Immigrés, ils enrichissent notre région

Transcription

Immigrés, ils enrichissent notre région
patrimoines en région
Revue d’éducation aux patrimoines en Languedoc-Roussillon
N°18
Dossier
Immigrés,
ils enrichissent
notre région
PATRIMOINES EN RéGION / Revue d’éducation aux patrimoines en Languedoc-Roussillon / GRATUIT / N° 18 : HIVER 2012-2013
www.bernardduplanbdb.fr
. Bureau d’études
. Menuiserie
N°18 - Hiver 2012-2013 - ISSN 1952-3025 - Dépôt légal à parution
ÉDITEUR : Le Passe Muraille
association - Homme et Patrimoine
510 A, avenue de Barcelone
« Le Jupiter » 34080 Montpellier
Tél. : 04 67 06 96 04 - Fax : 04 67 52 78 44
E-mail : [email protected] - www.lepassemuraille.org
Comité de direction : Philippe Quentin, Pierre Plancheron
Conseil scientifique et éducatif : Yann Abonneau, Martine Ambert, Benjamin Assié,
Patricia Beaudouin, Jean-Pierre Besombes-Vailhé, Fred Chauvet, Nathalie Colin,
Luc David, Véronique Delattre, Véronique Ferhmin, Philippe Hammel, François Icher,
Christian Jacquelin, Vincent Larbey, Elisabeth Le Bris, Régine Mazauric, Denys Michel,
Jean-Michel Phéline (†), Pierre Plancheron, Philippe Quentin, Claude Raynaud, Federico
Russo, Sabine Sutour, Nelly Viala
Directeur de la publication : Pierre Plancheron
Rédacteur en chef : René Lechon
Secrétaire de rédaction : Julie Savy
Ont également participé à ce numéro : Michèle Bouis, Catherine Barrière, Nicolas
Bricas, Chantal Delmas, René Domergue, Suzana Dukic, Solange de Fréminville,
Michael Iancu, Jean-Jacques Jordi, Elisabeth Le Bris, Khadra Ouadoud, Pierre
Plancheron
Remerciements : Vincent Albert et les Boukakes, Les Archives départementales de
l’Hérault (médiation culturelle), Abdou Bayou et le collège les Escholiers de la Mosson,
Christian Bernadac et l’association Port-Vendres Paquebots, Chantal Ciglia et l’APAJ
– centre gitan de Montpellier, Tifenn Hamonic et l’association Génériques, Geneviève
Moralès et la Mairie de Mauguio Carnon, Fabienne Muddu et la Cité nationale de
l’histoire de l’immigration, Florian Pascual et la Maison des Sciences de l’Homme de
Montpellier, la SAIF, Étienne Schwarcz et La Chapelle Gély
Iconographie : Charlotte Ducrot, René Lechon, Julie Savy
Maquette - Suivi de fabrication : Charlotte Ducrot
Photo de couverture : La Romeria © Mairie de Mauguio Carnon
Abonnements et diffusion : Mathilde Grimal
Publicité : Culture.Com
Impression : LPJ Hippocampe, Montpellier
Contact rédaction : [email protected]
Contact annonceurs : [email protected]
des
Contact abonnements : [email protected]
Languedoc - Roussillon
Photos : tous droits réservés. La reproduction totale ou partielle des articles et
illustrations de Patrimoines en région est interdite (sauf accord de la rédaction).
Carrefour
Patrimoines
. Ferronerie
Carrefour des Patrimoines
. Ensembles mécaniques et automatisés
Rencontres pour une éducation à la citoyenneté
La revue Patrimoines en région est éditée dans le cadre du Carrefour des Patrimoines.
Ce réseau compte plus de 350 structures et acteurs en Languedoc-Roussillon impliqués
dans l’éducation et la sensibilisation aux patrimoines culturel, naturel et bâti. Au-delà de
cette initiation au territoire, ce projet commun implique une réelle éducation à la citoyenneté. Le Carrefour des Patrimoines est aujourd’hui porté par :
Homme et Patrimoine
BDB
Chemin de l’ancienne gare
34660 Cournonterral
Tél. : 06 74 63 16 35 - Fax : 04 67 79 76 61
E-mail : [email protected]
Le Passe Muraille
510 A, avenue de Barcelone « Le Jupiter » 34080 Montpellier
Tél. : 04 67 06 96 04 - Fax : 04 67 52 78 44
E-mail : [email protected]
www.lepassemuraille.org
CEMEA Languedoc-Roussillon
501 rue Métairie de Saysset 34070 Montpellier
Tél. : 04 67 04 35 60
E-mail : [email protected]
www.cemealr.org
édito
En couverture : Dans les années 1920, des immigrants espagnols, originaires de la région de Murcia, fuient leur pays et s’installent définitivement à Mauguio, dans l’Hérault. Cette communauté marquera de son empreinte
l’identité du village. La Romeria del Encuentro, littéralement « Le pèlerinage de la rencontre », début juin, est une fête typiquement andalouse. Elle permet aux Espagnols installés à Mauguio de renouer avec leurs racines
culturelles, et à tous les habitants de mieux connaître ces traditions. © Mairie de Mauguio Carnon
Immigration, patrimoine
et vivre-ensemble
L
’association Le Passe Muraille, qui porte la revue Patrimoines en région, fête
cette année ses quinze ans. Et la concordance entre cet anniversaire et le sujet
de ce dossier consacré aux enrichissements migratoires ne nous laisse pas
indifférents… En effet, notre installation sur un quartier associé à l’immigration,
avec ses composantes dans le temps, pieds-noirs, populations du Maghreb, familles
gitanes, africaines ou du Sud-Est asiatique nous place quotidiennement en observateurs privilégiés de cette diversité. Le quartier de la Paillade, à Montpellier, peut
s’enorgueillir de faire vivre ensemble plus de quarante nationalités ! Les immigrés
habitants de ce quartier ne font pas partie des plus fortunés de nos concitoyens, mais
ils contribuent pourtant à enrichir notre région économiquement, culturellement, démographiquement…
Loin des lieux communs qui abaissent la qualité du débat politique à l’approche de
chaque élection, nous abordons le thème de l’immigration avec l’aide des sciences
humaines et sans tabous. Et si nous prenons le temps d’y réfléchir sous l’angle patrimonial, nous sommes assez vite convaincus que l’immigration rime avec enrichissement de notre territoire. Espérons que ce dossier fera aussi méditer ceux qui en douteraient encore. Le patrimoine est un vecteur privilégié d’éducation à la citoyenneté.
C’est notre devise ! L’histoire de l’immigration en est une magnifique illustration et peut
servir de support au monde de l’éducation. Le niveau d’expertise des contributeurs de
ce numéro, associations, universitaires, chercheurs, écrivains, est à la hauteur des
enjeux d’un sujet qui rassemble ceux qui défendent le « vivre-ensemble » comme une
valeur fondamentale de notre république. À l’approche de notre vingtième numéro, je
voudrais enfin rappeler la place réelle prise désormais par la revue Patrimoines en
région dans le paysage médiatique et intellectuel de la région. En ce sens, vos soutiens et vos réactions nombreuses sont précieuses et nous encouragent.
Agenda.............................................................. 4
Dossier.............................................................. 6
Immigrés, ils enrichissent notre région
Cogito................................................................ 19
Xénophobie, aujourd’hui et hier
par Solange de Fréminville
L’œil de l’artiste - Lozère................................... 20
Sophie Palisson, peintre
Architecture et urbanisme................................. 22
L’avenir des terres agricoles
Zoom - Aude...................................................... 24
L’association Péniche Carabosse
Mon métier........................................................ 27
Lissier
Lire, regarder & écouter..................................... 28
Commandez nos anciens numéros ...................... 29
Vie du Carrefour des Patrimoines,
Courrier des lecteurs......................................... 30
Pierre Plancheron
Directeur de la publication
Retrouvez Patrimoines en région sur :
www.carrefour-des-patrimoines.net
PEFC / 10-31-1319
Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement.
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
3
Agenda
La presse locale ancienne sauvegardée
Languedoc-Roussillon livre et lecture a remis en septembre à la Région les disques durs contenant plus de
600 000 pages de 70 titres de la presse ancienne régionale et locale. Ces documents constituent des témoignages uniques sur la vie de la région entre 1804 et
1940. Pour faciliter la consultation et la diffusion de ce
patrimoine, la Région a lancé un programme de numérisation avec la Bibliothèque nationale de France.
Languedoc-Roussillon livre et lecture coordonne cette
initiative qui concerne dix établissements patrimoniaux de la région. Les
données seront bientôt disponibles sur le portail culturel de la Région LanguedocRoussillon. Une grande exposition numérique verra le jour en 2013/2014 pour
valoriser ces fonds auprès des publics. Ce projet mettra en exergue une sélection
d’articles des 70 titres de presse ancienne numérisés. Le thème des transports
a été retenu comme le symbole du développement des territoires à travers les
âges. Des liens avec des établissements patrimoniaux, bibliothèques et archives,
associations, partenaires privés et aussi avec le monde de l’éducation nationale
seront développés.
Sur Internet
Tais-toi et mange catalan !
Qu’est-ce que le rancio sec, comment
est élevée la chèvre catalane, quelle
est la recette de la rousquille ? Des
réponses apportées par le travail
d’actualisation de quinze produits
et recettes réalisé par les élèves
de terminale Bac pro Services en
milieu rural du LPA Claude Simon de
Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales. Ce projet, complété d’une série
photographique, a pour objectif de
faire découvrir le patrimoine culinaire
et alimentaire oublié du LanguedocRoussillon. Il est soutenu par le ministère en charge de l’agriculture dans
le cadre du programme national pour
!taistoietmange
l’alimentation.
http://taistoietmangecatalan.tumblr.com
Le bassin de Thau en images
Le concours photo ExploraThau,
initié par le Syndicat mixte du bassin
de Thau, a rencontré un vif succès
auprès du public, rassemblant plus
de 1200 photos prises par les habi-
4
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
tants qui racontent « leur » lagune
de Thau. Les clichés sont visibles en
ligne, classés par thématique : « Nature insolite », « Nature exotique »,
« Nature poétique » et « Plus jamais
à Thau ! ».
http://concours-explorathausmbt.fr
Tout sur l’art contemporain
Une plateforme d’actualité et d’information consacrée à l’art contemporain en Languedoc-Roussillon vient
de voir le jour sur Internet ! La DRAC
et de la Région Languedoc-Roussillon ont confié la mise en place de
cet outil de promotion de l’art et des
artistes au FRAC Languedoc-Roussillon. Mais que trouve t-on exactement en ligne ?
Tout d’abord un annuaire et un
agenda qui répertorient l’ensemble
des lieux dédiés à l’art contemporain (galeries, écoles, institutions,
lieux privés…) et les événements.
Mais aussi des actualités pour les
professionnels, des parutions, et un
répertoire des artistes en LanguedocRoussillon.
www.artcontemporainlanguedocroussillon.fr
Éducation à l’environnement
L’association Demain la Terre ! a
créé un site dédié à l’éducation à
l’environnement et au développement durable (EEDD) en Cœur
d’Hérault. Ce site participatif gratuit
et accessible à tous permet de
présenter des lieux à découvrir,
des personnes ressources ou des
actualités. Un espace « projets » est
à la disposition des enseignants et
animateurs qui souhaitent valoriser
leurs projets d’EEDD.
www.eedd.fr
La biodiversité dans mon
jardin
L’association Noé vient de lancer la
plateforme web « Jardins de Noé »
qui invite tous les jardiniers amateurs
et professionnels (collectivités, entreprises) à préserver la biodiversité de
proximité en adoptant des pratiques
simples et respectueuses de l’environnement. Dix gestes constituent
la Charte des Jardins de Noé pour
guider les jardiniers : favoriser les
plantes locales, faire son compost,
réduire la consommation d’eau,
éviter les pesticides, etc. Chacun
peut également présenter son jardin
en ligne et partager ses expériences
et savoirs avec les autres jardiniers.
www.jardinsdenoe.org
Au cœur de la restauration
d’une église
La ville de Baillargues lance sur
son site internet une mini-série
de reportages sur les secrets de
chantier de l’église St-Julien. Depuis
plusieurs mois, la municipalité a
entrepris la restauration de l’intérieur
de l’église se trouvant au centre
du village. De nombreux artisans
passionnés œuvrent pour rendre
tout son caractère et son authenticité
à ce monument incontournable du
patrimoine. Cette nouvelle mini-série
invite le public à découvrir l’envers
du décor. Trois épisodes sont déjà
en ligne. Dans le premier, Hubert
Fabritius, Adjoint délégué à l’urbanisme, aux transports et à la gestion
du patrimoine, présente le projet de
restauration. Le second est dédié au
travail du restaurateur/peintre-déco14/11/12 12:22
rateur M. Paillard-Boyer
qui évoque
son métier d’artisan et les particularités de l’église Saint-Julien. Enfin le
dernier épisode, tourné à l’occasion
des Journées européennes du Patrimoine, met en scène M. Berhault,
Architecte en charge de la restauration de l’église. À venir, un quatrième
épisode consacré au métier de
tailleur de pierre.
