Parmi les différentes régions englacées du globe, c`est en Alaska et

Transcription

Parmi les différentes régions englacées du globe, c`est en Alaska et
GLACIERS D’ALASKA ET HAUSSE DU NIVEAU MARIN
Parmi les différentes régions englacées du globe, c’est en Alaska et au Nord du Canada que les pertes
sont les plus conséquentes. Ces glaciers, qui occupent 90 000 km2, auraient contribué à eux seuls à
0.17 mm/a (soit ~10%) de la hausse du niveau marin depuis 1960. Pour déterminer cette valeur,
l’équipe du Geophysical Institute de l’Université d’Alaska (Fairbanks) a mesuré avec un laser
aéroporté l’altitude de la surface de 67 glaciers le
long de profils longitudinaux en 1995 puis en
2001 (Arendt et al., 2002). Cette altitude a été
comparée à celle des glaciers au moment de leur
cartographie dans les années 1950-60. Ils ont ainsi
déduits leurs variations d’épaisseur puis les ont
extrapolées aux autres glaciers. Leurs résultats
indiquent une contribution importante pour la
période 1950-1995 (0.14 mm/a du niveau marin),
qui double pour la période récente (après 1995).
Mais, l’observation de plusieurs 10aines de glaciers
suffit-elle pour rendre compte de l’évolution de
plusieurs milliers d’autres ?
Cette question est née de discussions avec Garry Campagne de terrain sur les glaciers des Saint Elias (Alaska
et Territoire du Yukon). Copyright M. J. Hambrey
Clarke (UBC) et Brian Menounos (UNBC) lors
(Aberystwyth University)
de mon post-doc à UBC (bourse européenne
Marie Curie). Pour y répondre, nous avons
comparé des topographies récentes, déduites des images des satellites Spot5-HRS (projet SPIRIT, voir
fiche dédiée) et ASTER (projet GLIMS/NASA), avec les cartes des années 1950-60. La compilation
de toutes ces données a été un travail considérable étalé sur quatre années. Nous mesurons ainsi les
pertes des trois quarts des glaciers d’Alaska (~65 000 km2) pour conclure à une contribution de ces
glaciers de ‘seulement’ 0.12 mm/a à la
hausse du niveau marin pour la période 19622006.
Pourquoi Arendt et al. (2002) et Meier &
Dyurgerov (2002) auraient surestimé de 50%
les pertes de ces glaciers? Nous proposons
trois explications qui, combinées, expliquent
ces différences. Tout d’abord, notre nouvel
inventaire des glaciers de cette région a une
meilleure résolution. D’autre part, les débris,
qui recouvrent certaines langues glaciaires et
les protègent de la radiation solaire, n’ont pas
(ou peu) été observés dans les travaux
antérieurs. Enfin, l’échantillonnage d’Arendt
et al. (2002) est limité à des profils
longitudinaux au centre de quelques glaciers
ce qui induit, géométriquement, une
surestimation des pertes d’épaisseur.
Le glacier Barnard, au coeur de la chaîne de montagne des
Saint Elias (Alaska). Cette vue en relief, déduite des données du
satellite SPOT5, souligne l'importance des débris qui recouvrent
Notre étude confirme que l’amincissement
les parties basses des glaciers. Copyright CNES 2007 /
Distribution Spot Image / Traitement LEGOS
des glaciers d’Alaska est très hétérogène et
démontre qu’il est difficile d’échantillonner
ces structures spatiales complexes à partir de quelques mesures de terrains ou quelques profils
altimétriques. C’est tout l’intérêt des cartographies satellitaires grand champ qui permettent d’obtenir
une vision plus exacte de la réponse glaciaire aux changements climatiques et de préciser leur
contribution à la hausse du niveau marin. Outre sa portée thématique, notre résultat va donc influencer
la manière d’appréhender la télédétection des glaciers de montagne. Les mesures laser aéroportées
répétées demeurent certes très utiles pour détecter l’accélération (ou pas) de l’amincissement des
glaciers le long de quelques profils mais on ne peut pas se passer de la vision d’ensemble satellitaire
pour obtenir des estimations régionales réalistes des pertes de glace. Il semble aujourd’hui important
de reproduire ce type d’analyse dans des régions à fort taux d’englacement comme l’arctique
canadien, la Patagonie ou l’Himalaya.
Les pertes des glaciers d’Alaska depuis 1962 sont certes plus faibles que ce que l’on pensait. Mais
l’amincissement et le recul de ces glaciers restent importants (parfois plus de 10 m/a comme pour le
Glacier Columbia) et l’accélération des pertes de masse depuis les années 1990 (que notre étude ne
remet pas en cause) est d’autant plus spectaculaire.
Si l’on veut anticiper l’évolution de ces glaciers d’ici 2100 (et donc mieux contraindre la hausse future
du niveau marin), il faut développer des modèles régionaux pouvant représenter ces systèmes
glaciaires complexes et leur imposer un forçage atmosphérique réaliste. En collaboration avec Garry
Clarke à UBC, nous continuons à travailler sur cette question. Un pré-requis à la modélisation
dynamique des glaciers est de connaître leur épaisseur, une information rarissime car délicate à
mesurer sur le terrain et impossible à observer depuis l’espace. G.K.C Clarke a développé une
méthode indirecte fondée sur les réseaux de neurones. C’est un premier pas vers cette modélisation
régionale. Les pertes de masse révisées des glaciers d’Alaska que nous venons de publier vont être
également cruciales pour la calibration de ce modèle de glaciation.
REFERENCES
Berthier, E., in press. Volume loss from Bering Glacier (Alaska), 1972 – 2003: comment on Muskett
and others (2009). Journal of Glaciology.
Berthier, E., Schiefer, E., Clarke, G.K.C., Menounos, B. and Remy, F., 2010. Contribution of Alaskan
glaciers to sea level rise derived from satellite imagery. Nature Geoscience, 3(2): 92-95.
Berthier, E. and Toutin, T., 2008. SPOT5-HRS digital elevation models and the monitoring of glacier
elevation changes in North-West Canada and South-East Alaska. Remote Sensing of Environment,
112(5): 2443-2454.
Clarke, G.K.C., Berthier, E., Schoof, C.G. and Jarosch, A.H., 2009. Neural networks applied to
estimating subglacial topography and glacier volume. Journal of Climate, 22(9): 2146-2160.