La nourriture au 17ème siècle - Francois

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La nourriture au 17ème siècle - Francois
La nourriture au 17ème siècle.
Quand l'envie vous en prendra, chers lecteurs, il vous suffira de
vous rendre à l'hypermarché le plus proche pour y trouver pêlemêle du kangourou sous vide, du crabe géant en boîte du
Kamchatka, ou bien du riz de la lointaine Inde. Et ce sans que cela
ne soulève d'émotion particulière, habitués que nous sommes à
recourir sans cesse à la pasteurisation et autre congélation,
procédés qui nous ont libérés d'un pourrissement trop rapide des
aliments.
Il va sans dire que le Français du grand siècle n'entretenait pas
avec la nourriture ce rapport désabusé et blasé qui est souvent le
nôtre. En ces temps la subsistance demeurait un combat
quotidien pour beaucoup, plus pour l'humble manouvrier de
Saintonge que pour le riche bourgeois de Paris, c'est certain. Mais
même un certain Louis Dieudonné, tout roi de France et de
Navarre qu'il était, ne pouvait ignorer la détresse de populations
en proie aux malheurs de la guerre (blocus, montée des prix etc.);
aux assauts de la sécheresse et du gel, destructeurs de récoltes
encore sur pied. Comme on le verra plus bas, il lui arriva d'agir en
personne. De plus le "petit âge glaciaire" (trois siècles de
refroidissement notable du climat) se manifestait bien souvent, lui
qui gela son vin dans les carafes de Versailles, au cours des bien
froides années 1694 et 1709.
(Gravure Jacques Callot)
Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. Cette célèbre
phrase du XVIIe siècle, si elle peut encore s'appliquer en 2012,
prend tout son sens durant l'époque qui nous intéresse ici. En effet,
à cette question, plus de 3/4 des Français n'auraient pas répondu
autre chose que: "du pain, de la soupe". N'en déplaise au grand
Rubens, à Brueghel et aux célèbres frères Le Nain; les intérieurs
paysans débordant de charcuterie, de gibier, de coupes remplies
de vins aux couleurs chatoyantes... sont plus une vision idéalisée et
extrêmement minoritaire de la condition paysanne qu'autre
chose.
(Le repas des paysans – Le Nain)
Car l'écrasante majorité des paysans (qui forment le gros de la
France, donc) se nourrissent avant tout du tandem pain/soupe, le
premier étant souvent trempé dans la seconde. En plus d'être un
symbole religieux évident, le pain est tout simplement la calorie la
moins coûteuse du temps. Il suffit de constater la floraison des
"émotions populaires" (terme de l'époque), dès qu'il se raréfie et
que son prix monte, pour prendre la mesure de son importance
(encore en 1789). Or, cet aliment pouvait absorber jusqu'à la
moitié des dépenses annuelles d'une famille! Plus volontiers fait de
seigle, froment ou sarrasin que de blé, il ressemble également bien
peu à notre léger pain blanc, apanage de ceux qui ont de
l'argent. D'ailleurs celui-ci n'est d'aucun intérêt, car il ne tient pas
assez au corps. Or c'est bien là le but : un adulte en avale donc
trois livres et plus par jour de manière à supporter sa journée de
travail. Les plus aisés peuvent le produire chez eux, tandis que la
plupart le cuisent au four communal ou seigneurial (bien sûr
payant). Mais si la bouillie de maïs le complète avantageusement
dès 1620-1650 (la plante d'Amérique touche la France en ces
années-là, dans le sud-ouest), ce n'est pas le cas de la pomme de
terre qui fait l'objet de résistances stériles. L'Église ne l'appelle-t-elle
pas "la plante du diable", rapport au fait qu'elle pousse sous terre?
Résultat; alors que les pêcheurs allemands de la Moselle se
servaient de frites (oui, vous avez bien lu) pour pêcher l'hiver... Il
faut attendre Louis XVI et un certain Parmentier pour que le
tubercule soit adopté sereinement en France, donc très tard.