Découvrez les vidéos sur
www.demain-baillargues.fr
(rubrique Patrimoine et Culture)
Conférences
Débats
&
Les Cafés patrimoine & architectures
À Montpellier au Café Riche
Tout au long de l’année, l’association Patrimoine & Architectures
organise des rencontres conviviales
autour du paysage, de l’urbanisme
et du patrimoine. En ce début
d’année, vous pourrez ainsi échanger avec Corinne Castel-Norgette
le 23 janvier autour du thème « Aux
premiers temps de l’urbanisme »,
Phillipe Coignet, paysagiste, le 6
février « D’un extrême à l’autre » et
Patrick Bouchain, architecte, le 20
mars « Le domaine des possibles ».
Gratuit.
Contact : 04 67 69 37 27 ou
06 87 85 62 48
www.patrimoine-architectures.com
Événements
culturels
Une expo qui décoiffe
Du 13 décembre au 13 avril à
Béziers (34)
Le Musée du Biterrois, musée d’histoire, d’archéologie et d’ethnologie
de Béziers, présente l’exposition
« Ça décoiffe au musée ! coiffes
a découpé la mémoire de l’abbaye en
plusieurs strates dont les tags et les
fouilles archéologiques sont les signes
les plus visibles. Son exposition Fugue
en sol mineur est le fil conducteur de
la programmation pluridisciplinaire
« Aniane In Motus : l’histoire en
mouvement » qui compte également
des lectures, projections cinématographiques, représentations théâtrales,
concerts et rencontres.
Gratuit, sur réservation.
Contact : Office de Tourisme
Intercommunal, 04 67 57 58 83
Des estampes méconnues
d’expos
Jusqu’au 19 janvier à Carcassonne (11)
Les fonds du musée des beaux-arts
de Carcassonne révèlent une collection d’estampes méconnue du public.
En effet, ces œuvres sur papier sont
rarement montrées en raison de leur
fragilité. L’exposition « L’estampe
dans les collections du musée » est
l’occasion de découvrir des pièces de
graveurs de premier plan. Pour prolonger votre découverte, participez aux
conférences qui accompagnent l’exposition : « Jacob Jordaens et l’antique
(1593-1678) » le mercredi 16 janvier à
14h30 avec Marie-Paule Botte ; « Les
animaux à travers l’art » le lundi 4
février à 15h avec Chantal Caillard.
Gratuit.
Contact : 04 68 77 73 70
www.carcassonne.org
Une appropriation de la nature
Jusqu’au 24 février au MRAC de
Sérignan (34)
Exposition de Guillaume Leblon.
Conversation avec l’artiste et le
critique d’art François Piron le 15
février à 15h.
Tarifs : 5€/3€/gratuit
Le PNC expose
Exposition Vivre en Uzège il y a
4000 ans
Vive les maths !
Jusqu’au 20 décembre à Montpellier
L’Université Montpellier 2 organise la
venue de l’exposition « Pourquoi les
Mathématiques ? » pour sensibiliser
le grand public à l’importance des
mathématiques et mettre en évidence leur implication dans tous les
domaines de la vie. Cette installation
conçue et réalisée par le Centre
des Sciences d’Orléans à l’initiative
de l’Unesco tourne dans le monde
entier depuis 2004. Elle est exceptionnellement visible à Montpellier
à la Bibliothèque Universitaire de
l’Université Montpellier 2 (campus
Triolet). Très interactive, l’exposition
s’adresse aussi bien au grand public
qu’aux élèves de tous niveaux : école
primaire, collège, lycée, université.
Gratuit.
Tous les renseignements sur
www.math.univ-montp2.fr/plm
Jusqu’au 30 décembre à Uzès (30)
Depuis une vingtaine d’années, des
fouilles menées dans la région d’Uzès
ont permis de trouver la trace des
habitants d’il y a 4000 ans. Comment
vivaient-ils au quotidien ? Et quelles
étaient les caractéristiques de leur
culture, dite de Fontbouïsse (2800 à
2400 av. J.-C.) ?
Faisant un clin d’œil aux magazines
d’architecture et de décoration, cette
exposition mettra en vedette une
« maison-témoin » préhistorique
fouillée par l’association Archéa à
La Capelle et Masmolène, avec les
nombreuses céramiques qui en proviennent, dont un étonnant fourneau.
Tarifs : 3€/1,5€/gratuit pour les scolaires.
Visites guidées sur réservation.
Contact : Musée Georges Borias,
04 66 22 40 23
http://uzesmusee.blogspot.com
Aniane In Motus : l’histoire en
mouvement
Jusqu’au 23 décembre à Aniane (34)
Le photographe Philippe Bertin
explore la notion d’enfermement mais
aussi d’évasion et d’ouverture dans
le site de l’Abbaye d’Aniane. L’artiste
© Musée Georges Borias, Uzès
Jusqu’au 31 janvier à Florac (48)
Le Parc national des Cévennes vous
convie au château de Florac pour
découvrir une exposition de quarantehuit clichés réalisés par dix agents
photographes du Parc. Faune, flore,
paysages… redécouvrez ce patrimoine
exceptionnel en images.
Gratuit.
Contact : Maison du Parc,
04 66 49 53 00
www.cevennes-parcnational.fr
Guillaume Leblon, Chrysocale # 3, 2005.
Zineb Guérout, vingt ans de
peinture, 1992-2012
Jusqu’au 30 décembre à l’Espace
Riquet, Béziers (34)
Tarifs : 3,10€/2,10€
© JP Malafosse
© Philippe Bertin
Le « Maître de Llupia »
© François Doury. Collection privée.
et couvre-chefs » réunissant une
collection de coiffes de femmes de la
région, du XVIIIe siècle à la mi-XXe,
ainsi que le fonds d’atelier (formes,
feutre et chapeaux) de M. Malart, dernier chapelier de Béziers. Loin d’être
de simples vêtements, les coiffes de
femmes et les chapeaux d’hommes
tenaient à la fois de la parure et du
symbole d’une appartenance sociale,
devenant des éléments identitaires
majeurs liés au costume régional.
Un catalogue viendra compléter
l’exposition.
Gratuit.
Vernissage le 17 janvier 2013 à 19h.
Contact : Musée du Biterrois,
04 67 36 81 61
Jusqu’au 2 février à Perpignan (66)
La Chapelle Notre-Dame des Anges
à Perpignan accueille l’exposition
« Le Maître de LLupia », un peintre
en Roussillon au début du XVIe siècle,
évoqué dans notre n°17. Lors d’une
mission de conservation sur le retable
baroque du maître autel de l’église
paroissiale Saint-Thomas de Llupia
en 1998, on découvre cinq panneaux
datant du début du XVIe siècle. Attribués à un nouveau peintre, le Maître
de Llupia, ils représentent, pour partie,
les rares scènes peintes connues au
monde de la légende de Saint Thomas.
En parallèle de l’exposition, un cycle
de conférences est en cours jusqu’au
26 janvier. Gratuit.
Contact : 04 68 51 77 10
Plus d’informations sur www.cg66.fr
Questions d’images
(visages de sable)
Jusqu’au 31 décembre au Carré
d’art – Musée d’art contemporain de
Nîmes (30)
Expo photo programmée dans le
cadre des 30 ans du FRAC
Languedoc-Roussillon.
Gratuit.
Fiorenza Menini, Empire (2011)
Plus d’événements sur www.carrefour-des-patrimoines.net
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
5
Immigrés,
ils enrichissent
notre région
U
n titre étonnant, direz-vous, au regard des relents racistes, xénophobes et antisémites
du moment. Oui, nous avons voulu mettre en valeur ces Italiens, ces Espagnols ou
ces Marocains, pieds-noirs, juifs ou même nordiques, on le sait moins, qui, au fil
des siècles, ont élu, par choix ou forcés, le Languedoc-Roussillon. Dans un souci de
cohérence avec nos objectifs, dans cette revue et dans l’association qui la porte, Le Passe
Muraille, nous avons délibérément souhaité retenir cet « angle ». En pensant aux enseignants
et à leurs élèves, aux éducateurs de façon générale, et à un public plus large, ouvert à l’altérité
et aux richesses d’autres peuples (leurs langues, leurs chansons, leurs habitudes alimentaires, leur histoire), qui sont venus enrichir cette région. Quand on vient habiter chez un autre,
on le fait souvent en pensant à soi, à sa famille, parfois à sa survie. Par la suite, on peut rester
en repli ou entrer en dialogue avec celui qui accueille. Quand cela arrive, c’est la fécondité
des relations qui gagne à coup sûr. Écoutez ces groupes de musique métissée qui offrent des
sons et des paroles nouvelles.
Celui qui accueille peut, n’oublions pas, adopter aussi ces deux postures : l’acceptation ou le
rejet. Dans le Cogito, nous revenons sur cet épisode évoqué récemment au dernier festival
Cinemed, le massacre des Italiens à Aigues-Mortes. Plus inattendu mais bien réel, nous le
verrons, dès l’école parfois, le rejet peut encore provenir de l’intérieur d’une famille immigrée,
répétant, reproduisant ou mimant des attitudes emportées avec soi de son pays d’origine :
« N’oublie pas, t’es de Fès, moi de Casablanca. » Sans être naïfs ni angéliques - la rencontre
n’est jamais exempte de conflits -, osons à contre-courant le regard constructif ! Apprenons
donc à découvrir toutes les richesses des mouvements migratoires successifs. L’information
et la connaissance là encore sont primordiales. Ainsi les derniers rapports de l’INSEE nous
apprennent-ils, par exemple, qu’en Lozère, la première communauté étrangère est la portugaise(1). Ou encore que les Asiatiques sont en train d’adopter notre région. Ainsi va la marche
du monde avec sa diversité. Après tout, la tour de Babel avant d’être l’expression d’un charivari
n’était-elle pas d’abord une forme de distinction des langues, de différenciation, source de
richesses et de découvertes ?
(1) www.insee.fr/fr/insee_regions/languedoc/themes/dossiers/atlas_immi/SYN0408_LOC1.pdf
6
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
1-
© Charlotte Ducrot
Le groupe de rock oriental Les Boukakes explore le métissage méditerranéen depuis 1998. Leur musique mêle rock, percussions, instruments à cordes
traditionnels et sonorités électroniques. Le nom « boukake » est né de la contraction de « bougnoule » et « macaque », ou quand deux insultes donnent naissance
à une troisième… Prenant le contre-pied, la vingtaine de musiciens et chanteurs méditerranéens qui ont participé à l’aventure des Boukakes depuis la création du
groupe ont prouvé que le mariage de l’Orient et de l’Occident est possible, prolifique et même heureux !
Nouvel album : Punky Halal (oct. 2012)
www.boukakes.com
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
7
Dossier : Immigrés, ils enrichissent notre région
Languedoc-Roussillon
E
Les jalons de l’histoire de l’immigration
n matière d’immigration, la région
Languedoc-Roussillon présente des
singularités fortes : le poids décisif de
l’agriculture, notamment la viticulture,
dans l’immigration de travail ; le phénomène
simultané et croisé des immigrations étrangères
et des émigrations régionales liées à l’exode
rural ; la prépondérance de l’immigration outrepyrénéenne durant près de cent cinquante
ans ; l’importance des vagues migratoires en
provenance d’Algérie puis du Maroc ; enfin,
des formes récentes de migrations nord-européennes liées à l’héliotropisme qui côtoient
d’autres mouvements migratoires liés au
travail, au regroupement familial et à l’asile.
Aujourd’hui, ce passé, longtemps occulté, fait
l’objet d’un intérêt nouveau mais ces relectures
ne sont pas sans risque accru sur les processus
d’ethnicisation(1) des rapports sociaux. Retour
sur six grandes tendances d’une histoire de
l’immigration languedocienne.
Mobilités d’antan
Dès le Moyen Âge et durant l’Ancien Régime,
des étrangers, armateurs, commerçants, diplomates, ingénieurs ou savants, en provenance
du bassin méditerranéen et d’Europe du Nord,
viennent en petit nombre, dans l’espace régional
qui constitue aujourd’hui la région LanguedocRoussillon, commercer ou proposer des savoirfaire rares. Au côté de ces migrants hautement
qualifiés demeurent des étrangers, peu formés
et poussés par le dénuement, qui viennent pour
s’embaucher dans la région, essentiellement
dans les secteurs agricole, de la pêche et de la
domesticité. Tout au long du XIXe siècle, les migrants, le plus souvent saisonniers, qu’ils soient
venus du Massif central ou d’Espagne, sont tout
autant considérés comme des étrangers par les
populations locales que les Gavachs, venus du
Biterrois trouver du travail dans la plaine viticole.
Mais la montée progressive du sentiment national français se manifeste dans la région par des
agressions xénophobes et des rixes collectives,
dont le massacre des Italiens d’Aigues-Mortes
en 1893 est la plus violente illustration.
