piloter la mobilité IBB Seul un jeune sur cinq se voit travailler plus de dix ans dans la même entreprise, selon Frajlick Campus. Or le turnover coûte cher. Pour garder les talents, la société pharmaceutique américaine CVS propose aux nouveaux venus, basés dans le Grand Nord, d'échapper, chaque année, aux hivers rugueux : ils peuvent travailler six mois par an dans une autre enseigne du groupe au sud des EtatsUnis. Avant de reprendre leur poste dans le Nord au printemps suivant. D'autres, comme Danone, n'hésitent pas à envoyer des jeunes en quête de sens un an contribuer au développement de pays émergents. projet seul, contre 17 % des plus de 45 ans, selon Frajlick Campus, certains employeurs ont aussi banni les « open spaces » au profit de petits bureaux collectifs partagés par des profils divers. |Efl| Inverser le tutorat Ml Si des entreprises, comme Michelin, ont institué le tutorat, qui permet aux seniors de transmettre leur savoir aux jeunes, l'inverse est aussi vrai. Aurélie Truchet a vingttrois ans. « Organisation development manager » chez Danone, cette passionnée de technologies a déjà initié 450 seniors, dont cinq membres du Comex à Netvibes, Twitter et autres médias sociaux. La pratique est baptisée « reverse mentoring » ou « tutorat inversé ». JË18| Favoriser les échanges •Bselon u n e é t u d e I p s o s publiée par le groupe de formation continue Cesi, le fossé entre les générations se creuse surtout entre collègues : 55 % des aînés jugent la &Ê Tenir compte des aléas génération Y, née après 1980, plus •fi de la vie ambitieuse et 58 %, plus individua- « Les contraintes d'un cinquanteliste. Les échanges sont donc salu- naire ou d'une jeune mère de taires et passent parfois par un sim- famille n'ont rien à voir », note ple aménagement des locaux : Sophie Schmitt. En outre, « les alors que près d'un jeune sur trois états psychologiques varient selon se dit stressé de devoir gérer un l'âge ». Aux Etats-Unis, Deloitte demande donc à chaque collaborateur de se positionner, pour les deux ans à venir, quant au rythme et à la charge de travail (« veut-il s'investir davantage ? »), sur le rôle qu'il vise (« manager, leader ou expert ? ») ou encore sur son degré de mobilité géographique. Bilan : le turnover a chuté et des potentiels motivés ont été détectés. a Intégrer le vieillissement En 2007, le constructeur BMW a repensé la conception de son usine de Dingolfing en Bavière, en fonction de sa démographie. La moyenne d'âge de ses 2.500 salariés atteindra 47 ans en 2017. « Ils ont effectué 70 modifications sur les chaînes de production pour éviter les gestes fatigants et inutiles. En prime, ils ont gagné 7 % de productivité », constate Sophie Schmitt. Nike, lui, transforme ses salariés âgés en « ambassadeurs » auprès de fédérations sportives ou de sponsors. Un moyen de les valoriser et de tirer parti de leur connaissance de la marque. L. N'K.