conference-debat organisee par l`association maia les aspects

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conference-debat organisee par l`association maia les aspects
CONFERENCE-DEBAT ORGANISEE PAR L'ASSOCIATION MAIA
LES ASPECTS PSYCHOLOGIQUES DU DON DE GAMETES
LE 8 DECEMBRE 2012 A PARIS
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Animée par Laurence Foucher psychologue bénévole auprès de Maia depuis 2005. Ecoute
infertilité tous les jeudis pour les couples confrontés à l’infertilité
Avec la participation de l’Association PMA Procréation Médicalement Anonyme :
Clément Roussial - porte parole des enfants nés par IAD. et Alain Treboul - porte-parole
des donneurs.
Et la participation de l’Association ADEDD Association Des Enfants Du Don :
Témoignage d’Anne- Catherine enfant né par IAD.
Afin de répondre à plusieurs demandes des inscrits, quelques rappels sur le procédé du don en
France et à l’étranger par Katia.
14H-15H30 LE CHEMIN VERS LE DON
 Don de gamète : apport de gamètes par un tiers en vue d’une AMP, apport d’un patrimoine
génétique extérieur au couple (en réponse à un problème d’infertilité ou par volonté de non
transmission d’une maladie génétique)
 4 acteurs: le couple, l’enfant, le donneur, le corps médical
 4 formes: don d’ovocyte, don de sperme, double don, don d’embryon.
 Point commun avec l’adoption: deuil de l’enfant biologique.
 Différences avec l’adoption : pas de deuil de la grossesse et pas de traumatisme de
l’abandon chez l’enfant. Le questionnement de l’enfant issu du don tourne autour du
donneur et non de l’abandon. Beaucoup de couples font les deux parcours en parallèle:
passerelles car les entretiens pour la démarche d’adoption aident à cheminer sur le don de
gamètes. Recommandation: se poser la question de l’adoption lorsqu’on se lance dans le
parcours du don de gamètes (garder la porte ouverte sur cette autre voie).
 Le don de sperme: certains hommes se sentent coupables de provoquer tous ces traitements
pour leur femme mais le don de sperme permet d’offrir à leur femme la chance d’une
grossesse et de se sentir mère dès la grossesse.
 Le don d’ovocyte: transforme biologiquement la femme en mère pendant la grossesse.
 Le double don: les deux membres du couple font le chemin ensemble mais pas toujours en
même temps.
 Le don d’embryon: parallèle avec l’adoption
Dans quel état psychologique arrive-t-on au don ?
 Sentiments : fragilité, sensibilité, états émotionnels en montagnes russes avec le plus
souvent des bas (sentiment de honte, d’injustice, de colère, grande souffrance psychique et
parfois physique, tristesse, blessure narcissique, atteinte de l’estime de soi, coupable de faire
souffrir l’autre, échec, difficultés professionnelles, sentiment d’incompréhension par les
autres), isolement social et amical, conflits dans le couple, remise en question du couple ;
souffrance allant parfois jusqu’à la dépression et la tentative de suicide.
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 Apporte parfois du positif: dans le couple (apprendre à se respecter, à mieux communiquer,
le couple murit), et en soi (développer des ressources insoupçonnées, se lancer dans des
projets communs et créatifs).
 Spécificité du don:
- soit après un long parcours: vrai fatigue psychique et physique
- soit très vite quand les médecins proposent d’emblée le don, comme dans le cas
d'une ménopause précoce : brutalité de l’annonce
 Parfois les plus de 40 ans sont mal reçues par le corps médical.
Une étape à franchir: le renoncement à l’enfant biologique
 Le don représente à la fois le deuil de sa fertilité et un nouvel espoir d’enfant. On pourrait
faire comme si, si on ne disait rien à personne. Il se greffe également un souci de la
ressemblance physique.
 Travail d’élaboration psychique pour accepter de ne pouvoir concevoir son enfant : ne
jamais être le géniteur mais le parent au niveau affectif et social
 Processus avec des étapes, ce n’est pas linéaire: deuil de la fertilité, cela ne veut pas dire je
ne ressens rien par rapport à ce parcours. On a toujours un pincement au cœur à l’évocation
de l’enfant qu’on aurait pu avoir, de la continuité de la lignée génétique. Reconnaitre la
réalité de la perte ET accepter de s’ouvrir à une autre dimension de la parentalité que la
dimension génétique: réorganiser son psychisme.
