La Cathédrale de Rouen. Le portail et la tour d`Albane. Temps gris

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La Cathédrale de Rouen. Le portail et la tour d`Albane. Temps gris
La
FICHE PÉDAGOGIQUE
Cathédrale de Rouen. Le portail et la tour d’Albane. Temps gris – Claude Monet
Auteurs : Patricia Brague de Labarthe, Dominique Beauvais
Contexte
Le xixe siècle consacre la réhabilitation de l’architecture
médiévale. Ce mouvement, étendu à toute l’Europe,
débute avec les romantiques. Écrivains et artistes
redécouvrent notamment les trésors architecturaux de la
Normandie. Ainsi, Turner en 1832 peint Rouen : la façade
ouest de la cathédrale, aquarelle réalisée après un de
ses voyages dans la région. Sans doute remarquée par
Monet lors de ses séjours londoniens de 1870 et 1891,
elle pourrait avoir, en partie, inspiré son propre travail.
En 1892 et 1893, il reprend le procédé des séries cher à
Hokusai et Hiroshige, dont il collectionne les estampes,
pour peindre ce chef-d’œuvre de l’art gothique : aux
motifs naturels (meules, peupliers) succède celui d’une
architecture sacrée.
Grâce au collectionneur rouennais Depeaux, il installe son
atelier dans trois lieux différents face au portail occidental
de la cathédrale. Il en réalise vingt-huit vues où il parvient
à concilier le rendu de l’instantanéité et l’éternité du sujet.
Exposée chez Durand-Ruel en 1895, la série suscite
l’admiration de peintres et l’enthousiasme de Clemenceau
dans un article du journal La Justice (20 mai 1895).
Titre : La Cathédrale de Rouen. Le portail et la tour
d’Albane. Temps gris
Artiste : Claude Monet (1840-1926)
Date : 1892-1893 postdaté de 1894
Dimensions : H. 102 cm ; L. 74 cm
Technique : Huile sur toile
Lieu de conservation : Musée des Beaux-Arts
de Rouen
© Musées de la Ville de Rouen/C. Loisel
Lieu de création : Rouen
Analyse de l’œuvre
De février à avril 1892 puis en 1993, Monet inaugure une de ses plus
célèbres séries, soit 28 tableaux du portail occidental de la cathédrale
de Rouen. Toutes ces œuvres rapportées à Giverny seront d’ailleurs
indistinctement datées de 1894 montrant qu’il ne les juge accomplies
qu’à cette date et devant être considérées comme un tout unique. Après
la série Les Meules (1891), Les Peupliers (1892), qui s’achèvera de
1905 à 1926 avec Les Nymphéas, Monet impose la série ouverte.
Un point de vue et un cadrage quasiment identiques, mettant à l’épreuve
ses qualités de dessinateur face à la complexité de l’architecture où il
construit le tableau littéralement comme un maçon, disposant la couleur
par couche, touche après touche sur une surface sèche, opérant comme
une texture « granitée », tantôt raclant vers le haut ou en écrêtant les boursouflures des pigments. Une peinture qui
vient au premier plan dira Kandinsky. Ce que je veux reproduire, dit Monet, « c’est ce qui existe entre le motif et moimême ». La pierre devient une entité organique et poétique, l’artiste prouve l’importance de l’expérience esthétique et
le triomphe de l’imagination sur la banalité du temporel. Le sacré devient séculier et l’art une révélation.
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Pistes pédagogiques
Niveau : 5e
Disciplines : Histoire-géographie – Arts plastiques
Thématiques : L’œuvre d’art et l’évocation du temps et de l’espace
Histoire Géographie
Préalable
L’analyse de l’œuvre de Monet sera précédée d’une découverte préalable de la cathédrale de Rouen puisque l’étude
d’une cathédrale gothique est inscrite dans les programmes de 5e (« L’Occident féodal (xie-xve siècles), la place de
l’Église »). Celle-ci peut se faire dans le cadre d’une sortie sur le terrain : un parcours urbain dans le centre historique
de Rouen permet une approche de la ville médiévale et de ses fonctions.
Les élèves sont munis d’un questionnaire qui facilitera l’exploitation en classe.
Mise en œuvre pédagogique
Après avoir mis en évidence la fonction religieuse de l’édifice, la composition de sa façade occidentale peinte par
Monet est étudiée en détail ; on repère ses trois niveaux ainsi que l’emplacement des trois portails encadrés par deux
tours (la tour Saint-Romain et la tour de Beurre).
Les élèves peuvent ensuite replacer les éléments du décor gothique sur une photographie de la façade (tympans,
voussures, pinacles, statues, gâbles…).
On précisera que ces éléments ne sont pas tous contemporains et que leur mise en place s’échelonne du xiie au
xvie siècle : sur cette architecture du passé, plusieurs siècles ont donc laissé leur empreinte.
Les scènes représentées sur les tympans des portails (portail Saint-Jean, portail Saint-Étienne, portail central) sont
aussi identifiées.
On recense ensuite les matériaux de construction utilisés (pierre, verre, plomb…).
L’analyse doit permettre aux élèves de comprendre que la cathédrale gothique, par ses dimensions et la richesse de
son décor, témoigne de la foi des fidèles mais aussi de l’audace technique des artisans, de l’orgueil et du pouvoir de
l’Église ainsi que de la prospérité de la ville.
