Les Laurentides et le
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Les Laurentides et le
V O L U M E 6 • N U M É R O 2 • N O V E M B R E 2 0 0 5 Les Laurentides et le développement social Les affaires municipales, c’est aussi du développement social Paul Bernard La mesure du développement social V O L U M E 1 2 9 36 39 50 6 • N U M É R O 2 • N O V E M B R E 2 0 0 5 SOMMAIRE Le mot de la rédaction Trois dossiers importants Éditorial Les organismes communautaires et le développement social 3 7 Chez nous en région… À vous la parole Dossier : Les Laurentides et le développement social Autour du municipal Dossier : Les affaires municipales, c’est aussi du développement social Dossier : La mesure du développement social DOSSIER> Les Laurentides et le développement social 9 PHOTO : ISABELLE THÉRIEN PHOTO : MARTIN GIRARD DOSSIER> La mesure du développement social 50 58 61 66 On a lu pour vous Nouvelles brèves Lectures utiles MICHEL MOREL, DANIÈLE AVELINE, RÉAL BOISVERT, MICHAEL WATKINS LEMOTDELARÉDACTION ÉQUIPE DE RÉDACTION Trois dossiers importants Enfin finies ces vacances! Une bonne chose de réglée, on peut enfin passer aux choses sérieuses. Pour ce numéro, nous vous offrons plusieurs dossiers importants. En premier lieu, nous vous présentons un dossier à caractère régional : Les Laurentides et le développement social. Avec la collaboration de Lysanne O’Sullivan, présidente du Conseil régional de développement social des Laurentides et Vice-présidente de la Conférence régionale des élus, ainsi que celle de Catherine Landry-Larue, de la Coopérative de travail Essor Conseil, nous avons rencontré un nombre important de personnes, des élus municipaux, des gestionnaires et des personnes intervenant sur le terrain. De toutes ces rencontres semble vouloir émerger un message assez clair, soit celui d’une région où les acteurs semblent vraiment vouloir travailler ensemble au développement de leurs milieux. Un second dossier, bien d’actualité: Les affaires municipales, c’est aussi du développement social! Pour réaliser ce dossier, notre collègue Danièle Aveline a, elle aussi, multiplié les rencontres et les échanges, tant avec des élus municipaux qu’avec des citoyens et des observateurs. En outre, elle nous offre aussi le point de vue des deux associations municipales, l’Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités. Le troisième dossier est d’envergure. Il porte sur la question de la mesure du développement social, ou, plus spécifiquement, sur la question des indicateurs de développement social. Notre collègue Réal Boisvert a reçu le mandat d’élaborer des indicateurs relatifs au développement des communautés. Pour mener à bien cette démarche, il entend s’inspirer des grands principes du développement social et s’appuyer sur la participation des acteurs concernés. Un premier texte présenté dans ce dossier décrit la démarche et la place de la participation des acteurs concernés dans cette démarche. D’autres textes rappellent les travaux menés par Paul Bernard de même que ceux de Maurice Lévesque. Il est évident que la revue DEVELOPPEMENT SOCIAL suivra de près l’évolution de cette démarche et en rendra compte régulièrement dans ses pages. Consultez notre site La Toile du développement social au Québec www.inspq.qc.ca/DeveloppementSocial est un site web complémentaire à la revue. On y trouve des informations pratiques concernant les publications récentes, les événements à surveiller ainsi que des références utiles. Abonnez-vous au DS Express Le DS Express est une lettre mensuelle d’information destinée à ceux et celles qui s’intéressent aux questions de développement social. On peut s’y abonner à l’adresse suivante : www.inspq.qc.ca/DeveloppementSocial/DSExpress. Ces ressources sont à votre disposition, faites-nous connaître vos publications, les activités que vous menez dans vos milieux, nous nous ferons un plaisir d’en faire la promotion. On peut nous communiquer ces informations par courrier électronique ([email protected]). À vous la parole… Vous souhaitez réagir à l’un des textes publiés dans la revue ? Vous avez des opinions sur l’un ou l’autre des aspects du développement social ? Vous avez envie de le faire connaître ? Vous souhaitez nous suggérer des idées de contenu, de reportages ? Écrivez-nous, par courrier électronique (à l’adresse [email protected]), ou par la poste : Revue DÉVELOPPEMENT SOCIAL Institut national de santé publique du Québec 500 René-Lévesque Ouest, bureau 9.100 Montréal, Québec, H2Z 1W7 La rédaction. Bonne lecture. Concernant la distribution de la revue… La revue est distribuée par le biais de réseaux d’organismes afin de limiter les frais postaux. Il peut arriver que des personnes, engagées dans leur milieu, reçoivent plusieurs copies de la publication. Nous leur demandons de retourner les copies inutilisées auprès de l’organisme distributeur en lui demandant de remédier à la situation. Par ailleurs, pour favoriser une diffusion plus efficace de la revue, pourquoi ne pas la faire circuler dans votre milieu une fois que vous en avez terminé la lecture ? Ce serait là un moyen de nous aider à mieux rejoindre les personnes et organisations engagées en développement social. Nous vous en remercions. La rédaction. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 1 ÉDITORIAL> PAR MICHEL MOREL RÉDACTEUR EN CHEF Les organismes communautaires et le développement social Dans le présent numéro, sous la rubrique À vous la parole! Renaud Beaudry, de la TROC – Centre-du-Québec/Mauricie vient lancer une invitation à un colloque sur le thème Pour relever le défi de la reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec. Renaud a intitulé son texte : « L’action communautaire québécoise : la clé de l’évolution sociale et citoyenne au Québec! ». Le point de vue est clairement affirmé. n le sait, les démarches sur le développement social mobilisent beaucoup d’organisations depuis quelques années, surtout aux niveaux local et régional, alors qu’au niveau central, on semble surtout prendre acte de ce qui se fait dans les milieux. Rappelons qu’au point de départ, en 1997-1998, plusieurs représentants d’organismes communautaires furent sceptiques et critiques face aux démarches sur le développement social, quelques-uns y voyant une opération parachutée du central, alors que d’autres se méfiaient de l’intérêt nouveau que suscitaient chez les organismes publics les questions de pauvreté et d’exclusion, de participation sociale et de citoyenneté. O Aujourd’hui, en 2005, où en sommesnous ? Dans quel contexte inscrire l’appel lancé par les organisateurs du colloque Pour relever le défi de la reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec ? D’abord, comme le rappelle Renaud Beaudry, il faut mentionner le fait que le Québec s’est doté d’une Politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire: « Celle-ci est, selon plusieurs, un bon 2 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 compromis entre les prérogatives de l’État québécois et les aspirations légitimes du mouvement communautaire ». Mais il s’empresse d’ajouter : « Le hic, c’est que l’actualisation de cette Politique a été chamboulée par de nombreux changements de titulaires ministériels, banalisée par les réformes en cours dans plusieurs ministères et, somme toute, victime de la valse hésitation du gouvernement à l’égard de notre mouvement ». Le texte de Beaudry précise le but du colloque : « … nous pressons les différents ministères du gouvernement du Québec, les milieux de la recherche, le secteur philanthropique québécois et les milliers d’organisations communautaires de passer de l’incertitude et de la méfiance à une volonté partagée et solidaire d’agir ensemble pour lutter contre les inégalités sociales et pour améliorer la qualité de vie des citoyens et citoyennes du Québec ». Puis, plus loin, il insiste sur l’importance du mouvement communautaire : « Rappelons en effet que les organismes communautaires constituent au Québec un réseau exceptionnel dont on ne retrouve aucune correspondance ailleurs dans le monde occidental. Ce réseau visionnaire, innovateur et expérimental est, comme le signale Suzanne Péloquin du ROC 031, le secret le mieux gardé de notre société. Son action est trop souvent menée dans l’ombre. Pourtant ce réseau peut, si plusieurs conditions sont réunies, assumer un rôle de premier plan dans le développement social, le développement des communautés et le développement de la citoyenneté partout au Québec ». Il y va ensuite d’un souhait : « Il importe donc que le colloque permette l’expression de la valeur et de l’originalité de l’action communautaire pour éviter qu’elle ne soit noyée ou submergée par un vent de réforme généralisateur et insensible aux initiatives issues des milieux ». Il suggère ensuite un certain nombre de moyens par lesquels l’État pourrait mieux supporter le mouvement communautaire. On ne saurait aborder la question du développement social en négligeant l’apport du mouvement communautaire. Cette conviction, affirmée d’emblée par les organisateurs du Forum de 1998, et confirmée par les conclusions formulées par les participants eux-mêmes, a toujours été présente dans les débats sur le développement social. Il en est de même pour la question de la participation sociale. Mais au-delà des discours, c’est dans le cadre concret de la définition des actions à mener sur le terrain que se situe le défi de l’arrimage entre, d’une part, les convictions et les pratiques des organismes communautaires et, d’autre part, les orientations retenues par les acteurs institutionnels. Le constat s’impose: l’arrimage entre l’action des groupes communautaires et celle des institutions publiques est encore et toujours semé d’embûches. Ce sont « deux cultures qui s’affrontent » mentionnait Lise Gervais2 dans un texte en 2000. « Deux cultures, mais aussi deux légitimités » comme nous l’écrivions en mars 20003. L’une issue du milieu, portée par des citoyens et citoyennes engagés, travaillant, à leur façon, au mieuxêtre de leurs concitoyens et concitoyennes. L’autre légitimité étant celle des institutions publiques mises en place par l’État, chargées, elles aussi, de voir au mieux-être des personnes, mais à partir d’orientations circonscrites, définies principalement par les ministères sectoriels, et de pratiques validées par l’appareil hiérarchique. Deux cultures, deux légitimités et deux formes de solidarité sociale. L’une étant l’expression de la volonté collective de veiller au bien-être de chacun, par des politiques et des programmes conçus et adoptés par des politiciens-politiciennes élus démocratiquement pour porter ces responsabilités; l’autre étant l’expression de citoyens-citoyennes désireux d’agir eux-mêmes sur des situations ou des enjeux. La première forme de solidarité sociale reposant sur la démocratie de représentation, l’autre se réclamant d’une démocratie de participation. Aujourd’hui, 5 ans plus tard, les choses ont-elles vraiment changé ? Comment qualifier aujourd’hui les rapports entre le communautaire et l’institutionnel ? Un débat nécessaire et urgent Quelle est la place des organismes communautaires dans le développement social du Québec ? C’est bien là la question centrale du colloque de la TROC – Centre-duQuébec/Mauricie. Et il est grandement temps que ce débat ait lieu. Que l’invitation provienne du secteur communautaire ne surprendra probablement personne. Il reste à souhaiter que les ministères et organismes ciblés par les organisateurs du colloque soient présents et que les débats qui s’y dérouleront soient porteurs de rapprochement. 1 Regroupement des organismes communautaires de la région de Québec. 2 Développement social, participation sociale et organismes communautaires, Bulletin DÉVELOPPEMENT SOCIAL, Volume 1, numéro 2, mars 2000, p.9. 3 Pourquoi un dossier « Organismes communautaires et développement social ? », Michel Morel, Bulletin DÉVELOPPEMENT SOCIAL, Volume 1, numéro 2, mars 2000, p.2. CHEZNOUSENRÉGION Cette rubrique vise à faire connaître ce qui se fait dans les localités et les régions en matière de développement social. Le lecteur y trouvera des informations utiles concernant des activités menées dans les milieux. Ces informations nous sont fournies par les instances de concertation régionales en développement social, par les responsables du dossier développement social des Conférences régionales des élus, de même que par les organisations locales elles-mêmes. À cet effet, nous invitons les organisations à nous acheminer les informations relatives à leurs activités, sous forme de brèves nouvelles, à l’adresse : [email protected]. Assemblée de fondation du RQDS Les membres du comité de coordination du RQDS organisent actuellement la tenue d'une rencontre des régions et ce dans le cadre de l'Assemblée de fondation du RQDS. Outre l’assemblée de fondation et les élections en vue de former le Conseil d’administration, l’événement propose aux participants une période d’échanges et de réflexion sur l’intersectorialité et le réseautage entre les acteurs (obstacles et opportunités, conditions et stratégies). La rencontre aura lieu à Québec, les 10 et 11 novembre 2005. Les modalités entourant le déroulement et le contenu de cette rencontre de première importance seront transmises prochainement aux répondants régionaux. Pour information : Roxanne Lauzon, Conférence régionale des élus de l’Outaouais, (819) 663-2480 poste 223 [email protected] Mauricie Les nouvelles de la Mauricie sont bonnes. Depuis cinq ans, la Mauricie est engagée dans une démarche de concertation et de mobilisation visant le développement social individuel et collectif par des actions concertées visant la lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale. Les partenaires actuels de cette entente, soit l’Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, la Conférence régionale des élus, Emploi-Québec, la Sécurité du revenu et le ministère des Affaires municipales et des Régions sont satisfaits des résultats. Ils affirment leur volonté de continuer, voire même, d’intensifier leurs efforts et souhaitent s’adjoindre de nouveaux partenaires et mettre à la disposition de la région, en collaboration avec les instances de la CRÉ, leurs expertises et leurs efforts afin de prendre une part active dans le nouveau plan quinquennal de la Mauricie. Pour la mise en œuvre de cette entente de collaboration, un comité de coordination régional est composé de la coordonnatrice, d’un représentant des ministères régionaux signataires de l’entente, de Centraide Mauricie et d’un(e) représentant(e) de chacun des territoires de MRC. Ces derniers sont mandatés par un comité pour faire les liens entre les territoires de MRC et le palier régional. Un comité de suivi assure un rôle administratif et est composé des directeurs régionaux des signataires de l’entente. Nous pouvons conclure que nous avons une meilleure connaissance de l’état de situation du développement social des territoires de la Mauricie. Des mécanismes de collaboration pour la mise en commun d’expertises sociales prennent forme. La mouvance des organisations nous incite à clarifier les rôles du local par rapport au régional et ce, surtout dans une perspective de cohérence tant demandée par les acteurs locaux. Quant au soutien aux territoires, pierre d’assise du Consortium, il repose inévitablement sur les liens, le réseautage, une bonne circulation de l’information et enfin l’assurance de la continuité. Le développement social s’est définitivement tracé une place au Québec depuis le Forum provincial de 1998, notamment dans les nouvelles collaborations entre le milieu municipal, celui du développement régional et les divers acteurs sociaux. Il est certain que la Mauricie s’est démarquée par son leadership en développement social et qu’elle a été porteuse d’espoir par la volonté affirmée des partenaires à travailler ensemble pour le mieux-être de la collectivité. Tout n’est pas facile mais le dialogue est présent. La prochaine étape nous interpelle à renouveler nos partenariats et à créer les alliances nécessaires à l’avancement du développement social de la Mauricie. Nous croyons encore que «faire ensemble» fait la différence. Le nouveau plan quinquennal que la région s’est donnée sera-t-il porteur de changements favorables à la poursuite et au renforcement des initiatives de développement social sur tout le territoire de la Mauricie? Il est de la prétention des partenaires impliqués tant au local qu’au régional de répondre par l’affirmative. On pourrait dire qu’on a le vent dans les voiles pour aborder cette nouvelle entente de partenariat en développement social. Pour information: Cécile Thériault Consortium Développement social Téléphone: (819) 693-3937 Courriel: [email protected] Site Web: http://www.agencesss04.qc.ca http://www.cre-mauricie.qc.ca CÉCILE THÉRIAULT DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 3 Lanaudière Une année d’action autour de la question du logement Ils étaient plus de 60 acteurs du développement social présents à l’assemblée générale de la Table des partenaires du développement social de Lanaudière le 25 mai dernier. La coordonnatrice, Chantal Lalonde, a tracé un portrait des travaux réalisés au cours de la dernière année tels que la tenue de la journée « Action Collectivité » qui a permis de faire connaître à 80 intervenants en développement social les programmes du gouvernement fédéral; l’organisation d’une campagne de sensibilisation sur le logement social qui a permis de déposer à l’Assemblée nationale une pétition de 2600 signatures pour l’augmentation du financement au logement social et l’assouplissement des programmes; la démarrage du projet « Habitat-Santé, » qui vise la rénovation de résidences ayant des problèmes de moisissure avec des impacts négatifs sur la santé; la réalisation d’un site internet permettant l’accès à plusieurs documents sur la région et le support aux six comités locaux de développement social par l’octroi de 150 000 $ à 15 projets qui visent la lutte contre la pauvreté, la réussite scolaire, le réseautage, l’insertion en emploi, la sécurité alimentaire et la participation citoyenne. Grandpré du comité local de D’Autray, Éric Gourde du comité local de Montcalm, Laurent Marcoux délégué par l’Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, Daniel Brazeau délégué par la Table des Préfets, Pierre Desrochers du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) et Jean Jeté délégué de la Table de l’Éducation. Le développement d’approches novatrices en logement social, la poursuite du projet Habitat-Santé, la sécurité alimentaire, la création d’une Fondation communautaire, la planification communautaire Jeunesse et la signature d’une nouvelle entente spécifique en développement social seront les priorités de la Table pour 2005-2006. Pour les coprésidents de la Table, soit Estelle Dionne et Alain Coutu, la Table des partenaires du développement social de Lanaudière est devenue, au fil des années, un outil de développement majeur dans notre région. Elle incarne désormais un exemple de la force du partenariat et de la richesse d'une approche transversale. Le nouveau conseil d’administration est composé de Mesdames Estelle Dionne du comité local de Les Moulins, Ginette Gagnon du comité local de Joliette, Josée Mailhot du comité local de L’Assomption, Denise Robitaille déléguée par la Table régionale des organismes communautaires (TROCL), Manon Bonin du Ministère des Affaires municipales et des régions (MAMR) et Messieurs Alain Coutu du comité local de la Matawinie, Jocelyn De On peut se procurer le rapport d’activités ou toute autre documentation en lien avec le développement social de Lanaudière sur le site internet à l’adresse www.tpdsl.org ou téléphoner au (450) 759-9944. Chantal Lalonde, coordonnatrice entourée des 2 coprésidents soit Alain Coutu Comité local de MRC Matawinie et Estelle Dionne comité local de MRC Les Moulins. Autres administrateurs: Eric Gourde, du comité local de Montcalm, Manon Bonin du MAMR, Josée Mailhot du comité local de l’Assomption, Ginette Gagnon du comité local de Joliette, Pierre Desrochers du MESS Sécurité du Revenu, Jocelyn de Grandpré du comité local de D’Autray et Laurent Marcoux de la DSP. Sont absents sur la photo: Jean Jetté de la Table de l’Éducation, Daniel Brazeau de la Table des Préfets et Denise Robitaille de la TROCL. Source : Chantal Lalonde (450) 759-9944 Table des partenaires du développement social de Lanaudière reflètent les préoccupations de l’ensemble des acteurs et citoyens, tout en offrant des pistes de solution. Laurentides La concertation dans la MRC des Pays-d’en-Haut par Catherine Landry-Larue Présidente Table de concertation de Sainte-Adèle Le modèle de concertation développé dans la MRC des Pays-d’en-Haut est unique au Québec. Il sert de véritable levier à la participation citoyenne de la communauté. Les tables de concertation réunissent des acteurs des milieux sociaux, politiques, communautaires et économiques et ce sont des citoyens bénévoles qui en assument la présidence. Chacune des municipalités de la MRC a sa table de concertation, avec sa couleur propre, teintée de ses caractéristiques locales. Les tables sont articulées autour de l’identité municipale des organismes, entreprises et individus qui les constituent. Elles sont toutes des lieux où les citoyens et organismes véhiculent et reçoivent des informations, montent des projets pour revitaliser le milieu et donnent un soutien moral ou technique à des initiatives locales. Les objets de discussion et sujets à l’ordre du jour n’y sont pas inscrits dans une problématique particulière, mais 4 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Parallèlement, la MRC a également des tables thématiques, soit la table des aînés, la table adulte-emploi et la table jeunesse, subdivisée en deux sous-comités, soit le 0-5 ans et le 6-18 ans. Ce vaste mouvement découle d’une volonté d’adapter les services de proximité du CSSS des Pays-d’en-Haut. Pour favoriser le bien-être de sa population, le CSSS des Pays-d’en-Haut a voulu sonder ses besoins. Il a commencé à expérimenter l’implantation de « l’approche milieu » au sein de son territoire, au début des années 1990. Il s’agissait de faire évoluer la desserte de services en passant d’un cadre de prise en charge, dirigé par des politiques ministérielles centralisées, vers un mode de gestion participative impliquant le client et son écosystème dans l’application des traitements. On générait, par le fait même, une dimension préventive face aux problèmes de santé de la communauté. Dans cette perspective de prévention, le CSSS a développé des mécanismes de consultation se voulant un retour sur les préoccupations des intervenants agissant sur les déterminants de la santé. En support aux tables de concertation s’est greffé le Regroupement de ces tables avec ses partenaires. Cette structure est née suite à la tenue d’un premier forum des tables de concertation de la MRC des Pays-d’enHaut, qui visait à mettre en commun les priorités locales, à échanger autour des problématiques concernant la santé et la qualité de vie, le Vers une concertation régionale sur la sécurité alimentaire Par Céline Poissant, DSPE et Chantal Lalonde, coordonnatrice de la Table des partenaires du développement social de Lanaudière La DSPE de Lanaudière et la Table des partenaires du développement social de Lanaudière (TPDSL) travaillent conjointement, depuis peu, à amorcer une démarche de réflexion et de concertation intersectorielle régionale sur la sécurité alimentaire. Cette nouvelle collaboration entre les deux partenaires se situe dans une perspective élargie de la sécurité alimentaire et se rapproche de celle proposée par le bureau européen de l’OMS, selon laquelle : La DSPE et la TPDSL souhaitent donc concerter l’ensemble des acteurs de l’alimentation pour trouver des solutions locales et régionales aux différents problèmes de sécurité alimentaire. Concrètement, les deux partenaires envisagent la réalisation d’une étude évaluative en vue de mieux connaître les positions officielles et les engagements (réalisés et prévus), en cette matière, des diverses organisations régionales concernées; l’organisation d’un forum régional sur cette problématique; ainsi que l’élaboration d’un plan d’action régional. Peut-être envisagera-t-on dans Lanaudière, comme il en est question dans la région de Montréal-Centre2, la possibilité de mettre sur pied un Conseil de politique alimentaire, c’està-dire une structure consultative permanente mandatée pour se pencher sur les différents enjeux de l’alimentation ? « Chacun a, à tout moment, les moyens tant physiques qu’économiques d’accéder à une alimentation suffisante pour mener une vie active et saine; les aliments sont produits et distribués d’une manière respectueuse des processus naturels et, par conséquent, durable; la consommation et la production d’aliments reposent sur des valeurs sociales qui sont à la fois justes, équitables et morales; l’aptitude de chacun à acquérir des aliments est garantie; les aliments proprement dits sont satisfaisants sur le plan nutritionnel et acceptables sur les plans personnel et culturel; les aliments sont obtenus d’une manière qui respecte la dignité humaine. »1 Cette perspective rejoint les réflexions qui se développent de plus en plus dans le milieu de la santé publique. On est arrivé au constat qu’il faut s’attaquer aux causes structurelles de l’insécurité alimentaire et non seulement chercher à assurer l’accès des personnes démunies aux aliments. Il apparaît même pertinent d’aborder globalement un ensemble de problèmes liés à l’alimentation qui touchent l’ensemble de la population et qui sont associés au système agroalimentaire. Dans une optique de développement social et de développement durable, il faut se poser collectivement des questions sur les modes de production, de distribution et de transformation des aliments pouvant entraîner des problèmes de santé (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, etc.), des risques sanitaires (maladie de la vache folle, grippe aviaire, etc.) ou l’insécurité alimentaire d’une partie de la population. décrochage social et le développement local et à en dégager des priorités sous-régionales. Le Regroupement réunit des représentants de toutes les tables locales et thématiques, du CSSS, des élus municipaux, des organismes communautaires et des acteurs oeuvrant dans des organismes à portée régionale ou sous-régionale. Le Regroupement est maintenant devenu un organisme à but non lucratif dont la mission est de : « Définir une vision globale du développement, en tenant simultanément compte du contexte économique, politique, social, culturel et environnemental dans lequel les citoyens vivent et développer des stratégies reposant sur la mise à contribution optimale des ressources du milieu ». Le Regroupement permet, par la participation active des citoyens, la circulation d’informations qui aident à mieux définir les priorités sous-régionales et à fournir des appuis moraux aux projets promus dans la MRC ou dans les tables de concertation, lorsque ces projets ont une portée régionale. Les tables de concertation ne sont pas qu’un mécanisme de consultation pour le CSSS. Elles ont des retombées directes dans leurs communautés. Ainsi, par exemple, le Conseil Jeunesse des Pays-d'en-Haut pilote un vaste projet de réussite éducative. À Sainte-Marguerite, la Société d’horticulture, l’Association des gens d’affaires et la distribution de lait et galettes dans les écoles sont trois projets directement issus de la table de concertation. À Sainte-Adèle, l’accueil des nouveaux arrivants, la politique familiale et le comité du logement abordable sont nés de la concertation locale. À Saint-Adolphe-d'Howard, la table de concertation Présentation du comité (de gauche à droite): Céline Poissant agente de recherche à la DSPÉ, Chantale Riel agente de concertation de la TPDSL, Gilbert Mathieu de la Fédération de l'UPA, Sylvie Boucher de Moisson Lanaudière, Maurice Paquin du Conseil régional de l'environnement de Lanaudière (CREL), Monique Ducharme nutritionniste et agente de planification des programmes à la DSP et Martial Landreville du MAPAQ (absent sur la photo). 1 Équiterre,. La sécurité alimentaire : Un enjeu de société, une responsabilité de tous les intervenants de la chaîne alimentaire, Montréal, 2004, p. 13-14. 2 Direction de santé publique de Montréal Centre. « Vers un Conseil de politique alimentaire à Montréal », dans Des gestes plus grands que la panse, Montréal, Dossier 10, novembre 2004. a mené tout un débat sur la planification des loisirs offerts aux jeunes et a contribué grandement à faire progresser le dossier. À Wentworth-Nord, le service des premiers répondants est né d’un travail de la table de concertation. Toutes les tables se sont impliquées dans la mise en place d’un système de transport collectif. Partout, des élus ou représentants municipaux participent aux tables, répondent aux questions et sont à l’écoute des suggestions mises de l’avant. Une autre retombée directe de la mise en place de ce modèle de concertation est la multiplication de projets récompensés par le Réseau québécois des Villes et Villages en santé (VVS). Toutes les municipalités de la MRC adhèrent à VVS. Toutes les tables de concertation s’intéressent à ce réseau sur lequel elles diffusent de l’information. Plusieurs délèguent des représentants au colloque annuel de l’organisme. Le Regroupement des tables de concertation et des Partenaires de la MRC des Pays-d'en-Haut a d’ailleurs posé sa candidature pour être l’hôte du colloque international 2006. La réponse a été positive et la MRC des Pays-d'en-Haut, conjointement avec Val-David et SaintJérôme, recevra le prochain colloque international à l’automne 2006. CATHERINE LANDRY-LARUE DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 1 • NOVEMBRE 2005 5 Nord-du-Québec Le Comité de développement social de la Baie-James : Projets et réalisations Depuis sa création en 2000, le Comité de développement social de la Baie-James (CDSBJ) s’est progressivement élargi en accueillant dans ses rangs des représentants de divers organismes gouvernementaux, paragouvernementaux, communautaires et socio-culturels, de sorte que le comité compte actuellement plus de 20 membres actifs. Somme toute, les actions du CDSBJ sont très mobilisatrices et ont un impact certain sur la qualité de vie de la population nord-québécoise; il s’agit d’un bilan très positif pour une si jeune organisation et il semble bien que les défis à relever dans les prochaines années soient à la hauteur des attentes des membres du CDSBJ. Bien qu’au tout début il ne semblait pas évident de concilier les intérêts de groupes si différents, il est apparu, avec le temps, qu’une telle diversité d’acteurs tant locaux que régionaux amène une dynamique très particulière au sein du Comité, dynamique basée essentiellement sur le respect des opinions des différents membres, ainsi que sur la convivialité et la recherche de consensus. Gilbert Lemay, président du CDSBJ Manon Laporte, porte-parole du CDSBJ. 418-748-3575, poste 5114 Cette dynamique intersectorielle s’est rapidement traduite en de nombreuses réalisations au cours des 5 dernières années, dont nous n’énumérerons que les principales : 1- Incorporation du CDSBJ; 2- Réalisation d’un inventaire des actions en développement social dans la région; 3- Premier colloque régional en développement social, tenu à Lebel-sur-Quévillon à l’automne 2003, sous le thème Vivre le Nord-du-Québec : quand le social rejoint l’économique; 4-Rencontre de travail sur les objectifs et orientations du CDSBJ en mars 2005; 5- Première assemblée générale annuelle en juin 2005 au cours de laquelle les membres ont unanimement résolu de donner une plus grande visibilité au CDSBJ : création d’une signature visuelle, élaboration d’un plan de communication, etc.; 6- Élaboration d’un plan d’action triennal 2005-2008 en développement social; 7- Participation aux Portraits de communauté de Lebel-sur-Quévillon, Chapais, Valcanton, Villebois et Chibougamau, et dans un proche avenir, Matagami et Radisson; 8- Adhésion récente de Matagami au réseau VVS, toutes les autres localités de la région en faisant déjà partie. Parmi les grands projets pour la prochaine année, mentionnons : 1- Adhésion au Réseau québécois de développement social et participation active à toutes les activités provinciales en développement social; 2- Démarches de négociation d’une entente spécifique en développement social pour la région du Nord-du-Québec; 3- Mission France-Québec : participation en septembre de 2 représentants de la direction de santé publique du Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James à une mission d’observation en France sur les pratiques en matière de développement social, de soutien aux familles et de réduction des inégalités sociales. 6 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Les membres du Comité de développement social de la Baie-James Jean-Jacques Bouillon, Localité de Villebois Patrick Compartino, Commission scolaire de la Baie-James Louise Duplessis, Carrefour Jeunesse Emploi de la Jamésie (secteur Chapais) Jean-Robert Gagnon, Centre local de développement de la Baie-James Nicole Gosselin, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale – Emploi-Québec Patricia Hébert, Ministère du développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation Christiane Jalbert, Centre de santé de Radisson Marie-Claude Labbé, Centre de santé Lebel Ginette Laberge, Comité condition féminine Baie-James Manon Laporte, CRSSS de la Baie-James Mireille Lechasseur, Centre de santé de Chibougamau Michel Leduc, Carrefour Jeunesse Emploi de la Jamésie Gilbert Lemay, CRSSS de la Baie-James Yvan Moreau, Conférence régionale des élus de la Baie-James Cécile Philippon, Localité de Valcanton Germain Provencher, Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille – Sécurité du revenu Darlène Savard, SADC - Matagami Sandra St-Pierre, TROC-10 Nathalie Truchon, SADC de Chibougamau-Chapais inc. de même que des représentants du Centre d’études collégiales à Chibougamau, du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale – Emploi-Québec (Chibougamau). Mentor-Nord Québec; des rencontres pour explorer, se « re-connaître » et…se choisir. Comment susciter l’ouverture d’une fenêtre sur le monde pour des jeunes et des moins jeunes en regard aux multiples perspectives de carrière s’offrant à eux? Comment arriver à recenser et à valoriser les ressources humaines du milieu afin de contribuer à l’édification de citoyens modélisants ? Par ailleurs, comment créer un espace constituée d’une fierté d’appartenance pour les citoyens de la belle région de la Jamésie, région qui souffre de l’exode de ses jeunes mais aussi, de ses moins jeunes ? Défi de taille considérant un contexte des plus instable du point de vue socio-économique! Pour répondre adéquatement à ce défi, il apparaissait impératif de contribuer à la création de rencontres afin de contrer l’isolement tant humain que géographique, quelles que soit la distance et quelles que soit la perspective à explorer. C’est ainsi qu’a germé l’idée de former des jumelages par le biais du mentorat. Ainsi, depuis le début de mars 2005, des expériences de jumelages ont débuté à Chapais, entre des jeunes en exploration de carrière et des mentors possédant le profil des critères recherchés par les mentorés. Conscient de l’impact bénéfique de cette initiative, le projet est en voie de devenir régional et de ce fait- et en concordance avec la mission du Carrefour Jeunesse-emploi de la Jamésie- il supportera le parcours des jeunes jamésiens de 12 à 35 ans, en démarches d’exploration, d’orientation ou de réorientation de carrière, possédant peu ou pas d’expérience sur le marché du travail ciblé, en vue d’être jumelés à des ressources humaines du milieu. Belle initiative qui assurément, rapportera tant aux individus qu’à la communauté dans la reconnaissance des « potentiels » qui prévalent en régions éloignées. Montréal En mars dernier, le Forum régional sur le développement social de l’île de Montréal tenait un colloque sur les approches intégrées en développement social urbain. L’événement réunissait 250 personnes et fut, de l’avis des participants, un véritable succès. Les actes du colloque « Les approches intégrées en développement social urbain : enjeux et défis » sont maintenant disponibles. Pour information: http://www.credemontreal.qc.ca/Publications/ Developpementsocial/Actesapprochesintegre230905.pdf Pour information : Carrefour jeunesse-emploi de la Jamésie Louise Duplessis, Tél. : (418) 745-3895, [email protected] PAR RENAUD BEAUDRY ÀVOUSLAPAROLE TROC CENTRE-DU-QUÉBEC/MAURICIE MEMBRE DU COMITÉ ORGANISATEUR DU COLLOQUE POUR RELEVER LE DÉFI DE LA RECONNAISSANCE ET DU SOUTIEN DE L’ACTION COMMUNAUTAIRE AU QUÉBEC L’action communautaire québécoise : la clé de l’évolution sociale et citoyenne au Québec! a Table régionale des organismes communautaires en santé et services sociaux Centre-du-Québec/Mauricie organise au printemps prochain un colloque dont le titre, « Pour relever le défi de la reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec » se veut tout à la fois une pressante invitation et un appel à la mobilisation, Une invitation d’abord afin de poursuivre dans la foulée des efforts accomplis depuis quelques années pour faire partager cette conviction que l’action communautaire québécoise constitue la clef de l’évolution sociale et citoyenne au Québec. Un appel ensuite, car nous pressons les différents ministères du gouvernement du Québec, les milieux de la recherche, le secteur philanthropique québécois et les milliers d’organisations communautaires de passer de l’incertitude et de la méfiance à une volonté partagée et solidaire d’agir ensemble pour lutter contre les inégalités sociales et pour améliorer la qualité de vie des citoyens et citoyennes du Québec. Un projet somme toute qui est à notre mesure puisque les forces en présence pour l’affronter sont nombreuses et mobilisées : 5 000 organisations présentes sur l’ensemble du territoire québécois, 20 000 travailleuses et travailleurs L engagéEs, plus de 100 000 citoyennes, militants, bénévoles impliquéEs et plus d’un million de Québécois et de Québécoises rejoints. Rappelons en effet que les organismes communautaires constituent au Québec un réseau exceptionnel dont on ne retrouve aucune correspondance ailleurs dans le monde occidental. Ce réseau visionnaire, innovateur et expérimental est, comme le signale Suzanne Péloquin du ROC 031, le secret le mieux gardé de notre société. Son action est trop souvent menée dans l’ombre. Pourtant ce réseau peut, si plusieurs conditions sont réunies, assumer un rôle de premier plan dans le développement social, le développement des communautés et le développement de la citoyenneté partout au Québec. Le dira-t-on assez ? (Suite page 8) DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 7 (Suite de la page 7) Un colloque pour relever le défi de l’action communautaire au Québec L’invitation est donc lancée au milieu communautaire, à leurs alliés et à leurs partenaires pour mener ensemble une réflexion sur ces enjeux de taille qui confrontent un mouvement communautaire capable de grandes avancées sociales mais qui se retrouve encore en situation de péril. Le colloque des 2 et 3 mars 2006 à Trois-Rivières entend contribuer à créer de nouveaux leviers collectifs de reconnaissance et de soutien, de concert avec les partenaires historiques du mouvement communautaire québécois. Des chercheurEs viendront répondre à la question que se posent plusieurs politiciens « Le communautaire, qu’est-ça donne ? ». Des gens vont y témoigner de leurs expériences de communauté solidaire et en santé. Le colloque vise aussi à ce que les participants passent outre la peur et le repli sur soi pour découvrir (ou redécouvrir) la stratégie de co-production avec l’État2 qui anime nombre d’organisations du tiers secteur et du secteur communautaire. On va lancer des idées, des projets et signer des ententes de solidarité car, finalement, ce colloque c’est un peu beaucoup une mission de gens du communautaire portés par leur vision positive et qui font un voyage dans les autres pays que sont les milieux de la philanthropie, les milieux de la recherche et les milieux institutionnels du gouvernement du Québec. Pour enrichir la réforme Couillard d’une vision juste de l’action communautaire Et puis ce colloque ne saurait passer sous silence l’actuelle réforme pilotée par le ministre de la Santé et des Services Sociaux dont la particularité est de donner l’impression qu’elle a pour but de répondre aux seuls défis spécifiques du réseau public. Si l’intégration et la hiérarchisation sont des réponses adéquates à l’immobilisme et à la compétition historique entre les établissements et les professionnels de la santé, cette recette, appliquée aux organismes communautaires, va dépouiller l’action communautaire de ses forces et priver la population d’une réponse adaptée à ses besoins. Il importe donc que le colloque permette l’expression de la valeur et de l’originalité de l’action communautaire pour éviter qu’elle ne soit noyée ou submergée par un vent de réforme généralisateur et insensible aux initiatives issues des milieux. Pour relancer une Politique de reconnaissance empêtrée dans l’administratif, la contradiction et l’absence de vision politique Par ailleurs, le colloque du printemps prochain entend bien revenir sur la Politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire. Celle-ci est, selon plusieurs, un bon compromis entre les prérogatives de l’État québécois et les aspirations légitimes du mouvement communautaire. Le hic, c’est que l’actualisation de cette Politique a été chamboulée par de nombreux changements de titulaires ministériels, banalisée par les réformes en cours dans plusieurs ministères et, somme toute, victime de la valse hésitation du gouvernement à l’égard de notre mouvement. On a l’impression parfois que le gouvernement actuel se demande encore aujourd’hui, s’il doit combattre l’ennemi « communautaire » à cause de son fort penchant à lutter pour la justice sociale ou encore, s’il doit chercher à le récupérer pour sa grande capacité à produire entraide et services à prix compétitifs. 8 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Au Québec, les gouvernements, quelles que soient leurs allégeances, ont intérêt à comprendre qu’un fort mouvement communautaire est bénéfique pour eux et surtout pour la population. Ce qu’il faut savoir ici, c’est que le mouvement communautaire carbure à l’implication des citoyens, se mobilise pour corriger des injustices (droits, accessibilité, respect, intégration), se défonce en produisant activités et services grâce à sa liberté d’action et s’engage à la vue manifeste de la persistance de la pauvreté au Québec. Le mouvement communautaire peut continuer et faire plus, si on supporte son accès au carburant populationnel, par exemple par un État qui met à sa disposition ses moyens de communication. Les groupes communautaires peuvent faire beaucoup et mieux encore par un soutien financier étatique qui préserve et encourage cette liberté d’action, si efficace, efficiente et performante. L’État québécois peut créer un fonds capitalisé et dédié à l’action communautaire, par une participation des sociétés d’État et des entreprises québécoises. La fiscalité québécoise, par ailleurs très imaginative pour l’aluminium, la recherche, l’agriculture, peut donner du souffle à la générosité des citoyens et des entreprises. Le livre blanc de l’ex-ministre de la Santé, Marc-Yvan Côté, donne une solide piste à l’actuel gouvernement libéral. La liste est longue3 de solutions, de nouveaux moyens, de possibles pour qui a une vision et reconnaît tout le potentiel d’une société plus participative, plus responsable et plus juste par l’action communautaire. Imaginez un instant ce que les 400 participantEs, motivéEs par la mise en marche d’une révolution sociale et citoyenne à portée d’imagination et de solide volonté, pourront se dire et faire ensemble au colloque pour relever le défi de la reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec. On vous donne rendez-vous à Trois-Rivières, les 2 et 3 mars 2006. Voilà un événement que ne peut manquer Développement social! 