 Comment savoir si on est prêt: la douleur de la perte n’est pas trop vive et s’atténue. On
avance sur le chemin. Si la douleur est trop vive, l’enfant réveillera cette douleur: il y aura
quelque chose entre l’enfant et le parent.
 Etapes à traverser personnellement, en couple, avec des associations.
 Différence de vécu entre les hommes et les femmes: les femmes ont une émotivité moins
forte mais plus exprimée, ont plus besoin de partager, de parler. Les hommes ont une
émotivité plus forte mais plus retenue, font plus attention au contenu, ont besoin d’action et
de solution, taisent leur souffrance pour soutenir leur femme.
 Etape 1 : l’annonce. Sidération, colère, déni (on a besoin d’un dernier traitement pour
tourner la page), ou bien on se précipite. Questions surgissent : Et si je ne l’aimais pas ? Et
si je veux le rendre? Et s’il me rejette? Ces questions existent parfois chez des couples sans
don (peur de la parentalité).
 Etape 2 : tourner autour. Parfois long, s’informer, lire, en parler, relativiser les liens
biologiques.
 Etape 3 : prise de décision. S’engager soi et le couple, et l’enfant. Comment savoir si on est
prêt ? En parler pour évaluer le degré de douleur (si on n’est pas capable d’en parler, on
souffre trop). Si la ressemblance physique et l’hérédité est trop importante: renoncer ou
prendre du temps encore. Vrai choix. Il faut lâcher prise: on ne peut pas tout savoir ni
maitriser: ni connaitre la donneuse, ni les cliniques: il faut faire confiance. Certains disent
non au don. Désaccord parfois au sein d’un couple: écouter l’autre sans chercher à le
convaincre. Peut créer une crise de couple, parfois basée sur d’autres éléments plus anciens
dans le couple. N’aboutit pas forcément sur une séparation. On peut se faire aider par un
thérapeute pour ouvrir le dialogue et décider.
 Etape 4: se lancer, la 1ere tentative. Adaptation à un nouvel environnement. Inconnu qui
fait peur. L’association et les adhérents peuvent aider à surmonter la peur de l’inconnu par le
partage des expériences.
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 Etape 5 : attente du résultat. L'angoisse réapparait car on n’est plus dans l’action.
 Etape 6 : le résultat. Claque de l’échec ou réussite qui peut faire peur (pas prêt: joie et choc
pendant la grossesse)
 Etape 7: issue heureuse ou abandon définitif. Il n’y a aucune différence dans la grossesse et
la parentalité d’un enfant biologique et celles d’un enfant du don. Certains veulent tourner la
page très vite pour retrouver une parentalité classique (quittent l’association, se dirigent vers
une maternité « classique »). Certains ont du mal à se réjouir tout de suite (échaudés). Plus
d’angoisse.
 Quand s’arrêter quand ça ne marche pas: problèmes financiers, fatigue psychique ou
physique. Chemin vers le renoncement à être parent et réorganiser sa vie sans enfant.
Nouvelle filiation: comment se sentir parent
Il y a une dimension biologique et une dimension sociale (identité dans laquelle l’enfant grandit : «
je suis fils de »)
Dans le don, pas de dimension biologique. Pour certains, la ressemblance est essentielle, pour
d’autres c’est la dimension sociale qui compte. On porte sa propre histoire familiale et cela compte.
On peut transmettre ses valeurs, l’histoire de sa famille sans passer par les gènes.
Que donnent les donneurs ? La part du gène
Comment la receveuse investit le gène. Pour certains, c’est juste une cellule, avec des chromosomes
qui sont mélangés avec ceux issus de l’autre gamète, mais pas des enfants. La combinaison est
unique, chaque être humain est unique.
La grossesse est physique et psychique (on l’a pensé, désiré, imaginé).
Le gamète reçu apporte un élément indispensable mais pas suffisant: il faut l’autre gamète, la
fécondation, le désir d’être parent.
