Association des Anciens Élèves de l`Université de Cambridge

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Association des Anciens Élèves de l`Université de Cambridge
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Note pour le dossier
François Glémet
le 17 mars 2008
Association des Anciens Élèves
de l'Université de Cambridge
L’université de Cambridge – qui fêtera en 2009 sont huit-centième anniversaire – est
souvent citée par ParisTech comme le « modèle à émuler ». Son système de « colleges » est pris comme exemple de la façon dont on pourrait faire coexister onze Grande
Écoles d’ingénieurs enseignant souvent les mêmes matières. Il était donc nécessaire de
le comprendre en détail et d’obtenir aussi une description de la façon dont
l’association des anciens élèves de cette prestigieuse université fonctionne.
A cet effet j’ai rencontrés aujourd’hui à Londres Peter Agar, « Director of
Development and Alumni Relations » de l’université. Cette note résume les points
saillants de notre entretien. Dans la première partie, je décris la structure et
l’organisation de l’enseignement ; dans la deuxième j’aborde l’association des anciens
élèves avant de conclure, dans la dernière partie, par quelques réflexions diverses.
STRUCTURE ET ORGANISATION
DE L’ENSEIGNEMENT À CAMBRIDGE
L’organisation de l’université se comprend mieux si on l’examine sous ses deux angles
fondamentaux : 1) la substance et 2) la méthode.
La substance :
120 unités dans 6 facultés
L’enseignement est dispensé par 120 « faculties » ou « departments » réunis en six facultés :
1. Arts and Letters ;
2. Humanities and Social Sciences ;
3. Technology and Business Sciences ;
4. Medicine ;
5. Biological Sciences ;
6. Physical Sciences.
Tout étudiant s’inscrira dans l’une de ces six facultés et suivra des cours dispensés par
des professeurs des entités dépendant de sa faculté de référence. Le diplôme sera décerné par l’université de Cambridge, dans le cadre de la faculté où l’étudiant a suivi
ses cours et passé ses examens. Nous sommes ici dans un système identique à celui de
l’université en France.
La méthode :
les « colleges », héritiers du compagnonnage, sans les guildes
L’université de Cambridge accueille des étudiants jeunes (18 ans, juste après le baccalauréat international ou le « A-Level »). Ils ont donc deux ou trois ans de moins que
l’étudiant typique d’une Grande École française (3/2 ou 5/2). Mais dès le premier jour
ils côtoient sur le campus des étudiants plus âgés (en particulier doctorants et professeurs célèbres). De là vient la tradition des « colleges » dont la vocation est d’assurer
un compagnonnage, datant par ailleurs du Moyen-Âge, c'est-à-dire de l’époque à laquelle Cambridge fut créée.
¶ Le « college » est un groupe de sélection auquel appartient tout étudiant ; il a
pour but s’assurer le suivi du travail de l’étudiant en dehors de ses sessions de
cours formelles (dans les « departements » de la faculté dans laquelle il est inscrit).
 Chaque étudiant se voit assigner, dans son « college » un directeur d’études
et un tuteur.
– Le directeur d’études et en général un jeune professeur du même « department » que celui dans lequel l’étudiant suit l’essentiel de ses cours. Il a un
rôle de répétiteur et assure que l’enseignement magistral dispensé est bien
assimilé. Pour se faire, il fait rédiger un « papier » à chaque étudiant toutes
les deux semaines. C’est, dans une certaine mesure, un système de kholes,
tel que les classes préparatoires le pratiquent, mais bien plus approfondi.
– Le tuteur est une personne différente qui se préoccupe plutôt de l’évolution
psychologique, émotionnelle et sociale de l’étudiant. Ce n’est en général
pas un enseignant et il ne rencontre l’étudiant qu’une fois par trimestre.
– Ce modèle a pour origine l’approche monastique de l’enseignement qui
prévalait au Moyen-Âge. Il est à noter qu’un célèbre cabinet de conseil
l’applique, lui aussi, encore de nos jours, avec les rôles de « Development
Group Leader » et « Mentor ». Le principe de base est la croyance qu’au
sein de l’élite, les plus jeunes ont le droit et le devoir de côtoyer les plus
anciens et de les convier à des joutes intellectuelles, dans le but de faire
avancer la connaissance.
 Il y a trente et un « colleges » à Cambridge, le plus célèbre (le plus coté ?)
étant Trinity College, fondé par le roi Henry VIII. L’entrée est sélective, mais
par un processus qui ne relève pas du concours. Chaque année, en décembre,
l’université fait passer des entretiens oraux à des milliers d’étudiants qui se
disputent l’une des 3.000 places de Cambridge. Au terme de ces entretiens,
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chaque postulant se voit indiquer s’il est accepté ou non à l’université. Ceux
qui sont acceptés sont informés des « colleges » auxquels ils sont admis, sous
condition de note minimum au baccalauréat international ou à l’« A-Level »,
dont ils passeront les épreuves quelques mois plus tard. Si, à l’issue de cet
examen, la condition de note minimum n’est pas satisfaite pour le « college »
le plus exigeant, le postulant peut entrer dans un autre « college » moins exigeant, ce qui évite à l’université de perdre du cheptel de bonne qualité.