1 Regroupement des organismes communautaires de la région de Québec. 2 Les interfaces entre l’État et le tiers secteur au Québec, mars 2005, Jean Proulx, Denis Bourque, Sébastien Savard. 3 La programmation du colloque «Pour relever le défi de la reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec» sera disponible en novembre 2005. Grâce à la collaboration du Secrétariat à l’action communautaire autonome, 5 000 organismes communautaires et les membres du comité interministériel de la Politique de reconnaissance recevront la programmation. DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL PAR LYSANNE O’SULLIVAN PRÉSIDENTE DU CONSEIL ET VICE-PRÉSIDENTE DE LA CONFÉRENCE RÉGIONALE DES ÉLUS DES LAURENTIDES Le Conseil régional de développement social des Laurentides Le Conseil régional de développement social des Laurentides est un jeune organisme qui voit ses origines dans la tournée provinciale de réflexion sur le développement social de 19971998, menée à l’initiative du Conseil de la santé et du bienêtre. L’organisme de concertation a d’abord vu le jour comme commission permanente de développement social du CRDLaurentides, une commission sans réelle autonomie administrative et financière mais avec un certain pouvoir d’influence. ujourd’hui, le Conseil régional de développement social des Laurentides est un organisme dûment incorporé qui regroupe des personnes issues des tables de concertation locales des MRC, des personnes provenant du milieu de la santé et des services sociaux, des réseaux de la solidarité sociale et de l’éducation, du milieu des affaires, du développement économique, d’une municipalité, des représentants des secteurs jeunes, aînés et condition féminine, de l’environnement. Le Conseil travaille activement afin de mettre en place des tables de concertation dans chacune des MRC de la région des Laurentides et doit également travailler avec acharnement afin d’assurer un minimum de financement pour soutenir ses activités. A Notre organisation, bien que jeune, a néanmoins arrêté une vision et des valeurs qui fondent nos actions : Le conseil régional de développement social des Laurentides est porteur d’une vision de développement social harmonieux, où ses actions, à travers les différents acteurs et actrices en développement social, contribuent au développement de l’être humain, en équilibre avec le milieu économique, écologique, social et culturel. Les valeurs d’équité, de solidarité, de justice sociale, d’éthique et de respect de l’environnement sont porteuses de cette vision. En conformité avec ce modèle, le conseil s’engage dans des actions axées sur la convivialité et la solidarité des rapports humains qui visent des perspectives de démocratie, de développement du plein potentiel de chacun, de développement des appartenances à la collectivité, d’entraide et de solidarités sociales, de participation sociale et citoyenne à part entière, de réussite personnelle et sociale et de développement du capital social favorable au mieux-être des personnes et des collectivités. Le passage du CRD à la CRÉ Dans la région laurentienne la venue de la Conférence régionale des élus (CRÉ) a modifié la façon de faire préalablement établie par le CRD-L. Le conseil d’administration de la CRÉ Laurentides est composé de 35 mairesses et maires et de 12 personnes représentant autant de secteurs socioéconomiques : développement social, développement économique, entreprise, environnement, culture, éducation, forêt, partenaires du marché du travail, loisirs, tourisme, transport terrestre avancé, agroalimentaire. Au sein du comité exécutif de la CRÉ on retrouve les 8 préfets et deux membres provenant des secteurs socioéconomiques, soit le secteur développement social et le secteur développement économique. Concernant son fonctionnement, le conseil d’administration a décidé de créer douze comités sectoriels, selon les différents secteurs établis, et de leur octroyer une partie du Fonds de développement régional que chaque comité administre en collaboration avec la CRÉ. Chaque comité dépose, pour adoption par la CRE, son plan d’action, puis détermine les critères d’approbation des projets et les différents processus de diffusion de l’information. Il est important de noter que chacun de ces comités est décisionnel. La personne représentant le secteur au CA de la CRÉ assume la présidence du comité, 2 mairesses ou maires se retrouvent à la vice-présidence, un membre jeune et 8 personnes représentent chacune des 8 MRC. En outre, le comité sectoriel peut aussi s’adjoindre des personnes ressources. Les trois grands types de développement (social, économique, écologique) sont inextricablement reliés au développement de l’être humain et à l’environnement global (sociohistorique, géopolitique, culturel) dans lequel il se trouve. Ainsi dans notre culture de société démocratique, le développement économique contribue au développement de l’être humain quand il est prospère et équitable. Le développement écologique apporte une contribution au développement de l’être humain quand il est viable et durable. Le développement social renforce le développement humain quand il s’appuie sur la convivialité et la solidarité. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 9 DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL Le Conseil régional de développement social des Laurentides et le soutien de la CRÉ Le conseil régional de développement social est donc l’instance régionale de concertation en développement social et il travaille en étroite collaboration avec le comité sectoriel qui lui, relève de la CRÉ. Bien humblement nous pouvons dire que le conseil régional de développement social des Laurentides a bien tiré son épingle du jeu malgré sa jeunesse et le manque de financement. Les membres du conseil d’administration, et particulièrement les préfets, peuvent reconnaître l’apport essentiel du développement social dans chacun des milieux. C’est ainsi que nous disposons de leur appui dans le cadre de la négociation d’une entente spécifique de développement social. Des objectifs Le conseil régional de développement social a identifié certains objectifs à rencontrer : • Intensifier la concertation entre les organismes locaux et régionaux du développement social afin de soutenir le développement social des territoires de MRC. • Mettre en commun les connaissances en développement social et les rendre disponibles pour mieux comprendre et agir sur les problématiques sociales. • Démontrer l’impact du développement social sur le développement de la région des Laurentides. • Mobiliser et être le catalyseur des organismes de développement social afin de répondre aux besoins des personnes et des organismes de la communauté. • Établir des liens hors région permettant le transfert des expériences et des expertises en développement social. Des priorités d’action Dans notre plan d’action nous avons ciblé un certain nombre de priorités d’action : • Le renforcement des solidarités et du tissu social. • La lutte contre la pauvreté, ses causes, ses conséquences. • Le transport collectif. • Le logement abordable. • La valorisation de la famille. • La sécurité alimentaire. • La sécurité physique. • La santé mentale et sociale. Un contexte particulier Un enjeu important en ce qui concerne la région est la mise en place de la Communauté Montréal métropolitaine (CMM) alors que certaines de nos MRC se retrouvent incluses dans la CMM et d’autres non. Il semble bien que cette méga structure supra municipale disposera de bien des responsabilités et de pouvoirs. Pour plusieurs, il semble difficile de penser concilier la mise en place d’une CMM avec le développement d’un sentiment d’appartenance à la région. Montréal est vital pour le Québec, mais on ne saurait penser le développement du Québec sur le modèle montréalais. Il ne faut jamais oublier que l’une des forces du Québec, c’est sa diversité. 10 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Les activités en cours Actuellement, nous mettons nos énergies à la négociation d’une entente spécifique en développement social pour la région des Laurentides avant l’été 2006. Un projet en ce sens a été déposé au CA de la CRE et le processus suit son cours. De plus, nous continuerons à fournir des avis à la CRÉ, en fonction de l’actualité, et nous poursuivrons les objectifs identifiés dans notre plan d’action, sur la base des moyens financiers dont nous disposerons. Le Conseil régional de développement des Laurentides est fier du travail accompli. Il importe souligner la complicité et l’amitié qui lient les membres du conseil et les partenaires qui ont tous le même objectif : un développement équilibré dans les Laurentides. Nul doute nous pouvons dire que les décideurs de la région ont emboîté le pas et que l’avenir semble annonciateur de bonnes nouvelles et d’actions prometteuses pour la population des Laurentides. La région des laurentides et ses MRC ENTREVUE> PAR MICHEL MOREL ÉQUIPE DE RÉDACTION Entrevue avec Charles Garnier Président de la Conférence régionale des élus des Laurentides DS : Parlez-nous de la mise en place de la conférence régionale des élus des Laurentides. CG : Si on se reporte au passé, j’étais un de ceux qui critiquait vivement la composition du CRD, qui contestait la majorité des représentants de la société civile. Mon point de vue n’était pas négatif envers les membres, mais bien plutôt par rapport au manque de participation des élus qui auraient dû être là et qui n’ont pas pris la place qui leur revenait à l’époque. Quand le gouvernement Libéral a mis en place les CRÉS, initialement il était question que ce soit seulement des élus. Par la suite cela a évolué, on a fait de la place à la société civile. Encore là, j’avais des réticences parce qu’on se retrouvait comme l’ancien CRD, avec une cinquantaine autour de la table. Ma première réaction a été de dire, on a changé les lettres CRD pour les lettres CRÉ. Je trouvais que c’était difficile de faire consensus quand on était une cinquantaine autour de la table. Je voyais encore la problématique de nos élus qui ne prendraient pas leur place. Je me rappelle avoir fait des pressions auprès du ministère pour dire que ça prenait deux CRÉ dans les Laurentides, l’une pour le Sud et l’autre pour le Nord. On a une région qui est très longue, on part du Nord de Laval et on va jusqu’à MontLaurier. Évidemment, les problèmes du Nord ne sont pas les mêmes que ceux du Sud. On a fait un débat là-dessus entre maires et la décision finale fut de maintenir une seule CRÉ. Je me suis rallié à l’idée. Je dois dire que j’ai été agréablement surpris, dès les premières réunions, du fonctionnement de l’organisation, d’avoir une répartition équitable en les 8 MRC et aussi de la création de 12 secteurs d’intervention. Je suis donc très satisfait de l’évolution de la CRÉ. Si j’ai pris la relève à la présidence de la CRÉ, suite à la démission de Robert Poirier, c’est parce que je crois à la CRÉ. Mon prédécesseur, Robert Poirier, a fait un travail dynamique et efficace et on a un mode de fonctionnement très intéressant. DS : Comment s’est fait le choix des 12 secteurs d’activités et comment s’est fait le choix d’intégrer au nombre de ces secteurs d’activité, la question du développement social. CG : Il y a eu des discussions au niveau des maires : y aura-t-il ou non des socioéconomiques. Parce qu’on ne parle plus de société civile, il y un consensus régional qui dit que nos élus sont aussi des membres de la société civile particulièrement impliqués. C’est pour ça qu’on parle des secteurs socioéconomiques. Pendant le même temps, les 28 représentants socioéconomiques de l’époque du CRD se sont réunis pour discuter de ce qu’ils entendaient faire comme proposition aux élus. Ils ont ainsi convenu qu’il y avait 12 secteurs extrêmement importants. Parallèlement, les élus avaient déterminé 8 secteurs importants. Élus et représentants socioéconomiques se sont vite entendus sur le fait qu’il y aurait 12 secteurs, dont celui du développement social. Aujourd’hui, je pense qu’à travers le Québec il n’y en a pas beaucoup de CRÉ qui fonctionnent comme nous et qui génèrent autant de partenariats. d’année, on a une reddition de compte qui permet aux élus de constater le bilan et de faire certaines recommandations. Il me semble que c’est unique au Québec. Notre idée derrière tout ça c’était de dire : «on va leur laisser l’argent, c’est eux qui savent comment faire les projets». Moi à mon avis c’est le coup de maître. Ce qui est assez unique c’est la façon dont le Fond de développement régional est partagé entre les 12 secteurs socioéconomiques. Dans la plupart des CRÉ on a reproduit le même fonctionnement que les CRD : des projets qui passent au travers de la permanence et qui sont ensuite amenés au CA pour décision. Chez nous c’est le contraire, l’argent est distribué aux 12 comités sectoriels au début de l’année financière, au moment du dépôt des plans d’action des comités. Ensuite ce sont les comités qui gèrent les projets, qui les acceptent sur la base de leurs critères et qui gèrent les projets. En fin CHARLES GARNIER DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 11 ENTREVUE> PAR MICHEL MOREL ÉQUIPE DE RÉDACTION Blandine Piquet Gauthier Directrice de la santé publique - Laurentides DS : Quelle est votre lecture de l’état du développement social de la région des Laurentides? BPG: Quand on regarde la région des Laurentides, globalement, on est porté à considérer que la situation socio-économique est plutôt favorable. Mais il faut regarder de plus près, car les Laurentides, c’est une région un peu particulière, composée de trois sous-régions. La plus peuplée de ces sous-régions est le Sud, avec des villes importantes qui constituent la banlieue nord de Montréal. Les populations y sont généralement plus jeunes et plus favorisées que dans les autres sous-régions, ce qui vient jouer sur la moyenne des Laurentides. Les statistiques régionales nous induisent en erreur, parce que la majorité de la population, presque 50 % est au Sud. Donc, même si on a l’impression que la région est plutôt favorisée, ce n’est pas vraiment le cas. Et j’ajouterai que même à l’intérieur du territoire du sud, il y a des poches de pauvreté. Par contre, dès que l’on va vers le centre, la région de Saint-Jérôme ou encore plus au nord, le territoire d’Antoine-Labelle particulièrement, là on a vraiment au niveau social, et socioéconomique de grosses difficultés: faible niveau de scolarité, décrochage scolaire, chômage et emplois précaires. DS : Les Laurentides, pour plusieurs, c’est une région de villégiature, de tourisme; comment cela vient-il influer sur la population? BPG : Ici, il y a un a priori qu’il faut combattre. Souvent les gens pensent que du moment que c’est touristique, c’est riche, or les résidents, les locaux qui travaillent dans le tourisme, ont des emplois plutôt précaires, des emplois qui ne durent pas toute l’année, des emplois peu rémunérés avec des horaires extrêmement difficiles. Par exemple pour le territoire des Sommets, vers Sainte-Agathe, le développement du Mont Tremblant a entraîné un appauvrissement de la population de la région et ça, la plupart des gens ne le savent pas, ne le comprennent pas parce qu’ils pensent que le Mont Tremblant c’est tellement merveilleux, que cela a attiré beaucoup d’emplois. Oui, cela a attiré beaucoup d’emplois mais pas nécessairement des emplois de qualité, ni des emplois stables. Au CSSS des Sommets on a noté que la négligence envers les enfants a augmenté quand le Mont Tremblant s’est développé. La négligence a augmenté parce que les enfants sont seuls, les parents travaillent dans les hôtels, ils travaillent avec des horaires de fou pendant la période touristique. Il faut vraiment s’enlever de l’idée que développement touristique égale richesse pour la population de la région. DS : Un tel développement a sans doute fait en sorte que le prix des loyers augmente? BPG : Tout à fait, cela concourt à l’appauvrissement de la population. Les logements sont devenus inabordables, d’ailleurs pour la table régionale en développement social c’est une des priorités avec le transport. Le transport est aussi un élément très important parce qu’évidemment, il n’y a pas de transport en commun, aussi bien pour les personnes qui veulent accéder aux services que pour les jeunes. DS : Vous parliez d’un fort taux de décrochage scolaire dans la région. BPG : En effet, le taux est élevé, et plus on va vers le nord du territoire, plus la proportion est importante. Pourquoi ne terminent-ils pas leur secondaire? Je pense que beaucoup d’éléments liés à l’avenir et au travail interviennent. Quand on habite Antoine-Labelle, il y a la forêt qui offre des emplois attirants pour les jeunes. Toutes les causes du phénomène n’ont pas encore été bien élucidées, mais on travaille là-dessus justement pour essayer de voir ce qui pourrait être développé pour stimuler cet intérêt pour les études. C’est l’un des objets de l’entente sur la réussite éducative des Laurentides qui touche l’ensemble des Laurentides. BLANDINE PIQUET GAUTHIER 12 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Le PREL est un projet qui réunit les partenaires de la réussite éducative des jeunes dans les Laurentides. Il y a 13 partenaires dans le projet, évidemment le milieu de la santé, beaucoup de partenaires du milieu scolaire, Emploi Québec, le forum jeunesse, Ressources humaines développement des compétences Canada, Secrétariat à la jeunesse… Ensemble, on s’est donné un plan d’action sur trois axes : • rechercher et comprendre les causes de l’abandon scolaire, essayer de trouver les moyens qui pourraient nous permettre de travailler à lutter contre ce phénomène, • convaincre et rassembler : on veut informer et mobiliser les partenaires socio-économiques, les municipalités, les parents, les jeunes pour obtenir des engagements de tous les partenaires en faveur de la persévérance scolaire, • et puis finalement agir au profit de la persévérance scolaire, de la réussite éducative, ça c’est le point auquel je tiens et que je rappelle toujours : la diplomation. (Suite page 14) ENTREVUE> PAR CATHERINE LANDRY-LARUE COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL Au-delà des initiatives ponctuelles, il faut soutenir la consolidation LINDA DÉRY ENTREVUE AVEC LINDA DÉRY, COORDONNATRICE DU REGROUPEMENT DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES DES LAURENTIDES (ROCL) e plus en plus d’acteurs sociaux s’entendent sur la nécessité de financer la mission des organismes communautaires, plutôt que de les obliger à mettre sur pied des projets pour leur assurer un financement nécessaire à leur survie. Bien que ces projets aient très certainement des retombées positives sur leur milieu, les organismes ont un rôle important bien déterminé à assumer, découlant de besoins soulevés par la communauté et visant une participation citoyenne et une transformation sociale à long terme. D Cette position qui est d’ailleurs maintenant reconnue dans la politique gouvernementale sur l’action communautaire est soutenue activement par le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL), qui représente 140 organismes de la région et qui invite d’emblée à reconnaître les valeurs portées par ces organismes. Linda Déry, coordonnatrice du ROCL, insiste en soulignant que le développement social est au cœur des pratiques communautaires et que le travail des organismes est orienté par une vision globale de la personne qu’ils perçoivent comme un citoyen, plutôt qu’un client, en misant sur ses expériences et son potentiel. De même, cette vision globale implique le travail sur les déterminants sociaux de la santé et du bien-être. Si l’on considère que le développement social doit émerger de la communauté, on peut également envisager les organismes communautaires comme levier de ce développement. En effet, branchés sur le terrain, les organismes agissent sur les problèmes sociaux et mettent en place des approches novatrices pour les contrer. Ils suscitent la participation citoyenne et offrent une tribune et des espaces de participation aux personnes exclues. Par conséquent, ils entretiennent aussi le rôle de citoyens actifs, capables d’agir sur leur milieu de vie. Les orga- nismes communautaires rendent visibles et dénoncent les situations d’injustice sociale et misent sur la solidarité. C’est d’ailleurs un des enjeux principaux que de favoriser la citoyenneté active. « On sent un net recul sur le plan de la démocratie et des possibilités de s’investir dans les décisions. Il faut donner, à tous ceux qui le désirent, des espaces de participation et d’influence; sinon, il y a une perte sur le plan du développement social ». Le rôle du ROCL va donc au-delà de sa présence à titre de porte-parole et d’interlocuteur face aux instances politiques. En plus d’animer la concertation des organismes communautaires de la région, de faire des représentations en matière de défense de droit ou de besoins de financement, le ROCL donne des formations aux conseils d’administration et employés du secteur. Ainsi, ces derniers s’approprient les enjeux, les principes et les approches véhiculés par le milieu communautaire et peuvent les transmettre au sein de leur milieu. Le ROCL insiste sur l’importance de la participation citoyenne des personnes qui fréquentent les organismes : « …Les gens peuvent réellement reprendre pouvoir sur leur vie en partageant leur savoir et leur vécu. Il faut reconnaître leur apport et développer un savoir collectif. On ne peut pas décider d’en haut, sans tenir compte des connaissances de la base ». Reste maintenant à transmettre cette vision à nos décideurs, afin qu’eux aussi comprennent qu’il est important de « consolider avant d’aller développer davantage et qu’il est frustrant de voir pousser des petits projets, financés en fonction d’objectifs imposés par les bailleurs de fonds et laissés à eux-mêmes au terme de l’entente. On crée des attentes dans la communauté et on ne consolide pas ces avancées ». L’épuisement qui découle de cette recherche continuelle de financement entraîne souvent un roulement de personnel, phénomène qui va largement à l’encontre de la philosophie décrite précédemment, puisque l’expertise collective se dissipe. Le mouvement communautaire est toutefois fort dans les Laurentides : « On est capable d’avoir un rapport de force parce qu’on est très solidaire et qu’on représente une diversité de secteurs ». En terme de gains, cette année, les sommes destinées à la mission des organismes ont été quelque peu augmentées permettant aux organismes d’actualiser leur rôle: « c’est une brèche vers la reconnaissance financière ». Il est essentiel aussi de faire valoir que le rôle des organismes n’est pas de suppléer aux instances gouvernementales en offrant des services à prix plus avantageux. «On sait que c’est impossible pour les services de santé et les services sociaux de répondre à toutes les demandes, car eux aussi sont sous financés. C’est facile de référer les gens vers le communautaire, mais le réseau a une obligation légale de rendre les services, les organismes c’est autre chose, on est né parce qu’il y a un besoin qui a été nommé par la communauté et on est là pour répondre à ce besoin, avec une toute autre façon de le voir, avec une appropriation collective, une approche d’éducation populaire et de démarche de sensibilisation ». DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 13 DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL Organismes communautaires : Profil régional des Laurentides PAR MARIE-JOSÉE OUELLET, SECRÉTARIAT À L’ACTION COMMUNAUTAIRE AUTONOME DU QUÉBEC ans la foulée du Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire, le Secrétariat à l’action communautaire autonome du Québec (SACA) a été mandaté afin de produire des profils régionaux sur le soutien financier gouvernemental versé aux organismes communautaires afin de mieux connaître leur réalité et ce, dans chacune des régions du Québec. Ces profils seront diffusés au cours de l’automne. Voici un avant goût de ce que vous y trouverez. D Afin de pouvoir comparer la réalité socioéconomique des régions les unes entre les autres, le SACA a développé un outil. À partir de certaines variables sélectionnées1, cet outil situe la région des Laurentides comme celle ayant la situation socioéconomique la plus favorable. La population de la région représentait 6,6 % de la population québécoise. (Suite de la page 12) Il y a des projets qui se mettent en place comme le projet J’embauche un élève qui réussit où on essaye de demander aux employeurs de ne pas embaucher un jeune plus de tant d’heures, de s’assurer de ses résultats scolaires pour qu’il y ait un lien entre les deux. En fait, on sait que beaucoup de jeunes veulent gagner de l’argent et subissent l’attrait de l’argent rapide. Certains doivent aussi payer leurs études et finalement quand un jeune travaille à temps plein, va à l’école, il n’a pas le temps d’étudier. On a mis en place une structure avec une coordinatrice du projet au niveau de la région, et pour chaque territoire (divisé en sud, centre et nord), il y a un agent de concertation qui travaille à mettre en place le projet en lien avec l’entente MSSS-MEQ. Le travail de cette année a été de finaliser ce plan d’action qui a été présenté au mois de novembre 2004 et je pense qu’à l’automne, ça va vraiment démarrer. DS : Est-ce qu’on doit comprendre que cette façon de faire, de s’impliquer dans ce genre de 14 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 La région des Laurentides compte 174 organismes communautaires (4,2 % de l’ensemble des organismes communautaires soutenus selon ce mode au Québec) soutenus en appui à la mission globale. Ces organismes se partagent une enveloppe de 14,6 millions de dollars (4,5 %). En moyenne, les organismes de la région sont mieux soutenus, avec 83 929 $, que dans le reste de la province où le soutien financier moyen est de 78 493 $. Dans certaines municipalités régionales de comté (MRC), le soutien financier moyen versé est supérieur à la moyenne régionale. Ces MRC sont celles de La Rivière-du-Nord (93 881 $), Deux-Montagnes (91 749 $) et Thérèse-deBlainville (86 449 $). Notons que ces territoires étaient également les plus populeux. Les organismes communautaires génèrent une activité économique à ne pas négliger. Dans la région des Laurentides, on évalue leur importance économique à plus de 38 millions de dollars. On estime à plus de 940 le nombre d’emplois à temps plein dans ce secteur, ce qui placerait le secteur communautaire au quatrième rang des employeurs les plus importants dans la région. De plus, on évalue à plus de 75 000 le nombre de personnes qui pratiquent le bénévolat dans la région2. 1 Perspectives démographiques (2001-2026), variation de la population (1991-2003), revenu personnel disponible par habitant (estimation 2003), assistance-emploi (2004), scolarité (2001), taux de chômage (2003), pourcentage de la population en milieu rural (2001), rapport de dépendance démographique (2004) et profil de dépendance économique (2001). 2 À partir de l’enquête de Statistique Canada Canadiens dévoués, Canadiens engagés : points saillants de l’Enquête nationale de 2000 sur le don, le bénévolat et la participation, publiée en août 2001. projet est révélatrice du rôle de votre organisation dans le développement social? BPG : Dans notre plan régional en santé publique, on s’était donné un défi qui était d’exercer une influence positive sur les communautés qui se mobilisent et je pense que lorsqu’on agit sur les déterminants de la santé, les déterminants sociaux, habitudes de vie, etc. C’est pour cela que la DSP est activement impliquée dans le projet PREL. Je pense que l’on ne verra pas les résultats dans un an ou deux, mais d’ici une dizaine d’années, quand ces jeunes seront devenus adultes. DS : Quels sont vos liens avec le secteur municipal? BPG : À l’automne, je vais aller présenter les portraits de santé dans toutes les réunions de préfets des MRC. C’est sûr que j’orienterai ma présentation sur ce qui est en lien avec ce qu’ils peuvent faire. En terme d’habitudes de vie, j’ai déjà des idées. Je trouve que l’on ne s’implique pas assez, par exemple, dans les schémas d’aménagement. Je pense que c’est important car ces aménagements doivent favoriser les saines habitudes de vie et on peut avoir un effet déterminant sur les municipalités. J’aimerais travailler de plus en plus avec les municipalités, parce que je suis docteur mais je parle de santé. Pour la santé, ce n’est pas d’un docteur dont on a besoin, c’est de l’ensemble de tous les éléments d’une communauté : milieu scolaire, milieu municipal. Je regrette un peu qu’il n’y ait pas de gens du milieu municipal dans le PREL. Si on avait avec nous une ou deux MRC, ça nous donnerait du poids. DS : Quels sont les liens entre la DSP et les organismes communautaires du territoire? BPG : À la Direction de santé publique, on s’est vraiment positionnés dans un rôle de deuxième ligne, c’est-à-dire d’expertise, d’accompagnement du centre de santé. Notre objectif, c’est vraiment que les groupes communautaires travaillent avec le Centre de santé. Donc, concernant les organismes communautaires, mon souhait ultime serait qu’ils soient en lien très étroit avec les CSSS. Le local, la première ligne, c’est vraiment sur le terrain que cela se passe. Je voudrais vraiment que la DSP se place au niveau de la deuxième ligne, au niveau du soutien et de l’expertise. PAR MICHEL MOREL, COLLABORATION DANIÈLE AVELINE ÉQUIPE DE RÉDACTION Rencontre avec Hubert Meilleur, Maire de Mirabel Mirabel est une ville qui s’est énormément développée depuis vingt ans. Sa population est passée de 16000 en 1987 à 35 000 habitants aujourd’hui. Son maire, Hubert Meilleur a des convictions fortes et n’a pas peur de les exprimer. Il est convaincu que si on veut vraiment développer un sentiment d’appartenance dans une communauté ou une ville, il faut le faire avec les gens du milieu. ort de ses 22 années d’expérience politique, il est d’ailleurs très sceptique quant à la réelle volonté de décentraliser du gouvernement : « En fait, on ne voit pas la véritable volonté de Québec de transférer des pouvoirs aux régions. Je n’ai pas besoin d’argent mais surtout de plus de pouvoir d’agir. Par exemple, en créant la Communauté métropolitaine de Montréal , le gouvernement est venu faire en sorte de tuer le développement en région. Si vous voulez vous donner des outils de développement, vous pourrez le faire seulement avec l’accord de la CMM. Je vous rappelle que les membres du Conseil de la CMM ne sont pas élus, c’est les maires des grandes villes qui sont à l’exécutif et qui décident pour les villes à l’intérieur de la région métropolitaine de Montréal ». F Il ne pense pas non plus que les Conférences régionales des élus viennent changer quoi que ce soit car les CRÉ, selon lui, n’ont pas vraiment le pouvoir de décider. Et il précise : « Je ne vois pas dans la pratique de changements, seul le discours change. Les grosses machines à Québec gardent le pouvoir et nous, les élus locaux ne sommes pas capables de décider pour nos citoyens. Et on n’a pas d’élus assez forts pour contrer ce pouvoir central». Le développement social à Mirabel M. Meilleur affirme que si la Ville réussit à faire un peu de développement social c’est quand elle parvient à passer à côté des pouvoirs centraux. Il cite l’exemple du parc du Bois de Belle Rivière : « On a créé une OSBL pour être capable de développer ce projet. S’il était à la Ville, il serait bien trop cher à gérer. On serait pris dans les carcans syndicaux et on l’aurait abandonné faute de moyens ». Il parle du développement social comme d’une « nécessité » qui vise à donner une qualité de vie à tous. Pour illustrer ses propos, M. Meilleur cite l’exemple du budget de 239 000$ que Mirabel octroie aux maisons de jeunes, ainsi que le prêt de locaux aux organismes, afin que ces derniers offrent des activités aux personnes et les sortir de leur isolement. Pour avoir les moyens d’offrir des services et de faire du développement social il y a, selon lui des conditions à réunir « Il faut se donner une richesse par le développement économique. Je suis d’accord avec le fait qu’il faut protéger les territoires agricoles mais les lois sont mal définies. À Mirabel il y a 12000 hectares de terrains qui ne serviront jamais à des fins agricoles et qu’on pourrait développer autrement pour créer des revenus additionnels. Cela permettrait alors d’avoir les moyens de faire du développement social ». Le développement économique M. Meilleur nous explique les problèmes qu’il rencontre alors qu’un promoteur veut s’établir à Mirabel et a besoin de 2500 acres pour développer un projet résidentiel : « On ne pourra jamais faire ça car Québec nous en empêche, on n’a pas ce pouvoir-là. De plus ici on commence à manquer de main-d’œuvre». M. Meilleur affirme que sa ville est la moins taxée si on la compare à des villes qui offrent des services comparables. Et la situation économique est plutôt bonne : « Une étude nous dit que le revenu moyen est de 53 000 $ et le taux de chômage de 4%. On a beaucoup de travailleurs en aérospatial. Pour nous c’est important qu’ils vivent et travaillent dans la région ». Il rappelle également que le développement économique est primordial pour la municipalité car : « L’industrie paie le double de taxes du résidentiel. Et l’industrie ne coûte rien au niveau service, alors que les résidents consomment des services de loisirs, de culture, etc. ». La place des citoyens En arrivant à la Ville, le maire de Mirabel a créé des Comités locaux d’action municipale (CLAM), aujourd’hui, un autre modèle est mis de l’avant : quatre Commissions dont une de développement social permettent aux citoyens de s’exprimer. « Souvent on est obligé d’expliquer pourquoi on ne fait pas ceci ou cela : c’est parce que Montréal ou Québec nous en empêchent. Avec les Commissions on espère que cela va donner à la Ville une force de frappe ». Par ailleurs la vie communautaire est dynamique à Mirabel et plus de 700 bénévoles s’impliquent. Les citoyens ont besoin de sentir un sentiment d’appartenance et ce n’est pas, selon M. Meilleur, en déracinant les jeunes qu’on peut y arriver: « On envoie les jeunes du secondaire dans une grosse polyvalente car il n’y en a pas ici. Quand on pense qu’au-delà de 30% de nos jeunes décrochent, c’est parce qu’on les a déracinés de leur milieu et on a coupé le contact entre l’école et les parents ». En concluant, M. Meilleur affirme qu’il y a une sorte d’équité dans le développement d’un milieu entre différentes catégories de citoyens : « Mirabel est un bon exemple où la fusion de 14 municipalités a permis d’entretenir un réseau routier dans la partie rurale grâce à la richesse foncière d’autres secteurs ». HUBERT MEILLEUR MAIRE DE MIRABEL DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 15 SURLETERRAIN> PAR MICHEL MOREL, COLLABORATION DANIÈLE AVELINE ÉQUIPE DE RÉDACTION Le parc du Bois de Belle Rivière, entrevue avec Stéphane Michaud de la CPEM de 25 groupes sont impliqués. Le Flores, un organisme qui travaille avec des personnes handicapées, les scouts, les services correctionnels du Canada, les retraités, l’Association chasse et pêche, Katimavik Canada, des projets d’intégration avec Emploi Québec, sont autant de partenaires qui ont permis d’avoir la main-d’œuvre nécessaire pour l’entretien. LES MEMBRES DE LA CORPORATION POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT À MIRABEL La petite histoire du parc Le Parc du bois de Belle Rivière est un espace de 2 km2 qui a fait l’objet d’investissements publics importants mais qui a finalement été laissé à l’abandon pendant environ 7 ans. À l’origine, il appartenait au gouvernement fédéral, puis, devant les coûts d’entretien importants, le fédéral en a confié la gestion au provincial qui, après plusieurs années d’opération, est arrivé à la même conclusion. Aujourd’hui, c’est la Corporation pour la protection de l’environnement à Mirabel (CPEM) qui en est le gestionnaire. Cette OBNL existe depuis 1991 et a pour mission la protection de l’environnement à Mirabel. Le Conseil d’administration est constitué de bénévoles, de représentants de la Ville et de citoyens. Monsieur Michaud nous explique le cheminement de la CPEM : « On voulait conserver le parc, avec sa vocation environnementale. C’est quand le Conseil régional des Laurentides a décidé de sauvegarder le parc qu’on a eu une réelle ouverture. On ne savait pas trop comment faire, c’est avec le temps qu’on a avancé. Dans un premier temps, on a obtenu des fonds du CRD et la municipalité nous a donné le mandat de développer le parc». Même si un objectif d’auto financement était fixé, après 8 ans d’efforts, l’organisme constate que l’objectif était impossible à atteindre, même si les résultats sont importants, puisque l’autofinancement atteint 45%. Ceci est exceptionnel car en Amérique du Nord, les parcs à vocation publique de ce genre s’autofinancent à 35%. Le maire de Mirabel, un homme connu comme un amoureux de la nature, est Président de la CPEM et les rapports sont excellents avec la municipalité. Le partenariat dans toutes les phases de développement La remise en état du parc aura pris 5 ans et le travail pour chaque étape s’est fait avec les organismes du milieu. La première vocation est le maintien du parc comme tel: le stationnement, l’entretien général. Cela se fait principalement avec des organismes partenaires, plus STÉPHANE MICHAUD 16 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Au-delà du travail effectué, toute une vie communautaire est sousjacente au projet : « Mettre en présence des gens de différents milieux crée un milieu très riche. On organise des activités de reconnaissance, des événements et des sorties pour les bénévoles ». Monsieur Michaud explique les difficultés particulières auxquelles le projet doit faire face : « On a essayé de créer une synergie. Il y a une heure sur deux qui est faite par un bénévole, ce qui est un grand défi. Le personnel permanent est très réduit. Il y a des apprentissages à faire et de l’éducation à faire avec les employés, car on ne peut tout attendre des bénévoles qui peuvent être irréguliers ou qui ne font pas tout à fait les choses comme des professionnels. On ne donne pas un service dans les mêmes conditions qu’une municipalité et il faut expliquer ce qu’on a réussi à faire dans des conditions parfois assez difficiles». De projet en projet, la CPEM s’associe de nouveaux partenaires. Cette année, par exemple, l’aménagement de la plage va se faire avec la collaboration de la compagnie NAYA qui finance le matériel pour les constructions. Un autre exemple : un groupe qui fait des activités médiévales et qui fréquente le parc depuis 7 ans. Ils ont construit des infrastructures pour eux mais qui servent pour des événements d’autre nature. Dans le chapiteau ont lieu des fêtes comme celle des employés de la caisse Desjardins. Différents services leur sont offerts sur place comme les repas, le coucher, la sécurité, etc. ENTREVUE> Et le développement social dans tout ça? Monsieur Michaud « On développe un parc mais on est aussi un plateau d’intégration et on fait du développement social structurant sur plusieurs niveaux. On voit là toute une générosité des personnes qui travaillent et des bénévoles. Notre travail est basé sur l’estime de soi et le respect de l’être humain. Aujourd’hui, on est une sorte de plateau de travail et on travaille globalement sur plusieurs axes. C’est vraiment du développement social ». Monsieur Michaud s’enthousiasme lorsqu’il parle du parc : « Il y a un sentiment de fierté qui se dégage chez les partenaires: une vingtaine d’OBNL, une cinquantaine de bénévoles et une quarantaine d’employés l’été sont fiers de participer à une cause régionale et sociale. Ce parc est un joyau chez nous et on est fier de contribuer à son développement, c’est un bon exemple de développement social où l’humain est au centre des préoccupations». Les projets futurs Le prochain projet est de consolider les services à la clientèle et d’ouvrir en pensant aussi à la clientèle internationale. Monsieur Michaud parle de la notoriété du parc en ces termes : « On est bien connu, mais pas encore assez. On n’a pas un gros budget de promotion, cela fonctionne par le « bouche à oreille ». On n’est pas encore investi du côté de la population urbaine ». Et il mentionne la croissance importance de la clientèle : « Alors que la fréquentation du parc était de 12 000 personnes par année en 97, ce sont 60 000 personnes qui le fréquentent aujourd’hui. On est ouvert à l’année et on a développé des activités spécifiques pour l’hiver ». Là où les gouvernements ont échoué, la CPEM semble donc réussir à maintenir un parc accessible à la population, tout en permettant d’offrir des plateaux de travail à une population plus vulnérable. PAR CATHERINE LANDRY-LARUE COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL EN COLLABORATION AVEC L’ÉQUIPE DE RÉDACTION Entrevue avec Marc Gascon Maire de Saint-Jérôme Président du Réseau québécois des Villes et villages en santé RQVVS DS: Quel est le rôle d’un maire en développement social? Marc Gascon : C’est l’affaire de la communauté entière, de s’occuper de son développement. Chacun a un rôle particulier : le communautaire, le gouvernemental, le monde des affaires, etc. Tous sont responsables de la santé de la communauté, à tous points de vue. Il faut tisser des liens positifs entre les milieux. Les projets Villes et Villages en Santé sont d’ailleurs de bons leviers en matière de développement social. C’est une démarche de concertation par laquelle on demande aux gens d’agir sur leur milieu, en fonction des besoins spécifiques de chacune des communautés. DS : Par quels moyens une municipalité peut-elle favoriser les arrimages avec les gens d’affaires? M.G. : Les municipalités étant le palier de gouvernance le plus près de la communauté, doivent sensibiliser les gens d’affaires à l’importance de favoriser de bonnes relations avec les citoyens. Elles doivent également les inciter à s’impliquer dans la vie municipale, à donner leur avis et non seulement à agir comme commanditaires. Les gens d’affaires doivent être consultés. C’est ce que nous avons fait dans le cadre de la revitalisation du centre-ville. Il faut que les gens d’affaires soient constamment à l’écoute des citoyens. Ce n’est pas parce qu’un commerce est établi depuis longtemps dans une municipalité qu’il peut se permettre de faire ce qu’il veut et croire que les citoyens vont l’approuver. Toujours dans le cadre de la revitalisation du centre-ville, on se demandait si c’était la ville ou les commerçants qui devaient entamer les démarches. Lorsque les gens ont pris connaissance des plans, ils ont exprimé de nombreuses critiques