8
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
Marseille mars 1988, arrivée du ferry boat « Le Liberté » en provenance d’Alger
© Jacques Windenberger, SAIF / Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration, CNHI, 2012
Un pôle national d’immigration
(1ère moitié du XXe siècle)
Si l’espace régional est traversé jusqu’alors par
des courants migratoires de faible ampleur, elle
devient, à l’ère des grandes migrations poli-
tiques et de travail, un des plus importants pôles
nationaux d’immigration. Longtemps de voisinage, majoritairement espagnole, l’immigration
a joué un rôle majeur dans le développement
de la viticulture. En 1911, les cinq départements
qui composent la région (Aude, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales et
Lozère) comptent au total près de 35 000 ressortissants espagnols employés dans le secteur viticole en plein développement mais également réfugiés en France pour des motifs politiques (guerres carlistes,
fin de l’empire colonial espagnol en 1898) -, soit un tiers des effectifs
au niveau national. Au lendemain de la Première guerre mondiale, la
France est la destination privilégiée des Européens à la recherche de
travail et/ou fuyant les persécutions politiques. Dans ce contexte, la
région devient rapidement un des pôles nationaux d’immigration, avec
10% de la population régionale de nationalité étrangère en 1931. Les
Espagnols et les Italiens, majoritairement employés dans le secteur
agricole, sont les plus nombreux. Dans une moindre mesure, la venue
de Polonais, de Tchèques ou de travailleurs indigènes est organisée par
les pouvoirs publics et le patronat en vue de pallier la pénurie de maind’œuvre, dans les mines du Gard notamment. Cette main d’œuvre sert
de variable d’ajustement durant la crise économique des années 1930
et les pouvoirs publics n’hésitent pas, lorsqu’ils le jugent nécessaire, à
la renvoyer dans son pays d’origine.
Exil des Républicains espagnols, persécutions des étrangers et
résistance durant la Seconde guerre mondiale (1936-1945)
Le climat xénophobe qui se développe au cours des années 1930 explique en partie « l’asile à cœur » faits aux Républicains espagnols, lors
de la Retirada, après la chute de la Catalogne, en janvier 1939. En effet,
ceux-ci sont triés et internés, dans des camps construits à la hâte, parfois par les internés eux-mêmes (Saint-Cyprien, Argelès), ou des camps
déjà existants comme à Rivesaltes. Puis, la politique du régime de
Vichy se caractérise par une mise au travail forcé et des internements
« des étrangers indésirables » et des déportations vers les camps de la
mort, notamment Auschwitz, de juifs étrangers. Dès 1940, les étrangers
jouent un rôle actif dans la Résistance au nazisme et lors de la Libération, notamment depuis les maquis des Cévennes.
Des mutations profondes dans la composition de la population
régionale après 1945
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la région connaît de
profondes modifications dans la composition de sa population, tant
du point de vue de sa structure démographique que de ses caractéristiques sociologiques : les conséquences de la guerre d’Algérie
voient l’afflux de pieds-noirs et de harkis à partir de 1962, des accords
de mains-d’œuvre conclus au niveau national entraînent de nouvelles
vagues migratoires dans la région, notamment en provenance de la
péninsule ibérique à partir de 1955, mais aussi du Portugal, d’Algérie
et du Maroc. À partir des années 1970, si l’immigration de travail est
officiellement suspendue, les arrivées d’immigrants se poursuivent,
notamment au travers du regroupement familial. L’apparente stabilité
des chiffres de l’immigration régionale cache de nouvelles évolutions
dans la composition de la population immigrée (importance de l’immigration maghrébine et étiolement des vagues migratoires espagnoles,
naturalisations, féminisation, vieillissement). Dans le contexte de crise
qui met fin à la période dite des « Trente glorieuses », les travailleurs
étrangers sont plus durement frappés par le chômage que les Français, et le Languedoc-Roussillon plus durement touché que les autres
régions françaises. L’activité économique régionale se structure autour du secteur tertiaire délaissant peu à peu les secteurs d’activité
traditionnels des travailleurs immigrés (agriculture, bâtiment et travaux
publics).
Les dynamiques migratoires d’aujourd’hui : héliotropisme, asile et
précarité
Les formes classiques de l’immigration du travail et du regroupement
familial cohabitent avec des formes d’immigration nouvelles, lié à l’héliotropisme, à l’asile et à la pauvreté. Si on prend en compte la catégorie
« immigrés » des statistiques créée en 1995, le Languedoc-Roussillon
en compte 234 000 en 2009. Cela concerne donc 9% de la population
régionale plaçant la région Languedoc-Roussillon au sixième rang des
régions françaises. La période récente se caractérise également par la
diversification des provenances et le passage d’une immigration majoritairement ibérique à une immigration algérienne puis marocaine, en
raison des effets combinés des nouvelles arrivées, des décès et des
naturalisations.
Les effets identitaires de la reconnaissance de « la richesse » de
l’immigration
Depuis quelques années, l’on assiste, à l’instar d’autres régions, à une
relecture du passé qui valorise ces présences immigrées. Ce numéro
de Patrimoines en région témoigne également de cette prise en compte.
Pour autant que cette relecture se veuille attentive à « la diversité » des
apports de population, elle n’est pas sans risque et sans effets sur les
recompositions identitaires. D’un côté, la multiplication des projets de
patrimonialisation(2) de mémoires immigrées alimente, inconsciemment
le plus souvent, l’illusion d’une inscription « naturelle » quoique tardive,
des vagues migratoires concernées dans le creuset régional, omettant
que la « communauté de destins » ou les « racines communes » aujourd’hui valorisées sont le produit de l’activité mémorielle et donc le résultat d’un processus politique actif. De l’autre, l’expression artistique de
populations « issues de l’immigration » ne suffit pas à fonder le « commun ». En découle, dans un cas comme dans l’autre, un risque accru
d’exposition aux logiques ethnicisantes, alors même que les intentions
initiales étaient contraires.
Suzana Dukic, historienne, co-responsable de l’ISCRA-Méditerranée, institut de recherche en sciences sociales, Montpellier
www.iscra.org
Les travaux de Suzana Dukic portent sur l’histoire de l’immigration et
les politiques publiques de lutte contre les discriminations. Un ouvrage
portant sur l’histoire de l’immigration en Languedoc-Roussillon est à
paraître en 2013 aux éditions Trabucaïre.
(1) L’ethnicisation des rapports sociaux est « l’imputation de l’altérité
ethnique à autrui » (F. Lorcerie). Elle repose sur une croyance qu’ont les
individus qu’ils appartiennent ou que d’autres appartiennent à une communauté d’origine. Il s’appuie sur une partition entre « eux » et « nous »
sur la base d’une catégorisation ethno-raciale.
(2) La patrimonialisation est un processus d’identification, de sélection
(classement symbolique) et de sauvegarde (sanctionné par une procédure juridique ou règlementaire) d’héritages matériels ou immatériels.
Elle est marquée par des enjeux identitaires et de mémoires collectives.
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
9
Dossier : Immigrés, ils enrichissent notre région
Grèves et syndicats :
la participation active des étrangers
L’image de l’étranger, « concurrent déloyal et docile », a volé en éclats
en 1903-1904, quand ouvriers italiens et espagnols ont participé à un
vaste mouvement de grèves dans la viticulture. Une mobilisation massive et visible.
C
’est en décembre 1903 que
commence, pour la première fois,
un mouvement massif de grèves
dans la viticulture du Bas-Languedoc
et du Roussillon. À la grande surprise des
observateurs, qui croient la xénophobie
bien ancrée dans les milieux populaires, les
ouvriers agricoles italiens et espagnols sont
invités à participer aux grèves et à adhérer
aux syndicats, ce qu’ils font massivement. « À
Sérignan, où ils étaient très nombreux et où,
chose remarquable, ils étaient alors combattus
par le syndicat, ils se trouvèrent parmi les plus
déterminés ; il fallut dans les réunions publiques
traduire en italien les décisions prises par le
comité de grève », relate Michel Augé-Laribé,
qui est alors un spécialiste de la viticulture
languedocienne. Ouvriers français et étrangers
combattent ainsi côte à côte jusqu’en 1905,
pour obtenir des augmentations de salaire et
l’amélioration de leurs conditions de travail. Le
6 décembre 1904, à Narbonne, alors que la
grève générale est déclarée, l’arrestation d’un
gréviste espagnol, accusé d’avoir menacé de
son bâton des non-grévistes, donne lieu à une
vaste manifestation pour réclamer sa libération.
Mobilisations
Cet élan internationaliste se répand dans le
bâtiment, les travaux publics et l’industrie.
Non sans difficultés et dissensions, car de
nombreux propriétaires viticoles et des patrons
combattent ces mobilisations, notamment en
faisant appel à des nouveaux-venus, recrutés
dans l’arrière-pays ou en Espagne, pour
remplacer les grévistes.
10
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
En réalité, ce n’est pas la première fois que les ouvriers étrangers
participent à des grèves ou même en prennent la tête. En BasLanguedoc et en Roussillon, la nouveauté tient au caractère massif de
cette participation et, plus encore, à sa visibilité dans l’espace public.
La Fédération des travailleurs agricoles du Midi, fondée à Béziers en
août 1903 par des syndicalistes révolutionnaires, est à l’origine de cette
stratégie ouvertement unitaire, qui fonde le succès du mouvement de
grèves sur la participation de tous les ouvriers, quels que soient leur statut
(journaliers, domestiques logés dans les domaines, petits propriétaires)
ou leur origine (natifs, montagnards venus de l’arrière-pays, étrangers).
Des journalistes sont envoyés sur place pour couvrir cet événement inédit.
Gabriel-Ellen Prévot est ainsi chargé par La Dépêche, quotidien populaire
radical né à Toulouse en 1870, de faire le récit des mobilisations. Il en
souligne « le caractère international » : « Quant aux ouvriers étrangers,
j’ai dit déjà que, sur bien des points, ils ont entraîné les ouvriers indigènes
et (…) soutenu l’ardeur des grévistes. »
Quelques années après, la plupart des ouvriers étrangers installés dans
les villages du Midi viticole adhèrent toujours aux organisations syndicales
et participent à des grèves. À Perpignan, les Espagnols se montrent très
actifs dans les syndicats ouvriers du bâtiment. La Bourse du travail affiche
sa volonté de leur ouvrir plus largement ses portes en février 1914 en
publiant un premier article en langue espagnole dans son journal syndical.
Même dynamique à Nîmes, où les étrangers participent au mouvement
ouvrier.
Depuis, bien que les historiens se soient très peu intéressés à la question
en Languedoc-Roussillon, les traces de l’implication des syndicalistes
étrangers sont nombreuses dans les mobilisations collectives, malgré
arrestations et expulsions qui en ont découragé certains.
Solange de Fréminville,
Historienne
Les apports démographiques et économiques
E
n 1931, près de 160 000 étrangers, en majorité espagnols, résident en Languedoc-Roussillon, soit plus de 10 % de la population
totale. C’est le point culminant d’une immigration qui a commencé au milieu du XIXe siècle et
a pris de l’ampleur à partir des années 1910. Ils sont
alors recrutés massivement dans la viticulture comme
ouvriers agricoles, mais aussi dans les terrassements
et la construction. Dans les années 1960, ils sont
encore très nombreux, répartis entre l’agriculture et le
bâtiment. Pour les vendanges, 20 000 à 30 000 saisonniers espagnols viennent chaque fin d’été. Depuis,
le nombre des étrangers décroît. Les Algériens et
les Marocains, devenus majoritaires, travaillent principalement dans l’agriculture et le secteur du B.T.P.
Un apport toujours essentiel. Une étude menée
dans les années 1990 montre qu’un Héraultais (et
un habitant des Pyrénées-Orientales) sur quatre et
un Languedocien sur cinq a un ascendant espagnol.
Aujourd’hui encore, des habitants de Mauguio et Sète
célèbrent la mémoire des immigrants espagnols ou
italiens.
À gauche : Non au racisme, aux expulsions. Montpellier El Assifa, Mouvement des travailleurs arabes (MTA),
collection Saïd Bouziri, 1975 © Génériques
Ci-dessus : Environs de Nîmes, route de Saint-Gilles, travailleurs marocains et espagnols dans les vergers, 1981
© Jacques Windenberger, SAIF / Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration, CNHI, 2012
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
11
Dossier : Immigrés, ils enrichissent notre région
Les petits-enfants de l’immigration
Mémoire d’Escholiers
Se pencher sur l’histoire de ses ancêtres peut devenir un long
voyage dans l’histoire de sa propre famille, mais aussi dans la
sienne. Récit d’un atelier fort riche au collège des Escholiers de la
Mosson, à Montpellier.
L
eïla, Aziza et Myriam se penchent en
cette journée de 2008 sur l’une des
cartes géographiques proposées par
l’enseignant. Le document signale les
lieux de départ d’Espagne dans les années
d’avant-guerre vers la commune héraultaise
de Bédarieux. L’exercice consiste à repérer
le chemin accompli par une famille espagnole
venue de Valence. Deuxième question :
« Détectez les éléments concernant les raisons
économiques, politiques ou autres ayant poussé
ces travailleurs à émigrer chez nous ». Dans cette
classe de troisième, l’atelier réunit les vingt-et-un
élèves tout au long de l’année, une fois par mois.
