AmiTRASHment Par David Didelot
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AmiTRASHment Par David Didelot
AmiTRASHment (p.27 — p.28) Par David Didelot 1 — éditée par Artus Films, et actuellement en souscription à cette adresse : fr.ulule.com/gore David Didelot, créateur du fanzine Videotopsie et de l’ouvrage-somme : Gore, Dissection d’une collection1, nous offre ici une brève présentation des truculentes éditions Trash Dans l’ordre des héritiers revendiqués à la défunte Collection Gore, il faut évidemment saluer le collectif Trash et les éditions du même nom. Qu’on en juge en lisant ces quelques mots de bienvenue sur leur site http://trasheditions. wix.com/trasheditions : “Le collectif Trash rassemble des auteurs et illustrateurs qui ont de la tripaille et des entrailles à revendre. Ils ont décidé de se réunir pour œuvrer, ensemble, à l’édition de romans dégueulasses, choquants, gore, avec plein de sexe, de sang, de foutre, de sueur et de larmes. Notre but, c’est autant de rendre hommage à la mythique Collection Gore du Fleuve Noir que de tenter, modestement, de poursuivre sa démarche en proposant des romans courts, secs, nerveux et sans concession.” Et pour ceux qui n’auraient pas encore compris mais qui voudraient quand même tenter leur chance en envoyant leur manuscrit (ou tapuscrit comme on dit pour faire joli), lisez cet avertissement sur le blog de nos bouchers http:// trasheditions.blogspot.fr/ : “En outre, même si ce n’est pas indispensable, une solide connaissance de la Collection Gore est un “plus” non négligeable.” On ne peut être plus clair… Et c’est tant mieux ! Il n’est d’ailleurs pas rare de lire, dans les colonnes de leur blog, quelques petites chros bien envoyées des volumes Gore les plus emblématiques… Sans compter que nos Trashers ont décidé de publier quelques anciennes gloires de Gore, au nombre desquels François Sarkel (alias Brice Tarvel) et Christian Vilà : sacré bon plan ! Et puis que dire du logo Trash ? Clairement emprunté à celui de la Collection Gore… Même format également (entre 160 000 et 190 000 signes, espaces compris), même prix modique (6 euros), même plaisir trouble du paraphe dissimulateur, et puis même goût du mauvais goût et de la provoc dans les dessins de couverture : voir celle de Nécroporno (opus 1 de la série), particulièrement gratinée… Félicitations à la petite équipe d’illustrateurs d’ailleurs – Willy Favre, la mystérieuse Vitta Van der Vuulv – prête à marcher sur les traces d’un Dugévoy, le mythique dessinateur de Gore… Bref, un “emballage” particulièrement soigné (avec des dos qui font plaisir à voir : pubs pour Uncut Movies, Le Carnoplaste…), et des mecs complètement dans leur sujet, vrais connaisseurs de la littérature populaire, vrais aficionados de la Collection Gore, vrais amateurs de chair fraîche ou faisandée… et vrais écrivains de surcroît, ce qui ne gâche rien ! Évidemment, le rythme de parution et la distribution ne sont pour l’instant pas les mêmes que ceux de la Collection Gore, mais gageons que dans un proche avenir… Après une campagne promo savamment orchestrée (blog, site, réseaux sociaux…), nos charcutiers balançaient donc à la face du public leurs trois premiers volumes en juin 2013, tirés chacun à plusieurs centaines d‘exemplaires, ce qui n’est déjà pas si mal dans ce créneau : Nécroporno du grand chef Robert Darvel, Pestilence de l’infâme 27 Après cette première salve unanimement saluée par la critique malpensante, nos Trashers remettaient le couvert en novembre 2013, laissant cette fois le stylo à quelques autres plumes sanglantes ; comme de coutume, menu unique dans le gasthaus de nos cuisiniers bouchers, avec entrée, plat et dessert : comprendre trois nouveaux brûlots bien cradingues sur nos linéaires, signés l’un par le vétéran Brice Tarvel (Silence Rouge), un autre par l’étrange Brain Salad (Émoragie), et le dernier par le dénommé Zaroff (Night Stalker). De l’horreur provinciale (comme sut nous en donner parfois la Collection Gore), du fantastique barkerien à la sauce anglaise, et du pur thriller en mode Nécrorian, comprendre