Préface - L`Usine

Transcription

Préface - L`Usine
avertissement:
Les différents établissements chroniqués dans ce livre n’ont été,
pour la plupart, visité qu’une seule fois. Il ne faut donc pas y voir
une critique objective ou exhaustive des lieux, mais plutôt une
tranche de vie, un moment arrêté qui, sur l’instant,
a correspondu à nos critères de sélection.
MAC
Naissance d’une vocation:
Dès mon plus jeune âge j’ai été musicien, touchant à un peu tout.
Percus, batterie, piano, guimbarde, casseroles, basse et bien d’autres
me seront passés entre les doigts. Tout ça comme beaucoup (trop
peu) de jeunes de mon époque dans un seul et unique but, à savoir
pousser des beuglantes saturées comme il plaît tant aux bonnes
gens. J’ai nommé, faire du rock!
Mais qu’est-ce que le rock sans bars crasseux au sol collant de
litres de bière pas chère mélangés à la virile sueur de quelques
chevelus tout aussi crasseux? N’est-ce pas! Du coup il me parait
presque inévitable pour moi d’avoir fini par chroniquer des Bars
de la Fin du Monde vu le nombre de boissons au goût louche que
j’aurais bues entouré de gens du même acabit.
Car j’ai toujours su apprécier un rad
sans prétentions servant de la piquette
qui tache où les habitués font partie des
murs depuis le temps qu’ils sont venus
y boire leur misérable rente plutôt que
de m’attarder et me ruiner dans un
établissement plus fréquentable. Et si
Bèbère ou Jeannot n’intéressent pas
la presse people, ce n’est que leur
rendre justice que de dépeindre leur
quotidien.
Même si l’édifice peut sembler infini
ne serait-ce qu’à Genève, voici les
quelques briques que nous avons
pu poser pour notre et, je l’espère,
votre plaisir.
OLIVE
Naissance d’une vocation:
Né en même temps que Tchernobyl, dans la bourgade de Calvingrad,
je me passionne très tôt pour la B.D , le dessin et l’écriture. Arrivant
à l’adolescence sans trop d’accrocs j’adopte, pour fêter ça, un côté
punk qui m’ouvrira les portes du milieu alternatif genevois.
Les soirs d’étés, avec les copains, nous participons à des barathons
nocturnes (sport consistant à boire un verre dans tous les bars
d’une même rue) et c’est dans le premier café-restaurant de ma
cité que naîtra ma vocation de chroniqueur: une pensionnaire de
l’EMS du quartier y fêtait son anniversaire ce soir-là. Elle semblait
déjà être morte, immobile devant sa tranche de gâteau, entourée
de ses voisins de paliers pas tellement
plus vivants. Les habituels alcooliques
du quartier buvaient en silence en
regardant la télé. Un serveur passait
la panosse au milieu de la pièce:
quelqu’un y avait vomi.
J’y ai vu un tableau, dépeignant la triste
situation de ces gens, que je voyais
depuis toujours à travers la vitrine de
ce même café, comme s’ils vivaient
vissés sur leur tabouret.
Mais ce n’est pas toujours aussi triste:
les débits de boissons sont des hauts
lieux de convivialité et chacun d’entre
eux à sa clientèle, sa particularité, ses
habitudes...
Des bars, à Genève, il y en a à perte
de vue. Pour se donner une idée, la
Société des Cafetiers représente 1400
établissements dans le canton. Ce
serait bête de ne pas faire un tri.
Préface
L’idée de dresser une liste des pires troquets, initialement
nommé « Bars du Bout du Monde » par les pionniers
du projet avorté, Etienne K. et Adrien S. a été reprise et
rebaptisée « Derniers Bars avant la Fin du Monde - tour
de Genève des lieux typiques et pittoresques» quelques
années plus tard par Mac et Olive, repreneurs du projet.
Peut être en hommage à Douglas Adams? Mais ça c’est
une autre histoire...
La pièce originelle s’ouvrait en ces termes:
« Il vous est sûrement arrivé que, par le destin ou la
menace, vous fûtes rentré dans un de ces établissements
caractéristiques: ambiance plate et limbaire, déchirée
entre les grognements d’ivrognes et les vieux tubes
d’antan, perdurant le jour comme la nuit. »
Vous tenez entre vos mains le premier volume de
l’antiguide touristique par excellence. Payants de leurs
maigres économies et risquant leur santé mentale et
physique à chaque détour de bistrot, les rédacteurs de cet
ouvrage ont arpenté les quartiers de Genève en quête du
Lieu Ultime.
1
Celui où on s’attendrait à voir accoudé au zinc, un
hypothétique Gainsbourg aux yeux jaunes et vitreux, un
Alfred Jarry du temps passé, vissé à son verre d’absinthe
pure (ne disait-il pas que  l’eau est un liquide si impur,
qu’une seule goutte suffit pour troubler l’absinthe?) ou
encore une armée de Bukowski en puissance?
a ruine.
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A l’image des films de séries Z mal
joués et mal montés, tels que les
décrivent avec brio les auteurs de
nanarland.com ou des Craignos Monsters de
Mad Movies; juger du mauvais n’est pas tâche
aisée.
Nous avons donc sélectionné quelques critères
biens précis: Personnel, installations, clientèle,
architecture, décoration.
2
Un vieux taulier mal rasé, fumant un bout de mégot et
toussant dans les verres, donne par exemple une excellente
note; alors qu’un serveur banal et poli fait chuter le nombre
de points. Un bar rempli d’alcooliques semblants faire
partie des meubles, racontant des blagues grivoises et
partants simultanément dans un canon de rires gras, pendant
une partie de Jass est pour nous du pain béni. Mais d’autre
part, un énorme établissement plongé dans une obscurité
inquiétante et complètement vide, fonctionne aussi. C’est
pourquoi nous avons du développer les articles sous forme
de chroniques, plutôt qu’en leur attribuant simplement un
nombre d’étoiles, de points ou de têtes de mort.
La moyenne d’âge joue un rôle primordial: plus elle est
élevée, plus la qualité du lieu baisse, plus il devient un Bar
de la Fin du Monde.
Le jeu, le tabac et la boisson avilissent l’homme, c’est
bien connu. De ce fait, un bar embrumé où le bruit des
verres s’entrechoquant se mêle aux rots des clients, gagne
des points s’il est additionné d’une machine à sous, d’un
flipper ou d’un vieux jeu d’arcade. Bien sûr, la musique
et surtout, la télévision -apanage du mal-être moderne et
antisocialisant par excellence, joue un rôle important dans
la désignation des Bars de la Fin du Monde.
3
Le décor doit aller de paire avec l’ambiance: un portrait
du Général Guisan, une nappe brodée avec un mauvais
goût certain, une bonne blague imprimée depuis Internet
et scotché au mur des toilettes (par exemple « qui tire
la chasse perd sa place » en Comic Sans MS, enluminé
d’un clipart) ou encore une affiche annonçant un tournoi
de pétanque (passé depuis des années, bien sûr) ou un
bal musette en faveur de la gendarmerie du quartier, est
toujours du plus bel effet.
Alors que les critères précédents tendent vers l’affreux,
nous faisons exception pour le prix et la qualité de la bière.
Parce que si boire l’apéritif dans un infâme décors au son
d’une musique kitch à souhait est toujours rigolo; il suffit
d’une mauvaise bière ou d’une addition salée pour gâcher
le plaisir.
Nous avons décidé de bannir, sauf exceptions, les
restaurants et les kebabs; pour nous consacrer uniquement
aux bars et aux cafés sans restauration. En tolérant
toutefois une certaine
marge, et en acceptant
les
traditionnelles
préparations
de
croque-monsieur au
jus de chaussette ou
de sandwiches jambon
périmé-beurre rance.
4
Nous avons également exclu certains bars que nous aimons
et où nous passons beaucoup de temps tels que le Tiki’s
Bar ou le Moloko; à qui nous aurions aimé pouvoir faire
un peu de pub; mais dont nous sommes trop proches pour
la recherche qui nous intéresse dans ce présent ouvrage.
Nous tenons néanmoins à les saluer au passage.
Bref: Nous avons vu l’Assomoir d’Emile Zola se dessiner
sous nos yeux, nous avons goûté au Tord-Boyeau de Pierre
Perret et nous en sommes revenu.
Voici notre témoignage.
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Sommaire
Les quartiers de G’nève où qu’on a été
Plainpalais / Accacias / Jonction
pages 8 à 31
Servette / Grottes
pages 32 à 57
St. Jean
pages 58 à 63
Carouge
pages 68 à 75
Pâquis
pages 76 à 83
Eaux-Vives / Chêne
pages 88 à 99
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L’œil
16, Boulevard Carl-Vogt (quartier de La Jonction)
Il était tapi derrière des vitrines teintées noires dans le plus
pur style boîte de nuit échangiste; on avait failli le rater.
Un habitant du quartier nous ayant confirmé qu’il s’agissait
bien d’un bar; nous avons poussé la porte.
Aussitôt, une pièce blanche contenant quelques rangées
d’ordinateurs nous est apparue. Apparemment peu enclins
à la chaleur humaine, quelques utilisateurs répondirent à
notre timide « bonsoir » par le clapotis des claviers de cet
étonnant cybercafé. L’ambiance rappelant aux initiés que
nous sommes une quantité de références peu rassurantes,
du genre THX 11-38 ou 1984 de Georges Orwell. Nous
passâmes donc la première pièce silencieusement, en nous
attendant à tomber sur un détecteur d’identité biométrique,
un portrait de Big Brother ou une patrouille de robocops.
La suite allait être toute autre.
8
Un panneau sur la porte des aisances.
Le décors changea du tout au tout. Restant néanmoins
dans le registre de la science-fiction, mais plutôt à la
manière « 80’s » type Terminator ou Les Tortunes
Ninja. Voir même Gremlins.
Nous traversons l’immense pièces (facilement une
trentaine de place assises) remplie jusqu’à la gueule
de jeux d’arcades, babyfoot, billard, flippers, écrans
géants, etc... pour nous asseoir à la table la plus éloignée
de notre première entrée (le bar occupe tout le rez-dechaussée, il y a donc deux entrées).
La bruyante population (faut couvrir le bruit des
machines) fréquentant le troquet est plutôt du genre
qui filerait des boutons à Sarkozy: bandes de jeunes
rappeurs, coupe G.I, vestes en cuir/cols en fourrure.
La Jonction, quoi. Quant à la décoration murale, elle
inspirait un subtil mélange entre le Nautilus (hublots de sous-marins
accrochés aux murs) et 2001 l’Odysée de l’Espace (galaxies peintes
derrière lesdits hublots). Quand on vous disait que ça sentait la S.F...
Bref, la tenancière ou une serveuse, qui sait, s’approche de nous et nous
tint a peu près ce langage:
- Kesske j’vous sert?
- Une bière.
- Et vous?
- Une bière blanche, si vous avez.
- Bah toutes les bières sont blanches, non?
- Heeu non, en général c’est de la blonde.
- Blonde, blanche, quelle différence? Vous voulez une bière ou quoi?!
- Heu bon d’accord...
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Nous n’étions pas au bout de nos surprises, puisque l’un de nous a été
servi dans un verre de 30cl, et l’autre dans un de 25cl. Pour le même prix,
donc (3.30.-). Mais au moins c’était de la blonde, et de la bonne, c’est
déjà ça de gagné. Précision pour les gourmands: on ne nous a pas servi
de cacahuètes mais on s’est permis d’en emprunter sur une table voisine,
preuve qu’avec un peu de volonté on arrive à quelque chose.
La Souricière
63, Boulevard de St-Georges (quartier de la Jonction)
Essayez un peu de trouver un bar ouvert un dimanche de Pentecôte,
qui plus est à 22h un soir de pluie. L’appellation exacte de cette
attitude est masochisme, mais on peut aussi la définir par «obstination
maladive contre vents et marées.»
Bref, nous étions trois, nous étions trempés et nous ne trouvions
d’ouvert que quelques kebabs malodorants. Soudain, une arcade
se matérialise devant nous comme un flan aux pruneaux se dresse
devant un ventilateur. Vitrine vide et insipide; le citoyen lambda
aurait pu passer dix fois devant sans le remarquer; mais nous sommes
des spécialistes.
La souricière! Voilà un nom findumondesque comme on en fait plus.
Le trou à rat ou le nid de cafards n’aurait pas été plus chic.
Une fois à l’intérieur, c’est comme si nous avions franchis un portail
interdimentionel: nous nous attendions à un bistrot de quartier moisi
peuplé de vieux suisses rougeaud. Il n’en fut rien. L’ambiance était
typiquement africaine: masques aux murs, tables basses en rondins
de bois, fauteuils multicolores, chants et tam-tam. Clientèle noire
ébène, serveuse lookée « grosse mama ».
Nous regardions autour de nous. Un carton fluo indiquait «coca:35!»
au dessus de la cheminée. Deux autocollants Genève Servette plus
que passés témoignaient probablement d’un ancien propriétaire plus
« local ». Un tableau noir annonçait le menu: Ragoût de queue de
bœuf. Ça se mange? Faut croire.
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Comble du bon goût, un poster au dessus du bar représentait un
dessin des plus cocasse: une fille-souris coincée dans un piège, avec
un mec-souris en train de la prendre par derrière. Eeeek.
La patronne arrive vers nous et prend la commande. Ce fut trois
bières. Elle revint pour savoir si on voulait des petites ou des grandes.
On prit des petites. Elle revint pour savoir si on les voulait dans un
verre ou à même la bouteille. On économisera une vaisselle, nous
choisîmes le goulot. Elle nous apporta les bières et la quittance. Nous
en eûmes aussitôt le souffle coupé: 5.- la bouteille d’Heineken! Les
tables voisines en buvait également, mais au format litron.
Nous essayâmes de savourer au mieux nos amères breuvages. Derrière
nous, une bibliothèque semblait avoir été plongée dans une piscine,
tant les livres étaient abîmés. Quelques pages volantes et jaunies,
quelques reliures isolées de tout contenu, des vieux magazines cornés
et des romans qui avaient probablement été achetés en lot de liquidation
au marché aux puces. Nous retînmes « Le Sang Impur » et quelques
Metal Hurlants, qui
n’étaient plus en état
d’hurler quoi que ce
soit.
Une cliente, depuis les
toilettes: «Mama! Il
y a plus de lumière!»
et ladite Mama de
rabaisser le disjoncteur
sciemment
encastré
dans le bar pour relancer
la machine.
On s’est cassé après
la douloureuse, en
emportant
ce
joli
flyer
publicitaire.
Vous noterez l’année
d’ouverture.
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La Passerelle
13, Avenue de la Jonction
C’est en s’engageant en direction de l’ancien dépôt TPG
de la Jonction que nous sommes tombés sur ce débit de
boissons comme on les aime. Avec une devanture classique
des bâtiments de fin XIXe, de grandes vitres donnant
sur un intérieur aéré vêtu d’un crépi récemment repeint,
l’établissement peut se gauger d’avoir pas une ni deux mais
bien trois portes. La première placardée d’un panneau
« porte hors service »… qu’à cela ne tienne ! La
deuxième barricadée par une borne à fléchettes ! Hum…
arrivés devant la troisième, même topo !
Après une longue minute à considérer les différentes
options qui s’offraient à nous et vu ce premier contact avec
l’endroit qui s’avérait plus que prometteur, il nous fallait
entrer. Nous choisîmes donc la première, qui s’avéra en
parfait état d’usage.
