Un voyage musical

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Un voyage musical
Un voyage musical
autour du Reggae...
Avant le concert de Lee Perry à la Carène, pour les passionnés, les néophytes et les curieux, La
Carène invite Virginie de l'association Dub A Dub, spécialiste du genre, à vous raconter en musique l'histoire
du reggae, son évolution, du mento au dub, en passant par le rocksteady et le ska, ses chapelles, ses
adeptes, ses dérivés ...
Le dossier proposé ici ne prétend pas à l’exhaustivité mais plutôt à proposer des pistes qui pourront
être approfondies par la suite selon votre curiosité, tout en essayant d’offrir une vision d’ensemble de
l’évolution de la musique jamaïcaine durant ces cinquante dernières années et ce qu'il en est aujourd'hui.
1
Sommaire:
1) A l'origine du Reggae:
Les années 60, du ska au rocksteady puis au reggae
Du rocksteady au Reggae, des changements musicaux certains
Les débuts du reggae ou l'early reggae
2) Les années 70, l'âge d'or de reggae
le reggae s'invite au hit parade
le reggae à l'international
le reggae et les skinheads
3) Des 80's à nos jours, les évolutions:
Le Dub est né en Jamaïque
Le Dubstep
Le Ragga-Dancehall
Le Reggaeton
Le Rap
4) Aujourd'hui, le mouvement continue:
Des festivals
Quelques artistes de la nouvelle génération
5) Le reggae, moyen d'expression engagée:
L'histoire du mouvement Rastafari
Les sound systems, la voix du ghetto
Des paroles engagées
6) Quelques Focus:
Lee «Scratch» Perry, l'Upsetter
Bob Marley, retour sur une carrière internationale
Tiken Jah Fakoly, le reggae engagé
Pupajim & Dub à Dub, la scène brestoise
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Introduction:
Contrairement à certaines croyances, la musique jamaïcaine ne se résume pas à un rasta chantant
les louanges de son dieu dans un studio enfumé. L’histoire de la musique de cette île est même d’une
richesse et d’une variété souvent insoupçonnées, et parsemée d’innovations qui ont marqué le
monde de la musique en général. Car si le reggae et les genres musicaux s’y apparentant furent au départ
influencés par la musique occidentale et plus particulièrement américaine, l’influence du reggae sur la
musique produite aux États-Unis fut très importante. Le rap est ainsi directement issu du style des DJ’s
jamaïcains, alors que le dub peut être considéré comme l’ancêtre de toutes les musiques électroniques.
Extrait de l'article “Initiation au reggae” écrit par Bruno Gontier sur le site de la Médiathèque de la Communauté
française de Belgique, que vous pouvez retrouver sur:
http://www.lamediatheque.be/dec/genres_musicaux/reggae/index.php
Plus que de la musique:
En 2006, le magazine Skarlatine va raffiner son glossaire et son encyclopédie musical en publiant
”L'Histoire du Reggae”. Un véritable périple historique…
Imaginez la Jamaïque à la fin des années cinquante, déjà agrippée à la fièvre de l'indépendance
pendant que la nation se prépare à s'affranchir de la Grande-Bretagne en 1962. Au centre-ville de Kingston,
les chaînes stéréo résonnent et se livrent une féroce compétition pour cracher les plus récentes chansons et
les nouveaux styles. Bien sûr, les sons importés de l'Amérique, comme le rhythm & blues, ne suffisent pas à
satisfaire ces âmes, si bien que tôt ou tard, l'avènement d'une musique jamaïcaine indigène populaire
auprès du grand public est inévitable.
Mais cette combinaison heureuse de nationalisme et de commercialisation avait un autre élément crucial:
l'Afrique, qu'on appelait encore Éthiopie à cette époque. La religion, connue sous le nom de Pocomania, et
les percussions traditionnelles Burru et Kumina avaient survécu à la grande traversée pour s'épanouir en
Jamaïque où l'Africanisme a dû se cramponner, les révoltes d'esclaves étant beaucoup plus fréquentes sur
l'île que n'importe où ailleurs dans les Caraïbes.
Plus tard, les ensembles de percussions des Rastas se sont révélés des exemples vivants de ces anciennes
traditions, pendant qu'une industrie musicale en pleine éclosion ne tardait jamais à absorber ces influences.
Ajoutez à cela une génération de musiciens à la formation classique, mais qui partageait le sens de
l'aventure lié à la scène bebop jazz, et des foules prêtes à danser toute la nuit… Il ne faut donc pas
s'étonner que cette petite île, d'une population équivalente à la moitié des habitants de Londres, ait influencé
tant d'artistes partout sur la planète!
La musique n'est pas le seul cadeau que la Jamaïque ait donné au monde, mais c'est souvent par
cet art que les Jamaïcains choisissent de se définir eux-mêmes. Les gens vous diront comment la
musique et le chant ont élevé les esprits à travers l'esclavagisme et le colonialisme, comment la
musique a servi d'arme contre la corruption politique et la désobéissance civile. Elle a donné aux
pauvres une voix et quelque chose qu'ils pouvaient s'approprier, elle a célébré les joies et les
misères de leurs vies sur cette île tropicale et elle a répandu «One Love» partout dans le monde.
Pendant cinquante ans, le médium naturel pour cette musique était les soirées de danse autour d'un
«système de son», avec des enregistrements offerts sur le marché seulement lorsque la chanson
avait passé l'incroyable test de ces événements intrinsèques à la culture populaire des ghettos.
Ainsi, la musique jamaïcaine demeure indissociable de la population jamaïcaine et de
l'environnement qui l'a vu émerger. De fait, le reggae est l'une des dernières véritables musiques
folkloriques.
Extrait de l'article L'Histoire du reggae, paru dans le magazine Skartaline, janvier 2006, que vous pouvez retrouver sur :
http://www.skarlatine.com/vi/i/intro.htm
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1) A l'origine du Reggae:
Les années 60, du ska au rocksteady puis au reggae
Le rocksteady est le prédécesseur du reggae jamaïcain. C'est une musique entre le ska, la
soul nord-américaine et le rythm'n'blues. Au cours des années 1960, le ska était encore très populaire en
Jamaïque, mais un changement de rythme (de quatre temps à un rythme binaire) va amener un nouveau
pas de danse: le reggae est né.
Le reggae a pour origine deux genres musicaux très précis : le ska et le rock steady. A la fin des
années 50, la Jamaïque commence à être envahie par les styles musicaux noirs américains, tel le blues, le
rythm'n'blues, puis la soul. Une forme de blues jamaïcain fait son apparition, fruit du métissage du blues
avec les rythmes des îles Caraïbes, issus en particulier de musiques comme le mento, courant apparu après
la Seconde Guerre mondiale et très développé parmi la population pauvre de l'île. Le principe des joueurs de
mento itinérants sera d'ailleurs repris par les DJ's des années 60-70.