très cul et très sadique ! L’aventure ne s’arrête évidemment pas là, puisque Trash balance déjà sa troisième fournée en ce mois d’avril 2014. A la barre cette fois – et revenu d’outre-Gore – le vétéran Christian Vilà (Kriss Vila donc) pour un inédit qui s’annonce démentiel, MurderProd, critique sanglante de la société du spectacle et de ses dérives... Le titre est déjà un bonheur de lecture ! Pour l’accompagner, Sous la Peau de Nelly Chadour : piercing qui gicle, sexe (qui gicle sûrement aussi !) et rock’n’ roll, nous prévient-on... On en bave quoi ! Enfin, Julian C. Hellbroke (le Degüellus de Pestilence d’après les R.G...) y va de sa série B 80’s, avec Garbage Rampage, une histoire de rats maousses dans le New York de 1982... Pourvu que cette belle aventure perdure dans le temps en tous cas, car depuis Trash, on a l’impression que la Collection Gore n’a jamais réellement disparu... Merci à eux ! 28 Entretien avec Julien Heylbroeck, Schweinhund et Vitta Van Der Vuulv Trash Éditions (p.29 — p.32) Par Lohengrin Papadato ≥ ARRO — Sans Titre Degüellus, et Bloodfist du maniaque Schweinhund. Attention les yeux (et le reste…), car ça va morfler méchamment ! Pour le coup, on se croirait vraiment revenu à la bonne vieille époque des Gore les plus dingues, tendance Blood-Sex ou L’Écho des Suppliciés. Au menu de cette première livraison, des mouches nécrophages qui infestent une petite ville jusque là peinarde, une épidémie de peste qui ravage la campagne française dans un MoyenÂge cauchemardesque, et une espèce de serial killer adolescent, aux prises avec une secte bien branchée SM... Triplé gagnant pour les amateurs de bubons bien mûrs et de cadavres pas frais ! Entretien LOHENGRIN Pour nos lecteurs, pouvez vous retracer un peu l’historique de Trash éditions ? On a un peu réfléchi au début, à la collection Gore, qui existait dans les années 1980 : 118 numéros. On s’est dit, ce serait pas mal de faire revivre un peu les récits de ce genre là. Sauf qu’on a pour seul et unique compétence en la matière, enfin ça se discute… mais en tout cas on essaie d’écrire. Après, illustrer, maquetter, distribuer, on savait pas du tout faire. Donc on avait dans un premier temps, penser à proposer cette idée de collection à un autre éditeur. Mais qui fonctionnait sur un format tel qu’on aurait dû proposé des histoires deux à la fois, pour un prix qui nous parassait un petit peu élevé pour ce genre de littérature. Donc après discussion on s’est dit très vite qu’avec les contacts qu’on a, il y avait moyen de faire sans. On avait des illustrateurs qui étaient partant, et puis en discutant avec un ami à nous, Robert Darvel qui lui, a monté sa petite maison d’édition, fonctionnant sur des fascicules, de courts romans dans un format B.D. Lui, il a tout fait tout seul, et il nous a dit : “Mais pourquoi vous ne vous lanceriez pas ? Au lieu d’être conditionné par le format d’un autre, faites tout vous même.” On a donc décidé de se lancer, et ça c’était au tout début de l’année dernière. En juin prochain ça fera un an que les premiers sont sortis, et ça fait deux ans qu’on a commencé à réfléchir. Robert Darvel, Schweinhund et moi avons écrit les trois premiers, en se disant qu’on est jamais mieux servi que par soi même : on n’a pas à aller démarcher des auteurs sur rien, sur du vide. On avait Vitta van der Vulve et Willy Favre pour les illustrer. Robert nous a fait une maquette aux petits oignons, il est venu en nous disant : “Voilà j’ai bricolé ça dans un coin.” C’était superbe, on a dit : “Ne touche plus à rien”, ou presque, et puis voila on s’est lancé. À partir de là on a eu du concret pour aller à la rencontre d’un autre éditeur, pour démarcher d’autres auteurs, et on a eu un très bon accueil puisque des anciens de la Collection Gore se sont intéressés à Trash. On a Brice Tarvel, qui écrivait sous le nom de François Sarkel, qui a écrit l’avant dernier Gore La chair sous les ongles. On a Christian Vila, qui signe sous le nom de Kriss Vila, il signe MurderProd, qui est tout nouveau. Il a écrit trois Gore : L’océan Cannibale, Crime