Quelle bonne blague que celle dont nous venions d’être
victime. Haha.
Alors que nous voici entrés dans le lieu, pouvant
respectablement accueillir ses 70 clients assis, on ne put
empêcher de se faire assaillir d’une pub NRJ assurément
plus forte que l’homme de loi suisse ne l’a prévu, le tout sur
un décor de récup’, de miroirs XVIIIe, de vieux fauteuils
tendus de rouge, d’un bar ultramoderne et d’arcades.
Quelques vieux beaux dans le fond, apparemment surpris
quelques secondes de nos dégaines de gens du peuple.
12
Commande passée, sous bock Heineken posés sur la
table, surmontés de verres Cardinal de 25cl, eux-mêmes
emplis de Carlsberg… De quoi tuer tous les fournisseurs et
brasseurs hollando-dano-suisses des dites marques. Mais
la marque danoise nous délivrât là une bière aussi bonne
qu’elle les fait en Suisse pour la somme correcte de 3.30.Malheureusement notre empressement à chroniquer un
prochain bar nous empêchât de tenter une petite partie de
fléchettes….
13
Le «Olé»
4, Quai du Rhône (quartier de la Jonction)
Trouver un bar ouvert un dimanche soir n’est pas chose aisée, sauf
quand il s’agit d’un Bar de la Fin du Monde en bonne et dûe forme.
La communauté portugaise genevoise, très nombreuse et de bonne
compagnie, est assez présente dans le milieu de la restauration. On le
ressent surtout lors des matches de foot, où drapeaux et cris sortent
des cafés pour illuminer la monotone Cité de Calvin.
Dimanche soir, donc. Plein hiver. Nous traversions le pont SousTerre où les lampadaires oranges se reflètaient dans les flaques d’eau.
Quelques rares voitures sillonnaient les alentours, fantomatiques
bolides de lumières disparaissant au loin. La bonne ambiance quoi.
Bref, on rentre dans le troquet portugais du coin: le « Olé » bar. L’un
de nous s’y étais déjà aventuré quelques fois, notamment un jour
d’envie de grosse commission irréfrénable. Les toilettes du Café lui
avait pour ainsi dire sauvé la vie, ou du moins la face.
Une autre fois, un client éméché au physique de catcheur en fin de
carrière nous avait mis en garde sur le fait que les punks n’étaient
pas les bienvenus ici; avant de se faire rasseoir par son voisin de
tabouret.
Un établissement prometteur, donc, qu’il nous tardait de chroniquer.
Composé exclusivement d’hommes jouant au Poker à la lumière de la
TV « du pays » - et malgré le poster géant de Mona Lisa fumant un
joint - la population du soir ne semblait pas très encline à la rigolade
avec les nouveaux venus.
14
Le barman ne parlant français que de façon imagée,
nous désignâmes la tireuse de bière avec l’international
couple de doigts signifiant « patron: servez nous donc
de votre meilleur tonneau de cervoise fraîche; le chemin
nous a grandement assoiffé. Et des cacahuètes, si c’est
possible. »
En fait de cervoise fraîche, nous dûmes nous contenter de
deux pauvres bouteilles de Super Bock 25cl à 3 Francs;
et en fait de cacahuètes...d’un plat de cassoulet format
« de bonne facture » avec des cures-dents pour piquer les
saucisses!
Détail intéressant: la structure du bar, en bois, style
rustique est très bien faite. De mauvaises langues aurait
rebondis sur le sujet en disant « bien sûr, quand on a des
relations dans le métier du bâtiment c’est facile ». Mais
nous, on est pas comme ça...
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Café du Palais des Expositions
51, Bd. du Pont d’Arve (Plainpalais)
Nous avions reçu un commentaire d’une certaine Julie, qui nous
conseillait un bar qu’elle surnommait « Le Bar du Pirate ». Nous
nous mîmes donc en quête de cet établissement, curieux de découvrir
si le patron allait avoir un perroquet sur l’épaule, une jambe de bois
ou autre accessoire burlesque du même genre…
Ce n’était pas si piratesque que nous l’imaginions, mais le potentiel de
fin du monde fut tout de même respecté. Nous commandâmes donc
nos deux désormais traditionnelles bières: des Feld’ à 3 Francs. Un
prix tout à fait acceptable, et même carrément bon marché pour des
verres de 3dl.
L’ambiance du lieu n’était pas à la rigolade, mais un côté libidineux
ressortait du coin-télé, puisqu’elle diffusait un match de tennis
féminin qui faisait rebondir sur les murs silencieux des cris du genre
« han! » « ah! » « ho! ».
Un jour, dans un autre bistrot chroniqué plus loin, nous avions vu un
vieux accentuer ces cris par des « prend ça! » et des « mhh, t’aime
ça, hein, salope? ».
On a les fantasmes qu’on mérite.
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En bon cancres, nous nous trouvions contre le radiateur,
qui avait été élégamment peint en orange, probablement
avec un balais, ou alors avec un gros pinceau mal adapté;
puisqu’on pouvait y voir des trous et des coulures.
Au dessus de nous, une grosse maquette de bateau nous
narguait. Un peu plus loin, une gigantesque peinture
représentant des danseurs de flamenco côtoyait un
gouvernail monté en lampe, une guitare et un carrosse
doré en bas-relief. Le tout était éclairé par un lustre, et
répercuté par quelques miroirs.
Comme nous craignîmes qu’une vilaine bourrasque fasse
chavirer le navire, nous mîmes le cap à bâbord, en quête
d’une autre taverne.
17
A Coruna
21, Rue Prevost-Martin (Plainpalais)
Un aigle géant et autocollant du H.C Servette plongeant sur une proie
invisible décorait la vitrine de ce petit troquet coincé entre un escalier
et une laverie automatique de la rue Prévost-Martin.
A deux mètres de l’entrée, un sympathique pèlerin, visiblement pas
dans son assiette nous hèle:
- Je peux vous demander un service?
- Dis toujours.
- Vous pouvez m’aider a finir mon joint?
Et joignant le joint à la parole, il tend le geste. Enfin, l’inverse
quoi.
- Maintenant je peux vous demander un deuxième service?
Haha petit malin.
- …ce serait de me filer cinq francs cinquante: deux francs cinquante
pour un café, et trois francs pour payer un verre de vin au patron.
Mac, qui n’avait pas fait de B.A du jour, lâche six francs au
bonhomme.
Nous entrons, précédé du gus, qui s’avérai s’appeler Toto alias Greg.
Nous nous asseyons et observons la décoration des lieux.
Képis de gendarmes, télé éteinte, écharpe et photo du Servette H.C,
assiettes peintes, frigo à glace. La base, quoi.
Au dessus des bouteilles, ce fameux tableau qui fait la joie des shops
indiens et des kebabs: la cascade lumineuse qui donne l’impression
de couler - je sais que vous voyez laquelle. Ainsi qu’un panneau « faut
pas emmerder les petits ».
18
Au milieu de la pièce trônait une sorte d’étrange demi-bar;
comme si on avait coupé un bout de zinc et qu’on l’avait mis
là en attendant mieux.
Greg-Toto qui venait de s’envoyer le blanc «pour le patron»
et qui ne semblait pas avoir bu de café tentait de faire amiami avec un client affalé au comptoir. « J’suis pas pédé hein,
t’inquiètes! Arf arf arf» mais le client restait de bronze.
Entre-temps, nous avions descendu nos deux Feld’ à 3.20
les trois décis. De bonne facture, de quoi souffler cinq
minutes.
Toto-Greg se dirige vers nous de son pas mal assuré,
aggravé par des sandales trois tailles trop grandes et nous
confie que nous, au moins, on est sympa et par hasard on
aurait pas encore un peu de fric? Nous répondons que non,
et il se lance dans ce monologue:
« La prochaine fois, dès que je touche l’hospice, on
s’appelle et je vous paie des coups! Promis. Vous avez pas
un numéro? Non? Bah on se recroise alors. Mais faut me
le rappeller parce que… (il montre sa tête et la tapotte de
son doigt) …vous me direz le nom du bar et paf je m’en
souviendrai.
C’est quoi le nom ici? (il sort et regarde la vitrine) « Bière
Pression » c’est ça le nom. Vous me direz et je vous paie un
coup. Dès que je touche l’hospice. Allez, j’vous laisse j’vais
à la Sportive. Je me suis embrouillé avec une serveuse mais
je pense qu’elle m’a pardonné. Salut. »
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Ils ont du se marrer à la Sportive. D’un autre côté, ils ont
l’habitude.
Restaurant des Licenciés
9, Rue Pictet-de-Bock (Plainpalais)
Le soleil tapait dur sur Plainpalais et la terrasse en profitait pleinement.
Nous entrâmes donc pour prendre un peu d’air frais avant la suite des
événements.
On nous amena deux Feldschlossen à trois francs accompagnées,
chose rare, de cacahuètes. Ça se fait de moins en moins de nos jours,
surtout quand si on est pas des habitués. Avec les cacahuètes il y avait
un pot de petites boules blanches à l’apparence de pois mais sans goût
ni odeur. Étrange.
Trois télés dominaient la pièce: une grande qui diffusaient la soupe
habituelle, une éteinte et une toute petite qui passait en continu les
résultats du loto.
Pour enjoliver la grande télé, on avait pris soin de poser un petit sapin
de Noël richement décoré (l’histoire se déroule en Juillet) ainsi qu’un
bouquet de fleurs en plastique.
20
Les meubles sentaient l’héritage familial: grand buffet et
armoire en bois brun foncé. On imagine l’argenterie et les
assiettes d’époque planquées au fond. Des lustres dorés
genre western nous accompagnaient de leur lumière
maussade, qui se reflétait sur les tableaux moches.
L’un d’eux représentait une cascade, mais on nous avait
épargné, cette fois, l’animation de celui-ci. Derrière nous,
un groupe d’habitués jouaient au dominos avec entrain.
On avala nos bières avec quelques cacahuètes pour faire
passer le non-goût des pois blancs et nous repartîmes
dans la chaleur étouffante et les gaz d’échappements de
la rue parallèle.
Un détail à noter, néanmoins, pour les fêtards et les
insomniaques du quartier: les portes vous seront ouvertes
de 6h à 2h! Ce qui n’est pas rien.
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Le Orsene
7, Rue Cingria (Plainpalais)
C’est en retournant vers Plainpalais, déçus d’avoir trouvé fermé l’une
de nos cibles, que nous sommes tombés sur ce petit troquet caché
dans un coin de la rue Cingria. Une première salle toute petite nous
tend les bras, avec une grande table en vitrine qui, même si pas encore
débarrassée des consommations de nos prédécesseurs, fera très bien
notre affaire !
Peu après avoir passé notre commande, zieuté autour, m’être fait
réclamer ma casquette par la jeune fille du patron parce que, mordicus
c’était la sienne et eu notre table desservie à l’exception d’un cendrier
plein… notre voisine engageât la conversation, du pain béni!
Cette brave dame, sûrement habitante du quartier, nous parlât
longuement de sa carrière, qu’elle a entièrement fait dans une fameuse
banque nationale (surtout fameuse ces temps pour ses récents
déboires outre-Atlantique) et le passage en revue des noms de tous
les supérieurs qu’elle a eu.
Pfiou! Une gorgée de Feld à 3.10 (qui a un étrange arrière goût de vin,
bizarre!) pour faire passer tout ça et on reprend.
Elle nous dît aussi qu’elle n’a rien du tout contre les tatouages et
les piercings (en références aux nôtres) mais qu’alors son père, lui,
il était pas du genre tolérant et qu’il avait la main lourde (on vous
passe la foule de détails). D’ailleurs cette chère dame n’a rien non plus
contre les jeunes. (à la bonne heure!) Mais par contre, tout ce qu’elle
demande, c’est qu’ils ne la tabassent pas…
« C’est la moindre des choses » ai-je répliqué à cela!
22
Après beaucoup plus de temps que l’on ne passe d’habitude pour une
chronique, nous sommes sorti, un peu déboussolés il est vrai, de cette
surréaliste discussion.
La Soupière
Rue Caroline 4 (quartier des Accacias)
Le quartier des Accacias, comme celui des Pâquis ou de Carouge,
est un véritable repaire à Bars de La Fin du Monde. Aussi, lorsque
nous entamâmes notre tournée du soir; c’est sûrs de nous que nous
poussâmes la porte de La Soupière, sous-titré « Chez Michel et
OSCAR ». Avec le deuxième nom en majuscule, nous demandez pas
pourquoi…peut être que ledit OSCAR a mis plus d’argent dans l’achat
de l’arcade que Michel? L’histoire ne le dit pas.
On aurait pu d’abord croire à un café en travaux, puisque les trois
tables et les quelques chaises de la pièce étaient disposées en vrac
dans un coin. Mais non, puisque le patron (était-ce Michel? étaitce OSCAR?) nous lança un « on ferme dans vingt minutes! ».
Effectivement, la vitrine annonçait « ouvert de 10h à ? » …calcul qui
permettrait aisément de remplacer le « ? » par heure h+20 minutes.
Bref. Nous nous sommes assis, en nous tortillant pour nous caser.
Entamant nos deux Calenda à 3.30.-, nous
commençâmes à analyser le décors: une
importante collection de casquettes décorait le
haut des murs et une partie du bar, des billets de
banque étrangers côtoyaient des vases divers et
des cache-pots en terre cuite décorés de poussins
nous dévisageaient. On pouvait aussi voir un
certain nombre de marsupilamis en peluche,
suspendus à côté de la porte, qui se déclinaient
jusque sur le motif du pull du tenancier.
La clientèle, massée autour du petit zinc,
racontait les derniers potins, galéjades et
anecdotes burlesques du quartier.
23
Une des clientes, faisant fi de notre présence racontait
bruyamment « …alors il commence a parler, après
s’être mis à torse poil, la main dans la poche, genre en
se grattant les couilles… » et le public d’éclater d’un rire
gras général. On vous épargne la suite, mais on pourrait
y caser sans hésiter les mots bites, langue, sueur, baise et
trou du cul.
N’étant pas trop motivés à sortir un gros appareil photo
qui risquait de casser l’ambiance, nous essayâmes de
prendre un cliché avec un de nos natels. Manque de
pot, la bête buggait. Nous torchâmes donc nos verres, et
poursuivîmes notre route.
,
Oscar est un chien. Le chien de Michel
justement.
[ Favre ] Merci, M. Favre, pour ce commentaire. Nous avons
donc un début de réponse quant à l’identité d’Oscar,
mais nous ne savons toujours pas s’il a investi dans
l’affaire ou pas.
24
Le Tacot Bar
25, Rte des Accacias (quartier des Accacias)
Vu que nous avons récemment décidé d’élargir notre périmètre
d’investigation, on ne pouvait passer à côté du Tacot Bar. Dans ce haut
lieu sportif où sont diffusés les matchs de hockey (si si ! c’est marqué
sur la télé ! « Ici bluewin TV ») la situation proche de la patinoire
oblige, on vous propose dans une atmosphère plus que sombre une
décoration de dizaines de voitures échelle 1 :12 (des ptites voitures
quoi, plus grandes que les majorettes de quand fallait pas les mettre
à la bouche et plus petites que celle de papa). Même si la grande
terrasse vide paraissait nous tendre les bras, on préféra tout de même
pouvoir profiter du fabuleux album de Céline (celui de Titanic) qui
passait à l’intérieur.