(Antoine Parmentier)
Elle aurait pu rendre d'éminents services bien avant! Dans un
même ordre d'idée il faut patienter jusqu'au règne de Louis XV
(1715-1774) pour qu'une province puisse enfin vendre du blé à une
autre province, pour juguler l'effet des mauvaises récoltes par
exemple. Jusque-là ce marché était dominé par des spéculateurs
(qui ne disparaissent évidemment pas) dont la spécialité était
d'acheter les céréales aux paysans, les stocker, puis les revendre à
prix d'or en période de disette. Nicolas de Vandières (le père de
Colbert) s'était même lancé dans la chose (mais à Paris): voyant la
guerre de Trente ans arriver en France (le pays s'y engage en
1635), il avait accumulé du blé dans un sien grenier, espérant
l'écouler à son avantage en période de manque. Trop rempli, ledit
édifice s'était écroulé, causant la banqueroute de son
propriétaire!
On l'a dit, le pain est couplé avec de la soupe, plus claire que
grasse, plus faite de racines et de pois que de carottes et navets,
que l'on vend. Ceux qui le peuvent y font tremper un morceau de
lard (essentiellement en milieu forestier, où prospèrent mieux les
porcs). Les gens des régions méridionales y ajoutent les dernières
gouttes non vendues de la production d'huile de l'année. Quant à
elles, les populations maritimes tempèrent l'effarante monotonie
des repas par l'adjonction de crustacés, coquillages et autres
poissons. La proximité de la mer aide aussi en cela qu'elle fournit à
vil prix le sel, seule manière de conserver les aliments et source
d'iode comme de sodium. Ailleurs il est plus ou moins taxé (la
fameuse gabelle). Ainsi rare en milieux montagnard; il a fait dire à
Montesquieu (au siècle suivant) que les habitants de l'arc alpin
étaient des "crétins des Alpes". Non par méchanceté, mais car leur
manque de sel induisait des carences en sels minéraux pourtant
indispensables. Les contrebandiers (dits "faux-sauniers") sont donc
nombreux à tenter de contourner le monopole des greniers à sel
royaux. Inutile de dire qu'ils sont impitoyablement pourchassés.
Une fois de plus la petite histoire éclaire la grande; en effet
acheter une charge de grenetier du grenier à sel constituait
souvent un tremplin pour les générations futures: le chancelier
d'Aligre (théoriquement le deuxième personnage de l'état sous
l'Ancien régime) qui officiait sous Louis XIV descendait de tels
ancêtres, et non pas de nobles ayant participé aux croisades!
En dessert on peut consommer quelques mauvais fruits (les bons
étant vendus), le reste de fromage (même commentaire), voire un
rayon de miel. Ce qui est frappant, c'est l'absence quasi
chronique de viande, surtout rouge, souvent cantonnée à
quelques fêtes importantes. La recherche d'une plus grande
abondance d'alimentation carnée fit l'objet d'un long combat qui
ne prit réellement fin qu'avec Napoléon III. En effet, à l'instar des
produits précédemment cités et auxquels il faut rajouter œufs,
légumes, fruits (aux variétés bien plus étoffées que de nos jours) et
lait, les bêtes sont pour l'essentiel vendues. Pourquoi? Tout
simplement car l'impôt du roi s'acquitte en numéraire, il faut donc
des espèces sonnantes et trébuchantes gagnées par la vente au
marché pour l'honorer. De plus, cette contribution est en
augmentation sensible depuis 1635 (la guerre, toujours la guerre:
de 1635 à 1659, de 1667 à 1668, de 1672 à 1678, de 1689 à 1698,
de 1702 à 1713 pour les principales du siècle...). On a beau croire
dans les campagnes que "mort le roi, mort l'impôt", rien n'y fait. De
plus la chasse est réservée aux nobles (et à quelques
ecclésiastiques par l'intermédiaire de leurs domestiques), même
constat pour la pêche en eau douce. Évidemment il ne faut pas
se leurrer: le braconnage était pratiqué à l'envi (officiellement un
paysan ne peut tuer le rongeur qui dévore ses cultures, c'est au
noble de le faire...). Des témoignages existent ainsi de bandes de
paysans vidant consciencieusement les étangs de leurs poissons.
En fait nombre de seigneurs ne se faisaient pas d'illusion et louaient
leurs droits selon un procédé bien connu en Histoire: mieux vaut
encadrer soi-même ce que l'on ne pourra de toute façon pas
empêcher.