et réserves. Plusieurs ne croyaient pas à cette revitalisation et ne semblaient pas avoir de vision d’avenir. Le programme de rénovation des façades était un programme partagé où la ville s’impliquait financièrement. Les deux ou trois premiers commerçants étaient réticents au départ, mais maintenant, autant les citoyens que les commerçants, sont convaincus du bien-fondé de cette démarche. La cohésion sociale, c’est important. DS : Quelles sont les problématiques sociales présentes dans votre ville ? M.G. : La problématique du logement ne nous touche pas trop… on accorde beaucoup de permis de construction et les nouveaux résidents amènent une nouvelle richesse, une nouvelle culture… MARC GASCON Le vieillissement de la population nous touche davantage, d’autant plus que les personnes âgées n’ont pas nécessairement les mêmes moyens financiers qu’avant leur retraite. La ville investit annuellement des sommes importantes pour mettre en place des logements abordables destinés aux personnes âgées. On utilise des programmes tels qu’Accès-Logis, pour faire un projet de logements conjointement avec des organismes du milieu. DS : Les décisions prises à la Ville ont-elles des répercussions sur la santé et la cohésion sociale? M.G. : Effectivement, les décisions prises au Conseil de Ville ont d’importantes répercussions, mais il faut spécifier qu’elles ne sont pas l’œuvre d’un seul homme. Depuis les 10 dernières années, les choses ont beaucoup changé et pour le mieux. Étant donné que Saint-Jérôme est une vieille ville, on pensait qu’il n’y avait plus de développement à faire. La fusion des quatre villes a été très profitable et cela s’est bien passé. La ville était dotée d’un cégep et de centres commerciaux, d’une bonne vie associative. Les cultures différentes ont été faciles à combiner. Il ne fallait pas que l’ancienne ville de Saint-Jérôme s’impose; il était important de reconnaître les particularités de chacune des quatre villes. Intégrer les 500 employés représentait une tâche importante, compte tenu de l’existence de 5 syndicats de cols bleus et de 5 de cols blancs. Toutes les conventions collectives sont maintenant renégociées. (Suite page 19) DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 17 SURLETERRAIN> PAR MICHEL MOREL ÉQUIPE DE RÉDACTION Le Coffret Rencontre avec Line Chaloux Le Coffret est l'organisme régional en matière d'accueil et d'établissement des immigrants dans les Laurentides. Situé dans la ville de St-Jérôme, le Coffret œuvre depuis 1990 à l'encadrement des nouveaux arrivants et à la promotion de la régionalisation de l'immigration. Le Coffret est logé au Méridien 74, mais, qu’est-ce que le Méridien 74 ? C’est un centre communautaire qui permet à une trentaine d’organismes d’organiser une diversité d’actions. Parmi les organismes présents, se trouvent des organismes qui étaient déjà là à l’époque où le Méridien 74 était une église paroissiale avec une fabrique qui gérait la paroisse : les scouts, le Cercle des fermières, les clubs d’âge d’or et des comptoirs d’aide alimentaire. À ces services et activités, se sont ajoutés d’autres organismes qui cherchaient des locaux pour s’installer. Line Chaloux, directeure générale du Centre, explique : « Notre organisation a toujours eu une préoccupation d’être une sorte de laboratoire communautaire et de servir d’incubateur communautaire, donc on a toujours eu des locaux pour permettre à des nouveaux organismes de se développer ». Méridien 74 héberge aussi d’autres types d’activités comme les Alcooliques anonymes, les Dépendants affectifs anonymes et les Gamblers anonymes. Tous les dimanches, se tiennent également des activités religieuses, comme les messes, pour permettre à la paroisse de garder son identité et à la communauté de se rencontrer dans ce lieu-là. Un petit groupe de personnes âgées du quartier qui avaient des activités depuis une vingtaine d’années (les Adorateurs) continuent à se réunir ici. Mais qu’est-ce que le Coffret ? Parmi les organismes importants au Méridien actuellement, le Coffret est celui qui prend le plus d’espace et qui mène le plus d’activités. Cet organisme est né à la fin des années 80, dans les Laurentides, après une étude démographique sur le vieillissement de la population, la dénatalité et l’immigration. Line Chaloux : « Parmi les recommandations de l’étude, il était proposé de mettre sur pied un organisme qui aiderait l’intégration des nouveaux arrivants, un besoin réel car il n’y avait aucun organisme du genre dans la région. Le sigle Coffret signifie : Centre d’Orientation et de Formation pour Favoriser les Relations Ethniques ». La vocation du Coffret, c’est l’intégration des immigrants mais surtout le rapprochement interculturel et la sensibilisation à la diversité culturelle, autant au niveau des institutions dans l’application des services adaptés qu’auprès de la population pour l’ouverture à la différence. « On a fait des expositions dans les écoles, des interventions auprès des corps policiers pour faire de la formation. Avec les CLSC, on s’assure que dans notre région, les LINE CHALOUX 18 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 services sont adaptés pour bien répondre à la communauté immigrante pour faire en sorte que personne ne va tomber entre deux chaises ». Le partenariat que le Coffret a développé au cours des quinze dernières années semble porter fruit puisque aujourd’hui, les CLSC, les écoles, le service de sécurité appellent l’organisme pour son expertise. Par exemple, avant de placer un enfant dans une famille d’accueil, la DPJ fait appel au Coffret, comme médiateur dans un dossier. « On a vraiment pu développer un partenariat qui fait en sorte de protéger les immigrants dans leur absence de référence face à nos mesures de sécurité et à nos mesures sociales » souligne la directeure. Le coffret s’implique aussi dans le rapprochement interculturel, notamment entre les immigrants et la population du quartier. Fort du constat que les gens vivent les mêmes difficultés et ont les mêmes besoins de se créer des réseaux, d’être soutenus dans leurs démarches et d’être outillés pour développer des plans de vie, l’organisme a conçu un projet nommé : Fortification de quartier. Line Chaloux le décrit ainsi : « Notre objectif est d’offrir un concept intégré de services à la population, d’environ 800 personnes qui vient chez nous chaque semaine. On va accueillir la personne qui vient chercher un service d’aide alimentaire et on va l’accompagner pour qu’elle identifie quels sont les autres services dont elle aurait besoin pour ne plus avoir besoin de fréquenter le service d’aide alimentaire ». Le projet de fortification de quartier vise donc à créer des réseaux où les gens vont développer des habilités pour être en mesure de reprendre confiance en eux, capables de se projeter dans un avenir, de développer des liens avec les autres et où ils vont être l’acteur principal de leur devenir. Cette idée de créer des réseaux est présente dans toutes les activités, comme dans la salle de couture aménagée en partenariat avec le Cercle des fermières. Dans cette salle, se fait de la récupération de vêtements pour les réfugiés, ce qui permet de créer des liens et de créer un petit réseau entre les femmes qui vivent de l’isolement. Le café Internet est un autre exemple. L’objectif du café Internet dans un premier temps, c’était de permettre aux réfugiés, puis aux immigrants en général, d’avoir un lieu de communication économique avec leur famille. Le café Internet fonctionne bien et il permet de briser l’isolement chez les hommes. DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL Pour réaliser ces nombreuses activités, le Coffret s’associe à de nombreux partenaires en éducation, en santé, au niveau des divers ministères avec qui les nouveaux arrivants doivent transiger. Le Coffret développe aussi des activités culturelles pour les communautés immigrantes (Africains, Colombiens, Vénézuéliens, Péruviens, Equatoriens, Costa Ricains), afin qu’ils brisent leur isolement et réussissent à garder vivante leur origine culturelle. En général, le Coffret offre un accompagnement et un soutien aux familles et aux personnes dans leurs démarches : processus de francisation, alphabétisation avec des professeurs bénévoles, insertion sociale par des activités d’insertion semi professionnelle, etc. (Suite de la page 17) On a bâti un plan stratégique à partir de consultations menées auprès des élus, de la direction de la ville et des citoyens. Le plan de match découle des différentes visions exprimées, tant par l’administration municipale que par les citoyens. Notons que l’environnement est un enjeu important pour les citoyens des Laurentides. Tous les services de la municipalité doivent faire un bilan des échanges qu’ils ont avec les citoyens. Les fonctionnaires sont sensibles à ces principes, étant eux-mêmes citoyens. DS : Quels sont les problèmes auxquels vous voulez vous attaquer et vos préoccupations en matière de développement social? MG: Saint-Jérôme, en tant que capitale régionale, abrite les grands services gouvernementaux. En conséquence, il y a une importante immigration des personnes plus vulnérables qui viennent gonfler les rangs des pauvres et des aînés. Le tissu social est cependant d’une mixité intéressante, car plusieurs jeunes familles viennent également s’établir ici. On a mis en place une politique familiale et une politique culturelle. On a un projet de centre communautaire à vocation multiple, géré par et pour les aînés. On fait en sorte que les aînés se prennent en main pour mettre sur pied un projet qui sera à leur image et qui saura interférer avec les autres ressources du milieu. Le Coffret, c’est aussi : •une banque d’environ 200 logements; •des conseils avant la signature du bail; •une banque d’interprètes; •une aide à l’inscription des enfants dans les écoles; •un accompagnement des personnes dans les démarches auprès des institutions publiques et privées (Centre Travail Québec, carte d’assurance-maladie, numéro d’assistance sociale, Bell téléphone,…); •une source d’information et de référence vers les ressources locales et régionales •un club de jumelage en sollicitant la collaboration des familles québécoises afin de faciliter l’intégration rapide des nouveaux arrivants. DS : Le fait d’être un Centre de services pour la région des Laurentides vous apporte-t-il des problématiques spécifiques ? MG : Le centre de détention fait partie de nos réalités et il occasionne une forme d’immigration. Une personne condamnée provoque souvent la migration de sa famille: cette dernière souhaite lui rendre visite et favoriser sa réintégration. Saint-Jérôme a également un hôpital psychiatrique, ce qui est comporte un certain nombre de défis. Les Laurentides sont appelées à se développer énormément, mais l’argent ne suit pas, probablement parce qu’on est près de Montréal. Ceci fait partie de nos enjeux régionaux. De plus en plus de ressources communautaires viennent suppléer aux services gouvernementaux, ce qui mobilise les gens sur des responsabilités qui appartiennent au gouvernement. Un organisme communautaire, le Coffret accueille les immigrants qui nous alimentent en matière de nouvelles richesses culturelles. Il est important de bien les intégrer à nos communautés. On est leur terre d’accueil et, malgré le choc des cultures, ils sont fort motivés à s’intégrer. Pour favoriser les échanges, on parle avec eux, on communique, autour d’une table. L’intégration passe par le ventre ! Notre mission est de faire en sorte que tous vivent bien ensemble. On est le palier de gouvernement le plus proche des citoyens. On veut créer des milieux de vie où les humains, élus et citoyens, se parlent. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 19 ENTREVUE> PAR CATHERINE LANDRY-LARUE COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL EN COLLABORATION AVEC MICHAEL WATKINS, ÉQUIPE DE RÉDACTION MRC des Pays-d’en-Haut Entrevue avec Charles Garnier Préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut Vice-président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) M. Charles Garnier est un préfet élu au suffrage universel… particularité, puisqu’il n’y en a que sept dans cette situation au Québec. Il y a quatre ans, le ministère responsable des municipalités a offert la possibilité de rémunérer un préfet s’il était élu par suffrage universel plutôt que nommé par ses pairs. M. Garnier note bien la distinction: « La principale différence, c’est qu’un préfet élu au suffrage universel ne porte pas deux chapeaux. À l’époque où j’étais également maire, les gens de ma municipalité passaient avant ceux de la MRC », avoue d’emblée M. Garnier. Après avoir élucidé son statut, nous lui avons demandé quelles étaient ses priorités en matière de développement social… M. Garnier identifie alors cinq thèmes pour décrire les efforts en matière de développement social dans son milieu; la jeunesse, le logement, le transport, le vieillissement de la population et la politique culturelle sous-régionale. Il explique l’interrelation entre ces problématiques et ses préoccupations à titre de préfet. Selon M. Garnier, l’exode des jeunes est un des enjeux importants de la MRC des Pays-d'enHaut, comme d’ailleurs de celle des Laurentides. Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, bien que les jeunes soient en mesure de trouver du travail dans la MRC, les salaires versés sont maigres et souvent insuffisants pour assumer le coût des logements. En effet, en raison de l’affluence de touristes, il est possible pour les propriétaires de hausser les prix des loyers, sachant qu’ils pourront être loués par les villégiateurs. Les jeunes tendent donc à quitter la région pour trouver de l’hébergement ou pour terminer leurs études. La MRC, en collaboration avec la Ville de SainteAdèle, a voulu contrer cet exode en implantant un parc industriel (l’ancienne usine de papier La Rolland) pour inviter les entreprises de haute technologie à s’installer ici. « Ces entreprises four- 20 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 nissent généralement des emplois bien rémunérés, suscitant davantage l’intérêt des jeunes », souligne le préfet. On voudrait maintenant bâtir des logements autour de ces entreprises pour inciter les jeunes à s’y installer et rester dans la région. M. Garnier souligne l’importance de développer des logements abordables en notant que les données foncières sont un peu trompeuses. En effet, la MRC des Pays-d’en-Haut est caractérisée par une population hétérogène où la richesse côtoie la pauvreté. Elle est constituée de villégiateurs, généralement très bien nantis, et de résidents qui ont, pour la majorité, des emplois peu rémunérés provenant de l’industrie touristique, principal moteur économique de la région. La MRC est donc riche sur le plan foncier, mais pas dans la réalité. Des initiatives sont maintenant entreprises pour favoriser la construction de logements abordables. La MRC a été novatrice à cet égard en mettant en place une mesure octroyant 1 500 $ par unité de logement abordable bâtie, financée à partir des sommes dédiées au pacte rural. Toutefois, la problématique du logement ne touche pas seulement les jeunes ou les personnes moins bien nanties, elle touche aussi les personnes dépourvues de moyen de transport, car elles doivent habiter aux abords de la route 117, là où les logements sont généralement plus dispendieux. Ainsi, bien que des logements plus abordables soient disponibles dans les villages des extrémités Est et Ouest de la MRC (c’est-à-dire les villages de Sainte-Marguerite et de Wentworth Nord), le transport n’y est pas développé et il faut absolument posséder une voiture pour y résider. Pour éventuellement remédier à cette situation, la MRC des Pays-d’en-Haut a investi des sommes et formalisé une entente avec la MRC Laurentides et la commission scolaire pour instituer un système de transport en commun allant de Piedmont à Saint-Jovite. L’Axe EstOuest devra être développé dans une phase subséquente. Cette ligne de transport en commun permet de faciliter l’accès aux centres de formation continue et aux lieux de travail. De plus, l’Entraide bénévole des Pays-d'en-Haut soutient le transport aux aînés et aux personnes handicapées. M. Garnier ajoute : « Le transport ne se veut pas un projet rentable, mais il répond vraiment à un besoin ». Le vieillissement de la population est également préoccupant, puisque la MRC prévoit un accroissement important de sa population âgée. (D'ici une dizaine d’années, plus du quart de la population aura plus de 65 ans). Bien que le phénomène présente les mêmes tendances à l’échelle provinciale, la MRC des Pays-d’en-Haut sera particulièrement touchée, car on anticipe une immigration de personnes retraitées cherchant à convertir leur résidence secondaire en résidence principale. On peut aussi pressentir un embourbement accru sur le plan de l’accès aux soins de santé. La MRC n’ayant pas d’hôpital sur son territoire, les quelques cliniques médicales, aux horaires restreints, doivent répondre à des problèmes de santé qui se dessinent d’une manière grandissante. Comme très peu de médecins sont assignés à la région, la communauté devra se pencher sur des moyens alternatifs pour assumer les besoins de sa population vieillissante. Parallèlement à cette croissance démographique, la MRC devra être prudente sur le plan du développement en raison des infrastructures, et plus particulièrement dans les municipalités de Sainte-Adèle, Saint-Sauveur et Morin Heights où l’on prévoit une très haute densité de population. Pour les municipalités à l’Est et à l’Ouest, le développement à outrance n’est pas nécessairement souhaité, car, comme le dit M. Garnier, « ça pourra rester des petits paradis naturels ». Notons que la MRC investit aussi sur le plan culturel. En réalisant une politique culturelle sous-régionale, elle garnit aussi un fonds culturel (17 500 $/année) pour tenir des événements gratuits. Les véhicules hors route, qui ont causé toute une cohue entre amateurs et villégiateurs de la région, ont eu des impacts en matière de retombées économiques sur la MRC des Paysd’en-Haut, même si le conflit a eu lieu dans la DOSSIER> MRC Laurentides Cette dualité entre la paix des citoyens et les retombées économiques des véhicules hors route demande à ce qu’on trouve des compromis. La qualité de vie est importante au sein de la MRC des Pays-d’en-Haut, et nombre de citoyens se mobilisent pour mettre sur pied des projets visant à revitaliser le milieu. Soulignons, à ce titre, que la MRC des Paysd’en-Haut fut la première MRC à adhérer, de même que ses 8 municipalités, au Réseau québécois des Villes et Villages en Santé. PAR MICHEL MOREL ÉQUIPE DE RÉDACTION Rencontre avec Jean-Paul Cardinal Maire de Sainte-Adèle, Vice-président Comité sectoriel de développement social de la CRÉ, président du CLD de la MRC des Pays-d’en-Haut, président de la Corporation du parc d’affaires La Rolland et membre du comité culturel de la MRC des Pays-d’en-Haut. Le développement social est donc au cœur des préoccupations… Sainte-Adèle, un des enjeux du développement social est lié à la composition de la population. Le problème auquel on est confronté réside dans la cohabitation, sur un même territoire, des villégiateurs, des touristes et des résidents. Bien que les relations entre ces groupes d’individus puissent être très chaleureuses, la présence des villégiateurs et des touristes augmente considérablement l’évaluation foncière et donne un faux indice de richesse. JEAN-PAUL CARDINAL Les résidents vivent principalement au service des touristes et la pauvreté est camouflée. sommes à réunir afin d’obtenir une subvention. Les coûts réels sont beaucoup plus grands que « Les projections démographiques de notre ce que reconnaît le gouvernement, soit de l’ordre Municipalité (Sainte-Adèle) démontrent que cet de 30 %. Bien que la Ville investisse par le biais état de fait n’est pas sujet à s’amoindrir : on de dons de terrains et d’exemptions de taxes, les prévoit une grande immigration en provenance coûts de construction ne cessent d’augmenter. des centres urbains », confirme M. Cardinal. Les instigateurs tentent maintenant, avec le L’immigration attendue sera largement constituée député, de faire pression sur les décideurs pour de retraités; par ailleurs, les résidents contiqu’ils facilitent le processus et tiennent compte nueront de trouver de l’emploi dans l’industrie des ressources de chaque milieu. tertiaire, c’est-à-dire dans le domaine des services. La Conférence régionale des élus (CRÉ) travaille « D’autre part, ajoute M. Cardinal, le milieu social également sur ces enjeux avec la collaboration et communautaire est déjà développé… Saintedes membres de la société civile. Adèle est déjà assez active, mais il faut maintenir et stimuler la participation des gens ». Monsieur « Dans notre milieu, les gens de la communauté, de Cardinal précise toutefois que « les membres concert avec les conseillers municipaux, travaillent de groupes communautaires peuvent parfois se sur le développement social, selon leurs intérêts », montrer radicaux dans leurs positions, et il peut confie le Maire. Ainsi, la table de être difficile de discuter, car ils ne permettent pas concertation de Sainte-Adèle travaille beaucoup de compromis. Ils sont cependant des acteurs du au niveau de la famille. En découle d’ailleurs une développement social et il faut travailler avec eux ». révision de sa politique familiale. Le logement social fait également l’objet d’un enjeu : on Les Laurentides sont par ailleurs affligées d’un planifie la construction de 40 logements; on vit taux de décrochage scolaire important et de plus toutefois une problématique concernant les perdent une grande partie de leurs jeunes À lorsque ceux-ci poursuivent des études postsecondaires. Par la suite, il est fréquent qu’ils trouvent du travail en milieu urbain et qu’ils ne reviennent pas. Le Maire aimerait arriver à créer un sentiment d’appartenance au milieu, afin que ces jeunes reviennent à Sainte-Adèle après leurs études. Les programmes de sport-études qu’offre la polyvalente en ski et en danse sont intéressants, mais ils ne rejoignent qu’un certain nombre d’élèves, ne répondant pas au budget ni aux intérêts de tous. La Ville est limitée dans son pouvoir d’action, puisque le cheminement scolaire est de juridiction provinciale. Toutefois, elle participe ou fait la promotion des programmes déployés par la commission scolaire, tel que « J’embauche un élève qui réussit » et dégage un policier, à raison de 5 jours/semaine, pour favoriser les bons rapports au sein de la polyvalente. Selon M. Cardinal, le rôle du maire est aussi de s’inspirer des expériences et initiatives des autres municipalités. C’est donc en s’impliquant au sein d’autres instances comme le Comité multipartite sur l'avenir des cours municipales, l'Union des Municipalités du Québec, la Conférence régionale des élus et le Conseil des maires de la MRC, qu’il est possible pour le maire de SainteAdèle de se ressourcer et partager des idées. « Il m’apparaît maintenant clair que le rôle d’une municipalité est capital en matière de développement social. Le maire dirige le palier de gouvernement le plus près du citoyen. Il a une portée et un pouvoir sur des décisions se rapportant au bien-être collectif. Il catalyse les énergies et soutient les démarches de l’ensemble de sa communauté. Le maire est le premier porteur de l’expression sociale de son milieu », conclut Jean-Paul Cardinal. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 21 SURLETERRAIN> PAR MICHAEL WATKINS ÉQUIPE DE RÉDACTION Mobilisation d’une communauté, ski et économie sociale Alison Drylie est agente de développement, responsable du parc rural, au CLD des Pays-d’en-Haut. Parmi les projets en développement social mis de l’avant dans les Pays-d’en-Haut, la station de ski du Mont-Avalanche retient l’attention. me Drylie explique qu’au début des années 2000, la station, alors propriété privée, était menacée de fermeture en raison de sa vétusté et d’un trop faible achalandage. Comme la station était malgré tout le principal employeur de la région en saison hivernale, la Chambre de commerce de Saint-Adolphe-d’Howard, organisme à but non lucratif, avait alors pris la décision de l’acquérir dans le but d’assurer la survie des activités, donc des emplois, et de faire en sorte que les résidents du village puissent avoir accès à des sports d’hiver. Comme la Chambre de commerce ne disposait pas des fonds suffisants, la municipalité s’est chargée de cautionner l’achat. M Un nouvel organisme à but non lucratif avec un conseil d’administration autonome a été formé il y a environ deux ans. L’OBNL Station de sports Mont-Avalanche regroupe donc un ou deux représentants de la municipalité, un ou deux de la Chambre de commerce, des membres utilisateurs et des résidents de la municipalité. La direction générale de la station a été confiée à l’ancienne directrice de l’école de ski, Hélène Bertrand. Plusieurs partenaires de la région, notamment, le CLD, la MRC et la SADC des Laurentides se sont joints au groupe de travail dans le but de monter un dossier de financement pour la modernisation des équipements. Déjà une première étape a été franchie, c’est-à-dire 22 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 encore complété, en plus de la possibilité d’accueillir des réceptions, la station désire éventuellement offrir des services aux camps de jour ainsi qu’aux amateurs de vélo de montagne grâce à l’addition de nouvelles infrastructures. nismes à but non lucratif, M. Sylvain Audet, qui a beaucoup d’expérience auprès des stations de ski à but non lucratif et qui a collaboré étroitement à la rédaction du plan de développement et du plan d’affaires. « L’implication du CLD à l’ensemble du projet s’est traduite au départ par de l’accompagnement lors de la rédaction du plan d’affaires. Nous avons ensuite participé au comité de concertation mis sur pied et financé en grande partie par Emploi Actuellement, les administrateurs Québec », souligne Mme Drylie. se préparent à déposer un impor« À part moi-même du CLD, ce comité tant plan d’affaires auprès était constitué de Marcel Lachaîne d’Investissement Québec dans le d’Emploi Québec, Sylvain Forget, but de procéder à l’amélioration des président du conseil de la station, infrastructures, principalement du Hélène Bertrand, directrice générale système de remontées mécaniques ainsi que d’un employé de la station » et de faire en sorte que la station poursuit-elle. Plusieurs rencontres puisse offrir des activités à l’année ont eu lieu, et un premier octroi longue. Le magnifique chalet sera est venu du CLD, à partir du Fonds rénové et les cuisines seront d’investissement en économie améliorées pour pouvoir accueillir sociale; le Fonds de la ruralité a des réceptions. L’objectif est de également octroyé un montant faire en sorte que la station de ainsi que le centre financier aux sports devienne vraiment le moteur entreprises de la Caisse populaire économique du village. Les gens à partir de son fonds de dévelopse sont vraiment mobilisés autour pement local. de ce projet. Comme l’entreprise se veut une entreprise d’économie Ce financement a notamment sociale, la tarification est faite en permis de retenir les services d’un fonction des familles du village qui consultant spécialiste des orgabénéficient de programmes et de rabais, particulièrement les familles à plus faible revenu. La station offre même des cours de ski gratuits aux enfants qui fréquentent les centres de la petite enfance de la municipalité. « Le CLD a tenu à s’impliquer dans le projet en raison du caractère d’entreprise d’économie sociale qu’il y a reconnu, notamment par la centaine d’emplois qu’il génère en saison hivernale et le potentiel de maintien éventuel de plusieurs de ces emplois à l’année, la mission sociale qu’il s’est donnée et sa valeur en tant que moteur économique de la municipalité, mais surtout parce que ce sont les gens du village eux-mêmes qui se sont pris en main », conclut Mme Drylie. l’amélioration du système d’enneigement artificiel qui était la principale lacune de la station. Celle-ci peut maintenant débuter ses activités plus tôt et prolonger plus tard au printemps et ne pas être constamment à la merci des caprices de dame nature. En ce qui a trait aux activités estivales, bien qu’il ne soit pas possible de tout dévoiler pour l’instant parce que l’aspect financement n’est pas ALISON DRYLIE DOSSIER> PAR MICHEL MOREL ÉQUIPE DE RÉDACTION MRC des Laurentides Rencontre avec Ronald Provost, Préfet de la MRC Les Laurentides et Maire de Brébeuf et Sylvain Bouliane, Directeur général de MRC RONALD PROVOST Quels sont les enjeux de développement social de la MRC Les Laurentides ? La Vision de la MRC a beaucoup évolué. Le développement social n’était pas la première préoccupation, mais avec les enjeux du transport collectif, on a constaté que, de cette problématique, en découlaient plusieurs autres. En effet, le transport est très important pour l’économie du territoire. Les maires ont tenu un lac à l’épaule et le logement social est apparu comme étant l’un des aspects à développer dans un futur pas si lointain. Il s’agit d’un important enjeu, pour les petits salariés, étant donné la venue d’Intrawest qui a fait augmenter le coût des résidences et l’accroissement constant du nombre de personnes âgées. Les partenaires veulent créer un fonds pour soutenir ce type de développement. Quelles sont les caractéristiques de la MRC ? Le territoire comprend 18 municipalités, de ValMorin à la Minerve (250 KM2, au-delà de 100 km du Nord au Sud), abritant une population permanente de 40 000 habitants, population qui double avec la villégiature. Une des principales grandes villes de la MRC est Sainte-Agathe, qui a connu une période de léthargie et qui, maintenant, se dynamise énormément et monte de très beaux projets. Cette ville est principalement associée à la santé, à cause de l’hôpital. L’autre ville d’importance est Mont Tremblant, la forestière, la rurale, la pauvre, la riche, qui génère toute une économie qui n’est pas évidente… Il y a aussi le nord, avec notamment Labelle et La Minerve; dans cette dernière municipalité, il se vit beaucoup de pauvreté. pied dans la ville de Tremblant. On veut aussi développer des boucles à Sainte-Adèle et à Saint-Sauveur. Quelles sont les perspectives d’emploi ? À cause de l’exode des jeunes, les Laurentides vivent un grand manque à gagner en terme de capacité de la main d’œuvre. Plusieurs activités attirent les jeunes et de nombreux retraités s’établissent ici, mais les possibilités de se trouver un emploi dans un domaine spécialisé sont limitées. Le transport en commun, c’est un choix social, ce n’est pas rentable. La MRC n’a cependant pas recommandé la poursuite de ce système en 2005, parce qu’il coûte très cher. Étant donné que 30 % de la clientèle ne paie pas pour l’autobus, sur un budget de $360 000, on n’aura pu récupérer que $ 30 000. L’objectif a été atteint en termes d’utilisateurs, étant donné que la clientèle était précisément celle visée, soit les étudiants et les travailleurs. Il faudra donc couper la partie nord du réseau (Tremblant à Labelle) pour plutôt prolonger vers St-Jérôme et cela va être remplacé par un système de « Chemin faisant » à 2000 passages, en collabo- Les emplois peu spécialisés favorisent le décrochage des jeunes. Le programme « j’embauche un élève qui réussit », a exercé une bonne sensibilisation à ce phénomène auprès des employeurs. On observe du raccrochage scolaire à l’âge de 20 ans. Le territoire abrite 5 centres de formation professionnelle où sont donnés des cours postsecondaires. La MRC a démontré de la compétence en déployant ce système de transport en commun. Le projet a démarré en septembre 2004; il a par la suite fallu ajuster les horaires, mais la progression des passages a été constante. L’objectif était de 20 000 passages par jour de Labelle à St-Sauveur. SYLVAIN BOULIANE Quel est l’apport du transport en commun ? Les besoins des travailleurs et des étudiants adultes ont justifié l’organisation du transport en commun. Dans un premier temps, étant donné un certain scepticisme des gens face à l’utilisation de ce service, on a décidé de se concentrer sur l’axe Nord-Sud pour en faire l’expérimentation. Deux boucles ont également été développées; elles se dirigent vers la colonne vertébrale du système, soit l’axe de la route 117 : un taxi bus dessert St-Faustin six fois par jour et on utilise un système qui avait déjà été mis sur DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 23 DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL ration avec le transport scolaire. Cependant, le service ne sera plus dispensé les fins de semaine et l’été. L’expérimentation du taxi bus a démontré pour sa part les mêmes résultats : ça coûte aussi très cher, et ce, pour un nombre de personnes beaucoup moins élevé. Pour seulement 200 personnes, il a fallu assumer un coût de 20 000 $; la mise en place de nouvelles boucles coûterait encore plus cher, puisque déployée sur un plus grand territoire. Le défi à relever, c’est de trouver le meilleur système qui fera en sorte que les municipalités périphériques aient un accès à la route 117. On pense entre autre à développer du covoiturage. La définition des horaires pose également des problèmes. Il faut avoir une colonne vertébrale forte. La subvention du ministère du transport est de 20 000 $, ce qui est insuffisant pour mettre sur pied un système de transport qui réponde aux besoins. Le coût pour l’usager : 10 billets pour 25 $, ou 5 $ le passage, ou une passe de 75 $ par mois. À Mont-Tremblant, le transport dans le réseau St-Jovite-Tremblant coûte 1 $. Ce faible tarif s’explique par les distances qui sont plus courtes. Cependant, sur le réseau Laurentides/Pays-d'enHaut, on n’a pas de structure qui permette de charger en fonction de la distance du parcours. Le fait d’être un lieu de villégiature apporte une certaine richesse foncière qui permet à la MRC de développer les milieux dévitalisés. Pour que les moins nantis puissent aller vivre dans les périphéries où les résidences sont moins chères, pour créer une nouvelle occupation du territoire, il est impératif d’offrir du transport. C’est la MRC qui a donné le premier aval sur le plan du transport; le CLE, DRHC, la Commission scolaire, les caisses populaires, etc., se sont associés dans ce projet. Il était difficile de convaincre les élus d’investir, puisqu’on ne pouvait garantir la quantité d’usagers. 24 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Les maires ont tenu un lac à l’épaule et le logement social est apparu comme étant l’un des aspects à développer dans un futur pas si lointain. Il s’agit d’un important enjeu, pour les petits salariés, étant donné la venue d’Intrawest qui a fait augmenter le coût des résidences et l’accroissement constant du nombre de personnes âgées. Les partenaires veulent créer un fonds pour soutenir ce type de développement. On est présentement en recherche de commandites auprès des marchands d’alimentation, des restaurateurs, des caisses, d’Intrawest qui a déjà mis sur pied pour leurs travailleurs un système de transport et qui ont intérêt à ce que leur circuit soit prolongé. L’autofinancement est visé afin de ne pas être à la merci des subventions qui ne sont pas récurrentes. Il faut aussi négocier avec les employeurs : on peut leur demander de payer 1 $ pour chaque employé qui utilisera le transport en commun; on peut aussi leur demander d’être flexibles face aux horaires de travail, de les agencer avec le transport. Quels sont les autres projets importants en terme de développement social ? La prévention de la criminalité est un projet, mené sur trois ans, qui vise à diminuer la criminalité, notamment les crimes à la propriété. Montréal, Québec, les Laurentides et deux autres MRC ont été ciblées pour faire l’objet de cette étude. Dans les grandes villes, on se sent généralement en sécurité, ce qui n’est pas le cas dans les municipalités en périphérie, surtout en ce qui concerne les personnes âgées et les personnes seules. On tente donc de développer des stratégies qui favoriseront un sentiment de sécurité. Il faut arrêter de diriger les gens vers les grandes villes et mieux aménager les milieux dévitalisés. Un autre projet avec Bell Canada permet de fournir de la fibre optique à toutes les munici- palités de notre MRC, ce qui répond aux besoins des petites municipalités et des travailleurs autonomes dont le nombre grandit. Les 18 municipalités et les écoles sont maintenant filées, par le biais de la fibre optique en un réseau qui nous appartient et qui dessert tout le territoire. On pense à peut-être mettre en place une structure juridique pour gérer la desserte de la haute vitesse. Les profits pourraient être affectés au logement. L’avenir est prometteur car les municipalités et la MRC ont une vision commune et veulent faire de la perspective de la décentralisation de services gouvernementaux une opportunité de développement pour leur milieu. ENTREVUE> PAR CATHERINE LANDRY-LARUE COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL EN COLLABORATION AVEC L’ÉQUIPE DE RÉDACTION Quand le développement économique rencontre le développement social Rencontre avec Daniel Desjardins, directeur général de la Chambre de commerce de Sainte-Agathe Comité intersectoriel de la CRÉ Laurentides – Développement économique a Chambre de Commerce de Sainte-Agathedes-Monts est reconnue comme étant l’une des plus actives. Cet organisme est d’avantgarde puisqu’il a su, entre autres, réunir le milieu communautaire et le monde des affaires. Son directeur, M. Daniel Desjardins, y est pour quelque chose : bien impliqué dans son milieu et faisant preuve de dynamisme, il a su marier ses expériences professionnelles acquises tant dans le milieu des affaires que dans le milieu communautaire. Son cheval de bataille : permettre aux secteurs économique et communautaire de parler sur un pied d’égalité. L Comme les organismes communautaires sont souvent sous-financés, M. Desjardins s’est donné comme mission de leur développer un petit côté entrepreneurial… Pourquoi n’iraient-ils pas chercher des commandites au lieu de se sentir victimes du manque de subvention? D’autre part, les entreprises privées peuvent aussi gagner un petit côté humain, en offrant des tarifs avantageux aux clientèles desservies par certains organismes, par exemple, en s’impliquant dans la gestion d’un organisme qui offre des services complémentaires, ou encore, en devenant administrateurs. Le directeur explique qu’il « tente de former le communautaire à aller chercher des commandites, étant donné qu’ils connaissent maintenant les gens du commerce et qu’ils peuvent s’en faire des alliés. Le communautaire n’a pas à quémander, il a à négocier. Les élus ne sont pas sensibles aux revendications, ils veulent travailler avec les gens ». La Chambre de Commerce se veut aussi porteuse de reconnaissance : elle véhicule les bons coups du communautaire et souligne l’apport des entreprises privées qui démontrent une conscience sociale. Notons à ce titre deux exemples, pour ne prendre que ceux-ci : La Ville de Sainte-Agathe-des-Monts est l’hôte d’un projet très novateur d’aquaculture (on nourrit les laitues à partir d’excréments de la truite). Lorsque le projet a eu des retombées trop importantes pour la structure en place et qu’il y a eu trop de laitues, les promoteurs ont donné les surplus à l’Ombrelle, un Centre communautaire de femmes victimes de violence. D’autre part, récemment, une association travaillant auprès des personnes ayant des incapacités, a demandé la création d’un prix visant à récompenser les entreprises qui font l’embauche de personnes handicapées. Cette association voulait démontrer de la reconnaissance aux entreprises qui intégraient les personnes handicapées sur le marché de l’emploi. Le renversement des dualités se fait donc sentir! Tout ce réseautage ne s’est cependant pas fait spontanément, il fallait d’abord initier ces échanges! La table de concertation mise sur pied par la Chambre de Commerce en est la grande responsable… « C’est la concertation qui a favorisé les contacts et l’implication commune des deux milieux », avoue le directeur général. Ces activités de réseautage lui ont d’ailleurs valu un Coq d’argent, l’an dernier, se positionnant comme deuxième ville de l’année à la Fédération des Chambres de Commerce du Québec. «Le réseautage est très important parce que la majorité des entreprises sont très petites. Elles sont référées lorsqu’elles font partie de la Chambre de Commerce. Comme directeur, je participe aussi aux activités de levée de fonds et aux événements développés par les entreprises de mon milieu», confie-t-il. Découle de toute cette implication un impact important sur la vie économique du milieu… les locaux commerciaux sont maintenant presque tous occupés : « Il ne reste que 9 locaux libres, alors qu’encore l’année dernière il y en avait 42 », précise M. Desjardins. Les entrepreneurs et organismes de cette municipalité ont compris l’apport positif de leur Chambre de Commerce, considérant qu’à l’heure actuelle, 337 entreprises sont membres, sur une possibilité de 470. DANIEL DESJARDINS DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 25 DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL MRC Thérèse-De-Blainville Entrevue avec Robert Bourque PAR RENÉE DESJARDINS COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL Robert Bourque est organisateur communautaire au CSSS Thérèse-de-Blainville. Nous avons discuté avec lui des priorités et initiatives en développement social à la MRC Thérèse-de-Blainville. elon Robert Bourque, le développement social doit obligatoirement être issu de la société civile. Il doit, dit-il, stimuler la participation citoyenne et favoriser la santé et le bien-être collectif. Pour comprendre le développement social, dit-il, il faut savoir qu’il y a des commandes qui proviennent d’en haut, des décideurs, des divers paliers de gouvernement, et d’autres qui viennent de la communauté. Ces commandes doivent toutes être réalisées en concertation entre les gouvernements et la société civile. Mais ce sont celles issues de la communauté qui doivent être privilégiées, si l’on veut parler de véritable développement social. S À Thérèse-de-Blainville, la planification régionale est issue des enjeux terrains, lesquels seront sondés lors d’un sommet sur le développement social qui aura lieu à l’automne 2005. Il s’agira d’une occasion pour le milieu de réfléchir sur les orientations qu’il doit se donner. Certaines d’entre elles existent depuis de nombreuses années. La concertation jeunesse s’est organisée par la suite. Au début, le consortium jeunesse voyait à l’organisation de tous les services dédiés à l’ensemble de la jeunesse. Cette table est maintenant subdivisée en plusieurs comités, chacun représentant un groupe d’âge précis. Les tables municipales sont apparues les dernières. Une centaine d’organismes participent activement à ce vaste mouvement. Ils proviennent en majeure partie du réseau de la santé et des services sociaux, des groupes communautaires, des clubs sociaux et des ressources intermédiaires. La composition des tables se fait naturellement, en fonction des problématiques qui y sont discutées en fonction des missions des organismes. Dernièrement, les organismes communautaires se sont retirés Thérèse-de-Blainville est habitée par des tables de concertation, en guise un important mouvement de conde moyen de pression contre les certation organisé