Les dentelles de l`amer

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L es dentelles de l’ amer
Les dentelles de l’amer
Esprit es-tu là? Si tu es là, manifeste toi! On était là autour
du guéridon, recueillis et concentrés dans le cercle magique, nos
mains posées sur la table, les pouces de chacun étaient en contact
pour communiquer avec l’autre monde. Hop! Une petite séance de spiritisme! Y’avait Stéphane Bordarier, Claude Rutault,
Catherine Lopes-Curval, Sarkis, Claude Viallat, Jacques Villeglé,
Jean-Michel Othoniel et moi. C’était chaud! Brrr, un léger frisson
venait d’envahir la pièce. On voyait à peine, les bougies nous
lapaient le visage comme des Fantin-Latour. Plus personne ne
bougeait. Ca durait des plombes. Esprit es-tu là? Boum Boum!
Boum! Soudain vlà qu’ça craque. Nous sommes connectés avec
l’au-delà, marmonne le maître de cérémonie, notre médium
occasionnel. Nous allons pouvoir convoquer les entités. Boum
Boum! La séance peut commencer dit-il, en tenant ferme sa
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planchette de Oui-Ja, c’est pour faciliter l’écriture automatique.
Notre médium avait déposé des petits sacs de sel de mer dans
les 4 coins de l’appartement pour nous protéger des esprits maléfiques. Il avait pris soin de prendre du sel de mer des plages du
débarquement, la classe! C’était bien chiadé pour le contexte!
Fallait juste rester concentré dans cette pénombre pour entrer
en communication sans larsen. Hou là là! La première impulsion
venait d’être donnée. On sentait les bonnes ondes. C’est bon
signe, dit l’médium. Ca grésille. Le défunt est prêt. La table va
tourner. Soyez très attentifs, tout ira bien. C’est sûr! Catherine
Lopes-Curval alluma une dernière bougie. Boum! Boum! Boum!
Esprit es-tu là? Si tu es là, manifeste toi! Szha jld bbbn aaaaaa
anjizpo ez. Merde! On y comprend vraiment rien! dit Claude
Rutault. C’est pas notre entité, marmonne mon voisin qui
compressait mon pouce avec son gros doigt pour alimenter en
courant continu notre cercle magique. Si Rutault décroche, on
est baisé? Ca va couper l’énergie. Pffffffff ! Heu! Y’a sûrement
un problème que j’me dis. L’esprit exprime sa présence mais la
ligne est très mauvaise. Boum Boum Boum! Je suis là! Npap jbnz
duzlk h ija arpr hbs. Un merdier sur la planchette Oui-Ja.
C’est pas notre défunt, on dirait une âme perdue d’Herzégovine ou de Croatie, dit Jean Le Gac! Jbiu hbbr ak hbazry iuaf
qzonk! Esprit es-tu là! Boum boum Boum! Ah!!!!!!! Mais si! Mais
si! C’est Raymond! On essayait d’avoir Raymond Hains en direct.
Paf ! Le voilà qui décroche. Génial! Notre druide laïc est en
ligne. Il s’emballe. Ca va Raymond? marmonne Villeglé. Oui!
Jacques, tout va bien. Je suis emballé à jamais comme un Christo au
firmament. La Oui-ja se tortillait sur elle-même, les lettres
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chahutaient en quinconce. Bon! S’ils nous font le plan «Hépérile
éclaté », on est mal barré pour déchiffrer les messages de l’outrevie, dit Catherine Lopes-Curval. Ah! Doit y avoir un sceptique
parmi nous! Heu! Heu! Je baissais la tête, fixé sur ma Oui-Ja.
Sarkis me surveillait en douce, devait me soupçonner... Sûr!
Si y’avait un mec pour connaître le secret du violet de Bayeux,
c’était bien Raymond Hains, lui seul pouvait nous révéler la
source hypnagogique du violet, hélas il n’était plus parmi nous.