Toute une équipe s’est ainsi retrouvée autour
du Conseiller principal d’éducation du collège et
responsable de la vie scolaire, Abdou Bayou et
de deux enseignants mobilisés sur l’action.
Révéler l’humain
Il y a aussi les Archives départementales de
l’Hérault avec Philippe Secondy et Brigitte
Rambal, médiateurs culturels, qui offrent
l’indispensable sous-bassement historique,
avec documents et photos : « Nous avons
donc proposé aux élèves des textes illustrant
différentes vagues migratoires dans l’Hérault de
la fin du XIXe au milieu du XXe siècle ; nous avons
eu à cœur de choisir des textes qui révèlent
“l’humain” derrière les mots, facilitant ainsi une
certaine proximité pour les élèves : les Archives
sont vivantes. » Parallèlement, pour l’enseignant,
« sachant que le public de la classe concernée
est composé presque à 100% de jeunes issus
de différentes immigrations, en particulier
maghrébine, tout le travail d’une telle action
consiste à encourager la prise de conscience
de la pluralité en évitant le communautarisme. Il
faut mettre en avant les principes et les valeurs
12
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
sur lesquelles se fonde le pacte républicain. Ce
sera aussi l’occasion de s’exprimer dans le cadre
d’une démarche pédagogique. » Il y encore
l’association Uni-Sons, organisatrice du festival
Arabesques et un conteur Ali Merghache. Car
tout ce travail d’une année doit déboucher sur un
spectacle reprenant les découvertes des jeunes
et offert dans le cadre du festival, en mai, c’està-dire presque à la fin de l’année scolaire. Il y
a enfin l’Adoma de Montpellier, ex-Sonacotra, le
foyer des travailleurs migrants du Maghreb. Le
plus important, bien sûr, reste cette
découverte de la vie autour de
l’émigration souvent tragique de
leurs parents ou grands-parents.
Au cours de l’année, les élèves
sont invités à aller interroger
l’un d’eux sur son trajet jusqu’en
France. « C’est important, reprend
Abdou Bayou, car la première
génération n’a jamais raconté “sa
vraie France”. » Elle est partie à
la fin des années 1950, a connu
les trente glorieuses et le statut
du père, ici, comme dans son
pays d’origine, se résumait à une
formule lapidaire : « Je travaille
en France. » Mais la crise est
venue dans les années 1970,
la famille a rejoint le travailleur
resté seul ici. Dans l’atelier du
collège, quelqu’un raconte un
jour l’histoire d’un grand-père
espagnol parti clandestinement à
travers les Pyrénées, ses peurs,
ses angoisses, la faim et la misère
qu’il a trouvée sur place. Beaucoup
d’émotion se dégage alors au sein
du groupe : chacun revoit à travers
le témoignage son propre ancêtre
et toute sa peine…
« Nous ne sommes
pas pareils ! »
« Cette action d’éducation territoriale intitulée
“Migrations méditerranéennes et mémoires
d’adolescentes”, portée par le Conseil général,
pose aussi à ce public jeune la question de
l’altérité en général, précise Abdou Bayou. Pour
eux-mêmes, au sein du collège, les conflits et
difficultés ressentis s’écrivent au présent. Car dans le collège,
implanté dans un quartier à majorité maghrébine, gitane et
espagnole, les cours de récré sont parfois agitées. Simplement
parce que chacun veut dire à l’autre qui il est, dans sa différence. »
« Le professeur est déjà un médiateur à l’intérieur de la classe,
rappelle le CPE. Comment alors aborder la question du racisme
quand déjà un régionalisme importé fait question : “Toi tu es de
Fès et moi de Casablanca, nous ne sommes pas pareils !” » Lors
du spectacle de fin d’année pris très aussi sérieux par les élèves,
Abdou Bayou en a vu beaucoup pleurer au bout de ce parcours
de la mémoire : « Je me suis surpris à espérer, dit-il, qu’à défaut
d’être réconciliés avec leurs camarades de classe, ils avaient
commencé un chemin de réconciliation avec eux-mêmes. » Car,
comme le dit le projet d’orientation de l’atelier 2012-2013 (voir
encadré ci-contre) : « L’immigration en tant que thème d’étude fait
la différence entre ce qui relève de l’histoire de l’immigration et de
la gestion effective des élèves issus de l’immigration. »
Nos grands-pères les « Chibanis »
L’atelier évoqué s’est déroulé dans une première phase au cours de
l’année scolaire 2008-2009 dans une classe de Troisième du collège
des Escholiers de la Mosson à Montpellier. L‘expérience est en train
de se renouveler depuis la rentrée 2012. Cette fois, on ira plus loin
encore dans la rencontre de l’autre. Le CPE a souhaité lancer l’atelier
en binôme avec le collège Abdellah Ibnou Yassine de Medina Fès
au Maroc sur le thème « Histoire et mémoire : nos grands-pères les
“Chibanis” », évoquant ainsi l’histoire de ces immigrés à qui l’on refuse aujourd’hui encore le droit à la retraite. L’équipe pédagogique du
coup est doublée. Les partenaires restent pratiquement les mêmes.
Un spectacle est prévu, comme en 2008, et une visite à Paris.
Voix sauvées avec l’association Pacim
Quand la Mosson était La Paillade
E
n Janvier 2010, l’association Passeurs
de cultures, passeurs d’images a initié un
projet (soutenu alors par la Région Languedoc-Roussillon, la DRAC LanguedocRoussillon et la CAF de l’Hérault) de collecte de
récits de vie des habitants et des migrants du quartier des Hauts de Massane à l’aide d’un magnétophone. Genèse et mémoire de la naissance d’un
quartier.
Le travail de collecte auprès des aînés a été conduit
sans difficulté particulière et nous avons pu obtenir
quarante-quatre récits de vie traçant des trajectoires
géographiques et culturelles fort variées et apportant des renseignements précis sur les étapes de
construction du quartier. Ainsi nous avons pu rencontrer Paul Salamand, qui a conduit fin 1964 les
premiers travaux de décaissement et d’implantation des voies de l’ensemble du quartier qui s’appelait alors la Paillade : « On a tout débroussaillé, raconte-t-il, ça faisait comme une piste, on se croyait
au désert. Si vous avez assisté à la naissance de
Malbosc, c’était la même chose en un peu plus
grand ! » Plusieurs enseignants qui ont participé
à l’ouverture des écoles primaires « les Troubadours » en 1970 et les « Ménestrels » en 1973 ont
évoqué la répartition de la population du haut de
la Paillade (rebaptisée « Hauts de Massane » en
1990) : « Au début, les populations primo-arrivantes
étaient installées à Phobos, à la résidence du lac
et au Xerès et leurs enfants étaient scolarisés aux
Ménestrels. En revanche, les cinq tours des Tritons
sorties de terre au tout début des années 1970 accueillaient une population relativement diversifiée.
On avait beaucoup de migrants d’origine maghré-
Carnet de voyage
bine, des rapatriés d’Algérie, des petits fonctionnaires, des gens du CHU, des chercheurs, des
chimistes, beaucoup de professeurs, tous étaient
bien logés dans les tours qui offraient de vastes
appartements. L’ambiance était très sereine et n’a
commencé à se dégrader que dans les années
2000 sur cette partie du quartier. »
« Confier des paroles… »
Au cours de notre travail de collecte, les échanges
avec les populations nouvellement arrivées et avec
certaines familles d’origine maghrébine ont été
plus lents à se concrétiser, en raison d’un certain
étonnement devant cette démarche de récolte de
paroles. Peu familiarisées avec l’entretien ethnologique, certaines habitantes ont reconnu qu’elles
craignaient de confier des paroles, dont elles ne
pourraient pas maîtriser les retentissements au
cas où des membres de leur famille ou de leur
communauté viendraient à savoir qu’elles avaient
« parlé ». Mais cette difficulté à s’exprimer peut
sans doute être mise en rapport avec le fait que
les migrantes maghrébines, arrivant adultes en
France pour rejoindre leur mari dans le cadre du
regroupement familial, restent majoritairement en
retrait de la vie sociale en France. Elles taisent souvent le sentiment douloureux d’avoir le cœur entre
deux rives. Comme le confie l’une d’elles : « J’ai
toujours le sentiment que je suis arrivée hier, je vis
en France et en même temps je songe constamment au Maroc ! Je me rends malade de penser à
ma famille restée là-bas. » Cette souffrance de l’exil
paraît transcendée chez les hommes migrants, tout
occupés à s’investir dans des itinéraires professionnels et à satisfaire aux mieux les besoins financiers et logistiques des familles qui les rejoignent.
Ces premières pistes d’analyse nous exhortent à
développer notre compréhension du vécu migratoire dans ses divers aspects, économique, géographique, psychologique, culturel et social. Nous
envisageons notamment de travailler auprès des
publics féminins des associations de quartier, au
moyen d’ateliers de photolangage et d’ateliers ethnocréatifs qui permettront aux acteurs d’origines
émigrées de s’exprimer de diverses manières et de
rendre compte de la complexité de leur expérience
dans un climat de confiance.
Catherine Barrière, anthropologue
Contact : Passeurs de cultures, passeurs
d’images (PACIM), Catherine Barrière,
06 25 77 01 45 ou [email protected]
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
13
Dossier : Immigrés, ils enrichissent notre région
Les pieds-noirs
Une présence active dans la société languedocienne
Jean-Jacques Jordi, historien de la colonisation et de la décolonisation,
revient sur un exode et sur ses nombreux apports dans tous les domaines de la
société. Interview.
Les rapatriés s’entassent dans les entreponts - Collection Port-Vendres des Paquebots
rablement transformé à Montpellier - mais les apports sont tout aussi
nets dans l’agriculture, le bâtiment. Enfin, ils ont poussé les maires à
moderniser leurs villes mais aussi certaines administrations de l’État
comme les PTT par exemple.
P.E.R. Cinquante ans après, peut-on encore parler de « population
pied-noire » en Languedoc-Roussillon ?
J-J J. Le Languedoc-Roussillon est une région majeure dans le rapatriement de 1962. Si Marseille avec son port et son aéroport accueille
la très grande partie de ce flot humain, le deuxième port d’arrivée est
Port-Vendres qui voit passer plusieurs dizaines de milliers de rapatriés. Ces derniers sont très rapidement envoyés sur d’autres villes
de France mais il ne fait pas de doute que Perpignan, Montpellier,
Nîmes, Béziers et Sète en captent une bonne partie. Avec près de
50 000 rapatriés, l’Hérault est le quatrième département d’accueil des
rapatriés, les Pyrénées-Orientales treizième et le Gard quatorzième
avec respectivement 20 000 et 19 000 rapatriés. Ceux qui arrivent recherchent avant tout les grandes villes situées sur le littoral maritime.
De fait, si cinquante ans ont passé, et si la population pied-noire fait
désormais partie de l’histoire du Languedoc-Roussillon, il n’en reste
pas moins qu’elle « anime » à sa façon des villes comme Perpignan
avec le Centre dédié à l’Algérie du temps de la France ou comme
Montpellier avec la Maison des Rapatriés et bientôt le Musée de l’histoire de l’Algérie française, sans compter les multiples associations
de rapatriés qui organisent de grandes manifestations.
Patrimoines en région. Quand on vous dit « apports migratoires des
pieds-noirs », à quoi pensez-vous ?
Jean-Jacques Jordi. Il faut d’abord entendre l’apport démographique. Comme tout exode, celui de 1962 est familial. L’étude des
dossiers des rapatriés de 1962 met en évidence la « jeunesse » de
cette migration originale. Les 0-19 ans représentent plus de 31%
des rapatriés contre 28% en métropole, les 20-39 ans 27,43% des
rapatriés pour 24,7% chez les métropolitains. En revanche, les plus
de 65 ans ne représentent que 16% des rapatriés pour 20% chez
les métropolitains. Sur Montpellier, l’arrivée des pieds-noirs correspond à sept années de croissance démographique et comme il s’agit
d’une population plus jeune que la population montpelliéraine, elle a
davantage d’enfants. Il ne faut pas non plus oublier les apports culturels, économiques - songeons au petit commerce qui s’est considé14
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
P.E.R. Cependant, pourquoi l’évocation des événements de 1962, le
travail de mémoire, le projet d’un musée de l’Algérie… entraînent-ils
toujours aujourd’hui la réouverture de certaines plaies, des confrontations encore virulentes et passionnelles ?
J-J J. Parce que les pieds-noirs ont le sentiment d’avoir été et d’être
toujours « maltraités » par l’histoire, par les différents gouvernements
et par les médias. Leurs souffrances, il est vrai, n’ont pas toujours été
évaluées à leur juste valeur quand elles n’ont pas été déniées ! Et
leur place dans l’histoire reste celle des « colons » alors que les colons proprement dits représentaient moins de 10 % de la population
européenne. Sortir de cette vision manichéenne entre les méchants
qu’ils seraient et les bons qui seraient les Algériens, apaiserait sans
doute beaucoup de tensions.
Le dernier ouvrage de Jean-Jacques Jordi :
Les pieds-noirs, coll. Idées Reçues, Éd. Le Cavalier Bleu
Le Mahzor (fin XIVe, début XVe), trésor
patrimonial juif montpelliérain médiéval.