Et bien nous en a pris ! Car même si on en a vu lors de nos aventures
findumondesques (hooo oui on en a vu ! croyez moi !), là c’était
carrément apocalyptique ! Tout était réuni pour ce qui allait s’avérer
être une heure du plus pur de ces bonheurs que l’on recherche quand
on se lance dans un projet tel que celui-ci. En rentrant, je file aux
gogues pendant que mon comparse s’empresse de commander ce qui
s’avéreront être de fort bonnes Cardinal de 25 cl. à 3.60 tout de même
(le prix a sûrement dû grimper pour amortir l’achat de la Renaud
Fuego qui est venu compléter dernièrement la collec’).
Les commodités, c’est du lourd ! De ces énormes cuvettes
autonettoyantes futuristes des 80’s qui tournent après votre humble
aumône. Seulement celles-ci on croirait que ça fait un sacré bout de
temps qu’elles ne tournent plus, le voyant de panne n’émet plus qu’une
faible lueur d’agonie…
25
En revenant dans la salle, le compère s’était manifestement déjà lié d’un
autochtone (le seul client du bar) et semblait avoir une passionnante
discussion sur ce thème si cher aux bars de la fin du monde, j’ai nommé
le sport ! Ca tombe on ne peut mieux, nous sommes tout deux de
grands fans d’évènement sportifs grand public ! … Nan en fait nous
c’est plus les troisièmes mi-temps notre credo. Mais les oracles sont
unanimes, les bourrés parlant de sport à des gens qu’ils ne connaissent
pas (et un poil chauvin, ça c’est bonus) sont de très bons auspices !
Marcel était son nom, 44 c’était le nombre de printemps qu’il a
vu (l’indicatif de l’Angleterre aussi si jamais) et Fribourg c’est
l’estampillage. Comme tout bon Freiburger, Marcel lui son truc c’est le
hockey ! Et, Ô surprise, il supporte Gotteron ! Vu que vous avez tous
maté les play-off (oui oui nous aussi ! hum…), vous avez vu, comme
Marcel d’ailleurs, les fribourgeois se faire laminer 1 à 6 par Genève !
C’est là que ça devient intéressant (j’vais tenter de le transcrire en ses
propres mots) :
- Alors bon ok la charge de Sprunger était limite, mais ils se les faisaient
déjà 4 à 1 donc la cassette que Mc Sorley il a envoyé c’était pas la
peine. Parce que tu sais où il est la Mc Sorley? Au Canada! Ouais!
Nan parce que Julien moi je le voyais à la patinoire de Basse-Ville
il tournait. Moi Julien je le connais on le connaît tous Julien! Même
que hier à Fribourg c’était la fête! Nous on sait fêter le sport! Parce
qu’à Genève, hein! Bah t’as vu! Rien! Premier goal de Sprunger! Paf!
Et deuxième! Nan mais t’as vu le deuxième de Sprunger! Parce que tu
sais que moi Julien je le connais! Tout petit, déjà, à Basse-Ville…
26
Je m’arrête là. Vous reprenez les mêmes mots, vous les mixez et vous
répéter le mélange pendant une heure. En nous apportant la gouleyante
deuxième tournée gracieusement offerte par ce cher Marcel, la
patronne s’est enquise de la façon la plus désolée et compatissante de
si « Tout va bien messieurs… ? ». La pauvre ! Si elle avait pu connaître
la délectation qui s’était emparée de nous !
Si vous deviez passer vous aussi la portière du Tacot, ne
vous attendez pas à avoir autant de chance que nous. Parce
qu’une quinte flush pareille, c’est 1/10’000 ! Enfin… vous
pouvez toujours demander Marcel !
Bande d’hérétique, pa
rler du
Tacot sans avoir un seul
mot pour
Alain !!! Une damnation
éternelle
vous guette !!!
Misérables impies !!! Ala
in est
grand !
[ Teleute ]
Je confirme, y’a enco
re mieux à vivre au
Tacot, surtout après
minuit. Alain quand il
met de la musique il
te regarde dans les
yeux avec un air sole
nnel parce que la m
us
ique d’Alain c’est
sacré. Et si Alain t’aim
e bien, il se met lui-m
ême au clavier et il
te joue des trucs vrai
ment improbables. Et
si
vraiment c’est ton
jour de chance, tu ve
rras comme moi une cli
ente complètement
hypnotisée par l’ambi
ance de ce lieu effect
uer un strip-tease
torride debout sur un
e table avant que son
m
ec
pète les plombs
pour de vrai (véridique
). Ça, c’est de la fin du
monde.
[ Rafabaf ]
Le tôlier, le boss, le caïd, le monstre errant du donjon, appelle
le comme tu veux.
Mais le tacot, c’est Alain !!!
En gros, c’est le patron du lieu, Ze serving machine, l’homme
à la casquette, à la programmation musicale la plus hasardeuse
dans un rayon des 15’000 kil’, la nonchalance faite homme !
Juste pour lui on est nombreux à aller dans ce lieu
findumondesque!!!
[ Teleute ]
27
Le Cyrano
9, Rue du Grand Bureau (quartier des Accacias)
Certaines fois, on passe devant un bar et on hésite. On est des
professionnels et il ne manquerait plus qu’on perde du temps dans un
bar tout ce qu’il y a de plus normal.
Par exemple, hmm…ça a l’air propre, mais d’un autre côté la déco est
ultra moche…la serveuse est mignonne mais elle a un furoncle sur la
joue…des choses comme ça.
Ce jour là, on passait devant Le Cyrano, un bar-restau, où on hésitait
justement. Deux filles plutôt fortes en train de parler de leurs aventures
sexuelles sur la terrasse nous on fait nous décider. Nous entrâmes.
Deux Cardinal à 3.80.- plus tard, on se regardait bêtement en nous
disant qu’on était peut être pas tombés sur un vrai Bar de la Fin du
Monde. Nous observâmes.
On peut pas dire que l’ambiance cassait tout: les tenanciers,
probablement un couple, semblaient être nés dans les meubles. La
serveuse rappelait un peu la patronne des bains dans Le Voyage de
Chihiro. Yubaba. Oui, voilà. Dix sept tables vides nous entouraient et
la télévision ne donnait plus signe de vie.
Quelques gravures, peut-être sur cuivre,
semblait nous supplier de les détacher et les
emmener loin de ce triste mur; nous fîmes
comme si de rien n’était. Deux moustachus
étaient accrochés au bar et ne disaient rien.
L’ambiance des meetings politiques sous
Staline n’a pas été perdue pour tout le monde.
28
Soudain, un événement majeur hissa cet
établissement simili-catacombes au niveau
permettant de le chroniquer: une cliente commença
à parler! Toute seule? Ou aux deux piliers de bar?
Effectivement, ils hochaient la tête sans sembler prendre
part à la discussion. Comme si les deux côtés de la pièce
ne se trouvaient pas dans le même espace-temps, mais
était tout de même relié par un mince fil de réalité. Extrait
recomposé avec le plus de fidélité possible:
- Giacco m’a invitée au restau…deux-cent cinquante
balles le repas…c’est raisonnable. D’accord, je suis
en fin de droits au chômage, mais passer de cinquante
mètres carrés à deux mètres, pour un bureau…pfff…Ah
pis j’ai remis le couvert avec mon ex…enfin, mon ex…le
père de mes enfants…et pas qu’une fois hein! Et il a une
copine! Wais.
Un bref silence. Puis, s’adressant avec un peu plus de ton
aux deux moustachus:
- Wais. J’ai remis le couvert avec mon ex. Et pas qu’une
fois. Hé. Kess t’en pense?
- Tant mieux.
- On l’a fait plusieurs fois depuis, mais hého, on va pas
revivre ensemble hein!
- Ha bin tant mieux. Tant mieux...pour toi.
Sur cette émouvante histoire, mêlant crime et trahison,
tendresse et libertinage et nous faisant réfléchir sur la
condition de l’humain en ce bas monde, piquant l’auditeur
de quelques anecdotes croustillantes, mais sans jamais
tomber dans le vulgaire, nous entamâmes la suite de
notre tournée.
29
Le Jockey
13, Quai de l’Île (Centre-ville)
Qui aurait pu penser qu’un Bar de la Fin du Monde aurait choisi
comme lieu de naufrage le quai de l’île, habituellement peuplé de
banques et d’assurances, de restaurants branchés et de touristes
perdus? Personne, sauf vos deux chroniqueurs de l’impossible
préférés. Ne mentez pas, on le sait.
Poussés par la curiosité, et conseillés par un certain Odji, nous nous
approchâmes donc du bar. La vitrine bariolée nous faisait de l’œil
et affichait fièrement en une mise en page (ou plutôt en vitre) plutôt
chargée quelques slogans typiques: « Dernier vendredi du mois:
soirée à thème » « De 17h00 à 22h00 : Tapas accompagnées de vin
de garde ». Une pancarte sur la porte annonçait, en grosses lettres
grasses, « The toilets are only for clients ».
À l’intérieur de la petite échoppe, la patronne nous hélà: «Messieurs!
Côté mer ou côté montagne?».
Une fois assis et après avoir trinqué avec deux Feld’ Hopfenperle à
trois francs soixante, nous eûmes le loisir d’admirer la décoration
surchargée. Quelques incontournables peintures moches, un filet
de pêche côtoyant des ballons de foot au plafond, des gravures
représentant des voitures de collections, des cartes postales, du
fourbi.
Une vieille réclame pour un apéritif nous surplombait: la peinture
était si mauvaise que la fille représentée en train de boire ressemblait
plus à un vieux travesti qu’à une pin-up publicitaire. Un panneau
annonçait avec malice «Pas de Sousous, pas de Glouglou» côtoyait
une statue en bois représentant (peut être) Coluche.
30
Sur la table, une promotion ventait le champagne à 23
francs les 20 cl « pour une soirée en tête à tête ». On
imaginait pas vraiment le rencard romantique dans ce
décors, entouré de la clientèle agrée avec costards usés
et moustaches de concours. Mais bon, tous les goûts sont
dans la nature, fût elle ingrate
Une vieille femme aux airs, hum, volages draguait
quelques gros au bar. Un tableau souhaitait le bon
anniverssaire à un certain Marcelin.
Lorsque nous partîmes, le personnel nous gratifia d’un
«bonne soirée!».
Il était 16h.
31
Tilt Saloon
13, Avenue De Luserna (quartier de La Servette)
Le Tilt Saloon, c’est le bistrot qui nous a donné envie d’écrire. Le lieu
unique tant recherché, regroupant tous les critères, qui lui a valu d’être
élu « coup de cœur de la rédaction ». Rien que le prétendu Centre
Commercial dans lequel il se trouve est une véritable pierre angulaire
du concept findumondesque. Mais reprenons depuis le début...
Quand on était gamins, déjà, ce bar évoquait pour nous le mercredi
après-midi ou le samedi pluvieux où l’on allait faire chauffer le
magnétoscope. On partait alors le sourire aux lèvres avec deux ou
trois copains visiter les rayons infinis du Tilt Saloon qui, à l’époque
proposait un nombre incroyable de cassettes vidéos. Et que du bon:
de la grosse comédie américaine jusqu’au film de guerre en passant
par la science-fiction nanarde. Et surtout, les films d’horreur.
La plupart du temps on repartait les mains vides pour cause de
manque de thunes, mais de temps en temps, on trouvait un copain
dont les parents étaient pas trop regardants sur les limites d’âges et
qui fournissaient l’argent pour que l’on se projette un film bien gore.
Je n’ai jamais retenu les titres mais ils montraient systématiquement
du sang et des trucs verts gluants en couverture. A tous les coups, le
film commençait par l’écran « interdit à la location » et l’image ainsi
que le son étaient toujours un peu passés, même quand le film venait
de sortir.
En grandissant, les après-midi vidéos passèrent de mode en même
temps que la VHS et les larges sacs à dos jaune fluo.
32
Dans le quartier, tout le monde s’est scindé en petits groupes et la
plupart d’entre nous ont commencé à picoler, vu le taux de chômage
des uns et l’échec scolaire des autres. C’est comme ça qu’un beau
jour, de bars en bars, on a fini par échouer dans les canapés du Tilt
où les murs comme les patrons n’avaient pas bougés. Il y avait même
une caricature jaunie et scotchée au mur d’un quelconque politicien
italien dont l’impression (notée automatiquement en bas du document)
datait de 1997.
La serveuse était une ancienne copine de classe, l’arcade fermait tard
et la bière ne coûtait que trois francs (depuis, elle est passée à 3.50).
Avec quelques amis, nous adoptâmes ce bar béni comme point de
chute et finîmes par y retourner au moins un soir par semaine. On
donna même un nom à ce rendez-vous hebdomadaire: le Débriefing!
L’ambiance du bar a peu changé depuis l’époque des cassettes vidéos,
à part quelques déplacements de meubles. L’entrée se fait par le Centre
Commercial de Luserna: petit complexe commercial de quartier d’un
seul étage où près de la moitié des arcades permettent de consommer
de l’alcool. Le Tilt Saloon se trouve pile au milieu de l’unique allée et
propose quelques tables en plastique sur la « terrasse ».
33
Sur les éternelles arcades clignotantes, les démos des jeux vidéos
tournent en boucle: un taxi dégringolant une pente à pleine vitesse,
un joueur de foot taclant son adversaire, la danse des petits dragons/
dinosaures de Puzzle Bubble, la voix monocorde d’Arnold sur le
flipper Terminator, le président pris en otage par des terroristes extraterrestres, etc. Il n’y a pas si longtemps, avant l’arrivée du projecteur
et des écrans plats qui trônent désormais sur les murs du bar, il n’y
avait qu’une grande télé. Et quelle télé: l’image était si mauvaise et
décalée que l’on pourrait sans exagérer la comparer aux films en 3D
que l’on regarde avec les petites lunettes vertes et rouges.
La clientèle semble avoir été triée sur le volet: indiens gominés et
parfumés jouant aux cartes, personnes âgées courbées sur leurs
verres, familles avec leurs enfants en bas âge même après 23h,
amateurs de poker à casquettes, supporters de foot, alcooliques de
tout poils... Il y en a même qui viennent nous parler, à force de nous
croiser tout le temps: on nous parle de vieux tatouages de bikers ou
de l’époque où le Servette était une grande équipe, on nous fait part
de grandes histoires du temps jadis, où le protagoniste traversait le
pays des esquimaux en leur échangeant des vivres contre des paquets
de cigarettes. Les jeunes serveuses changent très souvent, avec la
maladresse qui sied aux nouveaux. Parfois, elles ne sont plus si jeunes
et semblent avoir été engagées pour éponger leur ardoise.
Le dimanche soir il arrive que l’on craque sur un Panini bien coulant
au contenu indéfinissable où que l’on finisse à balancer des pièce dans
une arcade, sans jamais arriver bien loin dans les niveaux. Parfois, la
patronne passe derrière les platines et envoie des vieux tubes ritals
indéfinissables.
34
Nous pourrions parler du Tilt pendant des heures, tant les situations
que nous y avons vécus sont aussi diverses qu’improbables: hystérie
collective pendant les matchs de foot en italien, parties de baby-foot
enflammées, danses brésiliennes autour des tables, bagarres, récits
rocambolesques, etc.