Un seul moyen! m’avait dit le directeur du journal. Un ptit coup
d’bigo paranormal et hop. On aura la primeur. Boum boum
boum! Ah! Raymond nous parle! Qu’est-ce qu’il dit? demande
Viallat. Heu! C’est celtique! Heu! Heu! Jiaz hbd zvv anuak.
Il dit que Sarkis raconte des blagues, qu’il ne sait rien! C’est
une ruse des espions Turcs. Quoi? Quoi? Sarkis hocha la tête.
Boum Boum! Ajka zhgaz asko aattz. Heu! Qu’est-ce qu’il dit?
Heu! Que Sarkis prétend qu’il aurait découvert sur des vieilles
bandes magnétiques, un message codé d’espions d’Istanbul, mais
il s’est fait blouser, c’est un leurre avec le chiffre 7 répété 7 fois sur
7 bandes magnétiques... juste une coïncidence! De notre côté, on
avait les yeux fixés sur Sarkis. Iyryrr bnjz uzduzij. Heu! En fait
ce serait des bombes d’aquarelles violettes. Boum boum! Hgttrcs
xbbvxb mpkszxwht. Quoi? Il dit que 7 est un indice qui nous
renvoie au VIIe siècle qui serait forcément l’époque de la création
du violet de Bayeux créé par 7 moines nains! Une bouillie à base
d’améthyste, de sucre de betterave et de lilas vineux passés en
synthèse additive au kaolin, 7 fois de suite par les nains.
En principe, le kaolin est utilisé comme activateur pour tester la
coagulabilité du plasma. Ca plaisait bien à Sarkis. Boum Boum
Boum! Hjua bjzbs azbu. Quoi? Quoi? Des bombes d’aquarelle
avec du sucre de betterave? Le médium n’était pas vraiment
en phase avec Raymond. Un bombardier? Un bombardier?
Il va nous péter la oui-ja sur le set de table, dit Bordarier. Boum!
Boum! Bvrrrt hrureetrf eppter fgfdgf… Si! Si! ça marche! dit
l’médium, je l’ai. Bordarier avait sorti sa raclette plasma pour
remplacer la Oui-ja. Ca va! C’est bon, dit l’médium. Ppprrr
gvhg zyaug bve. Il dit que le VIIe siècle est l’époque flamboyante
du plein pouvoir des évêques... Ils auraient décidé à cette époque
que le violet serait la couleur des 7 péchés capitaux du nom
des sept églises qui correspondent au nombre de jour que dieu
pris pour créer le monde des 7 planètes sans oublier la bête de
l’apocalypse aux sept têtes qui représente pour les évêques le violet
sacré imposé au VIIe siècle par l’église rayonnante de Bayeux.
Sarkis aurait récupéré une cassette. Il affirme que les 7 nains
portaient des capes violettes pour imposer leur diktat propagateur. Il faudrait voir du côté des témoins d’Jéhovah. Ppkkr
Arkktry ba ahb aup azs biak bizk! Raymond ajoute que Sarkis se
mélange les pinceaux, qu’il a confondu avec le code de couleurs
des résistances électriques et des condensateurs. Si! Si!
La couleur violet correspond exactement au chiffre 7, au multiplicateur x107, qui serait en fait le chiffre du son du tonnerre
et de la lumière des éclairs VT dans le ciel! Quoi? Quoi? C’est
une blague? me dit Claude Rutault en écrasant mon pouce. Heu!
VT (abréviation de violet) du septième ciel! Hein! Heu! J’avais
des visions. On m’avait prévenu! Faire tourner les tables est
dangereux! C’est quoi ces aubergines en caoutchouc? Jean
Le Gac avait dessiné des aubergines molles. Bizarre. Je voyais des
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aubergines violettes avec des lapins de synthèse. Bordarier avait
lâché des lièvres de mars peints au violet de mars enduits de
colle de peau d’lapin... Un délire! C’était pas net. Tghyz féfzz
fzfefzz... C’était comme un Bordarier dans un Jean le Gac mais
réalisé par Sarkis! Mais c’est quoi! c’truc! J’y pige que dalle!
