Ces Languedociens qui réussissent à l`étranger

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Ces Languedociens qui réussissent à l`étranger
> E N Q U ÊT E
Ces Languedociens
qui réussissent
à l’étranger
Comment l’association Racines Sud
est-elle née ?
D’une rencontre avec Jean-Jacques Rieu,
du service du développement économique du Conseil général de l’Hérault. Il
avait créé Les ambassadeurs du Sud, un
club qui regroupe des patrons de PME
héraultaises afin de favoriser leur développement à l’étranger et de faire
connaître le département pour attirer
des projets ici. Jean-Jacques Rieu voulait
aller plus loin. Son idée était de s’appuyer sur des Languedociens expatriés
pour qu’ils soient des ambassadeurs du
Languedoc. Je venais de m’installer à
Montpellier après avoir monté un projet
similaire à Paris. Le Département m’a
confié la mission de créer cette association des Languedociens expatriés en
septembre 2006. J’ai trouvé un nom :
Racines Sud, que j’ai déposé à l’INPI.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile au
début ?
De retrouver ces fameux Languedociens à l’étranger ! Grâce au site inter28
net Copains d’avant, j’ai identifié des
membres potentiels à qui j’ai envoyé
un mail personnalisé expliquant la
démarche. L’adhésion est gratuite. Ce
sont des personnes nées ici, installées
à l’étranger, qui doivent s’engager à
aider au mieux ceux qui souhaitent
s’expatrier dans le pays où ils se
trouvent, afin de faciliter leur installation. Au fur et à mesure, nous avons
atteint 520 membres.
Quel est le profil de ces 520 adhérents ?
Un profil atypique ! Ce sont des aventuriers. Parmi les étudiants nés ici, il faut
reconnaître que ceux qui restent dans la
région ont souvent un parcours
modeste. En revanche, ceux qui partent
ont vraiment de l’ambition. Avant
même de finir leurs études, ils savaient
qu’ils ne trouveraient pas de travail à la
mesure de leurs attentes et qu’il leur faudrait partir pour réussir... Même s’ils ne
connaissent pas la langue du pays, ils
relèvent le challenge. Leur point commun : une soif de découverte et d’ail-
> Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011
© Edouard Hannoteaux
Envie de se confronter à d’autres cultures ou manque
d’opportunités dans la région… de nombreux Languedociens
choisissent de partir en terre inconnue. Emmanuelle DarrasRivault, experte en communication, a fondé une association
qui met en réseau ces compatriotes disséminés sur la planète,
Racines Sud. De Sydney à Shanghai ou Los Cabos, ses 520
membres expatriés sont autant d’ambassadeurs de la région…
Emmanuelle Darras-Rivault de l’association Racines Sud
leurs, une envie de se confronter aux
autres et à des cultures différentes. Ils
ont du courage, un sens de l’adaptation ;
d’autant que rien n’est fait pour les
encourager à partir : aucun conseil,
aucune astuce. Il leur a fallu se prendre
en main.
Dans quels secteurs d’activité les
retrouve-t-on ?
Ce sont en majorité des hommes, entre
30 et 55 ans, souvent en couple. Ils
gagnent bien mieux leur vie qu’ils ne
l’auraient sans doute fait ici : environ
5 000 € par mois. Les secteurs d’activité
les plus représentés sont l’enseignement/recherche, l’agronomie/viticulture, le tourisme/immobilier, l’informatique/nouvelles technologies, la
banque/finance, le secteur médical et la
culture. Certains ne veulent plus du tout
entendre parler de ce Languedoc qui ne
leur a pas ouvert les bras. Mais, en général, ils aiment leur région d’origine,
reviennent une ou deux fois par an et
veulent passer leur retraite ici.
Quelle est la vocation de Racines Sud ?
Nous ne sommes pas une association à
vocation conviviale du type Les Catalans
de Paris ou Les Bretons de New York.
