amedeo modigliani - Saint

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amedeo modigliani - Saint
Tête de femme, 1915, Milan, Pinacothèque de Brera, Milan
AMEDEO MODIGLIANI
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AMEDEO MODIGLIANI
3 Juillet au 18 Octobre
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
L’Annonciade
Musée de Saint-Tropez
Place Grammont-83990 Saint-Tropez
tél : 33 (0)4 94 17 84 10
fax : 33 (0)4 94 97 87 24
[email protected]
Commissariat :
Jean-Paul Monery
Conservateur en chef
Horaires :
ouvert tous les jours en juillet/Août
et sauf le mardi à partir du 1er septembre
de 10h à 12h30 et de 14h à 19h
Prix d’entrée :
(musée et exposition)
plein tarif : 5,00 €,
tarif réduit : 3,00 €
Publication :
catalogue, éd. Ville de Saint-Tropez
150 pages, planches couleurs.
Contacts :
Jean-Paul Monery
Claire Vachon
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Amedeo Modigliani
Much revered by the public, Modigliani is largely exhibited on the rails of prestigious Art
collectors as well as on those of prevailing Museums of the World. Modigliani remains one of the most
sought after artists.
Since he died very young, the amount of his work is scant, and loans often unobtainable, hence the
difficulty of paying homage to the Master of Leghorn.
However the works on show in this Exhibition enhance the various aspects of the work of Modigliani.
The Exhibition is also based upon his invaluable drawings which show the essential features of
Modigliani.
His graphic works, although often pushed in the background, are as brilliant and talented as those by
Matisse or Picasso, they are paramount to the understanding of his plastic work and will therefore be put
in the limelight here.
It is only after many attempts in various fields, that Modigliani found his own style,
Physically diminished, he had to renounce sculpturing, much to his despair, he then tried other styles
before reaching a sad and dark sided form of Impressionism.
His art, atypical for his time, is fraught with Italian, Impressionist, Fauvist, Cubist and primitive Art
leads.
The works on show enable visitors to capture all the paths and influences which opened onto a unique
style faraway from the world and its daily hassles.
This Exhibition together with its Catalogue, will enable the public to discover: not the handsome, copy
cat artist, full of cliches from his Italian homeland, driven by alcohol, drugs and love affairs, but a
genuinely exceptional painter, whose search for the profound part in the models of the works he painted,
showed his longing for attachment rather than influence.
The Catalogue is there to show that Modigliani 's concerns were similar to those of the artists belonging
to the Parisian Avant-Garde of those days.
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Amedeo Modigliani
Aimé du public pour sa légende, Modigliani est aujourd’hui encore un des artistes les plus recherchés et même
s’il figure en bonne place dans les plus prestigieux musées du monde, son œuvre est rare et les prêts souvent
impossibles, d’où la difficulté pour rendre hommage au maître de Livourne.
Toutefois les 45 peintures et dessins présentés dans cette exposition permettent de montrer les différentes
facettes de l’œuvre de Modigliani. L’exposition s’appuie également sur l’ensemble rare des dessins qui montre
l’un des aspects essentiels de Modigliani. Son œuvre graphique, brillant, aussi virtuose que Matisse ou Picasso,
souvent relégué au second plan et pourtant si indispensable à la compréhension de son travail plastique, sera
ici à l’honneur.
C’est après plusieurs essais dans des domaines différents que Modigliani commence seulement à trouver son
propre style.
Physiquement trop fragile, il doit abandonner, à son grand désespoir la sculpture pour s’essayer à d’autres
styles avant d’atteindre une forme d’expressionnisme sombre et triste.
Un art atypique pour son époque, empreint de références italiennes mais aussi impressionniste, fauve, cubiste
et art primitif.
Les œuvres présentées, permettent de saisir tous les passages, tous les emprunts pour s’ouvrir sur un style
unique hors du monde et des contingences quotidiennes. Sa singularité est d’avoir connu et fréquenté tous les
artistes de son temps – Picasso, Brancusi, Derain, Braque, Vlaminck, Soutine, Utrillo pour ne citer qu’eux –
sans jamais chercher à mettre en œuvre avec eux, ou en référence à l’un d’entre eux, une approche ou une de
ces réflexions créatives à l’origine desquelles se rattachent tous les mouvements de l’histoire de l’art du
XXeme siècle.
Cette exposition, grâce au catalogue qui l’accompagne permettra au public de découvrir non plus un artiste
suiveur, beau peintre, pleins de références à l’Italie sa terre natale, ne vivant que dans l’alcool, la drogue et
l’amour, mais un vrai peintre d’exception, en quête d’une intériorité des êtres pour chacune de ses œuvres et
en quête de références plutôt que sous influence.
Le catalogue doit permettre de constater que les préoccupations de Modigliani sont identiques à celles de
tous les artistes de l’avant-garde parisienne de l’époque.
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Amedeo Modigliani
Vieles von der Öffentlichkeit verehrt, Modigliani ist weitgehend von der Spitzen Kunstsammler sowie auf die
von den vorherrschenden Museen der Welt ausgestellt. Modigliani bleibt eine der gefragtesten Künstler.
Da er sehr früh gestorben ist, die Menge seiner Arbeit ist knapp und der Verleih von seiner Arbeit steht oft
nicht zur Verfügung , deswegen ist es schwierig Meister von Livorno zu ehren. Jedoch die Werke in dieser
Ausstellung erhöhen der verschiedenen Aspekte der Arbeit von Modigliani.
Die Ausstellung ist auch auf seine wertvolle Zeichnungen, die die wesentlichen Merkmale von Modigliani
zeigen, basiert.
Seine graphischen Arbeiten, die auch oft in den Hintergrund gedrängt wurden, sind genau so genial und
talentiert wie die von Matisse oder Picasso, sie sind der höchste Punkt seiner plastischen Arbeit und wird hier
im Rampenlicht gestellt.
Es ist erst nach vielen Versuchen in verschiedenen Bereichen, dass Modigliani seinen eigenen Stil gefunden
hat, körperlich eingeschränkt musste er von Skulptur verzichten. Mit Verzweiflung, versuchte er andere
Stile, bevor er einen traurigen und dunklen Seiten von der Impressionismus erreicht hat.
Seine Kunst; untypisch für seine Zeit; ist von italienischem Impressionismus, Fauvismus, Kubismus, und
primitiv Kunst Künstlern beeinflusst worden.
Die ausgestellten Werke ermöglichen den Besuchern, alle Wege und Einflüsse zu zeigen, die auf einen
einzigartigen Stil eröffnet sind, weit weg von der Welt und ihre täglichen Schwierigkeiten zu erfassen.
Diese Ausstellung zusammen mit ihrem Katalog bringt das Publikum zu entdecken; nicht den schönen, copy
cat Künstler, voll von Klischees aus seiner italienischen Heimat, von Alkohol, Drogen und Liebschaften
getrieben; sondern ein wirklich außergewöhnlicher Maler, dessen Suche nach dem tiefen Teil in den
Modellen der Werke er malte, zeigte seine Sehnsucht nach Verbindung, lieber als zu Einfluss.