On aime bien tout le monde là-bas et ils ne nous le rendent bien. On
a même droit à l’invitation privée pour la soirée jambon-fromage à
gogo du Nouvel An et notre photo trône fièrement sur la machine à thé
froid. C’est vraiment l’endroit qui nous a donné l’impulsion du départ
de ce livre, pour que toutes ces émotions soient gravées à jamais.
La photo de la «Drink Team 2007» , collée sur la machine à thé froid
J-Mo Bar
9, Avenue Wendt (Quartier de La Servette)
CHRONOLOGIE:
1996 - Découverte de ce qui allait devenir le J-Mo par Mac:
Lorsque Mac était petit, sa cousine canadienne était venue en visite.
Ils avaient tout les deux été envoyés pour acheter quelques pièces
de viandes chez le boucher. Lorsqu’ils sont arrivés devant devant
l’arcade, un petit panneau était accroché sur la porte: Fermé pour
cause de décès. Mac resta un instant sans savoir quoi dire et, se
tournant vers sa cousine, déclara « The butcher is dead! ». Cette
phrase resta marquée dans son esprit: il repense toujours aux carcasses
de viandes accrochées dans l’arrière-boutique, lorsqu’il boit une bière
dans l’arcade qui a été aménagée à la place de la chambre froide.
2006 - Découverte du J-Mo par Olive:
C’était lors d’un barathon déjà bien entamé, avec l’ami Jérémy, qui
devait couvrir les rues reliant le Café de La Fontaine à Cité Vieusseux
au Café de la Limite en bas de la rue des Charmilles. On arrivait à
la moitié du parcours, quand deux cafés inconnus surgirent sous nos
yeux: le J-Mo et le Marie-Ciel. Comme dans tout bon barathon, nous
bûmes nos bières en vitesse sur la terrasse des deux bistrots et nous
continuâmes notre route vers la descente finale.
Ce n’est que quelques semaines voir quelques mois plus tard, que
nous y retournâmes en comité étendu. A cette époque, nous n’avions
pas de bar de prédilection où échouer en soirée, à part à l’Usine, et
nous tournions au petit bonheur la chance dans les divers troquets
du quartier. Nous entrâmes donc pour la première fois chez J-Mo et
nous fûmes directement accueillis comme si nous étions des habitués
de longue date. Au delà des chaises disposées dans le bar, une sorte
de carré VIP est aménagé: fauteuils, lustre et miroir. Nous nous y
assîmes.
36
En face de nous, un poster géant d’un sarcophage côtoyait l’affiche de
Pulp Fiction. Quelques statues rigolotes genre fille rasta fumant un
gros joint et vache habillée à la Matrix ornaient le frigo.
La radio diffusait le mix NRJ du soir, mais fut bientôt remplacé par une
compilation de chansons paillardes. Dès les premières notes de « La
digue du cul », les bières apparurent sur la table basse. Après avoir
englouti nos verres, on nous offrit directement la tournée du patron
au joyeux son de « Branle, Charlotte » et de « Ah la Salope ».
En partant, le patron nous mit dans les mains un large carton remplis
de pains au chocolat et à la vanille, de sandwiches et de croissants
« pour le p’tit déj’ de demain ». Comme on est facilement corruptible,
on s’est promis d’y retourner souvent.
Depuis, il n’y a pas une semaine où nous n’y sommes pas retournés.
37
Raclette-Party et concert de Rock. Au centre, en chemise blanche: Jimo.
El Boqueron De Plata
22, Rue Lamartine (quartier de la Servette)
C’est à côté d’une charmante épicerie de quartier, derrière une haie
aussi fournie que le décolleté de Milla Jovovich, que se dissimule la
devanture de L’Anchois D’Argent. Que de souvenirs retrouvés sur ce
qui était le chemin de la cordonnerie où allaient mes parents durant
ma petite enfance...mouais en fait non, pas vraiment de souvenirs.
En plus, nous, on chausse des baskettes.
Mais alors quel plaisir d’entrer dans un troquet dont la salle fait un
tiers de la taille de mon salon (ce dernier étant, certes, spacieusement
aménagé, mais n’en est pas moins d’une taille tout à fait commune)
et, comme à l’accoutumé dans les lieux que l’on a visité, se faire
agresser par un volume sonore qui ferait défaillir la bibliothécaire
de votre ancienne école secondaire (oui ! celle là même qui ‘criait’
chhhhhhttttt) le tout produit par les quatre clients et le parton hurlant
pour couvrir le volume excessif de la télé diffusant un passionnant
documentaire animalier en anglais sous-titré portugais.
La commande passée, nous eûmes tout le temps d’apprécier
l’admirable décoration typée ibérique agrémentée d’un ballon de
foot accroché à une lampe, une ravissante horloge-ballon de basket
et de plus qu’improbables morgensterns. L’endroit est bien sur équipé
d’un beamer pour les matchs de football et, probablement par flemme
du patron lors de ces mêmes matchs, d’un distributeur de boisson !
(huhum, dans un bar de 10m² ! et arrêtez de penser qu’ils auraient pu
baisser le son de la télé plutôt que de brailler ! Vous êtes beaucoup
trop rationnel !)
38
Nos eaux maltées arrivées, nous ne pûmes nous empêcher
de remarquer les nappes traditionnelles, coupées en deux,
et recousues avec une moitié d’un autre coloris.
Même si jusqu’ici, ce n’est pas spécialement dans nos
inspirations de décorateurs d’intérieur, il nous fallait
reconnaître que leur coup de la vitre couvrant les dites
nappes et leur évitant de finir cartonnées par la bière
tombée était des meilleures !
Vu qu’on parle bière… hé bah parlons-en ! Quelles ne
furent pas nos craintes voyant arriver nos verres de
25cl ornés du fameux logo vert de la ‘fameuse’ marque
hollandaise, mais elles (les craintes) firent vite place à
l’étonnement, celui d’apprécier une Heineken qui nous
paru quasi-fruitée pour la modique somme de 3.20.Comme quoi même avant la Fin du Monde on peut avoir
des surprises.
39
El Español
47, Rue de la Servette (quartier de la Servette)
L’odeur de friture et de graisse saturée nous avait aimablement
proposé de nous installer en terrasse.
La terrasse, donc, est en fait composée de deux tables et de quatre
chaises posées sur le trottoir, d’où l’on peut admirer la circulation du
tram et des colonnes de voitures, en emplissant nos poumons, déjà
bien affectés, de gaz d’échappement.
Nous dégustions nos Heineken à 3.30.- servies dans des verres
Wittekop en admirant le t-shirt « Ecuador » élégamment accroché à
la vitrine quand ce dialogue d’anthologie nous atterrit en pleine face.
Un homme style alcoolique mal rasé croise la route de deux grands
costauds en costards noirs et ray-ban des familles. L’archétype des
maffiosi de films.
Le premier, aux deux autres:
- Alors? Ta sœur? Elle t’a filé le paquet?
Un des costauds, continuant à marcher:
- Non.
- Non? Elle t’a rien filé?
- Mais si. Pfff.
- Regarde ça: ça fais 60 kilos tout…tout…tout mesuré…tu fais rien.
Maintenant t’as ta danseuse, tu va pouvoir la taper!
Les costauds lui font un doigt d’honneur et continuent leur route,
agacés. Le mec s’assied alors, compose un numéro sur son natel et
engueule son interlocuteur/tice:
- Je viens de croiser tes copines, là…ouais tu sait bien de qui je
parle…exactement…alors tu vas leur dire…wais…tu vas leur dire…
wais…bon j’me fâche pas maintenant, je veux pas déranger les
collègues…les voisins de…de terrasse.
40
Vous ne nous dérangez pas du tout, rétorque Mac qui voulait connaître
la suite de l’histoire.
- Ne vous inquiétez pas, répond l’homme soudain dégrisé.
Je ne parlais pas de vous mais de ses voisins. Ses voisins
de terrasse. Et je vous rassure, ce n’est ni une histoire
de dope ni une histoire de pédés, quoi qu’on puisse en
penser.
Un sosie de Bukowski arrive en scène, pardessus vert
militaire, vieux mégot, braguette fermant avec une
épingle à nourrice, journal et vieux chiffons débordants
des poches, et sors une phrase comme seul les copains
de bistrots savent les faire; du genre «T’es pas encore
dans les bras d’ta gonzesse?» ou quelque chose du même
tonneau.
«Voilà d’ailleurs la preuve du contraire», souligne notre
interlocuteur, satisfait, en commandant une deuxième
bière et un café.
Nous n’avons pas eu le fin mot de l’histoire, notre tram
n’allait pas tarder et une faim qu’aucun café-cantine
comme celui dans lequel nous nous trouvions ne pouvait
épancher ce faisait sentir.
J’ai bien connu l’espagnol (le mec. pas le
bistrot !) vidéo club dans les années 80 (que
du naze dans l’arrière salle de son tabac,
mais seul ouvert le dimanche alors qu’on
découvrait la vhs) Le mec avait déjà l’air
d’être en phase terminale. ça prouve que la
clope et le pinard peuvent conserver dans
de rares cas très spécifiques.
[ Jeanmi ]
41
Dunes Café
3, Rue Liotard (quartier de la Servette)
C’est derrière ses vitres complètement teintées lui donnant
sérieusement l’air d’avoir été parachuté directement des Pâquis que se
dissimule l’oasis du Dunes Café, havre de paix à deux pas de l’école
d’ingénieurs (où il m’a été « donné » d’étudier près de trois ans et ½,
donc du coup, c’est pas la complète inconnue.)
Ce qui est beau avec le Dunes (oui LE Dunes ! même si ‘Dunes’ est
féminin pluriel), c’est que depuis il y a environ dix ans où j’y mettais
la première fois les pieds et ce jour-ci, la seule chose qui avait changé
devait être le tactilo qui avait probablement été modernisé.
Donc cette chronique, ça fait bien des lunes que je la mastique
inconsciemment. Et autant dire que d’entraîner Olive là-dedans
pourrait se comparer aisément à la présentation d’une fiancée à des
parents inquisiteurs (même si, soit dit en passant, je ne connais pas
du tout le staff).
Si l’histoire raconte que plus d’une fois mes pieds foulèrent le lieu,
c’est parce qu’on y trouve arcades, babyfoot, billard, flippers (qui un
temps prenaient les jetons de la tête dans les nuages (1.-) pour des
thunes ! héhéhé), écran géant (dont l’image le jour de notre visite
était fort mal réglée), fléchettes et machines de jeu tactiles en tous
genres. Donc avec tout
ça, de quoi occuper un
homme de 7 à 77 ans !
D’ailleurs tous les âges
semblaient représentés.
Le Dunes maintenant,
on y va en famille ! Du
coup, ça remplit !
42
Mais c’est pas tout, les souvenirs vieux comme la moquette
des murs. Nous, on est là pour s’abreuver avant tout !
Assis au bar, nos Amstel de 25 cl. À 4.- en main (on
va mettre ce coût sur le compte de la facture S.I pour
toutes les arcades…) nous pûmes laisser vaquer notre
regard à droite à gauche. Moquette au mur sur laquelle il
suffirait de passer la main pour avoir une dose équivalant
à 6 paquets de clopes dans les pores, boule à facettes,
croissants sous plastique et colle forte estampillée des
logos toxiques que l’on connaît, trônant à côté des verres
de service… du lourd en somme !
Cela faisait bien longtemps que je n’étais revenu et quoi
de plus opportun comme prétexte que la Fin du Monde.
Je conclurais par : Silvano ! Ca fait 10 ans tout juste que
tu m’dois une partie de billard !
43
Le Galaxie
47, Rue de la Servette (quartier de la Servette)
La vitrine rappelait un salon de coiffure, une agence de voyage ou
un bureau de recrutement de raëliens; mais sûrement pas un bistrot.
Pourtant, un petit air de faux-coiffeur nous mît la puce à l’oreille:
nous entrâmes.
Soudain, l’ambiance chuta de 50 points sur l’échelle de Bozo (échelle
de mesure de l’ambiance festive): sur les 14 tables de l’établissement,
sans compter le bar, il n’y avait pas un seul client. Pourtant nous
étions dans un axe du quartier très fréquenté et exactement à l’heure
où les pères indignes abandonnent leur foyer pour aller boire; comme
le font les gazelles et les éléphants à proximité des points d’eau.
Seul le tenancier stagnait derrière le comptoir, la tête tournée vers
la petite télé murale qui diffusait un starship troopers ou un film du
genre, sur RTL9.
-Bonjour. Vous êtes ouverts?
-Quoi?
-Le bar est ouvert?
-Hein?
-C’est ouvert? On peut prendre une bière?
Pas de réponse. On nous amena néanmoins nos bières.
Il faut dire que le volume de la télévision répandait à merveille le doux
son des mitraillettes du futur; agrémenté par un étrange ronronnement
provenant de la salle arrière.
44
Pour couronner le tout, une forte odeur de pet ou d’œuf
pourri flottait dans l’air…ou de la table fraîchement
poutzée…ou des bières…ou d’autre chose. On a pas
réussi à le définir.
Après avoir avalé avec peine (pas facile de goûter
pleinement une bonne bière dans une odeur de pet) nos
Feldschlossen Hopfenperle à 3.20.- il nous fallut tester les
toilettes. Un bon Bar de la Fin du Monde a toujours des
toilettes immondes ou, tout au moins, rigolotes.
En entrant dans les commodités, on découvrit d’où venait
le ronronnement du début: une énorme climatisation
tournait à fond les manettes au dessus du trône; rappelant
étrangement le film de S.F du soir.
Nous n’avons pas attendu l’attaque des arachnides de
l’espace pour nous envoler vers d’autres aventures.
45
Le Baratin
3, Rue de Vermont (quartier de la Servette)
Devanture ? Standard ! Rideaux blancs, enseigne 1664, lumière
jaune. Bref ! Le troquet quoi ! On entre et là tiens, ça sort un peu du
commun ! Le bar est sur deux niveaux et, chose qu’était bien foutue
quand même, le bar dessert les deux. On remarque aussi une banque
réfrigérée qui doit servir pour un service de sandwicherie/charcuterie/
paninis la journée (et si ça avait été juste pour les paninis, un simple
frigo aurait suffit nan ?)
Ce qui est marrant avec ces visites, c’est qu’on est toujours accueilli
par le personnel comme s’ils étaient au courant du «machiavélique»
projet de les chroniquer. Ou ils sont tous inscrits à la guilde des
cafetiers paranoïaques ou nos têtes n’ont rien d’engageantes. Allez
savoir ! On faisait p’têtre tache sur le décor surchargé de fausses
fleurs, faux vitraux et fausse cheminée ou avec les joueurs accrocs de
défaites répétées au Tactilo© (ces machines qui permettent de perdre
sans avoir à gratter, c’est beau le progrès)
Bon on va essayer de s’intégrer, bières commandées et tite partie de
grattage pour nous aussi ! Il faut dire qu’on a dû vite trouver à s’occuper
vu la politique de sauvegarde des tubes cathodiques et de préservation
des membranes d’haut-parleurs menée dans l’établissement.
Est-t-il besoin de vous dire que nos deux tentatives de ruiner la loterie
romande et de voir une photo de nous affichée pendant au moins
deux ans contre le mur du bar ont été des échecs (bah oui, vu le
nombre d’échecs qu’il y a eu pendant les 25 min passées là, si un jour
quelqu’un gagne, c’est la consécration dans le bistro !)