L’idée n’est pas d’échanger des recettes
sur la gardiane de taureau autour d’un
bon verre… En tout cas, pas seulement.
Notre ambition est de créer des passerelles entre les adhérents et la région, de
servir de tête de pont économique dans
les deux sens, pour faciliter l’installation
de Languedociens à l’étranger et faire
parler de Montpellier. Nous apportons
cette petite touche de contact affectif qui
peut faire la différence. Par exemple, un
Languedocien, particulier ou société,
qui envisage de s’installer à Shanghai, je
peux le mettre en relation avec 40 adhérents de Racines Sud sur place, dont 10
spécialisés dans le vin. Ils pourront très
vite lui donner des informations simples
sur la viabilité de son projet. Nos
« ambassadeurs » donnent des conseils
amicaux, gratuits et sincères. C’est un
gain de temps considérable. Les expatriés sont ravis de voir leur réussite
reconnue et se sentent valorisés.
Lorsque le président du Conseil général
se déplace en Tunisie, il les invite à une
soirée sur place. C’est une façon de les
remercier de jouer ce rôle d’ambassadeurs de la région.
Quel bilan tirez-vous de vos cinq ans
d’existence ?
Nous enregistrons 20 adhésions par
mois ! À ce rythme, nous serons 700 fin
2012. Nous sommes soutenus depuis le
premier jour par le Conseil général de
l’Hérault (30 000 € en 2011), et depuis
deux ans par la Région LanguedocRoussillon (10 000 €) et des partenaires
privés (10 000 €). Les médias nous
contactent désormais pour trouver des
Languedociens témoins des révolutions
dans les pays arabes ou du tsunami au
Japon. Nous avons créé un site dédié au
réseau (www.racinessud.com) et des
prix pour récompenser nos portedrapeaux à l’étranger, sensibiliser les
sociétés d’ici sur l’existence d’un réseau
languedocien à l’international.
Propos recueillis par A.-I. Six
Octobre 2011 I Objectif Languedoc-Roussillon
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> E N Q U ÊT E
Languedociens expatriés
L’eldorado américain, à contre-cœur
C’est presque contraint et forcé par la réalité du marché qu’il a quitté le soleil languedocien. Après
neuf ans à Montpellier, Bertin Nahum s’est expatrié au Canada pour vendre ses robots médicaux sur
le continent nord-américain. Une stratégie gagnante.
C
e n’est « pas de gaieté
de cœur » que Bertin
Nahum s’est expatrié
à Montréal voici 18 mois.
« Le climat est terrible ! » Et
c’est « la boule au ventre »
que le patron de Medtech est
reparti s’installer à New
York, avec sa femme et ses
enfants de 8 et 12 ans, après
un été passé en Languedoc.
« Je quitte le Languedoc par
dépit pour chercher une vie
meilleure. Pour moi, le lieu
de vie idéal est ici », s’enflamme le fondateur d’une
société de robots d’assistance à la neurochirurgie
installée pendant neuf ans à
Montpellier.
Relais de croissance
Bertin Nahum ne tarit pas
d’éloges sur la région. « Je
suis Languedocien. Ici, j’ai
le soleil et mes amis. La
croissance démographique
fait de Montpellier une ville
de brassage, une terre promise qui attire des gens de
tous horizons. Cela crée des
LEMEUR, star du web
Il a initié Nicolas Sarkozy au web durant les présidentielles de 2007 et est devenu un
blogueur influent. Il organise d’ailleurs chaque année à Paris « Le Web », une conférence événement sur les nouvelles technologies. Loïc Le Meur, dont la famille est bien
connue dans les Pyrénées-Orientales (société Marine Service Catalan à Saint-Cyprien),
s’est expatrié en 2007 à San Francisco pour créer Seesmic, une communauté
d’échanges vidéo.