© Hugues Rubio, Ville de Montpellier
La communauté juive en Languedoc-Roussillon
Sur les traces
de l’internationale andalouse…
L
es déracinés sépharades, contraints de s’adapter à des contrées,
méditerranéennes certes, mais différentes à bien des égards, apportent en héritage la chaleur de l’Orient, mâtinée d’un rigorisme
rituel. Leur judaïsme revivifia le groupe communautaire exsangue
d’après-guerre. La mosaïque locale (6000 âmes) offre aujourd’hui un judaïsme pluriel. Et, ici, ils ont pu retrouver leurs racines. En effet, Montpellier
a la chance de posséder un vestige archéologique exceptionnel : le Mikvé,
bain rituel juif daté du XIIe siècle, retrouvé et restauré l’année du millénaire
de la ville en 1985. L’Espace cultuel hébraïque médiéval où est basé l’Institut Maïmonide, est classé « Monument Historique » et fait l’objet de fouilles
archéologiques afin de mettre au jour une synagogue, des maisons de l’aumône et d’étude, composantes de la Schola Judeorum selon les sources
latines chrétiennes et les documents hébraïques. La cité a conservé dans
la partie aragonaise, le support matériel de la pratique religieuse de sa collectivité juive : mille individus au temps de son âge d’or vers 1300.
Un institut d’études juives
Un autre vestige juif médiéval, livresque, seul manuscrit connu du rite local,
dit « Mahzor Montpellier », est venu enrichir les trésors patrimoniaux municipaux. Rédigé dès l’expulsion des Juifs de Montpellier (XIVe s.) au début de
l’exil dans le Comtat Venaissin, ce manuscrit en dialecte séfarade provençal de l’hébreu, appartenait à la communauté juive de Modène à la fin du
XVIIe. Un recueil qui narre la liturgie de la communauté et les derniers instants de son existence. La Ville de Montpellier a récupéré cet héritage, lors
d’une vente aux enchères à Londres en 2008. L’Institut, pour son dixième
anniversaire, a organisé l’exposition Écritures sacrées hébraïques. SoferScribe, Archives de la Ville, 2010, qui s’est articulée autour du Mahzor.
La création de l’Institut Maïmonide participe d’une volonté commune, manifestée en 2000 par Georges Frêche et l’ancien Grand Rabbin de France,
René-Samuel Sirat, tous deux universitaires. Doter la ville d’une structure
chargée d’œuvrer sur le Montpellier originel aux racines hébraïques avérées en créant un institut d’études juives dans la « Ville du Mont », Ir ha-har,
l’une des appellations hébraïques de Montpellier au Moyen Âge. Car cette
dernière a représenté une oasis de tolérance (Édit de Guilhem VIII) : accueil
aux individus et ouverture aux sciences. Le programme de la licence en
1309 juxtapose les médecines antique (Galien), arabe (Avicenne, Razès),
et juive d’expression arabe (Israeli). Le Languedoc a été une terre d’accueil
pour les Juifs d’Andalousie, fuyant les Almohades. Cette « internationale
andalouse » véhicula en Occident la culture andalouse d’expression arabe
nourrie aux sciences antiques. Les Juifs occitans ont été le trait d’union
entre l’Ibérie musulmane et la chrétienté féodale.
À Narbonne, les Kimhi ont véhiculé un savoir exégétique ; à Lunel et Montpellier, le lignage Tibbonnides a été à l’origine d’une vaste entreprise de
traduction de l’arabe en hébreu : Jacob ibn Tibbon (en occitan Don Profiat) échangera des recettes médicinales avec Armengaud Blaise, neveu
d’Arnaud de Villeneuve et traduira avec ce dernier son propre travail de
l’hébreu au latin par le biais de la langue vernaculaire.
Michael Iancu, Docteur en histoire et Directeur
de l’Institut Maïmonide
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
15
Dossier : Immigrés, ils enrichissent notre région
L’arrivée des gavachs en pays de garrigue
L’équipe de foot où les fils gavots se retrouvent mêlés aux enfants des vieilles familles
du village, ainsi va l’intégration – 1921. DR
P
our désigner ces immigrés de l’intérieur, les Gardois disent gavot.
Du côté de l’Hérault, le mot gavach (ou gabatch) est préféré.
Désormais le terme est peu utilisé, et si l’on se moque de quelqu’un
en le traitant de gavot ou de gavach, c’est généralement sur le
mode de la plaisanterie. Mais jusque dans les années 1960-1970, le terme
est franchement péjoratif, il désigne des attardés, des rustres venus de
la montagne. Pourtant cette population a joué un rôle significatif dans le
développement économique de la zone d’immigration.
Au début du XXe siècle, les enfants mâles des
riches familles villageoises étaient incités à suivre
des études pour devenir médecin, pharmacien,
notaire ou autre profession prestigieuse. Des
domaines viticoles se trouvaient sans homme
pour prendre la relève. Le phénomène se
répand au lendemain de la guerre de 14-18. Les
propriétés s’abourissaient (étaient à l’abandon).
Les travailleurs arrivés de la montagne comme
ouvriers agricoles trouvaient là une grande
opportunité de devenir fermiers. Les terres
pouvaient même leur être vendues, payables sur
plusieurs années. De même, des ouvriers maçons
sont devenus maçons, des bergers ont eu leur
propre troupeau et sont devenus bouchers.
Si l’apport économique est visible, l’apport en
terme culturel l’est beaucoup moins. Les gavots/
gavachs arrivaient en situation de dominés,
leur façon de s’habiller, leur démarche, leurs
manières, leur langage était raillés. « Tu sembles
un gavot » : Tu es habillé comme un plouc. Un
« travail de gavot » qualifie un travail grossier. Il
faut dire que les montagnards n’avaient jamais
conduit un cheval, jamais travaillé la vigne, alors au début ils faisaient des
« virouns » (sinuosités) en labourant, ils ne paraient pas (ils ne coupaient
pas bien au ras de la souche) lorsqu’ils taillaient les sarments. Le seul
impact culturel indéniable semble l’arrivée de catholiques dans des zones
protestantes comme la Vaunage avec, à la clef, des conflits autour du
mariage mixte. Voilà en raccourci une histoire qui rappelle celle de bien
d’autres mouvements migratoires.
René Domergue
Professeur agrégé de sciences sociales,
auteur de La Parole de l’estranger (Éd. L’Harmattan)
Travail de gavot
Concernant les villages de garrigue et des « terres basses », il faut savoir
que l’arrivée des « montagnards » a constitué un apport considérable de
population au XIXe siècle et jusque dans les environs de 1920, voire 1930
dans certains cas. À cette époque, la vigne occupait de vastes territoires
et l’essentiel du travail se faisait « à bras ». Les montagnards hommes,
femmes et enfants venaient faire les vendanges. Des hommes étaient
recrutés comme ouvriers agricoles. D’autres étaient aussi embauchés
comme bergers, comme ouvriers maçons, ou comme cantonniers. Les
hommes avaient la réputation de chourler (picoler), mais c’était vrai surtout
pour les vendangeurs. Il faut dire qu’à l’époque, les travailleurs de force
buvaient facilement leurs trois litres de vin par jour. Les gavots/gavachs
avaient surtout la réputation d’être durs à la tâche, qualité essentielle du
point de vue des employeurs.
16
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
En savoir plus : www.renedomergue.com
Gavot
: homme grossier, rustre (...) Sobriquet que l’on donne
en Provence aux Montagnards des Alpes et dans le Languedoc à
ceux de Lozère. Frédéric Mistral, Lou Tresor dóu Felibrige, dictionnaire provençal-français.
Voir aussi le Dictionnaire étymologique des langues d’Oc :
www.etymologie-occitane.fr
Témoignage
Mes amis les Gitans
Elle n’a jamais cessé de fréquenter le monde gitan depuis ses premières années d’étudiante à Montpellier. Chantal Delmas, ancienne présidente de l’APAJ*, le connaît bien.
Elle revient sur ce qu’elle a découvert en fréquentant des familles, de Montpellier à
Perpignan et même dans le Vaucluse. Histoire d’une fidélité… réciproque.
«M
on premier contact avec les
Gitans remonte à l’année
1955 dans le bidonville des
“Barques”, un amoncellement de baraques près d’un vieux bâtiment
en ruine dit “le château”, au bord du Lez. Avec
d’autres étudiants, nous vivons alors des rencontres régulières avec une quarantaine de
familles. L’univers est insolite : elles sont installées dans la boue avec les nombreux petits
enfants mais nous vivons des soirées amicales
autour d’un feu avec quelques guitaristes issus
des familles présentes, et parfois, cerise sur
le gâteau, avec Manitas de Plata venu voir
sa mère. Ensemble, étudiants et familles se
sont épaulés pour trouver un autre habitat qui
deviendra la cité de transit de Celleneuve près
de la cave coopérative, grâce à la participation
très active de la Caisse d’Allocations Familiales. Parallèlement, de 1959 à 1961, à l’École
Gitane de Figuerolles, nous préparons une
vingtaine de jeunes filles au certificat d’études
acquis par plus de 60% du groupe. Les années
suivantes s’édifient des maisons en dur assez
sommaires à Celleneuve.
Accueil sans réserves
1-
Avec l’APAJ, nous offrons un appui aux familles
pour les aider à intégrer l’école de Celleneuve.
Dans les années 2000, les mêmes familles se sont agrandies et implantées
aussi désormais à la Paillade, à Montaubérou et Marels, à Gély et Figuerolles… Retour vers des moments de vie ensemble : animations diverses,
fêtes, participation à des temps de deuil, etc. Au cours de toutes ces années,
ce que les Gitans m’ont apporté de plus significatif, c’est un accueil sans
réserves grâce à la connaissance et au respect mutuels. C’est la découverte
de qualités créatives multiples : dans la musique, la danse, les solutions
à trouver pour manger tous les jours, rafistoler la voiture, la caravane ou
l’appartement – une solidarité familiale qui s’étend à celui qui vit près d’eux –,
le courage de résister aux représentations courantes : voleurs de poules,
fainéants, délinquants… Du chemin reste à faire pour se comprendre et
s’apprécier tout en reconnaissant les insuffisances et les qualités des uns
et des autres. »
« Lili - guinguettes gitanes / la Chapelle » © eitan.S
Cette photo fait partie de la collection « mémoires gitanes » qui
restitue des instants de vie et les donne à voir pour partager, découvrir,
se questionner… sur sa propre identité. Deux photographes, deux
hommes, deux regards, deux périodes contemporaines se croisent,
se rencontrent à travers les images multiples de la communauté
gitane montpelliéraine. Les prises de vue se focalisent sur le quotidien
sans oublier le temps de l’évasion, l’instantané des fugues : vacances,
célébrations, transitions, fêtes traditionnelles et rassemblements
familiaux.
*Accompagnement de Parcours Adultes et Jeunes
APAJ - centre gitan, 6 rue Dom Vaissette à Montpellier
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
17
Dossier : Immigrés, ils enrichissent notre région
Cuisines du monde : échangeons nos recettes !
Italiens, Espagnols, juifs d’Algérie, Gitans ou Africains, ils ont apporté
ici leurs saveurs et leur savoir-faire culinaire. Petit tour des tables et
habitudes alimentaires. Et si on échangeait plats et saveurs…
Les haricots « moungettes »
en cassoulet
Chantal Ciglia et ses amies gitanes ont pris beaucoup de plaisir à
rédiger Tous à table, les gitanes aux fourneaux. Au centre gitan de la
rue Dom Vaissette, à Montpellier, elles testent les recettes à la cantine.
Mais aimeraient le faire aussi avec les « payous » (les non-gitans).
En voici une, tirée de l’ouvrage.
Pour 10 personnes
Faire tremper 1 kg de « moungettes » (haricots secs) la veille.
Les faire cuire avec un os de jambon.
Lorsque le tout entre en ébullition, remuer avec une cuillère en bois.
Écumer régulièrement et laisser cuire 3/4 d’heure à feu moyen.
Faire revenir, à part, un poulet découpé en morceaux, 500 g
de saucisse avec de l’ail et un oignon.
À coloration, ajouter une boîte de concentré de tomate et une grosse
boîte de tomates pelées.
Ajouter sel, poivre, thym et laurier.
Noyer avec de l’eau et laisser mijoter à feu doux 20 mn.
Égoutter les haricots, les ajouter à la sauce, ajuster l’assaisonnement
Servir bien chaud.
Tous à table, les gitanes aux fourneaux, Salvaje productions et
A.P.A.J. centre gitan, 10 €.
Afrique : vive le poulet yassa
La cuisine des pays d’Afrique noire est moins connue des Français.
Ces pays sont des destinations peu touristiques et les
rares restaurants africains en France
n’attirent que les connaisseurs ou les
nostalgiques qui ont vécu au sud du
Sahara. Peut-être l’image d’un continent
affamé n’attire pas les profanes.
Pourtant le patrimoine culinaire
africain est riche et quelques uns de
ses plats se diffusent dans le monde.