de sang et La Mort Noire. On espère que c’est que le début de ces anciens goreux qu’on récupère. Ça fait un lien. On sait que c’est que le début, car on va déjà sortir un inédit de Brice à la fin de l’année. Silence Rouge, c’était une réédition, là il 29 nous a fait un inédit rien que pour nous, sur mesure. Silence Rouge devait sortir chez Gore. La collection s’étant intérrompue le livre est sorti plus tard dans une autre collection du Fleuve Noir. Une collection qui s’appelait Angoisses, au pluriel, à ne pas confondre avec la mythique Angoisse d’origne. Il y a eu pas mal de petites manipulations comme ça dans les collections du Fleuve. Quand une collection s’arrêtait, on trouvait aux romans déjà écrits (les auteurs étant toujours censés fournir des manuscrits) un autre support, un autre accueil dans une collection apparentée. Brice nous a donc donné son roman, ce qui est un magnifique cadeau, puis il a enchainé. Comme il s’est pris au jeu, et qu’il garde un très bon souvenir de son expérience Gore, il nous a vu arriver, je pense, comme une espèce de cure de jouvence. Il nous a dit : “Je vous en fait un autre, et puis celui là, on le sortira à l’automne.” Il est terminé, là, on l’a lu et il est génial. Pareil pour Christian, avec MurderProd, et il a déjà deux autres idées pour des romans à venir. Ca fait partie des auteurs qui s’éclatent avec ce type de forme. J’en remets une couche parce qu’on est passé assez vite sur l’importance de Robert Darvel. Il a été capital dans l’aboutissement du projet. C’est vraiment lui qui nous a permis de tout faire nousmêmes. C’est-à-dire que sans ses compétences à lui, d’homme-orchestre (parce qu’avec le Carnoplaste, il fait tout tout seul, depuis les maquettes jusqu’à l’écriture.), il nous a mâché le travail pour tout ce qui est statuts, toutes les conneries d’administration que nous ne connaissions pas du tout. Il nous a invités chez lui pendant un weekend et nous a briefés, il nous a communiqués tous les papiers sur la création de société… Il a écrit le premier roman de notre collection… enfin voila on lui doit vraiment beaucoup. Je pense que sans lui ça se serait fait mais d’une manière beaucoup plus bancale, ç’aurait été beaucoup moins bien, beaucoup moins réussi, d’emblée. Parce que Robert a cadré tout ça de manière extrêmement précise, et il continue encore, donc heureusement qu’il est là. Nous, effectivement, on est la partie visible, parce qu’on est les deux à prendre les décisions, mais il y a des gens dans l’ombre sans lesquels on ne serait rien. Si Robert n’était pas là, si Vitta et Willy n’étaient pas là pour faire les illustrations, nous, on n’a pas un énorme réseau, donc je ne sais pas à qui on aurait demandé. À combien tirez vous, et quel est votre réseau de distribution ? L On a neuf librairies pour le moment, ça nous manque, il faut qu’on aille au contact, pour avoir d’autres points de vente. On n’a pas de distributeur, on fait tout par nous même. C’est un système 30 Entretien qui a ses défauts et ses qualités. Les qualités elles sont évidentes, on est libre, on ne doit rien à personne. L’inconvénient c’est que c’est surtout de la vente directe, à part chez les quelques partenaires. Donc bon, il faudrait qu’on arrive à faire du 50/50, parce que pour le moment c’est plutôt du 75/25. Quelques centaines d’exemplaires. Pour chaque livre. C’est pas tant que ça. Si on fait moins, on se condamne à retirer très vite. On avait envisagé de faire moins au début, mais si on avait fait ce qu’on avait prévu à l’origine on aurait dû retirer la première vague. On était parti sur un tirage à 100, ce qui est minuscule. Je pense qu’on a fait le bon choix. Quelques centaines, c’était adapté, je pense, à notre formule. Vos ventes se passent donc plutôt sur de la vente par correspondance, des festivals, ou autres événements… L On travaille avec une dizaine de librairies qui nous commande des bouquins. Je pense que c’est amené à s’élargir, j’espère. On va essayer de développer le réseau évidemment, sur Paris, Bordeaux… Il y a pas mal de librairies qui, je pense, seraient intéressées pour proposer nos bouquins. Et puis, via notre site. Comment vous sortez des bouquins a ce prix-là ? 