AmiTRASHment Par David Didelot

Transcription

AmiTRASHment Par David Didelot
AmiTRASHment
(p.27 — p.28)
Par David Didelot
1 — éditée par Artus Films, et actuellement en souscription
à cette adresse : fr.ulule.com/gore
David Didelot, créateur du fanzine
Videotopsie et de l’ouvrage-somme :
Gore, Dissection d’une collection1,
nous offre ici une brève présentation
des truculentes éditions Trash
Dans l’ordre des héritiers revendiqués à
la défunte Collection Gore, il faut évidemment
saluer le collectif Trash et les éditions du même
nom. Qu’on en juge en lisant ces quelques mots
de bienvenue sur leur site http://trasheditions.
wix.com/trasheditions : “Le collectif Trash rassemble des auteurs et illustrateurs qui ont de la
tripaille et des entrailles à revendre. Ils ont décidé
de se réunir pour œuvrer, ensemble, à l’édition de
romans dégueulasses, choquants, gore, avec plein
de sexe, de sang, de foutre, de sueur et de larmes.
Notre but, c’est autant de rendre hommage à la
mythique Collection Gore du Fleuve Noir que de
tenter, modestement, de poursuivre sa démarche
en proposant des romans courts, secs, nerveux et
sans concession.” Et pour ceux qui n’auraient pas
encore compris mais qui voudraient quand même
tenter leur chance en envoyant leur manuscrit (ou
tapuscrit comme on dit pour faire joli), lisez cet
avertissement sur le blog de nos bouchers http://
trasheditions.blogspot.fr/ : “En outre, même si ce
n’est pas indispensable, une solide connaissance
de la Collection Gore est un “plus” non négligeable.” On ne peut être plus clair… Et c’est tant
mieux ! Il n’est d’ailleurs pas rare de lire, dans
les colonnes de leur blog, quelques petites chros
bien envoyées des volumes Gore les plus emblématiques… Sans compter que nos Trashers ont
décidé de publier quelques anciennes gloires de
Gore, au nombre desquels François Sarkel (alias
Brice Tarvel) et Christian Vilà : sacré bon plan ! Et
puis que dire du logo Trash ? Clairement emprunté à celui de la Collection Gore… Même format
également (entre 160 000 et 190 000 signes, espaces
compris), même prix modique (6 euros), même
plaisir trouble du paraphe dissimulateur, et puis
même goût du mauvais goût et de la provoc dans
les dessins de couverture : voir celle de Nécroporno
(opus 1 de la série), particulièrement gratinée…
Félicitations à la petite équipe d’illustrateurs
d’ailleurs – Willy Favre, la mystérieuse Vitta Van
der Vuulv – prête à marcher sur les traces d’un
Dugévoy, le mythique dessinateur de Gore… Bref,
un “emballage” particulièrement soigné (avec des
dos qui font plaisir à voir : pubs pour Uncut Movies,
Le Carnoplaste…), et des mecs complètement
dans leur sujet, vrais connaisseurs de la littérature
populaire, vrais aficionados de la Collection Gore,
vrais amateurs de chair fraîche ou faisandée…
et vrais écrivains de surcroît, ce qui ne gâche rien !
Évidemment, le rythme de parution et la distribution ne sont pour l’instant pas les mêmes que ceux
de la Collection Gore, mais gageons que dans un
proche avenir…
Après une campagne promo savamment orchestrée (blog, site, réseaux sociaux…), nos charcutiers balançaient donc à la face du public leurs
trois premiers volumes en juin 2013, tirés chacun
à plusieurs centaines d‘exemplaires, ce qui n’est
déjà pas si mal dans ce créneau : Nécroporno du
grand chef Robert Darvel, Pestilence de l’infâme
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Après cette première salve unanimement
saluée par la critique malpensante, nos Trashers
remettaient le couvert en novembre 2013, laissant
cette fois le stylo à quelques autres plumes sanglantes ; comme de coutume, menu unique dans le
gasthaus de nos cuisiniers bouchers, avec entrée,
plat et dessert : comprendre trois nouveaux brûlots
bien cradingues sur nos linéaires, signés l’un par
le vétéran Brice Tarvel (Silence Rouge), un autre
par l’étrange Brain Salad (Émoragie), et le dernier
par le dénommé Zaroff (Night Stalker). De l’horreur
provinciale (comme sut nous en donner parfois
la Collection Gore), du fantastique barkerien à la
sauce anglaise, et du pur thriller en mode Nécrorian,
comprendre très cul et très sadique !