¶ Chaque « college » est une entité juridique indépendante, tout comme l’est
l’université elle-même. Il n’y a pas, en principe, de prédilection de « colleges »
envers des « departments » spécifiques, mais il est courant de constater que les
étudiants de certains « colleges » sont plus performants dans certaines matières.
¶ La gouvernance de chaque « college » est assurée par des « trustees » qui sont
des anciens élèves.
¶ Les « colleges » ne décernent pas de diplômes.
L’université accueille 12.000 étudiants « undergraduate » et 5.000 « post-graduate ».
En d’autres termes, le flux d’entrée annuel en « undergraduate » est inférieur à 4.000
étudiants par an (les études durent 3 ou 4 ans, suivant la matière), pour 31 « colleges »
et le stock permanent d’étudiants « undergraduate » dans chaque « college » est de
l’ordre de 400 personnes.
L’ASSOCIATION DES ANCIENS ELEVES
Au début était « The Cambridge Society », association des anciens à l’ancienne (adhésion par cotisation, reconnaissance sociale mutuelle, masculine avant tout, etc.). Elle
périclita après la deuxième guerre mondiale et avec la chute du Commonwealth. Elle a
été remplacée par une nouvelle association qui est une émanation de l’université, financée par l’université.
Cambridge a aujourd’hui les adresses de 180.000 anciens élèves ; pour 50.000 de
ceux-ci, elle dispose aussi d’une adresse électronique.
¶ Chaque « college » a son équipe « Development and Alumni Relations » : elle
comporte en général 3 ou 4 personnes (maximum 7 à 10) et gère un portefeuille
de 5.000 a 7.000 anciens élèves. Chacune de ces équipes accomplit les tâches
suivantes :
 Gestion et mise à jour de la base de données ;
 Publication de « newsletter » ;
 Organisation d’évènements « sociaux » ;
 Levés de fonds d’envergure limitée (maximum : 50 millions de £ Sterling).
¶ Au niveau de l’université existe une équipe de 53 personnes, dirigée par Peter
Agar. Ses tâches sont les suivantes :
 Gestion de la base de données des anciens : 6-7 personnes ;
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 Relations avec les anciens : 10 personnes (3 jusqu’à récemment) ;
 Levées de fonds : 30 personnes (plus 20 aux États-Unis) ; pour la campagne
du huit-centième anniversaire (2009), l’objectif est de lever un milliard de £
Sterling.
 Publication d’une revue trimestrielle et d’une newsletter électronique mensuelle ;
 Gestion des activités de voyages des anciens (la logistique est sous-traitée,
mais la partie culturelle fait appel à des professeurs connus).
¶ Le budget annuel de toutes ces activités (dépenses) est de 10 millions de £ Sterling. Cela représente un pourcent de la levée de fonds attendue.
¶ Les activités « emploi-carrières » ne sont pas réalisées par l’association des anciens, mais par un service distinct au sein de l’université. Il se concentre sur le
premier emploi des élèves fraîchement diplômés et s’appelle « placement office ».
REFLEXIONS DIVERSES
Dans ce dernier point, j’aborde le financement de l’université et des « colleges », puis
quelques réflexions personnelles.
Financement de l’université et des « colleges »
L’université reçoit des fonds de trois sources différentes :
1. Fonds gouvernementaux pour l’enseignement ;
2. Fonds gouvernementaux pour la recherche :
a. Fonds structurels, pour assurer la permanence de la structure et des installations
b. Fonds pour des projets de recherche spécifiques ;
3. Frais d’inscription :
a. Faibles pour les « undergraduate studies » ;
b. Élevés pour les autres diplômes.
4. Fonds provenant de contrats de recherche avec des entités externes (entreprises,
laboratoire étatiques ou para-étatiques, etc.).
Ces fonds sont répartis entre les « colleges » et les « departments » suivant des critères
complexes basés en particulier sur la coutume plus que sur l’analyse mathématique.
Les « colleges » peuvent aussi recevoir des dotations spécifiques additionnelles, mais
ce n’est pas la règle.
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Réflexions personnelles
Pour fonctionner comme Cambridge, ParisTech mettra plusieurs générations. En effet,
les modèles sont profondément différent dans :
 Leur histoire (800 ans contre 250 ans, voire moins) ;
 Leur finalité (la recherche du savoir plutôt que la formation de cadres supérieurs du Royaume, de la République ou de l’Empire) ;
 Les principes de gouvernance des écoles et les mécanismes de choix du corps
enseignant et de la direction des écoles qui obéissent à des croyances, des principes et des pratiques différents ;
 Les différences subtiles dans l’état d’esprit général, en particulier :
 Le concept de méritocratie élitiste équitable plutôt que l’égalitarisme
méritocratique ;
 La recherche et l’acceptation d’un modèle de compagnonnage en équipe
librement consenti plutôt que la poursuite incessante du développement
de « brillantes individualités ».
Faisant mienne la devise de Guillaume D’Orange-Nassau, je crois que nous devons aider ParisTech à s’engager sur le chemin indiqué par Cambridge, mais je crois aussi
que nous devons accepter le fait que ce n’est pas notre génération qui verra le résultat
de ces et ses efforts.
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