depuis plusieurs actuelles façons de faire gouverneannées, mais davantage développé mentales, notamment en termes et structuré depuis 5 ans. On y de financement. compte au total 14 tables de concertation, de toutes sortes : tables Dans le but de soutenir ce mouvethématiques, tables municipales ment et de ramener l’expertise du et tables du consortium jeunesse. milieu communautaire aux tables, Les tables thématiques portent sur ces dernières ont envoyé une lettre la santé mentale, la pauvreté, la à l’agence de santé, démontrant violence conjugale, la déficience clairement l’appui des municiintellectuelle, le troisième âge, etc. palités et de tous les acteurs des tables de concertation aux organismes communautaires. La CRÉ (Conférence régionale des élus) appuie également les revendications du milieu. Elle veut permettre aux organismes de recevoir davantage de financement pour remplir leurs missions. En d’autres termes, elle privilégie un financement stable, récurrent, plutôt qu’un financement par projets, qui est perpétuellement à recommencer. Les tables de concertation sont plus ou moins actives selon les enjeux en cours, le dynamisme des participants, les budgets. Au fil du temps, elles ont organisé et monté de nombreuses initiatives, notamment en sécurité alimentaire, en hébergement, en services aux aînés, à la famille, à l’enfance, à l’adolescence et aux parents, en réussite éducative, en prévention de la violence et du suicide, en déficience intellectuelle, etc. Elles font un important travail de sensibilisation et d’information sur les ressources disponibles. Elles favorisent les rapports entre les réseaux publics, communautaires, municipaux et privés. Notons, de façon plus concrète, quelques actions qu’elles ont mises sur pied : collecte et distribution de nourriture pour les familles en situation de pauvreté; hébergement ROBERT BOURQUE 26 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 d’urgence pour des familles en difficulté; répit de soirée et de fin de semaine pour les parents; organisation d’un salon de la famille; travail de milieu dans les parcs; travail de corridor dans les écoles; travail de rue; ententes partenariales sur la réussite éducative; projets de réinsertion sociale; formation des intervenants; ateliers de prévention auprès des jeunes; bottins de ressources des services jeunesse et des services aux aînés; ateliers pour les parents; ateliers de sensibilisation contre la violence auprès des jeunes; support dans les organismes scolaires; maison de répit, etc. Les organisateurs communautaires font le lien entre les différentes tables, qu’elles soient « jeunesse », municipales ou thématiques, afin de faire circuler l’information. Ils ont pris la décision de ne pas s’investir dans la concertation au nom du CSSS. « Nous sommes trois sur le territoire et nous insistons sur le fait que lorsque nous participons, nous sommes intervenants communautaires et non représentants de l’établissement (CSSS), ce qui rend notre position moins ambiguë ». SURLETERRAIN> PAR MICHAEL WATKINS ÉQUIPE DE RÉDACTION L’imagination au service de la cause Rencontre avec Josée Aubin, directrice du Centre Rayons de Femmes e Centre Rayons de Femmes est un organisme à but non lucratif qui vient en aide aux femmes en difficulté sur le territoire de la MRC Thérèse-de-Blainville. L « L’une des particularités du centre est de ne pas se limiter à mettre des diachylons sur des plaies, mais plutôt de se trouver constamment dans l’action », de confier la directrice du Centre. Le Centre Rayons de femmes est présent à plusieurs tables de concertation, entre autres, le comité d’économie sociale à la Société de développement économique, également à la Table d’employabilité des Basses-Laurentides, région où les femmes ont tendance à occuper des emplois atypiques, à temps partiel et peu rémunérateurs. « Par notre participation à cette table, nous souhaitons promouvoir le développement de programmes de conciliation travailfamille, de retour au travail, pour venir en aide aux femmes », ajoute Mme Aubin. Selon son dernier rapport d’activités, le Centre aurait répondu au cours de la dernière année à au-delà de 3000 appels et reçu près de 2200 visites, donc beaucoup de femmes! Les femmes qui frappent à la porte du Centre peuvent être aux prises avec toutes sortes de problèmes, elles peuvent tout aussi bien être riches ou pauvres, elles peuvent provenir de diverses communautés ethniques, etc. Les situations qu’elles vivent sont tout aussi variées : violence conjugale, difficulté à se loger, problèmes financiers, séparation ou divorce, problèmes d’estime de soi, problèmes de santé mentale, recherche d’un sens à leur vie. Le CSLC dans les Laurentides accuse un manque à gagner de 48 millions $, et les femmes doivent attendre plus de huit mois avant d'obtenir des services, ce qui l’amène à référer beaucoup de cas au Centre. Parmi les autres implications du centre, on peut nommer L’R des centres de femmes Québec, la Fédération des femmes du Québec et le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides. En bref, Rayons de femmes veut disposer de suffisamment de contacts et connaître toutes les tables pour trouver réponse à toute situation qui lui est apportée. Rayons de femmes organise annuellement une importante campagne de financement qui comporte deux volets : recueillir des fonds, mais aussi assurer la visibilité de l’organisme. « Par cette campagne, je peux entrer en contact avec les commerçants du milieu et donner de la visibilité au Centre », explique Mme Aubin, ajoutant que le milieu économique est d’une grande aide, en autant que l’on aille vers lui. L’outil principal de la campagne de financement est un spectacle professionnel. La dernière édition a d’ailleurs permis aux spectateurs d’entendre Dorothée Berryman. La directrice avoue que toutes ces activités causent un important surcroît de travail, mais les retombées en valent très certainement la peine. JOSÉE AUBIN L’organisme offre des rencontres individuelles, mais l’objectif est plutôt d’intégrer les femmes au sein d’un groupe de soutien pour briser leur isolement. Le Centre utilise la formation Antidote, un programme de dix séances reconnu partout au Québec et développé par un Centre de femmes de Cabano pour accroître l’estime de soi. Le Centre a aussi développé le programme « Déjeuners entre elles » où les femmes peuvent échanger sur l’actualité, la politique, etc. Elles ont l’occasion de discuter de sujets choisis, entre elles, mais aussi avec d’autres femmes qui sont dans l’action et dont l’expérience est intéressante. Ces dernières deviennent des ressources pour le Centre et, de l’aveu de la directrice, même si elle reçoit des critiques parce qu’elle fréquente des « femmes d’affaires », elle considère qu’il est essentiel de créer ce genre de maillage. À titre d’exemple, Mme Aubin rappelle que lors d’un souper de femmes, elle avait parlé d’un dossier sur la tenue d’activités à caractère pornographique à Saint-Eustache. Suite à leurs représentations auprès des autorités municipales et policières, le dossier avait fait la manchette et l’activité avait été dénoncée pour finalement être annulée. Le Centre joue également un rôle d’accueilréférence. Il transmet l’information aux femmes qui doivent être dirigées ailleurs, que ce soit le CAVAC, le CALAC, la Licorne ou autres, et s’assure que ces femmes y obtiennent les services appropriés. Cela signifie qu’il faille parfois faire preuve d’audace et de ténacité pour obtenir des résultats. Le Centre n’hésitera jamais à utiliser toutes les ressources, qu’il s’agisse du réseau, du communautaire, du monde des affaires ou du monde politique pour trouver la solution à un problème vécu par une femme. Sur un autre plan, le Centre Rayons de femmes a été le promoteur, avec Accès-logis, d’un projet de logement de plusieurs millions de dollars à Blainville. Ce projet de 32 logements, qui a coûté 25 000 $ à Rayons de femmes, est né du besoin de plusieurs femmes, en majorité monoparentales et ayant de la difficulté à se loger convenablement sur le territoire. L’organisme les Habitations solidaires assume maintenant la gestion des lieux. Le Centre est subventionné par le ministère de la Santé et des Services sociaux, mais les subventions ne suffisent pas. Deux personnes y travaillent à temps plein, une autre bénéficie d’un programme d’expérience au travail d’une durée limitée et une vingtaine de bénévoles contribuent aux activités. La directrice avoue que le personnel est sous-payé pour la quantité énorme de travail qu’il fournit. Mme Aubin confirme que son expérience lui démontre que les gens, lorsqu’on les sensibilise, sont de façon générale, ouverts à la cause des femmes. Il suffit d’un peu d’imagination, de beaucoup de travail et de persévérance pour que la situation des femmes devienne plus équitable. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 27 DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL MRC Antoine-Labelle : le renouvellement des pratiques au service de la forêt La Rouge, Mont-Laurier, Ferme-Neuve, Mont-Saint-Michel… tant de municipalités qui évoquent la région éloignée, les magnifiques pourvoiries, les grands espaces et la nature vierge. En effet, la MRC Antoine Labelle est largement caractérisée par sa relation avec la forêt. Sa vie économique en est très dépendante. e vaste territoire, bien que démontrant un développement accru depuis une quinzaine d’années, comporte de nombreux enjeux, notamment sur le plan social. On pense ici à quelques caractéristiques répandues dans la grande région des Laurentides, telles que l’accès aux soins de santé, les ressources limitées pour faire face au vieillissement de la population, le transport et l’exode des jeunes vers les centres urbains; mais la MRC est aussi confrontée à des problématiques plus particulières à son milieu. C Un enjeu qui reste au cœur des préoccupations depuis toujours est celui de l’occupation du territoire. Inviter la population à prendre niche sur ce beau coin de pays n’est pas chose facile, étant donné que tout y est à bâtir; mais c’est vraiment essentiel au développement économique du milieu. Fermer des villages, vous avez déjà entendu parler? C’est le sort que pourraient avoir à subir certaines de ces micros agglomérations qui, n’ayant pas suffisamment de population DENISE JULIEN 28 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 YVON CORMIER pour perpétuer les services municipaux, se retrouveraient seules, livrées à elles-mêmes. L’industrie touristique est en conflit avec l’industrie forestière, bien qu’elle entretienne des liens d’interdépendance avec celle-ci. Étant donné les enjeux du développement économique, ces deux industries sont condamnées à vivre ensemble : la pénétration dans les pourvoiries nécessite absolument une cueillette forestière pour créer des passages. Les pourvoiries n’auraient pas les moyens de le faire elles-mêmes. De plus, il faut que certaines municipalités pénètrent ces territoires afin d’offrir des services aux villégiateurs, qui, autrement, seront incapables de s’y rendre. Les villégiateurs recherchent un endroit propice à la chasse et la pêche où règnent la paix et le silence; ils sont cependant quelques fois confrontés à l’outillage forestier quelque peu bruyant…Comme la forêt occupe 80 % du marché et que deux emplois sur cinq provien- GHISLAIN CLAVELL ROGER LAPOINTE nent de l’industrie touristique, il est capital de favoriser l’arrimage entre les deux. Bien que les travailleurs de l’industrie forestière jugent important que les normes soient sévères, ils s’objectent à ce que des pénalités soient appliquées pour des motifs qu’ils ne jugent pas valables et qui ne reflètent pas une véritable connaissance de la forêt. Les négociations avec les décideurs et avec le Ministère des Ressources naturelles, entamées depuis maintenant quelques années, devaient considérer les particularités de la forêt des Hautes-Laurentides. Il fallait assurer la rentabilité des usines et la pérennité de la forêt. L’opinion publique est cependant très critique. Pourtant, on ne récolte qu’un arbre sur trois et on les catégorise en fonction de leur espérance de vie avant les récoltes. Ainsi, le travail sylvicole permet une amélioration de 40 % de la forêt. « Contrairement à la croyance populaire, les coupes à blanc sont très rares sur ce territoire et font l’objet de rationnel, tel que la préservation d’une espèce qui ne survivrait pas si de telles mesures n’étaient pas entreprises ». Les facteurs politiques prennent donc une grande importance dans ce bout de pays et, « lorsqu’on est en région éloignée, on se sent aussi distancé des décideurs provinciaux. Même si les représentants régionaux travaillent à l’amélioration de la qualité de vie de ce milieu, la population doit avoir une voix politique malgré le facteur d’éloignement ». Aux prises avec un problème particulier, doublé de contraintes législatives pénalisantes, la MRC Antoine Labelle s’est vue confrontée à la possibilité de fermeture de certains moulins. Prévoyant que d’autres régions pourraient potentiellement subir les mêmes répercussions, et à force de concertation, le milieu s’est doté d’un comité de partenaires pour lancer un projet de laboratoire expérimental. Cette nouvelle structure a été financée dès 2004. Les acteurs des milieux économiques, politiques, sociaux, environnementaux et récréotouristiques ont donc rallié leurs efforts dans une réflexion commune pour permettre au tourisme et la foresterie d’arrimer leurs activités sur le même territoire. Cette conciliation est soutenue par un incontournable de cette contrée, la Coopérative forestière des Hautes-Laurentides, qui joue un rôle sur le plan du développement économique, bien sûr, mais également en matière de préservation de l’environnement. MICHEL ADRIEN La Coopérative a une forte expertise sur le plan de la foresterie et de l’aménagement et est propriétaire d’une pourvoirie. Elle fait la planification d’utilisation du terrain, l’aménagement de l’agriculture (jardin) et la formation. Elle fournit l’équipement et prête son Centre de production de plants. La Coopérative de travailleurs des Hautes-Laurentides est aussi actionnaire de certaines usines clientes : elle participe à l’approvisionnement et à l’essor de ces entreprises. Elle a également développé une expertise particulière à la région des Hautes-Laurentides, qui se caractérise par la présence de trois types de forêts (feuillus, résineux et mixtes). La coopérative alloue d’ailleurs 3 % de son budget annuel en formation, qu’elle considère essentielle pour que les employés comprennent bien les enjeux liés à l’entretien des arbres et les normes liées à la coupe. En parallèle à ces démarches, la Table forêt des Hautes-Laurentides cherche à créer des partenariats pour l’employabilité sur le plan de la forêt. On veut favoriser l’insertion des gens éloignés du marché du travail, en collaborant avec la commission scolaire et en faisant la valorisation du métier. D’autre part, pour stimuler l’emploi et conserver la population, on encourage, par des mesures financières, les jeunes à reprendre l’entreprise forestière de leurs parents. On souhaite aménager un camp de bûcherons afin de communiquer l’héritage culturel de la région aux touristes. Ce camp pourrait devenir une entreprise d’économie sociale. DEBORAH BÉLANGER Ce milieu éloigné et très dynamique offre une vision de la richesse des ressources naturelles contenues sur le territoire des Laurentides. Simultanément, il démontre à quel point la méconnaissance du grand public face à l’exploitation de la forêt peut avoir des répercussions directes sur une communauté. L’économie de la MRC Antoine Labelle est fragile, puisque liée à la nature, mais le tissu social qui alimente cette économie est pour sa part impliqué et déterminé à offrir un milieu de vie de qualité en symbiose avec l’environnement. « Lorsqu’on est en région éloignée, on se sent aussi distancé des décideurs provinciaux. Même si les représentants régionaux travaillent à l’amélioration de la qualité de vie de ce milieu, la population doit avoir une voix politique malgré le facteur d’éloignement ». DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 29 RENCONTRE> PAR CATHERINE LANDRY-LARUE COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL EN COLLABORATION AVEC L’ÉQUIPE DE RÉDACTION Rencontre avec les acteurs de la MRC Antoine Labelle Quelle est la situation de votre MRC? Dans le passé, nous étions associés à la grande région de l’Outaouais. Nous sommes toujours situés aux extrémités d’une région, que ce soit l’Outaouais ou les Laurentides. Nous devons avoir droit de parole, d’écoute et d’intervention dans les grands débats. En terme d’enjeux du développement social, on peut citer : la participation au destin collectif, l’exode des jeunes, la population vieillissante, l’augmentation des services qui permettraient la venue d’une plus grande quantité de villégiateurs, une gamme de services suffisants pour nos résidents, la diversification de l’économie, etc. Sur le plan de l’éducation, nous avons un pavillon collégial du CEGEP de St-Jérôme et des cours universitaires de l’Université du Québec en Outaouais, mais c’est limité. Les jeunes se dirigent donc vers les grandes villes pour étudier et n’en reviennent pas. Les programmes comme « Jeunes en tête » sont importants pour inciter les jeunes à revenir dans le milieu et les aider à trouver un emploi en région. Mont-Laurier est une ville centre qui apporte un ensemble de services dont peuvent bénéficier les municipalités de la MRC. Les logements sont abordables, le logement social n’est pas un problème majeur. L’exode des jeunes est un problème beaucoup plus important, auquel s’ajoutent les services pour les personnes vieillissantes, les services de santé, le transport, le maintien de l’école, le maintien de l’église. Les services sont peu accessibles et on doit se battre pour les sauvegarder. Quels sont les enjeux de développement économique ? Le développement économique est principalement lié à la forêt et aux activités récréotouristiques… On doit permettre aux deux types d’activités de survivre… Les forestiers exploitent la nature et les villégiateurs veulent en profiter… Nous avons mis en place une table de concerta- 30 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 tion pour arrimer le tout. (Un autre texte aborde cette question). L’enjeu majeur demeure l’occupation du territoire. Il faut créer des conditions de prospérité en aménageant le milieu pour maintenir les activités économiques, sinon on risque la fermeture de certains villages. À L’Annonciation, on constate une immigration des gens provenant de Mont Tremblant et de Labelle. Ces municipalités ne sont plus abordables sur le plan foncier ce qui engendre un problème même si au départ, les logements étaient abordables. Toutefois, on réalise souvent que la combinaison de deux problèmes constitue une solution! Par exemple, le développement forestier est récent dans la prise en charge du développement industriel. On devait cultiver nos forêts pour les garder en santé, ce qui est venu contrer le problème de chômage chez les hommes. Quel impact la venue d’Intrawest a-t-elle eu pour l’ensemble de la région? La venue d’un tel projet a forcément eu des impacts importants : les jeunes peuvent maintenant travailler à Tremblant et cela contribue à contrer l’exode… le développement de l’Aéroport (Tremblant-la Rouge) a nécessité beaucoup de discussions avec les résidents. Par contre, Tremblant amène un bon développement, et donne une vitrine internationale à notre région. Il y a cependant des gens qui veulent voir autre chose que Tremblant et on doit leur procurer d’autres loisirs ou activités. Les effets ne se manifestent pas beaucoup à Mont-Laurier, sauf par la perte de la maind’œuvre. Toutefois, certains villégiateurs montent au nord et tombent en amour avec les grands espaces et les rivages. Tremblant a donc un effet de débordement, qui serait sûrement accentué si un réseau routier adéquat était développé. Participaient à la rencontre : Michel Adrien, Maire de Mont-Laurier Deborah Bélanger, Mairesse de la Rouge Yvon Cormier, Directeur du CLD Roger Lapointe, préfet adjoint, Maire de Mont St-Michel Denise Julien, Représentante à la CRÉ du secteur forêt Stéphane Lapointe, Directeur adjoint du CLD Ghislain Clavell, Directeur général Coopérative forestière hautes laurentides Dans certains secteurs, la valeur des propriétés a augmenté de près de 30 %, et plus, notamment au bord de l’eau. Par contre, dans certaines municipalités plus éloignées, on constate des baisses de prix. Quels sont les partenariats sur lesquels la région s’appuie pour le développement social ? Le communautaire a une place et joue un rôle important sur le plan de l’entraide, en raison des milieux éloignés. La région semble avoir une facilité à mobiliser les gens et ici les réseaux familiaux existent encore, les générations se côtoient et, par conséquent, les jeunes voient et participent dès leur jeune âge à la vie communautaire. Plusieurs batailles ont été menées dans la région et on constate des résultats. Par exemple, l’avènement du secteur scolaire collégial a fait augmenter le taux de scolarisation, et ce, particulièrement pour les filles. Il y a peu d’autochtones dans la région et la Coopérative travaille avec eux sans aucune difficulté. Par ailleurs, la capacité de la région de faire place aux gens venus d’ailleurs est très grande. On reconnaît leur apport, il n’y a pas de clivage. De leur côté, les maires et les institutions travaillent en étroite collaboration et permettent d’influencer les instances politiques supérieures. Pour conclure, les représentants de la MRC nous donnent une image de ce qu’ils sont : « On vit comme une famille : on a nos chicanes, mais on est solidaires entre nous ! » PAR MICHEL MOREL, COLLABORATION DANIÈLE AVELINE ÉQUIPE DE RÉDACTION Une table de concertation en développement social dans la MRC de Deux-Montagnes et Sud de Mirabel Ginette Roy est coordonnatrice du service de l’animation communautaire de la Ville de Saint-Eustache et Yves Paquette, organisateur communautaire au CLSC Jean-Olivier Chénier. Ils nous ont parlé du Regroupement pour le développement social. (RPDS) de la MRC Deux-Montagnes et sud de Mirabel. Ce regroupement est issu de différentes concertations sur le territoire et des suivis des travaux effectués dans la foulée de la Politique de santé bien-être de la région des Laurentides. Les partenaires regroupés à cette occasion ont trouvé intéressant d’avoir une table de concertation régionale plus large qui regardait l’ensemble des problématiques alors que les autres tables existantes dans la région, plus pointues, répondaient à des clientèles ou à des problématiques particulières. Ainsi est né le RPDS où sont représentés les partenaires qui oeuvrent dans le développement social comme : le Centre local de développement (CLD), des tables de concertation, des organismes communautaires, les CLSC, les Commissions scolaires, des municipalités, des organismes parapublics, etc. Les enjeux de développement social de la MRC Yves Paquette énumère les problématiques sociales présentes dans la région : « Ce qui ressort ici après le diagnostic fait par les partenaires c’est le transport, le logement, la pauvreté, le décrochage scolaire et le vieillissement de la population ». Le RPDS est toujours là en appui et permet aux membres de se concerter, de faire des liens mais chaque enjeu est porté par des tables sectorielles. En ce qui concerne le transport, Yves Paquette précise : « Le transport Nord-Sud n’est pas un problème, il y a un train, mais à l’interne de la MRC dans le sens Est-Ouest cela ne fonctionne pas. Un comité transport a été mis sur pied afin de trouver des solutions ». Ginette Roy décrit ainsi le territoire: « Il y a des poches de pauvreté même si le territoire pourrait être qualifié de classe moyenne dans son ensemble. Il y a aussi des résidences luxueuses dans certains secteurs. D’autres quartiers sont plus pauvres. À St-Eustache, on retrouve des îlots de pauvreté ». Le vieillissement de la population est une préoccupation grandissante et d’ailleurs le RPDS a décidé d’organiser un colloque sur le troisième âge qui devrait se tenir en octobre 2005. À cette occasion, les acteurs du milieu, les intervenants et les aînés vont se pencher sur les actions à entreprendre dans le futur afin de s’adapter à cette nouvelle réalité. Ginette Roy remarque : « En effet, le phénomène de vieillissement touche tous les services et aussi bien les clients que les employés et les bénévoles vieillissent et on doit prendre un virage important dans nos organisations ». Yves Paquette indique que la pauvreté est un autre enjeu important, notamment chez les jeunes familles. : « On va développer un projet en sécurité alimentaire auprès des jeunes familles qui ont des enfants de 0 à 6 ans. On pourra offrir des ateliers de cuisine avec les enfants, mettre sur pied des jardins communautaires, des groupes d’achat, etc. Deux haltes-garderies mobiles vont être consolidées pour offrir le service de garde pendant les activités de sécurité alimentaire ». La Fondation Lucie et André Chagnon vient tout juste d’accorder son support pour financer ce projet sur trois ans. régional de développement social mais n’est pas présente dans les instances locales, sauf au Comité transport où elle était présente dans la phase de démarrage. Les nouveaux défis à relever à l’avenir Ginette Roy est confiante dans l’avenir du RPDS : « Le regroupement demeure une instance de concertation qui va s’assurer que les projets continuent à se réaliser en fonction des orientations qui sont prises et où tous les acteurs sont là pour faire valoir leur point de vue ». Et Yves Dans le logement, la crise était pire Paquette est convaincu que : « Le ici qu’à Montréal en ce qui concerne RPDS permet de redéfinir le rôle de le nombre de logements vacants. chacun, ce qu’il peut faire dans son Le projet du RPDS est d’avoir un organisation pour développer tel ou organisme qui chapeaute cette tel projet. C’est un levier important problématique et dont c’est la pour le milieu. Il peut permettre aussi mission première. Les HLM sont de favoriser l’émergence de groupes surtout pour les personnes âgées communautaires ou de projets issus sauf à Saint-Eustache où il y a les du milieu » .Le meilleur exemple HLM jeunes familles. La MRC fait est sans doute le comité transport partie de la CMM et cela peut être qui s’est incorporé et vole de ses perçu comme un inconvénient propres ailes. car toutes les personnes de cette grande région peuvent appliquer Ginette Roy conclut en signalant pour avoir une place en HLM et un défi important pour la MRC : peuvent passer éventuellement « On a de grandes zones agricoles à avant les gens de la région selon Saint-Eustache et les ruraux ont des les critères d’admission. Par contre, préoccupations et des visions difselon Ginette Roy, cela peut férentes que celles des citadins pour favoriser le regroupement de le développement global de la MRC ». familles. C’est un défi commun à plusieurs Comment se passe la concertation MRC du Québec, mais ceci est une autre histoire… avec les institutions publiques de santé Les liens avec le secteur de la santé se font surtout par le CLSC, d’ailleurs Yves Paquette apporte un soutien technique au regroupement. Dans la région, la Direction de Santé publique siège au Conseil DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 31 PAR CATHERINE LANDRY-LARUE COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL Rencontre avec Ronald Tittley, Préfet de la MRC d’Argenteuil, Marc Carrière, Directeur général de la MRC Argenteuil PAR CATHERINE LANDRY-LARUE se pencher sur la question, on a formé une table de concertation qui avait pour mission d’évaluer les moyens d’améliorer la santé globale de la population. L’objectif était de contrer le diabète de type 2. On a donc décidé de mettre en place le programme 0-5-30. Le milieu s’est concerté pour Quelle est votre vision évaluer les ressources disponibles. On a constaté du développement social dans votre milieu? un manque de ressources sur le plan des loisirs (RT) Nous en sommes soucieux et nous avons pris des engagements. Dans le pacte rural, nous (seulement 2 municipalités ont des installations). On a formulé le plan d’action 0-5-30. avons réservé des montants pour le développement social que nous voulons investir plus parti- Une personne sera embauchée pour le mettre culièrement dans le transport collectif et dans le en place. Le CSSS, la commission scolaire et un partenaire privé vont investir dans la réalisation programme 0-5-30 (o tabagisme, 5 fruits et de ce plan, ce qui est novateur au Québec. légumes, 30 minutes d’éducation physique). Considérant les prévisions en matière de croisNous voulons que l’ensemble de la MRC puisse sance démographique et les différences intraen bénéficier. régionales sur le plan de la défavorisation, on estime qu’Argenteuil est souvent englobée dans (MC) Sur le plan socio-économique, la MRC RONALD TITTLEY les autres caractéristiques des Laurentides. Argenteuil est encore largement défavorisée. Les données contenues dans le portrait de santé L’exode des jeunes et le vieillissement de la popuréseau. C’est donc à partir d’une richesse fonlation sont des faits bien réels dans notre MRC. de la population d’Argenteuil sont inquiétantes cière uniformisée que s’est développé ce réseau et préoccupantes. C’est dans Argenteuil que pour favoriser les municipalités rurales. l’espérance de vie est la moins élevée par rapport (LD) Les actions qui sont posées par les élus visent à inciter le tissu social à participer à la à l’ensemble de la région des Laurentides. Pour Nous avons un service de transport adapté démarche de revitalisation. depuis 1993. Toutes les municipalités participent MARC CARRIÈRE au financement du transport adapté. On a (MC) Plusieurs partenaires régionaux travaillent récemment modifié la mission de la commission davantage en concertation. On discute à la de transport adapté pour développer le transport Conférence régionale des Élus (CRÉ) de la en commun. nécessité de reconnaître les différences. Il faut reconnaître la différence, pour bien regarder la totalité de la composition du milieu. On veut développer le covoiturage et le taxibus pour essayer, par la bande, de contrer l’exode des Par exemple, le seul indice qui influençait la jeunes, de favoriser l’accès aux soins de santé, répartition des argents du pacte rural était etc. On veut formaliser une entente avec la l’indice de défavorisation, ce qui fait que commission scolaire pour utiliser les autobus Harrington, une Municipalité 700 habitants, scolaires à des fins de transport en commun. a reçu davantage que Lachute. RT = Ronald Tittley MC = Marc Carrière LD = Lise Desrochers Nous avons aussi mis en place une initiative qui s’appelle Villes et villages branchés (4 des 9 municipalités ont des écoles). Par un geste de solidarité régionale, afin de permettre aux municipalités qui n’ont pas d’école de se munir de fibre optique, les municipalités partagent un 32 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 (RT) La pauvreté est réelle dans notre milieu. Le taux de scolarité est peu élevé et beaucoup de gens vivent de l’assistance sociale. On a un centre de tri où on peut employer des gens, mais plusieurs préfèrent recevoir un chèque sans avoir à travailler. Il faut inciter au travail. DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL et Lise Desrochers, Directrice du CLD Argenteuil Quels sont les enjeux de développement social? Pauvreté, exode, vieillissement, culture, personnes handicapées. Quand il y a une difficulté sur le territoire, comme la forêt par exemple, on se concerte pour résoudre la problématique et outrepasser les conflits: on a fait une étude, on a organisé des visites avec les médias, on amène les élèves des écoles afin qu’ils comprennent les répercussions, etc. (RT) On essaie de mettre des mesures en place par le pacte rural, mais c’est du côté de l’éducation que c’est le plus difficile à réaliser. On a d’ailleurs invité les citoyens réfractaires au développement, dans le cadre du projet de la Rivière Rouge. On veut que tout le monde y trouve son compte. C’est une approche porteuse d’avenir qui se fait dans le respect. (MC) Le financement joue un rôle en ce sens, car la sous-scolarisation, bien que reconnue, n’est pas financée à sa juste valeur. Les maires posent nombre d’actions, mais ils doivent débourser eux-mêmes. (LD) L’économique ne peut pas ignorer le social… Pour faire du développement économique, on a besoin de personnel en santé physique et financière, de compagnies, d’argent neuf; il faut valoriser la région pour inciter les gens à s’y établir…. L’enjeu économique est directement lié au bien-être des gens. (MC) En parallèle, on connaît les conditions de réussite pour favoriser l’économie, mais il faut inciter les jeunes à développer l’entreprenariat, il faut les interpeller face à la santé et à la scolarisation; il faut répondre à leurs besoins. Sur le plan de l’implication citoyenne, il faut stimuler une participation sensibilisée. Il y a beaucoup d’espoir et de volonté depuis plusieurs années, et les retombées commencent à être visibles. Les chefs d’entreprise s’engagent dans le milieu. Par exemple, les Eaux NAYA ont investi dans la réfection de l’auditorium de la polyvalente. Cette compagnie s’est montrée intéressée à s’impliquer dans le milieu et, de concert avec la municipalité, a identifié là un projet avec une belle portée. La MRC pose des gestes durables; comme les municipalités n’ont pas suffisamment de ressources, on se tourne vers les partenaires LISE DESROCHERS privés. Pour le projet de route verte, qui traversera Lachute dans l’axe est-ouest, nous avons regroupé 31 partenaires financiers (25 parmi eux viennent du privé). Ils ont tous démontré une réelle volonté de participer en s’impliquant dans le milieu. En guise de reconnaissance, on leur offre des plaques. Des gens s’étaient mobilisés pour recruter tous ces partenaires. Leur implication permettra de ne pas augmenter les quotesparts de chacune des municipalités. Tous les acteurs posent des gestes pour améliorer la santé des gens. Les entreprises s’impliquent, puisqu’en améliorant la qualité de vie des travailleurs, leur personnel devient plus productif. Lorsqu’on fait de la prospection industrielle, les élus ont le réflexe de demander à l’entreprise privée quelle sera sa contribution en matière de développement social; les entreprises se montrent souvent interpellées. Il y a deux types d’approches face à l’économie : on peut être directif et interventionniste, ou laisser le marché gérer l’économie. On se situe entre ces deux approches et on intervient avec les partenaires. Les gens connaissent le rôle qu’ils ont à jouer. On entretient les relations entre les municipalités, la ville centre et les citoyens. Les bureaux de la MRC sont situés dans les mêmes locaux que ceux du CLD, afin de générer de la solidarité et du respect. Au CLD d’Argenteuil, la présidence n’est pas assumée par un élu; on incite à une représentativité citoyenne; on ne veut pas travailler en vase clos. De plus en plus, on développe le sentiment d’appartenance à Argenteuil. On veut notamment développer la route des arts et favoriser la culture afin de rejoindre d’autres intérêts. On fait beaucoup d’accompagnement pour faciliter le cheminement auprès des instances politiques. On remarque une grande redistribution de la richesse en matière de gestes solidaires. On essaie de ne pas dépendre des sommes gouvernementales… Il faut réaliser nos projets en fonction de nos propres réalités. On insiste, lorsqu’on est devant le Ministre, sur les réalisations accomplies par la communauté. Ainsi, on peut dire « On a fait un bout, pouvez-vous nous aider avec le reste? » Il est plus facile d’obtenir un soutien lorsqu’on a déjà démontré que l’on se prend en main. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 33 SURLETERRAIN> PAR MICHAEL WATKINS ÉQUIPE DE RÉDACTION Initiative communautaire intégrée dans la MRC d’Argenteuil a MRC d’Argenteuil compte neuf municipalités qui totalisaient en 2001 une population de près de 29 000 personnes. Essentiellement constituée d’une ville centre, Lachute, et de municipalités rurales, la MRC affiche aujourd’hui des indicateurs de pauvreté très révélateurs de sa dévitalisation. Argenteuil est caractérisée par une population vieillissante, une croissance démographique inférieure à celle des Laurentides et de l’ensemble du Québec, une main-d’œuvre peu scolarisée, plus du quart de sa population à faible revenu, un taux de décrochage scolaire et de suicide chez les jeunes parmi les plus élevés au Québec et une espérance de vie de deux à trois ans inférieure à celle de l’ensemble de la population du Québec. L du Centre d’entraide d’Argenteuil, de la Conférence régionale des élus des Laurentides, du Centre de santé et des services sociaux d’Argenteuil, du Centre local de développement d’Argenteuil, du Centre local d’emploi, de la Sécurité du revenu, d’Emploi Québec, du député provincial et du Laurentian Literacy Council. Le choix qu’a fait le groupe de s’en remettre à une initiative communautaire intégrée comme outil de développement social l’a amené à effectuer une planification et une documentation rigoureuses de sa démarche fondée sur les théories et les pratiques émergentes en matière de développement social. De l’aveu de Mme Anne-Marie Forget, directrice du Centre d’entraide d’Argenteuil, l’utilisation Des organismes communautaires, systématique d’outils de planificaafin de trouver des moyens de tion se veut novatrice et demande vaincre la pauvreté sur leur terribeaucoup de temps et de travail toire, ont mis sur pied la Table de au comité organisateur. « Cette inilutte à la pauvreté d’Argenteuil. Celle- tiative interpelle tous les partenaires ci, composée de bénévoles, d’orga- potentiels de la collectivité qui ont nismes communautaires et publics, tous un rôle à jouer pour remédier s’est donnée pour mission de aux problèmes de notre collectivité, regrouper les personnes et les et nous sollicitons leur implication », organismes concernés dans le but précise cette dernière. de sensibiliser la population aux causes et conséquences de la La première phase du projet élaboré pauvreté. L’initiative est rendue consistait essentiellement en une possible grâce à l’apport financier consultation des différents parte- De gauche à droite: Benoît Audet, organisateur communautaire, CSSSA; Anne-Marie Forget, directrice, CEA; Danielle Lemay, directrice, CLE sécurité du revenu; Danielle Hay, directrice, LLC; Jo-Anne Viau, intervenante communautaire engagée par le comité pour faire la recherche et la coordination pour l'évènement. 