Le ska, musique saccadée et comportant une rythmique de guitare à contretemps, naît de cet amalgame. Le
groupe phare de ce style est Skatalites, qui se produit encore aujourd'hui. Il devient rapidement une
formation culte en Jamaïque. Le ska, première musique typiquement jamaïcaine à pouvoir réellement se
faire connaître à l'extérieur, est en outre à l'origine de l'apparition de producteurs importants, tels Prince
Buster ou Jackie Edwards. Le ska impose alors une fille et un garçon peu ordinaires. La fille est Millie Small,
qui fait un carton en 1964 avec son titre My Bop Lollybop, officiellement premier titre jamaïcain à remporter
un tel succès international, bien avant I shot the Sherrif ou No Woman, No Cry de Bob Marley. [...]
On passe alors au rock steady. La petite histoire veut que le ska se soit transformé en rock steady durant un
été jamaïcain caniculaire, où les sound systems diffusaient du ska à haute dose : avec la chaleur, les
danseurs, ayant un peu envie de baisser le rythme, demandèrent au DJ's de ralentir la cadence… Peu à
peu, le ska se transforme en rock steady, forme de ska au tempo plus "cool". Le rock steady commence
réellement à percer en Angleterre, non seulement auprès de la communauté jamaïcaine immigrée, mais
aussi auprès des mods et des skinheads, qui faisaient alors leur apparition. Desmond Dekker est l'artiste qui
œuvre le plus dans ce style. Véritable mythe de la Jamaïque, il connaît la consécration internationale avec
son tube Israelites, en 1969. Outre des titres importants tels 007 (Shanty Town), Desmond Dekker poursuit
une carrière honnête durant les années 70, malgré la starification grandissante de Marley. Le rock steady a
une durée de vie plus courte que le ska, puisqu'en 1968, un titre de Toots and the Maytals apparaît :
Do the reggae, qui devient pour beaucoup l'acte de naissance officiel de ce genre. Cette naissance a
donné lieu à d'autres interprétation sémantiques : selon certains, ce nom tire son origine du mot "streggae",
voulant dire violent,pour d'autres, "reggae" provient de la contraction des deux mots "regular" et "guy"
("regguy")…
Qu'est-ce qui distingue le reggae des styles précédents ? Principalement trois éléments. D'abord,
l'importance accrue de la rythmique, en particulier d'une basse au son imposant et de la batterie,
dont le rythme syncopé est essentiel. Ensuite, son aspect "ondulant" et progressif, qui fera que le reggae
sera rapidement considéré comme une musique à part entière. Une musique "hypnotique" (avec l'imagerie
afférente aux substances illicites…). Enfin, dès ses débuts, le reggae s'affirme comme un style musical
revendicatif, prônant des thèses politiques et religieuses, en accord avec l'évolution de la Jamaïque,
et en particulier le message du rastafarisme. Soleil et insouciance pour les Occidentaux, révolte et
revendications pour les jamaïcains, le reggae est surtout devenu le terreau du développement du
rastafarisme, cette religion (ou spiritualité) typique du ghetto jamaïcain, qui prône le retour à l'Afrique
'mouvement Back to Africa), et qui eut pour prophète local Marcus Garvey. Le rastafarisme, né pendant les
années 30, avait pour objet de vénération le dernier empereur d'Éthiopie, Haïlé Sélassié premier ("Ras
Tafari" : "Dieu Noir"). Au fil du temps, le rastafarisme est devenu une véritable religion en Jamaïque, elle
même indissociable de la consommation de Ganja (herbe), drogue douce qui permettait d'approcher "Jah"
(Dieu). En peu de temps , le reggae trouve dans le public rock occidental une sorte de relais de ses thèses,
d'autant que celui-ci se lassait des frasques de ses rocks stars. Les messages du reggae sont simples :
oppression de "Babylon" (l'Occident), amour, conscience universelle, émancipation du Tiers-Monde… C'est
justement cette simplicité qui va rapidement conquérir les publics occidentaux.
Extrait de la page "Musique de Jamaïque" du site Reggae Vibes que vous pouvez retrouver sur:
http://reggaevibes.free.fr/html/naissancemusiques.htm
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Du rocksteady au Reggae, des changements musicaux certains
Si le reggae se démarque du rocksteady, c'est avant-tout musicalement:
Several factors contributed to the evolution of Rocksteady into Reggae at the end of the 1960s.
The two main factors were the emigration to Canada of key musical arranger Jackie Mittoo and Lynn Taitt,
and the upgrading of Jamaican studio technology. The latter had a marked effect on the sound and style of
the recordings. Musically, bass patterns became more complex and increasingly dominated the
arrangements, and the piano gave way to the electric organ in the mix. Other developments included
horns fading farther into the background; a scratchier, more percussive rhythm guitar; the addition
of African-style hand drumming, and a more precise and intricate drumming style. The use of a vocal-free
or lead instrument-free dub or B-side "version" became popular in Jamaica.
By the late 1960s, as the Rastafarian movement gained in popularity, many Rocksteady songs became
focused less on romance and more on black consciousness, politics and protest. Rastafarian chanting,
synoptic drumming and spiritual preoccupation influenced both rhythm and lyrical content. The release of the
film 'The Harder They Come' and the rise of Jamaican superstar Bob Marley brought Reggae music to an
international level that Rocksteady had never been able to reach. Although Rocksteady was a short-lived
phase of Jamaican popular music, it was hugely influential to the Reggae, Dub and Dancehall styles
that followed. Many bass lines originally created for Rocksteady songs continue to be used in contemporary
Jamaican music.
Extrait de la page «Evolution of Rocksteady into Reggae», sur le site Rcksteady the roots of reggae, que vous pouvez
retrouver sur: http://www.rocksteadyrootsofreggae.com
Les débuts du reggae ou l'early reggae
De nombreuses personnes revendiquent la paternité du reggae. Parmi les titres pouvant revendiquer
cette parenté, on peut citer «Bang a Rang» de Stranger Cole et Lester Sterling, «Nanny Goat» de Larry
Marshall & Alvin, «No More Heartaches» des Beltones, «Do the Reggay» des Maytals ou «Long Shot» des
Pioneers, qui fut produit par Joe Gibbs mais dont la session d’enregistrement fut plutôt dirigée par Lee
Perry. C'est la naissance de ce que l'on va appeler l'early reggae.