Der Katalog ist zu zeigen, dass die Bedenken von Modigliani, ähnlich zu andere Künstler der Pariser AvantGarde Szene waren.
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Anthologie
Jacques Lassaigne , introduction in Cent tableaux de Modigliani, Galerie Charpentier, Paris, 1958.
(…) il ne cesse de dessiner, fortifiant la ligne pour lui faire contenir les formes qu’il a appris ainsi à dégager.
Les premières toiles qu’il expose aux Indépendants s’inspirent de ces inflexions caractéristiques, mais il faut
attendre quelques années pour que cette évolution aille à son terme et pour que Modigliani réussisse à
exprimer dans les deux dimensions du tableau cette prééminence des volumes. Il y parvient en donnant à la
ligne un rôle constructif déterminant. Celle-ci n’est pas l’arabesque qui distribue ou borne la couleur comme
chez Matisse, ni le signe expressif en lui-même comme chez Dufy, mais une sorte de cordon nourricier qui
détermine la profondeur, répartit les masses et amène au premier plan des images de chair qui s’ouvrent
comme des fleurs. Cet épanouissement de la ligne se réalise d’abord dans les Cariatides aquarellées qui
constituent une des transitions les plus curieuses entre la sculpture et la peinture. Et vers 1915 Modigliani
atteint presque d’un seul coup sa plénitude et sa maturité de peintre.
Quatre années de production intensive lui suffiront pour accomplir une œuvre qui ne pouvait guère
aller plus loin. Le fait qu’elle comporte seulement des portraits et des nus marque un choix et non une limite.
Si les poses sont presque toujours les mêmes dans leur fixité, si le décor s’efface dans une espèce de neutralité
et de grisaille, c’est pour mieux hausser le sujet et l’offrir à notre contemplation. Rien ne s’interpose plus entre
le spectateur et la création de l’artiste, rien, pas même le modèle, bientôt oublié et dont ne subsiste que l’idée.
N’est-ce pas à travers les images multiples le même masque méditatif qui se révèle à nous, légèrement penché,
laissant filtrer par deux fentes uniformément bleues, vertes ou noires, un regard d’autre monde ? N’est-ce pas
le même corps horizontalement jeté en travers de la vie ?
Visage et corps, Modigliani ne se contente pas de leurs apparences ; il leur donne une chair, uns
structure qu’il créé et où s’exprime cet idéal de beauté primitive et raffinée à la fois qu’il s’est forgé en
interrogeant les maîtres italiens et les mosaïques de Byzance. Ses couleurs ne sont jamais imitatives ; il a
recours à de larges plans d’ocre, d’orange, de terre rougeâtre et brûlée qui sont à l’opposé des fragiles et
passagères palpitations de la vie.
Cette œuvre essentiellement inspirée par l’amour et le sentiment de fraternité s’éloigne à mesure
qu’elle se développe de toute sensualité et de toute complaisance. Le jeu des formes, de plus en plus
complexe, à mesure qu’il est plus désintéressé, devient d’une extraordinaire virtuosité. Dans ses derniers
portraits, Modigliani résiste cependant à la tentation du maniérisme : son œuvre reste jusqu’à son terme sans
faiblesse, ses créatures paraissant seulement s’incliner à la fin vers la grâce et la légèreté des ombres (…).
Noël Alexandre, « Souvenirs de Paul Alexandre » in, Modigliani inconnu, Fonds Mercator, Albin
Michel, Paris, 1983.
« Modigliani charmait dès l’abord. Faisant confiance à l’inconnu qu’on lui présentait, il se montrait sans
masque, sans paravent, sans réticences. Il avait quelque chose de fier dans l’attitude, et une poignée de main
loyale. Modigliani, c’était « une noblesse excédée » pour reprendre une expression de Baudelaire qui lui va à
merveille. Tout de suite j’ai été frappé par son talent extraordinaire et j’ai voulu faire quelque chose pour lui.
Je lui ai acheté des dessins et des toiles, mais j’étais son seul acheteur et je n’étais pas riche. Je l’ai introduit
dans ma famille. Il avait déjà enracinée en lui, la certitude de sa propre valeur. Il savait qu’il était un initiateur,
pas un épigone, mais il n’avait encore aucune commande. Je lui ai fait faire le portrait de mon père, de mon
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frère Jean et plusieurs portraits de moi. Sa mère lui envoyait presque chaque mois de petites sommes d’argent,
mais à part cela il ne voulait vivre que de son art. D’autres artistes pauvres, Brancusi et les autres , se faisaient
de l’argent à l’occasion en faisant la plonge dans les restaurants, en allant sur les quais en débardeurs ou bien
en s’astreignant à cirer des parquets ou à faire les lits dans les hôtels. Pour Modigliani, il n’en était pas
question. C’était un aristocrate né. Il en avait l’allure, il en avait les goûts. Ce fut l’un des paradoxes de sa vie :
aimant la richesse, le luxe, les beaux vêtements, la largesse, il a vécu dans la pauvreté, sinon dans la misère.
C’est qu’il avait pour son art une passion exclusive. Pas question d’abandonner même un instant pour des
tâches sordides à ses yeux ce qui faisait sa raison d’être. Il était très indépendant. Il aimait être seul avec moi
ou avec l’un ou l’autre de ses amis : Czobel, de Souza Cardoso (qui travaillait dans un atelier relativement
luxueux, et qui a publié un album de vingt dessins où l’influence des conceptions de Modigliani est visible) ou
encore Max Jacob, ce poète alchimiste qui excitera son goût pour la magie et pour l’occultisme que l’on
trouve dans les signes cabalistiques de quelques uns de ses dessins. Tout comme Max Jacob, Modigliani fut
un grand amateur de correspondances mystérieuses. Si différent qu’il fût de Brancusi, j’ai eu l’intuition que
dans leur art ils étaient faits pour se comprendre. Plus tard c’est Brancusi qui lui trouvera son atelier de la rue
Falguière et qui l’aidera à préparer son exposition. Ils n’ont jamais travaillé dans le même atelier, par
indépendance et aussi par manque de place, mais ils se voyaient souvent et partageaient volontiers le pain.
Brancusi était nettement plus âgé que Modigliani. A l’époque il n’était pas plus connu que lui et il était aussi
pauvre mais il s’organisait mieux. Il est faux de croire que l’un des deux ait pu être le maître de l’autre. Ils
étaient très différents, mais l’un et l’autre avaient en commun d’être totalement désintéressé et obstinés dans
leurs recherches. Et surtout l’un et l’autre croyaient profondément que la vie et l’art ont un sens. Tout comme
Drouart, Brancusi pratiquait aussi bien le modelage que la taille directe. Quand Modiglaini s’est mis à la
sculpture, Brancusi et Drouart lui ont donné en « professionnels » qu’ils étaient, des conseils techniques pour
le choix des matériaux et pour la taille comme le font les artistes entre eux.