Il faut donc être bien conscient du fait que la cuisine "paysanne"
et/ou "à l'ancienne" tant louée de nos jours est plus l'apanage des
laboureurs et ménagers (moins riches que les premiers) que du
gros des gens. C'est à dire la minorité paysanne (quelques familles
par village) qui possède ses terres, et ses bêtes, contrairement aux
fermiers qui-eux- sont locataires (c'est le vrai sens du mot fermier
en français) et n'ont pas de charrue. Pour être précis ils paient une
taxe, l'affermage, au propriétaire, qui peut aussi bien être le
seigneur que le laboureur du village (laboureur qui emploie même
des paysans sans terre: les journaliers/brassiers). Les rapports
dominants/dominés dans le monde paysan sont donc bien plus
complexes que la vulgate ne le laisse penser...
Revenons à cette fameuse cuisine "paysanne": outre les
catégories déjà citées, elle est évidemment faite par la
bourgeoisie. C'est elle qui peut acheter les produits de la
campagne, ou les faire venir de ses terres limitrophes des villes,
vraies ceintures maraîchères. Elle se fournit également chez les
vendeurs de marée, qui font venir avec difficulté à Paris les morues
pêchées sur les bancs de Terre-Neuve; mais également les
harengs, le "poisson-roi" du Moyen-âge toujours fortement
consommé. Pêché par les Hollandais dans les eaux anglaises, il fut
même l'une des causes d'une guerre entre les deux pays. C'est
dire son importance...
Finalement les soldats font partie de ceux qui ont le moins de
soucis quant à savoir ce qu'ils vont manger. En effet ces quasiparias, qui ne sont pas encore les citoyens-soldats de la Révolution
et de l'Empire, vivent, selon l'expression consacrée, "sur le pays". En
clair, ils vont chercher la nourriture là où elle se trouve: chez
l'habitant. Et ce d'autant plus que la distinction entre civil et
militaire n'est pas aussi tranchée que de nos jours: les premières
casernes n'apparaissent que sous Louis XIV. Auparavant (et
encore pour un certain temps) les soldats étaient cantonnés chez
l'habitant, particulièrement pendant l'hiver où on ne se bat pas au
XVIIe siècle! Ce "logement des gens de guerre" était très mal
supporté, d'autant plus que nobles et ecclésiastiques y
échappaient. Or si Napoléon n'hésite pas à faire fusiller un pillard
pour l'exemple ou à payer de sa poche des gens lésés... Ce n'est
absolument pas le cas sous louis XIV où le paysan craint autant
"ses" soldats (le sentiment national est encore balbutiant quoiqu'en
marche) que ceux de l'ennemi.
Après le soldat on s'intéressera au marin, dont le cas diffère. En
effet, contrairement à son collègue de la terre, il ne peut pas se
"nourrir sur le pays", soit en rançonnant les habitants des terres qu'il
traverse ou sur lesquelles il stationne.
A cela une raison imparable: il opère la plupart du temps en mer!
C'est pourquoi il est le seul des forces armées à être nourri
directement par son "employeur", le roi: c'est ce que l'on appelle
recevoir les "vivres du roi". Et c'est bien là que le bât blesse. En effet
ce système n'arrivait pas à la cheville de celui de nos voisins
d'outre-Manche, très bien rodé. Ces derniers déployaient pour ce
faire une organisation tentaculaire et rudement efficace, qu'il n'est
pas question de détailler ici. Pourtant on rappellera que la Royal
Navy put ainsi bénéficier de légumes (greens ), fruits, et même de
cubes de soupe gélifiée (portable soup) bien avant tout le monde
et de manière constante .
Tout était fourni par des personnes privées (les fameux
contractors), contrôlées régulièrement par des agents de l'état qui
veillaient à la qualité des produits et n'hésitaient pas à se
débarrasser de fournisseurs peu scrupuleux. Cela permis, par
exemple, aux navires britanniques de faire le blocus permanent
des côtes françaises (close blockade), alors qu'auparavant on ne
prenait pas la mer (ni ne se battait comme on l'a dit) à la
mauvaise saison. Enfin, n'est-ce pas lord Sandwich (au XVIIIe) qui
fut à l'origine de l'aliment qui porte son nom?