34 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 naires et des personnes à faible revenu dans le but d’identifier des pistes d’action. Au cours de l’automne 2005, suivra un forum sur la pauvreté et le développement social qui devrait mener à l’implantation d’initiatives communautaires intégrées. Les objectifs de ce projet de forum sur la lutte à la pauvreté et de développement social dans Argenteuil sont la réunion de l’ensemble des acteurs sociaux concernés et des personnes vivant avec un faible revenu pour définir une vision territoriale commune de la pauvreté, la mise en commun des multiples réalités territoriales, le partage réel d’information et l’élaboration d’un cadre de référence commun visant la réduction de la pauvreté. Pour créer ce pont entre les organismes et les personnes vulnérables d’Argenteuil, le comité applique une approche ascendante centrée sur les besoins de la communauté, c’est-à-dire qui place le citoyen au cœur du processus de changement. La population ayant rarement l’occasion de participer à la définition des enjeux, des stratégies et des actions qui la concernent, la démarche de consultation vise à stimuler sa participation à l’identification des problèmes et des solutions. Afin d’ajouter aux chances de succès de sa démarche, le comité bénéficie de l’accompagnement et de l’encadrement de l’Institut TAMARACK qui facilite l’évaluation des dilemmes et la recherche de solutions. Le succès de la démarche dépend justement de la capacité du comité d’atteindre ses objectifs : miser sur le potentiel des personnes pour le développement de solutions alternatives, impliquer les partenaires publics et privés dans le soutien aux pratiques alternatives, renforcer la capacité des groupes communautaires par la formation et la diffusion de leurs innovations, sensibiliser la population aux effets et conséquences de la pauvreté. L’implantation d’une telle initiative communautaire intégrée comme outil de développement social est en quelque sorte une marche à suivre pour la prochaine décennie. Une fois élaboré, le plan d’action doit appartenir à la collectivité, c’est-à-dire que le processus de sélection commande des façons de faire qui doivent être expérimentées au fur et à mesure. La réalité du territoire d’Argenteuil et la dynamique de son milieu lui sont propres, et aucune formule toute faite ne saurait lui convenir. C’est pourquoi les options explorées comme façons de faire doivent être constamment réajustées. « Dans le meilleur des mondes, nous aurions un plan d’action au lendemain du forum, mais cela semble peu probable, confirme Mme Forget, ajoutant que ce qui semble plus probable se dessine comme la deuxième phase, une étape qui commandera l’apport de ressources humaines compétentes qui feront le développement du milieu. » Questionnée à savoir comment le plan d’action qui sera élaboré pourra s’arrimer aux actions menées par la CRÉ, aux plans d’action des CSS, de la santé publique ou du CLD, Mme Forget répond qu’un tel arrimage n’est pas nécessairement le but visé, mais considère que ces institutions devraient être partenaires et à l’écoute des besoins du milieu. Toujours selon la directrice, la réussite de la démarche est intimement liée à la volonté de chacun, et l’on souhaite que la structure de gouvernance permette justement de faire le pont entre la population et les diverses institutions concernées. DOSSIER> PAR MICHEL MOREL ÉQUIPE DE RÉDACTION Entrevue avec Mme Lise Desrochers Directrice CLD Argenteuil DS : Quelle importance votre CLD accorde-t-il au développement social dans ses actions? LD : Au Québec, de façon générale, la mission d’un organisme comme le nôtre est de recevoir des demandes de subvention, de les étudier, d’évaluer leur viabilité et d’autoriser des octrois. Notre ancien Conseil de développement D’Argenteuil accomplissait déjà des tâches similaires avant même la création des CLD en 1988-1989. En effet, notre organisme a toujours eu comme mission de favoriser le développement des projets d’économie sociale. Donc, à cette époque, nous n’avions pas de budgets réservés à l’économie sociale et déjà on accueillait chaque dossier sur la base de sa valeur. Alors, quand le nouveau gouvernement nous a demandé de réserver des sommes à l’intention des projets de développement social, on a alors constaté que, d’une certaine manière, nous avions déjà une longueur d’avance. Notre conseil d’administration a toujours été soucieux des aspects de développement économique, de création d’emploi, de prospection des investissements. DS : Comment vous assurez-vous que les divers secteurs de l’économie de votre région aient leur mot à dire au sein de votre organisation LD : Le milieu communautaire occupe une place importante au sein de notre conseil d’administration. De nombreux autres acteurs sont représentés : le milieu de la santé et des services sociaux, le transport adapté, les personnes handicapées, le secteur commer- cial, l’industrie forestière, le secteur des services à l’enfance, etc. Le conseil d’administration se réunit environ six fois par an. Cependant, pour être efficace, nous avons instauré un comité d’investissement qui prend les décisions concernant les budgets que nous accordons aux organisations. Lorsque nous recevons une demande, le président, le vice-président et le trésorier se réunissent et invitent également les gens concernés. Par exemple, nous invitons des représentants du secteur des services à l’enfance, des centres de la petite enfance, lorsque nous devons étudier un dossier qui concerne l’économie sociale et l’enfance. C’est alors eux qui étudient la demande et qui prennent la décision, quant au support que nous devons accorder. DS : Outre les sommes que votre organisme octroie à des projets, quel rôle jouez-vous dans votre milieu ? LD : Le travail de notre CLD englobe évidemment d’autres aspects, eux aussi forts pertinents pour le développement social et économique ; il offre de l’accompagnement et des services conseil aux entreprises et aux organisations. Par exemple, j’offre une fois par an une formation sur le rôle et le fonctionnement d’un conseil d’administration des organismes sans but lucratif. Ce que je constate, c’est une amélioration du fonctionnement des organismes, une réduction des difficultés rencontrées. l’organisme École-usine recy-pro. Il s’agit en fait d’une entreprise d’insertion sociale qui se spécialise dans la récupération du matériel électronique et informatique. Cette entreprise recueille, auprès des particuliers et des entreprises, des équipements jugés désuets. Le personnel de l’entreprise évalue alors la possibilité de mettre à niveau les équipements recueillis. Si on ne peut envisager une « seconde vie » à l’équipement, on procède alors à son démantèlement et à l’envoi de ses composantes à des firmes de récupération. Les appareils réparés, pour leur part, sont vendus à prix modiques. Cette entreprise répond à de véritables besoins puisque sa croissance est constante. Nous assistons même à un développement au plan international; des ententes ont été conclues avec le Chili et l’Afrique du Sud. L’entreprise s’adresse à de jeunes décrocheurs. Elle leur inculque certaines connaissances techniques et leur permet également d’apprendre à s’initier au marché du travail et à ses exigences. Notre taux de succès auprès de ces jeunes se situe à 90%. D’ailleurs, en plus de leur démarche de stage, les jeunes qui sont passés par École-usine recypro peuvent bénéficier d’un suivi de deux à trois ans. Certains, une fois qu’ils ont quitté l’entreprise, reviennent parfois y faire du bénévolat ; il s’agit d’une forme de mentorat. cour des miracles. Cette entreprise origine d’une école privée de danse de notre région, qui a initié un projet qui s’adresse à des jeunes qui quittaient l’école. Les jeunes étaient invités à s’inscrire dans un parcours d’un an. À la fin de l’année, le spectacle qu’ils avaient monté était présenté au public. Les spectacles qui ont été produits ont été exportés, présentés dans d’autres régions du Québec et même, au Casino de Montréal. Mais ce qui est tout aussi admirable, ce sont les retombées de ce projet. En effet, monter un spectacle nécessite de s’adjoindre des techniciens aux décors, à l’éclairage, etc. Dans le cadre de ce projet, les jeunes se sont donc initiés à ces techniques. Ces jeunes peuvent maintenant être appelés à travailler pour des productions qui se réalisent chez nous. Le Bureau du cinéma d’Argenteuil, qui coordonne les services offerts aux producteurs qui viennent dans notre région, fait appel à cette main d’œuvre formée et compétente, pour améliorer son offre de services. LISE DESROCHERS Un autre projet qui suscite notre fierté c’est l’entreprise Production DS : Pourriez-vous me donner quelques exemples de projets que vous avez soutenus ? LD : Je pourrais vous présenter DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 35 AUTOURDUMUNICIPAL> À l’occasion du processus des fusions municipales amorcé en 2000, des compétences spécifiques ont été dévolues aux grandes villes par le gouvernement du Québec. C’est ainsi que les villes devront élaborer un plan relatif au développement de leur territoire qui prévoit notamment les objectifs poursuivis par la Ville en matière de développement communautaire, économique, social et culturel. Pourquoi pas profiter de l’occasion pour entreprendre une vaste mobilisation des acteurs et des citoyens autour des enjeux de développement de la Ville? C’est ce qu’ont fait, chacune à leur manière, les villes de Gatineau et de TroisRivières. Nous avons rencontré des élus municipaux et des fonctionnaires de ces deux villes. Trois-Rivières : première grande Ville du Québec à adopter une Politique de développement social Entretien avec Sylvie Tardif, conseillère municipale deTrois-Rivières et avec Lynn O’Cain, responsable de la rédaction de la politique Par Danièle Aveline et Réal Boisvert, équipe de rédaction L’élaboration de la Politique : une vaste opération de mobilisation a démarche d’élaboration de la Politique a connu des moments importants. Lynn O’Cain explique: «Une consultation au printemps et une à l’automne 2004 ont connu un véritable succès; dans la première étape 150 organisations ont été invitées, et 34 documents de réflexion ont été produits. Par la suite, le cadre de référence original a été amélioré. Les groupes concernés, dans la deuxième étape, ont pu se prononcer formellement sur le document comprenant un ensemble de propositions. Quelques jours plus tard, une consultation auprès des citoyens était organisée sous la formule d’une rencontre d’information suivie d’une période d’échanges et de questions.» L Parallèlement à cette démarche, un travail de sensibilisation et de consultation a été mené dans tous les services de la Ville afin de leur expliquer ce qu’est le développement social et en quoi cela interpelle l’ensemble des activités de la municipalité. Un atelier de formation, qui présentait de vraies situations issues des services eux-mêmes, a permis d’atteindre cet objectif. Sylvie Tardif, conseillère responsable de la Politique énonce avec enthousiasme : « Cette démarche d’éducation populaire a été une occasion importante de former des personnes qui vont être ensuite les porteurs des actions en développement social sur le terrain. » 36 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Le développement social au cœur de la politique municipale Le développement social à Trois-Rivières relève du Centre local de développement; ainsi, le développement économique est au même niveau que le développement social. Au même titre que les fonctionnaires, les élus du Conseil municipal ont eu à se sensibiliser au développement social. Dans les réunions du Conseil municipal, chaque conseiller apporte ses préoccupations : le culturel, l’économique, l’environnement, etc. Mais des alliances et des complicités se développent selon les sujets abordés. Et, il semble que cela soit le cas pour le développement social, puisque la Politique a été votée à l’unanimité. Celle-ci comprend, outre des grandes orientations, la mise sur pied d’un comité permanent de suivi et d’un fonds de développement social qui va aider la Ville à mener sa mission et qui pourrait permettre de financer des organismes ou LYNN O’CAIN ET SYLVIE TARDIF la participation citoyenne dans des quartiers où il n’y a pas de culture de mobilisation. C’est d’ailleurs un des axes de la politique de rapprocher les citoyens de la municipalité. La Politique touche l’ensemble des citoyens et pas juste les plus démunis : c’est ce que souhaitaient les élus. Des axes d’intervention privilégiés Parmi les nombreux axes d’intervention contenus dans la Politique, certains seront priorisés : entre autres, le logement social. Sylvie Tardif précise : « Les quartiers populaires se vident et on a comme priorité de ramener les familles. Ce qui nous intéresse c’est la mixité : AUTOURDUMUNICIPAL> amener dans un même quartier des personnes moins nanties avec du nouveau monde de la classe moyenne. Mais il y a peu de terrains disponibles dans les premiers quartiers, et les rénovations sont onéreuses dans des logements anciens. Une réflexion est amorcée par la Société immobilière des premiers quartiers, créée depuis un an. On aimerait récupérer les maisons abandonnées qui sont un problème pour la Ville, les rénover pour permettre aux petits salariés d’accéder à la propriété. C’est le genre d’actions qu’on pourrait retrouver dans le Plan d’action en développement social.» Pour les organismes du milieu, c’est la participation citoyenne et le développement communautaire qui ressortaient comme priorités. De leur côté, les citoyens ont exprimé leurs préoccupations pour le transport dans son sens large et la sécurité urbaine. Une conseillère municipale engagée et qui veut poursuivre le travail amorcé Sylvie Tardif, quant à elle, exprime avec conviction ce qui l’anime : « Personnellement, c’est la participation citoyenne qui me motive; donner une voix de plus aux gens qui en sont privés, c’est le sens de mon engagement dans la politique active. Cette ville n’appartient pas à 17 élus mais à 125 000 personnes; il faut leur donner la parole. Les citoyens sont les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour eux. Comme élu, on doit être connecté avec les citoyens, être en interrelation avec eux, pour faire les bons choix en fonction de leurs besoins, de leurs intérêts. Prendre une décision implique d’avoir des points de vue, de faire des débats, de s’exprimer. On n’a pas toujours l’unanimité, mais on prend la meilleure décision quand on a entendu les différentes positions exprimées. » La prochaine étape demeure un enjeu important pour la responsable du développement social à la Ville : faire adopter un plan d’action en développement social dans la première année du nouveau Conseil municipal élu en novembre 2005. Tout un défi pour Sylvie Tardif qui compte bien être encore là pour cette étape cruciale…et qui définit son rôle ainsi : « Je me vois comme une médiatrice culturelle qui permet aux différents milieux de se comprendre. Mon rôle est de faire comprendre aux élus les réalités sociales et au milieu communautaire la réalité des élus. » La participation citoyenne : constituante incontournable des affaires municipales à Gatineau Entretien avec Lawrence Cannon, conseiller municipal et avec Suzanne Dagenais, responsable de la planification stratégique à la Ville PAR DANIÈLE AVELINE, ÉQUIPE DE RÉDACTION Le citoyen au cœur de la planification de la nouvelle Ville « Avec la venue de la nouvelle ville, on s’est doté d’un cadre de référence, d’une planification stratégique, en y associant les citoyens, les organismes et les employés municipaux. C’était une occasion extraordinaire pour bâtir une nouvelle Ville qui nous ressemble. On s’est donné une vision sur 25 ans. Pour une période de 5 ans, quatre directions stratégiques sont retenues dont les villages urbains et la gouvernance participative », dit Lawrence Cannon avec enthousiasme en parlant de la démarche dont le cœur est la participation citoyenne. Les citoyens ont exprimé leurs rêves pour cette nouvelle ville tout en préservant aussi leur identité propre et leur premier lieu d’appartenance. Suzanne Dagenais, chef de la planification stratégique n’est pas à convaincre du bien- fondé de cette approche : « Le plan stratégique se veut inspirant, porteur de changement pour les citoyens qui y ont largement contribué. Il traite de tous les aspects de la vie municipale. Et on rentre de plein front dans la dynamique sociale de la communauté! », soutient-elle. Le Plan stratégique 2005 est large, mais comporte tout de même 24 actions dites majeures que les services municipaux entreprendront en cours d’année. Un plan plus détaillé en développement social va préciser comment la Ville intervient pour résoudre les problématiques sociales. Mais dores et déjà on peut affirmer que le développement social n’est pas étranger à la planification stratégique. Lawrence Cannon affirme : « Le sentiment d’appartenance a été ébranlé par la fusion. La planification a permis aux citoyens de reprendre confiance. Le maintien des communautés et le concept de villages urbains reposent sur ce sentiment local d’appartenance. Même au Conseil municipal, la mentalité de clocher, c’est terminé. Tout le monde se sent appartenir à la même Ville.» Gatineau se préoccupe aussi des citoyens moins organisés, des nouveaux venus Certains citoyens plus marginalisés n’ont pas les moyens ou la capacité de s’exprimer, contrairement aux représentants des groupes organisés. C’est une préoccupation importante pour Lawrence Cannon qui veut s’assurer que (Suite page 38) DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 37 AUTOURDUMUNICIPAL> (Suite de la page 37) rôle plus important, notamment en développement social. « Avec les années et l’interrelation de plus en plus importante entre les paliers de gouvernement, les citoyens attendent que le municipal puisse répondre aux problèmes sociaux de la communauté, » souligne Lawrence Cannon qui ajoute : « On a assisté à un transfert peu à peu de responsabilités vers le municipal, on n’a aucun problème à accueillir plus de responsabilités à condition que les ressources suivent. D’ailleurs, on est la ville qui a investi le plus au Québec dans le logement social ces dernières années. » tous les citoyens auront la parole. « Nous avons un engagement vis-à-vis des citoyens et nous souhaitons imprégner cette culture de participation dans tout l’appareil administratif. L’ensemble de nos actions doit permettre aux citoyens de s’exprimer. Par exemple, les commissions sont des lieux privilégiés pour débattre entre élus, citoyens et groupes. On va faire en sorte qu’elles soient plus connues et y donner davantage de place aux citoyens », confirme-t-il. Suzanne Dagenais ajoute que la dynamique présente dans les quartiers a été respectée. « Les associations de quartiers très actives sont des sortes de pépinières d’idées pour améliorer la vie des citoyens, se sont des expertes de leur milieu de vie et il est important qu’on considère leur point de vue et qu’on travaille avec elles. Les groupes communautaires sont en lien avec les personnes plus marginalisées » affirme-t-elle. Et pas question de mettre sous le boisseau, à entendre Lawrence Cannon, ce concept de participation citoyenne qui se concrétise par des gestes significatifs. « On a voté des budgets pour développer une culture de participation gatinoise et on pense pouvoir aller loin dans ce sens » dit-il. D’ailleurs la Ville a adopté un Cadre de référence en matière de participation des citoyens aux affaires municipales1 en février 2005 où elle prend des engagements à respecter certains principes et crée des structures de participation. Ce Cadre constitue une pierre d’assise pour l’ensemble des politiques et des actions menées par la municipalité. 38 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 LAWRENCE CANNON Gatineau se veut une ville ouverte, considérant que tous les groupes, quelle que soit leur provenance, constituent une richesse. En entrant dans la maison du citoyen, cette volonté politique est frappante : des œuvres d’art provenant de toutes les communautés culturelles jalonnent le grand hall d’entrée et invitent tous les citoyens à se sentir chez eux. Gatineau et la décentralisation Comme toutes les municipalités, Gatineau est interpellée par le gouvernement pour jouer un Être élu municipal : une fonction noble pour Lawrence Cannon « Aujourd’hui, il y a du cynisme vis-à-vis de la politique. Il faut rétablir la situation, dire que c’est noble de travailler pour les citoyens et redonner de la crédibilité aux institutions publiques. Cela procure un énorme sentiment d’accomplissement de faire avancer sa Ville. Pour ma part, j’ai des valeurs et la politique me permet de les pousser et d’être intègre dans mon engagement. Gatineau a tablé sur la participation citoyenne et ma grande satisfaction est d’y avoir contribué. Les actions et gestes qui sont posés aujourd’hui ne sont pas contestés car les citoyens et les groupes ont été partie prenante de ce processus », conclut monsieur Cannon, qui n’a pas dit son dernier mot. Car s’il tire sa révérence de la scène municipale en novembre, c’est pour mieux se préparer pour le fédéral. 1 Ce document ainsi que la Planification stratégique sont disponibles à l’adresse : www.ville.gatineau.qc.ca DOSSIER> PAR DANIÈLE AVELINE ÉQUIPE DE RÉDACTION Les affaires municipales c’est aussi du développement social Quels sont les enjeux soulevés par les nouvelles réalités sociales auxquelles sont confrontées les municipalités du Québec? Le transfert de responsabilités aux élus municipaux dans le champ du développement social soulève-t-il des interrogations? Pourront-ils exercer pleinement ces nouveaux mandats et à quelles conditions? La décentralisation va-t-elle être propice à une plus grande démocratisation? Va-t-elle remettre en cause l’universalité et l’accessibilité des services aux citoyens et faire perdurer les injustices sociales? Du développement social dans les municipalités ar les services traditionnels qu’elles offrent (transport, habitation, infrastructures, culture, activités communautaires, loisirs, etc.), les municipalités sont directement interpellées par l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et donc participent de plein pied au développement social. P Par ailleurs, les municipalités font face à des changements importants en terme de dynamiques sociales qui ont une incidence sur les collectivités et vont au-delà de leur sphère de compétence traditionnelle, les obligent à adapter les services municipaux à ces nouvelles réalités et à les diversifier. La hausse du nombre d’immigrants entraînant une plus grande diversité de la population, une main-d’œuvre en perte de vitesse, l’exode des jeunes, les inégalités flagrantes entre les plus nantis et les pauvres, la territorialisation de la pauvreté sont quelques exemples qui illustrent ces changements. Mais c’est sans contredit la question du vieillissement de la population qui va transformer de façon majeure la réalité sociale de demain. Si le vieillissement démographique de la population est un phénomène connu, la rapidité de son évolution et l’ampleur de ses effets sont encore difficiles à bien appréhender. Au Québec, la part des personnes âgées de 65 ans et plus est passée de 5% pendant la moitié du 20e siècle à 13% aujourd’hui et elle pourrait se situer autour de 16% en 2011. On sait aussi que les dis- À l’occasion des élections municipales qui se tiendront pour la première fois dans toutes les municipalités du Québec en même temps, en novembre 2005, la revue Développement social est allée à la rencontre de ceux et celles qui, aux quatre coins du Québec, sont interpellés directement par ces questions : des élus municipaux, des citoyens impliqués dans leur milieu, des organismes communautaires actifs dans les municipalités. Ils nous ont confié leurs appréhensions et leurs espoirs. parités régionales, urbaines et rurales de cette problématique seront importantes.1 Dans ce contexte, les services municipaux auront un virage rapide et important à entreprendre tant dans l’habitat, que dans le transport, les services de loisirs et de culture, dans l’aménagement des lieux publics et le développement social. Louise Major, mairesse de Rawdon, affirme d’emblée que le conseil de la Ville de sa Ville lie le développement économique au développement social : « Il y a de nombreux besoins dans la ville et on ne veut pas mettre tous nos œufs dans le même panier mais la préoccupation de développement social est toujours sous-jacente dans les décisions » et elle ajoute : « La ville a fait le choix de redynamiser son centre ville pour valoriser l’artère commerciale et développer un sentiment d’appartenance en favorisant l’utilisation des équipements municipaux comme la plage municipale et les parcs. Ces actions améliorent la qualité de vie et deviennent en même temps des attraits touristiques ». D’aucuns trouvent que les municipalités ont des difficultés à s’adapter aux nouvelles réalités sociales. Stéphan Reichhold, coordonnateur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes du Québec, trouve qu’on n’est pas très avancé à cet égard : « Les municipalités devraient jouer un rôle plus important dans les services de proximité aux immigrants, ils devraient adapter les services en prenant en compte la diversité culturelle de la population. Une autre façon de s’impliquer et de faire en sorte d’embaucher davantage d’employés provenant des communautés culturelles et des minorités visibles, surtout à Montréal ». Des municipalités comme Rawdon sont des exemples de réussite en la matière et Louise Major voudrait bien pouvoir faire profiter d’autres municipalités de cette expérience positive : « Rawdon a connu historiquement un succès dans l’intégration des immigrants. Il n’y a pas de ghetto russe ou polonais, les citoyens originaires d’environ 25 ethnies différentes sont intégrés dans la communauté. Le projet Origine et mémoires va permettre de questionner les gens qui sont là depuis longtemps afin de comprendre comment ils se sont adaptés. On veut mieux comprendre et tabler sur notre succès dans l’avenir ». Marie Turcotte, cheffe de délégation des personnes handicapées dans le cadre du Sommet de MARIE TURCOTTE DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 39 DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL Louise Major, mairesse de RAWDON : une femme engagée dans le monde municipal Mon expérience personnelle part de mon implication dans la communauté : du comité d’école, à la Commission scolaire comme Commissaire, puis comme mairesse de Rawdon. Quand on veut changer les choses il faut mettre la main à la pâte. J’observe que dans le domaine municipal l’impact des décisions est direct et on voit le résultat concret et vérifiable de nos décisions. Ce que je dis aux femmes : il faut se placer aux endroits où nos réflexions vont porter fruit. Malheureusement, cette fonction prend beaucoup de temps. C’est un moment de ma vie où je peux me le permettre : mes enfants sont autonomes, mon conjoint apprécie mon choix et me supporte. Pour une jeune mère, c’est plus difficile. Dans ma MRC, où siège une majorité d’hommes, j’observe qu’ils ont aussi une sensibilité sociale mais ont une façon différente d’aborder les dossiers et dans ce sens, les femmes et les hommes sont très complémentaires. Les citoyens amènent aussi les conseillers municipaux à cheminer et à avoir des préoccupations plus sociales. Montréal, de son côté plaide pour que l’ensemble des services municipaux mettent de l’avant le principe de l’accessibilité universelle qui facilite la vie quotidienne des personnes handicapées, mais aussi de l’ensemble des citoyens : « Dans le cas des aménagements urbains, il coûte très cher de rattraper les oublis faits dans le passé. C’est moins cher de penser, dès le départ, dans une perspective d’accessibilité universelle ». Et François Vermette, du Réseau québécois des OSBL d’habitation, déplore que l’implication des municipalités dans le domaine du logement social soit très variable et insuffisante par rapport aux besoins : « Il existe une grande diversité d’implication des municipalités dans l’habitation. Certaines se dotent de politiques d’habitation. Elle peut se retrouver aussi dans les grandes orientations d’un plan d’urbanisme. Par contre, des municipalités, même parmi les petites, affirment leur volonté de faire du logement moins cher et investissent dans ce sens, parfois même plus que les programmes exigent ». Lotfi Khiari du groupe Aliment-action St-Michel à Montréal, déplore que la sécurité alimentaire ne soit pas une priorité pour les municipalités « Il y a des liens entre LOTFI KHIARI 40 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 le développement social et l’urbanisme, par exemple, des terrains disponibles peuvent être convertis en jardins communautaires. La démarche de sécurité alimentaire doit s’inscrire dans une intervention globale dans un quartier et la ville doit faire des liens entre ses différents plans de développement comme l’urbanisme et le développement social. La sécurité alimentaire participe au développement social car, en lien avec d’autres interventions, elle permet aux personnes de se prendre en main ». Du nouveau rôle des élus municipaux De plus en plus de municipalités et de MRC se dotent d’orientations, de stratégies, ou de plans d’action en matière de développement social. De plus, le gouvernement du Québec a clairement indiqué qu’il était disposé à remettre aux élus municipaux des leviers de développement régional. Jean-François Aubin, du Projet de revitalisation urbaine de Trois-Rivières, note les changements qui s’opèrent : « Il y a un certain nombre d’années, les municipalités étaient surtout responsables des infrastructures comme la voierie, les vidanges etc. Les perceptions demeurent et pourtant le rôle des municipalités a beaucoup changé, il s’est élargi avec les loisirs et sports, le développement social et communautaire. La réaction des élus évolue aussi, avant le développement social était perçu comme une dépense de plus, aujourd’hui, les élus sont fiers d’avoir une politique de développement social à Trois-Rivières ». Les Conférences régionales des élus (CRÉ), nouvellement constituées, doivent élaborer un plan quinquennal de développement de leur région, comprenant entre autre, le développement social. Au nombre des nouvelles responsabilités qui incombent aux élus municipaux via les CRÉ, on retrouve le Plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans lequel les CRÉ devront déterminer des priorités d’actions et des territoires défavorisés à privilégier. Bien que ces organismes soient encore jeunes, plusieurs doutent du rôle réel qu’elles pourront jouer dans le développement social. Jean-François Aubin a une opinion réservée à ce sujet : « La CRÉ est en train de s’articuler et on ne peut pas trop compter sur elle. Son énergie a été surtout mise sur des négociations entre les élus sur les fonds d’investissement. Pour le développement social, pas grand-chose a été fait jusqu’à date ». Cependant les élus sont plutôt confiants. Louise Major d’emblée affirme : « Je crois au nouveau rôle des CRÉ dans les régions à condition que cela parte des municipalités locales qui peuvent faire monter les besoins locaux qu’elles connaissent bien. Il y a des disparités très importantes dans une même région et il faut en tenir compte. Des municipalités plus petites n’ont pas les mêmes besoins et elles doivent les faire connaître aux préfets des municipalités locales et à la CRÉ. Il faut aussi apprendre à laisser de côté les préoccupations uniquement locales et développer une vision régionale et arriver à une certaine équité dans la région ». Isabelle Bombardier, citoyenne de Trois-Rivières, constate que certains élus, plus sensibles au développement social, sont des sortes d’émissaires dans les instances municipales : « On a une excellente contribution de la Conseillère Sylvie Tardif qui défend vraiment le projet au Conseil de Ville et nous supporte. On a du faire nos preuves pour convaincre d’autres élus qui sont plus portés vers le développement économique, mais les choses évoluent peu à peu ». Martine Carrière : jeune et candidate aux élections municipales à Montréal J’ai 24 ans et la politique m’intéresse. J’ai eu une première expérience aux élections fédérales et j’ai décidé de faire le saut au municipal car je veux être près du monde. Le palier municipal ne fait pas la manchette et pourtant on peut prendre des petites décisions au jour le jour qui ont un impact important pour la qualité de vie des citoyens. Je défends des causes comme le développement durable, qui sont soutenues par ma génération. Il faut faire des efforts pour avoir plus de jeunes élus au municipal. Mais il y a des obstacles pour un jeune candidat : déposer 1000 $, avoir un réseau et des amis. En politique, il ne faut pas avoir peur de se lancer : quand je me suis présentée contre Pierre Pettigrew au fédéral, je ne pouvais pas espérer gagner… pourtant il y avait moins de 500 voix de différence. Les prévisions en donnaient 12 000! Si je ne gagne pas au municipal, je ne vais pas être complètement découragée et je vais continuer à faire mon petit bout de chemin et si l’occasion se représente, je vais peut-être encore y penser… nies, les gouvernements successifs, aux prises avec les difficultés de certaines régions et devant l’état des finances publiques ont tenté de transférer aux paliers inférieurs certaines responsabilités. ISABELLE BOMBARDIER Quant à la légitimité des élus locaux, sur la scène régionale, plusieurs s’interrogent. Par exemple, Francine Blais, première préfète élue au suffrage universel au Québec, à la MRC le Granit, avance : « C’est important que les préfets soient élus au suffrage universel, cela leur donne de la légitimité auprès des citoyens et ces derniers savent mieux ainsi ce que fait la MRC. De plus, cela assure que la vision qui sera défendue, sera celle de l’ensemble des municipalités composant la MRC. Je sais que peu de MRC se sont prévalues de cette possibilité et je trouve cela dommage. Je l’explique par le fait que les maires sont obligés de quitter leur poste et s’ils ne gagnent pas leur élection comme préfet, et se retrouvent devant rien ». De la décentralisation Le gouvernement entend également décentraliser des activités jusqu’ici offertes par ses services vers les municipalités et les MRC. La question de la décentralisation n’est pas un phénomène nouveau. Depuis plusieurs décen- Francine Blais exprime sur la décentralisation un point de vue partagé par plusieurs municipalités: « On a des réserves : on ne veut pas accepter des mandats dans n’importe quelle condition. Il y a des principes de base à négocier avec le gouvernement dans un premier temps qui servira de cadre de référence. On a l’expérience de mandats qui nous ont été confiés dans les MRC et qu’on ne peut plus exercer dans les mêmes conditions. Par exemple, on a reçu le mandat d’élaborer des schémas d’aménagement dans les années 80 et on recevait pour ce faire 80 000$. Or, ce montant n’a jamais été indexé depuis ». Sylvie Tardif, conseillère municipale de Trois-Rivières, abonde dans ce sens : « Il y a beaucoup de résistance actuellement. Si les responsabilités viennent avec des montants suffisants et indexés, il y aura peut-être de l’ouverture. Par exemple, la démarche actuelle d’élaboration d’un plan de développement social s’est faite à même les budgets de la Ville, contrairement à la Politique familiale ». Pour sa part, Yolette Lévy, conseillère municipale à Val d’Or, demeure confiante du bien-fondé de confier des responsabilités nouvelles aux municipalités tout en apportant des mises en garde : « La municipalité est en fait un gouvernement : elle a un territoire bien délimité, elle dessert quotidiennement les citoyens en leur offrant des services publics de proximité très importants. Elle est donc bien placée pour accueillir des services décentralisés à condition que le gouvernement n’impose pas ses façons de faire. Les élus politiques municipaux vont dans le sens du mieux-être de leur po- pulation et auront cette préoccupation dans les services décentralisés aussi ». Les organismes communautaires ont des réserves plus importantes et expriment leurs craintes de voir certains principes d’universalité, d’équité entre les citoyens et entre les régions, mis à dure épreuve. Pierre Gaudreau, du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, expose ce point de vue clairement : « On est plutôt réservés et peu favorables à la décentralisation de responsabilités dans le champ social. On doit avoir des critères nationaux et des programmes qui doivent garantir des droits universels. Il faut vraiment éviter de mettre les services PIERRE GAUDREAU DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 41 DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL sociaux dans les mains des autorités politiques locales et revenir en arrière comme dans les années 60 où il y avait une accessibilité aux services très inégale sur le territoire. Dans certains cas, le phénomène « pas dans ma cour » fait en sorte qu’on refile le problème au voisin quand on a une vision juste locale ». Un point de vue que semble partager Stephan Reichhold qui prend l’exemple des communautés culturelles : « À chaque fois qu’il y a un mouvement de décentralisation au Québec, le dossier de l’immigration, de l’intégration et des relations interculturelles se perd très rapidement car ce n’est plus une priorité d’action pour les régions, pour la population et donc pour les électeurs. Le gouvernement joue un rôle essentiel, notamment dans les efforts de régionaliser les immigrants ». Marie Turcotte, pour sa part, y voit aussi une perte dans le rapport de force qu’ont les organismes de défense par rapport au gouvernement: « Dans les municipalités et les régions où il y a peu de personnes handicapées, elles risquent de ne pas être prioritaires. Il faut une masse critique pour faire un rapport de force. Pour des organismes comme le nôtre, cela devient très difficile aussi de faire notre travail dans toutes les régions et au niveau local ». De son côté, François Vermette s’inquiète de l’accessibilité et de l’efficacité de certains programmes lorsque se sont les élus locaux qui ont le pouvoir : « La décentralisation peut poser problème car certains élus locaux ont des objections et décident de ne pas participer aux programmes même lorsqu’ il y a des demandes. Des citoyens sont ainsi privés de logements sociaux. On s’interroge aussi sur la disponibilité de ressources compétentes dans toutes les régions pour la mise en œuvre des programmes ». En tout état de cause, pour plusieurs, il reste des débats importants à faire avant de se lancer dans la décentralisation sans en mesurer tous les enjeux. Stéphan Reichhold signale : « Au Québec, il n’y a jamais eu vraiment de débat sur la prise en charge du dossier des immigrants et des communautés culturelles et du partage des mandats entre les différents paliers. Les immigrants sont parmi les plus pauvres au Québec et on a l’impression que, tant qu’il n’y a pas de crise majeure, on ne s’interroge pas vraiment sérieusement ». « Le gouvernement joue un rôle essentiel, notamment dans les efforts de régionaliser les immigrants » STEPHAN REICHHOLD De l’exercice de la citoyenneté La participation des citoyens sur la scène municipale est souvent déficiente. Le taux de participation aux élections, ou dans les instances formelles de consultation, conseils municipaux ou d’arrondissement en sont des signes probants. Pourtant, certaines municipalités réussissent à solliciter une participation citoyenne autour d’enjeux qui concernent directement les citoyens et on observe alors une nouvelle dynamique entre les élus et les résidents. Isabelle Bombardier, jeune citoyenne de TroisRivières, a été gagnée par l’enthousiasme que suscite le projet de revitalisation urbaine : « C’est tout nouveau pour moi de m’impliquer dans un comité de citoyens et je vais continuer car cela m’apporte beaucoup : on découvre des façons de faire différentes de ce qu’on connaît. Sur le plan des relations humaines aussi, on a de la reconnaissance des autres. Cela est stimulant de voir que cela donne des résultats. On peut se sentir gêné comme citoyen de ne pas tout comprendre mais peu à peu, on nous intègre et on répond à nos questions. Il y en a pour tous les goûts dans toutes les activités qui sont développées et tous peuvent trouver leur place. Ce qui me motive, c’est la force qu’on a ensemble, les nouvelles idées qui émergent et la dynamique qu’on a réussi à démarrer ». JEAN-FRANÇOIS AUBIN 42 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Jean-François Aubin, pense que l’intervention communautaire repose sur la capacité de rejoindre les citoyens qui doivent être au cœur de l’action : « À partir d’une vaste enquête participative, on est allé cogner à un millier de portes dans le quartier. La question la plus importante était : avez-vous le goût d’avoir une suite à cette démarche? La réaction a été positive et beaucoup de citoyens ont alors décidé de s’impliquer. C’est la base de notre travail : aller rejoindre les gens directement là où ils sont et de les interpeller. Un élément clé du succès de la démarche est un bon travail d’animation du milieu, car cela devient bureaucratique si il n’y a pas de participation ». Yvon Jackson, citoyen de Saint-Pierre à Montréal, ne compte plus le temps qu’il consacre aux projets de son quartier, c’est naturel pour lui et comme il connaît tout le monde dans le quartier, il trouve toujours des personnes ressources pour donner un coup de main : « Je m’implique depuis que je suis jeune, c’est de là que me vient le goût de participer à ma communauté. Quand tu t’impliques dans ton quartier, tu es plus porté à faire attention à ta maison, à aimer ta ville et à en prendre soin. Tu aimes encore mieux ton quartier car tu sens qu’il t’appartient. Tu contribues à améliorer ta qualité de vie et celle des autres citoyens ». Un peu d’histoire... Août 1934 M. le maire Grégoire, de Québec, était à Montréal hier. Interrogé sur les résultats de la conférence interprovinciale, il a dit que M.Taschereau n’a pas besoin de consulter les villes, que le congrès de l’Union canadiennes des municipalités a déjà répondu que les villes se ruineront si elles continuent à défrayer l’administration de l’assistance aux chômeurs et, en même temps, à contribuer le tiers des allocations. Pendant la conférence, la ville de Québec a envoyé à M.Bennett un télégramme lui disant que les villes ne veulent plus contribuer aux secours directs. Nous voulons tous que l’aide aux chômeurs soit entièrement à la charge des gouvernements des provinces et d’Ottawa. Yolette Lévy, elle, témoigne des efforts que fait Val-d’Or pour améliorer la participation : « L’exercice de la citoyenneté est exigeant mais nous pouvons améliorer la participation citoyenne par de petits gestes. Par exemple, nous tablons sur les huit Conseils de quartiers qui permettent aux citoyens de développer une vision collective de leur quartier et nous voulons les utiliser en leur donnant un pouvoir de recommandation marqué ». Le débat sur le partage des responsabilités entre les villes et les gouvernements ne date pas d’aujourd’hui... Lucille Rocheleau, citoyenne de Val-David fait un témoignage éloquent de ce qu’apporte l’implication citoyenne : « Quand on reste sur son petit terrain, il ne se passe pas grand-chose, la vie s’arrête un peu. J’ai décidé de m’impliquer à Val David où je me suis installée pour ma retraite. C’est un village où il y a une vie communautaire importante et dynamique. Ainsi j’ai rencontré des gens et je me suis fait des relations dans le milieu. En s’impliquant dans la communauté, on contribue et je suis convaincue que tout le monde a quelque chose à apporter à son environnement ». Les villes comprennent qu’elles sont gagnantes lorsqu’elles mettent à contribution les citoyens. Yvon Jackson se souvient « Au début on trouvait qu’on était pas mal seuls pour monter notre projet, mais plus ça allait plus on avait l’appui de la Ville. Un ingénieur qui ne vit pas dans le quartier s’aperçoit qu’il a besoin des citoyens. On a convaincu la Ville de changer une piste cyclable de côté de rue car on a une connaissance pointue du terrain ». MICHEL ADRIEN YVON JACKSON Michel Adrien : premier maire noir du Québec Venu à Mont Laurier pour y enseigner les mathématiques dans les années 1970, Michel Adrien fait des interventions auprès du conseil municipal pour que soient installés des équipements de loisirs pour les enfants de Des Ruisseaux, municipalité aujourd’hui annexée à Mont Laurier. Il s’est vite retrouvé porte-parole d’un comité de citoyens, et de fil en aiguille, en est venu à intervenir régulièrement au Conseil municipal de Des Ruisseaux où il est invité à poser sa candidature à la suite d’une vacance. Ce qu’il fait volontiers. Après l’annexion, il est sollicité pour poser sa candidature à la mairie de Mont Laurier. Dès le début, il a le soutien populaire (80% des voix exprimées). Et Mont Laurier ne compte que 3 ou 4 habitants d’origine haïtienne… « Après 30 ans d’enseignement, premier Président de race noire d’un syndicat d’enseignant au Québec, premier Président du Conseil d’Administration du Centre hospitalier de Mont Laurier, premier Président intérimaire du CSS Lanaudière. Pour les gens ce n’était pas surprenant de me voir là. Les citoyens de Mont Laurier sont habitués de composer avec des citoyens venus d’ailleurs et s’ils estiment votre apport à la communauté positif, ils vous acceptent comme un des leurs ». LUCILLE ROCHELEAU DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 43 DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL Yolette Lévy, conseillère municipale de Val d’Or, originaire d’Haïti La meilleure façon de s’intégrer est de faire des activités dans la communauté avec les enfants, ou dans le syndicat par exemple. L’intégration va aussi avec le respect de la communauté d’accueil et il faut s’adapter par rapport à notre pays d’origine. Il y a une sorte de dialectique entre le nouveau venu et le natif. L’étranger est celui qui peut lever la patte n’importe quand. Si tu décides de rester il faut qu’il y ait une adaptation à ton nouveau pays. Être élue est la démonstration qu’on est bien accepté. En conclusion La plupart des interventions soulèvent la complexité des enjeux sur la place que devraient occuper les municipalités dans le développement social. Quoiqu’il en soit, le débat est ouvert et les municipalités ont, avec le nouveau rôle que veut leur donner le gouvernement, une occasion unique de se donner une vision élargie de leur rôle. L’appréhension globale de leur communauté ou de leur région les fait sortir de leur rôle traditionnel d’élus de villes cherchant à attirer des entreprises et créer de la richesse, sans avoir une vision toujours claire de la finalité de leurs actions. Cependant les craintes sont nombreuses de voir le gouvernement, désirant se défausser sur les élus locaux de services, notamment sociaux, dont les coûts sont inflationnistes alors que les municipalités ont des revenus qui plafonnent. Partout au Québec, les élus locaux réfléchissent à la place que doivent occuper les citoyens qui ne sont plus perçus comme de simples payeurs de taxes ou des consommateurs de services. Comment les citoyens pourront-ils exercer un pouvoir démocratique sur les orientations qui les concernent directement dans un contexte où une grande majorité semble manifester un 44 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Yolette Lévy, conseillère municipale, encourage les femmes à se présenter aux élections municipales Il faut bien expliquer aux femmes comment faire une campagne électorale car elles ne sont pas habituées à se battre et à faire du coude dans des passages parfois étroits. Elles ont pourtant bien des compétences (vécu, gestion du budget familial, éducation des enfants, etc.) très utiles pour la scène municipale. désintêret pour les élections? La participation citoyenne sur la scène municipale est à l’ordre du jour! D’ailleurs de plus en plus de municipalités font des expériences pour améliorer la participation citoyenne, dans un environnement que les citoyens maîtrisent mieux que le politique : le quartier, la qualité de vie, l’environnement, etc. Quand les enjeux sont plus proches, les citoyens exercent une vigilance auprès des élus locaux, ce qui renforce la démocratie participative. On a rencontré plusieurs citoyens et citoyennes qui s’impliquent dans leurs communautés, qui se réalisent et éprouvent un désir d’actions collectives. Mais la grande majorité ne manifeste-t-elle pas, pour la chose politique, un doute lié à une grave crise de la représentation politique doublée parfois d’une méfiance due aux dérapages ou aux abus de confiance? Des organismes communautaires et des mouvements sociaux, de leur côté, sont porteurs de créativité et témoignent de la richesse et de la diversité des actions qu’ils sont prêts à entreprendre en partenariat avec les municipalités. Ils expriment cependant fortement leurs Sylvie Tardif, conseillère municipale de Trois-Rivières : Je suis une femme et je suis féministe aussi. Mes préoccupations de femme vont émerger dans tous mes choix et je veux amener les femmes à donner leur point de vue, par exemple sur le choix d’un module dans un parc. Je travaille aussi à l’interne de la Ville pour faire féminiser les textes, y compris la Politique de développement social. Toutes les valeurs du développement social comme la solidarité, la démocratie, le bienêtre des citoyens sont aussi des préoccupations de femmes. Par contre, il n’y a pas un axe spécifique dans la politique, on aura sûrement des actions plus précises à mettre de l’avant dans le plan d’action. appréhensions sur la décentralisation dans le domaine social et posent clairement la question de l’imputabilité des élus locaux et du risque de fragmentation des actions sur le territoire. Ils réaffirment le rôle important de l’État garant des valeurs de justice, d’équité. Le Québec, en entreprenant de revoir le partage des responsabilités entre les différents paliers de l’administration publique, afin de mieux les adapter aux besoins des citoyens et par l’intérêt accru de ces derniers à vouloir participer à la prise de décision, a ouvert un large débat dans la société civile et chez les élus locaux. Les élections de novembre sauront-elles susciter le même intérêt, permettront-elles de poursuivre la réflexion et d’apporter un renouveau des candidatures, dans un contexte où le rôle des élus locaux est en pleine mutation ? 