L’aventure ne s’arrête évidemment pas là,
puisque Trash balance déjà sa troisième fournée
en ce mois d’avril 2014. A la barre cette fois – et
revenu d’outre-Gore – le vétéran Christian Vilà
(Kriss Vila donc) pour un inédit qui s’annonce
démentiel, MurderProd, critique sanglante de la
société du spectacle et de ses dérives... Le titre
est déjà un bonheur de lecture ! Pour l’accompagner, Sous la Peau de Nelly Chadour : piercing qui gicle, sexe (qui gicle sûrement aussi !) et rock’n’ roll,
nous prévient-on... On en bave quoi ! Enfin, Julian
C. Hellbroke (le Degüellus de Pestilence d’après
les R.G...) y va de sa série B 80’s, avec Garbage
Rampage, une histoire de rats maousses dans le
New York de 1982...
Pourvu que cette belle aventure perdure
dans le temps en tous cas, car depuis Trash, on
a l’impression que la Collection Gore n’a jamais
réellement disparu... Merci à eux !
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Entretien avec
Julien Heylbroeck,
Schweinhund et Vitta
Van Der Vuulv
Trash Éditions
(p.29 — p.32)
Par Lohengrin
Papadato
≥
ARRO — Sans Titre
Degüellus, et Bloodfist du maniaque Schweinhund.
Attention les yeux (et le reste…), car ça va morfler
méchamment ! Pour le coup, on se croirait vraiment revenu à la bonne vieille époque des Gore les
plus dingues, tendance Blood-Sex ou L’Écho des
Suppliciés. Au menu de cette première livraison,
des mouches nécrophages qui infestent une petite
ville jusque là peinarde, une épidémie de peste
qui ravage la campagne française dans un MoyenÂge cauchemardesque, et une espèce de serial
killer adolescent, aux prises avec une secte bien
branchée SM... Triplé gagnant pour les amateurs
de bubons bien mûrs et de cadavres pas frais !
Entretien
LOHENGRIN Pour nos lecteurs, pouvez
vous retracer un peu l’historique de Trash
éditions ?
  On a un peu réfléchi au
début, à la collection Gore, qui existait dans les
années 1980 : 118 numéros. On s’est dit, ce serait
pas mal de faire revivre un peu les récits de ce
genre là. Sauf qu’on a pour seul et unique compétence en la matière, enfin ça se discute… mais
en tout cas on essaie d’écrire. Après, illustrer,
maquetter, distribuer, on savait pas du tout faire.
Donc on avait dans un premier temps, penser à
proposer cette idée de collection à un autre éditeur. Mais qui fonctionnait sur un format tel qu’on
aurait dû proposé des histoires deux à la fois, pour
un prix qui nous parassait un petit peu élevé pour
ce genre de littérature. Donc après discussion on
s’est dit très vite qu’avec les contacts qu’on a, il
y avait moyen de faire sans. On avait des illustrateurs qui étaient partant, et puis en discutant
avec un ami à nous, Robert Darvel qui lui, a monté
sa petite maison d’édition, fonctionnant sur des
fascicules, de courts romans dans un format B.D.
Lui, il a tout fait tout seul, et il nous a dit : “Mais
pourquoi vous ne vous lanceriez pas ? Au lieu d’être
conditionné par le format d’un autre, faites tout vous
même.”