Le nouveau style, l'early reggae, se démarquait du rocksteady par un tempo plus rapide, un skank à
l’orgue souvent doublé et une influence funk dans le jeu de basse alors que la batterie marquait le troisième
temps d’une mesure de quatre temps, à la façon du rocksteady (dans le ska, il s’agissait des deuxième et
quatrième temps). Ce style fut également influencé par le mento traditionnel, influence que l’on peut
retrouver dans le skank dédoublé et dans certaines lignes de basse que l’on peut rapprocher du jeu d’une
rumba box. Ce reggae, très nerveux et mené par le jeu de l’organiste, connut beaucoup succès en
Angleterre auprès des skinheads anglais, au point qu’il prit parfois le nom de skinhead reggae. Les artistes
dominants de cette époque furent les Maytals, Desmond Dekker, Laurel Aitken et d’autres encore.
Parmi les groupes de musiciens, on trouvait les Upsetters de Lee Perry (avec les frères Barrett, futur
Wailers, à la basse et à la batterie) et les Crysalites de Derrick Harriot. Les instrumentaux saccadés de ces
deux formations, plus nerveux que ceux des Soul Dimensions, firent le bonheur des skinheads anglais. Ce
style de reggae très rapide se ralentit dès 1971 pour aboutir aux rythmes One drop du reggae roots.
Extrait de l'article “Early reaggae et Soul reggae” du site de la Médiathèque de la Communauté française de Belgique,
que vous pouvez retrouver sur: http://www.lamediatheque.be/dec/genres_musicaux/reggae/earlyreggae.php?
reset=1&secured=
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2) Les années 70, l'âge d'or de reggae
Au début des années 70, l’économie jamaïcaine s’effondra complètement. Elle mit vingt ans à
s’en remettre. La situation des pauvres était de pire en pire et de plus en plus de gens se tournaient
vers la musique et donc le reggae rasta qui régnait presque sans partage, afin d’apaiser leurs
souffrances. La violence dans les ghettos allait croissant, exacerbée par les guerres entre
circonscriptions et donc entre sympathisants JLP ou PNP, les deux partis politiques de l’île. La
situation était telle que des amis qui habitaient dans des quartiers différents étaient obligés de se
faire la guerre, même s’ils avaient grandi en amis. La chanson «Ballistic Affair» de Leroy Smart
décrivit bien cette situation tendue («If you live in Jungle, and you live in Rema, you’ve got to fight
your brother»). Jungle et Rema sont deux quartiers de Kingston, ennemis et voisins.
Un nouveau producteur
Dans le milieu musical, le nouveau producteur en vue était Bunny Lee. Prince Buster, qui n’appréciait guère
l’orientation rasta et dub que le reggae prenait, partit à Miami et Studio One eut du mal à suivre Bunny Lee,
qui bénéficiait des services de King Tubby lui-même à la table de mixage.
De 1973 à 1975, Bunny Lee enregistra les meilleurs chanteurs. De plus, Bunny Lee créa des sous-genres
de reggae comme le style flying cymbal, caractérisé par une basse énorme («None Shall Escape the
Judgement» de Johnny Clarke en est un bon exemple). Il bénéficiait des services des Aggrovators, un
excellent groupe de musiciens qu’il partageait souvent avec Lee Perry, et ses faces A et B étaient remixées
par King Tubby en personne.
En 1974, Lee Perry termina de mettre sur pied son propre studio, Black Ark, qui vit la création
de certains des albums les plus mystiques de l’histoire du reggae.
Un exemple de l'inventivité de Lee Perry était sa capacité à enregistrer sur une table d'enregistrement 4 pistes
de façon tellement précise qu'il surclassait en qualité sonore les autres producteurs jamaïquains utilisant les
dernières consoles de mixage 16 pistes. Il combinait sans cesse les pistes pour en libérer une et enregistrer de
nouveaux sons par dessus. Il avait pour habitude d'intégrer dans ses titres des bruits inhabituels, enterrant un
micro en bas d'un palmier pour obtenir un son très bas en frappant le tronc, utilisant des bruits de verre cassé,
de pleurs d'enfants, des extraits de dialogues TV, ou encore faisant souffler Watty Burnett dans un rouleau de
carton pour simuler une boîte à "meuh". Ce sont toutes ces techniques et notamment le grand nombre de
couches sonores qui ont fait que le son du Black Ark est reconnaissable et unique.
De nombreux musiciens et chanteurs de reggae ont enregistré au Black Ark : Aston "Familyman" Barrett,
Carlton Barrett, Boris Gardiner, Sly Dunbar, Robbie Shakespeare, Earl "Chinna" Smith, Augustus Pablo,
Pablo Moses, Hugh Mundell, Clinton Fearon et bien d'autres. En plus d'avoir façonné les sons de nombreux
groupes et chanteurs de reggae tels Bob Marley & The Wailers, The Congos, The Heptones, Max Romeo ou
Junior Byles, le Black Ark fut le lieu ou le dub a vu de nombreuses innovations sonores initiées par Lee
Perry. C'est avec lui que l'utilisation de la console en tant qu'instrument à part entière s'est développé.
Extrait de l'article “1973 – 1975: les années Bunny "STRIKER" LEE” du site de la Médiathèque de la Communauté
française de Belgique, que vous pouvez retrouver sur:
http://www.lamediatheque.be/dec/genres_musicaux/reggae/bunny_lee.php
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le reggae s'invite au hit parade
Desmond Dekker, inoubliable
Il obtient un succès mondial en 1969 avec «Israelites», n°1 en avril, et puis à nouveau très bien classé
durant l’été avec «It Miek» (n°7 en juillet), commençant par quelques notes de l’Ave Maria. Desmond, durant
l’été, est en compétition avec son compatriote Max Romeo dont le hit (hit malgré lui!) était interdit de
diffusion en raison de son titre, «Wet Dream» (rêve mouillé, rêve érotique). Sans aucun passage à la radio, il
parvint à la 10è place du hit-parade au mois d'août.
Mais reconnaissons qu’avec 4 ou 5 hits en 5 ans, on pouvait difficilement proclamer que le reggae avait
conquis le Vieux continent. Or en 1970, les Jamaïcains étaient de plus en plus nombreux en GrandeBretagne et en quelques mois ils allaient bouleverser le hit-parade britannique. Une véritable invasion
pacifique, un feu d’artifice de rythme!
N°10 en janvier 1970: Harry J. All Stars “The Liquidator”
Il s’agit d’un titre instrumental absolument vivifiant… mais pas autant que «The Return of Django» par les
Upsetters qui avaient ouvert la voie, grimpant à la 5è place du hit-parade en novembre de l’année
précédente. Enfin, c’est un choix: on peut préférer le sax des Upsetters ou l’orgue de Harry J. Les deux sont
toujours bons à réécouter quarante ans plus tard.