« Modigliani avait le goût du risque. Il pensait qu’il ne faut pas avoir peur de jouer sa vie pour l’agrandir. Avec
une âpre intolérance pour la vie médiocre, il y avait chez lui une prétention aux privilèges des princes. Tout
cela aussi était très séduisant. J’ai compris que nos plaisanteries du samedi soir au Delta n’étaient pas pour lui,
que cela n’était pas son monde. Pourtant il occupait au Delta une place prépondérante : par ma volonté et par
celle de mon frère Jean, les murs furent bientôt décorés uniquement de ses œuvres, ce qui n’allait pas sans
susciter quelques jalousies. (…)
« Ne vivre que de son art, quand personne ne s’intéressait à ses œuvres, le condamnait à la misère d’autant
plus qu’il était généreux et totalement imprévoyant : dès qu’il avait de l’argent, il le dépensait aussitôt. Alors il
avait des passages difficiles. Criblé de dettes, n’ayant pas à manger, ne réglant ni son loyer, ni son restaurant,
ni ses couleurs, il essayait vainement de payer avec ses dessins et il se faisait entretenir par ses maîtresses.
Quoique petit (il mesurait moins de 1,60 m) il était très beau et il avait tous les succès avec les femmes. En
dépit de cette pauvreté sporadique, il vivait libre et il était rarement malade. Encore une fois, il était persuadé
qu’un jour viendrait où il serait reconnu à sa vraie valeur et que son art s’imposerait.
« Avec Modigliani nous ne parlions pas seulement de peinture, bien entendu, mais aussi de poésie, de
littérature, de tout. Nous parlions du sens philosophique de la vie. Il me parlait souvent de son Italie natale
qu’il incarnait en quelque sorte par toutes les fibres de sa culture et de son être. Il était très attaché à sa mère
qui lui avait appris le français et avait toujours sur lui une photographie d’elle. Il ne s’intéressait guère à la
politique et n’a jamais été socialiste. Il aimait d’Annunzio et il m’a donné un exemplaire des poèmes qu’il avait
rapporté d’Italie. Il était vraiment cultivé (…).
Lorsque je ne travaillais pas, j’allais le prendre à son atelier et nous nous promenions ensemble, allant
d’exposition en exposition. Nous nous arrêtions chez Dewanbez devant un tableau de Boutet de Monvel qui
représentait un repas de chasseurs élégants, où chez Bernheim, autrefois au coin des boulevards et de la rue
Richepanse. Chez Bernheim nous avons vu l’exposition Cézanne où nous revenions chaque jour.
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A ce propos une anecdote me revient sur sa mémoire visuelle qui était extraordinaire : une fois, à mon grand
étonnement, il dessina de mémoire et d’un seul coup l’Adolescent au gilet rouge de Cézanne. C’était au milieu de
la nuit … Chez Vollard, dans la boutique de la rue Lafitte, nous examinions silencieusement une série de
Picasso en bleu. Nous allions aussi chez Kahnweiler, rue Vignon : j’y revois encore Modi tout absorbé devant
une petite aquarelle étrange de Picasso représentant de jeunes sapins verdissant au milieu de blocs de glace
transparente. Après le dîner nous montions à Montparnasse rendre visite au vieux Douanier Rousseau. Il y
avait foule car on parlait de son Tigre dans la jungle exposé au Salon et Modi me tirait par la manche pour que je
regarde son tableau La Noce qui l’enchantait… Il admirait aussi les sculptures en bronze de Nadelman.
« Modigliani s’intéressait à tout et comprenait tout. Les impressionnistes, par exemple, même si sa recherche
personnelle était toute autre. Il était bienveillant, sans nulle trace d’envie ni de dénigrement pour les
contemporains qui, eux, ne daignaient pas jeter un regard sur son œuvre. (…)
« L’art de Modigliani est une re-création, mais toujours à partir d’une vue directe de la nature. Rien ou presque
rien dans son œuvre qui n’ait pour point de départ une sensation visuelle intense. La ressemblance est
admirable du premier coup. Dans les académies de dessin, il « attrape » le modèle avec une précision et une
perfection admirable. Il a pour but acharné de simplifier mais pour atteindre l’essentiel. Contrairement à la
plupart des artistes contemporains, il s’intéresse à l’être profond et ses portraits sont des caractères. Ce n’est
pas le cas de Cézanne. C’est pourquoi La Juive, mes premiers portraits, Le joueur de violoncelle, Le mendiant de
Livourne ou le Portrait de Drouart ne sont pas des Cézanne, en dépit de l’apparence qui a bien souvent trompé
les critiques, mais ce sont des Modigliani de premier ordre. Toute sa vie il a cherché la même chose, c’est ce
que montrent ses dessins. Telle idée qu’on aurait cru datée de la fin de sa vie se trouvait déjà en germe dans
les dessins exécutés dix ans plus tôt. Modigliani, c’est la poursuite d’une même idée qui doit atteindre son
degré d’intensité pour entrer dans la vie de l’art. Cette idée, il ne renonçait jamais à l’effort de la manifester
intégralement.
« Dans ses dessins il y a une invention, une simplification et une purification de la forme. C’est pourquoi l’art
nègre était fait pour le séduire. Modigliani a reconstruit à sa manière les lignes de la figure humaine en les
enserrant dans les canons négroïdes. Il s’amusait de toutes les tentatives de simplification des lignes et s’y
intéressait pour sa recherche personnelle. Je me souviens qu’il s’arrêtait chez moi, Place Clichy, pour admirer
ces images coloriées naïves que vendaient des Arabes et qui reproduisaient indéfiniment le même paysage : un
petit pont entre deux montagnes. C’est cette recherche de simplification dans le dessin qui l’enchantait aussi
dans certains tableaux du Douanier Rousseau ou dans les figures des baraques de foire de Czobel.
« Ses grandes créations d’avant-guerre ont été longuement méditées et mûries. Il s’en délivrait ensuite dans un
chef-d’œuvre. L’intensité de son attention aux formes et aux couleurs était extraordinaire. Quand une figure
hantait son esprit, il dessinait fiévreusement avec une rapidité inouïe, ne retouchant pas, recommençant dans
une soirée dix fois le même dessin à la clarté d’une bougie, jusqu’à ce qu’il ait obtenu le contour désiré dans
un jet qui le satisfasse. D’où la pureté et la fraîcheur incomparable de ses plus beaux dessins.
« Il sculptait de la même manière : il dessinait longtemps, puis attaquait directement le bloc. Si quelque erreur
survenait, il reprenait un autre bloc et recommençait. Le travail de dégrossissement le meurtrissait et
l’exaspérait. Il rêvait de pouvoir payer un ouvrier pour dégrossir ses blocs. Il a renoncé à la sculpture à cause
de la trop grande fatigue physique de la taille directe. Dans toute sa vie, il a sculpté un peu plus de vingt
figures. Presque toutes en réalité sont la même statue constamment recommencée en vue d’une forme
définitive qu’il n’a, je crois, jamais atteinte. Il n’abandonnait jamais une idée. Mais une œuvre finie, si elle était
réussie, le laissait bien vite indifférent. Il passait tout de suite à une autre …
« Beaucoup plus que dans les racontars que l’on a débité sur lui, le vrai visage de Modigliani est dans son
œuvre. Qui sait voir ses portraits de femme, d’adolescents, d’amis et tous les autres, y trouve l’homme avec sa
sensibilité exquise, sa tendresse, sa fierté, sa passion de la vérité, sa pureté. Le style de Modigliani peut paraître
facile à imiter, mais ce n’est qu’une apparence. Chaque portrait est le résultat d’une profonde méditation
devant le modèle.