Pour les receveurs, la perception de don dépend de leur histoire familiale : je veux ou pas
transmettre mes gènes (je veux qu’il ressemble à ma famille ou au contraire je ne veux pas lui
transmettre les « tares » de ma famille).
La donneuse n’est pas une mère mais la cellule donnée n’est pas que de la matière, mais aussi du
patrimoine, du caractère et du symbole.
La donneuse fait un don d’une cellule avec du matériel génétique mais ne fait pas un don d’enfant.
Pour qu’un enfant advienne, il faut un projet parental.
L’importance des termes
Donneur/ donneuse plutôt que père/mère biologique ou génétique. Y réfléchir avant car cela traduit
ce qu’on pense.
Question du public: anonymat ou pas ?
 En France: anonyme. Certains cherchent le don direct comme en Belgique. Certains
souhaitent que ce soit quelqu’un de la famille ou un ami. Parfois, ils changent d’avis, cette
sœur sera quoi: une tante ou bien plus ? Ils ont peur de ne pas s’approprier l’enfant. La
« dette » est plus difficile à gérer quand le donneur est connu. Ils choisissent le don non
anonyme pour l’accès aux origines.
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 Alain (association PMA, donneur en 74) milite pour la levée de l’anonymat car pour certains
enfants, c’est une souffrance de ne pas connaître ses origines,. Chemin du donneur:
générosité, sentiment d’injustice par rapport à l’infertilité des autres. 50000 à 70000
naissances possibles par IAD en France, qui n’ont pas accès aux informations sur les
donneurs. Alain estime que cet anonymat ne gêne certainement pas tous les enfants issus du
don mais pense que même si un seul enfant souhaite accéder aux informations de son
donneur sur les 50000-70000, cela justifie la demande de la levée de l’anonymat. Il demande
la création d’un fichier CECOS sur les descendants: chaque don peut produire possiblement
10 naissances. Il s’insurge contre le pouvoir des CECOS et l’impuissance des donneurs, mal
informés de la conséquence de leur geste notamment dans les années 70-80.
 Personne ne sait comment les enfants issus du don le vivront. Le lâcher prise implique
d’accepter de ne pas savoir comment il réagira, de renoncer à la filiation biologique sans que
cela pose forcément des problèmes à l’enfant à l’avenir.
 Précision de Dominique MEHL sociologue au CNRS : Les enfants souffrent parfois de ne
pas avoir le droit de chercher. Il existe des solutions intermédiaires entre l’anonymat et le
don direct: le don non direct (on ne connait pas le donneur mais on conserve l’identité du
donneur qui sera accessible pour l’enfant à la majorité.)
 Conséquences de la levée d’anonymat dans les autres pays: au départ, une baisse du nombre
de donneurs mais après cela remonte avec des donneurs mieux informés.
Commentaire du public:
On vit dans une société où la génétique prend de plus en plus d’importance. Parfois trop important
au point de faire renoncer certains couples à l’adoption ou au don. Or, 1 enfant sur 3 conçu
naturellement, n’est pas de son père.
Intervention de Valérie Grumelin-Halimi, psychologue spécialisé en infertilité depuis 25 ans :
Ce qui est très important pour l’enfant, c’est l’accompagnement dans l’amour et le respect.
L’important est de savoir qu’il est désiré, aimé. Ne pas culpabiliser et ne pas avoir peur de recourir
au don.
16H-17H30 L’ACCOMPAGNEMENT DE SON ENFANT CONCU PAR DON
Un biais dans ce qu’on entend des enfants: on n’entend que ceux qui savent, et ceux conçus par don
de sperme.
Etre parent d’un enfant conçu par don:
 Se sentir parent et occuper sa place. Deux excès: le déni (on a un lien de sang) ou l’excès
inverse: tout expliquer par le prisme du don.
 C’est seulement le mode de conception qui nous différencie des autres parents: tout le reste
est identique, une famille classique, des parents comme les autres, et des enfants comme les
autres
 On construit le lien dans le quotidien comme tout parent, avec l’écart entre l’enfant idéal et
l’enfant réel. Dans cet écart, se niche la question: va-t-il me rejeter?