N°5 en avril, Bob and Marcia: «Young, gifted and black» Il s’agit de la superbe reprise d’une chanson de
Nina Simone, un chant incitant les Noirs au courage et à la fierté. En face B du vinyl original, la version
instrumentale par Harry J. All Stars; pour vous permettre de faire votre propre karaoké.
Septembre 1970
Citons le très joli score de Jimmy Cliff, n°8 avec « Wild World »… mais il ne s’agit pas d’un reggae, mais bel
et bien d’une superbe composition de Cat Stevens. En revanche, aucun doute en ce qui concerne la
chanson que Jimmy a écrite, «You can get it if you really want», et qu’il a confiée à Desmond Dekker, encore
un succès (n°2). Et pour prouver que ce mois de septembre est vraiment favorable aux artistes jamaïcains,
on voit entrer dans les classements Bobby Bloom, un Jamaïcain blanc, avec «Montego Bay» qui sera n°3 en
octobre.
Extrait de l'article «Quand l'Angleterre s'enflamme pour le reggae» écrit par Daniel Lesueur le 9 Octobre 2010 sur le site
Suite 101 que vous pouvez retrouver sur:
http://www.suite101.fr/content/en-1969-1970-langleterre-senflamma-pour-le-reggae-a19169
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le reggae à l'international:
Le destin des musiques noires étant de servir tôt ou tard de combustible pour les safaris pop de
l'homme blanc, le reggae n'a pas échappé à la règle. Mais pour un Clash rebelle ou un Gainsbourg
provocateur, combien de Police et de Lavilliers se sont servis du rythme en méprisant l'esprit ?
Au départ étaient les rastas, puis très vite vinrent les rastaquouères, les Rastapopoulos. C'est
comme ça depuis toujours : partout où l'homme noir a eu l'audace de s'aventurer, l'homme blanc l'a suivi à
distance, s'est installé en monnayant un droit d'entrée dérisoire dans les nouveaux territoires ainsi
découverts pour en coloniser aussitôt les richesses.
Après le blues, le jazz, la bossa-nova ou la soul, et avant le funk ou le rap, le reggae est donc devenu à
partir des années 70 ce nouvel or noir que la grande industrie des loisirs s'est employée à raffiner
pour le rendre plus docile, soyeux à l'oreille. Par raffiner, on entend aseptiser, mettre aux normes,
débarrasser de toute pourriture noble, brute et originelle. En un mot : affadir. Pour atteindre la terre
promise des hit-parades, le reggae a d'abord dû passer par le blanchissage, la purification ethnique,
voire carrément par le renoncement à tous ses biens et principes. Pour un Marley, totem rasta
impossible à domestiquer, qui parvint même au-delà du trépas à affoler les ondes, combien de
larcins commis au nom d'un Jah de synthèse ? Depuis trente ans, le reggae a donc régulièrement
investi le sommet des charts, souvent grâce à des mariages pas très consentants, où la mariée
n'était pas toujours en noir.
Comme toujours, les Beatles furent les premiers à planter leur drapeau blanc sur le front (très populaire à
l'époque) du ska. En 68, sur ce bouillon de cultures que sera le Double blanc, Obla-di Obla-da s'en ira ainsi
musarder timidement du côté du rythme ska fraîchement importé de Jamaïque. Dans la foulée, l'américain
Johnny Nash se rend carrément à Kingston pour y graver Hold me tight, premier véritable hit pop-reggae
d'une longue série, à laquelle Nash ajoutera Stir it up (une reprise de Marley, alors inconnu, que Nash et son
manager Danny Sims désiraient propulser sur la scène internationale) et, surtout, I can see clearly now.
En 73, après avoir écumé pas mal de râteliers, Éric Clapton popularise à son tour un titre de Marley, I shot
the sheriff, et contribue à offrir au reggae une audience planétaire. "Slow Hand" aura eu ainsi la main
heureuse -certains diront un peu lourde- puisque dès lors les vedettes de Jamaïque se passeront des
missionnaires blancs pour faire connaître les produits de leur terroir. Contrats discographiques en main,
toutes les stars du reggae se taillent une place confortable dans les charts internationaux à partir du
milieu des années 70. Par effet de dominos, le reggae s'impose comme une influence majeure à
laquelle presque tous les courants musicaux britanniques se réfèrent, allant souvent chercher appui
chez la forte communauté jamaïcaine implantée en Angleterre.
En 76 éclatent les émeutes du carnaval de Notting Hill et l'un des hymnes choisis pour accompagner la
révolte des Jamaïcains de Londres s'intitule Police & thieves, signé Junior Murvin. Retaillée sous la patte
brûlante de Clash, la chanson devient l'année suivante le fer de lance de l'insurrection punk, quand les
foyers communautaires et sociaux finissent par s'étendre et embraser la capitale, puis bientôt le royaume
tout entier. Avec Clash, il n'est plus question d'asservir le reggae mais, au contraire, de l'intégrer à la lutte, de
faire campagne et œuvre commune.
L'échange du sang entre punks et rastas n'a d'ailleurs pas lieu qu'à sens unique, puisque Lee Perry et
Marley s'en vont illico faire rôtir sur les braises de l'union un Punky reggae party à faire trembler la Reine.
Jusqu'à la fin, Clash instillera des doses de reggae dans son chaudron (Guns of Brixton, Armaggedon time)
et Mick Jones s'emparera ensuite des mêmes recettes avec B.A.D.
Dans le sillage du punk et à l'aube de la new-wave commence à poindre un particularisme qui fit beaucoup
sourire à l'époque : le reggae blanc. Comme le chocolat, le reggae n'est plus tout à fait reggae lorsqu'il
montre patte blanche. Même si les trois années qui suivent 77 figurent parmi les plus passionnantes qu'ait
jamais connues l'Angleterre, on n'est pas bien certains que le reggae orthodoxe ait réellement reconnu ses
racines lorsqu'elles se mirent à donner une impressionnante récolte de fruits blancs à peau rêche. De
Costello (Watching the detectives) à Joe Jackson (sa reprise de The Harder they come de Jimmy Cliff), le
reggae relooké en costard cintré continue néanmoins à procurer des hits en pagaille et à servir de toile de
fond à pas mal d'albums majeurs, des Ruts à Basement 5, et même jusqu'à l'ancien Pistols John Lydon
lorsqu'il s'associe avec le bassiste Jah Wobble au sein de PIL.
Plus contestable est le braquage en règle réalisé par Police qui, tout en étant constitué d'anciens jazzrockeux fraîchement reconvertis, va s'approprier sans demander la permission la panoplie des punks et le
groove du reggae : le vrai casse du siècle, qui rapporte gros une première fois en 78 avecRoxanne et fait
8
carrément sauter la banque l'année suivante avec Walking on the moon, extrait d'un album opportunément
intitulé Raggatta de blanc.