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Noël Alexandre , « Modigliani et le dessin », in Modigliani inconnu, Fonds Mercator, Albin
Michel, Paris, 1983.
Dans ses souvenirs, Paul Alexandre a insisté sur la passion du dessin qui habitait Modigliani. A cette passion,
ce dernier a sacrifié bien-être et repos, persuadé qu’il avait une mission à accomplir. Son obstination d’artiste
était à la hauteur de la conscience qu’il avait de lui-même et de la destinée à laquelle il se sentait appelé.
Conscience précoce et qui n’a jamais été remise en doute. Dès 1901 (il a dix sept ans), il écrit à son ami
Ghiglia : « je suis riche et fécond de germes et j’ai besoin de l’œuvre » ; il se sent créé pour « cette vie intense et
cette joie » (ce sont ses propres termes) ; il sait qu’une vocation si forte, à laquelle il restera obstinément fidèle,
fait de lui un homme à part : « Nous autres, écrit-il, avons des droits différents des gens normaux, car nous
avons des besoins différents qui nous mettent au-dessus de leur morale … Ton devoir réel est de sauver ton
rêve ».
(…) Dans toute son œuvre, Modigliani apparaît comme un poète, un visionnaire d’une exceptionnelle
attention à la personnalité d’autrui et à la forme qu’il recherche. A l’unisson de sa vision à la fois onirique et
lucide, ses cariatides, ses têtes mais aussi ses portraits déforment et transforment le modèle. Et ce faisant, il
obtient une ressemblance inattendue, miraculeuse, à l’opposé du superficiel, ressemblance qui peut paraître au
premier abord déconcertante mais qui révèle en réalité une aventure nouvelle, une expérience plus ou moins
réussie à ses propres yeux et qui prépare la suivante : il s’agit d’aller chercher au plus profond de soi la ligne
essentielle qui fait le vrai dessin. Cela n’est pas facile ; mais une fois l’effort abouti, la main peut tracer d’un
trait, sans repentir, cette ligne parfaite qui donne un chef-d’œuvre.
(…) Cité Falguière, Modigliani s’adonne à la sculpture. Dans ses Mémoires, publiés en russe à la fin de sa vie, la
poétesse se souvient et son témoignage, d’une grande finesse psychologique, corrobore celui de Paul
Alexandre : « Tout le divin de Modigliani n’étincelait qu’à travers une sorte de ténèbre ; il ne ressemblait à
personne en ce monde. Je l’ai connu indigent ; on ne comprenait pas de quoi il vivait. Comme artiste, il
n’avait pas l’ombre d’une reconnaissance (…) Il me semblait entouré par le cercle dense de la solitude (…) Il
travaillait dans la petite cour, le long de son atelier, du sol au plafond, étaient couverts de portrait
incroyablement allongés (…) A cette époque, Modigliani errait en Egypte : il me menait au Louvre regarder le
département égyptien, affirmant que tout le reste ne méritait pas l’attention. Il dessinait ma tête dans l’apparat
d’une reine et danseuse égyptienne et semblait entièrement captivé par le grand art d’Egypte (…) Il disait :
« les bijoux doivent être sauvages » à propos de mes colliers africains, et il me dessinait avec eux (…) Il disait
que les constitutions féminines qui valent la peine d’être sculptées et peintes semblent toujours maladroites
lorsqu’elles sont habillées (…) Je fus stupéfaite parce qu’il trouvait beau un homme notoirement laid et
soutenait son point de vue avec conviction : sans doute voyait-il tout autrement que nous. Il ne m’a pas
dessinée d’après nature mais une fois rentré chez lui. Ces dessins, il me les a donnés ; il y en avait seize ; il m’a
demandé de les encadrer sous verre et de les suspendre dans ma chambre de Tsarkoié-Selo. Ils ont péri dans
ma maison de Tsarkoié-Selo dans la première année de la révolution.
Modigliani, réformé, reste à Paris. Il a trente ans, il ne sait pas qu’il n’a plus que cinq années à vivre. Il a déjà
produit la totalité de son œuvre de sculpteur, interrompue durant l’été 1913, au moment où il pensait
atteindre « la plénitude », l’effort de la taille directe excédant désormais ses forces. Dès lors, il se consacre au
dessin et à la peinture et « ce qu’il n’a pu construire dans le marbre, il l’exprimera sur la toile ». Sur les 337
peintures qui constituent « tout l’œuvre peint » de Modigliani, d’après le catalogue établi par Ambrogio
Ceroni », 291 ont été réalisées pendant la guerre et durant l’année qui suivit l’armistice. Pour bien comprendre
ces œuvres accomplies, la vision des dessins exécutés tout au long des années précédentes est indispensable.
Car le dessin révèle la pulsion créatrice, l’intelligence et la sensibilité de l’artiste dans l’instant même de la
création. Et l’on découvre, émerveillé, que l’œuvre de Modigliani est déjà là, réalisée ou en promesse.
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J.M.G. Le Clézio , « Modigliani ou le mystère » , in catalogue d’exposition Amedeo Modigliani,
Musée d’art moderne de la ville de Paris, 1981
(…) Modigliani est, avec Gauguin et Van Gogh l’un de ces peintres qui se sont approchés le plus près de la
source de l’art, qui est magique et rituelle. Sans le savoir vraiment, mais avec cette volonté inflexible qui est la
sienne, il peint, avec la même obstination, durant ces quelques dix années que dure sa vie de peintre, un visage
et un corps, le même visage et le même corps, le même regard, comme s’il répétait inlassablement ces figures
d’exorcisme qui hantent une fête de curation et de divination.
C’est cela qui fascine et effraie un peu, dans l’œuvre de Modigliani, et nul ne s’y est trompé. Il est en dehors
du courant de l’art, à côté pourrait-on dire. Non par orgueil, ni par mépris pour ces compromis qui font de
l’art une valeur marchande. Mais parce qu’il comprend vite, par une sorte d’intuition foudroyante qui est sans
doute ce que les autres hommes nomment le génie, qu’il est requis par ce seul visage et par ce seul corps, et
qu’il doit les montrer, les créer sans cesse, jusqu’à les faire siens, jusqu’à l’impossible achèvement.
Il y a l’âme du chaman dans ce Juif italien séduisant et ténébreux ; une ivresse, un envoûtement, un regard qui
ne se détourne pas. Modigliani vit en dehors de lui-même, révélant, en consumant son propre corps, la seule
lumière de la peinture.
Peindre, pour lui, n’est pas un acte complémentaire à la vie. C’est, au contraire, l’acte de vie par excellence :
sans l’art, ce possédé n’est qu’un ivrogne, un malade. Il y a, pour nous, un contraste pénible entre la vie de
Modigliani et sa peinture : on ne saurait imaginer peinture plus exaltante, pleine de beauté, de lumière et de
vie.