6 euros l’exemplaire... Le coup des pseudos dans la collection Gore, c’était lié d’une part à une tradition, et d’autre part, c’est qu’à l’époque, les gens multipliaient les pseudos pour intervenir sur plein de collections. Pour éviter d’être omniprésents, ils empruntaient différents noms, et signaient du polar, du gore, et en même temps de l’érotisme ou du fantastique. Nous à Trash on s’est dit qu’on allait continuer à avoir des pseudos fleuris, qui parlent au lecteur. En allant plus loin, avec internet on peut se permettre de faire des bios qui sont totalement véridiques… Je trouve étonnant et appréciable votre accessibilité alors que dans un même temps les romans que vous publiez sont plutôt crades et sanglants ! L Bien que les thèmes soient noirs dans l’écriture, qu’on n’est pas dans l’ambiance rigolarde, on l’est en revanche sur les salons, dans la vente, la promotion… il n’y a pas vraiment d’artistes torturés, ou un peu dark à faire la gueule chez nous, on n’est pas comme ça. Heureusement on arrive à dissocier le fait d’écrire un truc, et la personne qu’on est. C’est pas tout à fait pareil. L Bah ! personne se paie, à part les illustrateurs et les droits d’auteur... Il y a effectivement des paiements de droits d’auteur, mais c’est symbolique : on est sur un pourcentage de droits d’auteur qui n’est pas dégueulasse par rapport à d’autres éditeurs, mais on est sur de tels petits tirages que cela ne représente que quelques centaines d’euros si on vend la totalité des exemplaires. On a également trouvé un imprimeur compétitif, qui permet aussi de proposer ces prix là. On avait fait pas mal de devis et pour beaucoup, c’était intenable. Parce qu’on essaie quand même de dégager une marge qui va permettre de financer les suivants. Et également de payer, même si ce n’est pas beaucoup, les auteurs. Et puis on n’a pas de diffuseur. Si on voulait être diffusés, à plusieurs centaines d’exemplaires, on serait invisible, et avec les coûts, on perdrait même certainement de l’argent… On ne pourrait pas rentrer dans une logique de distribution, diffusion et boutique. Il faudrait monter les prix, ou tirer à 3000 (bon ça on aimerait bien mais ce n’est pas d’actualité). Pourquoi se cacher derrière des pseudos ? L C’est vrai que la seule exigence de Robert Darvel, face à l’énorme masse de travail qu’il a réalisée pour nous, a été d’ouvrir la collection avec le premier numéro. Evidemment il n’y avait aucun souci. Avec Nécroporno il a offert un mètre-étalon à notre collection. Il a dit “je veux faire du gore, du gore à outrance, sur un rythme échevelé”. Du gore qui est quand même tendu vers une histoire, une histoire apocalyptique, mais qui va mélanger du sexe et des scènes de putréfaction. Voila un mélange des deux, un truc assez ignoble, mais toujours sur un rythme et un ton qui font qu’on est dégoûté tout en se marrant. Tout en ayant la gaule parfois, dixit Thierry Lopez d’Artus Films ! Donc voilà c’est un modèle. C’est un grand titre dans notre collection de romans. Ils sont tous bien, on est tous tombés amoureux des différents bouquins, mais celui-ci est vraiment très très fort. Là, avec cette nouvelle vague de parutions on a son pendant noir avec Kriss Vilà, qui a signé MurderProd. C’est l’équivalent de l’horreur absolue de Nécroporno, et l’humour en moins (rires). C’est vraiment plombant, avec des vagues et des vagues de scènes trash et pornographiques jusqu’à l’écoeurement. Mais l’écœurement dans le bon sens du terme, c’est vraiment de l’abattage, Entretien c’est en même temps choquant et oppressant. On essaie à Trash de proposer tout un panel d’ambiances, variées. Pour faire des références cinématographiques ça pourrait être entre Maniac et Braindead, entre le glauque bien oppressant et le gore rigolo et coloré. Moi, je vise même jusqu’à Nécromantic ou le Roi des Morts, Maniac c’est pas encore assez. Depuis que les livres existent il y a eu des livres gore et dégueulasses. Le Marquis de Sade