A la fin de la décennie 70, une génération spontanée de groupes plus particulièrement influencés par les
origines du reggae prend le pouvoir dans les hits nationaux anglais, puis partout en Europe : Madness, The
Specials, The Beat et The Selecter sont les principaux acteurs de la grande épopée du revival ska sur fond
de damier Two Tones et d'antithatchérisme galopant. Entre ces mains-là, le reggae n'est nullement dénaturé
mais retrouve au contraire ses accents originels voués à la fois au combat et à la fête. Un peu à l'écart, un
groupe d'anciens chômeurs à peaux mixtes de Birmingham, UB 40, décroche la timbale avec l'imparable
Food for thought, tiré d'un excellent premier album(Signing off) qui fait encore aujourd'hui la fierté du reggae
britannique. UB 40 glissera très vite ensuite vers un reggae soupard pour employés de la City, édulcorant à
peu près tous les standards du ska et du rocksteady (Many rivers to cross, Red red wine, Kingston town)
jusqu'à en devenir obscène.
Début eighties, après que Stevie Wonder lui-même s'y est essayé (Master blaster en 80), le reggae
est désormais totalement intégré au paysage et même les pires culs-serrés s'y mettent : les Boomtown Rats
du futur prêcheur caritatif Bob Geldof (Banana republic, House on fire) ou, pour la gaudriole, Jona Lewie
(You'll always find me in kitchen at parties), sans parler de Nina Hagen (African reggae) ou Blondie (The Tide
is high). Aussi, quand le prophète Marley passe l'arme à gauche, le reggae perd de nouvelles plumes pour
ne devenir progressivement qu'un rythme à faire danser les cons et à faire tourner les cônes. Incarné par
Culture Club en 82 (Do you really want to hurt me ), qui invente au passage le reggay, ou plus discrètement
par des groupes pop comme Scritti Politti (Asylums in Jerusalem en 85), le reggae des Anglais a la chair de
plus en plus tendre et il faudra attendre les premières secousses de la jungle pour voir son épiderme se
racornir à nouveau.
Fondu dans le magma contemporain des Massive Attack, Tricky et Goldie, ou bien passé à l'attendrisseur
par Soul II Soul (Keep on movin') et les Fugees(No woman no cry), le reggae est désormais à peu près
partout à la fois. On l'a même vu à plusieurs reprises sur le sol français, et pas sous son meilleur jour.
Puisqu'on évoque les tubes heureux ou malheureux engendrés par le reggae, il faut en venir à parler de
Bernard Lavilliers, qui ne trouva rien de mieux à faire début 80 que d'aller promener sa finesse légendaire
sous les Caraïbes, revenant d'un voyage organisé à Kingston tout bronzé mais pas plus affranchi (on a des
témoins) avec un Stand the ghetto qui, si on était Jah, nous ferait rire moitié jaune. La France et le reggae,
on dira pudiquement que ça ne fonctionne pas des masses : soyons maso un instant, rappelons-nous
Cookie Dingler (Femme libérée) et ayons un peu mal à la France. Quant au rasta national vu par Nagui,
Tonton David, on veut bien admettre qu'il est "issu d'un peuple qui a beaucoup souffert", mais c'est pas une
excuse. A tout prendre, on préfère encore Princess Erika (Faut que j'travaille), mais à doses modérées.
On l'a vu, ce sont les Beatles qui, en bons éclaireurs, lièrent les premiers le reggae à la crème anglaise. En
France, c'est logiquement Gainsbourg qui en donnera sa version hexagonale la plus digne, sur deux albums
distillés en Jamaïque avec les musiciens de Peter Tosh et les choristes de Marley. Aux armes et cætera
(1979), qui rendit diarrhéiques tant de légionnaires et autres gratte-médailles, est nécessairement un disque
important, qui a atteint au-delà de la simple provoc une véritable stature historique. C'était il y a bientôt vingt
ans, et personne ici n'a encore fait mieux.
Extrait de l'article «Reggae - Ragatta de blanc» écrit par Christophe Conte le 8 Juillet 1998, sur le site Les Inrocks, que
vous pouvez retrouver sur: http://www.lesinrocks.com/musique/musique-article/article/reggae-ragatta-de-blanc/
le reggae et les skinheads
Voici également une très bonne chronique du site London69, «Skinheads et reggae» écrit en avril 2002, que vous
pouvez retrouver sur: http://london69.free.fr/dossier-skinheads-and-reggae.php
Parmi les cultures nées dans les rues anglaises depuis les années 50, aucune n'a autant porté à
confusion que celle des skinheads. Le plus souvent associé aux bastons, au racisme et à l'extrême droite, le
mouvement a pourtant des origines multiraciales. La musique jamaïquaine de l'époque a en effet été un
élément fédérateur décisif. Ce qui a la particularité de remettre pas mal d'idées reçues en question...
Le reggae influença certains groupes punks, ce qui aboutit à des tentatives de fusion des deux courants. Un
des groupes qui y parvint le mieux fut les Ruts. À Birmingham apparut le groupe Steel Pulse qui se
différenciait du reggae jamaïcain par ses compositions et ses arrangements bien plus complexes. Son
premier album remporta un énorme succès.
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3) Des 80's à nos jours, les évolutions:
Le Dub est né en Jamaïque
Le dub atteint le sommet de son aura au début des années 80.Les toasters se déchaînent, parmi les
plus connus U Roy ou LKJ. Les créations d'aujourd'hui prouvent qu'il n'a pas fini d'exercer son influence, il
n'en a pas toujours été ainsi. Un petit retour aux origines du mouvement s'impose...
L'idée d'utiliser différents instruments pour en faire un enregistrement et le remixer de façon
à ce que ça sonne complètement différemment est une pratique extrêmement courante à l'heure
actuelle; avec l'avènement, entre autre des ordinateurs et des homes studios. […] Un grand nombre
de musiques actuelles utilisent ces techniques de production, la musique électronique bien sur mais
aussi le hip-hop, la house, la jungle, et même les derniers courants du métal. Ça paraît tellement
simple de faire un son est de rajouter de la distorsion ou de la reverb pour que le sample claque,
mais à l'époque […], c'était complètement fou. Imaginez-vous enregistrer un son sur bande magnétique
et le remixer en ralentissant juste la vitesse... Il faut bien être conscient que la plupart des méthodes de
production modernes ont été inventées par les dubbers de la première heure à l'époque du rocksteady dans
les années 60 et en Jamaïque. Le son des années 1960 et 1970 à été un des premier son remixé à devenir
populaire au travers des sounds systems. En utilisant seulement des enregistrements primitifs et un
équipement de mix rudimentaire, l'ingénieur du son a pris une place majeure au niveau des productions. Le
dub a explosé dans les années 70 en Jamaïque au moment où les producteurs et les ingénieurs du son sont
devenus des artistes reconnus. Suivant ces débuts promoteurs le dub est devenu un maillon de plus à la
culture de la Jamaïque. La prolifération des mixs instrumentaux appelés version (terme qui maintenant à
tendance à être remplacé par celui de riddim) aussi bien que les remixs dub ont posés les premières briques
d'un nouveau champ d'expérimentation musical. Un style qui après avoir embrassé toute la Jamaïque, se
rependra tout autour de la planète.