Et plus la vie de Modigliani devient un cauchemar, misère, souffrances et crises éthyliques, plus son œuvre
s’éclaire, s’illumine, s’allège, prend la couleur de l’eau, des nuages, des arbres que Modigliani ne voit plus.
Cette œuvre est proche du rêve, en vérité. Le rêve d’une autre vie, le rêve d’un visage parfait, d’un corps
vierge et merveilleux, d’un regard ouvert, chargé d’extase et de bonheur. Rêve peut-être du féticheur qui
chante pour lui-même et s’enivre de son propre désir, en route vers l’au-delà de la vie où tout est enfin réalisé.
Voilà ce qui nous invite et nous trouble à la fois. Nous ne pouvons pas regarder ces visages peints par
Modigliani sans ressentir ce frisson d’étrangeté et au même instant l’émotion de la proximité, comme devant
un souvenir ancien que nous n’avions pas tout de suite reconnu. La peinture, les idées, la nouveauté, qu’est-ce
que cela ? Un visage, un seul visage-paysage, aux yeux ouverts sur l’éternité, un corps nu qui se donne sans
ambigüité, et l’on comprend tout à coup qu’il ne peut rien y avoir d’autre au monde, aucune distraction,
aucun leurre. On le sait soudain comme si, par miracle, tout le reste étant arrêté dans le temporel, l’on était
entré dans le regard d’un dieu. Il y a quelque chose de surhumain dans l’aventure de Modigliani, quelque
chose de simple et de parfait comme une musique. Ces visages, ces regards, ces corps ne nous apprennent
rien. Ils sont là, simplement là, esprits qui habitent ce rêve.
(…) Entre 1913 et 1916, particulièrement durant l’année 1918, les visages bizarres et familiers se multiplient.
Ce sont les portraits des Epoux, de Madame Pompadour, d’Henri Laurens, d’Antonia, de Louise, Rosa Porprina,
Raymond (Radiguet), et tous les portraits de Béatrice Hastings, et des amis du peintre : visages tordus comme pris
dans la glace, par un gel, ou au contraire hilares, éclatants, fourmillants. Visages de la mort, visages de la
volupté, de l’ivresse, de la douleur : Celso Lagar, Soutine, Moïse Kisling, Paul Guillaume, celui que Modigliani
surnomme, à la manière de Dante, « Novo Pilota, Stella Maris » ; Jean Cocteau, Pierrot lunaire triste et un peu
méchant, Mme Hanka, la femme de son ami Zborowski, Lipchitz, Cendrars le soldat. Et Max Jacob, le poète qui
a rencontré Dieu, l’homme que Modigliani admire le plus, celui qui lui est le plus proche, comme son double
archangélique :
Monde ! Monde ! pour moi tu n’es que pacotille !
Le lendemain des noces je l’ai trouvée défunte,
défunte dans mes bras.
(ballades)
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Modigliani, dans sa fièvre impatiente, se hâte de faire apparaître l’autre visage, celui qui lui ressemble, son
ombre. L’on pense alors au mythe grec de la genèse, qui est un peu aussi le mythe de la peinture, quand
Dionysos, pris au piège d’un miroir fabriqué par Hephaïstos, tombe amoureux de lui-même et décide de créer
le monde à sa propre image.
Mystère de ces visages appartenant à une création inachevée, où la vie montre, à son instant le plus intense et
le plus pur, l’entrée dans le règne de la mort. Femmes aux yeux de plantes, aux yeux de pierre, d’eau, de
nuages. Femmes où habite l’univers entier, ses villes, ses terres, ses forces et ses marées. Où bouge le temps
tout entier. Regards ouverts sur la vie, et sur l’autre monde.
Il y a, dans l’aventure de Modigliani, quelque chose d’extra-terrestre : alors, par son regard, nous apercevons la
vraie nature de l’homme, de la femme, une grâce qui vient de l’autre bout du temps pour troubler le monde
réel, pour l’illuminer. Les visages, les corps s’ouvrent à l’infini, laissant entrer une lumière nouvelle. Modigliani
peint les visages, mais c’est son monde qu’il peint : ses paysages, ses règnes : le minéral, le végétal, l’animal.
C’est un monde de silence, où cessent les paroles humaines. A peine reconnaît-on les signes, car tout a été
dépouillé, mis à nu, restitué dans l’originelle condition. Visages lisses, yeux perdus dans leur propre regard,
lèvres exprimant l’indicible. Regards pareils aux reflets de la lumière sur l’eau, sur la pierre, sur le métal.
Sourires insensés, qui ne s’adressent à personne, qui sont la contemplation de la divinité de l’être et de la
lumière, comme dans la vie de Max Jacob :
J’attends vos silences, espaces
pour devenir un astre pur
(…)
12
Biographie
1872
Mariage à Livourne de Flaminio Modigliani et
d’Eugénie Garsin.
Famille romaine d’origine juive sépharade.
Les Modigliani exploitent à cette époque un commerce
de bois et charbon et des mines d’argent en Sardaigne.
Naissance de leur premier enfant, Emmanuel, qui
deviendra avocat et député socialiste.
1874
Naissance de Margherita Olimpia Modigliani qui restera
célibataire et sera la mère adoptive de Jeanne, fille de
Modigliani et de Jeanne Hébuterne.
1878
Naissance de Umberto Isacco Modigliani, ingénieur des
mines.
1884
12 Juillet : Naissance d’Amedeo Clemente Modigliani,
33 via Roma à Livourne. Quatrième enfant de Flaminio
Modigliani et d’Eugénie Garsin.
Année marquée par la faillite de la famille.
1886
17 mai : Eugénie Garsin entreprend une chronique de
la vie familiale. Elle mentionne pour la première fois
son fils Amedeo dit « Dedo » : « un peu gâté, un peu
capricieux mais joli comme un cœur ».
Les Modigliani quittent leur maison de la Via Roma
pour une plus petite Via delle Ville à Livourne.
A cette époque, Flaminio Modigliani est presque
toujours en voyage. Avec eux vivent la grand-mère
maternelle, le grand-père Isaac et les sœurs d’Eugénie,
Laure et Gabrielle.Le petit Dedo et le grand-père Isaac
furent des compagnons inséparables jusqu’à la mort de
ce dernier en 1894.
Isaac Garsin était un grand érudit et passait beaucoup
de temps avec l’enfant, lui parlant d’art et de
philosophie. Eugénie Garsin et sa sœur Laura
enseignent dans la maison Via delle Ville.
1894
Mort d’Isaac Garsin.
Uberto, fils de Rodolpho Mondolfi, ami d’Eugènie, fut
le premier grand ami de Dedo jusqu’en 1898. Le reste
du temps, le petit Dedo vit entouré d’adultes.
1895
Eté : La mère d’Amadeo mentionne dans son
journal : « Dedo a eu une pleurésie très grave et je ne
me suis encore remise de la peur terrible qu’il m’a faite.