ROTA, l’inventeur du DivX
Le Montpelliérain Jérôme Rota a créé le DivX, un système de compression de fichiers
vidéo parmi les plus populaires au monde. Faute de pouvoir réunir les financements
nécessaires dans les temps en France, il est parti fonder sa société à San Diego, en
Californie.
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> Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011
mélanges qui me plaisent »,
affirme l’ingénieur en robotique. Né au Sénégal, ayant
fait ses études en GrandeBretagne et travaillé beaucoup à l’international, il a
déjà fait le plein de découvertes multiculturelles. S’il
quitte le Languedoc, c’est
uniquement par obligation
professionnelle, pour accompagner le développement de
Medtech sur le continent
nord-américain. « Nous ne
pouvions pas réussir en restant à Montpellier. Le Canada et a fortiori les États-Unis
ne sont pas des marchés que
l’on aborde depuis la France.
Il faut être sur place. La
France est un petit pays. À un
moment donné, il faut aller
chercher ailleurs les relais de
croissance. Surtout dans
mon métier. Les États-Unis
représentent plus de 50 % du
marché mondial. L’argent se
trouve aussi à l’étranger ».
Retour dans 2 ans ?
Cette stratégie commence à
porter ses fruits. Depuis le
lancement de la filiale canadienne, la TPE a doublé ses
effectifs et emploie désormais 25 personnes. Le chiffre
d’affaires, non communiqué, n’a pas suivi au même
rythme… Mais, Bertin
Nahum mise beaucoup sur
la nouvelle filiale près de
New York qui a vocation à
devenir l’implantation
majeure de Medtech. Le
presque quadragénaire
espère qu’il se plaira davantage au sein de Big Apple que
de Montréal... et envisage
déjà son retour, dans l’idéal,
d’ici deux ans…
Anne-Isabelle Six
> E N Q U ÊT E
Languedociens expatriés
L’appel de la Californie
C’est une success-story à l’américaine comme on les aime. Depuis dix ans, Géraud Dubois brille dans
la Silicon Valley à la tête d’une équipe de 10 chercheurs (il a déjà déposé 25 brevets !). Un parcours
inenvisageable en France, encore moins à Sète, sa ville d’origine.
dans un centre de recherche gigantesque entouré de montagnes, il
anime une équipe de 10 chercheurs
de haute volée et de 8 nationalités,
gère plusieurs millions de dollars de
budget, a déjà déposé plus de 25 brevets et publié plus de 75 articles dans
des revues scientifiques de référence !
La notoriété scientifique de ce bouten-train dépasse largement les murs
de son laboratoire. Invité dans le
monde entier – de Chine à l’Arabie
Saoudite – pour faire des conférences, il est aussi professeur à Stanford, où il fut président des étudiants
français. « Ce parcours n’était pas
envisageable en restant dans la région
où j’ai grandi. Pour réussir dans un
monde global comme le nôtre, pour
comprendre les gens avec qui on fait
du business, il faut partir quelques
années à l’étranger ».
Expérience hors-pair
C
’est l’histoire d’un petit gars de
Sète qui regarde les marins
quitter le port et se dit, comme
dans la trilogie de Pagnol, qu’il aimerait partir à la découverte du vaste
monde. Et qui le fait ! « Un désir profond de connaître autre chose », dit-il.
Direction la Californie. Après un doctorat à l’Université de Montpellier II,
Géraud Dubois rejoint en 2000 la
prestigieuse université de Stanford en
« postdoc », où il crée un laboratoire
dans un nouveau domaine de
recherche : la chimie des matériaux.
« Quand on fait 9 ou 12 ans d’études,
on a envie d’une certaine reconnaissance. La France reste dominée par les
écoles d’ingénieurs, à l’inverse des
États-Unis où tout le monde connaît
la valeur d’une thèse. Cela reste l’endroit phare pour développer une carrière. Le niveau scientifique est élevé,
les gens s’investissent dans leur travail
et les opportunités dépendent de vos
qualités professionnelles ».