On rappelle que la cathédrale est un lieu de prière dont le décor constituait, pour l’homme du Moyen Âge, un véritable
livre d’images.
Une description de l’édifice, réutilisant le vocabulaire spécifique mis en évidence, conclura cette étude (cathédrale, art
gothique, pierre, tours, portail, façade).
Prolongements
Dans un second temps, on invitera les élèves à analyser le regard porté au xixe siècle sur la cathédrale de Rouen par
Monet.
Le vidéoprojecteur est utilisé pour présenter la toile en classe.
La forme de l’œuvre est d’abord étudiée. Après en avoir précisé le genre (un tableau), sa composition est analysée
afin de mettre en évidence le point de vue choisi par l’artiste pour peindre la cathédrale et de préciser les éléments de
l’édifice absents du tableau (la tour de Beurre, le sommet de la tour Saint-Romain, une partie du portail Saint-Étienne).
Les éléments d’architecture bien visibles peuvent aussi être recensés (les portails avec les voussures ; le tympan et le
gâble du portail central, les pinacles…).
On délimite ensuite les lignes de force qui conduisent le regard et rendent compte de la verticalité de l’édifice.
Les élèves repèrent ensuite et identifient les techniques utilisées par l’artiste (peinture à l’huile sur toile), le choix des
couleurs (couleurs froides : gris, bleu, brun ; une seule touche orange pour le cadran de l’horloge). Un zoom sur la toile
permet aux élèves de mieux appréhender l’épaisseur de la touche picturale.
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On conduit ensuite l’analyse vers le sens de l’œuvre. Son titre et les impressions ressenties par les élèves peuvent
constituer des points de départ à une réflexion sur les procédés utilisés par l’artiste pour transmettre au spectateur les
variations du climat (choix de couleurs froides à dominante de gris pour traduire l’effet de brume humide d’un jour de
pluie). On peut ainsi montrer que la cathédrale de Rouen n’est pas le véritable sujet de l’œuvre mais un simple motif
utilisé par l’artiste pour analyser les variations de la lumière. L’analyse menée permet alors de définir et d’expliquer le
mot « impressionnisme », style auquel se rattache le tableau.
Les usages de l’œuvre sont enfin précisés. Quelques-unes des autres œuvres de la série des Cathédrales de Rouen
sont projetées. Les élèves doivent comprendre que l’œuvre étudiée prenait place dans un ensemble où le même motif
est répété au gré des heures et des saisons. Cet ensemble était destiné à être exposé avant d’être vendu.
Arts plastiques
Niveau 5e :
Références aux programmes : Images, œuvre et fiction
La construction, la transformation des images, les interventions… ouvrent les questions et les opérations relatives au
cadrage, au montage, au point de vue, à l’hétérogénéité et à la cohérence.
Formulation de la proposition
Dans la série des Cathédrales de Monet, le sujet, l’angle de vue et le cadrage sont quasiment identiques (les
constantes), seule la lumière sous la double influence des conditions atmosphériques et l’horaire de la journée (les
variables) changent.
À partir d’une image choisie et apportée par l’élève ou distribuée par l’enseignant, réaliser une série en conservant deux
constantes répondant à une évolution d’une variable : « Devant votre série de plusieures productions, le spectateur doit
comprendre par vos choix ce que vous avez voulu mettre en évidence. »
Mots de vocabulaire : série, angle de vue, cadrage, triptyque, diptyque, polyptyque.
Toutes les techniques sont autorisées y compris les photographies et les créations numériques (Open Office.org Draw ;
Adobe Photoshop ; Adobe Image Ready ; Adobe Illustrator…).
Références aux champs artistiques
• Exposition « Claude Monet jusqu’à l’impressionnisme numérique (Claude Monet, Sam Francis, Jackson Pollock,
Pipilotti Rist) », musée de Bâle, fondation Beyeler.
• Francis Bacon et les études pour autoportrait.
• Andy Warhol et ses sérigraphies (Liz, The twenty-five Marilyns ou Flowers).
• Bernd et Hilla Becher, châteaux d’eau new-yorkais.
Ressources
• Clemenceau, Georges, « Révolution de cathédrales », La Justice, 20 mai 1895, cité dans Rouen, les cathédrales
de Monet, catalogue de l’exposition organisée au musée des Beaux-Arts, Rouen (23 juin-14 nov. 1994), éd. Ville de
Rouen avec le concours de la RMN, 1994, p. 99 à 103.
• Hoog, Michel, « La Cathédrale de Reims de Claude Monet ou le tableau impossible », Revue du Louvre, n° 1, 1981.
• Klein, Jacques-Sylvain, La Normandie, berceau de l’impressionnisme (1820-1900), Rennes, Ouest-France, 1999.
• Pissarro, Joachim, Les Cathédrales de Monet, Rouen, 1892-1894, Arcueil, 1990, p. 16, 92-93, pl. 30.
• Salomé, Laurent, Coubert, Marie-Claude Les Impressionnistes. Musée des Beaux-Arts de Rouen. Paris, RMN, 2002.
• Warrel, Ian, Turner et la Seine, Paris, RMN, 1999, p. 181-186.
• Wildenstein, Daniel, Claude Monet. Biographie et catalogue raisonné, Lausanne/Paris, La Bibliothèque des arts,
1979, t. III, no 1345.
• Musée de Bâle : http://www.beyeler.com/
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