Le caractère de cet enfant n’est pas encore assez formé
pour que je puisse dire ici mon opinion. Ses manières
sont celles d’un enfant gâté qui ne manque pas
d’intelligence. Nous verrons plus tard ce qu’il y a dans
cette chrysalide. Peut-être un artiste ? ».
Etudes au lycée de Livourne.
1897
Juillet : Amedeo passe des examens et marque dans le
journal de sa mère : « Je suis en train de passer des
examens et je devrais faire un minimum. Les examens
sont de quatrième en cinquième. Ceci pour les annales
de la famille Modigliani. »
Août : Dedo est reçu à ses examens.
1898
4 mai : Emmanuel Modigliani est arrêté pour ses
activités politiques et condamné à huit mois de prison.
Son jeune frère Amedeo le considère comme « un
héros ».
Août : Amedeo est de nouveau atteint d’une fièvre
typhoïde suivie de complications pulmonaires.
Il commence des leçons de dessin auprès du peintre
Guglielmo Micheli à la Villa Baciocchi.
1899
Avril : Il abandonne définitivement les études pour se
consacrer à la peinture. A l’atelier, il rencontre Oscar
Ghiglia qui deviendra un de ses meilleurs amis.
Il reste de cette époque un portrait du fils Micheli et
son autoportrait signé.
1900
Septembre : Nouvelle crise de pleurésie. Amedeo est
touché par la tuberculose.
1901
Hiver : Amedeo et sa mère quittent Livourne pour un
voyage de convalescence. Ils vont à Naples, Capri,
Amalfi, Rome, Florence et Venise. Ils visitent les
musées, les galeries et les églises. Pendant ce temps, il
écrit plusieurs lettres à Oscar Ghiglia dans lesquelles il
décrit son attachement pour l’art et les découvertes
qu’il a faites.
13
1902
Hiver : Séjourne à Rome où il fait des copies dans les
musées.
7 mai : Séjourne à Florence et s’inscrit à la Scuola di
Nudo. Il partage un atelier avec Oscar Ghiglia.
Rencontre Ortis de Zarate.
Fin de l’été : fait de la sculpture à Pietrasanta près de
Carrara. Il admire le travail de Fattori. Dès cette
époque, il souhaite partir travailler à Paris.
1903
19 mai : s’inscrit à l’institut des Beaux-Arts de Florence.
Il étudie Carpaccio, Bellini et l’Ecole de Sienne.
Il habite au 22 Via Maggio puis dans la Campielle
Centopiere.
Pendant ce séjour, il est aidé financièrement par son
oncle Amédée Garsin.
Ses amis : Umberto Brunelleschi, Umberto Boccioni,
Fabio Mauroner…
1905
Mort de son oncle Amédé Garsin, son départ pour
Paris est remis en cause faute de moyens.
Eugénie Garsin mentionne dans son journal : « Dedo, à
Venise, a fini le portrait de Olper et parle d’en faire un
autre... ». Elle s’inquiète de sa santé. A la fin de l’année,
sa mère lui rend visite et lui donne de l’argent pour
partir à Paris.
1906
Janvier : il arrive à Paris.
Jusqu’à sa mort, sa vie sera marquée par l’alcool et la
drogue.
Il habite dans un hôtel près de la Madeleine.
S’inscrit à l’Académie Colarossi (fondée en 1815), rue
de la Grande-Chaumière et loue un atelier dans le
maquis de Montmartre, rue Caulaincourt, près du
Bateau-Lavoir où il rencontre les artistes de
Montmartre : Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire,
André Derain et Diego Rivera ainsi que des
intellectuels et artistes juifs comme Max Jacob.
Il peint surtout de petits portraits.
Hiver : il expose trois peintures dans la Galerie d’art de
Laura Wylda, rue des Saints-Pères.
1907
Il quitte son atelier de la rue Caulaincourt et change
régulièrement de logement (hôtel du Tertre, au BateauLavoir et à l’hôtel Bouscarat), puis s’installe 7, place
Jean-Baptiste Clément.
Rencontre d’Utrillo,Utter et Latourette (financier
amateur d’art).
Novembre : rencontre le Dr. Paul Alexandre avec qui il
se lie d’amitié. Jeune médecin amateur d’art, il sera le
premier à s’intéresser à l’œuvre de Modigliani.
Il va le soutenir et l’encourager jusqu’en 1914, lui
achetant régulièrement des œuvres.
Il le convainc d’exposer au salon des Indépendants.
Il s’intéresse aux arts primitifs, est influencé par l’œuvre
de Toulouse-Lautrec.
Au Salon d’Automne, il expose deux toiles et cinq
aquarelles. A ce salon, découvre Cézanne(1839-1906) à
qui un hommage est rendu.
1908
Modigliani fréquente la colonie d’artistes, 7 rue du Delta,
créée par Paul Alexandre et son jeune frère Jean. Lieu de
vie et de travail, la colonie est supervisée par Maurice
Drouard et Henri Doucet.
20 mars : il expose six œuvres au salon des Indépendants
dont la Juive et l’idole. Paul Alexandre lui achète la Juive.
Il fait de la sculpture dont une à partir des traverses de
chêne servant à la construction de la station de métro
Barbès Rochechouart.
Période où il connaît des difficultés financières
importantes.
1909
Il s’installe à Montparnasse.
Il rencontre la famille de Paul Alexandre dont il fait les
portraits du père et de son frère.
Il fait le premier portrait de Paul Alexandre.
Il rencontre le sculpteur roumain Constantin Brancusi
avec qui il se lie d’amitié. Brancusi lui fait découvrir l’art
nègre et l’aide à travailler la sculpture sur pierre.
Il refuse de signer le Manifeste Futuriste par Marinetti.
Eté : il retourne à Livourne pour quelques mois où il fait
plusieurs études de tête, dont deux seront exposées au
salon des Indépendants.
Emmanuel lui trouve un travail de sculpteur à Carrara.
Septembre : il revient à Paris avec Le Mendiant, que Paul
Alexandre achète.
Il s’installe au 14 de la cité Falguière, à Montparnasse où
il travaille la peinture et la sculpture.
1910
18 mars : Participe au 26e Salon des Indépendants.
1er mai : il expose six œuvres : Le Violoncelliste, Lunaire,
deux études (dont le portrait de Piquemal), Le Mendiant et
La Mendiante. Quatre de ces œuvres sont à vendre, les
deux autres, Le Mendiant et La Mendiante appartiennent à
la collection de Paul Alexandre.
Modigliani attend d’être véritablement remarqué par les
critiques mais seul Paul Alexandre lui achète ses œuvres.
Il vit plus ou moins dans la misère.
14
Il habite successivement à la Ruche, au 216 boulevard
Raspail, au 16 rue Saint-Gothard à Montparnasse ; puis
de nouveau à Montmartre, 39 rue du passage de l’Elysée
des Beaux-Arts, dans le couvent des Moineaux et à
plusieurs reprises au Bateau-Lavoir.
Jusqu’en 1914, il va se consacrer presque exclusivement
à la sculpture sans pour autant abandonner la peinture. Il
visite les expositions Matisse et Cézanne , ainsi que le
Musée ethnographique du Trocadero.