Heureusement nos deux quarts de litre aussi standard qu’ils eussent
été, eurent tout de même l’effet salvateur que l’on connaît tous à une
bière pression ! Et ce même à 3.50 ! Aller ! Sans baratiner ! Ca donne
envie d’y aller hein !
46
Le Derby
9, Rue de la Canonnière (quartier de la Servette)
On croirait qu’on le fait exprès mais, bien (trop) souvent, on arrive
à la fermeture du rade… Donc ce coup-ci ça n’a pas manqué ! On
entre, demande si on peut vite fait se boire une bière et là, mise dans
l’ambiance de la part du patron :
«D’accord mais vous buvez debout. Et sur un pied: on ferme nous !»
D’emblée on sait que ça va être court mais intense ! On s’installe
donc à une des 6 tables de l’endroit, on reçoit nos 2 décis et demi de
Calanda respectifs et on admire. Le local paraît neuf, fraichement
panossé et est décoré de plusieurs de ces magnifiques tableaux à
touriste fait à la chaine qui représentent bien souvent la même barque
au bord de la même plage et qui par conséquent peuvent être vendu
sur à peu prêt n’importe quelle plage océanique.
Même si le bar s’apprêtait à fermer, restaient encore quatre clients (et
un chien) d’un gabarit genevois bien fini. Et nous pûmes donc profiter
du discours de Dédé, Alain, Juju et Pierre-Alain (sic) qui tinrent
(entres autres) ces quelques mots sur fond de quart d’heure Johnny
sur Option Musique:
« De bleu de bleu ! j’dis pas « chérie » à n’importe qui moi ! même
pas à ma fille ! »
En sortant, nous prîmes tout de même la peine de regarder les horraires
de l’établissement. Le panneau indiquait les heures d’ouverture
ET celles de fermeture (qui étaient les exactes opposées de celles
d’ouverture ! c’est pas beau ça ! Tant de logique ça vous remet un
homme en question !)
Au fait, il ferme à 21h…
47
Le Portail
40, Rue de la Servette (quartier de la Servette)
Quand on est chroniqueur de la Fin du Monde on ne se déplace pas
sans son appareil photo et sa fiche pour prendre les notes. Et de ce fait,
quand on fait exception on regrette toujours son manque de zèle.
Ce fut le cas pour Le Portail, où la vitrine arborait fièrement un
« Vendredi et samedi: Soirée dansante et pieds de porcs », qui a
malheureusement été enlevé à notre passage suivant.
Quoi qu’il en soit, ce bar mérite le détour; puisqu’il est situé le long de
la Rue de la Servette; rue qui permet d’interminables barathons, car
recelant de nombreux troquets.
La décoration, d’abord est plus intéressante: elle semble avoir été
directement importée d’un chalet de montagne du fin fond de la
Suisse…du bois partout, des décorations alpestres, une lumière
tamisée, etc. Le public déteint un peu, puisque -lors de notre passage
en tout cas- le bar était remplis comme il se doit de vieux philosophes
alcooliques, mais apparemment tous d’origine sud-africaine. Après
tout, si les étrangers fréquentent des Bars de la Fin du Monde décorés
en chalet suisses, c’est un bel exemple d’intégration réussie.
Comme dans tout bar qui se respecte, Le Portail possède une
télévision. Mais sur le coup, ce n’était ni les informations, ni le match
du soir qui passait; mais un reportage animalier. Sans le son, il est
vrai, mais ça mérite d’être souligné.
Au beau milieu de notre petite Amstel à 3.20.-, un écriteau corné et
enluminé d’un clipart attira notre attention « Vin du Patron : deux
francs ».
En bon chroniqueurs, nous nous sommes laissés tenter, mais le vitriol
« rayeur-de-cerveau, décapant-d’estomac » que l’on nous a servi a
suffit à nous faire fuir avant de commander une seconde tournée.
48
O Paraiso
42, Rue de Lyon (quartier de la Servette)
Lors d’un mémorable barathon, les chroniqueurs zélés que nous
sommes; accompagnés de notre clique de fidèles « alcoolytes », nous
sommes arrêtés dans ce qui semblait être au premier abbord une sorte
de melting-pot entre un restaurant lounge et un café portugais tout ce
qu’il y a de plus banal.
Nous n’avons pas été déçus, puisque l’accueil qui nous a été fait
restera dans nos mémoire et rappellera aux fans de « Easy Rider » la
scène du saloon.
Plutôt grand (un peu moins d’une quarantaine de chaises, à vue
de nez) et agrémenté de deux écrans géants diffusant le match
portugais du jour en V.O non sous-titré; le O Paraiso est même doté
d’une pseudo-terrasse. En fait, c’est des petites tables et des chaises
astucieusement posées contre la vitrine, orientée vers la Rue de Lyon
(la plus longue de la ville et par conséquent très fréquentée. Merci
pour les bronches).
Ce jour là, nous nous sommes plutôt décidés pour l’intérieur. Le troquet
était désert mais la musique prenait déjà une place considérable, il
s’agissait d’une sorte de techno basique comme celle des compiles
«tuning party» que l’on achète par paquets de dix dans les boui-bouis
spécialisés en articles tombés du camion.
Bref, nous sirotions nos Carlsberg à 3.50.- quand la patronne s’est
mise en tête d’augmenter le son de la chaîne hi-fi. Nous continuons
à parler entre nous, tandis qu’elle montait encore le volume; tout en
nous dévisageant d’un regard de défi, comme dans les concours de
décibels. Elle a continué ainsi jusqu’à ce que nous décidions de partir
et ce n’est que lorsque le dernier d’entre nous eut franchi le seuil
qu’elle remit le volume à un niveau supportable.
49
L’Espadon
1, Rue de la Faucille (quartier des Grottes)
Il y a des bars qui marquent à jamais des vies et des quartiers. On peut
par exemple citer la Sportive, qui est une institution findumondesque
à elle toute seul. Ces bars sont de tels requiems aux alcooliques qu’il
nous faut y retourner plusieurs fois pour parfaire la chronique.
Quand vous habitez aux Grottes, qu’il est tard et que la soif se fait
ressentir; il y a le choix entre plusieurs lieux de ce genre. On saluera
au passage le 10bis, un des derniers bars squats genevois, qui ne ferme
pas de toute la nuit. Celui du jour, c’est L’Espadon; excellent bar situé
dans un angle de rue, sur la place du quartier.
Que de souvenirs dans ce petit lieu (8 tables serrrrrrées – que de
promiscuité), que certains surnomment amicalement «La Morue», et
où il est toujours possible de boire une dernière tournée (une dernière
pis on y va…ou encore une après?) au son bigarré des vieux poivrots
râlant et éructant.
Certains soirs, après la tournée de 1664 à 3.60.- le verre, des clients
improvisent des «Jam Sessions» dans le plus pur style Free Jazz...
mais alors très très free, le jazz.
Café des Arts et Métiers
33 bis, Rue de Lyon (quartier de la Servette)
Au cours d’un barathon mémorable, le duo de joyeux drilles que nous
sommes est tombé sur la perle rare: Situé dans un quartier populaire
aux abords de la Gare Cornavin, la vitrine recouverte de guirlandes
faiblement clignotantes et de sapins en plastique blanc (nous étions en
période de fêtes) semblait se cacher dans le décors gris et sangloter
«pitié, n’entrez pas».
Téméraires, nous entrâmes.
Immédiatement, un père Noël biscornu et suspendu au milieu du
bric-à-brac se mit à jouer « Jingle Bells » d’un son aigu et lent (fin de
piles?) dans la plus pure tradition des décorations fabriquées par des
enfants enchaînés dans des caves thaïlandaises.
Presque simultanément, une odeur de fondue mêlée à celle de mobilier
rarement lavé et de vieilles personnes fâchées avec leur savon nous
montât aux narines.
La taulière, verre de vin blanc à la main, cigarette en bouche; nous
demanda, d’une moue rebutée, ce que nous désirions. Après avoir
servi une fondue à un des trois autres clients (ils mangeaient chacun
une fondue, seuls); et toujours la clope au bec, elle nous amena nos
deux bières pression.
En portant les verres à nos lèvres, nous sentîmes soudain nos sens se
mettre en alerte. Un peu comme quand, mal réveillé, on se sert un
grand verre d’eau de javel à la place du lait, le matin. Nous avalâmes
avec peine une première gorgée de ce qui fut la pire bière de notre
vie! Sous une apparence de Cardinal à 3.80.- (pas donnée pour le
quartier), nous découvrîmes une bière -je sens que certains vont
croire que nous exagérons- puante et remplie de grumeaux! Comme
si la tireuse avait moisi sur pied depuis belle lurette.
51
La radio fit résonner dans l’atmosphère « Roxane » de
The Police. En nous souvenant d’un vieux jeu à boire,
nous essayâmes de boire une gorgée à chaque « Roxane »
prononcé. Au milieu du verre, nous fûmes sauvés par un
changement brusque qui remplaça la radio par une vieille
cassette de Johnny Halliday.
L’estomac au bord des lèvres, nous profitâmes d’une
discussion entre la patronne et le cuisinier (sans doute
son mari – cheveux longs à l’arrière d’un crâne chauve
et visage rougeaud, habillé d’un costard démodé) pour
mélanger nos deux restes de bières et pour aller jeter
son contenu aux toilettes (qui, étonnamment, étaient
propres).
Nous avons continué notre barathon après nous être
arrêté deux fois pour tenter de vomir (nous n’y sommes
pas parvenu – les grumeaux bouchant notre gorge,
probablement). Au prochain troquet, nous avons dû
prendre deux Cocas pour
nous désintoxiquer avant
de recommencer nos
chroniques.
52
Je suis au regret de vous contredire sur l’appréc
iation de cet
endroit. Certes, il peut arriver aux meilleurs
d’entre nous de
tomber sur une vieille fin de fût.
En revanche, l’ambiance au CA&M sait touj
ours conserver
un certain niveau frôlant l’académique! Horm
is la collection
piquante pour les yeux de miroirs publicitaires,
certains vieux
piliers de bars, dont un qui se fait appeler le
“prof”, on peut
y croiser quelques délégations étrangères des
nations-unies,
les deux dalmatiens de “Babette”, la patronne
, avec lesquels
elle pratique assidument le “Dog-Dancing”,
sans parler de
ses états-d’âme sur sa vie sexuelle qu’elle n’hé
sitera pas à
vous faire partager!
J’oublie aussi de mentionner ses engueulades
(couinements?)
avec son mari (le patron), Bernard, son coup de
main généreux
sur le verre de chartreuse et l’immanquable
marathon de
raclette à gogo, un must de la maison. (...)
[ Ramequin de la Quiche ]
lièrement
Le meilleur bistrot de Genève!! (...) On y va régu
avec quelques personnes que je ne citerai pas…
:
Discution entendue entre le patron et la patronne
”
toi…
“Je sais même pas pourquoi je reste avec
r, il est
“C’est parceque tout les autres sont morts!!! Roge
mort, Robert, il est mort….”
d le vin du
Pour la bière je sais pas… généralement on pren
mois, a 12.- la bouteille…
[ Tenebras ]
53
Le Petit Bistro
37, Rue de la Servette (quartier de la Servette)
Le grand axe genevois maintenant libéré de ses bulldozers et de
nouveau doté d’un train urbain qui, somme toute, est bien pratique,
nous nous risquons donc à arpenter ses trottoirs. Quand on chronique
des bars de la fin du monde et que l’on tombe sur un établissement
nommé « Le Petit Bistro », on se méfie ! C’est un peu trop facile.
Ils doivent chercher à faire dans le findumondesque mais sont loin
d’avoir la marque de fabrique qu’on penserait…
Et bien non ! Ce Petit Bistro là était bel et bien estampillé Fin du
Monde ! Oui Môssieur !
Comme d’hab, des têtes dévisageantes à notre entrée. On finirait
presque à y prendre goût. On s’assied ? Ouais bin t’as le choix avec
l’énorme banc monobloc d’un bon 15m (cherchez pas, il n’y a pas de
« et… autre alternative »). C’en est si imposant qu’on en oublierait
presque de commander ! Non… tout de même !
Le doux son de rythmes latins et les fredonnements des quelques
piliers de bar garantis ibériques nous permirent de passer les
brèves minutes précédant l’arrivée de nos deux Feld Hopfenperle,
tout à fait respectablement servies en dose de 25cl. au prix
traditionnel de trois francs.
C’est le gosier allégé que l’on peut maintenant laisser vaquer notre
regard, enfin pas longtemps puisqu’un vendeur de camelote nous
assailli de guirlande de noël, de montres, de briquet-couteau à cran
d’arrêt, …dont un client s’emparra d’ailleurs discrètement pour le
mettre dans sa poche.
54
On eu tout de même le temps de remarquer une
impressionnante collection de briquets surplombant le bar
(le jour où elle fera le tour de la salle ça aura de la gueule)
un coucou, une liste de prix en windings (jdour
: 4.50.-) et ! Et ! Une horloge murale avec un panneau
« Attention, Heure d’été » ce qui était effectivement le
cas (nous y étions donc en décembre, d’où également le
chinois et ses guirlandes). Tant de composantes qui font
du lieu un bon bar de la Fin du Monde !
C’est donc le cœur revigoré que nous sortîmes nous
confronter au froid urbain passant le rideau de ce Petit
Bistro à qui le terme de pittoresque convient très bien.
55
Dhaka
58, Rue de Saint-Jean
Depuis des années qu’on rentrait d’un pas mal assuré
de l’Usine, en empruntant le Sentier du Ravin (c’est le
vrai nom de la « Montée du Seujet », comme quoi vous
aurez appris un truc aujourd’hui), on se disait, arrivant
en soufflant et crachant nos pauvres poumons de fumeurs
passifs en haut de la pente, donc, on se disait, je sens que
je perd le fil, oui, « marrante cette terrasse de bistrot au
premier étage, faudrait que j’aille faire un tour un jour ».
Et c’est ce qu’on a décidé de faire l’autre soir. Sauf que
l’affaire n’est pas si simple: une fois qu’on eut fait le tour
du pâté de maison nous nous sommes rendus compte qu’il
n’y avait pas d’entrée. Enfin, il y avais bien une boutique
de kebab et un fast food asiatique aux allures aussi
douteuses l’un que l’autre qui donnait sur la
rue; mais rien qui ne rappelle un bar. Dans le
doute, on entra dans le kebab, d’ailleurs vide
de client et de personnel, et nous découvrîmes
un escalier qui descendait à la cave, avec une table
et des chaises à l’horizon.
On croise un employé du kebab qui nous confirme qu’il
s’agit bien d’un bar au sous-sol, et nous prenons donc la
route du carnodzet. Et là, surprise, c’est aussi le sous-sol
du fast-food asiatique.
Ça alors.
56
Nous nous attendions à trouver un italien fumant le cigare
sous une lampe de billard, unique silhouette visible dans
le faisceau de lumière, au milieu d’un tas de billets, en
face d’une bouteille de Chianti. On voyait déjà deux
gangsters en costumes rayés, un chapeau penché sur un
œil, un étui à violon sous le bras, s’approchant de nous
sur un claquement de doigts et sortant d’incroyables
mitraillettes Thompson 1928, puis se jetant derrière le
bar pour échanger un duel digne des plus grand films
policiers en noir et blanc.