et compagnie. Et le cinéma ou le théâtre, avec la tradition du Grand-Guignol à la fin du XIXème, par exemple. Des espèces de mises en scène dégueulasses avec des effets spéciaux, des trucs immondes, le genre populaire et un peu honteux par excellence. Il y a toujours eu cette composante. Finalement, Trash est une collection très traditionnelle. On perpétue une tradition qui est française. Le gore est né aux Etats Unis, parce que le mot a été inventé par Herschell Gordon Lewis avec ses films. Mais il existait déjà en France avec le Grand-Guignol, il y avait déjà cette expression extrême du gore et de ce qu’il y avait de pas agréable à montrer et à voir. Donc nous on continue, tout simplement. Pestilence, un lien avec Le Nom de la Rose ? L Avec Pestilence, je m’étais dit qu’on pouvait proposer un roman qui ne soit pas forcément contemporain. C’est vrai que la majorité des romans sont plus ou moins dans des contextes contemporains, tout comme les films d’horreur. Toutes les époques ne s’y prêtent pas forcément mais le Moyen-âge, avec tout ce qu’on imagine de grotesque et de dégueulasse, entre épidémies et sauvagerie me semblait être un cadre assez parlant. Et effectivement il y a une intrigue un peu comme Le Nom de la Rose, mais je dirai plus, même si ça va paraitre tres prétentieux, sous l’angle de Jess Franco, ou ce genre de réalisateurs. On est loin de l’érudition d’Umberto Eco, évidemment. C’est l’œuvre dégénérée du Nom de a Rose, si tu veux. Le Nom de la Rose pour les pervers ! Où vous situez-vous par rapport à la Collection Gore ? L Trash n’est pas un copier-coller de Gore ! On propose quelque chose qui est à la fois semblable et différent. On essaie déjà d’actualiser un peu, parce que les derniers ouvrages Gore ont déja 25 ans, donc 31 le temps a passé. Les sources même du gore ont évolué et ce n’est plus la même chose. Donc on essaie d’évoluer. Pendant un moment on s’est demandé si on allait reprendre le nom de Gore. Bon, c’est certainement un nom déposé qui appartient à quelqu’un. C’était compliqué. Et une fois de plus, sous l’impulsion de Robert Darvel, on s’est dit que c’était certainement casse-gueule. Il était plus intéressant de prendre un nouveau titre. Avec Trash, on a le côté malsain. Avec Gore, on imagine tout de suite de la tripaille, c’est corporel, des sécrétions, du sang… Avec Trash on peut aller du côté psychologique, après je ne dis pas que les ouvrages Gore ne l’étaient pas mais avec Trash on s’offre l’opportunité d’aller dans le “purement malsain”. D’ailleurs dans Bloodfist, il n’y a pas des pelletées de morts, on est avant tout dans l’esprit d’un malade, qui ne va vraiment pas bien, qui vit très mal plein de choses. On n’est pas dans un bodycount incroyable, comme dans Nécroporno, ou d’autres titres. Après, le lien est évident, on a repris un logo avec des lettres qui dégoulinent. Gore, Trash : c’est pas des synonymes mais bon c’est des mots voisins. On en joue de cette proximité, mais l’idée c’est de ne pas s’emprisonner dans une filiation écrasante. L’idée n’est en aucun cas de reproduire bêtement ce qui a été fait il y a 30 ans, sinon ça n’a aucun intérêt. L Qui est votre lectorat ? Même si aujourd’hui il y a du fantastique qui va loin, avec Graham Masterton (chez Milady) par exemple, qui sort des histoires de cannibalisme, on trouve de quoi se rassasier un petit peu, mais une collection purement dans cet optique il n’y en avait pas. Pas à ma connaissance. Je sais qu’il y a La Maison des Viscères au Quebec, un petit éditeur comme nous, qui propose des recueils, avec une distribution très marginale. On s’est dit qu’il y avait une place à prendre. En se posant la question du lectorat : Où en sont les gens qui aimaient Gore ? Est -ce qu’ils sont toujours là ? Est-ce qu’il y en a des nouveaux ? Ont-ils abandonné, de guerre lasse, parce que plus rien ne sortait ? On a eu beaucoup d’accueil de gens qui nous disaient : “Ça y est 25 ans que j’attendais ça !” C’est un peu fort. J’espère que la personne n’attendait pas que ça, sinon ce serait inquiétant ! Mais enfin, ça fait plaisir ! Maintenant, ce que représente ce public, on en a une idée imprécise. On a joué sur la fibre sentimentale de tous les vétérans, cependant, il y a un renouvellement que je ne perçois par pour le 32 Entretien moment. Notre public c’est surtout des quadras, ou des gens de trente-cinq balais qui ont découvert cette collection quand ils avaient quinze ans et que ça amusait. Mais les jeunes pour le moment ne sont pas légion. On les attend. L Envisagez-vous de faire des traductions ? Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité. Gore sortait deux romans par mois parce qu’ils avaient beaucoup de traductions. Ça voudrait dire aussi qu’il faudrait tailler dans les bouquins, ce qu’on refuse de faire. Gore le faisait tout le temps. Ils achetaient les droits d’un livre américain, le traduisaient et le coupaient. Mais ils le coupaient dans le sens inverse, c’est à dire en ne gardant que les scènes gore, et en éludant le reste qui permettait de développer l’intrigue. Une sorte de censure à l’envers, ce qui est assez inédit, je pense, dans l’histoire de la littérature. Pour l’instant, nous on fait de la création originale, française. Et surtout on fait du sur mesure, on a un calibrage précis, tout le monde le respecte et on n’a pas de coupe à apporter au récit. En terme de rythme, pour l’instant ça nous convient. ça nous laisse le temps de promouvoir chaque parution. C’est à dire que chaque bouquin qui sort n’est pas effacé par la vague suivante. Les ouvrages ont besoin de s’épanouir, de vivre leur vie, sur quelques salons…Si jamais ça devait s’emballer peut-être qu’on accélererait, mais pour l’instant ça nous laisse le temps de les relire, de les peaufiner, d’apporter même si c’est menu, quelques corrections. Que les illustrateurs puissent nous proposer des visuels de qualité. Et comment êtes-vous reçus ? Par rapport à l’époque de Gore, par exemple ? L Eh bien ! peut-être que personne ne nous prend trop de haut. On a parfois des réactions de gens qui disent : “Oh vos tripailles c’est rigolo, mais bon…” C’est somme toute assez marginal. Il n’y a pas trop de dédain. Même sur le net, on a eu une fois un excité, qui est venu dire qu’on irait brûler en enfer avec ce qu’on avait fait. Mais en fait, c’est la caution, ça fait plaisir qu’il soit là. Et heureusement qu’il est là ! Il faut envoyer MurderProd à Copé, c’est la seule solution. Comme ça, s’il dit qu’il faut l’inter- dire, on va vendre les stocks en trois jours ! Je pense que les gens sont plus difficiles à choquer maintenant. Entre-temps il y a eu internet. En deux clics t’as n’importe quel porn extrême comme tu veux. Faut y aller maintenant pour choquer ! C’est une question de contexte. Mais ce n’est pas le genre de défi qu’il faut se fixer de toute façon. Si on commence à penser comme ça on va dans le mur. C’est d’ailleurs ce qui gouverne un peu nos couvertures. On va dans l’extrême mais on ne verse pas dans le porno pur et dur, même si je pense que ça ne dérangerait pas certains d’entre nous. Je ne dirai pas les noms (rires) mais c’est vraiment la seule petite mesure qu’on s’autorise. Il suffit simplement d’ouvrir Nécroporno ou MurderProd… et Night Stalker pour les bébés…Au début on s’était dit : pas de nazis, et pas de bébés. Maltraités hein ! On s’était dit : pas de héros nazi et pas de bébés maltraités ! Et non pas, pas de nazis maltraités et de bébé héros ! C’est important de préciser ! Pas de bébés nazis, ni de héros maltraités ! Mais Zaroff a montré avec brio qu’on pouvait se passer de ce tabou-là. Même Robert, avec la scène des bébés nageurs dans la piscine… En gros il ne reste plus que le nazi héroïque, et là c’est la dernière limite. Enfin bon moi j’en veux pas, clairement. La charte, c’est important (rires) ! L Le mot de la fin... On peut juste dire qu’il y a une scène récurrente dans chacun de nos bouquins, sauf Silence Rouge qui est une réédition. On ne pouvait pas forcer son auteur à intégrer ça. Certains l’ont trouvée. Il y a une petite figure imposée, mais on ne le dit pas, c’est au lecteur de la trouver. C’est une sorte de caméo.