25 brevets déposés
Le début d’une vraie success-story à
l’américaine. IBM Research l’engage
pour mener deux axes de recherche :
les matériaux pour augmenter les
performances des microprocesseurs
et les membranes pour désaliniser
l’eau. Au cœur de la Silicon Valley,
Ce meneur d’hommes convient que
ses années sétoises l’avaient déjà bien
préparé au multiculturel. « Grandir
au milieu d’Arabes, d’Italiens, d’Espagnols, de Portugais… cela aide à
s’adapter ». À 39 ans, Géraud Dubois
envisage aujourd’hui de revenir en
France. « Mon rêve d’ailleurs est assouvi et j’ai accompli ce pour quoi j’étais
parti là-bas. Mais, au niveau carrière,
ce sera obligatoirement moins bien ici.
Alors, le dilemme est : est-ce que
j’abandonne mes ambitions professionnelles pour donner la priorité à
ma vie sociale et familiale ? ». Car, la
qualité de vie française, sa bande de
potes et ses racines lui manquent.
« Malgré les apparences, les États-Unis
et la France conservent des différences
culturelles importantes ». Il pose donc
des jalons pour trouver un poste de
direction scientifique, dans le public
ou le privé, en Europe. Son premier
choix serait le Languedoc-Roussillon !
Avis donc à ceux qui veulent bénéficier de son expérience hors pair.
Anne-Isabelle Six
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Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011
> E N Q U ÊT E
Languedociens expatriés
“ Rien à perdre, tout à gagner ! ”
Cette jeune femme à l’accent carcassonnais prononcé n’a pas eu peur de tenter sa chance ailleurs.
Après Casablanca et Londres, Cyndie Herrador a trouvé un port d’attache à Sydney. Elle y est
aujourd’hui chef de projets chez Leighton Contractors, une société de BTP, télécom et énergie.
Son seul regret : être à 24 h d’avion de ses proches restés en Languedoc.
«S
oyons réalistes, les opportunités professionnelles
pour les jeunes diplômés
en Languedoc-Roussillon restent limitées. La plupart de mes amis d’enfance, ceux avec qui j’ai fait mes
études, sont chômeurs ou dans le
meilleur des cas ont un emploi administratif payé au SMIC. Le goût de
l’aventure, associé à l’envie de relever
les défis et de prendre mon avenir en
main, m’a poussée à partir. J’ai grandi
dans un petit village audois, Malvesen-Minervois, puis j’ai intégré Sup de
Co Montpellier où j’ai fait une maîtrise
en gestion et commerce international.
Faire confiance
J’ai eu la chance d’obtenir un diplôme
australien grâce à un partenariat avec
La Trobe University. Je me suis vite
rendue compte que, faute d’avoir un
proche dans une grande société,
j’avais très peu de chance d’intégrer
l’une d’entre elles. J’ai travaillé neuf
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mois pour GFI Informatique à Montpellier, puis effectué trois mois de
stage dans leur filiale marocaine à
Casablanca. Cela a été une révélation :
mon avenir professionnel était à
l’étranger. Lorsque j’ai quitté la France
définitivement, j’avais 23 ans, trois
diplômes en poche et j’étais célibataire. Rien à perdre, tout à gagner ! J’ai
eu une opportunité à Londres via le
réseau Sup de Co dans un grand cabinet de recrutement. Mon niveau en
anglais étant très limité, j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter, mais au
moins là-bas, on m’a fait confiance.
Au bout de six mois d’efforts, j’ai signé
un CDI. J’ai rencontré Chris, mon ami
qui est Australien. Fin 2008, nous
avons décidé de nous installer en Australie. Son pays lui manquait, la crise
financière venait de frapper en
Europe, il était temps de tenter ma
chance ailleurs. C’est une société
moderne, jeune et tolérante, née de
l’immigration. Le taux de chômage est
> Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011
faible, les salaires hauts, de même que
la qualité de vie. Ici, on vous donne
votre chance selon votre niveau d’expérience, vos qualifications et votre
personnalité.