1 Voir :Les effets du vieillissement de la population québécoise sur la gestion des affaires et des services municipaux,MAMR, oct.2004 L’intervention municipale en matière de développement social: une tendance lourde PAR MICHEL TREMBLAY MAIRE DE RIMOUSKI PRÉSIDENT DE L’UMQ ’intervention municipale en matière de développement social est bel et bien un état de fait… qui reste à reconnaître, notamment et particulièrement sur le plan de la fiscalité. Pendant longtemps, on a considéré que le rôle des municipalités se limitait à fournir des services de première ligne en matière de voirie, d’hygiène et de traitement de l’eau. Les exemples démontrant que l’intervention du milieu dans des sphères allant au-delà des seuls services à la propriété abondent. Et plusieurs de ces responsabilités, qui touchent la sphère sociale, émanent directement du gouvernement du Québec. L L’adoption du projet de loi 56 le démontre on ne peut mieux. Sanctionné le 17 décembre 2004, cette loi modifie la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées et fait de l’intégration sociale des personnes handicapées un enjeu majeur. Les municipalités sont tenues, de par cette législation, d’assumer certaines responsabilités, visant à favoriser l’intégration des personnes handicapées à la société. Les municipalités de 15 000 habitants et plus ont désormais l’obligation de produire, chaque année, un plan d’action et de le mettre en œuvre. Toute municipalité, peu importe sa taille ou sa région, devra par ailleurs assurer l’accès des personnes handicapées à des services de transport adapté sur son territoire, et ce, à compter du 17 décembre prochain. D’autres obligations législatives ont amené certaines municipalités à intervenir dans la sphère du développement social. En septembre, après de deux ans de travail, la Ville de Trois-Rivières a été la première à procéder à l’adoption d’une politique municipale en développement social. C’est dans le contexte des fusions municipales qui a fait naître la nouvelle Ville de Trois-Rivières en 2002, que la démarche d’élaboration de la politique a débuté. Comme l’a souligné le maire de la ville, M. Yves Lévesque, à l’occasion du dévoilement officiel de la politique, Trois-Rivières ne s’est pas cantonné au strict cadre légal, mais est allée plus loin. En effet, la Ville de Trois-Rivières a pris le temps de consulter les partenaires et la population sur la question du développement social. De plus, la démarche élaborée par le Comité responsable du développement social a trouvé écho auprès de nombreuses autres villes et de municipalités québécoises. La sensibilisation du milieu municipal à la réalité du développement social n’est pas que le fruit des obligations légales. Les exemples de cette réalité abondent. Ne soulevons que le cas des 110 municipalités, MRC ou arrondissements1 qui se sont, ou sont en voie de se doter d’une politique familiale. On pourrait citer également cette initiative de la Ville de Sherbrooke, qui s’est dotée d’une Politique d’accueil et d’intégration des immigrants, avec la collaboration du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration. Cette politique identifie des moyens de faciliter l’intégration des nouveaux arrivants sur le territoire de Sherbrooke, qui compte des ressortissants de 55 pays. « Cet élément fait partie des nouvelles responsabilités qui sont arrivées sur notre table de travail. Étant donné que nous sommes les élus les plus près des citoyens, les villes sont sollicitées dans les sphères sociales et communautaires, relève le maire de Sherbrooke et 1er vice-président de l’UMQ, M. Jean Perrault. Un bon exemple de ce phénomène est l’injection de 50 000 $ de la Ville dans un projet pilote avec quatre organismes communautaires, dont une banque alimentaire et une cuisine collective ». L’intervention du milieu municipal dans la sphère du développement social est une tendance lourde. Mais, plus que jamais, le gouvernement du Québec doit prendre acte que la fiscalité des municipalités n’est plus adaptée aux multiples responsabilités qu’elles doivent assumer. À leurs fonctions, liées à l’origine aux services à la propriété et financées par l’impôt foncier, se sont ajoutées depuis 20 ans, des fonctions de services aux personnes qui devraient normalement être financés par des revenus liés à la fonction de redistribution de la richesse, outil fiscal qu’elles ne possèdent pas. En plus de devoir assumer les dépenses supplémentaires transférées par le gouvernement du Québec au cours des 20 dernières années, les municipalités ont vu la base de leur principale source de revenus, les valeurs foncières, s’effriter. La problématique actuelle résulte principalement d’un phénomène : les municipalités ont une trop grande dépendance à une seule source de revenus, l’impôt foncier. L’évolution de la société et de l’économie a fait en sorte que les municipalités sont appelées à assumer de plus en plus de responsabilités et ce n’est pas fini. Elles deviennent des actrices majeures incontournables du développement social et économique et des lieux d’innovation et de solidarité. On le voit, elles sont interpellées à bien des niveaux. Bien plus, elles doivent s’impliquer et explorer de nouvelles avenues de développement pour leur région. Elles ont aujourd’hui une tâche supplémentaire, celle d’humaniser les effets de la mondialisation sur leur communauté. MICHEL TREMBLAY 1 Carrefour action municipale et famille, septembre 2005 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 45 DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL Rapprocher le pouvoir de décision des citoyens PAR MICHEL BELZIL, MAIRE DE BARNSTON-OUEST PRÉFET DE LA MRC COATICOOK PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DES MUNICIPALITÉS a démocratie locale est une composante essentielle de la démocratie du 21e siècle. Son existence et sa vitalité sont reconnues comme des facteurs clés de la stabilité démocratique. L’autonomie locale doit répondre aux besoins de tous. La décentralisation est une forme d’organisation du pouvoir politique qui tente de donner libre expression au pluralisme des sociétés humaines. La décentralisation devient alors le vecteur de la démocratie et, vue sous cet angle, elle peut devenir une des conditions du renouvellement de la démocratie. approche de développement, par des modes d'organisation et de production inédits, intègre des préoccupations d'ordre social, culturel et environnemental au cœur des rationalités purement économiques. L La décentralisation doit s’accompagner d’une mobilisation de la population en faveur du développement local. Les acteurs locaux prennent l’initiative de changer leur environnement plus facilement lorsqu’ils ont la liberté de le faire et la conviction de participer pleinement et de façon démocratique au développement de leur collectivité. Elle introduit le concept d’un « État de proximité » et constitue dès lors un instrument favorisant l’expression de cette liberté des acteurs puisqu’il s’agit d’un mode de gouverne politique axé sur l’autonomie locale et la responsabilisation des acteurs. La décentralisation est généralement vue comme un processus permettant de faire participer les populations à l’élaboration et à la gestion des politiques qui concernent leur territoire. Par ailleurs, la décentralisation constitue une réponse et une voie favorisant le développement local. L'économie actuelle ne correspond plus de façon exclusive à la logique de localisation qui fut à l'origine du modèle de concentration; elle ne traduit pas moins une autre logique qui a, elle aussi, ses impératifs. 46 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Si les facteurs d'ordre économique continuent d'être des éléments importants dans le processus de recomposition des territoires, le paradigme renouvelé de développement accorde un rôle tout aussi important aux facteurs non économiques tels la qualification individuelle et collective, la transmission des savoirs et savoirfaire traditionnels, le cadre de vie, la perméabilité à l'innovation, la vitalité communautaire, l'ouverture à la concertation et au partenariat. MICHEL BELZIL Il existe en effet des dynamiques territoriales spécifiques qui fonctionnent de telle manière que le développement d'un espace habité n'est pas subordonné à sa seule capacité d'attraction d'établissements ou de filiales de grandes entreprises, mais qu'il dépend aussi de son aptitude à identifier et valoriser ses ressources, à susciter des initiatives locales, à générer un tissu de nouvelles entreprises et à mettre en oeuvre une dynamique territoriale de l'innovation. Voilà les véritables fondements de la dynamique des territoires. Ce retournement dans les mécanismes de développement territorial pose tout le défi du développement local. Ce défi consiste à mettre progressivement en place les conditions qui favorisent l'adaptation des collectivités territoriales aux nouvelles règles du jeu de la croissance économique où l'édification d'une nouvelle L'espace économique est ainsi enchevêtré au système social. Pour redynamiser et développer le domaine économique, il apparaît absolument nécessaire de recourir à des mesures d'ordre social, culturel et environnemental, car les actions appliquées aux seuls facteurs de production ne concernent qu'un volet de la dynamique territoriale susceptible de générer et de porter le développement. La décentralisation qui accroît l'autonomie locale en matière de développement économique et social et stimule les initiatives des acteurs locaux en ces domaines, va de pair avec la dynamique territoriale actuelle et les stratégies de développement à promouvoir. La décentralisation représente une voie favorisant l’expression du pluralisme social et politique, devrait favoriser l’émergence de solutions constructives et devrait contribuer au développement des communautés locales. RÉFLEXION> PAR ALAIN CARON URBANISTE L’énoncé d’une vision stratégique : un exercice de rassemblement et d’indispensable cohésion d’une communauté lusieurs grandes villes nouvelles ont élaboré dernièrement une vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social dans le but d’assurer la solidarité, la cohérence et la convergence des actions ayant un impact majeur sur la gestion de l’ensemble de leur organisation. Nous pensons par exemple à Gatineau, Lévis, Montréal et Québec P La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme oblige les Communautés métropolitaines d’énoncer une vision stratégique alors que les MRC devront en élaborer une lors de la prochaine révision de leur schéma d’aménagement et de développement. La vision stratégique est une représentation imaginaire du futur souhaité, un idéal à atteindre, un scénario de rêve. Elle s’exprime par une description, une déclaration des aspirations profondes, des valeurs et des priorités d’une communauté. Elle est spécifique à un milieu. Elle reflète la combinaison des valeurs clés de toutes les forces vives de la communauté. Pour être crédible, la vision stratégique doit reposer sur une évaluation honnête et critique de la situation et sur un bon repérage des défis des années à venir. Elle propose un cadre d’intervention cohérent et convergent, dans la mise en œuvre d’une ambition commune, et est flexible. En tant que représentation d’un projet idéal et souhaité par la communauté, la vision stratégique peut être une occasion de remises en cause et de changements organisationnels importants. En réalité, une vision stratégique claire et partagée est le point de départ pour donner sens et cohérence aux décisions et aux actions qui en découlent. Les MRC, les Communautés métropolitaines de Montréal et de Québec et les municipalités jouent un rôle décisif en ce qui concerne la mobilisation et la consultation des citoyens et la détermination des actions à privilégier, notamment dans le champ du développement social ALAIN CARON et du développement durable. La réflexion entourant l’élaboration de la vision stratégique est une occasion idéale pour provoquer cette consultation et favoriser une concertation sur une base multisectorielle, en invitant toutes les parties prenantes à trouver réponse à une question fondamentale : dans quelle communauté voulons-nous vivre dans dix, quinze ou vingt ans? Ces forces vives se trouvent dans les divers secteurs de la communauté : santé et services sociaux, développement communautaire, économie sociale, etc. Ce sont des jeunes, des femmes, des aînés ou des personnes issues de communautés culturelles. Le processus de mobilisation compte autant que le résultat. L’élaboration d’une vision stratégique demande du temps ; le temps de comprendre les valeurs de la communauté, toutes les valeurs. Une vision stratégique partagée est porteuse d’un sentiment d’appartenance fort et d’une cohésion sociale renforcée. La vision stratégique doit absolument déboucher sur des activités concrètes et transversales pour faire naître la convergence. De même, elle doit s’accompagner obligatoirement de projets qui vont stimuler les troupes. Toutefois, les stratégies d’action doivent aller au-delà des simples facteurs économiques et intégrer des facteurs environnementaux, sociaux et culturels. Par exemple, en matière de développement social, les stratégies retenues devraient permettre aux personnes de s'épanouir pleinement, de pouvoir participer à la vie sociale et de pouvoir disposer des droits sociaux inscrits dans les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés de la personne. La vision stratégique permet notamment d’établir une cohérence entre les outils de planification, les plans d’action et les politiques sectorielles, de simplifier la complexité générée par le grand nombre de processus existants, leur manque de liaison et de complémentarité ainsi que l’intervention trop cloisonnée des différents partenaires et enfin, de réduire les improvisations et décisions qui génèrent plus souvent qu’autrement cette complexité. À l’échelon régional, la vision stratégique devrait servir à assurer la cohérence des actions que soustendent l’adoption obligatoire d’un schéma d’aménagement et de développement, l’adoption d’un plan d’action pour le schéma et d’un plan d’action local pour l’économie et l’emploi ainsi que l’adoption facultative plans de développement du territoire. À l’échelon local, la vision stratégique devrait servir à assurer la cohérence des actions que soustendent l’adoption obligatoire d’un plan d’urbanisme, d’un programme triennal d’immobilisations, l’adoption d’un plan stratégique et, le cas échéant, d’autres politiques comme une politique familiale, une politique culturelle, etc. (Suite page 49) DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 47 RÉFLEXION> ANNE-MARIE SÉGUIN, PROFESSEURE-CHERCHEURE INRS URBANISATION, CULTURE ET SOCIÉTÉ Décentralisation et développement social : à propos de quelques écueils à éviter e terme de décentralisation réfère à un transfert de responsabilités d’un gouvernement central ou ses agences vers une instance de niveau inférieur. Il existe toutefois des degrés dans la décentralisation et de nombreux arrangements sont possibles. Dans certains cas, l’instance centrale voudra notamment conserver, partiellement du moins, le contrôle des normes qui encadrent les interventions, celui des ressources financières ou encore des ressources informationnelles ou professionnelles. Rien ne permet d’affirmer a priori que le modèle de décentralisation « pure » (la plus achevée) a plus ou moins de vertus que des modèles plus hybrides de partage des responsabilités. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que les modalités de décentralisation sont plurielles et qu’il faut s’interroger, dans les processus de décentralisation, sur les modalités qui sont les plus susceptibles d’éviter certains écueils. Il n’y a pas de recette « tout aller » en la matière. L La décentralisation jouit d’un préjugé favorable mais elle est loin de faire l’unanimité. Pour les uns, la décentralisation est synonyme d’une intervention étatique mieux ciblée, plus susceptible de répondre adéquatement aux besoins les plus pressants des populations locales. Elle permettrait de plus une allocation des ressources plus efficace et plus efficiente. Pour les autres, plus critiques, les systèmes fortement décentralisés n’ont pas démontré qu’ils sont capables d’assurer une certaine équité, de garantir la justice sociale entre les populations vivant sur différents territoires. Dans ce texte, nous tenterons de mettre en lumière certains écueils reliés à la décentralisation du point de vue plus particulièrement du développement social. Un premier danger est sans nul doute que la décentralisation aboutisse à une réduction globale des dépenses gouvernementales dans des domaines jusque-là financés par les gouvernements supérieurs. En effet, de nombreux observateurs du monde politique ont signalé que la décentralisation dans certains pays a servi de moyen pour l’État de se désengager de certains champs de la vie sociale et ainsi réduire ses dépenses. Le second écueil tient à la nature même de la décentralisation qui permet de mettre en place des mesures, des dispositifs et des interventions à géométrie variable d’un territoire à l’autre. Si elle constitue un élément globalement positif, cette géométrie variable n’en recèle pas moins certains dangers. Il faut s’interroger sur la place qu’aura le développement social dans les interventions que les municipalités ou les régions voudront réaliser à même leurs nouvelles ressources financières autonomes ? De plus, les populations plus marginales ou démunies, qui ont moins voix au chapitre, arriveront-elles à mobiliser suffisamment de ressources politiques au niveau local ou régional pour voir leurs besoins pris en compte 48 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 par l’instance décentralisée? Pour éviter cet écueil, des normes doivent être établies par l’instance supérieure tout en laissant une marge de manœuvre locale sur les modalités à mettre en place. Jusqu’où les priorités d’intervention et les niveaux d’effort financier concernant différents aspects du développement social, seront-ils laissés au bon vouloir des élus locaux ? Si l’on prend l’exemple du logement public (quoique très fortement financé par les paliers supérieurs de l’État) dans la région métropolitaine de Montréal, l’expérience passée nous a montré que certaines municipalités prennent leurs responsabilités alors que d’autres ne le font pas. Comment s’assurer que les besoins les plus pressants des populations locales soient pris en compte quel que soit leur lieu de résidence ? La réponse à cette question est loin d’être simple. Un autre écueil est celui de la stabilité et de la continuité des interventions. Il est généralement reconnu, dans le domaine du développement social, que le temps est un élément important. Pour porter fruit, les mesures et les interventions doivent s’inscrire dans la durée. Or, si les changements dans les équipes d’élus ouvrent la voie à des changements fréquents dans les types d’interventions et les niveaux d’efforts fournis, ne risque-t-on pas de rendre vaines les mesures mises en place ? L’inertie des structures et des interventions des gouvernements supérieurs devient sous ce jour une qualité. En laissant l’instance centrale conserver un certain contrôle, on peut éviter une instabilité trop grande des interventions. Même si les municipalités ont toujours joué un rôle dans la promotion d’une bonne qualité de vie et du bien-être de leur population, leurs principaux champs d’intervention ne relèvent pas du développement social. Si elles disposent d’une grande marge de manœuvre en cette matière, c’est-à-dire si elles doivent développer leur propre stratégie et dispositif d’intervention, les administrations locales devront se doter de ressources professionnelles compétentes. Est-ce réaliste et efficient ? Ne devrait-on pas plutôt compter sur l’appui d’un personnel compétent et spécialisé relevant de l’instance supérieure plutôt que de multiplier les compétences au sein de chaque territoire ? Enfin, un autre écueil est de notre point de vue central. Il s’agit des modalités de financement des interventions locales. Jusqu’où doit aller l’autonomie financière ? La principale critique formulée à l’endroit de la décentralisation est qu’elle conduit à des niveaux de ressources différenciés et que ces niveaux ne correspondent que très rarement aux niveaux des besoins. On sait que les zones riches tendent généralement à générer des niveaux de recettes fiscales plus élevés alors qu’en matière de développement social, ces zones présentent des niveaux de besoins plus (Suite de la page 47) faibles. Les opposants rappellent qu’en contexte de décentralisation, ce sont les zones riches qui gagnent au profit des territoires plus pauvres. Les régimes décentralisés sont peu susceptibles d’assurer une redistribution de la richesse sociale des territoires riches vers les territoires pauvres alors que les besoins sont nettement plus grands dans les seconds. Cette situation est de plus dynamique : les régions plus riches au départ auront tendance a attiré les populations les plus nanties car elles pourront offrir de meilleurs services et en plus grand éventail, ou encore elles pourront utiliser les ressources fiscales dégagées par un faible niveau de besoins à d’autres fins que le soutien aux démunis et/ou marginaux. La forte décentralisation des services et des équipements sociaux aux États-Unis est à l’origine de la très forte fragmentation sociale observée dans ce pays avec notamment des villes-centres concentrant des populations très pauvres et disposant de peu de ressources fiscales pour y répondre. Pour que la décentralisation ne conduise pas à une iniquité sociale encore plus grande, elle devra comprendre des mécanismes de redistribution entre les territoires. Aussi, une pleine autonomie financière est-elle à proscrire car elle déboucherait sur une augmentation des inégalités de ressources pour les ménages pauvres qui se retrouveraient dans les zones les plus pauvres en terme de ressources publiques (services, équipements, etc.). Parce qu’elle déborde les préoccupations des autorités de plusieurs secteurs d’activité et de leurs partenaires, la vision stratégique devient un outil indispensable à la bonne gestion du territoire d’une communauté consciente des interrelations qui existent entre elle et nombre de secteurs d’activité qui influencent la qualité de vie, le développement, la prospérité et, en définitive, son destin. Enfin, il importe d’identifier un porteur de vision, et de mettre en place des mécanismes permettant d’évaluer le chemin parcouru et à parcourir. Une vision stratégique qui assure la solidarité, la cohérence et la convergence des actions d’une communauté devrait avoir un impact majeur sur la gestion de l’organisation dans son ensemble. Dans le mot POUVOIR il y a VOIR. Une vision globale donne du pouvoir1. 1 Inspiré d’une campagne publicitaire du Mouvement Desjardins du Québec. La décentralisation est donc un processus complexe qui malgré les qualités qu’on lui prête, n’est pas sans écueil. Aussi, il ne faut pas négliger d’envisager d’autres options. Il existe, dans le domaine social, une autre voie, celle du développement de stratégies intégrées et « multi-niveaux », c’est-à-dire le déploiement sur le terrain d’actions et de mesures concertées entre les différents niveaux de l’État (ministères, agences ou organismes régionaux et municipalités) et où les différents acteurs sectoriels (différents ministères et leurs agences déconcentrées, municipalités et organismes régionaux) agissent ensemble avec un effort financier important de l’instance supérieure. Cette option mérite sûrement d’être explorée car elle concilie la proximité des acteurs locaux plus susceptibles de répondre aux besoins spécifiques des habitants de leur territoire et celle de la capacité financière et de redistribution de la richesse sociale du gouvernement supérieur. Si l’on poursuit un objectif de développement social pour l’ensemble des populations qui résident sur le territoire du Québec, on ne peut que conclure que la prudence est de mise en ce qui concerne tout scénario de décentralisation. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 49 DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL La mesure du développement social en matière de développement des communautés : Quelques facettes d’une démarche en devenir… Constatant, dans le cadre d’une étude sur les besoins de soutien au développement des communautés, un réel besoin de connaître les communautés locales et leur potentiel de développement, la Direction générale de la santé publique (DGSP) du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) sollicitait le 31 mars 2005 la Direction de la santé publique de la Mauricie et du Centre-du-Québec (DSP-MCDQ) afin : 1) de faire le point sur le contenu déjà disponible en matière d’indicateurs de développement des communautés; 2) de favoriser le choix et l’utilisation d’indicateurs qui permettent de mieux connaître les caractéristiques et la progression des communautés et 3) de comprendre les impératifs locaux et régionaux qui influencent de développement des communautés locales. En réponse à cette demande, la DSP-MCDQ proposait au MSSS en juillet 2005 un plan d’action dont nous vous donnons les grandes lignes dans le texte ci-contre sur l’énoncé de projet. Mais avant tout, nous avons laissé à André Dontigny, directeur de la santé publique de l’Agence de santé et de services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, mandataire de la démarche, le soin de donner le coup d’envoi de cette démarche. Et puis, nous avons interviewé les deux personnes qui nous sont apparues, chacun dans leur domaine, comme ayant réalisé, en matière d’indicateurs apparentés au développement social, ce qu’il y a de plus avancé au Québec. Puisse le plaisir que nous avons eu à échanger avec eux se traduire dans la retranscription de leur propos ! Enfin, question de donner un aperçu de l’état des lieux en matière de mesure du développement social, quoi de mieux que de consacrer la chronique On a lu pour vous à un ouvrage de référence incontournable, soit le rapport de recherche que Paul Bernard et ses collaborateurs ont consacré à la question de la mesure du développement social en 2002. Bonne lecture ! Le coup d’envoi d’un projet collectif national ! a direction de la santé publique de la Mauricie et du Centre-du-Québec, à l’instar des autres directions de santé publique du Québec, est largement impliquée depuis une dizaine d’années maintenant en développement social. Cette implication a pris plusieurs formes. Elle s’est d’abord matérialisée au plan des orientations et des priorités d’intervention de l’Agence de santé de la Mauricie et du Centre-du-Québec en matière de réduction des inégalités de santé et de bien-être. Et elle s’est concrétisée plus que jamais à l’intérieur du Plan régional de santé publique dont les valeurs et les principes passent par le bien commun des groupes, des communautés et des collectivités ainsi que par la protection des individus et des groupes les plus vulnérables. Enfin, l’implication de la santé publique en développement social a L PAR ANDRÉ DONTIGNY DIRECTEUR DE SANTÉ PUBLIQUE AGENCE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE LA MAURICIE ET DU CENTRE-DU-QUÉBEC pris la forme d’ententes spécifiques reconduites récemment ou en voie de l’être auprès de ses partenaires sectoriels, ententes qui ont donné naissance à un Consortium en développement social pour la Mauricie et à un Comité régional de développement social pour le Centre-duQuébec. C’est dans ce contexte qu’il nous a été donné d’accepter un mandat du MSSS pour sélectionner des indicateurs illustrant les tendances à plus ou moins long terme associées au développement des communautés et pour élaborer une instrumentation permettant d’appliquer ces indicateurs au terrain. Ce projet arrive à point nommé. Dans la continuité des efforts accomplis jusqu’ici, il importe de développer des indicateurs nous permettant de mieux ANDRÉ DONTIGNY 50 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 connaître le potentiel de développement des milieux de vie, de mieux cerner par exemple le capital social, les cohésion d’ensemble et les dynamiques des collectivités locales. PAR RÉAL BOISVERT ÉQUIPE DE RÉDACTION Développement social : des indicateurs au service des communautés RÉAL BOISVERT EST AGENT DE RECHERCHE À L’AGENCE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE LA MAURICIE ET DU CENTRE-DU-QUÉBEC ET MEMBRE DE L’ÉQUIPE DE RÉDACTION La réalisation de ce mandat a été confiée à Réal Boisvert, professionnel à notre Agence. Il ne m’en voudra pas de rappeler qu’il est bien placé pour le réaliser. Dans la foulée des travaux entrepris sur l’ensemble du Québec par Robert Pampalon et Guy Raymond, Réal a développé dans notre région, de concert avec les intervenants du milieu, une approche permettant de noter par exemple que, à défavorisation comparable, certaines communautés s’en tirent bien mieux que d’autres, ou, encore, à situation socio-économique également enviable, la population de certains milieux bien nantis présente des problèmes de santé ou de problèmes sociaux plus importants que ce à quoi on devrait s’attendre. Reste à comprendre pourquoi. D’où la pertinence du projet en cours. Un projet nécessaire, vu l’importance accrue que l’on doit accorder à l’efficacité de nos interventions en matière de réduction des inégalités de santé et de bien-être. Ce projet n’aura de sens qu’à la condition qu’il puisse compter sur une forte acceptabilité de la part de tous les acteurs concernés par le développement social. C’est pourquoi nous l’entreprenons avec des intentions de visibilité et de transparence qui faciliteront l’expression de points de vue, de propositions, de critiques et de commentaires divers; des intentions qui entraîneront, nous le souhaitons vivement, un mouvement de collaboration dans toutes les régions du Québec. C’est à cette condition, et à cette condition seulement, que nous pourrons relever le défi de mieux développer nos collectivités locales et d’assurer aux gens qui y vivent tous les moyens leur permettant d’optimaliser leur potentiel et de réaliser leurs espérances les plus élevées. Un monde en effervescence ette revue en est le témoin éloquent : on ne compte plus le nombre de projets d’intervention qui visent actuellement au Québec d’une façon ou d’une autre à lutter contre la pauvreté et l’exclusion, à favoriser la prise en charge des personnes et à encourager la participation citoyenne. Avec une égale volonté d’assurer le mieux-être de la population, des milliers d’acteurs de toutes les régions s’activent dans le domaine du transport collectif, de la sécurité alimentaire, de la revitalisation de quartier, de l’éducation populaire, du décrochage scolaire, de l’économie sociale, de l’alphabétisation ou du logement social. C Non pas en marge mais en phase avec ce vaste mouvement, on note la présence de préoccupations constantes au regard de la connaissance, de la recherche et de l’évaluation. En témoignent, entr’autres, du côté universitaire, les travaux de Paul Bernard et de Michel Bernier sur les indicateurs de développement social, ceux de Maurice Lévesque et de Deena White sur les grands concepts qui lui sont associés ainsi que les études de Louis Favreau et de Denis Bourque sur le développement des collectivités. Des lieux de recherche et de réflexion foisonnent, dont le Centre Léa-Roback ou le Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé de l’Université de Montréal par exemple. Et puis, au rang des efforts déployés par le réseau de la santé, comment ne pas mentionner ici le stock inouï de données pertinentes produites par différentes instances comme l’Institut national de la santé publique, l’Observatoire montréalais des inégalités sociales et de santé et l’ensemble des directions régionales de santé publique. Enfin, parlant de connaissances toujours, de recherche et d’évaluation, ce serait faire injure à la réalité de ne pas évoquer ici tout ce qui se fait au plan local par les promoteurs, les responsables et les animateurs de projet eux-mêmes, que ce soit par le biais de l’observation directe, par celui d’enquêtes terrain, par l’élaboration d’indicateurs de suivi ou par la tenue de groupe de discussion. Voilà autant d’activités générant une expertise enviable et une information variée en matière de développement des communautés. Un monde qui bouge et qui évolue… Le panorama est large. Et, sans que personne en particulier n’en ait décidé de la manière alors que tout le monde en ait compris la nécessité, le développement social fait son petit bonhomme de chemin. À telle enseigne qu’il a atteint aujourd’hui un niveau de maturité que le Québec ne saurait envier à aucun pays. Reste cependant que, dans le tourbillon de l’action, dans la nébuleuse aussi de tout ce qui s’accomplit sur tous les fronts, d’aucuns –et ils sont nombreux si on se fie à une consultation menée dernièrement le MSSS auprès de certaines régions du Québec- conviennent qu’est venu le temps de mieux prendre la mesure du développement social en matière de développement des communautés. Le défi de la mesure… Malgré le fait que les meilleures intentions du monde puissent nous animer, insistons toutefois, en passant, sur un détail pour le moins non négligeable. L’idée de mieux prendre la mesure des DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 51 DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL choses n’est pas simple. Il s’agit d’une entreprise complexe certes, mais il y a plus. Une saine résistance anime sur ce point bien des gens de terrain, de nombreux praticiens, ceux-là qui luttent au jour le jour contre la pauvreté et l’exclusion. Eux, qui ne comptent pas les heures, se méfient souvent avec raison des invitations répétées destinées à évaluer leur pratique, a fortiori de celles qui s’inscrivent dans la foulée de ce que l’on désigne comme étant la reddition de compte. En plus de lutter jalousement pour protéger leur autonomie, ils savent au demeurant que le développement social n’est pas une affaire de calcul. Pour employer une image, la mesure du développement social, entendue au sens comptable de la chose, fait penser à la métrique qui s’attarde à vérifier le compte de pieds d’un alexandrin. Elle nous enseigne bien peu sur la valeur du poème. La mesure en question… L’heure est donc venue de mettre à l’agenda des préoccupations publiques la question de la mesure du développement social et du développement des communautés. Le Québec est mûr pour se doter, comme le dit Paul Bernard, d’instruments adéquats pour mesurer son développement social. Mais il n’y a pas que ces derniers qui pourraient trouver à redire. Certains éprouvent parfois un scepticisme de bon aloi au regard de l’évaluation du développement social. Habitués à fréquenter l’ordre de la complexité et de l’insaisissable, ce n’est pas sans réserves qu’ils prendront acte des intentions de qui veut additionner ce qui ne s’additionne pas ou de qui veut prévoir, grâce à un savant modèle mathématique, l’imprévisible. Et ce n’est pas tout. Sans forcer la note, il en est, mais ces gens forment une très petite minorité il est vrai, qui prétendent avec un air entendu que le développement social c’est du mou, qu’il n’y a rien de précis et de rigoureux à tirer de là… Une démarche consistant à identifier des indicateurs relatifs au développement des communautés doit s’inspirer des grands principes de fonctionnement du développement social. Plus particulièrement, elle passe par l’incontournable nécessité de s’appuyer sur la participation des acteurs concernés. Et la participation des acteurs concernés quant à elle ne se décrète pas d’autorité. Elle est obtenue à la condition que les gens aient leur mot à dire, qu’ils soient consultés, qu’ils puissent débattre de certaines questions, poser et soupeser certains enjeux, valider et avoir la possibilité de choisir les propositions les plus appropriées au regard de la connaissance des caractéristiques de leur communauté. Et puis surtout, l’abc du développement social nous enseigne que si les gens du milieu ont les compétences voulues pour contribuer au développement de leur communauté, ils ont la même compétence pour contribuer au développement des indicateurs de développement de leur communauté. C’est donc à la condition de s’inscrire à part entière dans une telle démarche que le Québec tout entier pourra compter sur une réseau dynamique de personnes qui se sont appropriées les instruments ou les dispositifs nécessaires à la connaissance des retombées de ce qu’ils font et à l’amélioration de ce qu’ils veulent faire. Oui, développer des indicateurs de développement social, c’est une autre façon de faire du développement social… Ceci étant dit, le défi de mieux prendre la mesure du développement social est néanmoins plus que jamais nécessaire. Certes, depuis le Forum sur le développement social en 1998, on observe de toute évidence une progression continue au plan de l’intervention et au chapitre de l’avancement des connaissances. Mais en dépit de cela, on ne saurait dire cependant avec une relative exactitude quelle influence réelle le développement social exerce sur les réduction des inégalités; on a du mal à savoir pourquoi, à pauvreté égale, certaines communautés s’en tirent mieux que d’autres; on connaît mal aussi sur l’ensemble du territoire du Québec l’état du capital social des communautés, la vigueur des réseaux d’entraide, la force des cohésions d’ensemble; on constate au surplus une méconnaissance relative de la contribution des organismes communautaires au développement des milieux de vie et des communautés. Malgré le fait qu’il y ait une multiplicité d’indicateurs de toutes sortes associés directement ou non au développement social, il n’est pas facile enfin de comparer l’état d’avancement des communautés en ce qui a trait aux efforts qui leur sont consentis en matière de développement social. Dernière entrave : il importe d’écarter une fois pour toute cette idée farfelue que le Québec se dote d’un indicateur synthétique unique, universel et passe-partout en matière de développement des communautés. Une telle baguette magique apte à tout embrasser d’un seul regard est tout simplement susceptible aussi de ne rien dire en même temps. Mais de quelle façon y arriver ? Une seule à notre avis. On ne saurait procéder à la mesure élargie et relativement standardisée du développement social en matière de développement des communautés pour l’ensemble du territoire québécois autrement que l’on procède pour faire du développement social en soi. Explications. Quelques éléments d’un plan d’action évolutif et participatif… La délimitation des communautés Pour y arriver, premier élément à prendre en compte, la notion de communauté comme telle. Il y a en de toutes sortes bien sûr. Laissons de côté pour le moment celles ce que l’on désigne comme étant des communautés d’intérêt, des communautés associatives, voire des communautés de goûts ou de sentiments. Intéressons-nous plutôt aux communautés au sens d’ancrage des collectivités humaines, ce que Louis Favreau et Denis Bourque désignent sous l’appellation de territoires vécus. Ces communautés auxquelles chacun de nous appartient, car même les itinérants, soit dit en passant, n’empruntent pas n’importe lequel parcours, ne voisinent pas tous les lieux. Eh bien ces communautés-là, qui sont le mieux placés pour les circonscrire et pour les qualifier sinon ceux et celles qui les habitent ? Plus particulièrement, ce sont les résidents des villes qui sont les plus aptes à dire où commence tel quartier et où finit tel autre, qui appartient à telle paroisse et qui appartient à telle autre. Ce sont les gens du milieu rural au premier chef qui peuvent affirmer jusqu’où va le village et où commence la ville. Les territoires étant délimités par les personnes qui l’habitent, reste à inscrire en leur sein un certain nombre de données utiles à la connaissance et la compréhension de leur développement. 