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 Les risques : Le donneur pourrait représenter la part qu’on aime le moins chez l’enfant (il est
borné, paresseux, certainement comme le donneur). L’autre membre pourrait se sentir plus
parent que le parent ayant bénéficié du don.
 On est parent à part entière, l’enfant a besoin d’un repère stable. Même à l’adolescence, il
faut affirmer «je suis ton père et tu ne sors pas ce soir ». L’enfant ne questionne pas ses
origines par cette question mais les limites et le besoin de l’autorité parentale. Or, comme
tout enfant, il a besoins de limites.
 Notre propre regard intérieur sur comment on se sent parent est essentiel.
 On commence à être parent avant la naissance: se poser des questions, comme aujourd’hui,
c’est le chemin de la parentalité.
Comment créer le lien avec son enfant
 Certains se sentent parents dès la grossesse ou la naissance. Pour la plupart, le lien se
construit au quotidien: se lever la nuit, accompagner son ado au collège, etc.
 Le parent est seulement en partie responsable de son avenir. Il aura peut-être des questions
sur ses origines. On doit pouvoir répondre qu’on n’a pas de réponses (ses propres limites)
mais qu'on va l’aider à se construire sans, car il aura peut-être des moments difficiles de
questionnement sur ses origines et va être face à des blancs du fait de l’anonymat des
donneurs.
 Si l’enfant sent qu’il ne peut pas parler du don, il s’auto-censurera. Il faut rester ouvert au
dialogue.
 Lui faire confiance pour tracer son propre chemin
 L’important est de l’inscrire dans la transmission familiale: « tu ressembles bien à ton grandpère dans cette attitude », même s’il n’a pas ses gênes.
 L’enfant, issu du don ou pas, nous reprochera de toute façon toujours nos choix et il utilisera
des arguments tels que « tu n’es pas ma mère » ; car l’enfant passe par une étape
d’autonomisation : il se sépare de vous pour être un adulte entier et différent. On fait des
choix pour nos enfants dans un grand nombre de domaines, celui du mode de conception est
un domaine parmi d’autres.
Le dire ou pas à l’enfant ?
 La position de Maia : Nous avons toujours milité pour un accès aux origines et nous pensons
qu’il n’y a pas lieu de cacher cette information sur leur origine aux enfants en vous aidant
des livrets.
 La décision de partager cette information à leurs enfants appartient bien évidemment aux
parents et à eux seuls, mais ils doivent avoir conscience qu’ils engagent leur responsabilité
pour un autre concerné. Dans ce cas, se réserver le droit de changer d’avis. Le choix est
large entre tout taire à jamais, ne rien dire du tout à personne et le dire à tout le monde,
n’importe quand et n’importe comment. Comme tout cadre, il peut parfois y avoir des
exceptions : familles très fermées où l’enfant conçu par don risque d’être rejeté.
 Différence entre l’anonymat et le secret: le secret c’est de ne pas révéler à l’enfant qu’il a été
conçu par don. L’identité du donneur reste secrète. L’anonymat du donneur concerne les
parents et l’enfant.
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 Plusieurs droits :
 Droit accordé aux parents de garder le secret du don, privilégié par la médecine
jusqu’ici
 Droit de l’enfant à connaitre son mode de conception.
 Droit du tiers donneur
 Pour la prise de décision: se recentrer sur l’enfant, sur l’intérêt de l’enfant. S’imaginer à la
place de l’enfant. Partir de vous, enfant, pour être au plus près de ce qu‘il aurait besoin lui :
ce que vous aimeriez savoir, de quoi vous auriez besoin pour grandir. Faire la part des
choses entre l’intimité du couple, et ce qui touche à son histoire.
 Ne pas le dire, quels risques: que l’enfant l’apprenne fortuitement lors d’un divorce, d’une
remarque de l’entourage ou d’une consultation médicale. S’il l’apprend tardivement: il s’est
construit selon lui sur un mensonge et l’enfant se sent trahi, et s’imagine d’autres secrets.
Cela affecte profondément les relations de confiance entre parents et enfant. S’il l’apprend
par un autre, les mots seront mal choisis. Parfois, l’un des deux parents le dit.