Qu’est-ce qu’il m’arrive! C’est le jeu des 7 erreurs pour les
7 merveilles du mondes en VTT, dit Raymond Hains en boustant
la table qui se met soudain à tourniquer sur elle-même comme
un manège. Pas l’moment d’lâcher prise, je tiens mon pouce
collé au pouce de mon voisin qui le colle au pouce de son voisin
qui le colle. Boum Boum Boum! On fait la toupie. Ca devait
amuser Raymond qui voyait sûrement par là, un coup fourré
de César qui devait donner un coup d’pouce à sa manière pour
déclencher l’tourniquet de notre guéridon hystérique. C’était
violent. Je risquais à chaque secousse d’être retourné comme une
crêpe. Sûr! On avait du mal à tenir la ptite table en lévitation.
Elle dansait. Elle nous entraînait dans la danse. Quelle tourmente!
Une crêpe! Une crêpe en transe! Boum Boum boum! La tablette
Oui-Ja traduisait Raymond en alphabet socio-politique. Bizarre!
Je commençais à tourner de l’oeil. Je n’lâchais pas le contact avec
le pouce de Rutault d’un côté et celui de Catherine Lopes-Curval
de l’autre. Cette table tournante me dominait. J’vous dit pas la
lambada! Je voyais trouble. Pourtant on distinguait nettement un
nouvel arrangement aléatoire engendré par un arrachage d’affiche
de Jacques Villeglé. Je tentais de me concentrer au maxi.
Apparaissait alors en toutes lettres sur une affiche de concert,
Benjamin Violet au lieu de Benjamin Biolay. Incroyable!
Un Villeglé étonnant. Les superpositions d’arrachages anonymes
successifs avaient permis cette nouvelle orthographe par un hasard
surprenant. Le violet était déchiré grave. Sous la couche, une
autre affiche, celle de Bill Viola, les couches avaient provoqué
cette confusion. Le lacérage fortuit laissait apparaître le V de
Viola à la place du B de Biolay! Puis un ET provenant d’une
autre sous-couche. Le nom de Benjamin Biolay était transformé
en Benjamin Violet! C’était Incroyable! Biolay, Violet, Biala,
Viala, un pur hasard des strates! Ayant pris connaissance de
ce cut-up visuel saisissant, Benjamin Biolay s’était mis à écrire
«Le jeu des 7 erreurs» pour l’album d’Elodie Frégé. Viallat en
était vert! La sous-couche était bien un Viola, et non un Viallat.
C’était incroyable toutes ces coïncidences! Raymond Hains
rayonnait sur nous. Boum Boum. Vous saviez que Biolay avait
appris à jouer sur une guitare électrique violette! Wouaaa!
Benjamin Biolay possédait une guitare électrique violette! C’est
dingue! Boum Boum Boum! Qu’est ce qu’il dit Raymond!
Hgrtrt yyfr ghpp... que Benjamin Violet/ Biolay/ aurait repris
une compo d’Ultra Violet créée à la factory de Warhol. Ah! Bon!
Mais c’est fou, s’exclame Catherine Lopes-Curval. Oué! Pour se
mettre à table, certains choisissent le divan! Nous, c’était l’guéridon,
dit Le Gac. Heu! Une tournante des anges! Un rituel de Saint
Guy. C’est comme dans les romans des chevaliers de la table
ronde. On dansait la gavotte. Boum! Boum! Raymond Hains
était bel et bien en communication avec nous. Boum Boum!
Plokk lmkkoomo bnvgtg fgrrtr. Qu’est-ce qu’il dit? demande
Bordarier. Boum! Boum! Hyyur tgfvbbr Tttr ... N’oubliez pas
que j’ai illustré en photo avec Matthieu Laurette des couvercles
de boîtes de crêpes dentelles « Gavottes » dit-il... et... merde, la