1911
Il habite 39,Passage de l’Elysée des Beaux-Arts.
Il expose un ensemble de têtes sculptées ainsi que des
gouaches à l’atelier du peintre portugais Amadeo de
Souza Cardoso(1887-1918), rue du colonel Combes.
Fait un deuxième portrait de Paul Alexandre (il en fera
un troisième en 1913).
En mauvaise santé, sa tante Laure veut l’emmener en
Normandie pour qu’il se repose.
Septembre : il fait un court séjour à Yport en sa
compagnie.
1912
Il continue à faire de la sculpture.
Expose sept sculptures (têtes, ensemble décoratif) au
salon d’Automne.
Il rencontre Lipchitz et Jacob Epstein.
Son frère Umberto l’aide financièrement.
Il tombe de nouveau très malade et ses amis, dont Ortis
Zarate, décident de l’envoyer en Italie chez sa mère. Les
dates de ce voyage sont incertaines.
1913
Avant de partir à Livourne, il dépose des sculptures, des
gouaches et des dessins chez Paul Alexandre. De retour
à Paris, il commence le cycle de Cariatides.
Le marchand de tableaux Chéron, rue de la Boétie,
s’occupe de lui pendant quelques temps.
Chéron n’a pas réellement d’expérience en art et
recherche plus son intérêt que celui de l’artiste.
Il rencontre le sculpteur Ossip Zadkine, Kisling, Foujita
et Soutine.
Le marchand Paul Guillaume commence à s’intéresser à
son travail.
1914
Il reprend son travail de peintre et doit abandonner la
taille directe.
Printemps : il fréquente Nina Hamnet.
Le poète Max Jacob arrange une rencontre entre Paul
Guillaume et Modigliani. Il devient son marchand : « En
1914, pendant toute l’année 1915 et une partie de 1916,
j’ai été le seul marchand de Modigliani … ».
Il lui loue un atelier 13,rue Ravignan près du BateauLavoir à Montmartre.
Il vit quelques temps avec Diego Rivera au 16 rue SaintGothard.
Juillet : il rencontre Béatrice Hastings(1879-1943),
journaliste et poétesse anglaise, avec qui il vivra deux
années souvent mouvementées.
Sa production devient plus sûre, plus intense et sereine.
Il fera de nombreux portraits de sa compagne.
Il travaille chez Béatrice Hastings, chez le peintre Haviland
ou bien dans l’atelier de la rue Ravignan.
Il se fait réformer pendant la guerre.
Paul Alexandre est mobilisé et ne reverra pas Modigliani.
La collection de Paul Alexandre est essentiellement
composée d’œuvres datant de 1907 à 1912.
1915
Paul Guillaume lui achète des tableaux.
Il réalise de nombreux portraits (Paul Guillaume,
Apollinaire, Max Jacob, Kisling, Henri Laurens et en
particulier Béatrice Hastings).
Il fréquente Vlaminck, Picasso, Derain, Marie Vassilieff.
Il habite 13, place Emile Goudeau.
Dans une lettre à se mère datée du mois de novembre :
« …Je fais de nouveau de la peinture et j’en vends. C’est
beaucoup… »
Les disputes avec Béatrice Hastings sont de plus en plus
fréquentes.
1916
Eté : il rompt avec Béatrice Hastings.
Son état de santé s’aggrave. Il expose avec ses amis dans
l’atelier du peintre suisse Lejeune au 6, rue Huyghens.
Cet atelier devient un centre de travail pour les artistes
d’avant-garde.
Il y rencontre le poète polonais Léopold Zborowski qui
devient son marchand.
Simone Thiroux est sa nouvelle maîtresse.
1917
Rompt avec Simone Thiroux qui est enceinte. Il conteste la
paternité.
Modigliani travaille dans l’appartement de Zborowski, 3,
rue Joseph Bara à Montparnasse et lui cède sa production
pour quinze francs par jour.
Il réalise de nombreux portraits de Zborowski et de sa
femme Hanka, et de leur amie Lunia Czechowska. Il
commence une première série d’études de nus.
Mars : Rencontre Jeanne Hébuterne (1898-1920), étudiante
à l’Académie de Colarossi, qui devient sa compagne.
Juillet : Ils s’installent 8,rue de la Grande-Chaumière, dans
une chambre louée par Zborowski.
3 décembre : Zborowski organise la première exposition
personnelle de Modigliani à la galerie Berthe Weill, 50, rue
Taitbout. Les nus exposés dans la vitrine font scandale et
15
sont menacés de saisie par la police pour outrage à la
pudeur. Avec ce scandale, aucun tableau ne fut vendu.
Modigliani travaille de façon intense.
1918
Il réalise une autre série de nus.
Mars : l’état de santé de Modigliani se dégrade de plus en
plus.
Zborowski décide de l’envoyer sur la côte d’Azur avec
Jeanne qui est enceinte.Ils s’installent à Nice pour un an.
Sous la lumière du midi, Modigliani éclaircit sa palette,
travaille sur des formats plus grands.
Il peint les quatre seuls paysages que l’on connaisse de lui.
Il retrouve Soutine et Foujita.
29 novembre : Naissance de leur fille Jeanne, déclarée à
l’état civil comme fille de Jeanne Hébuterne, de père
inconnu. Elle sera par la suite reconnue par l’artiste.
Décembre : Paul Guillaume organise une exposition dans
sa galerie, Faubourg Saint-Honnoré à Paris, qui rassemble
les toiles de Modigliani, Picasso et Matisse.
alors que Jeanne est enterrée au cimetière de Bagneux.
Quelques années plus tard, elle sera inhumée à ses côtés.
1921
Zborowski organise une exposition posthume galerie
l’Evêque à Paris.
1919
Ecrit plusieurs lettres à Zborowski pour lui demander de
l’argent et envoie régulièrement ses toiles achevées à Paris.
Il restera plusieurs mois à Cagnes dans la villa du peintre
Osterlind.
Rend visite à Renoir.
Mai : il retourne à Paris.
Jeanne est de nouveau enceinte et sa fille le rejoint le mois
suivant.
Juillet : Il s’engage par écrit à épouser Jeanne.
Son état s’aggrave mais il continue de peindre ses proches :
Jeanne Hébuterne, Lunia Czechowska, Hanka Zborowska,
Zborowski…
Participe à l’exposition « Modern French Art » à la galerie
Mansard à Heale(Angleterre)
Septembre : Expose à Londres à la Hill Gallery où il a un
grand succès.
Francis Carco fait l’éloge de son travail dans un article
pour l’Eventail, un magazine suisse.
Quatre peintures de Modigliani sont exposées au Salon
d’Automne.
1920
Sa santé se détériore rapidement.
Il fait son auto-portrait.
22 janvier : il est emmené inconscient à l’Hôpital de la
Charité.
24 janvier : Modigliani meurt à l’Hôpital d’une méningite
tuberculeuse sans avoir repris connaissance.