 Le poids des secrets de famille encombre celui qui détient le secret et occupe de plus en plus
de place.
 L’enfant peut sentir quelque chose intuitivement et s’auto-censurer sur les questions, et
imaginer des choses ou bien il manifeste son trouble par des comportements spécifiques
pour remuer sa famille.
 Pourquoi ne pas le dire ? honte, se protéger soi, peur d’être rejeté(é) ou moins aimé(e).
Légitime mais cela concerne soi et pas l’enfant.
 Difficile de prévoir comment l’enfant va le vivre. Plus les parents le vivent bien, plus
l’enfant a des chances de bien le vivre
 Nos enfants vivent dans une société qui s’ouvre : l’infertilité n’est plus taboue.
Comment le dire ?
 Pas forcément tout dire: respect de son intimité. L’enfant va décider ensuite de comment le
dire et à qui: lâcher prise. Cela doit devenir son histoire. Il doit se l’approprier quitte à la
romancer un peu.
 Le but: dédramatiser en faisant de cette histoire la sienne.
 A quel âge: immédiatement, dès la grossesse car il entend et ressent les choses dans l’utérus,
et aussi pour s’entendre le dire, pour se décharger du non-dit. Il ne comprend pas les mots
mais l’intention qui va s’inscrire en lui. Le problème de la révélation ne se posera pas: il n’y
aura pas de moment de la révélation. Plus on attend, plus ce sera difficile.
 Il y a des âges clé: 3-4 ans avec les questions sur comment on fait des bébés. Partir de votre
enfant: s’il s’en fiche, ne pas insister. Se servir de ses mots, ne pas devancer ses questions.
Ne pas utiliser des termes incompréhensibles pour son âge.
 L’important, c’est d’ouvrir le dialogue: ne pas en parler tout le temps et ni jamais, entre les
deux.
 Eviter d’en parler au moment des réunions familiales: ne pas être trop solennel
 Si l’enfant pose des questions au mauvais moment pour nous: soit on lui dit qu’on va lui
répondre plus tard (et le faire), soit on répond tout de suite
 Outils: les livres mais pas forcément, surtout ses propres mots, Se faire confiance : vous
avez le droit de ne pas savoir, de bafouiller, de vous tromper, de recommencer.
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 A l’adolescence, il décidera peut-être d'en parler à un tiers. cela devient son histoire. Donc
les parents vont devoir lâcher prise car ils ne pourront plus maîtriser le discours et les
destinataires. Mais rôle indirect à jouer auprès de l’enfant : lui apprendre comment le dire,
se protéger aussi
 Témoignage de Laetitia, présidente de Maia, maman d’une fille de 5 ans issue d’un don
d’ovocyte en CECOS Paris : On en a toujours parlé avec elle librement. Enola porte le
prénom des 3 femmes qui ont donnés pour nous, que nous avons appelés des fées. C’est vers
2 ans que je lui ai lu le livret de Maia sur lequel j’ai collé une photo de mon ventre arrondi
et une photo d’elle à la naissance. Je lui ai laissé son livre à disposition, elle le choisit de
temps en temps pour lecture au coucher. Régulièrement on parle de bébés et comment elle a
été conçue, avec ses mots bien sur. A 4 ans 1/2, elle a demandé à voir là où elle a été
conçue, nous sommes allés revoir les secrétaires et les médecins de Montsouris. Avec les
enfants, on se voit régulièrement avec d’autres mamans qui ont eu également des enfants
par dons. Avec mon mari, nous pensons qu’elle le vivra bien étant entouré de tout l’Amour
qu’on peut lui donner et qu’on ne lui a jamais rien caché.
 Le dire quand l’enfant est prêt et pose des questions sur la conception des enfants: ne pas
devancer l’appel car il risque de mal comprendre et mal le vivre car il n’est pas prêt.
 Il le dira peut-être à son meilleur ami mais ne le dira pas forcément pas à tout le monde. Lui
dire que c’est un sujet intime à ne pas forcément dire à tout le monde. Lui demander à qui il
veut le dire ?
A qui d’autre le dire ?
En parler avec son enfant pour se mettre d’accord avec lui sur les personnes qu’il souhaite informer.