Le poulet yassa, mariné dans le citron,
grillé puis cuit avec beaucoup d’oignons,
est facile à cuisiner et les palais novices s’en
accommodent facilement. Les bananes plantain, à cuire
ou mieux, à frire, les ignames et les patates douces à cuisiner comme
les pommes de terre, se trouvent maintenant chez de nombreux
primeurs, signe que ces produits typiquement africains gagnent les
18
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
cuisines domestiques. N’oublions pas non plus que l’huile d’arachide
vendue en France vient majoritairement du Sénégal où la culture
de la cacahuète a été introduite par les colons à partir de 1850.
Le carcadet (feuilles séchées d’hibiscus), aussi appelé bissap en
Afrique où il est très consommé, commence à apparaître servi en
boisson fraîche dans la restauration. Une entreprise dont le siège
est à Montpellier, Racines SA, s’est spécialisée dans l’importation en
France, et même en Europe, de produits alimentaires africains. On
retrouve ces produits dans les épiceries africaines ou internationales.
Nicolas Bricas, socio-économiste - Cirad Montpellier
Maghreb : le tajine de pommes de terre
aux olives
Pour 4 personnes
Prévoir 500 g d’agneau (pour tajine), 3 gros oignons, 3 échalotes,
500 g de pommes de terre, 3 carottes, 2 cubes pot-au-feu dégraissés,
1 cuillerée à café de cumin, 1 sachet de safran colorant, un citron,
100 g d’olives vertes.
Dans
une
marmite,
faire revenir avec 4
cuillères à soupe d’huile
d’olive les morceaux
d’agneau (préalablement
saupoudrés des cubes
de pot-au-feu dégraissés
émiettés ainsi que du
cumin et du safran)
avec
les
oignons
et les échalotes coupés en fines lamelles. Poser le couvercle
et laisser mijoter à feu très doux pendant 45 mn en prenant
soin de remuer de temps en temps et, si nécessaire, ajouter
un peu d’eau (sans excès). Verser les pommes de terre et les
carottes ainsi qu’un citron coupé en rondelles et les olives vertes.
Ajouter un verre d’eau (25 cl) et laisser cuire environ vingt-cinq à trente
minutes à feu doux. À l’aide d’une fourchette, assurez-vous que les
pommes de terre et les carottes sont cuites. Et bon appétit !
Khadra Ouadoud
D’autres goûts encore…
Dégustez aussi la coca à la frita des pieds-noirs, la Hallah des juifs
(brioche de shabbat), le minestrone italien. Hum… c’est délicieux !
dùpariq:JÙ
Cogito
Xénophobie, aujourd’hui et hier
Par Solange de Fréminville, Historienne
À
Aigues-Mortes, dans la nuit du 4 au
5 août 2012, un couple a pourchassé
de jeunes Français à coups de fusil
en les traitant d’« Arabes ». Cela,
juste après la victoire du Front National aux
législatives dans le sud du Gard, et alors que,
depuis des années, des discours politiques et
médiatiques exaltent « l’identité nationale »,
légitiment l’expression de la haine de l’Autre et
stigmatisent les enfants d’immigrés… Comment
expliquer le phénomène xénophobe ? C’est
à la fin du XIXe siècle, qu’en France, l’hostilité
aux étrangers s’exacerbe fortement. L’incident
le plus sanglant se produit à Aigues-Mortes :
le 17 août 1893, au cours d’une émeute,
des ouvriers français agressent et tuent des
saisonniers italiens employés à la récolte du sel.
Bilan officiel : huit morts et une cinquantaine de
blessés(1). Dans ce qui s’appelle aujourd’hui la
région Languedoc-Roussillon, se sont produits
au total une cinquantaine de faits xénophobes
de 1882 à 1914, violences collectives, rixes,
réunions publiques, manifestations, pétitions (2).
Ainsi, sur le port de Sète, en 1888, des
centaines d’ouvriers réclament le renvoi des
Italiens. À Belvèze (Aude), le 30 avril 1894, le
chantier de chemin de fer est le lieu d’un vaste
rassemblement pour chasser les Espagnols.
À Perpignan, le 16 avril 1900, deux marchands
espagnols sont lynchés par de jeunes Français,
à la suite d’une violente bagarre. Ces faits, parmi
d’autres, illustrent l’ampleur de la xénophobie,
également observée par les historiens dans
d’autres régions, du nord jusqu’au sud-est de la
France(3).
Le rejet de « l’étranger », qu’il soit d’une autre
région ou d’une autre nation, n’est pas alors un
phénomène nouveau. Et la crise économique
majeure, des années 1870 jusqu’au milieu des
années 1890, aggravée par les ravages du
Petit Méridional et La Dépêche, qui sont les outils
de la conquête électorale réussie du territoire
par les radicaux, célèbrent la nation. Ils militent
en faveur de la protection du travail national et
se posent en défenseurs des ouvriers français
face à la « concurrence étrangère ». Comme la
plupart des journaux, alors en pleine expansion
en France, ils véhiculent également la figure de
l’étranger criminel, incarnée
par « l’Italien au couteau »,
l’espion
allemand,
ou
l’assassin
espagnol.
Cela
Le 17 août 1893, au cours d’une
peut expliquer, dès lors, que,
émeute, des ouvriers français
pour dire leur colère et leurs
revendications, des ouvriers
agressent et tuent des saisonniers
croient légitime de clamer
italiens à Aigues-Mortes.
leur identité nationale et
de s’en prendre aux « non
nationaux ».
phylloxéra dans la viticulture, explique le fort
mécontentement populaire, lié à la dégradation
de la situation sociale et à l’obligation pour nombre
de paysans, d’artisans et d’ouvriers qualifiés,
d’accepter des emplois non qualifiés, mal payés,
notamment sur les chantiers, où sont également
embauchés des étrangers. Cependant, ces
deux facteurs ne suffisent pas à expliquer la
montée de la xénophobie, qui s’est prolongée
jusqu’en 1914. D’autant que l’immigration
est relativement faible en Bas-Languedoc et
en Roussillon au cours de la seconde moitié
du XIXe siècle. Entrent également en jeu les
profondes mutations politiques et sociales liées
à la naissance de la IIIe République. L’État-nation
intègre alors pour la première fois l’ensemble de
la population de paysans et d’ouvriers, désormais
citoyens français, appelés à voter, à s’informer
en lisant les journaux, à bénéficier de l’instruction
publique et de lois sociales... En Bas-Languedoc
et en Roussillon, les quotidiens populaires, Le
(1) L’historien Gérard Noiriel a retracé très
précisément et expliqué ce « pogrom » dans Le
massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août
1893, Fayard, 2010.
(2) Solange de Fréminville, La xénophobie dans
le Midi viticole (1880-1914), thèse d’histoire,
EHESS, 2011.
(3) Laurent Dornel, La France hostile : sociohistoire de la xénophobie (1870-1914), Hachette
Littératures, 2004.
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
19
L’œil de l’artiste | Lozère
Sophie Palisson
peintre
© René Lechon
La terre… et la vie
O
n ne peut pas découvrir la peinture de Sophie Palisson, installée
à La Canourgue, en Lozère, sans
commencer par un tour du marché sur la place au Blé en sa compagnie,
le mardi. Les commerçants la connaissent.
Le boulanger ce jour-là lui offre une tranche
de fougasse. Puis direction la galerie d’Art
du centre-ville, où deux de ses œuvres sont
exposées. Enfin, pas très loin, on entre dans
son atelier, ouvert à la lumière. « C’est vrai
que l’art est pour moi vecteur d’émotion et
de partage, explique-t-elle. Ces gens que
nous venons de croiser, je les connais. Il
m’est arrivé, pour l’un ou l’autre, d’en faire
le portrait, comme pour ce vieux Lozérien
au chapeau, avec qui nous avons passé
de longues heures à échanger… » Il est là,
dans son salon, sur une toile qui porte l’empreinte de la terre, sa terre de Lozère : « Je
travaille avec la terre, dit-elle, en remuant
dans des sachets de belles couleurs de
terre en poudre : ocre, terre de Sienne, vert,
jaune… Ensuite, au couteau ou à la brosse,
je commence par une couche épaisse en
bas. En remontant sur la toile, les tons vont
s’éclaircir. J’utilise au moins cinq terres
différentes. Puis, je fais confiance à mon
tableau, j’attends et me laisse surprendre. »
Toutes ses œuvres portent ainsi la marque
de tons doux où l’on perçoit lumière, chaleur
et effectivement une forte empreinte de terre
travaillée. Les sujets, eux, laissent transparaître ses thèmes de prédilection : le fantastique, l’imaginaire, la féérie, le merveilleux…
Classes patrimoine
Cette Aveyronnaise de quarante-deux ans,
qui a étudié la peinture à Paris, est intervenante en arts plastiques dans les collèges
et lycées d’alentour : « Avec le plaisir, le
jeu et un éveil de la curiosité, on peut tout
transmettre », selon elle. Elle le fait grâce
à l’utilisation de divers matériaux - comme
la terre, toujours - et pratique avec eux des
détournements d’outils, par exemple. La
plasticienne anime parfois des classes patrimoine comme à Sainte-Colombe-de-Peyre,
en lien avec le site de Javols, travaille avec
des personnes en situation de handicap
ou, comme avec l’atelier des sansonnets,
à Aumont-Aubrac, elle provoque, autour de
l’art, des rencontres entre générations. « Je
commence juste à pouvoir vendre quelques
toiles, avoue cette artiste, mère de deux
enfants, qui vient d’être honorée dans une
exposition en Touraine pour la toile “ Double
Monde ”. Ce n’est pas suffisant. Voilà pourquoi je travaille en plus à tiers-temps dans
le transport ambulancier. » Encore de nouvelles occasions d’échanges… qui déboucheront peut-être sur d’autres toiles. L’art et
la vie ne font qu’un, chez Sophie Palisson.
Contact : 06 77 36 59 73
Ci-contre : Sans Titre
© Sophie Palisson
20
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
21
Architecture et urbanisme
L’avenir des terres agricoles
La carotte ou le… béton ?
Pas un jour sans qu’un article de presse ne nous abreuve de chiffres et de
démonstrations éloquentes sur la dramatique disparition des terres agricoles
au profit de l’urbanisation. Pourtant, malgré cette indignation déclarée, le
phénomène poursuit sa progression. État des lieux.
Le cadre de vie offert par la majorité des lotissements : des espaces publics de bitume à l’usage exclusif de la voiture,
une juxtaposition de parcelles bâties étrangères les unes aux autres et à leur environnement, des rues sans attraits. DR
L
’afflux permanent de nouveaux habitants dans notre région et la diminution du nombre de candidats à la reprise d’exploitations agricoles ont engendré une situation alarmante. Politiques et citoyens,
nous sommes tous concernés et impliqués !
En amont, les élus donnent le ton par le biais de décisions politiques traduites dans les documents d’urbanisme. Où urbaniser ? Comment urbaniser ? Comment préserver la terre pour un futur relativement proche ?
En 2050, la perspective d’une population mondiale qui atteindra 9 milliards d’habitants* pose la question de nos ressources alimentaires. Si les
échéances mondiales ne semblent pas nous toucher directement, localement l’épuisement des ressources est déjà notable et la préservation du
22
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
capital agricole ne peut passer que par une volonté politique forte. Les
conséquences de la crise des filières agricoles ne devraient pas se traduire par un droit à urbaniser les terres délaissées ! Celles-ci pourraient,
un jour prochain, accueillir à nouveau des cultures. Pour aider aux choix
politiques, des chercheurs ont mis au point des outils très performants
pour éclairer les élus sur les options d’urbanisation des territoires, en
proposant une connaissance précise des potentialités des sols**.
Mais les choix urbanistiques ne sont pas seuls en cause, ils sont le
reflet des sollicitations des sociétés. Exprimant toujours un goût prononcé pour les nappes de lotissements qui consomment souvent les
terres les plus fertiles, les citoyens ont aussi leur part de responsabilité.
Il est parfois bon de retrouver les fondamentaux : réserver les bons sols aux cultures et bâtir sur les terres pauvres ou incultivables.
Tous les villages et hameaux anciens de nos contrées en sont l’illustration. Ici Vieussan (34) s’adosse contre le versant sud d’un coteau qui le protège des vents froids et profite
d’un ensoleillement optimal alors que les cultures s’étendent dans la plaine. DR
Combien adhèrent toujours au modèle idéalisé de la villa au milieu de la
parcelle ? Aujourd’hui, le prix du carburant, la durée des déplacements et
bien d’autres effets négatifs révèlent un piège grave qui s’amplifie chaque
jour. En réaction, mais assez récemment, d’autres modes d’habiter sont
explorés et expérimentés, un urbanisme aux espaces publics généreux,
des petits collectifs financièrement abordables, des habitats participatifs,
des compositions de quartiers offrant des possibilités de partage et de
convivialité, les écosystèmes respectés et, bien sûr, des espaces agricoles
préservés et valorisés.
L’habitat méditerranéen, dans toutes ses composantes revues à l’aune des
progrès technologiques, pourrait ainsi se renouveler, portant toujours les
vertus sociales et climatiques dont il est pétri.