Il n’en fut rien.
Contrairement à ce que nous imaginions, nous ne
trouvâmes qu’un bar quasiment vide; tout ce qu’il y
avait de plus banal: une vingtaine de place, un écran plat
branché sur Eurosport et une compilation de hits des 80’s
en musique de fond. Bière Cardinal dans les prix normaux
(3.50.-) sans mauvaises surprises.
Nous l’élisons néanmoins Bar de La Fin du Monde et
« coup d’bol de la Rédaction » pour sa situation, et
aussi pour son ambiance, on va pas vous mentir, plutôt
glaciale.
- Dis don
c, entr
est pas c
ommode e parenthèses,
il
à trouve
là: ça fa
r ton co
it une p
in,
lombe q
ue j’tou
rne!
- La poli
ce tourn
e autour
depuis d
elle a ja
mais tro ix ans...
uvé, hé
[Les Ton
tons Flin hé.
geurs]
57
Chez Tomy
4, Rue du Contrat Social (quartier de St. Jean)
On nous avait dit « le quartier de St. Jean grouille de bars! ». C’est
faux: les seules arcades que l’on peut y trouver sont des tea-rooms et
des restaus. D’ailleurs, ils étaient tous fermés, ce dimanche-là, alors
que nous titubions sous la pluie avec la Tribune des Sports en guise
de parapluie.
On finit tout de même par trouver une porte ouverte: celle du caférestaurant « Chez Tomy ». On s’est donc assis en attendant nos Feld
Hopfenperle à 3.50.- La déco, tout de suite, nous frappa: un Elvis
sur le bar, entouré de bric-à-brac, et encadré dans une guirlande
clignottante semblait se dire « Mais qu’est-ce que je fous ici? » ou
encore « Ne soit pas cruel, bébé.»
Alors que le service du restaurant allait commencer, un groupe
de gens -probablement des amis des gérants- s’étaient mis en tête
d’accrocher un support mural pour télévision, juste là, maintenant, au
dessus des tables.
58
Ça aurait du être envoyé en 10 minutes, mais un point
du mode d’emploi ne devait pas être clair; puisqu’ils
n’avaient pas fait la moitié lorsque nous partîmes. « On la
met comment? Comme ça? » proposait l’un, en tenant un
bout du support à 45°, debout sur une table. « Mais non,
y a la lampe là. » rétorquait l’autre. C’est vrai que poser
côte à côte un écran plat et une lampe n’est peut être pas
une très bonne idée. Toujours est-il que le premier conclut
par un « De toute façon cette lampe n’a jamais vraiment
marché » (alors qu’elle était allumée).
Derrière eux, le mur du restaurant faisait dans le rustique:
une fourche en bois côtoyait des lampes old school et de
délicieuses faïences. Ça ne jurait quasiment pas avec
le coin bistrot qui était décoré de plaques émaillées
représentants des petits chiens et des pubs coca-cola,
au dessus d’un long rideau richement cousu et d’un petit
auvent en bois.
Comme c’était plus ou moins le seul débit de boisson
ouvert dans le coin, la salle se peuplait peu à peu d’une
étrange faune que nous décririons par «des sortes de
cailleras, mais vieux.» Casquettes, trainings, language
«ouaiche-ouaiche», pose décontracté dite «du mollusque»
et attitude sans-gène. Mais dans les trente, trente-cinq ans
quand même…ça devrait pas grandir.
Nous partîmes alors qu’ils commençaient à draguer la
serveuse qui devait bien avoir dix ans de plus qu’eux, en
achevant un paquet de chips grand format devant deux
verres de bières et de sirop de menthe.
59
Alors que nous passions la porte, la pluie battait le pavé
de plus belle.
Tea Room «La Fontaine»
21, Rue des Confessions (quartier de St. Jean)
Continuons nos péripéties à travers le quartier de St. Jean, sous la
pluie. Avant d’arriver au café-restaurant Chez Tomy, chroniqué
plus tôt, une arcade avait miraculeusement eu la folle idée de rester
ouverte. Nous pûmes donc y entrer pour nous réchauffer autour d’un
bon café.
Non, bien sûr on a pris des bières mais je dis ça de façon
allégorique.
C’était d’ailleurs une chance qu’il y ait eut de l’alcool dans cet
endroit, puisque l’enseigne promettait un tea-room, et que ce genre
d’établissements ne sont pas toujours friands de fumée, alcool, rires
gras et matches de foot comme on les aime.
Celui là faisait exception à la règle.
Le logo du tea room « La Fontaine » aurait pu être, chez des gens
manquants d’imaginations, une fontaine ou un jet d’eau quelconque;
mais la vitrine préférait ici le charme inattendu et élégant d’un
sympathique canard (non visible ci-dessous, malheureusement).
60
Immédiatement à côté de notre table, entre la machine à cigarettes surmontée
d’un fer à cheval rouillé et la porte des aisances, trônait une sorte de vestiaire
où pendent quelques habits et un grand nombre de cintres de divers tailles et
couleurs, agrémenté d’une pile considérable de caisses en plastiques. Au dessus
de nous, une télé éteinte semblait défier une de ses consœurs allumée et qui
diffusait une série américaine, probablement humoristique à la base, que nous
n’avons pu identifier.
On semblait être amateur d’art pictural dans le coin; puisque plus au fond, du
côté du zinc, un grand tableau représentant une femme nue faisait face à une
série de plus petits tableaux bleus décorés de coupures de journaux et de divers
paysages moches. Contre la vitre, et près des deux tactilos, quelques plantes,
fausses ou transgéniques mais qui ne disaient rien qui vaille, tenaient compagnie
à deux grands drapeaux du Portugal et de la Suisse.
Sur notre table, un vieux cendrier « Veuve Cliquot » qui aurait préférer finir sa
vie sur le chevet d’un hôtel de luxe semblait conter sa triste existence où, après
avoir été abandonné par ses propriétaires au bord d’un trottoir, il avait été réduit
à sucer des mégots pour survire avant d’être récupéré par un alcoolique qui lui
fit subir les derniers outrages fumants avant de l’échanger contre une bouteille
de mauvais vin rouge à un pucier malhonnête.
Comme nos deux verres de 1664 à 3 francs se vidaient sans broncher et que
nous étions sur le point de partir, nous n’avons eu le temps que d’entendre cette
merveilleuse bribe de conversation entre quelques clients qui, après avoir passé
rapidement les sujets des maths, de l’orthographe et de l’analyse étymologique
latine, tinrent les propos suivants:
61
«J’ai vu à la télé qu’en Espagne ya un endroit où ils ont installés tellement de
paraboles que c’est devenu une succursale de la NASA. Mais bien sûr ils font
que bosser des émigrés, alors c’est un bordel pas possible. (…)»
Merci, maîtres, pour ces informations primordiales.
Ailleurs...
Souvenirs de la fin du monde française.
Chez Annie ( Route Nevers, 58210 Courcelles – Nièvres)
Ça se passait en 2004, lors d’un fameux festival Punk à Clamecy. J’accompagnais
les Vaches Laitières et les Bouse Branlers pendant ce week-end de folie lourdement
alcoolisé et le samedi matin, nous décidâmes d’aller rallumer le sapin dans le
café le plus proche. Le seul troquet à des kilomètres à la ronde se trouvait le long
d’une longue route, aux abords d’un hypothétique marais boueux dans lequel
quelques punks bourrés avaient dûs malencontreusement finir le soir d’avant.
Nous entrâmes dans le café-restaurant « Chez Annie ». La patronne, maigre
comme un clou et décorée d’un élégant coquard nous accueilli d’une voix qui
laissait supposer une future trachéotomie. Un collègue demanda sans se douter
de rien où était le magasin de tabac le plus proche. On lui répondit « ...à 30
kilomètres vers là bas, ou alors à 30 kilomètres dans l’autre sens. »
Une fois installé, l’un de nous demande une chope de bière au patron. « On a que
de la pression. » répondit sèchement celui-ci. « Alors une chope de pression,
normale. » relança mon ami. Le patron, un mètre soixante de haut sur un mètre
vingt de large, habillé d’un training et doté de mains énormes couvertes de plaies
cicatrisantes (une des vitrines avait récemment volé en éclats), fit alors craquer
ses doigts et rétorqua en fronçant les sourcils « Est-ce que vous vous foutriez
pas un peu d’ma gueule, des fois? ». Nous commençâmes à compter nos dents,
quand la patronne nous apporta finalement la commande: café infect et bière
plus que douteuse.
Un piège à mouches couvert de cadavres d’insectes se balançait au dessus de
nous, le soleil se reflétait dans les coupes sportives
posées sur les meubles. Nous avons tout de même
réussi à prendre quelques photos à la sauvette, avant
de dégager sans demander nos restes.
62
Un joyau incontourn
able de la région, à
ne manquer sous au
Un cadre convivial
cun prétexte.
et chaleureux qui do
nn
ait l’impression de
dans Fargo ou le
se retrouver
lac des morts-vivan
ts (oui nous vous
l’attraction tourist
rappelons que
ique du coin est un
lac) Promizoulin !!
[ Le Dokteur ]
La Boule (305, Rue de la République, 73000 Chambery – Savoie)
Nous quittions le festival B.D de Chambéry et nous devions
trouver un endroit où épancher notre soif de vie et de bière. Ivan
et moi-même décidions d’entamer un petit barathon dans cette ville
tristement savoyarde. Comme les punks sont rares dans ces régions,
nous passons souvent pour des skinheads nazis et gagnons de ce fait
la sympathie des recrues du Front National qui travaillent dans les
différentes arcades commerciales de la ville. Mais ça, c’est une autre
histoire.
Nous avons donc fait le tour des kebabs du quartier beur où le match
de rugby du jour faisait craindre aux clients un peu trop typés une
ratonnade en cas de résultat décevant pour le clan français. Dans
certains cafés, des groupes de jeunes avaient déjà commencé a
s’échauffer à coup de poings dans le nez.
63
Nous trouvâmes finalement un bar tranquille dans un
coin de rue où un unique client accoudé au comptoir
descendait un alcool clair et douteux. Nous nous
assîmes à côté du flipper South Park (saison 1) et bûmes
nos bières. L’unique client finit par tourner les talons
en grommelant quelques mots au patron. Ce dernier,
sans un mot, sorti la bouteille sans étiquette de sous le
zinc et la déboucha dans un beau « plop » sonore. Le
client fit demi-tour et, sans sourcilier, revint s’asseoir en
soupirant; comme si toute la misère du monde reposait
sur ses épaules courbées.
L’Homme d’Armes (Au bord de la N7. À environ 8
Km de Cruas – Drôme)
64
Nous revenions de vacances. La voiture filait droit
sur la N7, nos ventres criaient famine et le restau
routier dans lequel j’avais mangé étant gamin avait
vraisemblablement été abandonné depuis des lustres.
Nous entrâmes dans une petite localité aux allures de
ville fantôme: déchets en tous genres le long des rues,
profondes flaques d’eau dans les trottoirs défoncés et
stores baissés à tous les étages. Une alarme retentissait
au loin et personne ne semblait décidé à la faire taire. Par
delà les maisons, à quelques kilomètres de là, la centrale
nucléaire de Cruas dominait le fleuve. Nous finîmes par
trouver un restaurant ouvert et nous y entrâmes. Avant
que nous pûmes faire un pas de plus, on se pressa pour
nous barrer le chemin: « On a plus de place et on sert
plus. » Une gigantesque paëla grésillait dans sa poële et
une vingtaine de chaises étaient libres.
Si on est p
as au bistr
ot pour dir
e des
conneries,
on va les d
ire où?
[J.-M Gour
io - Brèv
es de Com
ptoir (1988
)]
Gainsbourg, Renaud, «Rhinocéros» de
Ionesco, «Chez Francisque» de Larcenet,
le «Sli-Bar» de Coyote, la Joe Bar Team,
Cosmik Roger, les bandes de Raiser,
de Cabu, de Wolinski ou de Vuillemin,
Gourio, Bukowski, Cavanna... Combien
de grandes œuvres ont été puisées dans
les bistrots de quartier et leurs usagers?
T’as raison, mon vieux: les
vrais artistes, c’est nous!
Le Saloon
10, Place de l’Octroi (quartier de Carouge)
Le bar carougeois que l’on nous avait conseillé étant fermé, nous nous
sommes dirigés au hasard en direction du tram; quand Le Saloon à
pointé le bout de son nez, dans une rue avoisinante.
Beaucoup de place, des tables de billards français et américains,
des jeux d’arcades en tous genres et un long zinc nous entouraient.
Dans un coin, des baby-foot au dessous de flyers pour les tournois
internationaux aux murs, tremblaient sous les habiles coups d’un
couple de « pros », jouant en tenue adéquate (fringues de sports et
gants).
Plus près, deux gros balèzes (pas loin des deux mètres, une bonne
centaine de kilos chacun, à vue de pif) jouaient au Tactilo, séparés
du jeu de fléchettes par un rideau. Un tableau permettait de noter
les scores, dans deux colonnes estampillé « Home » et « Away »
(excellente erreur de traduction) surmontées d’un blason genevois où
un graphiste de génie avait remplacé la clé côtoyant le demi-poulet
par une fléchette.
Un grand panneau « consommation obligatoire pendant les matches
de foot » édulcorait légèrement une fresque « western », nom du lieu
oblige.
66
Alors que « Sex Bomb » de Tom Jones entamait son
deuxième couplet, nous finassâmes nos deux Heineken
à 3.70.Tandis que Mac se levait pour descendre aux toilettes, je
méditais sur les détails que nous avions relevés: en bref, un
bar rigolo mais pas exceptionnellement findumondesque.
C’est alors que Mac remonte le sourire aux lèvres et me
souffle en se rasseyant « nous avons un gagnant! ».
Comme c’est
L’autorisation pour les photos? Non?
père que la
dommage. Vu le niveau de certains, j’es
s y arrivez
fin du monde c’est pour bientôt. Si vou
fitez! Où il y
avant, n’attendez pas les autres, pro
plaisir.
du
a de la connerie, il y a sûrement
[ K. - Le Saloon ]
67
Curieux, je descends à mon tour et le spectacle rêvé de tout chroniqueur
se dévoile à mes yeux: une pièce aussi grande que le bar, à l’allure
de garage miteux faisait stagner en son sein un nombre incroyable de
détritus: chaises et tables renversées l’une sur l’autre, cadres de vélos,
pneus, meubles disloqués, sacs de sables éventrés, sceaux vides,
bâches en plastique roulées en boules, tréteaux, tas de sables, bris de
ciment, briques, poubelles pleines, planches de toutes tailles, etc.
Aux vécés, comme pour clore la chronique, un petit mot disait
«demander la clef au bar» sur la porte des filles; et sur la porte des
garçons «CATRINE 20 FR LA PIPE - DEMANDER LA CLEF AU
BAR». On a pas essayé de demander pour vérifier l’information.
68
Le Canoë
1, Quai du Cheval Blanc (quartier de Carouge)
Nous recevons régulièrement des messages, mails et SMS pour nous
conseiller d’aller visiter l’un ou l’autre bistrot. Celui du jour nous a
été décrit par un de nos fidèles lecteurs, Jean-Claude Bourré, comme
étant « super glauque ».
Ni une, ni deux; et puisque nous étions justement dans le quartier;
nous empruntâmes la route de ladite taverne.