Pour vraiment comprendre les origines du reggae dub, une des choses primordiale est la compréhension de
la scène musicale jamaïquaine de la fin des années 60 et du début des années 70, ainsi que le rôle des
dancehalls. Il ne faut pas non plus négliger les contraintes financières qui dans un pays pauvre comme la
Jamaïque et surtout dans les années 70, jouaient un rôle déterminant en donnant des directions à l'industrie
du disque. À l'époque très peu de gens pouvaient se permettre de se payer des disques, et puisque la
production coûte chère, c'est un risque certain pour quelqu'un de décider de produire à «grande» échelle un
nouveau vinyle. La plupart du temps les singles étaient testés dans les dancehalls sur vinyles pour voir
comment les gens réagissaient à la musique. Plus que tout, ce qui à déterminé le style du dub de cette
période là, c'est la foule et les dancehalls de l'époque; un sacré privilège n'est-ce pas?...
La popularité des versions instrumentales dans les dancehalls a rapidement inspiré Duke Reid et d'autres
producteurs qui ont commencé à sortir des morceaux commerciaux et c'est ainsi qu'une nouvelle tradition
est née. Dans les années 70 il était devenu courant de sortir des vinyles avec une face B. Ceci a ouvert de
nouveaux horizons aux selectas et aux Djs. Sans les voix ils pouvaient ajouter leur propres paroles, chants
ou juste des mots sur la musique. Cette opportunité a permis de créer un nouveau style appelé toasting et
qui consiste à improviser des paroles sur la musique. Encore une fois, ce fut les origines de nos musiques
actuelles comme le rap ou le reggae dancehall.
Les versions permettent donc de créer une infinité de chansons sur le même rythme. Au niveau de la
rémunération, les artistes était payés à la chanson et une fois que la piste était enregistrée elle devenait la
propriété du producteur sans compter le nombre de chansons différentes qui peuvent être faites avec cet
instrumental. Et bien sûr la même base pouvait servir à toaster, ou être complétée avec des paroles ou bien
remixée, le tout sans payer plus les musiciens. Le résultat de cela fut qu'il devenait bien plus intéressant
pour un producteur d'utiliser 100 fois le même riddim que d'en faire faire un autre par des musiciens, de plus
il était déjà sur du succès de ce riddim vis-à-vis du public. Cet aspect a fait qu'en Jamaïque il est devenu de
tradition de ré-utiliser les disques un grand nombre de fois et en faisant cela les riddims deviennent des
morceaux à part entière que l'on peut reconnaître facilement par leur ligne de basse caractéristique; c'est
ainsi que les riddims ont obtenus leurs lettres de noblesses puisque désormais il possèdent des noms au
même titre que les chansons. Et les versions deviennent alors une force de la musique jamaïcaine et c'est
en persévérant dans cette voie que le vrai dub va finalement naître.
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Le dub restera cette variante du reggae pendant vingt ans, avant de connaître un nouvel essor au RoyaumeUni où de nombreux labels anglais signaient des groupes de ska jamaïcains dans les années 60. Adrian
Sherwood est le symbole vivant de cette époque en co-fondant le label Carib Gems (Black Uhuru) en 1975
puis surtout le label ON-U Sound en 1980. Jusqu'alors, le dub était cette musique remixée, jouée dans les
sound systems jamaïcains. Avec On-U Sound, il devient une musique à part entière, nourrie
d'expérimentation, qui s'écoute autant qu'elle se danse. Puis le style s'est lentement développé avec des
artistes n'appartenant pas à la scène reggae classique comme le bassiste Bill Laswell.
Extrait de l'article «L'histoire du dub» du site Nizetch Dub Webzine, écrit en octobre 2006 que vous pouvez retrouver sur:
http://www.nizetch.fr/post/2006/10/19/156-l-histoire-du-dub
Pour aller plus loin:
Voici un documentaire sur l'esprit dub et les premiers sound systems à l'anglaise, réalisé par Musical Riot lors de
l'Université du Dub de Luminy (France) de 2008,du site Reggae Est, que vous pouvez retrouver sur: http://www.reggaeest.fr/?contid=225
Le Dubstep
De l’aveu même de ses protagonistes, il est impossible de donner une définition correcte du
Dubstep. Seuls quelques éléments sont communs à tous les producteurs, peut-être un seul en fait. Selon
Kode9 : «Le sub-bass est la seule chose fixe. On peut mettre ce qu’on veut par dessus.» Chaque
musicien choisit son terrain de jeu, ses gimmicks préférés, son tempo favori, ses références, ses
influences, etc.… Ce qui rend le genre impossible à définir est cette ouverture, cette capacité à
assimiler des éléments extérieurs sans avoir à remettre en question l’identité du genre. Selon Burial,
cette ouverture possède un autre avantage, celui de décourager les suiveurs et les imitateurs: «Il n’y
a pas de chemin balisé qui pourrait attirer les producteurs de crasse de seconde zone. Tout le monde
ici est livré à lui-même.» Bien que quelques artistes se soient vus encensés pour leurs albums («Untrue»
de Burial, «Memories of the future» de Kode9 & Spaceape, «Diary of an Afro Warrior» de Benga), le
Dubstep semble se désintéresser de l’idée d’un succès de masse et d’un crossover vers le mainstream.
Underground de naissance, il semble vouloir conserver ses allures de club fermé, auto suffisant,
autarcique, malgré la notoriété que lui apporte aujourd’hui la BBC, qui lui consacre une émission
hebdomadaire et le présente comme le futur de la musique. Ayant derrière lui l’expérience d’autres genres
dynamités par leur propre succès et coulés par trop de publicité, le Dubstep se méfie des spotlights et des
campagnes de matraquage. Une des stratégies pour éviter la récupération est justement cette diversité qui
fait qu’il y a autant de formes de Dubstep qu’il n’y a de musiciens de Dubstep.