25 janvier : Jeanne Hébuterne enceinte de huit mois se
jette du cinquième étage de l’immeuble de ses parents,
laissant la petite Jeanne orpheline.
27 janvier : Modigliani est enterré « comme un prince » au
cimetière du Père-Lachaise entouré de nombreux amis,
16
Liste des œuvres
Jean Alexandre, 1909 / au verso : Nu assis, 1909
Huile sur toile
81 x 60 cm
Collection Fondation Gianadda, Martigny, Suisse
Portrait de Pablo Picasso, 1914-1915
Graphite sur vélin
22.6 x 26.8 cm
Musée Picasso, Antibes
Femme nue de trois quarts, les mains derrière le dos, 1908
Crayon sur papier
43 x 26.5 cm
Richard Nathanson Fine Art, Londres, Angleterre
Hommage à Reverdy, s.d.
Crayon sur papier
14x9 cm
Collection Maeght, Paris
Jeune fille nue debout – Cariatide, 1908-1911
Crayon graphite sur papier
43x26 cm
Galerie Brame & Lorenceau, Paris
Antonia, 1915
Huile sur toile
82 x 46 cm
Musée de l’Orangerie, Paris
Jeune homme nu – Atlante, 1908-1911
Crayon sur papier
43x26 cm
Galerie Brame & Lorenceau , Paris
Tête rouge, 1915
Huile sur carton
54 x 42.5 cm
Musée national d’art moderne, Paris
Cariatide de front à mi-corps, 1911-1912
Crayon sur papier
42.5 x 26.3 cm
Richard Nathanson Fine Art, Londres, Angleterre
Tête de femme, 1915
Huile sur toile
65.5 x 57 cm
Pinacothèque de Brera, Milan
Cariatide bleue, s.d.
Crayon bleu sur papier
43.8 x 26.6 cm
Richard Nathanson Fine Art, Londres, Angleterre
Portrait de Béatrice, 1915
Huile sur toile
40 x 28.5 cm
Collection particulière
Tête de profil, 1912
Crayon bleu sur papier
44 x 27 cm
Musée national d’art moderne, Paris
Lolotte, 1916
Huile sur toile
55 x 35.5 cm
Musée d’art et d’histoire du judaïsme, Paris
Teresa, 1915
Gouache sur papier
43 x 25 cm
Musée d’art moderne, Villeneuve d’Ascq
Portrait d’homme, vers 1915-1916
Crayon sur papier
42 x 26 cm
Musée national d’art moderne, Paris.
Portrait de Frank Burty Haviland, 1914
Gouache sur papier
47.5 x 30.9 cm
Kunsthaus, Zürich, Suisse
Jeune homme, vers 1916
Crayon et aquarelle sur papier
42.7 x 22.7 cm
Musée Calvet, Collection Rignault, Avignon
Portrait de Diego Rivera, s.d.
Encre et crayon de couleur sur papier
30 x 20.5 cm
Die Galerie, Francfort, Allemagne
Portrait d’homme - Portrait de Paul Guillaume, s.d.
Huile sur papier
42x25 cm
Galerie Brame & Lorenceau, Paris
17
Portrait de Paul Guillaume, s.d.
Encre sur papier
47 x29 cm
Fondation Bemberg, Toulouse
Portrait de Jeanne Hébuterne, s.d.
Mine de plomb sur papier
42 x 26 cm
Collection particulière
Portrait de Paul Poiret, 1917
Crayon sur papier
33x24 cm
Collection particulière
Portrait de femme, 1918
Graphite sur papier
17.4 x 12.8 cm
Collection particulière
Jeune femme au fauteuil, 1917
Crayon sur papier
35 x 24 cm
Collection particulière
Portrait de jeune fille (Annie Bjarne), 1918
Crayon sur papier
13 x 10 cm
Lefèvre Fine Art, Londres
Jeune fille au châle, 1917
Crayon sur papier
33 x 24 cm
Collection particulière
Jeune femme en chemise – La jeune laitière, 1918
Huile sur toile
100 x65 cm
Albertina Museum, Collection Batliner, Vienne,
Autriche
Jeune homme assis, 1917
Crayon sur papier
43 x 27 cm
Collection particulière
Portrait de Léopold Zborowski, vers 1917
Crayon bleu sur papier
28.5 x 22.5 cm
Musée d’art moderne, Donation Pierre et Denise Lévy,
Troyes
Femme au col blanc, 1917
Huile sur toile
81 x 60.2 cm
Musée de Grenoble
Femme en robe noire, vers 1917
Huile sur toile
90 x 60 cm
Musée d’art et d’histoire, Genève, Suisse
Jeanne Hébuterne, 1918
Huile sur toile
46 x29.5 cm
Musée d’art moderne, Troyes
Portrait de jeune femme, vers 1918
Huile sur toile
65 x 50 cm
Musée des Beaux Arts, Collection René et Madeleine
Munod,La Chaux-de-fonds, Suisse
Petit garçon roux, 1919
Huile sur toile
92 x 55 cm
Musée d’art moderne, Villeneuve d’Ascq
Portrait du Docteur François Brabander, 1919
Huile sur toile
46 x 38 cm
Estorick Collection, Londres, Angleterre
Portrait de Lunia Czechowska, 1919
Encre sur papier
54 x 35 cm
Fondation Bemberg, Toulouse
Portrait de garçon, s.d.
Lavis d’encre sur papier
36 x 26 cm
Fondation Bemberg, Toulouse
18
Documents disponibles pour la presse
Jean Alexandre, 1909/ au verso : Nu assis, 1909
Huile sur toile
81 x 60 cm
Collection Fondation Gianadda, Martigny, Suisse
Femme nue de trois quarts, les mains derrière le dos, 1908
Crayon sur papier
43 x 26.5 cm
Richard Nathanson Fine Art, Londres, Angleterre
Jeune fille debout- Cariatide, 1908-1911
Crayon graphite sur papier
43 x 26 cm
Galerie Brame et Lorenceau, Paris
Jeune homme nu- Atlante, 1908-1911
Crayon graphite sur papier
43 x 26 cm
Galerie Brame et Lorenceau, Paris
Antonia, 1915
Huile sur toile
82 x 46 cm
Musée de l’Orangerie, Paris
19
Tête rouge, 1915
Huile sur carton
54 x 42.5 cm
Musée national d’art moderne, Paris
Tête de femme, 1915
Huile sur toile
65.5 x 57 cm
Pinacothèque de Brera, Milan
Jeune homme assis, 1917
Crayon sur papier
43 x 27 cm
Collection particulière
Portrait de Léopold Zborowski, vers 1917
Crayon bleu sur papier
28.5 x 22.5 cm
Musée d’art moderne, Donation Pierre et Denise Lévy, Troyes
Femme au col blanc, 1917
Huile sur toile
81 x 60.2 cm
Musée de Grenoble
20
Femme en robe noire, vers 1917
Huile sur toile
90 x 60 cm
Musée d’art et d’Histoire, Genève
Portrait de jeune femme, vers 1918
Huile sur toile
65 x 50 cm
Musée des Beaux Arts, La Chaux-de-fonds, Suisse
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