On a donc décidé de se lancer, et ça c’était au tout
début de l’année dernière.
En juin prochain ça fera un an que les premiers
sont sortis, et ça fait deux ans qu’on a commencé
à réfléchir. Robert Darvel, Schweinhund et moi
avons écrit les trois premiers, en se disant qu’on
est jamais mieux servi que par soi même : on n’a
pas à aller démarcher des auteurs sur rien, sur du
vide. On avait Vitta van der Vulve et Willy Favre
pour les illustrer. Robert nous a fait une maquette
aux petits oignons, il est venu en nous disant :
“Voilà j’ai bricolé ça dans un coin.” C’était superbe,
on a dit : “Ne touche plus à rien”, ou presque,
et puis voila on s’est lancé. À partir de là on a eu
du concret pour aller à la rencontre d’un autre
éditeur, pour démarcher d’autres auteurs, et on a
eu un très bon accueil puisque des anciens de la
Collection Gore se sont intéressés à Trash. On a
Brice Tarvel, qui écrivait sous le nom de François
Sarkel, qui a écrit l’avant dernier Gore La chair
sous les ongles. On a Christian Vila, qui signe sous
le nom de Kriss Vila, il signe MurderProd, qui est
tout nouveau. Il a écrit trois Gore : L’océan Cannibale,
Crime de sang et La Mort Noire. On espère que c’est
que le début de ces anciens goreux qu’on récupère.
Ça fait un lien.
 On sait que c’est que le début,
car on va déjà sortir un inédit de Brice à la fin de
l’année. Silence Rouge, c’était une réédition, là il
29
nous a fait un inédit rien que pour nous, sur mesure. Silence Rouge devait sortir chez Gore.
La collection s’étant intérrompue le livre est sorti
plus tard dans une autre collection du Fleuve Noir.
Une collection qui s’appelait Angoisses, au pluriel, à ne pas confondre avec la mythique Angoisse
d’origne. Il y a eu pas mal de petites manipulations
comme ça dans les collections du Fleuve. Quand
une collection s’arrêtait, on trouvait aux romans
déjà écrits (les auteurs étant toujours censés
fournir des manuscrits) un autre support, un
autre accueil dans une collection apparentée. Brice
nous a donc donné son roman, ce qui est un magnifique cadeau, puis il a enchainé. Comme il s’est
pris au jeu, et qu’il garde un très bon souvenir de
son expérience Gore, il nous a vu arriver, je pense,
comme une espèce de cure de jouvence. Il nous a
dit : “Je vous en fait un autre, et puis celui là, on le
sortira à l’automne.” Il est terminé, là, on l’a lu et il
est génial. Pareil pour Christian, avec MurderProd,
et il a déjà deux autres idées pour des romans à
venir. Ca fait partie des auteurs qui s’éclatent avec
ce type de forme.
J’en remets une couche parce qu’on est passé
assez vite sur l’importance de Robert Darvel. Il a
été capital dans l’aboutissement du projet. C’est
vraiment lui qui nous a permis de tout faire nousmêmes. C’est-à-dire que sans ses compétences à
lui, d’homme-orchestre (parce qu’avec le Carnoplaste, il fait tout tout seul, depuis les maquettes
jusqu’à l’écriture.), il nous a mâché le travail
pour tout ce qui est statuts, toutes les conneries
d’administration que nous ne connaissions pas du
tout. Il nous a invités chez lui pendant un weekend et nous a briefés, il nous a communiqués tous
les papiers sur la création de société… Il a écrit le
premier roman de notre collection… enfin voila on
lui doit vraiment beaucoup. Je pense que sans lui
ça se serait fait mais d’une manière beaucoup plus
bancale, ç’aurait été beaucoup moins bien, beaucoup moins réussi, d’emblée. Parce que Robert a
cadré tout ça de manière extrêmement précise, et
il continue encore, donc heureusement qu’il est là.