Et pourtant, tous ces gens ont des choses en commun. Pas seulement le fait d’être originaires du même coin
de Londres, une légende qui est de moins en moins vraie au fur et à mesure que le genre se répand. Pas
seulement le fait de passer leurs week-ends au club DMZ, ni leur affection pour des logiciels comme Fruity
Loops. Beaucoup d’entre eux partagent par contre les mêmes influences. Des influences qui sont à la fois
des souvenirs de jeunesse (malgré le jeune âge de la plupart d’entre eux) et une culture commune. Cette
culture, partagée par la plupart des musiciens anglais, est un melting-pot de toutes les musiques qui
ont été jetées pêle-mêle dans le creuset de l’Angleterre. Elle trouve son origine dans l’immersion de
musiques noires dans le contexte britannique. Vagues après vagues, les influences américaines,
jamaïcaines, antillaises, africaines, etc. ont modelé le paysage sonore anglais. Au tout premier rang,
les sound-systems Dub ont conditionné la musique de la fin des années soixante à nos jours,
précédant les raves de presque trente ans, contaminant les clubs, préfigurant la scène Grime et
Dubstep actuelle. Le Dub a influencé à la fois la manière de consommer la musique et la manière de la
fabriquer. Progressant par contaminations successives, par hybridations consécutives, un même virus
continue de muter depuis les premiers dubplates jusqu’à aujourd’hui. Un même modus operandi est à
l’œuvre dans le dub, le hip-hop, la jungle, le UK-garage, le Grime, le Dubstep. Une même approche de
la musique comme collage et comme appropriation. Une vision similaire du studio comme
instrument, comme seul instrument, et du musicien comme producteur. Une même vision de la
musique comme objet à re-combiner inlassablement, à recomposer selon le contexte, selon
l’époque, selon l’humeur. Une même approche aussi de la musique comme jamais vraiment finie,
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jamais définitivement écrite, toujours susceptible d’évoluer, de muter, de passer par des
renaissances successives, d’un artiste à l’autre, d’un genre à l’autre.
Procédant par pollinisation croisée, plusieurs genres ont ainsi concouru à l’apparition de ce qu’on
nomme aujourd’hui le Dubstep. Une généalogie directe est impossible à déterminer, le genre est un
collage de genre qui étaient eux-mêmes des collages de genres. Empruntant des éléments à la
house, à la drum’n’bass, au dancehall reggae, au UK-Garage, à la soca, à l’électro, en révolution
permanente, le genre ne se laisse pas facilement documenter ni baliser. Sa vitesse de transmutation
le rend fuyant, toujours en avance sur la presse musicale, sur le reste de l’industrie du disque, sur le
public même. Et pourtant, si sa forme de prédilection est le mix et son univers le club, le rendant a priori
fugitif et éphémère, le Dubstep a pourtant été suivi, et de très près, par de nouveaux types d’observateurs
critiques. Soutenu par les radios pirates de Londres et du reste de l’Angleterre, et commenté jusqu’à la
dissection par les bulletin-boards et les blogs qui lui sont consacrés, le Dubstep est peut-être le seul genre
qui soit archivé au fur et à mesure de sa création, chroniqué en temps réel ou presque. Bien que plusieurs
années parfois séparent une sortie en white label, destinée au clubs et aux DJs, et limitée à une dizaine
d’exemplaires, et la sortie officielle du même disque pour le grand public, le cheminement quotidien du genre
est accompagné, escorté presque, par un noyau dur de fans et d’intervenants, gardiens du temple, garants
de l’authenticité, dont les discussions autour du genre peuvent atteindre une certaine violence (verbale en
tout cas). Dixit le blogger Blackdown: «When it comes to music, especially Dubstep, I absolutely, 100% do
not fucking want anyone who’s anyone right now to do any more fucking compromising. Now, of all times in
Dubstep, please could everyone just not compromise, whatsoever, about anything? ». A l’heure où les
Dubsteppers sont en grande demande dans les superclubs et les festivals, la crainte est en effet de voir la
musique, extraite de son milieu d’origine, subir le même sort que ses prédécesseurs, se gentrifier, se diluer,
vendre son âme.
Extrait de l'article “Dubstep: le genre qui n'existe pas” écrit par Benoit Deuxant sur le site de la Médiathèque de la
Communauté française de Belgique, que vous pouvez retrouver sur:
http://www.lamediatheque.be/dec/genres_musicaux/reggae/lemouvementrastafari.php
Pour aller plus loin:
Voici un mini-reportage de la chaîne BBC "The sound of Dubstep" sur le genre depuis sa naissance et ses principaux
représentants en Angleterre, ainsi que l'article "Bass in the place" écrit par James Cowdery en avril 2006, du site
Reggae Est, que vous pouvez retrouver sur: http://www.bbc.co.uk/dna/collective/A10695684
Le Ragga-Dancehall
Le dancehall reggae est un style musical originairement jamaïcain, découlant directement du reggae
et qui tire son nom du Dancehall (la salle de danse ou salle de bal, en français) qui désigne le lieu où l'on
danse à l'intérieur comme à l'extérieur. Il est né en Jamaïque au tout début des années 80 et s'est
rapidement propagé dans les Antilles puis de là en France métropolitaine. Le style dancehall n'est pas
précisément définissable puisque ce terme englobe aussi bien le reggae instrumental que le ragga
numérique. Ce terme désigne plutôt une musique de soirée, elle implique une connotation de groupe,
d'ambiance, de rassemblement. Ainsi, le dancehall peut aussi bien sonner reggae roots, que ska ou
numérique.
La grande révolution du dancehall moderne est l'arrivée des machines numériques et de nombreux
compositeurs se sont mis à la composition audio-numérique. Certains poussent le côté électronique,
d'autres utilisent plutôt des échantillons sonores (samples) de tous horizons culturels.
En France et dans les Antilles françaises, l'appellation dancehall a tendance à être utilisée uniquement pour
le raggamuffin. Cette appellation est utilisé dans les Antilles françaises pour différencier le type de soirée ;
dancehall par opposition au zouk, kompa et lewoz.
Extrait de l'article “L'histoire du dancehall» du site I works Music, que vous pouvez retrouver sur:
http://www.iworksmusic.net/reggaeraggadub/default.asp?id=2&mnu=2
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Le Ragga («rag» = hardes) également appelé dancehall , est un genre musical issu du reggae et
apparu en Jamaïque à la fin des années 1980 , caractérisé par une diction répétitive rappelant les toasters .
Raggamuffin:(«rag» = hardes, «muff» = empoté, bon à rien). En argot jamaïcain, un petit «glandeur» et, par
extension, un style de vie marginal, une façon d'être et de se comporter: un débrouillard qui galère mais qui
restera honnête jusqu'au bout et fera tout pour s'en sortir sans jamais trahir personne.