En France rien de tout cela, et la nourriture des marins était
organisée par un unique personnage, détenteur d'une charge
annuelle... Et lucrative (par détournement de fonds, ce qui est très
répandu dans le milieu militaire): le munitionnaire général des
armées navales. Inutile de dire qu'il est dépassé: quand on sait
qu'un vaisseau de ligne de Louis XIV compte 1000 personnes en
son bord et que le royaume en eut près de 100 (sans compter les
autres bâtiments)... Mais la marine dut se contenter de ce
personnage, elle qui soulevait ni autant d'intérêt ni autant
d'enthousiasme que du côté anglais.
Ainsi à tous les niveaux ses services se servent, et bien souvent les
tonneaux de viande sont remplis (dans le fond) de carcasses et
autres os immangeables par des bouchers peu regardants.
Nombre de bouillons de bœuf qui auraient pu sauver des
organismes affaiblis par le service en mer n'ont donc jamais pu
être préparés.
En mer il faut des choses qui se gardent (d'ailleurs la durée des
missions s'allonge au XVIIIe). On embarque donc principalement
des salaisons de porc, de bœuf et de morue, des légumes secs qui
rendent les repas monotones, chose renforcée par le mauvais
biscuit de céréales: humide (comme tout à bord) et grouillant de
vers (comme l'eau) à faire peur. On le voit, rien de frais. Et c'est
encore pire au XVIIIe siècle où les croisières sont fréquemment plus
longues, car atlantiques et non plus méditerranéennes (les galères
s'arrêtaient chaque jour pour se ravitailler par exemple)...
Emmener des animaux avec soi (plus des canards que des poules,
ces dernières... ayant le mal de mer!) ne permet pas de pallier
totalement à ce manque pour raison de place, de mortalité etc.
Résultat: le terrible scorbut (la "peste du marin", qui tue infiniment
plus que les combats) apparaît dès 75 jours de vivres de mer et
non pas de mer tout court. En effet, il n'est pas rare que les
équipages encore au port (et ils peuvent y rester longtemps) y
soient déjà soumis contre toute logique! Le jus de citron salvateur
ne sera utilisé qu'à la fin du XVIIIe siècle, sous influence anglaise. Et
bien vite oublié, attitude typiquement française, car il refit de noirs
ravages pendant la guerre de Crimée (1854-1856!). S'y greffent les
différentes fièvres tropicales "bien entendu".
La pêche aurait pu être un élément de secours, elle ne le fut pas
avant Louis XVI. Avant cela elle était interdite à bord des navires
de l'état, sous le prétexte étrange qu'elle ne faisait pas partie du
"service du roi", donc à prohiber (!).
Bien sûr la table du capitaine était toujours mieux fournie, en vins
notamment (on pouvait s'en échanger d'un navire à l'autre). Enfin
il est à noter que les hommes affaiblis arrivant aux Amériques ne
faisaient qu'aggraver leurs cas, en se gavant de fruits exotiques
par exemple. D'où ravages importants sur leurs organismes déjà
débilités.
Finalement il fallut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour
que les progrès de l'hygiène (constants mais lents depuis deux
siècles) et de la conserverie alimentaire fassent disparaître ces
soucis.
Le règne de Louis XIV vit même marine et nourriture être fortement
liées par l'affaire dite des "bleds (l'orthographe de l'époque de
mot "blés") du Texel". La chose se situe pendant la difficile guerre
de la ligue d'Augsbourg (1689-1698), en 1694 pour être précis. A
cette date le roi attendait l'arrivée d'un très important convoi de
blé acheté en Scandinavie (plus de cent navires de commerce),
le nord de la France connaissant la famine. Pris par l'ennemi, on
craignit l'émeute, la révolte. Mais contre toute attente il fut
récupéré de haute lutte au Texel par le valeureux Jean Bart,
pourtant en infériorité. Fils de pêcheur, l'homme n'en fut pas moins
anobli pour l'occasion et son fils finit sa vie comme vice-amiral!
Loin des idées préconçues, on se rend compte que la naissance
ne fait pas tout au XVIIe (voir plus haut ce qui a été dit sur
d'Aligre). L'affaire était si importante qu'une médaille fut frappée
pour célébrer l'heureuse issue de l'affaire.
(Médaille)
Quant à la boisson, je vous renvoie à l'article idoine. On ajoutera
tout de même que le vin est fortement consommé (une taxe, le
"droit de rêve" le frappe d'ailleurs à l'entrée des villes), d'autant
plus qu'il est produit quasiment dans toute la France. La tradition
rapporte que Louis XIV, ayant trouvé atroce le vin de Normandie,
décida d'en ôter les vignes pour les remplacer par des pommiers.