Nous, effectivement, on est la partie visible, parce
qu’on est les deux à prendre les décisions, mais
il y a des gens dans l’ombre sans lesquels on ne
serait rien. Si Robert n’était pas là, si Vitta et Willy
n’étaient pas là pour faire les illustrations, nous,
on n’a pas un énorme réseau, donc je ne sais pas à
qui on aurait demandé.
À combien tirez vous, et quel est votre
réseau de distribution ?
L
 On a neuf librairies pour le moment, ça nous
manque, il faut qu’on aille au contact, pour avoir
d’autres points de vente. On n’a pas de distributeur, on fait tout par nous même. C’est un système
30
Entretien
qui a ses défauts et ses qualités. Les qualités elles
sont évidentes, on est libre, on ne doit rien à personne. L’inconvénient c’est que c’est surtout de la
vente directe, à part chez les quelques partenaires.
Donc bon, il faudrait qu’on arrive à faire du 50/50,
parce que pour le moment c’est plutôt du 75/25.
Quelques centaines d’exemplaires. Pour chaque
livre. C’est pas tant que ça. Si on fait moins, on se
condamne à retirer très vite. On avait envisagé
de faire moins au début, mais si on avait fait ce
qu’on avait prévu à l’origine on aurait dû retirer la
première vague. On était parti sur un tirage à 100,
ce qui est minuscule. Je pense qu’on a fait le bon
choix. Quelques centaines, c’était adapté, je pense,
à notre formule.
Vos ventes se passent donc plutôt
sur de la vente par correspondance, des
festivals, ou autres événements…
L
  On travaille avec une dizaine de librairies
qui nous commande des bouquins. Je pense que
c’est amené à s’élargir, j’espère. On va essayer de
développer le réseau évidemment, sur Paris, Bordeaux… Il y a pas mal de librairies qui, je pense,
seraient intéressées pour proposer nos bouquins.
Et puis, via notre site.
Comment vous sortez des bouquins a
ce prix-là ? 6 euros l’exemplaire...
  Le coup des pseudos dans la collection Gore,
c’était lié d’une part à une tradition, et d’autre
part, c’est qu’à l’époque, les gens multipliaient les
pseudos pour intervenir sur plein de collections.
Pour éviter d’être omniprésents, ils empruntaient
différents noms, et signaient du polar, du gore, et
en même temps de l’érotisme ou du fantastique.
Nous à Trash on s’est dit qu’on allait continuer
à avoir des pseudos fleuris, qui parlent au lecteur. En allant plus loin, avec internet on peut se
permettre de faire des bios qui sont totalement
véridiques…
Je trouve étonnant et appréciable votre
accessibilité alors que dans un même
temps les romans que vous publiez sont
plutôt crades et sanglants !
L
  Bien que les thèmes soient noirs dans l’écriture, qu’on n’est pas dans l’ambiance rigolarde, on
l’est en revanche sur les salons, dans la vente, la
promotion… il n’y a pas vraiment d’artistes torturés, ou un peu dark à faire la gueule chez nous,
on n’est pas comme ça.
 Heureusement on arrive à dissocier le fait
d’écrire un truc, et la personne qu’on est. C’est pas
tout à fait pareil.
L
 Bah ! personne se paie, à part les illustrateurs
et les droits d’auteur...
  Il y a effectivement des paiements de droits
d’auteur, mais c’est symbolique : on est sur un
pourcentage de droits d’auteur qui n’est pas dégueulasse par rapport à d’autres éditeurs, mais on
est sur de tels petits tirages que cela ne représente
que quelques centaines d’euros si on vend la
totalité des exemplaires. On a également trouvé
un imprimeur compétitif, qui permet aussi de
proposer ces prix là. On avait fait pas mal de devis
et pour beaucoup, c’était intenable. Parce qu’on
essaie quand même de dégager une marge qui va
permettre de financer les suivants. Et également
de payer, même si ce n’est pas beaucoup, les auteurs. Et puis on n’a pas de diffuseur. Si on voulait
être diffusés, à plusieurs centaines d’exemplaires,
on serait invisible, et avec les coûts, on perdrait
même certainement de l’argent…
On ne pourrait pas rentrer dans une logique de
distribution, diffusion et boutique. Il faudrait
monter les prix, ou tirer à 3000 (bon ça on aimerait bien mais ce n’est pas d’actualité).