Gros sacrifice
Chef de projets chez Leighton Contractors, une société australienne de BTP,
télécom et énergie qui emploie 15 000
personnes, je dirige quatre salariés. Je
m’estime très chanceuse. Beaucoup
de personnes en France aimeraient
être à ma place. Cela ne tient qu’à eux.
La région me manque beaucoup. Vivre
aussi loin de ma famille, à 24 h d’avion,
est un gros sacrifice. Beaucoup de mes
amis ne comprennent pas mon choix.
Tristement, nos vies se séparent. L’isolement est le seul inconvénient à vivre
en Australie. En plus de l’absence d’un
bon cassoulet, bien sûr ! J’envisage de
revenir en Europe. Peut-être en France
dans une dizaine d’années, si l’économie rebondit. »
Propos recueillis par A.-I. S.
> E N Q U ÊT E
Languedociens expatriés
Shanghai, “ là où il faut être
pour faire des affaires ”
Temps gris sur la capitale financière chinoise, mais moral au beau fixe pour Matthieu Rollin. À 27 ans,
le petit Frenchy y a créé sa société d’exportation de vins du Languedoc-Roussillon. Et la réussite est
au rendez-vous : Wineo croit de plus de 100 % par an.
gée par la CCI de Montpellier. Après
un démarrage difficile, Wineo a réalisé 3 M€ de chiffre d’affaires en 2010.
La société du petit Frenchy est le n°1
des fournisseurs de French Wine
Paradox, l’importateur de vin leader
de la grande distribution en Chine.
Son activité explose. « Presque trop !
Quand on gérait 2 000 bouteilles à
deux, on maîtrisait. Là, avec plus de
1,5 million de bouteilles par an et plus
100 % de croissance par an, c’est acrobatique ! ». Il aimerait profiter de l’élan
chinois pour grossir, mais souhaiterait suivre le rythme de croissance du
marché du vin en Chine, soit 50 %. Ses
clients sont autant des Chinois que
des expatriés en Chine.
Chance inespérée
I
l est 9 h à Montpellier, 15 h à
Shanghai. Matthieu Rollin est au
20e étage d’une tour entourée de
nuages, chez l’un de ses clients
importateurs de vins. Devant lui, le
port avec des milliers de conteneurs
en provenance ou en partance pour
le reste du monde. Il est « là où il faut
être pour faire des affaires ». À 12 000
km de Montpellier. Ce jeune homme
pressé est parti à Shanghai à 22 ans.
« J’ai l’expatriation dans les gènes.
Mon père a passé 25 ans à l’étranger.
Je ne me voyais pas rester en France
toute ma vie, ni travailler dans un
bureau ». Il cherche donc à concilier
son goût de l’ailleurs et sa passion
pour les vins du Languedoc-Roussillon. Après des études à l’Esicad
(école de commerce) Montpellier et
à la Winthrop University (Caroline
du Sud), il propose à la cave coopérative d’Adissan (Hérault) de l’envoyer en Chine pour y développer
leurs ventes en tant que volontariat
international en entreprise (VIE).
La clef de la grande distribution
« Je ne parlais pas le chinois ! Les six
premiers mois n’ont pas été marrants,
mais c’est là où j’ai tout appris. Ma
grande réussite a été d’intégrer la
grande distribution. C’est la clef. » Il
choisit de créer son entreprise, héber-
« Les plus grandes sociétés du monde
envoient leurs cadres en Chine et ils
aiment le vin… Je me rends compte
que je suis un ambassadeur du
Languedoc-Roussillon, comme un
Petit Poucet qui se bat contre les
concurrents du Chili, de l’Argentine et
de l’Australie. » Il tente de revenir deux
fois par an à Montpellier pour voir sa
famille, ses amis… et ses fournisseurs.
