Picasso-cubisme-clas..

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Picasso : du Cubisme au Classicisme
Du Cubisme, Picasso disait : « Le Cubisme s’est maintenu dans les limites de la peinture sans jamais prétendre aller
au-delà. Le Cubisme comprend et utilise le dessin, la composition et la couleur dans le même esprit et de la même
manière que toutes les autres écoles. Nos sujets sont peut-être différents, car nous avons introduit dans la peinture des
objets et des formes qu’elle ignorait autrefois. Nous avons gardé les yeux- et le cerveau- ouverts sur notre
environnement. Nous donnons à la forme et à la couleur toute leur signification individuelle pour autant que nous
puissions la voir ; dans nos sujets, nous gardons la joie de la découverte, le plaisir de l’inattendu ; notre sujet lui-même
doit être une source d’intérêt. Mais à quoi bon dire ce que nous faisons quand tout un chacun peut le voir s’il le
souhaite ? » (Marius de Zayas, « Picasso speaks », The Arts, New York, mai 1923).
Le cubisme synthétique, caractérisé par l’emploi des chiffres et des lettres au pochoir, des collages y compris le papier
collé, des assemblages de matériaux divers pour la sculpture permettant l’apparition de plans larges plus lisibles et
signant la réapparition de la couleur se poursuit en 1913, notamment à Céret ou Picasso et Eva Gouel séjournent au
printemps. Picasso commence une nouvelle série de papiers collés dont certains plus lisibles, Paysage de Céret ou Maisons
à Céret, Paris, musée Picasso. Il apprend la mort de son père le 3 mai et quitte Céret pour retrouver les siens à
Barcelone dont il partage la douleur.
Un jeune peintre espagnol arrivé à Paris en 1906 va également travailler à Céret. Il s’agit de Juan Grís (1887-1927),
familier de Picasso (Hommage à Picasso, début 1912, Chicago, Art Institute) mais fréquentant également les artistes du
Groupe de Puteaux (les frères Duchamp, Marcel Duchamp, Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon, et Frantisek
Kupka avec lesquels il a exposé au salon de la Section d’Or, en octobre 1912. Il pratique un cubisme très raffiné,
harmonieux dont la pureté de formes, essentiellement des natures mortes, se fait l’écho de celle que l’on peut
rencontrer dans les toiles de Francisco de Zurbarán peintes au 17ème siècle, le fameux Siècle d’Or espagnol. L’élégance
de sa peinture, moins rude que celle de Braque et de Picasso est un fait marquant de la 3ème phase du Cubisme. Il est
exagéré de parler d’affrontement, mais il y a une confrontation des idées et des formes avec Picasso qui en tire les
conséquences dans le Joueur de cartes, hiver 1913-1914, New York, The Museum of Modern Art.
L’œuvre est plus élaborée que celles de Juan Grís, on y note l’introduction du noir et l’usage du pointillisme dans la
zone centrale. Cette volonté décorative, échappant à l’orthodoxie cubiste, ouvre une période nouvelle dont l’esprit se
manifeste dans Violon, pipe, verre et bouteille de Bass, printemps 1914, Philadelphia Museum of Arts. Si la touche
pointilliste lui avait permis de se réapproprier son Verre d’absinthe, 1914, objet qui s’était dérobé à lui par le tirage en
bronze, elle a ici un effet contraire, celui de la dissolution des objets au sein de la toile, signant un discret retour à
l’illusionnisme.
A la mi-juin 1914, Eva et Picasso quittent Paris pour Avignon où ils logent au Grand Nouvel Hôtel, rue Molière, avant
de dénicher au bout d’une huitaine de jours, une maison au 14, rue Saint-Bernard. Braque, de son côté, séjourne avec
son épouse, Marcelle, à Sorgues jusqu’à la mobilisation générale. Au cours de cet été, Picasso peint le Portrait de jeune
fille, Paris, musée national d’art moderne, dans une dominante de vert saturé correspondant au sentiment de joie qui
l’habite. Au même moment, il réalise une œuvre plus classique, Le Peintre et son modèle, peinture sur torchon de cuisine,
Paris, musée Picasso, dans laquelle le peintre, Picasso lui-même, réfléchit à la peinture, incarnée par le nu d’Eva.
L’unité colorée du Portrait de jeune fille répond à celle que nous pouvons remarquer dans La Fenêtre bleue de Matisse, New
York, The Museum of Modern Art. Le tableau de Matisse peint durant l’été 1913 fut acquis à l’automne suivant
(octobre ou décembre) par le collectionneur allemand Karl Osthaus. On sait que Matisse et Picasso se sont vus fin août
ou début septembre 1913, donc Picasso a vu l’œuvre de Matisse dans son atelier et a pu en reprendre le principe.