Besoins de l’enfant





Que les parents tiennent leur rôle de parent, même pendant les périodes de rejet
Se sentir aimé et désiré
Etre écouté, protégé
Grandir en connaissant son mode de conception pour se construire avec
Il pourra lui manquer
o L’identité du donneur, cette part d’hérédité inconnue
o Les motivations du donneur
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Témoignage d’Anne Catherine, conçue par IAD (association ADEDD)
« Bonjour,
Je m’appelle Anne-Catherine, j’ai 32 ans, je suis maman de deux enfants : une fille de 4 ans et un
fils de 17 mois.
J’ai été conçue par insémination artificielle avec donneur en 1980, puisqu’après 7 ans d’attente,
mon père a été diagnostiqué stérile. Je reviendrai sur mon histoire après.
Je suis actuellement responsable de l’Antenne bretonne de l’ADEDD, l’Association des Enfants Du
Don. L’association a été spécialement conçue pour répondre aux besoins des enfants issus des
techniques d'assistance médicale à la procréation (AMP). Elle s'adresse également à leurs parents,
aux futurs parents, aux donneurs et donneuses et aux donneurs et donneuses potentiels de gamètes
ou d'embryons. L'objectif de l’association est d'accompagner ces personnes dans leur démarche ou
leurs questionnements en mettant à leur disposition divers outils :
* de l'information
* des groupes de parole
* des rencontres avec des professionnels du secteur médical
* un accompagnement personnalisé avec le professionnel le plus adapté à leur situation (médecin,
psychologue, juriste,…)
Mon désir d’implication dans une association est né en 2010 lors de la révision des lois
bioéthiques. J’étais consternée d’entendre les témoignages négatifs de certains enfants nés d’un
don comme moi et ne me reconnaissait pas du tout dans leur discours. Pourtant on n’entendait
qu’eux, à travers notamment l’association PMA qui milite pour la levée de l’anonymat des
donneurs de gamètes.
Je me suis donc demandée comment je pourrais faire entendre ma voix, persuadée que je n’étais
pas seule à vivre sereinement le fait d’être enfant d’un don. J’ai donc découvert cette association,
non militante, mais par laquelle j’ai pu être entendue dans différents médias et enfin porter une
parole positive de mon expérience.
Voici mon histoire :
Je n’ai aucun souvenir précis du moment où mes parents nous ont parlé de notre mode de
conception, un peu atypique, à mon frère et moi. En fait, j’ai toujours eu l’impression de le savoir.
Vers deux ans déjà, ma mère n me montrait des albums. A l’époque, aucun livre n’abordait le sujet,
alors elle modifiait l’histoire classique du « Comment on fait les bébés ? ». Elle m’expliquait : »
Pour toi, cela a été un peu différent, nous avons été à Rennes pour mettre une petite graine dans le
ventre de maman parce qu’avec celles de papa ça ne marche pas. » Les questions sur la provenance
de la petite graine ne me sont venues que plus tard…
Mon frère est, lui aussi, né grâce à un don de sperme quatre ans après moi, du même géniteur. Je
me souviens clairement du moment où mes parents m’expliquaient qu’ils allaient à Rennes pour
mettre la petite graine pour mon petit frère, d’autant plus que pour lui ça n’a pas marché du
premier coup.
Mes parents, brestois, étaient obligés de se rendre à Rennes assez souvent du coup, et
m’expliquaient tout le temps la raison de leur départ. Ils ne voulaient pas qu’il y ait de secret de
famille et je ne les en remercierai jamais assez. C’était difficile et courageux, je trouve, de la part
de mon père surtout. Il a dû assumer qu’une part de nous n’était pas de lui. Or il ya 32 ans,
l’infertilité n’était pas aussi fréquente et surtout était encore assez taboue. Les CECOS venaient
d’ouvrir et rien n’était fait pour encourager mes parents à nous le dire.
Mais ils ont toujours voulu nous élever dans la transparence. Bien sûr, ils n’en parlaient pas à tort
et à travers, et seuls les amis proches et la famille étaient au courant. Je pensais d’ailleurs qu’ils
faisaient cela par rapport à eux mais ils m’ont expliqué il y a peu de temps qu’au contraire, c’était
parce qu’ils voulaient nous laisser décider si oui ou non on voulait que cela se sache. De mon côté,
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j’en ai beaucoup parlé, un peu fière quelque part je pense.