Arrivés à quelques mètres de l’arcade nous fûmes fort déçus:
l’enseigne était éteinte. Nous passons devant, regardons par la
vitrine. Effectivement c’était fermé. En bons chroniqueurs, nous nous
penchons sur la porte pour regarder les horaires. Quelle ne fut pas
notre surprise quand nous découvrîmes un panneau « ouvert ». Nous
nous regardons mutuellement dans les yeux, l’air inquiet. Je pousse la
porte. Elle s’ouvre.
La carrure du tenancier rappelait à peu de chose prêt Boris Karloff
dans Frankenstein. Tout habillé en vert pâle, rappel typique des
chirurgiens de mauvais films d’horreurs.
Un silence proche des acouphène d’après-concert s’installe. Pourtant
une télévision branchée sur bluewin TV (dont le logo occupait un
bon tiers de l’image, il doit bien y avoir une touche qui permet de le
supprimer?) diffusait en quasi-sourdine une étrange émission appelée
« Falha Nossa » et qui, après une recherche sur google, se révèle
être une sorte de show brésilien à la vidéo-gag. Si vous passez par le
Brésil cet été, pensez à ne pas allumer la télé.
69
Pour vous décrire le mobilier du bar, je vous propose de vous
remémorer ces faux appartements, aménagés de façon la plus éthérée
qui soit, dans les magasins de meubles. Tout semble neuf, sent le
neuf, brille; mais n’a pas une bonne mine pour autant. Murs bleu
ciel, agrémentés de bandes bordeaux clair et plafond vert clair éclairé
au néon, enjolivés de ventilateurs dorés et d’installations anti-bruits.
Vous voyez ce genre de reliefs à caissons, comme ceux des garages?
Aucune idée de comment s’appellent ces trucs alors si un lecteur
fabriquant de plafonds nous lit…
La vitrine s’ornait d’un magnifique logo rappelant un peu les test de
Rorschach et représentant un magnifique….kayak. Comme quoi le
graphiste avait été peu soucieux de se renseigner sur les canoës.
On nous apporte deux 1664 à 3 balles (un bon point, ce qui nous
donne un total de un point pour l’instant, mais tout reste possible).
Les sous-bocks, par contre, étaient parmi les plus sales qui nous ait
été donnés de voir, à tel point que la photo était presque complètement
effacée par les taches et l’usure. Nous avons tenté d’en embarquer un
pour vous montrer; mais le patron a été plus rapide et s’en est saisi a
peine notre bière achevée. Peut être qu’on lui avait déjà fait le coup?
Ou alors c’était ses deux seuls sous-bock?
70
Tandis que Mac se saisissait d’un magazine pour attaquer un
passionnant article sur l’anorexie, photos de mannequins style Aushwitz
à l’appui; votre serviteur (Olive, donc) tournait négligemment la tête
pour regarder du côté du bar. Surprise: une tête de femme émergait
timidement de derrière le bar, et y redisparaîssait aussitôt sans un
bruit. Gasp. Après les affaires Fritzl, on peut vite se faire des mauvais
films. Nous n’avons pas posés de questions.
En sortant enfin du bar, c’est comme si le temps s’était arrêté. Nous
n’aurions pas pu dire si nous avions passés dix minutes, une demiheure, ou trois heures dans cette ambiance de mort.
Nous nous dirigeâmes aussi vite que possible vers notre cible suivante
qui s’annonçait du même tonneau, qui -heureusement pour notre
moral déjà bien en baisse- était fermé.
Photo: Jean-Claude Bourré
71
Café du Cinéma
36, Rue St. Joseph (quariter de Carouge)
Surnommé « l’asile » ou « l’hospice » par les habitants du quartier,
Le Café du Cinéma est une véritable légende findumondesque
carougeoise. Il était donc depuis longtemps ancré dans notre ligne
de mire.
Après avoir tourné du côté des bars de Plainpalais, nous attaquions
Carouge le baume au cœur et le foie en vadrouille, quand ledit
établissement se dressa devant nous.
L’antre était sombre et vide, décorée dans le plus pur style chalet
suisse et enjolivée par quelques éléments que nous ne tardâmes pas
à répertorier: tabourets dépareillés, écuelle pour chiens, drapeau
suisse, fausses poules miniature entourant des œufs, hotte antifumée au plafond, panneau rouge «Alain Rod, Luna Park», juke-box,
distributeur de cacahuètes et tactilo à écran plat. En face de nous,
une écharpe «Finale Playoffs servette/zurich» nous rappella les
bonnes histoires de Marcel, au Tacot Bar dont les lecteurs assidus se
souviendront.
On nous apporta nos deux Feld’ à 3 francs 30 et la radio entama un
vieux morceau de Johnny Halliday. La table du fond à laquelle nous
étions accoudés était décorée de noms gravés au couteau: Nadine et
Serge étaient ainsi liés pour l’eternité.
Un peu plus loin, au bar, la tireuse arborait deux autocollants: le
connu et souvent redouté sticker des Hell’s Angels ainsi que celui du
Mercenaries M.C qui avaient l’air plus sympathiques.
72
Sur ces entrefaites, trois clients,
la cinquantaine, qui zonaient en
terrasse, gros bides et chemises à
carreaux pour les deux premiers;
jupe courte, talons hauts et veste
en cuir pour la dernière, entrent dans le
café. Ils s’accoudent au zinc et entament ce dialogue
d’anthologie:
Un des gars, sortant un maillot de bain du sac de la fille:
- T’as vu ça? Dans ces bureaux, ça fout rien et ça prend
un maillot au cas où y aurait encore plusse moyen de
rien foutre.
L’autre gars, saisissant l’opportunité de faire une bonne
blague:
- C’est çui de ta fille? T’aurais pu enlever les poils!
Le premier, reprenant la balle au bond:
- …et ton gros cul y rentre là dedans?
Et ainsi de suite. La fille se contentant de tenter de fermer
son perf’ et les deux zigotos riants joyeusement.
En partant aux toilettes, l’un
de nous ne put s’empêcher
de voir le miroir Heineken
au nom du bar, côtoyant
l’affiche géante du 24eme
festival des yodleurs.
73
Respect les mecs.
Le Pompadour
22, Rue du Prieuré (quartier des Pâquis)
Un petit tour sur Wikipédia vous apprendra que Jeanne-Antoinette
Lenormant d’Etiolles née Poisson, Marquise de Pompadour, fut une
favorite célèbre du roi de France et de Navarre Louis XV, née le 29
décembre 1721 à Paris et morte le 15 avril 1764 à Versailles.
C’est aussi le nom d’un bar situé aux Pâquis, un peu éloigné des sex
shops et des kebabs qui font la gloire et la réputation du quartier.
La déco Ikéa sentant le neuf nous fit immédiatement comprendre
que l’arcade venait d’être rachetée. Des morceaux de contreplaqué
estampillés Duropal, posés la tête en bas, cachaient de façon
incongrue les radiateurs et un nombre remarquable de prises secteur
et de prises téléphoniques qui témoignaient probablement d’une
utilisation posthume de l’espace comme cybercafé ou comme bureau
de trucs-qu’on-fait-avec-des-ordis.
Une petite surélévation qu’on ne pourrait nommer duplex, peu
éclairée et peu avenante, nous faisait face. Les clients qui avaient
tenté l’expérience d’y monter semblaient voûtés sur leurs verres tant
le plafond était bas. Une sorte de demi-étage. Ceux qui ont vu « Dans
la peau de John Malkovitch » auront reconnu la référence.
Un écran géant et un projecteur dormaient paisiblement au plafond,
mais un certain nombre de coupes, fanions et ballons de foot-lampions
témoignaient d’un attrait pour les matches, qui sont probablement
projetés durant les longues soirées de championnat.
74
Sur le bar, un Ez-Maxx connu comme « le premier jeu de mérite tactile LCD »
semblait tenir tête à tout les Tactilo qui fleurissent habituellement dans ce genre
d’endroits. Mais comme par vengeance, deux de ces bornes se sont dévoilées à
notre regard, dès le tournant menant aux W.C. Dans les aisances elles-mêmes,
un poster vantait le dernier album de « Papoune D. Beck » (si quelqu’un à une
info sur ce chanteur, on est preneur).
Une musique pop-africaine nous berçait, quand deux policiers (des agents
municipaux, en fait) débarquèrent dans le troquet sans même ôter leurs casquettes.
Un spasme de stress me fit renverser le verre de Feld’ à 3.50.- sur l’ami Mac sans
nulle autre procès.
Finalement, ils ne cherchèrent pas de noises et se contentèrent d’un café. Ils ne
bronchèrent même pas lorsque la serveuse remarqua des moustaches daliennes
que j’avais malicieusement dessiné sur le billet de banque que je lui tendait.
En sortant, un panneau défaitiste “Swiss Lotto - à gagner: 0 million(s)” apporta
le dernier détail qui manquait au potentiel findumondesque de l’endroit.
75
Le Baril
18, Rue Buttini (quartier des Pâquis)
Nous étions toute une bande, batifolants en plein barathon à la Rue de
Lausanne quand une enseigne attira notre attention.
Le bar était tout en longueur, on se serait difficilement assis autour
d’une table, d’autant que la seule grande était occupée. On se posa
donc au zinc et commandâmes une tournée de Carlsberg à trois
francs cinquante l’unité.
Le patron, d’un sourire partiellement édenté, nous appris qu’il n’avait
plus de verres propres. Il lança donc une machine et nous fit patienter
en servant à l’un d’entre nous une bière dans le seul verre qui avait
échappé à la règle.
Au bout de quelques minutes (lavage, séchage et tirage du nectar)
nous trinquions à la santé de la Fin du Monde, tandis que quelques
étranges peaux surnageaient dans mon verre. Je ne peux pas parler
pour les autres, mais mes efforts pour les enlever se révélèrent
inefficaces.
L’amménagement était plutôt rustique: baril incrusté dans le mur et
décoré de fausse vignes, tables dont les pieds étaient remplacés par
un tonneau, drapeaux, écran plat et tout le tintouin habituel.
Devant nous s’étalait un micmac de
verres, bouteilles, ustensiles divers, petits
bibelots et une collection de sauces maggi
et d’aromat. Un peu plus loin, un essaim
de moucherons se régalaient des miasmes
de l’évier.
De temps en temps, un courant d’air
provenant des toilettes pouvaient laisser
penser que des problèmes d’égouts
sévissaient depuis peu dans les lieux.
Une fois les hiéroglyphes de la quittance
déchiffrés et la tournée réglée, nous
sortîmes dans le crépuscule naissant
et partîmes vers l’horizon biscornu
dessinant la silhouette des Pâquis.
77
Shoot’s Café
5, Rue de Neuchâtel (quartier des Pâquis)
On sortait du Parfum de Beyrouth, un des meilleur kebab de Genève,
la bouche pleine de sauce à l’ail, et l’envie de bière et de chronique
nous titillait déjà l’esprit.
En tournant un peu, après avoir traversé les rues chaudes, nous
tombâmes sur une authentique rue de la Fin du Monde: quasiment un
sans faute tout au long du barathon!
Le premier bar semblait désert, voir abandoné. Les rideaux jaunes ne
nous permettant pas de voir à l’intérieur; nous poussâmes la porte.
Aussitôt, un cri d’enfant se fit entendre: lui avait-on coincé le doigt
dans la charnière? Apparemment pas. C’était simplement deux enfants
qui s’amusaient devant la télé, assis sur le sol du restaurant vide.
L’autre côté de l’établissement, la «vraie» entrée s’ouvrait sur
une terrasse accueillante. L’intérieur, par contre était plus froid.
Mur en pierre, néons délavés, quelques jeux d’écrans tactiles peu
enthousiasmants, tableau en relief portugais. Sur le bar, un décapsuleur
en forme de capsule de Super Bock géante illuminais le zinc par son
goût si sûr. C’est d’ailleurs deux bouteilles de cette fameuse bière
portugaise que l’on nous servit, pour la modique somme de trois
francs.
Deux télés mal rêglées diffusaient la daube habituelle -clips de biatch
qui se déhanchent sur des voitures de sport d’un côté et match de foot
de l’autre- qui dégoulinait, allégoriquement parlant, sur les clients du
troquet.
78
Autour de nous, deux panneaux indiquaient à six reprises
« Non fumeur » en deux langues. Ce qui faisait en tout,
bougez pas que je calcule, six fois deux panneaux fois
deux langues…vingt-quatre rappels de la nouvelle loi en
vigueur.
Nous sommes repartis comme nous étions venus. Dans
la salle du restaurant, un ventilateur à la Chuck Norris
faisait onduler les nappes.
A la télé, un présentateur demandait à deux joueurs quel
était le fond d’écran le plus utilisé au bureau.
Avant de partir, nous remarquâmes sur le mur du fond un
dernier panneau « Non fumeur » cette fois plus discret et
à un seul exemplaire.
79
Maaa
< http://partiegratuite.aminus3.com/ >
Au bar, la grande dame entame un titre
phare, un truc bien classique comme il faut,
une valse. Je n’y suis pour rien si les paroles
correctes de la chanson poussent toutes seules dans
ma tête. J’aimerai bien avoir oublié et sourire comme tous ces abrutis,
seulement c’est un réflexe qui me vient d’au fond. De là où on ne
change rien. De la bas tout au fond du chapiteau planté au bout du
stade. Là où ça sent la frite et la transpiration sous un brouhaha à
s’en faire fondre les tympans. Là où dans trop peu de temps, comme
chaque année, papa, maman et les autres grands entameront une
danse des canards à en faire trembler les murs de la mairie.
Nous sommes serrés au bout d’une table de municipalité comme il en
existe des milliers. J’explique mes griefs contre l’accordéon à Olive
en attendant que la partie officielle de la fête commence. Des cloches.
Des cors. Un discours. Je trépigne d’impatience. Pour les autres,
c’est la coutume. L’habitude. Et finalement une habitude annuelle
bienvenue. On se remet tous de la corvée de la fête nationale, si c’en
était une. On finit par être un peu nostalgiques. Même si quelques
détails peuvent parfois être un peu désagréables.
Moi ici, je trouve tout agréable. Il y a des gens partout, des vieux des
jeunes, de la soupe et du vin, un va et vient infernal et une conseillère
d’état qui mange sur une nappe blanche à 4 mètres de nous et de nos
saucisses de veau. Sur le podium, une chorale typique qui en fait
grincer certains (le truc des paroles qui poussent toute seule dans la
tête) et qui me rempli de curiosité et d’intérêt. Et puis des messieurs
énormes tous déguisés passent avec des cloches entre les rangs. Une
tablée de gens âgés au bobs couleur suisse s’agite de bon coeur et se
félicite d’être là.
80
Les enfants tapent dans leurs mains. La pluie s’est arrêtée et bientôt,
dehors, madame la Conseillère
fédérale fera
fera partir
partir lele feu
feu d’artifice.
d’artifice.
conseillère fédérale
Plus tard, pendant les feux justement, disséminés dans le champ
boueux, alors que les fumées remplissent l’air humide, que les fusées
explosent en teintant l’air, on
on se
se croit
croit un
unpeu
peuen
enpleine
pleineFin
fin du Monde...
monde...