« Quand je vois mes copains de promotion, je comprends qu’être à la tête
d’une structure comme Wineo à
27 ans, c’est inespéré… » Habiter Shanghai implique un gros sacrifice : « Être
coupé de sa famille ». Mais il apprécie
cette ville de 22 millions d’habitants
tout en paradoxes, très polluée,
bruyante, active, où l’on ne dort
jamais. Son conseil : « Ne croyez pas
ceux qui vous disent qu’il est trop tard
pour venir en Chine. Il y a encore de la
place ! » Lui estime avoir encore dix
belles années à vivre en Chine. Avant
de rentrer avec une jolie aisance
financière.
Anne-Isabelle Six
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Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011
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Languedociens expatriés
VINCENT FERRERO, agent de Sotheby’s au Mexique
Au paradis de l’immobilier de luxe
région.... Le couple a donc quitté ce Sud qu’il chérit pour une
latitude encore plus clémente : Los Cabos, en Basse-Californie
Sud, au Mexique, une sorte de Saint-Tropez au bord du plus
bel aquarium du monde. « Il y a tout ce que j’aime : la mer
bleue, la terre blanche du désert, des montagnes autour… et
des résidences et hôtels de luxe à vendre aux riches étrangers ! »
Avec 50 000 € en poche et une volonté de fer, ils se lancent
dans l’aventure en 2008. « Je rêvais de réussir dans un pays
hispanophone, de faire une immigration à l’envers de celle de
ma famille espagnole en France. » Trois ans plus tard, Vincent
connaît un succès au-delà de ses espérances. Il a décroché
150 000 $ (8 000 € par mois) cette année comme agent de
Sotheby’s, leader mondial de l’immobilier de luxe.
Accomplissement personnel
I
l doit beaucoup au Languedoc-Roussillon : son titre de
champion de France de natation par équipe avec le club
de Canet en 1987, son diplôme de l’Institut des sciences de
l’entreprise de Montpellier (ISEM) avec une spécialisation
dans l’immobilier, et la rencontre avec une économiste…
mexicaine. Il aurait pu développer sa petite société de transactions immobilières à Montpellier. Mais son amour, Sandra,
ne trouvait pas de travail à la mesure de ses ambitions dans la
« Le manager, une femme, m’a fait confiance. Je suis devenu
leur meilleur agent au Mexique malgré la crise ! » À 41 ans,
celui qui va obtenir sous peu la double nationalité a surtout
trouvé au Mexique un accomplissement personnel. « Dans
ce pays très jeune et accueillant, je me sens libre, capable de
faire de grandes choses, autant pour le business que pour les
gens. » Il s’occupe ainsi d’un orphelinat de 40 enfants et
œuvre pour que Los Cabos – soumise à une sécheresse chronique – bénéficie du savoir-faire du nouveau pôle mondial
de l’eau de Montpellier. Seul revers : sa femme rêve, elle, de
réussir en… Europe.
JULIEN FALIU, fondateur d’un site internet à l’île Maurice
Un phare pour les expatriés
C’est au cœur d’une île paradisiaque
que Julien Faliu a élu domicile. À
Maurice, ce célibataire de 33 ans
s’adonne avec délice à sa passion de
la plongée sous-marine. Mais le
Perpignanais pourrait tout autant
apprécier de vivre à Madrid ou à
Londres. D’ailleurs, ce diplômé en
ingénierie informatique (Imerir à
Perpignan) et en gestion d’entreprise
(IAE Montpellier) a déjà travaillé cinq
ans pour une compagnie d’assurances en Angleterre puis en Espagne.
Expatrié depuis 2003, il avait tout le
crédit nécessaire pour lancer en 2005
un site communautaire dédié à ses
semblables : www.expat-blog.com.
« La vie d’expat’est faite de hauts et
de bas. On se soutient. » Le hasard
d’une rencontre avec un investisseur
l’a mené jusqu’à l’île Maurice.