Mon frère moins. Mais jamais ni l’un ni l’autre n’avons pu laisser dire par d’autres que notre
géniteur était un père. Il n’y a jamais eu d’ambigüités à ce sujet. D’ailleurs les gens se posaient
souvent plus de questions que nous.
Enfant, je posais des questions, surtout à ma mère, peut-être inconsciemment pour protéger mon
père… Comment avaient-ils choisi la petite graine ? Comment était le CECOS ?
Adolescente, je me suis demandée à quoi pouvait ressembler le donneur, d’autant plus que mon
frère ressemble beaucoup à ma mère. Je sais juste qu’il est grand, brun aux yeux marron comme
mon père. Nous nous amusions souvent des remarques : -« Oh le petit ressemble à sa maman et la
grande à son papa ! »
Nos interrogations étaient de l’ordre du fantasme : notre géniteur était peut-être quelqu’un de
célèbre… Cette singularité était plutôt une fierté, un petit plus qui, par rapport aux autres nous
donnait un côté mystérieux.
Je n’ai jamais réellement imaginé connaître l’identité de mon géniteur. De toute façon mes parents
nous avaient bien expliqué que ça ne serait jamais possible. Mon père, c’est l’homme qui m’a
voulu, qui m’a aimé et qui m’a élevée. Je peux comprendre ceux qui aimeraient mettre un visage sur
le donneur.
Mais à mon avis, le problème n’est pas l’anonymat, mais la confiance avec laquelle on grandit. Si
mes parents m’avaient caché mon mode de conception, je n’aurais probablement pas eu la même
relation avec eux. L’apprendre tardivement, dans des conditions souvent complexes, est la cause de
beaucoup de difficultés que rencontrent certains enfants IAD en souffrance. Tant qu’il y aura des
secrets et donc de la trahison, il y aura potentiellement de la souffrance.
Cela n’a en tous les cas, jamais rien changé à mon quotidien. Une dizaine de fois, j’ai été
confrontée à la question : « Pas d’antécédents médicaux ? » Je réponds qu’il y a une partie de moi
que je ne connais pas mais après tout qui est réellement sûr de ses origines ?
Maintenant je suis mère de famille. Mon père est quelqu’un d’extrêmement timide et réservé. Je
n’en ai jamais très souvent parlé avec lui, je voulais le protéger.
Mais les témoignages que j’apporte sont aussi pour lui qui les écoute toujours avec beaucoup
d’émotion.
Je sens mon père plus épanoui maintenant, serein depuis qu’il est grand-père. La filiation se
normalise quelque part… Peut-être avait-il peur que nous ayons aussi des soucis de notre côté ?
Maintenant que je suis maman, je réalise d’autant plus à quel point cela avait dû être difficile pour
mes parents d’attendre 7 ans avant d’avoir des enfants mais quel bonheur ma mère avait eu ne
pouvoir nous porter.
Je pense en parler à mes enfants, évidemment parce que c’est mon histoire et donc un peu la leur et
j’ai envie qu’ils la connaissent, qu’ils sachent que ce n’est pas simple pour tout le monde. J’ai
d’ailleurs commencé à en parler à ma fille de 4 ans et du coup je me revois à sa place à trouver ça
tellement évident, d’aller chercher une graine ailleurs. Finalement les complications ce sont les
adultes qui les créent.