Zélateurs du "calva", remerciez le roi-soleil. D'autant plus que c'est
bel et bien sous son règne qu'un certain Dom Pérignon mis au
point le champagne! Le vin français était déjà reconnu à
l'étranger puisque les marchands de Bordeaux le vendaient en
Angleterre... Même lorsque celle-ci était en guerre avec la France.
A noter que les voyageurs n'ont pas encore de restaurants (il faut
attendre le XVIIIe), mais des auberges et tavernes où, à la
différence des premiers, on mange ce que le tenancier a et non
des plats choisis parmi une sélection qui varie peu. Et si ces
établissements arborent l'écriteau "qui dort dîne"; ce n'est pas pour
la signification (qui est un abus de langage) que nous avons
actuellement de l'expression, mais bel et bien car qui veut y
dormir, doit aussi y manger! D'ailleurs on n’offre pas non plus "le
gîte et le couvert", étant donné que c'est un pléonasme: le
couvert (= le toit du bâtiment) n'est autre que le gîte. Nouvel abus
de langage, le temps parlant plus volontiers de "gîte et d'ustensile
(ce que nous appelons les couverts)".
Comme toujours, ceux qui mangent le mieux sont ceux qui en ont
les moyens: la goutte n'est-elle pas la maladie des riches? Sans
surprise, les meilleures tables sont celles des plus fortunés. Elles
disposent de venaisons, de fruits, légumes et laitages parfois plus
que de raison (les dîners et soupers versaillais sont... plutôt
chargés). Il y a encore des épices de l'orient lointain, mais on leur
préfère de plus en plus les produits d'Amérique. Notamment le
café (une cantate de Bach lui rend même hommage) et le sucre
de canne. Avant lui la seule source sucrée était le miel. Le thé et le
chocolat, quant à eux, sont plus l'apanage du siècle des Lumières,
siècle qui vit Louis XV servir lui-même le second breuvage à ses
filles. Or pour disposer de ces produits, il faut soit les acheter (ce
qui est coûteux), soit les produire soi-même: d'où l'importance des
colonies pour un pays comme la France. Au siècle suivant, les
Antilles comptèrent pour moitié dans la balance commerciale
française, d'autant plus que le sucre du royaume des Lys était
moins onéreux que son homologue anglais (d'où frictions, guerres
funestes pour Versailles...)! De plus la canne permet de faire du
rhum, et de ses mélasses on tire le fameux "tafia", bien connu des
marins. Le temps ne dédaigne pas non plus les glaces (les sorbets
pour être plus exact), inventées par les Ottomans dans le fameux
palais de Topkapi...
(Palais de Topkapi)
C'est aussi le temps de grands cuisiniers comme Vatel, qui officia
notamment chez Condé, de Mazarin regardant pousser ses
melons à Vincennes. C'est le siècle de Colbert veillant à la
tendresse de la viande de veau donnée à manger au jeune Louis
XIV ; et achetant à la pièce (ce qui laisse songeur quant à leur
prix) des oranges pour la reine Marie-Thérèse... Reine espagnole
qui consommait également beaucoup de chocolat, ce qui, à la
longue, déteignit sur son aspect physique d'ailleurs ...
Malgré ce tableau parfois déprimant, il ne faudrait pas croire pour
autant que la France de 2012 en a fini avec les problèmes
alimentaires. Folle époque où résonne affreusement les termes
"d'O.G.M", de "malbouffe", d' "obésité"; où les variétés
commercialisées se comptent sur les doigts de la main alors que
les sortes de pommes, de poires, de tomates (pour ne citer
qu'elles) sont légions dans notre pays... Pourtant c'est bel et bien à
l'homme de choisir ce qu'il va mettre dans son assiette et dans son
verre, et certainement pas à la mondialisation, au conformisme et
à la détestable bien-pensance. Chers lecteurs, ne bouffez pas,
mangez plutôt.
Jean-Baptiste Murez
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Sources principales :
-Cours de licence
- Vergé-Franceschi (Michel), La société française au XVIIe siècle,
tradition, innovation, ouverture, Paris, Fayard, 2006, 463 p.
- Goubert (Pierre), La vie quotidienne des paysans français au
XVIIe siècle, Paris, Hachette, 1991, 319 p.