Transformé en société, le site fait
aujourd’hui vivre huit personnes, rassemble 300 000 membres actifs et
50 000 visiteurs par jour. Julien Faliu a
même eu les honneurs d’un article
dans le Wall Street Journal. Ce trilingue porte un nom de famille prédestiné, cité dans le proverbe catalan
« Adiu Faliu, si t’en tornes pas
escriu » (« Au revoir, mon ami,
si tu ne reviens pas, écris »).
Anne-Isabelle Six
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Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011
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Languedociens expatriés
Comment réussir le grand saut ?
Partir à l’étranger ne s’improvise pas. C’est un projet de vie à la fois professionnel et personnel. Voici
quelques conseils de bon sens pour réussir son expatriation, notamment destinés à ceux qui partent
sans être envoyés par une entreprise.
1. Clarifier votre envie
L’expatriation n’est pas la garantie
d’un avenir meilleur. « Ce n’est pas
parce que vous n’avez pas de travail ici que vous en trouverez plus
ailleurs », insiste Julien Faliu,
créateur d’Expat-blog.com, un
site dédié aux expatriés. Ceux qui
partent par dépit, par fuite, sans
avoir une réelle motivation et une
envie profonde de découvrir un
autre univers que le leur, risquent
un échec, au mieux, des désillusions. L’expatriation ne fait pas
bon ménage avec l’improvisation.
Mieux vaut avoir bien préparé
son envol vers une terre qui ne
vous soit pas totalement
inconnue. Connaître la langue
du pays ou l’anglais est aussi un
minimum.
2. Choisir votre destination
selon votre personnalité
Mieux vaut identifier un pays qui
corresponde à vos goûts. Partir à
Barcelone est plus facile pour un
Catalan ; Londres est passionnante pour un mordu de scène
musicale ; l’île Maurice est un
paradis pour les fans de plongée,
de baleines et de tortues. Car, pour
apprécier l’expatriation au long
cours, il faut disposer de hobbies
qui vous accrochent, qui vous
font plaisir.
3. Mettre en valeur votre
compétence
Certains pays sont accueillants et
demandeurs de main-d’œuvre
qualifiée. Le Canada ou l’Australie
facilitent ainsi beaucoup plus
l’accueil des étrangers que les
États-Unis, destination très fermée.
Les pays du Moyen-Orient offrent
de nombreuses opportunités. Et si
vous êtes ingénieur ou très bon
cuisinier, votre savoir-faire sera
apprécié, à peu près partout !
4. Savoir passer un cap
Tous les expatriés connaissent des
phases d’amour/haine avec leur
pays d’adoption. Avec le recul, ils
témoignent être passés par une
période d’émerveillement et de
découverte de tout ce qui est nouveau, puis une phase de difficultés
(on est loin de chez soi, tout est
différent) et enfin par une
adaptation réelle (on accepte
les différences, on arrondit les
angles). Mais il faut savoir tenir.
5. Aimer l’altérité
La découverte d’une autre culture
demande un intérêt profond pour
les différences, une réelle ouverture d’esprit. Se mélanger aux
gens du coin, parler avec les
locaux, ne pas rester entre
Français ; c’est d’ailleurs tout le sel
de la démarche d’expatriation.
6. Miser sur internet
Le web est un média extraordinaire pour les expatriés pour
rester en contact avec ses proches
lorsqu’ils sont loin, mais aussi
pour se renseigner avant le départ.
Des sites communautaires comme
Expat-blog.com permettent
d’échanger avec d’autres.
7. Partir l’esprit léger
Avoir un compte en banque qui
permette de faire transiter facilement de l’argent est un impératif,
ainsi qu’une couverture sociale et
médicale qui vous protège même
lors de vos retours ponctuels en
France. N’emportez que ce que
vous ne trouverez pas sur place.
Laissez le reste en France dans un
garde-meuble.
Anne-Isabelle Six
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Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011

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