52 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Les déterminants économiques et leurs conséquences socio-sanitaires À ce chapitre, dans un premier temps, ce ne sont pas les références savantes qui manquent pour proposer tel ou tel indicateur nous permettant de préciser la nature des communautés, d’en donner les couleurs propres au plan des grands facteurs structurants ou facteurs socioéconomiques. Dans un second moment, il appartient à nos moyens –et encore là ce n’est pas l’expertise qu Québec qui fait défaut sur ce plan- de documenter les conséquences induites par ces grands facteurs déterminants, cela au regard maintenant de la santé et des problèmes sociaux principalement. En effet, suivant l’avancement de nos savoirs, on peut très bien dans l’état actuel des choses documenter l’état de santé d’une communauté et mettre, comme on dit, cet état de santé en lien avec ses facteurs déterminants. Le potentiel de développement des communautés Et puis, il y a enfin les petites variables confondantes, ce bruit sur la ligne de nos analyses causales, c’est-à-dire les informations qui ne se retrouvent pas encore à grande échelle dans nos grands fichiers populationnels. C’est-à-dire encore, ces dimensions de la vie collective qui sont déterminées par les grands facteurs sociaux et qui agissent en retour sur eux, qui tempèrent ou accentuent leurs conséquences sur notre mieux-être. On pense ici à ces indicateurs imparfaits mais néanmoins prometteurs de l’appréciation du potentiel de développement des communautés que sont le capital social, la participation citoyenne, le sentiment d’appartenance. Qui est le mieux placé pour décliner ces indicateurs sinon la réunion des universitaires et des acteurs du milieu, cela dans une logique de co-production ? La typologie des communautés Résultat de l’interaction dynamique entre des facteurs socio-économiques et de leurs conséquences d’une part, et, d’autre part, entre le potentiel de développement des communautés et les facteurs socio-économiques et leurs conséquences eux-mêmes ? Une typologie des communautés permettant de mettre en œuvre des profils d’intervention ajustés à leurs besoins respectifs. Une typologie capable de distinguer par exemple, les communautés problématiques des communautés vulnérables; une typologie en mesure de repérer des communautés dites résilientes ou des communautés où des problèmes sont en émergence. Question, entr’autres, de bien prendre en compte le fait qu’à pauvreté égale, certains milieux s’en tirent beaucoup mieux que d’autres ou, encore, que parmi les communautés plus riches certaines ne sont pas à l’abri de l’infortune. La mise en œuvre et l’aboutissement de la démarche Et ce n’est pas fini. Comment maintenant déployer un tel projet sur la mesure du développement des communautés dans une perspective de développement social ? Grâce à la participation de ceux et celles qui sont résolus à passer à l’action. Une fois élaboré un cahier des modalités opérationnelles d’un tel chantier, il s’agit ici d’expérimenter une telle approche dans deux, trois ou quatre régions du Québec, cela afin de tester les méthodes, de repousser au maximum les obstacles rencontrées lors de leur mise en application, d’apprécier la faisabilité et les capacité de généralisation de la démarche. Dernière étape, un rendez-vous national. À partir de la phase expérimentale d’où émergeraient une armature théorique, des indicateurs différenciés et une expérience concluante de mise en œuvre, il s’agirait de convier l’ensemble des régions du Québec, soit tous les acteurs concernés, qui du milieu universitaire, qui des milieux institutionnels, décideurs, gestionnaires, politiques, intervenants de milieu et citoyens afin de débattre de la question de la mesure du développement social en matière de développement des communautés. De débattre et de convenir de certains choix. Atterrissage… De l’utopie à la pratique… En traitant ainsi un sujet habituellement réservé à des spécialistes, mieux encore, en participant collectivement et démocratiquement à une démarche jusque-là considérée comme étant l’apanage de cercles restreints ou d’instances bureaucratiques, le Québec ferait figure d’innovateur à l’échelle mondiale. C’est fou ! C’est totalement utopique ! Mais, pour paraphraser Thomas Moore, l’utopie, ce n’est pas ce qui n’est pas réalisable, c’est ce qui n’est pas encore réalisé… Voilà, esquissés à grands traits, les éléments d’un projet qui vise à sélectionner et expérimenter des indicateurs de développement des communautés pour l’ensemble du Québec. Le plan d’action destiné à mettre en œuvre ce projet a déjà été accepté par le MSSS. Il sera sous peu présenté aux membres d’un comité aviseur national d’ici peu. D’ores et déjà les acteurs concernés par la mesure du développement des communautés auront été informés de ses grandes lignes. Cela afin que ceux et celles qui font avancer nos communautés en matière de développement social soient avertis de ce que l’on souhaite accomplir et qu’ils puissent dès maintenant préparer leur avis et leur critique sur les propositions que l’on entend leur faire avec eux. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 53 ENTREVUE> PAR RÉAL BOISVERT ÉQUIPE DE RÉDACTION Paul Bernard : de la recherche action quantitative aux politiques publiques intelligentes aul Bernard est professeur de sociologie à l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur les indicateurs sociaux, les inégalités sociales, le marché du travail, la pauvreté, les politiques sociales, les statistiques sociales et l’épistémologie. Il est l’auteur de plusieurs livres et articles et il a reçu en 2001 le prix de la Société canadienne de sociologie et d'anthropologie pour sa contribution exceptionnelle à l'avancement de la sociologie. P Il habite aussi le cinquième étage du Pavillon Lionel-Groulx de l’Université de Montréal. Son bureau, rempli de livres et de documents, fait penser à une ruche où chaque alvéole contiendrait une idée, un concept, une affiche, un schéma, une référence. Paul Bernard est réputé pour être un rigoureux méthodologue. Je le soupçonne d’être plutôt un alchimiste qui transforme la connaissance en nectar qu’il partage avec des collaborateurs, des collègues ou des amis, un immense réseau qui butine de capitale en capitale, qui va de groupe de recherche en centre d’étude, de comité consultatif en conseil d’administration et qui finit, invariablement, par aboutir dans les salles de classe où il enseigne encore la sociologie à des étudiants de premier cycle. Une citation orne le mur de son bureau. Votre manuscrit est à la fois bon et original. Mais la partie qui est bonne n’est pas originale et la partie originale n’est pas bonne. Je risque une première observation. RDS : Dans votre rapport de recherche sur les indicateurs de développement social, vous écrivez que le développement social est un ensemble de processus d’amélioration des conditions de vie et des potentiels individuels et collectifs. Voilà une définition qui est à la fois courte, efficace et accessible au commun 54 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 des mortels. Ce n’est pas toujours le cas, vous savez… P.B. : Oui. J’ajouterai que le développement social ne saurait exister en dehors de la mobilisation des personnes et des communautés. Les experts qui en rendent compte et qui sont partie prenante de cette mobilisation doivent être compris. Sinon, il n’y aucun dialogue possible. Et surtout il est important que les universitaires soient intelligibles dans une société qui ne peut se développer que par la connaissance. RDS : N’est-ce pas la même chose pour tout ce qui touche les questions de méthode ? PB : Tout à fait ! La méthodologie c’est ce qui nous permet d’éviter les pièges de la pensée spontanée, les chausse-trappes, les raisonnements circulaires. C’est ce qui nous permet de balayer l’obscurité qui est dans la boîte noire du sens commun. Par exemple, un type est au resto. Il attend sa blonde. Il est 12h15. Elle devait être là à midi. Il se dit : elle a eu un accident; ma montre est en avance; je me suis trompé de jour; de restaurant; elle ne m’aime plus… Eh bien que fait cet homme sinon que de s’adonner à l’analyse causale ? On fait la même chose, mais avec une approche scientifique plus systématique, lorsque l’on dit : « si le marché crée, reproduit ou amplifie les inégalités de santé, l’action communautaire peut les limiter ou les freiner. » Autre exemple : un indice synthétique, c’est tout simplement un outil permettant de décrire un phénomène en tenant compte des différents aspects qui le caractérisent. Mais il faut éviter d’ « aplatir » ces différents aspects, de les confondre en les additionnant simplement les uns aux autres. Il faut plutôt tenter de représenter leur dynamique, les processus qui les lient. Ainsi, on sait que la pauvreté est un déterminant très important de la santé, tout comme un faible niveau de connaissances, qui limite le succès des actions préventives et thérapeutiques. Et en retour, une santé détériorée peut entraver l’acquisition de connaissances aussi bien que l’occupation d’un emploi stable et avantageux. RDS : Poussons un peu plus loin. Le chercheur a pour mission de publier des résultats de la recherche. Il pourrait en rester là. Plusieurs le font. Mais vous, on vous voit sur le terrain. Vous aimez rencontrer des gens. PB : Un chercheur qui a des antennes sur le terrain a plus de chances qu’un autre de faire des découvertes. C’est là que j’ai compris à quel point le dialogue entre les méthodes dites quantitatives et les méthodes qualitatives était nécessaire, à quel point les deux approches étaient parfaitement complémentaires. Mieux encore, c’est là que j’ai compris que la recherche action pouvait, contrairement à ce que l’on conçoit très souvent, être aussi quantitative. Prenons le cas de la dynamique des milieux de vie. On peut la mesurer grâce à des indicateurs comme le pourcentage de participation électorale, le nombre d’organismes communautaires, le nombre de citoyens qui s’adonnent à la lecture quotidienne des journaux, et ainsi de suite. Mais les indicateurs n’expliquent pas tout. Pourquoi les gens votent-ils davantage là qu’ailleurs ? Pourquoi ça bouge à tel endroit et moins à tel autre ? Pour bien comprendre le développement social, il faut procéder avec toute la panoplie des méthodes dont on a besoin. Premièrement, on ne va pas comme ça à tout vent en espérant trouver quelque chose. Il faut ainsi cadrer conceptuellement son objet de recherche. C’est à cette condition que l’on peut produire des données crédibles car elles sont obtenues grâce à des règles vérifiables. Ensuite il importe de confronter ces données DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL à des personnes concernées par elles, à même d’en saisir la portée, d’en interroger le sens à la lumière de l’expérience vécue, d’être capables surtout de se les approprier pour mieux composer avec les contraintes de ce qu’ils sont et les occasions qui s’offrent à eux dans ce qu’ils sont en train de devenir… RDS : J’ai l’impression que vous venez d’évoquer ici une notion qui vous est chère… parlez-nous de la notion de « parcours de vie » qui se retrouve actuellement au cœur de vos réflexions et dites-nous en quoi elle est reliée à la question du développement social… PB : La notion de parcours de vie nous enseigne d’abord que la vie se déroule dans le temps. Ensuite, elle nous apprend que toutes ses facettes interagissent les unes et les autres. Dans la vie, chacun construit et reconstruit son avenir en fonction de son passé, à partir des contraintes et des occasions qui se présentent à lui, cela dans un contexte local et national singulier. Laissez-moi vous raconter une anecdote. Je partais à l’étranger. Je ne me souviens plus où, mais ce devait être pour un séjour assez long puisque le chauffeur de taxi, en empoignant l’une de mes valises, semblait la trouver particulièrement lourde. « Hé, ne forcez pas comme ça, lui ai-je dit, elles ont des roulettes vous savez… » Rien n’y fit. Il les prit à bout de bras et, en les déposant dans la voiture, ne put réfréner un ouch ! bien senti comme s’il venait d’aggraver une blessure à la hanche. En route vers l’aéroport, il me confia en effet qu’une vilaine chute sur un trottoir non déneigé l’avait obligé à subir une intervention chirurgicale majeure. En pleine convalescence, au repos forcé et sans revenu, il entreprit néanmoins de se rendre (pas facile d’aller à l’autre bout de la ville dans les circonstances) dans les bureaux de l’aide sociale afin d’obtenir une aide financière pour survivre. Il demanda une modeste somme de 1 800 $, question de payer trois mois de loyer. Impossible lui a-t-on fait valoir, car il possédait un permis de taxi d’une valeur de 180 000 $. Pas question de vendre son permis bien sûr. À quoi ça rimerait ? On lui suggéra de louer sa voiture. Impossible : la transmission allait lâcher si quelqu’un d’autre que lui la conduisait. Que faire ? Sans aide sa situation s’aggravera. Non seulement risque-t-il de perdre son permis, mais l’insécurité aidant, il sera probablement l’objet d’une certaine détresse psychologique. Sa famille en subira alors les conséquences. Son épouse a déjà une santé précaire. Ainsi de suite… On imagine la spirale descendante. Ce parcours de vie nous démontre comment la nature du régime providentiel dans lequel on vit peut faire la différence. Aux États-Unis, pays de haute activation économique (notion désignant l’incitation à joindre le marché du travail) et de faible investissement social, le chauffeur de taxi n’aurait d’autre choix que de se débrouiller tout seul, sauf en tout dernier recours. Et les bénéficiaires d’une telle aide se voient maintenant menacés de coupure de vivres après deux ans de prestation. Ils sont poussés dans les bras de la criminalité pour manger. Les sommes ainsi épargnées à l’aide sociale sont en quelque sorte transférées au système judiciaire et à l’appareil carcéral. De l’autre côté de l’Atlantique, dans certains pays d’Europe qui se caractérisent par une faible activation et de généreux programmes sociaux, le même chauffeur de taxi pourrait compter sur une aide pécuniaire de l’État sans que l’on ne prévoie nécessairement de mesures de soutien facilitant son retour au travail. Ces pays, comme la France, l’Italie ou même l’Allemagne, peinent actuellement à entretenir leur dispositif de protection sociale. Dans les pays nordiques, pays de haute activation et de forts investissements sociaux, il obtiendrait, pour dire vite, un soutien de l’État à la fois pour la durée de sa convalescence et pour faciliter la reprise de son boulot. Mais déjà avant son accident, il aura profité d’un ensemble incomparable d’avantages multiples au plan de la litéracie, des habitudes et des conditions de vie. Si, comme on l’a dit plus haut, le développement social est un ensemble de processus d’amélioration des conditions de vie et des potentiels individuels et collectifs, je crois que les règles administratives de l’aide à l’emploi doivent bien sûr être les plus souples possibles, mais aussi que les différents ministères de l’État (éducation, santé, culture, travail, etc.) doivent avoir pour mission de donner à chaque individu les moyens de s’accomplir au plan humain, d’avoir un travail enrichissant, de fonder une famille, de réaliser ses rêves et d’avoir la capacité de surmonter les épreuves de la vie. C’est par exemple, tout le sens de la stratégie de lutte à la pauvreté qui était proposée dans la Loi 112, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 2002. Au fait, devant l’intransigeance de l’appareil administratif, notre chauffeur de taxi a pu compter sur la clémence de son propriétaire qui, comme par hasard, était un propriétaire résident à même de constater à quel point il était vaillant, honnête, etc. RDS : Parcours de vie, régime providentiel, développement social… et la mondialisation dans tout ça ? Que peut-on faire devant les fermetures des usines qui dans le domaine du textile par exemple se multiplient au Québec actuellement ? PB : Je dirais : y penser d’avance… L’activité manufacturière de la planète est désormais fortement installée en Chine. Il n’est pas judicieux de continuer à entrer en compétition avec les Chinois pour la fabrication des vêtements en série ou des textiles. La notion de parcours de vie s’appuie sur la durée et le contexte. Or les gens qui perdent leur emploi aujourd’hui dans les industries manufacturières ne sont pas fortement qualifiés. Beaucoup d’entre eux n’ont pas été mis en contact avec des symboles abstraits depuis des années. Soit dit en passant, les gens analphabètes, pour la plupart, le sont non pas parce qu’ils n’ont pas appris à lire, mais parce qu’ils ne le savent plus, ayant perdu l’habitude de la lecture ou ne l’ayant jamais pratiquée, en particulier au travail. Donc, la notion de parcours de vie nous dit que pour plusieurs travailleurs mis à pied aujourd’hui il est probablement trop tard. Si on avait maintenu pour eux tout au long de leur vie leur capacité intellectuelle (et physique aussi), on les remettrait plus facilement en piste. La notion de parcours de vie c’est une perspective de développement de politiques publiques. (Suite page 56) PAUL BERBNARD DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 55 (Suite de la page 55) RDS : Mais, suivant la typologie des régimes providentiels dont vous venez de parler, les politiques publiques ne peuvent pas à elles seules porter tout le développement social. Elles soutiennent les individus mais ne participent pas à leur place à la vie collective. Elles contribuent à produire la richesse mais ne la créent pas… PB : Vous avez raison. Les politique publiques ne sont que l’une des composantes de l’inclusion sociale qui comprend, outre l’inclusion politique représentée par l’État, l’inclusion économique, représentée par le marché, et l’inclusion communautaire, représentée par la société civile. C’est une question d’équilibre et d’influences réciproques. Le marché laissé à lui-même génère des inégalités et confine à l’exclusion plusieurs catégories de citoyens. Un État omniprésent peut conduire à l’autoritarisme, ou du moins à une bureaucratisation. Une société civile sans régulation politique ou économique cherche sa voie. Le développement social vise à produire une intégration optimale de ces composantes en fixant à chacun d’elles des fonctions rétributives et contributives : le marché offre le travail et donne en retour des revenus, de même que des biens et services; l’État protège les droits et compte sur la participation fiscale et politique des individus; la société civile s’alimente à partir de l’engagement de ses membres et leur prodigue en retour un sentiment d’appartenance. Voilà une représentation conceptuelle qui permet de comprendre comment et les individus et les collectivités j’insiste sur les deux- peuvent développer au mieux leur potentiel. la nécessité d’avoir des données longitudinales et intégrées pour analyser à fond l’ensemble des processus d’amélioration des potentiels et des conditions de vie des individus. Je comprends à la lumière de cet échange que cet énoncé est plus d’actualité que jamais... PB : Oui, et excusez si je prêche pour ma paroisse, mais la connaissance est nécessaire à l’élaboration de politiques publiques efficaces et intégrées (pensez au chauffeur de taxi), orientées vers le moyen et le long terme (pensez à nos travailleuses du textile) et contribuant à assurer qu’au Québec, développement social et développement économique se conjuguent avec intelligence. RDS : Merci Paul Bernard pour cet échange ! RDS : En terminant, je relevais, dans la conclusion de votre rapport sur les indicateurs de développement social, que vous insistiez sur Maurice Lévesque : de l’importance de définir les concepts avant de proposer les indicateurs… PAR RÉAL BOISVERT ÉQUIPE DE RÉDACTION aurice Lévesque a fait ses premières armes en recherche dans les Départements de santé communautaire. En tant que chercheur autonome il a ensuite collaboré avec certaines instances syndicales, notamment sur la question de l’équité salariale. Puis ses travaux l’on conduit à s’intéresser au concept de développement social dont il a proposé, en collaboration avec Bruno Jean et Deena White, le point de vue des acteurs. Sa thèse de doctorat, portant sur le capital social, s’est méritée deux prestigieux prix : soit la meilleure thèse de doctorat de l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) et le Prix pour la recherche sur les politiques au Canada décerné par le Projet de recherche sur les politiques (PRP). M Jusqu’à la dernière minute de l’heure précédant notre entrevue téléphonique, j’avais le nez plongé dans sa thèse. Un passage avait attiré mon attention. D’entrée de jeu je le lui rappelle… RDS : Vous avez écrit que des définitions trop souvent floues du capital social détournent l’attention de ce qui est le plus significatif dans la production des inégalités, soit l’accès différencié aux ressources 56 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 économiques et culturelles, les limites à la capacité des réseaux sociaux de contrebalancer l’absence d’opportunités et les déficits de toutes sortes, et l’accès différencié à l’exercice du pouvoir. Pouvez-vous donner des exemples ? M.L. : L’exemple des efforts que l’on a déployés dans les années ’80 en matière d’insertion sociale afin de lutter contre la pauvreté m’apparaît indiqué. On avançait alors, comme encore aujourd’hui il est vrai, que le fait de regrouper ensemble des personnes en situation de précarité aidait à briser leur isolement. Or si l’on poursuivait des objectifs fort louables, on accentuait ainsi leur marginalité parce que l’on faisait une mauvaise lecture de la notion d’insertion sociale. Loin de contribuer à créer des liens entre eux, les rencontres regroupant des gens déjà stigmatisés accentuent tout simplement leurs stigmates. Créer des liens ne revient pas à mettre du monde ensemble. Mieux encore : il n’y a pas nécessairement de plus DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL value à placer ensemble des gens qui sont dépourvus sur plusieurs plans. L’idée c’est plus tôt d’inscrire ces personnes dans une trajectoire de mixité, dans un réseau à valeur ajoutée, un bassin de contacts par exemple capables de donner le petit coup de pouce qui fait la différence. RDS : J’aimerais aborder la question des indicateurs du développement social. Comment procéder sur ce point quand vos travaux sur la cartographie de ce concept vous ont amené à constater qu’il a y une grande diversité de conceptions, autant presque de définitions du développement social qu’il y a d’acteurs concernés ? M.L. : Deux choses. La première c’est que, quel que soit la multiplicité des points de vue, il y a un tronc commun de perceptions qui permettent d’établir des consensus autour de mesures relativement traditionnelles. Cela étant, reste que la mesure du développement social pose un certain nombre de défis qu’il faut prendre en compte. Pour ce qui est des aspects plus traditionnels, les données sur les facteurs économiques comme le revenu, le travail, les données sur les facteurs politiques tels les services publics de même que les données sur des aspects de société comme la solidarité, la convivialité ou l’implication citoyenne apparaissent comme étant incontournables. En ce qui concerne, les défis de la mesure, le premier défi touche la détermination de l’échelle d’observation. Ce défi est relativement simple à surmonter. Le plus souvent les acteurs consultés souhaitent que l’on se réfère à des unités d’analyse comme le quartier en milieu urbain et la municipalité en milieu rural. Un autre défi touche la question des deux grandes conceptions principales du développement social. Selon la première conception, le développement social doit mener à l’amélioration des diverses situations dans lesquelles les individus et les collectivités vivent. Ici le problème n’est pas trop compliqué à résoudre. La mesure devrait s’intéresser en toute logique à l’atteinte des résultats en matière d’amélioration des conditions matérielles de vie par exemple. L’autre conception principale du développement social revoie à la capacité des individus et des collectivités à résoudre leurs problèmes et à l’augmentation de la capacité des citoyens dans leur milieu. Cette dernière conception est plus proche d’une dynamique que d’un résultat comme tel. Cela pose plusieurs problèmes pratiques. La difficulté entre le niveau individuel et le niveau collectif par exemple. Une communauté est-elle composée par l’agrégation des individus qui la composent ou forme-t-elle une entité en elle-même. Une communauté peut-elle agir comme un acteur social au même titre qu’un individu ou une organisation constituée ? Et puis, enfin, selon certaines conceptions du développement social il a la question de la mesure de réalités intrinsèquement subjectives comme le sentiment bonheur par exemple… qui soulèvent moins des interrogations en terme de mesure qu’en terme du contenu de la notion de développement social en tant que telle. Si le développement social est une responsabilité des sociétés, on peut s’interroger sur le fait que la « production » du bonheur individuel en soit une. RDS : Existe-t-il une telle chose que le capital social communautaire ? ML : C’est la première fois que j’entends cette expression ! Je vois bien sûr que vous désignez par là le stock des ressources collectives, services et organisations, disponibles dans une communauté donnée. En théorie ces ressources sont disponibles à l’ensemble des personnes de la collectivité. Leur existence se vérifie très bien quand on examine l’effet du temps sur une communauté. Par exemple, prenons les vieux quartiers de Montréal comme Pointe-Saint-Charles ou Hochelaga-Maisonneuve au début du siècle dernier. Entre la fermeture des grandes entreprises qui y prospéraient et le déclin des quartiers, il s’est écoulé un bon laps de temps. Une quinzaine d’années au bas mot, une sorte d’effet tampon soutenu à l’évidence par le capital social communautaire. Une mort lente néanmoins. Pour revitaliser ces communautés, en plus de la mobilisation des acteurs locaux, il faut aller chercher un apport extérieur significatif. Leur développement passe par l’atteinte d’un équilibre entre les deux. Mais je parle ici de quelque chose avec lequel je suis moins familier. Je connais mieux le concept de capital social en soi. RDS : Parlons donc du capital social comme tel. Quelles sont vos grandes observations sur ce sujet ? ML : Premièrement qu’il faut distinguer la chose de ses effets. Tout ce qui touche les conceptions relatives au sentiment de confiance, au sens de l’initiative que les gens ont dans telle ou telle communauté, tout cela s’apparente à une conception fonctionnaliste qui risque de conduire à des raisonnements circulaires. Un milieu quelconque a du capital social parce que les gens ont le sens de l’initiative et les gens ont de l’initiative parce qu’ils sont dotés de capital social. L’approche réticulaire m’apparaît plus rigoureuse. Sur ce point on observe deux constats : les réseaux peuvent être envisagés comme étant des processus ou une dynamique, d’une part, ou comme une réalité structurelle d’autre part. Sur le premier aspect, le concept de capital social implique que les réseaux sont faits de relations sociales qui peuvent être utiles et profitables, des ressources que l’on peut mobiliser ou non, qui peuvent même nuire à l’occasion. Sur le deuxième aspect, le capital social est envisagé au plan de sa densité, de sa centralité, des distances observées entre ses porteurs. Sur les deux aspects, soit l’aspect de la dynamique et l’aspect de la structure, le capital social est fait de réseaux d’interactions sociales passeurs d’informations diverses ou de contacts utiles. RDS : Donnez-nous, Maurice Lévesque, des exemples d’application de cette conception du capital social. ML : Je pourrais vous parler longuement de la dynamique de sortie de l’aide sociale. Le capital social est un facteur déterminant dans ce processus d’émancipation. C’est, notamment, grâce au fait qu’un individu est capable de le mobiliser qu’il peut s’en sortir. Cela en déployant des actions qui le conduisent à occuper un emploi et ainsi lui permettre de s’inscrire dans un parcours d’insertion qui, tout précaire soit-il, est cependant porteur de changement de statut. J’aimerais aussi insister ici sur l’importance du milieu scolaire qui, en plus de favoriser le développement des compétences professionnelles, est également un des lieux les plus significatifs pour l’apprentissage des habiletés sociales nécessaires à la création des liens sociaux. La capacité à développer et à maintenir des liens sociaux n’est pas donnée à la naissance, elle est fonction de multiples apprentissages dont les conditions de réussite ne sont pas accessibles également à l’ensemble des citoyens. (Suite page 60) DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 57 ONALUPOURVOUS> PAR RÉAL BOISVERT ÉQUIPE DE RÉDACTION Comment mesurer le développement social ? Rapport de l’équipe CQRS sur les indicateurs synthétiques Par Paul Bernard, Michel Bernier, Johanne Boisjoly et Jean-Michel Cousineau, Novembre 2002, 219 pages (sans les annexes) www.fqrsc.gouv.qc.ca/recherche/pdf/rapfinal_devsocial.pdf et ouvrage est davantage qu’un rapport de recherche. C’est également un essai sur la notion de développement social. Par exemple, avant de mesurer quoi que ce soit, les auteurs nous rappellent qu’il faut définir ce dont on parle. Mais pour ce faire, encore faut-il savoir ce qu’en disent ceux et celles qui ont réfléchi à la question, sans oublier de préciser dans quel contexte ils l’ont fait, ni de rappeler quels enjeux se présentaient à eux. Et ainsi de suite. De la toile de fond théorique jusqu’à l’élaboration de chantiers de travail en vue de la construction et de l’adoption des indices proposés, cela en passant par la détermination de l’objet d’étude, l’énoncé des exigences opératoires, l’adoption de règles de classements des indicateurs existants, la métrique et les zones d’influence des outils de mesure, ce rapport de recherche, d’une érudition remarquable, ne prétend pas seulement mesurer le développement social. Il nous incite à réfléchir sur ce qu’il est et ce sur quoi il en résulte, sur ce qui l’entrave et ce qui le favorise. Tout un programme ! C Les assises de la mesure De concert avec les travaux menés par le Conseil de la santé et du bien-être, Paul Bernard et ses collaborateurs rappellent d’abord que nous évoluons dans un monde où il importe plus que jamais de faire converger le développement social et le développement économique, 58 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 où la lutte contre la pauvreté est d’une actualité criante puisque la logique néo-libérale exerce désormais une influence partout sur la planète, où, encore, de ce fait, il importe de mettre en place des politiques adéquates pour répondre aux besoins de la population et où, enfin, la participation la participation des personnes et des communautés d’appartenance à ces politiques est incontournable. Dans ce monde, qu’en est-il, se demandent-ils, de la cohésion sociale, de l’inclusion sociale, des réseaux sociaux, de la vie associative, de la qualité de la vie et du capital social des communautés humaines ? Qu’en est-il, ici plus particulièrement, des impacts d’une croissance économique qui, de toute évidence, élargit les écarts de revenus et accentuent les clivages entre les groupes sociaux ? Pour répondre à ces questions, Paul Bernard et ses collaborateurs, se sont donné un plan de travail comportant cinq volets : 1) ils proposent, dans un premier temps, une définition du développement social; 2) à partir de cette définition, ils établissent ensuite quatre règles opératoires permettant de classer, d’évaluer et de construire des indices synthétiques de développement social; 3) mais, avant de construire ces indices comme tels, ils passent en revue les indices existants les plus apparentés au développement social au Québec et ailleurs dans le monde; 4) ils évaluent leur portée et leurs limites; 5) enfin, il suggèrent des indices synthétiques appropriés à la situation québécoise, certains des ces indices étant en cours de préparation, d’autres étant prêts à être utilisés et quelques-uns nécessitant encore des travaux significatifs avant d’être actualisés. Une définition simple, pertinente et valide Premier élément d’échafaudage, la définition. En plus de s’inspirer des travaux du CSBE évoqués plus haut, les auteurs prennent d’abord appui sur les recherches de Deena White et de Mauricie Lévesque menées auprès de nombreux acteurs du milieu québécois au début des années 2000. Au fait, Maurice Lévesque rappelait fort à propos récemment dans cette revue (vol 3, no3, juin 2002) que le développement social renvoie en gros à deux grandes représentations collectives. La première a trait à la capacité de notre société de faire une place aux revendications des droits sociaux de différents acteurs; la deuxième fait écho à la capacité des individus et des communautés de développer une compétence citoyenne leur permettant de résoudre leurs problèmes. Deux dimensions qui couvrent à la fois des aspects comme la démocratie, le potentiel des personnes et leur bien-être. Quant aux travaux du CSBE, les aspects retenus concernent le dévelop- pement global, la lutte contre la pauvreté, les politiques publiques et la participation citoyenne. Voilà pour le contenu. Pour la forme maintenant. La définition proposée, selon Paul Bernard et ses collaborateurs, doit répondre à des besoins heuristiques précis. Puisque le développement social fait appel à une grande diversité de phénomènes, il doit être capable de discriminer, dans tout le stock des indices qui lui sont plus ou moins apparentés, ce qui est pertinent de ce qui l’est moins. Il doit également permettre de classer ces indices au regard de leur perspective conceptuelle et de leur fondement méthodologique. Ce qui, en dernier lieu, offre la possibilité d’apprécier leur validité scientifique et leur pertinence politique. Alors : Le développement social est un ensemble de processus d’amélioration des conditions de vie et des potentiels individuels et collectifs. Un ensemble de processus… parce que le développement social, avant d’être un état, est un mouvement, mieux encore, un cheminement qui met en jeu des relations et des rapports sociaux qui touchent le travail, la santé, l’éducation, la justice. Ce sont les dynamiques sousjacentes à ces domaines de la vie sociale dont il faut rendre compte et qu’il faut représenter. DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL D’amélioration… au seul motif que le développement social n’est pas une démarche scientifique mais politique, ce qui signifie que les acteurs sociaux font face dans la mise en œuvre des processus de développement à des choix et que ces choix renvoient à des valeurs diverses elles-mêmes en interaction avec la liberté des individus. D’où cette fois l’importance de mesurer le développement social sous divers points de vue. Des conditions de vie et des potentiels… d’individus qui cherchent à s’accomplir dans un monde dont les composantes interdépendantes (économie, santé, démographie, écologie, participation civique) sont génératrices d’inégalités sociales qu’il faut réduire en s’inscrivant, quel que soit le régime politique, dans une logique démocratique. Une logique qui repose sur un équilibre respectant la liberté des individus, assurant leur égalité et encourageant leur solidarité. À cet effet, les indices de développement social doivent être sensibles à la question de l’accès aux ressources collectives, cela tant en fonction de la manière dont les régimes politiques permettent aux individus de combler leurs besoins, que de la façon dont ils leur donnent le pouvoir de construire leur vie librement. Des individus et des collectivités… en raison du fait que la trajectoire de chaque individu est faite d’un ensemble de contraintes et d’occasions qui mettent en jeu en même temps et la participation individuelle et un cadre de vie qui encourage ou brime l’accomplissement du potentiel de chacun. L’intelligence, par exemple, nous rappellent les auteurs, n’est pas l’affaire de quelques génies seulement. Elle est liée aussi à la capacité de toute une société de résoudre ses pro- blèmes. En ce sens, la compétence citoyenne est une dimension essentielle du développement social. Les indices de développement social doivent être capables de la qualifier, de la mesurer, de l’apprécier et de la comprendre… Les règles opératoires Comment classer, évaluer et construire les indices synthétiques nous permettant de prendre la mesure du développement social ? Les auteurs proposent à cette étape-ci quatre règles opératoires, deux s’intéressant à la forme, deux autres au contenu. En premier lieu, par définition, un indice synthétique comprend plusieurs indicateurs ou plusieurs variables, cela parce que le développement social fait référence à diverses composantes comme on l’a vu plus haut. Or un bon indice doit permettre d’isoler l’effet propre de chacune de ces composantes. Il ne suffit pas par exemple d’additionner les variables utilisées dans le calcul d’un indice quelconque. Encore faut-il représenter chacune d’entre elles selon son effet spécifique afin de bien contrôler ce que l’on mesure. Ensuite, il importe d’avoir une bonne vision de ce qui doit être mesuré. Ici Bernard et ses collaborateurs font référence à l’importance de bien définir les dimensions de la vie sociale qui sont analysées. Ces dimensions doivent avoir un sens au point de vue théorique. On ne doit pas non plus leur conférer une valeur arbitraire. Sinon, on ne peut pas savoir ce que l’on mesure ni non plus comment change avec le temps ce que l’on mesure (p.46). La troisième règle invite à renoncer à la tyrannie du nombre unique. Il faut plutôt mettre au point des indices qui mesurent le développement social en fonction de la définition qui lui a été donnée, c’està-dire 1) au plan de ce qui permet aux individus de développer pleinement leur potentiel, soit la santé, la litéracie et la sécurités économique; 2) au regard des expériences à partir desquelles s’expriment leur participation à la vie collective, soit le travail, la famille et la vie communautaire; 3) en ce qui a trait à la façon dont les ressources sociales sont rendues disponibles par le biais cette fois du marché, de l’État de la société civile, cela selon les trois principes en équilibre que sont la liberté, l’égalité et la solidarité. La dernière règle s’intéresse à la liberté des individus et à leur engagement dans leur collectivité d’appartenance. Cette règle stipule d’une part qu’il faut prendre en compte l’interdépendance des individus et des collectivités au sein des familles des quartiers et des milieux de vie. Elle sous-entend, d’autre part, que cette prise en compte doit faire une place à son tour au jugement des individus. Le classement des indices existants Plus d’une quarantaine d’indices existants ont été retenus par les chercheurs pour faire le portrait de ce qui existe en matière de mesure du développement social. Le choix qui a présidé à ces indicateurs s’appuie sur plusieurs critères. Certains indices ont été retenus parce qu’ils sont très connus. D’autres parce qu’ils s’imposent en raison de leur originalité ou de leur capacité de mesurer le développement social. Pour chacun d’eux, une fiche signalétique a été préparée. Elle donne de l’information sur les origines de l’indice, sur sa portée et ses limites, surtout au plan des règles opératoires évoquées plus haut. Un résumé schématique de cette recension permet de classer l’ensemble de ces indicateurs sous la forme d’un modèle qui situe les indices selon leur plus ou moins grande proximité à une logique économique ou à une perspective plus politique, liée à la personne, à ses choix, à ses valeurs. Près du premier pôle se retrouvent des indicateurs comme le PIB per capita, qui caractérise une société par sa capacité de produire des biens répondant aux besoins des individus. Dans l’autre pôle, on recense des indicateurs qui ont trait à la participation sociale par exemple. Sur un troisième plan, il y a la catégorie des indices composites donnant un aperçu de grands problèmes sociaux. Un indice comme le Social Development Index appartient à cette famille. Sur un autre plan, les indices résultant des analyses régionales et locales comme les indices démographiques et sociaux décrivent des réalités proches des individus. Une dernière catégorie d’indices réunit des indicateurs s’intéressant à la notion de qualité de vie, soit en ce qui a trait aux bénéfices qu’offrent les milieux de vie, du côté du pôle à logique économique, soit en ce qui concerne de l’implication des personnes dans leur communauté, du côté du pôle l’intervention du sujet. Panorama pour la construction d’indicateurs nouveaux ou améliorés Bien que plusieurs indicateurs analysés répondent aux critères de validité ou de pertinence retenus, il reste que plusieurs d’entre eux ne franchissent pas la rampe. Suivant donc la définition adoptée, partant des exigences relatives à la construction d’outils de mesure, la construction d’indicateurs synthétiques de développement social devrait se déployer dans un espace à deux dimensions, couvrant DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 59 DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL respectivement 1) le domaine d’intervention concerné et 2) les niveaux où s’exprime le développement social : individus, familles, régions ou quartiers, sociétés entières à diverses périodes. Ainsi, de bons indices de développement social devraient permettre de faire le décompte du nombre d’individus qui dans une société sont en bonne santé, sont capables de s’approprier les connaissances et bénéficient d’une sécurité économique adéquate. Ils devraient par ailleurs nous renseigner sur la résilience des familles en cas de coups durs, sur la précarité de l’emploi et la qualité du travail. Ils importe qu’ils nous renseignent ensuite sur les relations complexes qui unissent les questions relatives à la démographie, à l’économie et l’écologie tout en documentant la façon dont nos sociétés font leurs arbitrages en matière de valeurs et d’objectifs de développement social. Pour arriver à mesurer le développement social dans ces divers domaines et à ces divers niveaux, les indices synthétiques peuvent utiliser divers étalons : l’argent, le temps et l’espace, d’une part, et d’autre part, le jugement des individus (vision, valeurs, perception) et les jugements collectifs. Ces diverses mesures devraient permettre d’utiliser une démarche causale, qui essaie de cerner les processus par lesquels diverses cibles du développement social peuvent être atteintes. nécessité évidente. Celui de l’indice de défavorisation en regard de la litéracie en est un. Sans compter le chantier de l’indice de précarité de l’emploi et l’indice subjectif de la qualité de la vie familiale. Un mot seulement sur le premier chantier permettra ici d’avoir une idée des travaux entrepris (ou à entreprendre) dans les autres. Les chantiers de recherche Voilà. Ayant discriminé ce qui est bon de ce qui l’est moins dans le stock des indicateurs existants et sachant ce qu’il faut prendre en compte pour déployer de meilleurs indices, les auteurs proposent 14 chantiers de recherche. Chacun de ces chantiers comprend un programme en quatre parties : 1) présentation de l’objectif poursuivi par l’indice, 2) information sur sa méthode de construction, 3) rappel des travaux déjà entrepris sur le sujet et 4) proposition de pistes de recherche à prendre en compte pour mener à leur déploiement optimal. Ce premier chantier est réservé aux indices de défavorisation sociale et économique en regard de la santé. C’est un classique qui part des remarquables travaux de Robert Pampalon, consistant à jumeler, sur la base d’unités d’analyse relativement homogènes, des données relatives aux grands déterminants sociaux et économiques de la santé des individus. On comprend que ces travaux, tout aussi rigoureux soient-ils et bien qu’ayant été largement diffusés et utilisés par une pléiade d’acteurs, peuvent encore être peaufinés. Ainsi, la variable dépendante « santé » gagnerait à avoir une acception commune, plus universelle, ce qui faciliterait les comparaisons internationales; les variables indépendantes, quant à elles, mettent l’accent sur les aspects Il n’y a pas lieu ici de reprendre en détail chacun de ces chantiers. Contentons-nous de dire que certains d’entre eux sont d’une (Suite de la page 57) Finalement, il y a la question de l’usage de ces liens sociaux qui ne se fait pas dans un vacuum. Les personnes peuvent avoir accès à des ressources par le biais de ces liens sans nécessairement y avoir recours. Ici les politiques sociales, certaines interventions bien ciblées peuvent favoriser une meilleure utilisation, voire un certain développement du capital social. Par ailleurs, très souvent, ce sont des événements apparemment fortuits qui vont conduire les personnes à un usage plus optimal de ces ressources. Pour les femmes par exemple, l’arrivée d’un nouveau conjoint ou le vieillissement des enfants a parfois pour effet de les inciter à réactiver leurs réseaux pour l’insertion en emploi. 