Je projette d’ici quelques années de donner à mon tour des ovocytes. Ce sera un aboutissement
dans ma vie et un juste retour des choses je trouve. Même si le geste est plus complexe que pour les
hommes, c’est tellement peu par rapport au bonheur que cela peut apporter à une famille. »
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Témoignage de Clément, né par IAD
Il l’a appris à 11-12 ans par son père lors d’une partie de pêche, même s’il se doutait de quelque
chose: choc. Il souhaitait rechercher son géniteur et ses parents l’ont accompagné dans cette
démarche. Au début, son père avait peur d’être remis en cause dans son rôle de père. Clément
demande à avoir le droit de rechercher le donneur. Il a des relations normales avec ses parents, et ne
cherche pas un père, juste à avoir des informations sur son donneur : informations médicales et
connaître ses motivations. Il reproche à l’anonymat la non-possibilité d’avoir des informations sur
les maladies génétiques, et craint la consanguinité (il lui arrive de demander à ses copines si leur
père n’est pas « donneur »). Il précise aux parents d’enfants nés par don de ne pas culpabiliser: c’est
normal de vouloir rechercher. Comme Alain, il reproche à la loi actuelle la toute-puissance des
CECOS. Ainsi un donneur ayant découvert des années après son don qu’il souffrait d’une maladie
génétique, a demandé au CECOS que les enfants nés de son don en soient avisés. Cela a été refusé.
Annexe : témoignage d’une donneuse (ajouté au compte-rendu, pas lu à la conférence)
« Je m’appelle Patoune, J’ai fait un don d’ovocytes en 2005. J’ai été sensibilisée par la
problématique de l’infertilité via un forum de discussion.
Je ne suis pas moi-même concernée par des difficultés de procréation, mais par des soucis pour
mener à terme mes grossesses. Suite à ma deuxième grossesse, j’ai appris une hyperfertilité… Et je
me suis dit que c’était dommage qu’autant d’ovocytes soient « gâchés » tous les mois, alors que
certaines femmes sont en attente d’une donneuse. Pour moi, un ovocyte est une cellule, un peu
comme le sang que je donne ou les organes que j’accepte de donner après ma mort. Pour moi il y a
certes un patrimoine génétique, mais pas plus problématique que celui contenu dans mes organes
ou mon sang. J’ai été mise en relation avec une jeune femme en recherche et nous avons bien
accroché. Et j’ai donc accepté de faire le don pour elle. Enfin pas pour elle directement. Et c’est ce
qui me plaisait. Je ne souhaitais pas faire un don croisé.
Je me suis donc rapprochée d’un CECOS. Pas le plus proche, mais celui qui était le plus pratique
pour moi. Après plusieurs rendez-vous avec le professeur et le psychologue et quelques analyses de
sang, j’ai été déclarée apte au don et le traitement a commencé.
Ce que j’ai apprécié, c’est la disponibilité du CECOS pour répondre à mes questions, mes doutes,
et le suivi qui s’est fait près de mon domicile. J’ai eu un petit arrêt de travail, non pas parce que le
traitement est lourd ou occasionne des soucis de santé, mais parce que le suivi se faisait dans le
service PMA et que l’organisation faisait qu’il ouvrait à 7h30 et que c’était le 1er arrivé, 1er servi
et que j’arrivais parfois en retard à mon travail. Comme j’ai un maintien de salaire, je n’ai donc
pas perdu d’argent. Pour le traitement, j’ai une infirmière qui venait faire les piqures à mon
domicile. Les échos à l’hôpital et les analyses aussi.La ponction a eu lieu dans la ville du CECOS.
Je suis rentrée la veille de la ponction au CHU. La ponction a eu lieu sans anesthésie générale. En
effet, si je souhaitais au départ cette AG, lors de la consultation anesthésie, il m’a été proposé de la
faire sous sophrologie (que je pratiquais déjà) et honnêtement, je n’ai rien senti, juste 4 secondes de
douleur, petit coup de masque à oxygène pour rire un peu… et puis c’est tout. Je n’ai eu aucune
difficulté à me remettre du coup de l’intervention.
Je suis absolument contre la levée de l’anonymat. En effet, si le donc n’était pas anonyme, j’aurai
refusé. Pour moi j’ai donné une cellule qui va participer peut etre à la naissance d’un enfant, mais
pas un enfant. Si je peux comprendre que certains enfants nés de dons se posent des questions sur
leurs « origines génétiques », pour moi, nous n’avons aucun lien de parentalité…
Je ne regrette nullement ma démarche, par contre j’ai eu peur quand on a parlé de levée de
l’anonymat et à postériori… Je ne me considère pas comme mère mais juste une personne qui a fait
le don de ses ovocytes pour aider un couple à devenir parent. »
Maia CR conférence 08 décembre 2012
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