Michèle Bouis, architecte-urbaniste, CAUE de l’Hérault
* Au dernier recensement, la population du Languedoc-Roussillon
atteignait 2,6 millions d’habitants, elle affiche la croissance la plus élevée
de France. L’Hérault connaît la plus forte augmentation avec 5% de
hausse en 10 ans (Source Insee).
** Contacts :
Service Régional des Territoires et du Développement Rural, 04 67 10 18 91
Association Climatique de l’Hérault (ACH), 04 67 04 03 20 - www.ach34.fr
Pour en savoir plus
Les carnets Habiter sans s’étaler du CAUE de l’Hérault téléchargeables sur le site : www.caue-lr.org, rubrique documentation.
Carnet 1 : « L’habitat individuel autrement – Pour une maîtrise
du développement urbain dans l’Hérault »
Carnet 2 : « Les lotissements résidentiels – Pour une composition urbaine et paysagère de qualité dans l’Hérault »
Carnet 3 : « L’habitat individuel à qualité environnementale
en Méditerranée – Pour une construction bioclimatique et innovante dans l’Hérault »
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
23
Zoom | Aude
Sur le Canal du Midi
Embarquez sur la péniche Carabosse
«T
enez-vous prêts les enfants… Tous sur bâbord.
Chacun tient son morceau
de pain ? Alors, à trois, visez
bien la bouche de l’ermite. » Et c’est ainsi
que les enfants embarqués à bord de la
péniche Carabosse reconstituent une scène
de légende, sorte de conjuration du mauvais sort pratiqué par les mariniers d’antan
quand ils franchissaient le tunnel du Malpas.
Récit d’une immersion peu commune...
Des classes primaires nombreuses à bord
au printemps, des groupes de jeunes en
été : tous se familiarisent avec cet environnement si particulier offert par le Canal du
Midi. Rencontres au tunnel du Malpas, à Capestang, à Sallèles d’Aude, au Somail, ani-
24
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
mations mises en place par des structures
locales apportent tout un savoir au sujet du
Canal du Midi. On visite le patrimoine historique proche du canal : les villes, les villages, les sites archéologiques. On parcourt
le patrimoine naturel traversé par le canal :
le milieu maritime, les fleuves, les étangs,
la lagune, la sansouïre, découvrant ainsi
au passage l’importance de l’eau et de sa
préservation. On découvre la culture de la
vigne, les vergers, la garrigue et récemment
les céréales, la faune et la flore tellement
riches en ces lieux. Ainsi se révèle peu à peu
le canal de Riquet dans toute sa splendeur,
et aussi, aujourd’hui encore, le travail des
hommes qui l’entretiennent pour permettre
une navigation harmonieuse et sans dan-
ger. Le jeune public s’approche, jour après
jour, de cet ouvrage exceptionnel. Sous des
dizaines de regards émerveillés défilent les
ouvrages d’art. La voie d’eau « royale » dévoile ses secrets et répond à tous les « pourquoi » des enfants.
Souvenirs inoubliables
Pour cette découverte en « immersion »,
le meilleur outil est la péniche elle-même,
aménagée pour la circonstance. Les jeunes
navigateurs vont monter à bord et y vivre
durant une semaine. Ici, vie collective intensive, temps d’écoute et de travail vont alterner avec les moments de jeux à terre. Réflexion et discussion à bord sont par ailleurs
À bord de la péniche Carabosse ou à terre, les enfants découvrent le patrimoine culturel et naturel
du Canal du Midi (DR)
suivies de visites et de rencontres à terre. Le bruit du moteur le
matin donne le signal : on va larguer les amarres. L’équipage du
bord a à cœur de communiquer et d’expliquer le déroulement
de la journée à venir. Cette itinérance quotidienne, la lenteur
du déplacement, les silences de la nuit et cette vie collective
laisseront à la fin de l’expédition des souvenirs forts dans la
mémoire des enfants et de leurs professeurs.
L’avis d’un professeur
« Ce grand bateau, par sa capacité à accueillir un groupe
d’enfants et l’enseignant, met d’emblée l’accent sur des valeurs
de plus en plus pertinentes de nos jours : partage, économie,
respect d’autrui, autant de bases humaines de l’écocitoyenneté. Toute l’année, nous préparons la classe pour ce moment
précis, tout y est discuté : où, quand, comment, avec qui, pourquoi… Les parents soutiennent le projet et une fois les autorisations acquises, arrive enfin le jour J ! “ C’est grand… C’est
petit… On n’y rentrera jamais tous…, c’est comme dans une
vraie maison… ” Il faut voir les expressions des enfants lors du
premier contact avec la péniche à quai. Ensuite, tout ce petit
monde monte à bord et cela va très vite. En quelques heures
les mesures de prudence et de sécurité sont prises, les repères
aussi. On peut commencer à vivre un temps d’exception. »
w
C
de la pénic
arte d’identité
he Carabosse
mètres de
Normandie, 30
en
n
io
ct
tru
ns
1934 : Date de co e.
larg
dans les
long, 5 mètres de
diverses jusque
s
se
di
an
ch
ar
m
s
A transporté de
.
Toulouse à Sète
tuels et
de
70
19
années
s propriétaires ac
le
r
pa
e
ch
ni
pé
la
ouverte des
1978 : Achat de
s éclusiers. Déc
le
,
rs
ie
in
ar
m
s
le
rencontres avec
du Midi.
al
an
aménageC
du
240 km
de la péniche et
at
ét
en
e
is
m
teau
1983 : Grande re s groupes à bord en tant que « ba
de
ir
ment pour recevo
ur 30 personnes.
ne de l’huà passagers » po
Midi au Patrimoi
du
al
an
C
du
t
1996 : Classemen
niche Caramanité
l’association pé
s,
an
30
t
tô
en
s découvrir
2013 : Depuis bi
enfants et adulte
e
èn
m
em
ge
pa
ui
bosse et son éq
nes.
d’histoires humai
s
he
ric
ux
ea
des
Associagère la péniche.
se
os
ab
ar
C
e
ch
ni
n nationale,
L’association pé
rément Éducatio
ag
un
nu
te
ob
a
européen lui
tion loi 1901, elle
communautaire
is
rm
pe
le
et
t
compte, à
Jeunesse et spor
passagers. Elle
s
de
r
rte
po
ns
, PSC1, surpermettant de tra
és, BAFA, BAFD
ôm
pl
di
s,
rié
la
de bateau à
l’année, trois sa
at de conduite
fic
rti
ce
et
de
na
veillant de baig
passagers.
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
25
Publi-rédactionnel
Ils ont du caractère, ces villages !
C
onjuguer patrimoine historique et séjour touristique
dans de jolis villages de moins de 2000 habitants,
c’est un devoir bien agréable quand on traverse le
département du Gard.
Zoom aujourd’hui sur le label « Village de Caractère » mis
en place par le Conseil général avec le soutien de la région
Languedoc-Roussillon pour valoriser les villages typiques
de l’arrière-pays : Barjac, Lussan et Vézénobres sont les
pionniers de cette démarche exemplaire témoignant des efforts
entrepris en faveur du patrimoine et de l’accueil touristique
dans des contextes souvent complexes liés au cadre de vie, à
l’urbanisme, à l’économie et au développement durable.
À Lussan, allez voir son rempart et son château médiéval en
mettant vos pas dans ceux de la famille Gide. Continuez par
Vézénobres, magnifiquement perché au dessus de l’ancienne
voie romaine de la Régordane. Découvrez Barjac, belle cité
« Renaissance » qui signe une histoire forte insoupçonnée.
Outre les aménagements effectués sur le circuit de découverte
intra muros avec quelques requalifications de places, rues
et aires de vie, les villages se dotent progressivement d’une
signalétique d’interprétation patrimoniale et de dépliants de
visite tout en proposant de plus en plus régulièrement des
visites guidées ainsi que des manifestations en lien avec
l’identité culturelle du village. Ces villages ont une âme et y
tiennent !
Faire goûter la saveur du patrimoine, mieux accueillir le visiteur,
favoriser la découverte des richesses alentour, impulser la
montée en gamme des prestations offertes sur place, ceci
sans trahir la vie authentique du village, est un souci partagé
également par l’Association des Plus Beaux Villages de France.
C’est pourquoi les promoteurs des deux labels, accompagnés
par le secteur Études du Passe Muraille et DVT Conseil,
se mobilisent en ce moment en région pour capitaliser les
acquis en faveur de la notoriété de la destination touristique
Languedoc-Roussillon.
Renseignements
Agence de Développement Touristique du Gard
Sabine Sutour
[email protected]
www.tourismegard.com
De haut en bas : Lussan, Château-Mairie ; Barjac, chapelle des Capucins ; Vézénobres, verger et château Girard.
Mon métier | Lissier
© René Lechon
À la Manufacture de Lodève
© René Lechon
Donner « son âme » à un tapis
U
Comment
n nouveau tapis vient d’être mis en place sur l’un des grands
métiers à tisser de la Savonnerie à Lodève : « C’est toujours
un événement, commente Christophe Péllissier, responsable
de l’atelier et lissier lui-même. Tout comme, à l’autre bout, la
“tombée d’un tapis”, célébrée toujours avec faste. » Il faut en effet plusieurs années pour confectionner une de ces œuvres qui iront embellir les palais de la République, de l’Élysée aux salons des préfectures.
À Lodève, l’atelier relève de l’administration générale du Mobilier national et des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie, elle-même rattachée depuis 1966 au ministère de la Culture et de la
Communication. Au sein de ces prestigieuses institutions, l’atelier possède une histoire unique. Unique parce qu’il est le seul à travailler avec
la technique dite de la Savonnerie, en référence au lieu créé par Louis
XIII près d’une ancienne usine à savons. Unique aussi par son histoire.
En septembre 1964, il accueille en effet une soixantaine de femmes de
harkis rapatriées d’Algérie. Aujourd’hui, seules quatre lissières ont pu
bénéficier du recrutement familial. Désormais, pour intégrer l’établissement, il faut suivre une formation à Paris au sein de la Manufacture des
Gobelins (voir encadré). « Notre métier est aujourd’hui plus complexe,
raconte Christophe Péllissier. Certes, nous travaillons la laine, mais nous
interprétons en même temps l’œuvre d’un grand artiste avec lequel nous
avons échangé, dans un jeu d’aller-retour sur la future œuvre inspirée de
son dessin initial. Ces dernières années, nous avons ainsi collaboré avec
François Morellet, Nathalie Junaud-Ponsard, Matali Crasset ou encore le
coréen Ung No Lee… »
Quatre ans sur un tapis
Ensuite le lissier s’embarque dans un long voyage : on peut rester jusqu’à
quatre ans sur un tapis ! Il faut donc tout prévoir pour l’ « itinéraire » : les
kilos de laine - 127 pour le dernier tapis -, les broches, le ciseau courbe,
le tranche-fil. Il importe de bien choisir le métier le mieux adapté et
l’équipe (deux, trois ou quatre lissiers) engagée sur le projet. « Ils auront
l’ouvrage en charge, reprend le responsable de l’atelier, chacun sur sa
partie et en même temps, en pleine harmonie. Il faut être d’accord sur ses
tâches respectives. Pas toujours le ciel bleu entre nous, bien sûr… mais
quand il y a incompréhension, on parle et le travail repart. » Avec son œil
averti, le chef d’atelier remarque immédiatement si tel tapis « tourne dans
le bon sens ou non ». Car on évoque ici « l’âme d’un tapis », c’est-à-dire
cette touche particulière où l’artiste et les lissiers ont ensemble mené
à terme une œuvre d’art. Ceux qui viendront les admirer, ou ceux qui
vivront « avec » lui, doivent le ressentir au premier coup d’oeil.
devenir lissier ?
Apprendre le nœud turc et toute la variété des points du tissage, maîtriser les diverses opérations : tasser, démêler, tondre les
extrémités. Pour devenir lissier (on écrit aussi licier), il faut bien sûr connaître chacune des étapes du travail de lisse. Pour les tapis
du quotidien, on fait appel aujourd’hui à des machines. Pour ceux du Mobilier national, il faut obligatoirement suivre une formation de
quatre ans à Paris, à la Manufacture des Gobelins, précisément. L’administration recrute en ce moment des élèves âgés de 16 à 23
ans. En quatre ans, ils devront acquérir la maîtrise technique et artistique et pourront exercer les métiers de lissier et restaurateur de
tapis et tapisseries. Inscription aux tests de sélection avant la mi-juin précédant la rentrée scolaire.
Renseignements : 01 44 08 52 06
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
27
Lire, regarder & écouter
L’éloge du thé et du vin : carnets de voyage,
catalogue de l’exposition, Éd. Presses pierresvives,
20 €.
Le bâtiment pierresvives, Cité des savoirs et du
sport pour tous, a été inauguré à Montpellier en septembre dernier. À cette
occasion, les Archives
départementales de
l’Hérault, installées dans
ce nouveau bâtiment,
ont présenté l’exposition
« L’éloge du thé et du
vin : carnets de voyage ».