Un nouvel emprunt à Matisse se manifeste dans l’Arlequin de 1915, New York, The Museum of Modern Art. Arlequin
réapparaît dans l’œuvre de Picasso au moment du drame que représente l’agonie d’Eva Gouel dans une clinique
d’Auteuil, 57, boulevard de Montmorency. Elle y meurt le 14 décembre 1915. Début décembre 1915, Picasso a écrit à
Gertrude Stein : « Ma vie est un enfer. Eva a toujours été malade et chaque jour plus et maintenant elle est dans une
maison de santé depuis déjà un mois. Je ne travaille presque plus et je passe la moitié du temps dans le métropolitain ».
Le 8 janvier 1916, il lui écrit : « Ma pauvre Eva est morte ? Ça a été une grande douleur pour moi…Elle a toujours été
si bonne pour moi ». L’arlequin est grimaçant de douleur en effet, il tient une toile vierge où l’on peut reconnaître le
profil du peintre, l’œuvre est un faire-part de deuil, mais elle doit beaucoup à Poissons rouges et palette de Matisse, hiver
1914-1915, New York, The Museum of Modern Art, qui doit beaucoup au Cubisme…par l’emploi de ces plans larges
ressemblant à des papiers collés. Le tableau de Matisse fut présentée à la galerie Bernheim-Jeune les 25 et 26 mai 1915
et vendue au marchand Léonce Rosenberg. Picasso le vit, bien sût. Quelques mois plus tard, Matisse découvrit
l’Arlequin de Picasso à la galerie de Léonce Rosenberg, L’Esprit moderne. Rosenberg avait acheté l’œuvre de Picasso
en novembre et le 25 de ce même mois, il écrivit à Picasso pour lui faire part des réactions de Matisse devant sa
toile : « Après avoir vu et revu votre tableau, il a reconnu honnêtement qu’il était supérieur à tout ce que vous aviez
fait et que c’était l’œuvre qu’il préférait à toutes celles que vous aviez créées », mais Matisse conclut en exprimant le
sentiment que « ses poissons rouges vous ont conduit à l’Arlequin ».
En 1915, Picasso ressent plus fortement l’envie de revenir au dessin et à la ligne, sous l’inspiration d’Ingres, le Portrait
d’Ambroise Vollard, août 1915, New York, The Metropolitan Museum of Art. Durant cette période, la vie est difficile à
Paris, Picasso est relativement isolé puisque ses amis sont presque tous au front, et c’est dans ce climat d’absence qu’il
fait la rencontre de Jean Cocteau en décembre 1915 (Amedeo Modigliani, Portrait de Jean Cocteau, 1916-1917, New
York, The Henry and Rose Pearlman Foundation) que lui présente Edgar Varèse, un ancien du Bateau-Lavoir. Dans
l’ouvrage qu’il consacra à Picasso en 1923, Cocteau se souvient : « La frise du Parthénon ornait l’escalier de
l’immeuble où j’ai connu Picasso, rue Schœlcher. Avec quelle hâte, le cœur battant, je grimpais les marches, sans
accorder un œil à ce bas-relief ! Là-haut (en sens inverse) je n’aimais guère mieux les statues nègres, mais bien l’emploi
de leur bizarrerie par le moins bizarre des civilisés. Il y en avait par terre, un bric à bac, que Picasso élevait lentement
à la dignité de servir ».
Cocteau emmène Picasso dans un autre monde: « Ce qui me regarde c’est Picasso décorateur de théâtre. Je l’ai
entraîné là. Son entourage ne voulait pas croire qu’il me suivrait. Une dictature pesait sur Montmartre et
Montparnasse. On traversait la période austère du cubisme. Les objets qui peuvent tenir sur une table de café, la
guitare espagnole, étaient les seuls plaisirs permis. Peindre un décor surtout aux Ballets russes (cette jeunesse dévote
ignorait Stravinsky) c’était un crime…Le pire fut que nous dûmes rejoindre Serge de Diaghilev à Rome et que le code
cubiste interdisait tout autre voyage que celui du NORD-SUD entre la place des Abbesses et le boulevard Raspail.
Voyage sans ombre malgré l’absence de Satie…Nous vivions, nous respirions…Nous fîmes Parade dans un café de
Rome…Nous nous promenions au clair de lune avec les danseuses, nous visitâmes Naples et Pompéi ». L’aventure des
Ballets russes commençait.

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