Une Fin
de monde
Monde dont
dont lele chapiteau
chapiteau abriterait
abriterait le
le bar principal, où à
fin de
cette heure-ci, certains
encorepresque
presque debout,
debout, loin
loin de la
certains se
se tiennent
tienne encore
foule, abrités des bombes dans cette odeur d’herbe piétinée. A finir
les verres dans des restes de fierté nationale.
il y a un petit goût de ma fête nationale et de toutes les autres dans
chaque petit bar évoqué dans cet ouvrage. Un petit goût de vieux, un
genre de truc nostalgique qui fait repenser à ces fêtes d’avant où l’on
retourne toujours
Comme
ceux
que l’onen
y croisait
en
toujours.aujourd’hui.
Comme si ceux
que sil’on
y croisait
entrant au
entrant
au hasard
boire
autable
coinavaient
d’une table
avaient
échoué
hasard boire
un verre
au un
coinverre
d’une
échoué
là entre
deux
là
1erque
août.
Celles
que l’on
a parfois
où
1erentre
août.deux
Celles
l’on
a parfois
subies
et les subies
autres et
oùles
l’onautres
est allé
l’on
allé avec le sourire.
avecest
le sourire.
81
Philippe D. Eliopoulos
< http://www.eliopoulos.ch >
Ça faisait une bonne heure que nous attendions le grand Elio et ses
histoires à la terrasse du Palais des Bières des Accacias. On le vit
finalement débarquer a l’horizon, silhouette massive, cigare aux lèvres
et déjà bien entamé au whisky. « Je me suis fait offrir un cigare par un
vieux porc qui veut ouvrir un club échangiste. C’est mon anniversaire
aujourd’hui. »
Après avoir passé commande de la tournée de canettes, nous lui
demandâmes, à propos d’anniversaire, s’il pouvait nous raconter celui
de ses 22 ans.
Ça se passait au Café des Arts et Métiers, où nous allions
souvent à l’époque, en mille-neuf-cent houlala nonantecinq je crois. Ça n’était pas un vrai anniversaire, en fait.
Je ne fêtais rien ce jour là, mais mes amis que je peux
dénoncer (Matisse et Dada) l’avaient fait croire aux
clients du bar pour se marrer.
Une vieille pochtronne habillée en pull informe Vögele et
avec des schlapps aux pieds vient vers moi et me dit:
«C’est ton anniv’ mon p’tit? Hé bin faut que j’t’embrasse.»
Elle sourit, dévoilant ses deux canines uniques et ajoute
«J’te mets la langue, tiens!». Surpris,
je réponds «Ahaaah?» et sans
m’accorder plus de temps, elle me
roule une pelle bien baveuse.
82
Immédiatement, son mari se lève et vient vers nous.
Quatre-vingt ans, tout rouge, énorme, bukowskien. Il
gueule en riant à sa femme «Sale pute je suis sûr que tu
mouilles quand tu roules des pelles au jeune!».
Joignant le geste à la parole, il lui met la main au sac et
enchaîne: «Dedieu, tu mouilles, salope!» et se tournant
vers moi d’un air complice il ajoute «Tu devrais aimer la
bite avec elle: c’est une chaude.»
J’en ai encore honte.
Après ça, il a enchaîné sur les « petites amphores », surnom donné
aux prostituées mexicaines d’un mètre vingt sans cou qui sévissent
dans les bars de Madrid; où il avait passé de fort bons moments en
compagnie du célèbre Friederich. Mais on vous garde cette histoire
pour une prochaine fois.
83
Devesa
79, Rue des Eaux-Vives (quariter des Eaux-Vives)
Parfois le chroniqueur sort en solo, ou même avec son amoureuse.
Mais même dans ces moments-là, son instinct le pousse vers des bars
de la Fin du Monde. Ce soir-là ce fut la morosité qui m’accueillit en
son sein.
J’attendais donc ma chère et tendre autour d’une Hopfenperle à 3.30.
C’était pas loin de 20h30, le ciel s’assombrissait et les voitures se
transformaient en traînées lumineuses. Il faisait froid.
Le troquet dans lequel je siégeais était désert, hormis le tenancier
et une femme d’âge mûr, que j’imaginais être son épouse, lisant le
journal. Un vieil homme, debout sur la terrasse, hésita a rentrer. Puis
disparu.
La salle principale se divisait en deux: une partie allumée contenant
des tables et une éteinte avec un nécessaire à paninis et petite
restauration. Une arrière-salle vide et obscure conduisait à un bureau
ouvert et aux toilettes, coincées dans un angle sombre. La lumière
n’était apparemment pas amie du décorateur des lieux.
Au mur, au-dessus d’une plante verte, l’écriteau « pas de vente d’alcool
aux mineurs » était contenu dans une fourre fripée et jaunie. La radio
entama une version live de « J’ai demandé à la lune » qui manqua de
m’arracher une larme.
84
Dix fois de suite, un moucheron se posa sur le rebord de
mon verre. Je le chassais d’un geste de la main, mais il
revenait a la chasse. Saleté de bête.
Je terminais un chapitre d’un roman de John Fante qui
me tenait compagnie, quand ma copine entra. Elle s’assit,
commanda une bière et je ne pus m’empêcher de lui
chuchoter « c’est la foire à la déprime ici! ». Apparemment,
je chuchotais un peu fort, puisque le taulier me jeta un
regard par dessus l’épaule qui me fit l’effet d’un coup de
poing dans le dos.
Alors qu’une amie nous rejoignait, le patron nous prévint
que le bar fermait. Il était 21h, un samedi soir. Nous
avalâmes nos bières et sortîmes. En claquant, derrière
nous, la porte semblait gémir une dernière fois avant de
sombrer dans l’oubli.
85
Café de La Poste
7, Rue de Chêne Bougeries (Chêne)
On terminait un tour de repérage des Bars de la Fin du Monde chênois
qui avait été fort constructif et pour finir en beauté, nous entrâmes
dans le Café de La Poste, un nom prometteur.
En bons cancres, nous nous rangeâmes contre le poële. Nous
préférâmes penser que cette odeur typique de celles qui stagnent dans
les EMS provenait du carburant de chauffage.
Une tournée de Super Bock en bouteilles à 3.- plus tard (des Heineken
et des Sagres étaient disponibles également), nous nous mîmes à
noter quelques détails pour la chronique: trophées sportifs marqués
par les âges, têtes à coiffer en plastique contre le bar, cuisine non-stop
(spécialités portugaises), écharpes de foot (dont une rose) au mur,
contre la télé.
86
Mais le clou du spectacle résidait dans la fresque
humoristique qui occupait une bonne partie du mur. De
gauche à droite: un blason genevois avec une bonne femme
posée dessus jupe relevée et bouteille à la main, un pépé
à casquette et clope accompagné par son chien, pissants
tous deux dans un lac de montagne avec l’inscription
«ne buvez jamais d’eau», un fromage dégoulinant dans
un caquelon formant le mot «fondue», une vigneronne
vaudoise contre son drapeau, deux alpinistes bourrés sur
un mont enneigé, un couple de montagnards admirant un
chalet et dont la fille porte un petit short rouge et un tshirt moulant, le Cervin avec un soleil rigolo qui guigne
derrière et enfin, un pseudo-Bacchus nu sur un tonneau
volant sur fond de blason valaisan.
Quand on accroche un tel joyau de l’art brut traditionnel
au mur de son établissement, on peut définitivement faire
une croix sur une futur clientèle branchée. Et c’est bien
pour ça que nous aimons les bars populaires.
87
Cléo Club
35, Rte de Chênes Bougerie
(...nous dit la carte de visite. Les glands ne trouvant que difficilement germe dans
le quartier, il n’y a qu’un seul Chêne là-bas et donc cederait volontier son ‘S’ aux
bougeries)
Toujours dans la série de nos expéditions qui vous sont maintenant
bien connues à Chêne, sortant d’un monument findumondesque,
nous ne pûmes en rester là et dûmes aller « s’en boire une tite der’ »
comme on dit. Le Cléo, déjà connu d’Olive sembla être l’appanache
de la virée.
Même si nous employons surement plus souvent le mot « Club »
pour parler des dernières nouvelles de sport en voiturette que pour
désigner nos lieux de débauche (probablement à cause du prix de
la bière qui s’y pratique), ce club, bar à champagne, bar à fille ou
appellez le comme vous voudrez valait son pesant de peanuts (qui
n’aurait pas été de refut d’ailleurs).
C’est sur un décors typé « Pub » tamisé à l’extreme avec des touches
dédiées au Xamax et pas beaucoup de monde (quelques filles, une
serveuse et apparement le patron et son cigare au fond) que l’on
tomba la porte du Cléo poussée ce soir là. Mais fit de la foule, nous
nous instalâmes pour passer notre commande habituelle. Les deux
Warteck que l’on nous a apportées furent une très bonne surprise et
cette bâloise (distribuée par Feld) mériterait de l’être plus (distribuée
donc!). Surtout à 3.50 dans un établissement de standing comme celui
ci. Sur quoi peuvent-ils gratter pour la sortir à ce prix?
Mais qu’est-ce qu’une bonne bière sans bonne compagnie? Elle ne
tarda pas à venir d’elle même, formée de deux charmantes africaines
qui venaient completer à merveille le tableau. L’une d’elle engeaga
imédiatement la conversation sur son nouveau piercing à la lèvre, qui
« s’était méchammant infecté mais là ca va mieux ».
88
Les plus au fait du marketing d’entre vous admettrons que pour (se)
vendre, meilleure entrée en matière, y a pas! Une chose en amenant
une autre, ces demoiselles commencent à avoir soif (bah oui) et
nous le font savoir. En pleine période de fêtes (et pour avoir de quoi
alimenter la chronique) et à 3.50 la binche, je me dis que je pourrais
faire péter! Malheureusement ces dâmes sont condamnées à ne boire
que du champagne (20.- le verre, 45.- la mini-teille).
Du coup c’est seuls que nous terminâmes nos bières. Mais en moins
de temps qu’il nous fallu à le faire, le bar retrouva ses habitués
(connaissants les noms des filles, attaquant de suite aux tites bulles,
etc.) et l’on pu brêvement imaginer la lueur de jeunesse que nous
dûmes apporter aux filles…
Le temps d’aller aux toilettes, en bas à côté du “club privé”, de payer
et remarquer la pub placardée ventant photos des soirées sur le site
internet du lieu que nous voilà déjà au froid repartis pour d’autres
aventures.
89
Photos: http://cleo-club.kazeo.com
Café de la Fontaine
27, Rue de Chêne-Bougeries (Chêne)
Catherine, une fidèle lectrice, nous le réclamait dans un des derniers
commentaires. On ne comptait pas l’oublier, tant ce bar marque de sa
présence la vie Chêne-Bourgeoise. On y est même retournés plusieurs
fois, pour ne pas en manquer une miette: ça n’aurait pas été la peine,
depuis le temps que plus rien n’y bouge ça n’allait pas changer en
deux semaines.
On est d’office mis dans l’ambiance lorsque Germaine alias « Gros
nénés » nous lance un regard mi-complice mi-suspicieux depuis
sa petite chaise en bois d’où elle observe la minuscule télé coincée
dans un coin du troquet derrière les plantes vertes et le sapin de Noël
grandement décoré, accompagnée de ses chats.
90
Deux cardinal à 3.80 plus tard (ouch!) nous goûtons aux
lents chaos du tram qui se ressent jusque dans les pieds
de la table.
On est vite submergé par la décoration omniprésente
mêlant juke-box et flipper démembré et remplis de pots de
fleurs, albums photos de Germaine, miroir du légendaire
groupe CC/CC dont certains membres sont bien connus
de nos services; et images aussi diverses que variées
cachant tant bien que mal le ton jaune pisse des murs.
Ah ben ouais, bien sûr, ce
lui-ci c’est la
perle. bon, il était encore
mieux quand
il y avait encore le poële
à charbon.
[ Zizi ]
91
On peut rejoindre les commodités préhistoriques après s’être cognés
deux ou trois fois dans l’obscurité du couloir qui passe par les
cuisines.
Germaine nous a autorisé à prendre quelques photos de la déco bien
que ce soit « plein de ch’ni ».
Lorsqu’elle s’en ira au panthéon des tenancières, la rédaction (qui
a adoré) souhaite de tout cœur que cet établissement soit classé
monument historique.
92
93
Bonus cachés:
Retourner au Menu Principal
• Les clients de La Sportive en général, et plus particulièrement: le
vieux en chaise roulante couvert de café qui insulte la serveuse, les
analystes politiques «Mais on est plus chez nous!» et les jeteurs de
verres d’eau dans le dos.
• Gégé à l’Espadon qui raconte son ablation d’une dégénéréssence à
la vessie avec démonstration.
• Un vieux, s’adressant à un jeune déprimé au Café des Forces
Motrices: «Mais pourquoi tu fais la gueule?» «Mon meilleur ami s’est
suicidé hier.» «Ooh bin ça, ça arrive. Faut plus y penser. Tiens, tu
connais la blague du mec qui veut se pendre?»
• Les crusts de l’Escobar s’amusant à soulever un junkie endormi
avec une poulie.
• Un pochard défonçant les tables du Café de La Fontaine à coup de
hache, quand j’étais gamin.
• L’instructeur de l’Armée Suisse paniqué me demandant comment
j’avais fait pour partir boire des bières au nez et à la barbe du
surveillant de caserne.
94
• Les bancs reservés, au Tiki (St. Jean)
• Un habitué du Café de La Sarine qui déscend boire sa bière en
peignoire et pantoufles.
• Le New Puppet’s: premier bar «bi-gout» (moitié vert, moitié rouge)
des
itiquer le gagne-pain
cr
de
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an
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re
co
en
ou
s
ot
tr
aiment ces bi
. (...)
use que l’on y trouve
l’ambiance chaleure
[ Hagen ]
95
Générique de fin
...du monde?
Pour leurs interventions graphiques ou lyriques: Maa, Sacha, Alex,
Kalonji, Neio, Jean-Claude Bourré, François Boucher et Philippe D.
Eliopoulos.
Pour leurs commentaires: Jeanmi, Ramequin de la Quiche, Julie,
Tenebras, le Dokteur, K. du Saloon, Favre, Teleute, Rafabaf, Zizi,
Hagen et tout les internautes que nous n’avons pas pu publier dans le
livre. Merci et gros bizoux à PorCus pour l’hébergement du site.
Spéciale dédicace à J-mo, Mattia et Louisa.
A tous les bistrots qui ont participé sans le savoir à l’édification
de cet ouvrage: merci à vous d’exister!
Mac remercie:
Jesus d’être mort pour ses potes, la grosse dame de la cantine, Tim
Berners-Lee pour le wouawouawoua, les mésopotamiens pour cette
erreur qui devint bière, Mike le gros, son égo, tous ses potes, copine,
amis et camarades de boisson.
Olive remercie:
En global: ses amis passés présents et futurs, ses parents et ses
compagnons de comptoirs. En détail: Capucine, Stef’, Lord Nethra,
Margrit, Gasore, Ivan De La Puce, Malin, Les Fous du Crayon, Red
Crow Tattoo, le Moloko, le Café Gervaise, tout Darksite, Dugogh,
le Pogo Parti Suisse, les rédactions du Consensus Impossible et du
Zombie Libéré, les frites du Luna Park de Plainpal’, Les pastilles
Migros au Plantain, les chanteuses de Nouvelle Vague, Georges
Brassens, Jacques Brel et le Grand Hank Chinaski.
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