Le voyage et les liens
entre la France et la
Chine sont au cœur de
ce catalogue. Tout d’abord l’aventure de Jules Itier,
douanier daguerréotypiste dans la Chine des Qing.
De 1843 à 1846, il photographie pour la première
fois paysages, bâtiments et populations de Macao
et de Canton, tel un vrai photo-reporter. En écho
contemporain, la photographe française Sylvie
Goussopoulos a parcouru les plantations de thé de
la province du Fujian, tandis que le photographe
chinois Chen Shi Zhe a découvert l’univers viticole
de l’Hérault. Vous retrouverez dans ce catalogue les
regards croisés de ces trois artistes autour du vin
et du thé, deux boissons ancestrales synonymes de
partage.
L’ouvrage est en vente à l’accueil de pierresvives,
contact : 04 67 67 30 00
www.pierresvives.herault.fr
Le petit dico du Pays d’Oc, Joanda,
Éd. Trabucaire, 17 €.
« Je dirais que la table mesure deux mètres, a bisto
de nas », « C’est un gentil pitchou », « Il y a quelque
chose qui me tarabuste », « Mon voisin fait du
28
/ HIVER
2012-2013
PATRIMOINES
EN RéGIONEN/ 18
PATRIMOINES
RéGION
/ 15
/ HIVER 2011-2012
en terre d’Aude
boucan »… On ne compte plus les termes occitans
employés dans la parole de tous les jours. Joanda,
acteur du mouvement culturel occitan et auteurcompositeur-interprète, mais aussi chroniqueur et
professeur de langue occitane, nous livre quelques
unes de ces expressions hautes en couleurs dans
ce « glossaire du parlé en Pays d’Oc ». Plus précisément, ce recueil rassemble une série de chroniques
de l’auteur, diffusées en radio sur France Bleu et
publiées dans l’hebdomadaire La Gazette de Montpellier.
www.trabucaire.com
Balades et légendes en terre d’Aude, textes Véronique Barrau, illustrations Philippe Archer,
Éditions du Cabardès, 13,5 €.
Permettre à
toute la famille
s&
e
d
de découvrir la
la
a
B
s
ende
Légrr
e
richesse d’un
e d’Aud
te
en
département
sous forme
ludique, les
Éditions du
Cabardès
nous y ont
habitués. Cet ouvrage ne déroge pas à la règle
et nous mène dans tous les coins de l’Aude, de
la Haute-Vallée au Lauragais, en passant pas le
Carcassonnais, les Corbières-Minervois et le Narbonnais. Chemin faisant, les légendes audoises et
les illustrations originales nous content l’histoire du
pays, présentant de curieux personnages comme
l’abbé Saunière et son fameux trésor de Rennesle-Château, la grenouille de bénitier de Narbonne,
Dame Carcas ou encore l’abbé de Cucugnan.
www.editions-du-cabardes.fr
Vér oniq ue
Phil ippe
Bar rau •
Arc her
des
Balades & Légen
Quand naissait le Train Jaune, tome 1
Jean-Louis Blanchon et Pierre Cazenove,
Éd. Talaia, 20 €.
En 1974, JeanLouis Blanchon,
un instituteur de
Palau-de-Cerdagne, passionné
par l’histoire de
la Cerdagne et
la réalisation de
la ligne du Train
Jaune, se lance
le défi de rassembler des témoignages et anecdotes, des articles
de presse et des plans relatifs à la ligne électrique
de Cerdagne. Dans sa lignée, Pierre Cazenove
décide d’approfondir le sujet et récolte de nombreux
documents iconographiques inédits. Le fruit du
travail de ces deux auteurs donne vie à cet ouvrage,
premier de la collection « Les Carnets du Train
Jaune » qui comportera quatre tomes. À paraître :
tome 2 La construction du pont Gisclard ; tome 3
Les Bouillouses : l’hydroélectricité et le génie des
hommes.
www.editions-talaia.com
L’Univers des cartes. La carte et le cartographe,
Jean-Paul Bord, Éd. Belin, 25 €.
Note de l’éditeur : Qu’est-ce qu’une carte aujourd’hui ? Révolutionnée par la mise en ligne de
l’imagerie en 2005 avec Google Earth, la carte ne
perd-elle pas le Nord ? Cet ouvrage se propose
d’apporter quelques pistes pour s’y retrouver. Son
auteur Jean-Paul Bord est professeur à l’Université
Paul-Valéry Montpellier III, géographe et cartographe, responsable du master « Géomatique »,
membre de l’UMR GRED, « Gouvernance, Risque,
Environnement, Développement ».
www.editions-belin.com
Livre CD
La Canso, Chanson de la Croisade contre les
Albigeois ou Cathares (1208-1219), Éd. Christian
Salès, 29 €.
Cette nouvelle publication, à la
fois œuvre littéraire, document
historique, livre d’art et création
musicale, promet une belle
immersion au cœur du Moyen
Âge. Elle présente des textes
originaux de La Canso, chef d’œuvre de la littérature
médiévale occitane, annotés par Anne Brenon (avec
traduction en français et en anglais). Le texte est
accompagné d’illustrations du XIIIe siècle et d’une
partition musicale originale, la symphonie occitane
Paratge, spécialement composée pour l’occasion
par Christian Salès qui s’est entouré de l’Orchestre
national de Budapest pour l’enregistrement.
www.ocmusic.org
Revue
Ruixat, revue transdisciplinaire en sciences sociales,
ouvrage collectif sous la direction de Dominique
Sistach, Éd. Trabucaire, 13 €.
On ne peut que se réjouir
de la naissance d’un nouveau magazine dans notre
région. Et voilà justement
que paraît le premier
numéro de Ruixat, revue
créée par l’éditeur catalan
Trabucaire. L’ambition est
claire, décrypter les enjeux
sociaux et penser la Cité.
Les thèmes abordés ?
Social, mixité, travail,
identités, frontière, immigration, économie, etc. Cette
première édition se centre sur « Perpignan vu d’ici
et d’ailleurs » avec les contributions de plusieurs
auteurs dont Jean-Paul Carrère « Intervention
sociale dans les quartiers populaires de Perpignan
1972-2012 : un regard d’acteur », Jean-Luc Paznek
« Déclin de la mixité sociale dans les établissements
scolaires perpignanais » ou encore David Giband
« Dépasser la frontière ou quand l’espace frontalier
se rêve territoire ». Au total, neuf articles pour centtrente-neuf pages de questionnements passionnants.
www.trabucaire.com
La collection « DUO » s’enrichit
La Direction Régionale des Affaires Culturelles du
Languedoc-Roussillon (Conservation régionale des
Monuments Historiques) est très active en matière d’édition
et a cette année étoffé sa collection « DUO » de cinq
nouveaux ouvrages :
. Les monuments historiques et la pierre
. La chaise à porteurs du château de Marsillargues
. Le campus de la faculté des Lettres et Sciences humaines
de Montpellier
. Armand Pellier, architecte, de la pierre du Pont du Gard à la
modernité
. La cathédrale Saint-Michel de Carcassonne
Tous les titres de la collection « Duo » sont disponibles
gratuitement à l’accueil de la DRAC du Languedoc–
Roussillon, 5 rue de la salle l’Évêque à Montpellier.
Demandes par téléphone au 04 67 02 35 29.
"
commandez nos anciens numéros !
Vous êtes nombreux à suivre avec intérêt la revue Patrimoines en région,
mais peut-être vous manque t-il certains numéros ?
Pour commander les anciens numéros, rien de plus simple : complétez le bulletin ci-dessous !
isé
épu
p #0
p#1
p#3
p#2
p#5
p #4
isé
épu
é
uis
ép
p#6
p #7
p#8
p#9
p # 11
p # 10
isé
épu
p # 12
p # 13
p # 14
p # 15
p # 16
p # 17
Une participation financière vous sera demandée pour les frais de traitement et d’expédition
Je commande les anciens numéros de Patrimoines en région
Nombre de numéros commandés : ………………………………………… X 3 € = …………………………… €
Cochez ci-dessus les numéros que vous souhaitez recevoir.
Nom : ......................................................................................
Prénom : ................................................................................
Nom de la structure : ......................................................................................................................................................................
Adresse : .........................................................................................................................................................................................
Code postal : ........................................... Ville : ................................................................................................................
Tél. : .......................................................
E-mail : ............................................................................................................
Joindre à ce bulletin un chèque établi à l’ordre de : Association Le Passe Muraille
Bon de commande à envoyer à : Association Le Passe Muraille - 510A avenue de Barcelone « Le Jupiter », 34080 Montpellier
29
Vie du Carrefour des Patrimoines
Rencontres d’acteurs
N
DR
ous vous proposons de démarrer l’année 2013 par une rencontre d’acteurs du Carrefour des
Patrimoines dès le mois de février. Celle-ci sera accueillie par l’équipe des Archives départementales de l’Hérault dans leurs nouveaux locaux au cœur de pierresvives, à Montpellier. En
relation avec le dossier central de ce numéro de Patrimoines en région, la journée sera consacrée
aux enrichissements migratoires en Languedoc-Roussillon. Elle permettra aux acteurs du terrain,
professionnels ou bénévoles, animateurs, éducateurs, enseignants, guides et administrateurs
de se retrouver autour d’animations ou de visites le matin, et d’ateliers de réflexion l’après-midi.
La participation à cette journée est gratuite. Dès le début du mois de janvier, vous trouverez la date
et le programme complet de ces rencontres d’acteurs sur le site www.carrefour-des-patrimoines.net
Pour toute information complémentaire, vous pouvez nous contacter par mail :
[email protected]
Elisabeth Le Bris, CEMEA Languedoc-Roussillon
Photo souvenir
V
DR
ous aurez certainement reconnu sur la photo Zaha Hadid, la célèbre architecte irako-britannique, qui a
donné vie au non moins célèbre bâtiment pierresvives, qui abrite depuis le mois de septembre les Archives
départementales de l’Hérault, la médiathèque départementale et Hérault sport. C’est lors de l’inauguration
de la Cité des savoirs et du sport pour tous que notre rédacteur en chef René Lechon a pu rencontrer Zaha Hadid,
et lui présenter la revue Patrimoines en région, comme en témoigne cette photo prise le 13 septembre 2012.
Courrier des lecteurs
Cette rubrique est une tribune ouverte à vos avis, recherches et questionnements autour des patrimoines, qu’ils soient culturels, naturels
ou immatériels. Merci aux lecteurs qui nous ont écrit, avec l’envie d’apprendre et d’échanger.
Voici une petite sélection des courriers reçus récemment à la rédaction :
Les collégiens d’aujourd’hui connaissent-ils Bobby Lapointe ?
J’ai apprécié votre article dans le numéro 17 sur Bobby Lapointe. Je me suis cependant
demandé si des jeunes de 14-15 ans connaissaient l’humoriste... Peut-être votre article
aurait-il dû être complété par un petit historique reprenant deux ou trois détails de la vie de
l’acteur-chanteur originaire de Pézenas. Merci.
Une lectrice de Pézenas
Plus de revues !
Nous recevons la revue Patrimoines en région et la découvrons à chaque fois avec plaisir.
Nous serions très contents d’en recevoir davantage car elle rencontre un vif succès auprès
des publics. Vanessa E. (Musée de la Maison romane de Saint-Gilles)
Patrimoines en région est vraiment très intéressante et attractive, les exemplaires que nous
recevons partent vite, je veux bien en recevoir un peu plus !
Maïté W. (Office de tourisme Cévennes-Garrigue, Saint-Hippolyte-du-Fort)
30
PATRIMOINES
AUTOMNE
2012
PATRIMOINES EN
EN RéGION
RéGION // 17
18 // HIVER
2012-2013
La rédaction : De nombreuses structures recevant Patrimoines
en région nous ont communiqué leur envie de diffuser plus largement cette revue gratuite et d’utilité publique. Nous les remercions vivement de la faire connaître à toujours plus de lecteurs
et c’est avec plaisir que nous avons répondu à leurs demandes.
Si vous souhaitez vous aussi devenir lieu de dépôt, n’hésitez pas
à nous contacter. Nous répondrons au mieux à vos demandes,
dans la limite des quantités disponibles.
Envoyez-nous vos courriers pour le prochain numéro !
Patrimoines en région
Courrier des lecteurs
510A avenue de Barcelone
« Le Jupiter »
34080 Montpellier
[email protected]
www.feSTATrAIL.COm
- LO
T
N
I
A
S
PIC
UP
120km
4km2
17 . 18 . 19
mai
2013
TOUr DU PIC SAINT-LOUP
875m D+/-
1km7
TOUr DU PIC SAINT-LOUP by night
875m D+/-
1km2
CéCéLIeNNe (course féminine)
300m D+/-
e
.
8
km
1&km3
u
mArATHON De L’HOrTUS
1800m D+/- (ind. ou relais 2 coureurs)
1km7
by night
SAINT-mATHIeU-De-TrévIerS
HérAULT
ULTrA DrAILLe
6000m D+/-
feSTA PArADe (course déguisée)
PITCHOU’PIC (course enfant)
PATRIMOINES EN RéGION / 18 / HIVER 2012-2013
31

Documents pareils