Interview : Emanuela Iacopini, professeur de danse

Transcription

Interview : Emanuela Iacopini, professeur de danse
Interview : Sylvia Camarda
Danseuse et chorégraphe
Comment es-tu devenue danseuse chorégraphe ? Quels sont ton parcours et ta
formation ?
C’est le plaisir de la danse ; je voulais être danseuse, être sur scène. J’ai eu envie de devenir
chorégraphe plus tard : il y a un moment où tu commences à avoir tellement d’ingrédients en
tant que danseuse que tu te dis : « j’ai envie de les mélanger moi-même».
A 14 ans, je suis partie étudier la danse à l’école Rosella Hightower à Cannes. Ensuite, j’ai
fait un B.A., Bachelor of Arts à la London Contemporary Dance School. Puis, j’ai commencé
à danser professionnellement, d’abord dans des compagnies, à Zurich. J’ai réalisé un des mes
rêves en entrant aux Ballets C. de la B. Puis, j’ai créé ma propre compagnie au Luxembourg,
Missdeluxedanceco ! , et j’ai créé trois spectacles, deux solos et un trio, qui est passé au
Grand Théâtre de Luxembourg. Après, j’ai travaillé avec Jan Fabre, puis au Cirque du Soleil,
et à nouveau avec Jan Fabre. A présent, je suis chorégraphe au Luxembourg et danseuse à
Gand, au sein du collectif des anciens danseurs des Ballets C. de la B.
Imaginais-tu arriver là où tu en es ?
Non, mais c’était mon but. J’en rêvais. Je n’aurais jamais cru que j’y arriverai. C’est
incroyable : j’ai réalisé tous mes rêves. A présent, je peux passer à une autre phase, à un autre
stade, avec de nouveaux projets, notamment au Luxembourg, et des envies différentes.
Quel est le moment de ta carrière dont tu es le plus fière ?
Je citerai deux moments. D’abord le Palais des Papes à Avignon, où j’ai dansé « Je suis
sang » de Jan Fabre en 2005. L’année d’avant, je dansais dans le festival Off avec d’autres
danseurs luxembourgeois et on m’a demandé quel était mon rêve. J’ai répondu : danser sur la
scène du Palais des papes. L’année d’après, j’y étais.
Le second moment de ma carrière dont je suis le plus fière, c’est à New York, au Madison
Square Garden, un lieu mythique, où j’ai dansé avec le Cirque du Soleil en 2006.
Quels sont tes projets ?
Actuellement, je travaille sur le spectacle « (re)venir au Luxembourg » pour le festival de
danse « danz festival lëtzebuerg/ Le Transfrontalier » au TROIS C-L avec trois autres artistes.
Dans deux semaines, j’ai un nouveau projet qui commence en tant que danseuse ; je dois donc
me tenir prête physiquement pour pouvoir danser. Je prépare mon spectacle pour le Grand
Théâtre de Luxembourg pour 2009, où je chorégraphierai et danserai dans un solo. Je vais
créer aussi un solo avec lequel je représenterai le Luxembourg dans différents projets. J’ai
aussi un projet de spectacle au Théatre National du Luxembourg. Je vais repartir en tournée
avec Jan Fabre et aussi avec la compagnie des anciens danseurs des Ballets C. de la B. Mes
prochaines vacances ? Juillet 2009, à moins que je ne sois en tournée avec cette compagnie ;
on aimerait avoir encore une quarantaine de dates de spectacle.
Comment se passe une journée standard de Sylvia Camarda ?
Ca dépend. Si je suis en période de répétition, je répète de 10h à 22h. Quand je suis en train de
créer une chorégraphie, je vais suivre un cours de danse le matin, et je chorégraphie toute
l’après-midi. Autrement, je fais des recherches plus « administratives » pour préparer de
nouveaux projets, de nouveaux spectacles.
Quels sont les points positifs de ton métier ?
Tu as une liberté sur scène que tu ne peux jamais avoir dans la vraie vie ! Tu prends ton pied
sur scène, aucune drogue au monde ne pourra jamais te donner ce « kick » que tu as sur scène.
C’est pareil pour la chorégraphie : tu as une liberté phénoménale : tu peux créer ce que tu
veux, ce en quoi tu crois personnellement. Tu peux trouver ton inspiration partout, même dans
la vie de tous les jours
Quels sont les points négatifs de ton métier ?
En tant que danseuse, tu sais que ta carrière va finir un jour, car ton corps a ses limites, son
« time limit ». Du coup, tu cours après le temps, pour danser le plus possible tant que tu le
peux.
En tant que chorégraphe, tu es seule à travailler ; personne ne peut faire ce travail pour toi. Du
coup, tu travailles beaucoup. Comme tu travailles pour toi-même, les week-ends n’existent
pas forcément.
Photo : Filip Van Roe
Quelles sont les qualités essentielles pour être danseuse chorégraphe ?
Pour être danseuse, il ne faut pas avoir peur du travail. Je ne connais aucun bon danseur qui
soit flemmard. Il faut aussi être ouvert d’esprit : dans ce métier, tu rencontres tellement de
gens différents que tu es obligé de l’être. Enfin, il faut être prêt à toujours recommencer à zéro
où que tu sois.
Comme chorégraphe, il faut être ouvert d’esprit et s’interdire l’auto-censure. En même temps,
il ne faut pas avoir peur des critiques, ce qui peut sembler contradictoire. Il faut surtout
assumer ce que tu fais.
Quels sont les conseils que tu donnerais à un jeune qui se lance ou voudrait se lancer
dans la danse ?
Je lui dirai « S’il y a du vouloir, il y a du pouvoir » ! Il faut y croire, même si tout le monde
dit « ah, tu rêves… ». C’est toujours plus simple de ne pas réaliser ses rêves. Il faut travailler,
bien sûr. Mais en se disant : « Plus tu serres les dents quand tu es jeune, plus tu iras loin ! », tu
feras des expériences magnifiques. Il ne faut pas perdre son temps avec des choses inutiles, il
faut être ouvert. Il faut se lancer, se nourrir des autres et des expériences ; il faut se jeter à
l’eau.
Propos recueillis par Tania Berman