Pourquoi se cacher derrière des
pseudos ?
L
  C’est vrai que la seule exigence de Robert
Darvel, face à l’énorme masse de travail qu’il a
réalisée pour nous, a été d’ouvrir la collection avec
le premier numéro. Evidemment il n’y avait aucun
souci. Avec Nécroporno il a offert un mètre-étalon
à notre collection. Il a dit “je veux faire du gore, du
gore à outrance, sur un rythme échevelé”. Du gore qui
est quand même tendu vers une histoire, une histoire apocalyptique, mais qui va mélanger du sexe
et des scènes de putréfaction. Voila un mélange
des deux, un truc assez ignoble, mais toujours sur
un rythme et un ton qui font qu’on est dégoûté
tout en se marrant.
 Tout en ayant la gaule parfois, dixit Thierry
Lopez d’Artus Films !
  Donc voilà c’est un modèle. C’est un grand
titre dans notre collection de romans. Ils sont tous
bien, on est tous tombés amoureux des différents
bouquins, mais celui-ci est vraiment très très
fort. Là, avec cette nouvelle vague de parutions
on a son pendant noir avec Kriss Vilà, qui a signé
MurderProd. C’est l’équivalent de l’horreur absolue de Nécroporno, et l’humour en moins (rires).
C’est vraiment plombant, avec des vagues et
des vagues de scènes trash et pornographiques
jusqu’à l’écoeurement. Mais l’écœurement dans le
bon sens du terme, c’est vraiment de l’abattage,
Entretien
c’est en même temps choquant et oppressant.
On essaie à Trash de proposer tout un panel
d’ambiances, variées. Pour faire des références
cinématographiques ça pourrait être entre Maniac
et Braindead, entre le glauque bien oppressant et
le gore rigolo et coloré.
 Moi, je vise même jusqu’à Nécromantic ou le Roi
des Morts, Maniac c’est pas encore assez.
  Depuis que les livres existent il y a eu des
livres gore et dégueulasses. Le Marquis de Sade et
compagnie. Et le cinéma ou le théâtre, avec la tradition du Grand-Guignol à la fin du XIXème, par exemple. Des espèces de mises en scène dégueulasses
avec des effets spéciaux, des trucs immondes, le
genre populaire et un peu honteux par excellence.
Il y a toujours eu cette composante.
 Finalement, Trash est une collection très
traditionnelle. On perpétue une tradition qui est
française. Le gore est né aux Etats Unis, parce que
le mot a été inventé par Herschell Gordon Lewis
avec ses films. Mais il existait déjà en France avec
le Grand-Guignol, il y avait déjà cette expression extrême du gore et de ce qu’il y avait de pas
agréable à montrer et à voir. Donc nous on continue, tout simplement.
Pestilence, un lien avec Le Nom de la
Rose ?
L
  Avec Pestilence, je m’étais dit qu’on pouvait
proposer un roman qui ne soit pas forcément contemporain. C’est vrai que la majorité des romans
sont plus ou moins dans des contextes contemporains, tout comme les films d’horreur. Toutes
les époques ne s’y prêtent pas forcément mais le
Moyen-âge, avec tout ce qu’on imagine de grotesque et de dégueulasse, entre épidémies et sauvagerie me semblait être un cadre assez parlant.