60 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 sociaux et économiques de la défavorisation, mais on pourrait y ajouter une composante culturelle; et puis, on conçoit aisément que les unités d’analyse retenues peuvent être l’objet d’une erreur écologique dont il faut mieux mesurer la portée. Et ainsi de suite. On le voit, l’ouverture de 14 chantiers de recherche ne consiste pas à repousser aux Calendes grecques l’adoption d’indicateurs de développement social. Elle vise à composer avec ce qui se fait de mieux, à classer les meilleurs indices dans un ordre cohérent et de rassembler l’ensemble des personnes concernées par la mesure du développement social autour d’un programme commun, un programme qui, à l’instar du développement social lui-même, est en perpétuelle évolution… Bonne lecture ! DS : En terminant, comment ne pas vous vous demander un dernier mot sur la mesure du développement social… M.L. : Parlant d’indicateurs ou de mesures du développement social, il importe, à mon avis de bien distinguer la cible des processus. Si on considère que le développement social correspond à une amélioration des conditions de vie, ce sont des indicateurs relatifs à ces conditions de vie qui doivent être retenus. Si, au contraire, on croit que le développement social correspond à un processus, par exemple le développement d’une mobilisation communautaire, d’autres indicateurs devront être retenus. Cela étant, ce qu’il faut éviter c’est de confondre l’un et l’autre en croyant mesurer l’amélioration des conditions de vie par une mesure de la mobilisation. NOUVELLESBRÈVES> 9es journées annuelles de santé publique tendances et mouvances Montréal, le 15 août 2005 – Pour leur neuvième édition, les Journées annuelles de santé publique (JASP) observeront les tendances et les mouvances en santé publique afin d’offrir aux 2 000 participants attendus des contenus de formation dignes de la réputation de l’événement. Du 14 au 17 novembre 2005, au Centre des congrès de Québec, les JASP seront l’événement incontournable en santé publique. « Cette année, nous lançons une invitation à aborder les principales fonctions et stratégies de la santé publique avec un regard neuf, fondé sur les acquis du passé, éclairé par le présent et prévoyant l’avenir, disent François Desbiens, président du comité organisateur et Réal Morin, président du comité scientifique. La pratique de la santé publique n’est pas un long fleuve tranquille et nous en sommes bien conscients. C’est pour cette raison que le thème choisi est Tendances et mouvances. » Encore cette année, 20 journées thématiques sont au programme, brûlantes d’actualité, pertinentes et sensibles, choisies pour répondre directement aux besoins de formation des gens qui œuvrent en santé publique ou qui s’y intéressent. On parlera notamment d’obésité, de sécurité alimentaire, de suicide chez les hommes, d’infections nosocomiales, du développement optimal des enfants de 2 à 5 ans, de retrait préventif de la travailleuse enceinte, d’eaux de baignade, du virus du papillome humain, de dépistage populationnel en génétique. Comme d’habitude, l’Association pour la santé publique du Québec remettra le prix Jean-Pierre-Bélanger pour souligner l’innovation en promotion de la santé. De son côté, l’Association des médecins spécialistes en santé communautaire du Québec tiendra son congrès annuel aux JASP, réunissant ses membres autour du thème: L’éthique dans les interventions de santé publique : lui faire une place. L’Institut de la statistique du Québec prendra aussi part à cet important rendez-vous en se penchant sur La violence familiale dans la vie des enfants : connaître, comprendre, prévenir. Des conférenciers de marque Chaque journée débutera par une conférence plénière prononcée par un invité de renom. Le lundi matin, Pierre Perrin, médecin-chef au Comité international de la Croix-Rouge, traitera des grands enjeux de l’action de santé publique dans des situations de catastrophes. Suivra, le mardi matin, Daniel Weinstock, professeur titulaire au Département de philosophie de l’Université de Montréal et président du Comité d’éthique de santé publique du Québec. Il abordera la question de l’intégration efficace de l’éthique en santé publique. Le mercredi matin, ce sera au tour de John Raeburn, professeur à la School of Population Health, Faculty of Medical and Health Sciences, Université de Auckland en Nouvelle-Zélande, de s’interroger sur la nécessité de promouvoir la santé mentale à l’échelle mondiale. Enfin, le jeudi matin, Larry Frank, titulaire de la Bombardier Chair in Sustainable Urban Transportation Systems, School of Community and Regional Planning, Université de la Colombie-Britannique, posera la question suivante : En quoi l’environnement bâti contribuet-il ou nuit-il à la pratique de l’activité physique? Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique, Agence de santé publique du Canada, convie les participants à un dîner causerie le mercredi 16 novembre afin de discuter des grandes problématiques de santé publique canadiennes. Forts populaires l’an dernier, les JASP offrent encore des ateliers méthodologiques pour mettre la main à la pâte autour de thématiques telles que l’utilisation des résultats d’évaluations économiques, la surveillance de l’état de santé de petites populations, l’interdisciplinarité et le travail d’équipe et les stratégies de partage des connaissances. Les participants auront l’occasion de passer la journée avec un ou deux formateurs aguerris afin d’approfondir des techniques, des stratégies et des trucs du métier. Les communications par affiches seront également de retour pour satisfaire l’appétit scientifique des participants. Quelques exposants, parmi les partenaires et les collaborateurs des JASP, viennent compléter cette organisation qui ne cesse de croître au fil du temps laissant croire à une réelle soif de formation de la part du réseau de la santé publique et des secteurs apparentés. Tarifs spéciaux et bourses C’est grâce à la contribution financière de l’Institut national de santé publique du Québec, de l’Institut de la statistique du Québec, du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, de l’Agence de santé publique du Canada, de Santé Canada et de la Fondation Lucie et André Chagnon que les Journées annuelles de santé publique sont en mesure d’offrir une programmation de qualité à des tarifs raisonnables. Des tarifs spéciaux sont d’ailleurs en vigueur pour les centres de la petite enfance et les garderies et des bourses sont prévues pour les étudiants à temps plein et pour les organismes communautaires. Il est possible de consulter le programme officiel et d’obtenir tout autre renseignement concernant les tarifs, les bourses ou les affiches, sur le site Web des JASP 2005 : www.inspq.qc.ca/jasp. Les Journées annuelles de santé publique sont organisées par un consortium formé de partenaires pour qui la santé publique est une préoccupation de premier ordre : l’Association pour la santé publique du Québec, l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux, l’Association des médecins spécialistes en santé communautaire du Québec, les directions de santé publique au sein des agences de développement de réseaux locaux de services (Suite page 63) DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 61 Le budget participatif : on en parle de plus en plus PAR DANIÈLE AVELINE, ÉQUIPE DE RÉDACTION Le budget participatif dans le monde Porto Alegre, capitale de l’Etat de Rio Grande do Sul au Brésil, en 1989, la municipalité élue l’année précédente créa un système innovant et révolutionnaire de formulation et d’accompagnement du budget municipal, appelé budget participatif. A Dans le budget participatif, ce ne sont pas les techniciens ou les dirigeants qui tranchent : c’est la population elle-même qui, au travers d’un mécanisme maintenant bien rodé de débats, de consultations et de décisions, définit le montant des recettes et des engagements financiers, décide où seront effectués les investissements et selon quelles priorités (…). La preuve a été apportée que les mécanismes pratiques de participation - même s’ils ne touchent encore qu’une petite partie de la population - et l’engagement des autorités municipales à faire ce que les habitants ont décidé jouent un rôle fondamental pour briser les barrières bureaucratiques entre la société et l’Etat, et pour construire une citoyenneté active et mobilisée. Même si, dans sa courte histoire, il a acquis le statut de référence nationale et internationale, le budget participatif ne saurait être transposé de manière automatique d’une réalité dans une autre. Raul Pont, Maire de Porto Allegre (Le Monde diplomatique mai 2000). Ainsi sont gérés, à Porto Alegre, quelque 20 % du budget de la ville, portant sur les grands secteurs d'investissements publics : infrastructures et communications, énergie, santé, éducation, environnement et qualité de la vie... Aujourd’hui, plus de 250 villes dans le monde expérimentent, chacune à leur manière, le budget participatif et sont regroupés dans un réseau mondial. Nous nous sommes retrouvés autour de la brèche qu'a ouvert le processus totalement novateur du Budget Participatif de Porto Alegre : En effet, l'ensemble du Budget de la ville, en liaison étroite avec le maire, est débattu, décidé et contrôlé par la population. Les règles de fonctionnement de la démarche sont coélaborées par le pouvoir municipal et la population et rediscutées annuellement. Au quotidien, une nouvelle relation s'invente entre le pouvoir municipal légalement élu et la société civile. Le processus engagé à Porto Alegre permet de revivifier la démocratie représentative, acquis non négociable, par la démocratie participative, garante d'une citoyenneté active. (Extraits de la Charte du regroupement mondial pour le budget participatif) Qu’en est-il au Québec? Plusieurs municipalités ont commencé à se documenter et à débattre sur une possible adaptation du concept de budget participatif, c’est le cas par exemple de Gatineau et Trois-Rivières qui l’ont envisagé. Dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal à Montréal, le Conseil d’Arrondissement vient de voter une résolution, le 6 septembre, afin de demander au Conseil Exécutif de la Ville : de mandater l’Office de consultation publique de tenir des audiences publiques sur le processus de budget participatif. La mairesse de l’arrondissement précise que le Conseil vise un processus qui serait en place pour mars 2006, lors de la préparation du budget. Pendant la période de questions, certains citoyens ont soulevé leur inquiétude en soulevant le manque d’expertise de l’Office en la matière et demandent à ce que le Comité de travail local regroupant une douzaine d’organismes du quartier, soit associé à ces travaux. Ce comité travaille sur ce sujet depuis deux ans et a des propositions concrètes à mettre de l’avant. Nous reviendrons sur le sujet dans un prochain numéro. Le Régime québécois d’assurance parentale Un régime mieux adapté au Québec d’aujourd’hui… et de demain e Québec aura bientôt son propre régime d’assurance parentale. À compter du 1er janvier 2006, le Régime québécois d’assurance parentale remplacera les prestations de maternité et parentales offertes en vertu du régime fédéral d’assurance-emploi. Les familles québécoises bénéficieront alors d’un régime plus généreux, plus souple et plus accessible, bref d’un régime mieux adapté à leur réalité actuelle. L 62 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Plus généreux Sous le régime québécois, le revenu assurable maximal sera augmenté et les deux semaines d’attente avant le début des prestations n’existeront plus. Plus souple Les parents du Québec auront le choix entre le régime de base et le régime particulier. Sous le régime de base, le taux de remplacement de leur revenu sera moins élevé que sous le régime particulier, mais la période de prestations sera plus longue. Plus accessible Les travailleuses et les travailleurs autonomes pourront y être admissibles, tout comme les salariés. Plus pour le père Des prestations de paternité seront destinées exclusivement au père, ce qui n’est pas le cas sous le régime fédéral. Le Régime québécois d’assurance parentale répond à l’évolution du marché du travail du Québec. Il offre aux travailleuses et aux travailleurs un moyen concret de mieux concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles. Pour obtenir plus d’information sur le Régime québécois d’assurance parentale et sur les conditions d’admissibilité, consultez le site Internet du Régime à l’adresse www.rqap.gouv.qc.ca ou téléphonez, dès le 1er novembre au Centre de service à la clientèle au numéro 1 888 610-7727 (RQAP). (Suite de la page 61) de santé et de services sociaux, l’Institut national de santé publique du Québec, l’Institut de la statistique du Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Renseignements : Julie Trudel, agente d’information Institut national de santé publique du Québec (514) 864-1364 [email protected] Le réseau en développement social des grandes villes PAR DANIÈLE AVELINE, ÉQUIPE DE RÉDACTION fin d’échanger sur les pratiques en développement social, les 9 grandes villes du Québec de plus de 100 000 habitants se sont dotées d’un réseau informel qui se réunit une ou deux fois par année. Les responsables du développement social des villes se sont rencontrés le 3 juin dernier à Trois-Rivières. La revue Développement social y était. A La plupart des villes étant dans la phase d’élaboration de leur plan de développement social, c’est l’occasion pour elles de soulever certains enjeux. En voici quelques-uns qui donnent une idée de la richesse des échanges : • le DS est transversal et pourtant il est confié à un service, dès lors, il faut convaincre les autres services (urbanisme, habitation, etc.) de son importance dans l’ensemble des secteurs d’intervention de la ville • la démarche d’intégration des différents plans doit venir idéalement de la direction générale de la ville et être portée par des élus • le processus de la planification est long, on peut s’y embourber, et les problématiques sociales qui évoluent vite dans un milieu urbain obligent à s’adapter rapidement • les citoyens sont consultés dans l’élaboration du plan, mais cela crée des attentes, et ils ne sont pas souvent informés du suivi; pourtant ce sont eux les premiers concernés et souvent eux qui vont assurer la pérennité des actions (les élus, eux, changent) • les réalités sont multiples dans un milieu urbain, et pas seulement sur le plan territorial (groupes d’âge, minorités, communautés culturelles…), il faut en tenir compte tout en gardant une vue d’ensemble. Ils ont conclu la journée sur un défi qui leur est commun : comment concilier les intérêts des citoyens, des partenaires, des groupes de pression qui influencent chacun à leur façon les décisions des élus locaux. Malgré l’importance de la planification, certains prônent aussi la sagesse : la ville a des capacités d’intervention limitées et ne vaut-il pas mieux cibler quelques actions prioritaires et bien les mener que de se perdre dans une myriade de cibles? DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 63 Colloque Regards sur la diversité des familles : Mieux comprendre pour mieux soutenir Une réflexion à poursuivre PAR CHANTALE DUMONT, CONSEIL DE LA FAMILLE ET DE L’ENFANCE Les 10 et 11 mai dernier, le Conseil de la famille et de l'enfance a accueilli près de 200 personnes au colloque Regards sur la diversité des familles : Mieux comprendre pour mieux soutenir. Cet événement s’inscrivait dans le cadre du mandat confié au Conseil en avril 2004 par M. Claude Béchard, ministre de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, d’examiner les nouveaux modèles familiaux en regard des rôles de chacun des membres de la famille. n ouverture du colloque, la présidente du Conseil de la famille et de l’enfance, Mme Marguerite Blais, nous a rappelé que la société et la famille québécoises avaient changé depuis les 40 dernières années et que malgré tous les progrès accomplis en matière de soutien aux familles, il restait encore beaucoup à faire, particulièrement en ce qui a trait aux nouvelles réalités familiales. E Le colloque se voulait un lieu d’échange et de partage qui permettrait de mieux connaître les nouvelles structures familiales, leurs nouvelles problématiques, de manière à permettre une meilleure adéquation entre les services disponibles et l’évolution des besoins des familles. Mieux comprendre pour mieux soutenir, tel était le thème du colloque. Comprendre nous aide à prendre la juste mesure et à dédramatiser les changements familiaux. La perspective historique et les autres sciences humaines aident à prendre du recul et à voir la pluralité familiale dans l’histoire de l’humanité. Les travaux des historiens nous rappellent que les sociétés anciennes avaient aussi leur lot de diversité : taille, structure, type de familles. Ce n’est donc pas un hasard si plusieurs conférenciers ont commencé leur présentation par une mise en contexte historique du sujet, du problème, du concept dont ils venaient nous parler. 64 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Pendant ces deux jours, les participants ont pu assister à des activités variées qui avaient pour objectif de favoriser une meilleure appropriation de la réalité des familles québécoises: conférences, ateliers, table ronde, consultation, etc. Le texte qui suit est tiré de la Synthèse du colloque réalisée et présentée par M. Germain Dulac, sociologue, en guise d’activité de clôture. Cette diversité se reflète dans les médias et M. Jean-Pierre Desaulniers, professeur en anthropologie et sociologie des communications à l’UQAM –récemment décédé-, nous a dit que les séries télévisées dévoilent quotidiennement un portrait de nos peurs, de nos espoirs, de nos désirs sur notre idéal familial. Nul doute que ces portraits de famille sont le sujet de discussions passionnées au lendemain de leur présentation à la télévision. La plupart des interventions des participants à ce colloque ont mis en lumière que les problèmes se situent peut-être moins dans la capacité d’accepter la diversité des modèles, des types, des formes de famille, mais davantage dans la difficulté d’assouvir notre besoin de liens inconditionnels. D’ailleurs, M. Jacques Dufresne, philosophe, souligne à juste titre que nous sommes tous à la recherche de liens inconditionnels, authentiques, purs et dénués de mensonges autant dire des liens infiniment rares. Et c’est justement parce qu’ils sont rares, dit-il, que le consensus sur ce qu’est une famille ne devrait pas porter sur sa forme, ni sur la manière de la nommer, mais plutôt sur le nombre et la qualité des liens inconditionnels que l’on peut espérer y trouver. Comprendre, c’est donc comme le voulait ce colloque, être à l’écoute des personnes, des familles, des organismes; c'est-à-dire être à l’écoute du vivant. La société puise sa vigueur dans la part de créativité du milieu. Il ne faut pas oublier que le vécu, le vivant offre toujours la matière première du contrat social. Les enjeux des familles au quotidien, des défis et des plaisirs de la vie en famille Comprendre c’est être à l’écoute des parents. La question des revenus familiaux est une préoccupation généralisée, comme le sont aussi des enjeux tels que le peu de soutien des institutions et du milieu de travail et la conciliation des horaires familiaux avec ceux du travail. Ce qui est frappant, c’est que les parents nous disent qu’il est difficile d’être parents alors que l’on ne reconnaît pas leur expérience, qu’on ne valorise pas leur rôle ce qui, on le comprendra, a un impact sur l’estime de soi en tant que parents, particulièrement pour ceux qui désirent s’investir, fonder une nouvelle famille. Alors que la famille se complexifie, de nouveaux savoirs viennent quotidiennement brouiller les cartes pour les parents. On peut se demander jusqu’à quel point les experts n’ont pas désapproprié les parents et les grands-parents de leur savoir-faire. Ainsi, lorsque l’on parle de solidarités et de liens entre les générations, plusieurs s’interrogent à savoir si dans une telle situation, on peut encore parler de transmission intergénérationnelle, de transmission de savoir-faire et de culture parentale. Mais au-delà des craintes, les parents disent aussi ce qu’ils aiment dans la vie familiale. C’est peut-être un indicateur de ce qu’il faut protéger, défendre et soutenir. C’est essentiellement, disent-ils, de voir l’évolution de l’enfant, d’être avec lui, de faire des choses ensemble. Mais pour cela, il faut du temps. Se jouer de la différence ! Le volet « Camps d’été » du programme Accompagnement en loisir, a permis à quelque mille enfants de vivre un été mémorable. Afin de permettre à un plus grand nombre d’enfants et d’adultes vivant avec des limitations fonctionnelles de fréquenter les activités de loisir de leur quartier en 2005, la Ville de Montréal a consenti une somme de plus de 424 000 $ dédiée à l’accompagnement en loisir. La participation municipale au programme a fait passer de 28 heures à 64 heures, le nombre moyen d’heures d’accompagnement. À l’annonce de cette subvention, le maire de Montréal, monsieur Gérald Tremblay déclarait « Nous sommes au cœur même du principe d’accessibilité universelle : permettre à tous les Montréalais de recevoir la même prestation et la même qualité de services ». Pour sa part, Monsieur Cosmo Maciocia, membre du comité exécutif, responsable du Développement social mentionnait : « Nous reconnaissons une fois de plus l’implication essentielle des organismes, tel que AlterGo et les camps de jour participants, à l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées de Montréal ». Pour informations : Lyse Chartrand, division du développement social, (514) 872.9728 ou lchartrand @ville.montreal.qc.ca L’État et le soutien aux familles Quoique bien des efforts aient été déployés afin d’adapter les services à la diversité des réalités familiales d’aujourd’hui, on déplore toujours la faible intégration transversale-horizontale des besoins des parents et des familles à travers toutes les institutions, et c’est ce que les gens attendent d’une véritable politique familiale. Mais c’est aussi une condition de succès du soutien aux familles. Combien de fois avons-nous entendu que l’État n’était pas là pour « organiser les gens », mais pour les aider à s’organiser, par eux-mêmes et pour eux-mêmes en s’appuyant sur leur expertise de parents, mais aussi sur l’expertise des autres partenaires qui aident déjà les familles. Le temps Plus les types, les formes de famille se développent et se complexifient, plus il faut de temps aux parents. Tous s’entendent pour dire que les familles consacrent de plus en plus de temps à gagner leur vie et celles des enfants ainsi qu’à aider et soutenir les proches et les personnes vulnérables. Pas étonnant, dans ce contexte, que les parents disent manquer constamment de temps. Le temps dans la vie familiale c’est aussi l’asynchronie des temps des hommes et des femmes qui se remarque dès que le couple parle d’avoir un enfant, comme le faisait remarquer Mme Denise Lemieux, professeure chercheure à l’INRS Urbanisation, Culture et Société. Puis le temps dans la conciliation, c’est aussi le temps différentiel des pères et des mères. On semble s’entendre sur le fait que si l’on veut que les hommes soient plus présents dans la famille, qu’ils soient des pères engagés il faut qu’ils soient considérés comme des acteurs importants dans la réflexion sur la conciliation travail-famille. Enfin, de plus en plus de personnes semblent sensibles à l’idée qu’il faut plus d’hommes dans les sphères d’activité de caring*. Si comme le souligne M. Claude Martin, directeur de recherche sur l’action politique en Europe, le prochain défi auquel devront faire face nos sociétés est celui d’un care deficit, ne serait-il pas temps de considérer les hommes, les fils, les pères comme des personnes ayant un potentiel de caring et de faire en sorte que ce potentiel puisse s'exprimer dans toute sa générosité? M. Dulac concluait la synthèse sur cette phrase : « S’il y a moins de bénédiction paternelle c’est peut-être parce que les pères d’aujourd’hui peuvent asseoir leur statut de parent sur les relations affectives, dire et agir leurs sentiments, l’exprimer d’égal à égal avec leurs enfants beaucoup plus que sur la symbolique. » Les actes du colloque Regards sur la diversité des familles : Mieux comprendre pour mieux soutenir seront bientôt disponibles en version électronique. Pour y avoir accès, consulter le site du Conseil de la famille et de l'enfance à l’adresse suivante : www.cfe.gouv.qc.ca. Lors de la deuxième journée, les participants ont été invités à participer à une consultation. Les discussions ont porté sur les enjeux reliés aux nouveaux modèles familiaux autour de deux thèmes principaux : le partage des responsabilités publiques et privées ainsi que la parentalité et la filiation. La consultation s'inscrivait dans le cadre du mandat ministériel d'examiner les nouveaux modèles familiaux en regard des rôles de chacun des membres de la famille. À partir des points de vue recueillis, le Conseil de la famille et de l'enfance rédigera un avis qui sera remis à la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, Mme Carole Théberge à la fin de l'année 2005. * Caring : terme répandu en France pour désigner les activités liées aux soins et à la prise en charge des personnes. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 65 LECTURESUTILES> Les interfaces entre l'État et le tiers secteur au Québec par Jean Proulx, Denis Bourque et Sébastien Savard Revue Interventions Économiques Le dernier numéro de la Revue Interventions Économiques porte sur l'économie sociale et dresse un bilan des recherches et des pratiques au Québec. Plusieurs auteurs ont contribué à l'ouvrage. Pour en savoir plus : • Introduction au numéro par Diane-Gabrielle Tremblay, Directrice de la revue • Histoire et actualité de l’économie sociale. Quelques repères par Jacques Defourny, Université de Liège • L'expérience de recherche de l'Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale par Denis Bussières (ARUC-ÉS) et Jean-Marc Fontan, professeur, UQAM • L’économie sociale : diversité des définitions et des constructions théoriques par Benoît Lévesque, sociologue, UQAM et ÉNAP et Marguerite Mendell, économiste, Université Concordia • Le logement coopératif et associatif comme innovation sociale émanant de la société civile par Marie J. Bouchard, professeure, UQAM et Marcellin Hudon, Association des groupes de ressources techniques du Québec • Pauvreté, fragilités individuelles et habitat : le rôle de l’économie sociale par Jacques L. Boucher, Professeur, Université du Québec en Outaouais • L'ambition du tourisme social : un tourisme pour tous, durable et solidaire! par Louis Jolin, Professeur, École des sciences de la gestion de l'UQÀM et Luce Proulx, Chargée de cours, École des sciences de la gestion de l'UQÀM • Le long parcours du partenariat en employabilité au Québec par Martin Robitaille, Ph.D. en Sociologie, Université du Québec en Outaouais • Commerce équitable, économie sociale et coopération internationale : les nouveaux croisements par Louis Favreau, Sociologue et titulaire, Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités (UQO) • Financement de l’économie sociale : dans une bonne direction? par Ralph Rouzier, Sociologue, UQAM • Tout un défi : faire travailler ensemble des praticiens et des chercheurs universitaires! Réflexions sur l’expérience de l’Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale (ARUC-ÉS) par Michel Blondin, avec la collaboration de Jean Sylvestre, Fonds de solidarité FTQ (formation) • Le premier Guide d’analyse des entreprises d’économie sociale par Élise Tessier, Directrice, Réseau d’investissement social du Québec. Jeux d'échelle et transformation de l'État : le gouvernement des territoires au Québec et en France Sous la direction de Laurence Bherer, Jean-Pierre Collin, Éric Kerrouche et Jacques Palard, Les Presses de l'Université Laval, Québec, 2005 Sous nos yeux, la politique change d'échelle : du quartier urbain aux grands ensembles continentaux, l'organisation des collectivités humaines est en pleine transformation. Comment appréhender ce changement fondamental ? De quelle façon saisir la nature des nouveaux enjeux et des nouveaux modes de l'action publique ? Sur quelle base repenser la place de l'État? Les initiateurs de cet ouvrage font le pari raisonné que le « territoire » est un niveau d'analyse pertinent : plus que jamais, le local constitue un enjeu central. D'abord parce que la restructuration urbaine est révélatrice du poids des métropoles dans l'organisation de l'économie « monde ». Également en raison de l'émergence, en leur sein, de dispositifs d'action inédits : nouveaux systèmes d'acteurs, nouvelles modalités de la vie démocratique, nouvelles stratégies de développement. 66 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Les auteurs étudient ici les interfaces entre l'État et les organismes du tiers secteur au Québec. Pour ce faire, ils ont étudié des organismes intervenant dans huit champs d'activité différents : les services aux jeunes de la rue (projet Ketch Café); le logement pour personnes ayant une déficience intellectuelle (projet Logement à soutien gradué); les organismes de soutien aux aidants et aidantes naturels; les centres communautaires de loisir (CCL); les habitations communautaires pour aînés et aînées (HCA); les centres de la petite enfance (CPE); les entreprises d'économie sociale en aide domestique (EESAD) et les services spécialisés de main-d'œuvre pour les personnes handicapées (SSMOPH). Après une revue de littérature internationale portant sur les rapports entre l'État et le tiers secteur, ils ont analysé ces rapports à partir de la typologie développée par Jennifer M. Coston qu'ils ont adaptée à la réalité québécoise. Nouvelle configuration des services sociaux et de santé : Quel rôle pour les associations et organismes communautaires? Publié dans la revue L'Abri par Denis Bourque Les services sociaux et de santé sont en profonde reconfiguration au Québec depuis le début de l'année 2004. Dans ce contexte cet article passe en revue les principaux éléments qui alimentent cette nouvelle donne et identifie quelquesuns des enjeux et des défis que cela représente pour les associations et organismes communautaires ainsi que pour les centres de santé et de services sociaux (CSSS). Rural-urbain. Nouveaux liens, nouvelles frontières par Samuel Arlaud, Yves Jean et Dominique Royoux aux Presses Universitaires de Rennes en France, 530 pages. Alors qu'on peut s'interroger sur la pertinence et la valeur des mots « rural » et « urbain » dans le monde contemporain, des économistes, des géographes, des sociologues et des historiens analysent les espaces dits périurbains. Lotissements pavillonnaires, petits immeubles collectifs, zones d'activités secondaires ou tertiaires, axes de communication, ceux-ci se mêlent au paysage des campagnes. Pour information : Chantale Doucet, Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC), (819) 595-3900 poste 2296 ou [email protected]. Pour une meilleure représentation des femmes dans la Loi électorale Pour une jeunesse en marche vers l’égalité entre les femmes et les hommes Le Conseil du statut de la femme (CSF) a livré sa réflexion sur l’avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale et se réjouit de l’introduction d’un article visant une représentation équitable des femmes et des hommes de même que des personnes appartenant à des minorités ethnoculturelles à l’Assemblée nationale. En juin dernier, le Conseil du statut de la femme (CSF) publiait un mémoire relatif au document de consultation sur la future Stratégie d’action jeunesse 2005-2008. Intitulé « Pour une jeunesse en marche vers l’égalité entre les femmes et les hommes », le document du Conseil aborde chacune des orientations présentées dans le projet gouvernemental et propose d’y inscrire le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour accroître le nombre de candidates et d’élues, le Conseil du statut de la femme approuve les mesures de soutien financier proposées dans le document. Cependant, il ne croit pas que le mode de scrutin ait une incidence quelconque sur l’émergence de candidatures féminines et l’élection des femmes et estime que le scrutin proportionnel mixte proposé comporte des déficiences du point de vue démocratique. Le CSF souhaite donc que le Québec conserve son mode de scrutin actuel. Le Conseil invite plutôt les partis politiques à s’interroger sur leur culture et leurs différentes règles qui pourraient nuire à une intégration harmonieuse des femmes dans leurs organisations. Intitulé « Mémoire sur l’avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale », ce document contient une dizaine de recommandations et peut être consulté sur le site Internet du Conseil du statut de la femme au : www.csf.gouv.qc.ca. Source : Johanne Roy, CSF Suggestion de site Internet Entre autres, le Conseil recommande d’augmenter le taux d’emploi des femmes pour éviter une pénurie anticipée de main-d’œuvre, demande des mesures concrètes de conciliation travail-famille et se préoccupe des relations sexuelles précoces des jeunes. Le Conseil s’intéresse également au choix de carrières des jeunes et à leur réussite scolaire dans un cadre éliminant toute conception stéréotypée des rôles masculins et féminins. Le Conseil du statut de la femme formule une vingtaine de recommandations pour que la Stratégie d’action jeunesse s’inscrive dans une perspective d’égalité entre les femmes et les hommes du Québec. Vous pouvez consulter ce document sur le site Internet du Conseil du statut de la femme au : www.csf.gouv.qc.ca. Source : Johanne Roy, CSF Créé en 2000, la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable (connue anciennement sous le nom de chaire économie et humanisme) tente, notamment, de comprendre la dimension éthique de l'économie et de son institution clef, l'entreprise, pour être en mesure d'arrimer le système économique à des valeurs humaines, bref pour humaniser l'économie. Plusieurs des travaux de recherche sont en ligne sur le site : http://www.crsdd.uqam.ca AJOUTERÀVOSFAVORIS> PAR IGOR BALUCZYNSKI ET MARIE-CÉCILE GLADEL Carrefour action municipale et famille Le Carrefour est un organisme sans but lucratif, qui regroupe les MRC et les municipalités intéressées par le développement d'une politique familiale. Il offre un lieu d'échanges et des services techniques. Ses membres se retrouvent dans toutes les régions du Québec et représentent, en 2005, plus de 60 % de la population totale du Québec. Le Carrefour et ses membres sont des partenaires du Gouvernement du Québec dans la promotion et le développement de politiques municipales en faveur des familles. Sur le site du Carrefour, www.carrefourmunicipal.qc.ca, on nous accompagne pour élaborer et mettre sur pied une politique familiale municipale. Richement documentée, cette section illustre aussi des PFM déjà appliquées dans différentes localités du Québec. Dans la même ligne d’idée, le Carrefour nous présente son expertise au niveau de la formation et animation et de la promotion et sensibilisation, son colloque annuel et son comité de recherche et de développement. Une page documentation propose plusieurs documents PDF à télécharger, entre autres, le projet de loi sur la conciliation travail-famille, un rapport sur le sommet mondial de la famille de 2004 (Chine), un guide à l’intention des municipalités du Québec : Sécurité dans les milieux de vie. Cette nouvelle rubrique à l’intention des internautes, sera l’occasion de mettre en valeur des sites Web peu connus du grand public et directement liés à notre numéro en cours. Les sites sélectionnés se retrouveront bien sûr dans le répertoire de la Toile du développement social du Québec au www.inspq.qc.ca/developpementsocial. Bonne visite ! Conseil de la culture des Laurentides Depuis plus de 25 ans, le Conseil de la culture des Laurentides (CCL) favorise le développement culturel dans les Laurentides. Le CCL rassemble et représente des artistes, artisans, travailleurs culturels, entreprises et organismes culturels, organisations municipales et scolaires qui jouent un rôle actif dans leur milieu et contribuent à l’essor des arts et de la culture dans les Laurentides. À travers son site Web www.culturelaurentides.com, le CCL nous dévoile le portrait culturel des Laurentides, sous forme de ressources humaines et d’organisations dans les différentes MRC de la région. Un répertoire très complet nous fait découvrir les artistes du milieu tant au niveau des arts visuels, de la scène, de la musique, des lettres, des métiers d’art, ainsi que les festivals et évènements locaux. Un volet formation propose une programmation ainsi que des outils pour favoriser les perspectives de revenu et d’emploi dans le domaine. Enfin, une section publications met à la disposition des intéressés plusieurs documents à télécharger tels que guides, études, catalogues et répertoires. DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 67 Les partenaires de la revue : La publication de la revue est rendue possible grâce à la contribution financière de : Le ministère de la Santé et des Services sociaux L’Institut national de santé publique du Québec Le ministère des Affaires municipales et des Régions La Table de coordination nationale de santé publique Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale Le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles Le Conseil de la santé et du bien-être Le Conseil des relations interculturelles Le Conseil du statut de la femme Le Conseil de la famille et de l’enfance Le Conseil permanent de la jeunesse Le Conseil canadien de développement social (CCDS) L’Office des personnes handicapées du Québec L’Association des CLSC et CHSLD du Québec Le Réseau québécois des Villes et villages en santé L’Agence de développement de réseaux de services de santé et de services sociaux Mauricie et Centre-du-Québec La Ville de Montréal La Fondation Lucie et André Chagnon La revue compte aussi sur la participation de : L’Association de santé publique du Québec La Chaire de recherche du Canada sur le développement des communautés (CRDC) La Fédération québécoise des municipalités La Fédération des commissions scolaires du Québec L’Observatoire montréalais des inégalités sociales de la santé Le Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire (RQIIAC) Le Réseau québécois de développement social Le Secrétariat à l’action communautaire autonome Solidarité rurale du Québec La distribution de la revue : Au niveau national, la distribution est assurée par : L’Institut national de santé publique du Québec Dans les régions, la distribution de la revue est assurée par : Les Conférences régionales des élus-élues Les Directions de santé publique des Agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux Les Tables de concertation ou Comités régionaux de développement social Éditeur : Institut national de santé publique du Québec 945, avenue Wolfe Sainte-Foy, Québec, G1V 5B3 Comité de rédaction : Michel Morel, rédacteur en chef Danièle Aveline Réal Boisvert Michael Watkins Comité directeur : Michel Morel, rédacteur en chef Institut national de santé publique du Québec Ont collaboré à ce numéro : Danièle Aveline, Réal Boisvert, Igor Baluczynski, Alain Caron, Renée Desjardins, Chantale Dumont, Marie-Cécile Gladel, Catherine Landry-Larue, Marie-Josée Ouellet, Lysanne O’Sullivan, Anne-Marie Séguin, Michael Watkins. Réal Boisvert, Agence de développement des services de santé et des services sociaux Mauricie et Centredu-Québec Marc Boucher, Ville de Montréal Jean-Marc Chouinard, Fondation Lucie et André Chagnon Cherkaoui Ferdous, Solidarité rurale du Québec Louis Favreau, Chaire de recherche du Canada sur le développement des communautés Daniel Fortin, Réseau québécois du développement social Hélène Harvey, Conseil du statut de la femme Sylvain Larouche, Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire (RQIIAC) Claire Milette, Ministère de la Santé et des Services sociaux Sylvie Parent, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale Réal Morin, Institut national de santé publique du Québec Marie-Josée Ouellet, Secrétariat à l’action communautaire autonome Hector Ouellet, Conseil canadien de développement social Odette Plante, Conseil de la famille et de l’enfance Louis Poirier, Réseau québécois des Villes et villages en santé Marie Rochette, MSSS, Table de coordination nationale de santé publique Denis St-Amand, Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux Yves Théberge, Conseil de la santé et du bien-être 68 DÉVELOPPEMENT SOCIAL VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005 Michael Watkins, Office des personnes handicapées du Québec Conception graphique : Kasern l’atelier créatif inc. Politique éditoriale : La revue DÉVELOPPEMENT SOCIAL vise à rendre compte de ce qui se passe dans les communautés et les régions en matière de développement social, de poursuivre la promotion du développement social ainsi que la sensibilisation des acteurs locaux, régionaux et nationaux, par la diffusion de textes présentant des enjeux de développement social. Conformément aux objectifs définis, les articles publiés doivent s’inscrire dans une perspective d’information des lecteurs et lectrices et de promotion de la préoccupation du développement social. Les textes publiés sont sous la responsabilité de leur signataire et n’engagent aucunement les partenaires de la revue. Les textes publiés dans la revue peuvent être reproduits, à condition d’en citer la source. Pour nous rejoindre : Michel Morel, rédacteur en chef Institut national de santé publique du Québec 500 René-Lévesque Ouest, bureau 9.100 Montréal (Québec) H2Z 1W7 Courrier électronique : [email protected] Téléphone : (514) 864-1341 Télécopieur : (514) 864-1616 Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, Bibliothèque nationale du Canada ISSN 1488-6499 Visitez notre site web http://www.inspq.qc.ca/developpementsocial/ Repérez facilement un événement, une publication, une activité de développement social dans votre région ! Abonnez-vous au DS-Express et recevez notre bulletin électronique d'actualités du développement social ! Dans le prochain numéro • La Côte-Nord et le développement social • Et bien d’autres choses encore... Consultez ou téléchargez gratuitement tous les numéros de la revue Développement Social ! PARUTIONS ANTÉRIEURES> Adressé à : adresse de retour : Revue Développement social Institut national de santé publique du Québec 500, boul. René-Lévesque Ouest, bureau 9.100 Montréal (Québec) Canada H2Z 1W7 PUBLICATION CANADIENNE : 40039817