Et effectivement il y a une intrigue un peu comme
Le Nom de la Rose, mais je dirai plus, même si ça
va paraitre tres prétentieux, sous l’angle de Jess
Franco, ou ce genre de réalisateurs. On est loin de
l’érudition d’Umberto Eco, évidemment.
C’est l’œuvre dégénérée du Nom de a Rose, si tu
veux. Le Nom de la Rose pour les pervers !
Où vous situez-vous par rapport à la
Collection Gore ?
L
 Trash n’est pas un copier-coller de Gore ! On
propose quelque chose qui est à la fois semblable
et différent.
  On essaie déjà d’actualiser un peu, parce que
les derniers ouvrages Gore ont déja 25 ans, donc
31
le temps a passé. Les sources même du gore ont
évolué et ce n’est plus la même chose. Donc on
essaie d’évoluer. Pendant un moment on s’est demandé si on allait reprendre le nom de Gore. Bon,
c’est certainement un nom déposé qui appartient
à quelqu’un. C’était compliqué. Et une fois de plus,
sous l’impulsion de Robert Darvel, on s’est dit que
c’était certainement casse-gueule. Il était plus intéressant de prendre un nouveau titre. Avec Trash,
on a le côté malsain. Avec Gore, on imagine tout
de suite de la tripaille, c’est corporel, des sécrétions, du sang… Avec Trash on peut aller du côté
psychologique, après je ne dis pas que les ouvrages
Gore ne l’étaient pas mais avec Trash on s’offre
l’opportunité d’aller dans le “purement malsain”.
D’ailleurs dans Bloodfist, il n’y a pas des pelletées
de morts, on est avant tout dans l’esprit d’un
malade, qui ne va vraiment pas bien, qui vit très
mal plein de choses. On n’est pas dans un bodycount incroyable, comme dans Nécroporno, ou
d’autres titres.
Après, le lien est évident, on a repris un logo avec
des lettres qui dégoulinent. Gore, Trash : c’est pas
des synonymes mais bon c’est des mots voisins.
 On en joue de cette proximité, mais l’idée
c’est de ne pas s’emprisonner dans une filiation
écrasante. L’idée n’est en aucun cas de reproduire
bêtement ce qui a été fait il y a 30 ans, sinon ça n’a
aucun intérêt.
L
Qui est votre lectorat ?
  Même si aujourd’hui il y a du fantastique qui
va loin, avec Graham Masterton (chez Milady) par
exemple, qui sort des histoires de cannibalisme,
on trouve de quoi se rassasier un petit peu, mais
une collection purement dans cet optique il n’y en
avait pas. Pas à ma connaissance. Je sais qu’il y a
La Maison des Viscères au Quebec, un petit éditeur
comme nous, qui propose des recueils, avec une
distribution très marginale.
On s’est dit qu’il y avait une place à prendre. En
se posant la question du lectorat : Où en sont les
gens qui aimaient Gore ? Est -ce qu’ils sont toujours là ? Est-ce qu’il y en a des nouveaux ? Ont-ils
abandonné, de guerre lasse, parce que plus rien ne
sortait ? On a eu beaucoup d’accueil de gens qui
nous disaient : “Ça y est 25 ans que j’attendais ça !”
C’est un peu fort. J’espère que la personne n’attendait pas que ça, sinon ce serait inquiétant ! Mais
enfin, ça fait plaisir !
 Maintenant, ce que représente ce public, on
en a une idée imprécise. On a joué sur la fibre
sentimentale de tous les vétérans, cependant, il y
a un renouvellement que je ne perçois par pour le
32
Entretien
moment. Notre public c’est surtout des quadras,
ou des gens de trente-cinq balais qui ont découvert cette collection quand ils avaient quinze ans
et que ça amusait. Mais les jeunes pour le moment
ne sont pas légion. On les attend.
L
Envisagez-vous de faire des traductions ?
  Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité. Gore
sortait deux romans par mois parce qu’ils avaient
beaucoup de traductions.
 Ça voudrait dire aussi qu’il faudrait tailler
dans les bouquins, ce qu’on refuse de faire.
Gore le faisait tout le temps. Ils achetaient les
droits d’un livre américain, le traduisaient et le
coupaient.
  Mais ils le coupaient dans le sens inverse,
c’est à dire en ne gardant que les scènes gore,
et en éludant le reste qui permettait de développer
l’intrigue. Une sorte de censure à l’envers, ce qui
est assez inédit, je pense, dans l’histoire de la littérature. Pour l’instant, nous on fait de la création
originale, française.
 Et surtout on fait du sur mesure, on a un calibrage précis, tout le monde le respecte et on n’a
pas de coupe à apporter au récit.
  En terme de rythme, pour l’instant ça nous
convient. ça nous laisse le temps de promouvoir
chaque parution. C’est à dire que chaque bouquin
qui sort n’est pas effacé par la vague suivante.
Les ouvrages ont besoin de s’épanouir, de vivre
leur vie, sur quelques salons…Si jamais ça devait
s’emballer peut-être qu’on accélererait, mais pour
l’instant ça nous laisse le temps de les relire, de
les peaufiner, d’apporter même si c’est menu,
quelques corrections. Que les illustrateurs puissent nous proposer des visuels de qualité.
Et comment êtes-vous reçus ? Par
rapport à l’époque de Gore, par exemple ?
L
  Eh bien ! peut-être que personne ne nous
prend trop de haut. On a parfois des réactions de
gens qui disent : “Oh vos tripailles c’est rigolo, mais
bon…” C’est somme toute assez marginal. Il n’y a
pas trop de dédain. Même sur le net, on a eu une
fois un excité, qui est venu dire qu’on irait brûler
en enfer avec ce qu’on avait fait. Mais en fait, c’est
la caution, ça fait plaisir qu’il soit là.

Et heureusement qu’il est là !
  Il faut envoyer MurderProd à Copé, c’est la
seule solution. Comme ça, s’il dit qu’il faut l’inter-
dire, on va vendre les stocks en trois jours !
 Je pense que les gens sont plus difficiles à choquer maintenant. Entre-temps il y a eu internet.
En deux clics t’as n’importe quel porn extrême
comme tu veux.
Faut y aller maintenant pour choquer ! C’est une
question de contexte. Mais ce n’est pas le genre de
défi qu’il faut se fixer de toute façon. Si on commence à penser comme ça on va dans le mur.
  C’est d’ailleurs ce qui gouverne un peu nos
couvertures. On va dans l’extrême mais on ne
verse pas dans le porno pur et dur, même si je
pense que ça ne dérangerait pas certains d’entre
nous. Je ne dirai pas les noms (rires) mais c’est
vraiment la seule petite mesure qu’on s’autorise. Il suffit simplement d’ouvrir Nécroporno ou
MurderProd… et Night Stalker pour les bébés…Au
début on s’était dit : pas de nazis, et pas de bébés.
Maltraités hein ! On s’était dit : pas de héros nazi
et pas de bébés maltraités ! Et non pas, pas de
nazis maltraités et de bébé héros ! C’est important
de préciser !

Pas de bébés nazis, ni de héros maltraités !
  Mais Zaroff a montré avec brio qu’on pouvait se passer de ce tabou-là. Même Robert, avec
la scène des bébés nageurs dans la piscine… En
gros il ne reste plus que le nazi héroïque, et là c’est
la dernière limite. Enfin bon moi j’en veux pas,
clairement. La charte, c’est important (rires) !
L
Le mot de la fin...
  On peut juste dire qu’il y a une scène récurrente dans chacun de nos bouquins, sauf Silence
Rouge qui est une réédition. On ne pouvait pas
forcer son auteur à intégrer ça. Certains l’ont
trouvée.
 Il y a une petite figure imposée, mais on ne
le dit pas, c’est au lecteur de la trouver. C’est une
sorte de caméo.

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