Ce terme désigne donc à la fois une catégorie d'individu et un genre musical. Les «raggamuffin» jamaïcains
autoproduisent leurs disques et les vendent de ville en ville. La foule se rassemble autour du sound system ,
la sono où le DJ s'expriment sur la musique du disque proposé à la vente, dans une diction qui peut parfois
être ultra-rapide.
Le ragga comprend deux sous-catégories complémentaires: le slackness , aux textes paillards, voir sexistes,
et le lover, plus romantique et pacifique.
Aujourd'hui, des figures telles que Karukera Sound System , Massilia Sound System , Raggasonic , les
Voleurs de Poules , Saï Saï , Admiral T , Yaniss Odua , Tiwony , Féfé Typical incarnent ce style sur la scène
française et en outre-mer. De l'autre côté de l'Atlantique, il y a aussi notamment Elephant Man , Beenie
Man , Buju Banton Â…
Durant l'été 2004 , la campagne Stop Murder Music est lancée par l'association britannique OutRage!.
Ulcéré par la multiplication des propos homophobes dans les titres dancehall jamaïcains, le collectif décide
de mener la vie dure à 8 stars jamaïcaines: Beenie Man, Capleton, Sizzla, Vybz kartel, Buju Banton, Bounty
Killer, TOK et Elephant Man .
Manifestations, boycotts et annulation de concerts se succèdent. Globalement les pertes pour l'industrie du
dancehall sont estimées à 7,2 millions d'euros.
Le Reggaeton
Si le reggaeton revient régulièrement dans les news, c'est plus par les paroles déplacées de
certains de ses représentants. Loin de l'idéologie du reggae originel, il a pourtant bercé et influencés
les premiers artistes du genre.
Les premiers enregistrements de reggae en Amérique latine ont été réalisés au Panama au milieu
des années 1970 . Un grand nombre d'immigrés jamaïquains étaient arrivés pendant la construction du
canal de Panama et ils ont apporté avec eux la musique reggae à la population locale.
En 1985 , le rappeur Vico C du Porto Rico a produit le premier disque de rap en langue espagnole . Ce sont
les deux influences principales du genre, ainsi que les deux principaux pays producteurs . Les paroles,
comme pour la plupart des musiques populaires de la classe ouvrière, sont souvent liées à la réalité de la
rue, les malentendus, les situations injustes, l'amour, la fraude et la passion, et le racisme dans les villes.
Les différences les plus notables entre le Reggaeton et le Dancehall, à part l'inclusion de mélodies
d'influences latines, est l'exclusion de la violence et de l'homophobie qui permet au Reggaeton un accès
plus acceptable en terme de valeur morale, du moins au départ.. On remarque également plusieurs artistes
féminins de Reggaeton qui sont autant respectées .
Le Reggaeton prend sa source en 1993 dans le Dem Bow , invention expérimentée sur des remix "spanishreggae" par "El Chumbo" (Rodney S. Clark de son vrai nom), DJ et producteur désormais légendaire en
Amérique du Sud . Le mot est un mot-valise , issu du mélange entre reggae et le mot espagnol maratón
( marathon ). El Chumbo a produit un des premiers succès internationaux du Reggaeton: «Papi Chulo (te
traigo el mmm)» par Lorna du Panama , tube de l'été 2003 .
Le reggaeton est très populaire aux États-Unis en Floride, à New York, Boston, Chicago, et d'autres villes où
la population de latinos est importante et où il y a une grande scène de clubs. Le reggaeton explose comme
un virus alors que paradoxalement peu de gens supportaient il y a une dizaine d'années le genre, alors
relativement marginal des rappeurs. Cette perception change aujourd'hui radicalement. Des chaînes de
télévision et de radio programment en continu du reggaeton. Il n'est pas rare aujourd'hui de rencontrer dans
les méga-concerts une certaine élite sociale de yuppies ou de quadragénaires.
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Certains antagonistes reprochent au reggaeton, tant diffusé dans les médias, d'avoir un contenu
explicitement sexuel, machiste , vulgaire, voire contraire aux bonne vies et mœurs, à quelques exceptions
près. Le sexe devient commercial et que les maisons de production, El Perreo devient le style le plus critiqué
par les puritains de la morale, d'autres s'en prennent au jargon et ses expressions et le langage décalé, alors
que les artistes en sont parfaitement conscients.
Extrait de la chronique «Histoire du reggae» qui décrit les ramifications actuelles du reggae sur le site Reggae
Connexion (et tiré des articles Wikipédia) que vous pouvez retrouver sur: http://www.reggaeconnexion.net/dossiers.php?
mode=histoire
Le Rap
Petit retour sur son histoire:
Les jeunes Hip-Hoppers grandissaient bien sûr dans cette atmosphère de soul et de funk, les Dj
jouaient les morceaux de James Brown, de Millie Jackson et le rap, plus facile d’accès que le chant plus
proche de la réalité du ghetto, il allait devenir le moyen d’expression d’une partie des jeunes. Mais ce style
vocal : parler sur le rythme ne tirait pas sa seule origine de la soul… Le reggae avait lui aussi ce même
particularisme : aux chanteurs classiques de reggae étaient associés des Dee Jays, qui parlaient sur les
versions instrumentales des riddims populaire en Jamaïque… Ces Dee Jay, surnommés ainsi car ils
reprenaient eux même le style vocale des DJ des radios de R&B US, étaient aussi les animateurs des
sounds system, ils mettaient l’ambiance et chauffaient la foule, ils ne chantaient pas, ils toastaient, puis
enregistraient des versions dee jay des riddims qui cartonnaient…. Dans les années 50, le premier sound
system répertorié en Jamaïque fut celui de Tom the Great Sebastian, avec le DJ Duke Vin… Puis ce fut
l’explosion : Duke Reid (et DJ V-Rocket), Lord Koos, Icky Man, King Edward, et le légendaire Sir Coxsone
"the downbeat", avec le DJ Winston "Count Matchuki" qui fut le premier à toaster sur les riddims… rejoint à
la fin des années 50 par King Stitt et Opie.
Il fallu attendre le milieu des années 60 pour que des morceaux 100% toastés soient enregistrés sur
45T, mais celui qui allait véritablement donner ses lettres de noblesse au toast aussi appelé : dee jay
style est U-Roy "the originator", unanimement reconnu comme le maître du genre. Associé au Dub
créé par King Tubby en ajoutant des effets électroniques aux versions instrumentales des morceaux,
U-Roy allait révolutionner le reggae et faire beaucoup d'émules. Ce style toaster devint donc une
constante dans la musique jamaïcaine, qui évolua du ska vers le rocksteady, puis vers le reggae qui permit
le véritable développement du toast dans la musique dancehall jamaïcaine qui, bien qu’en permanente
évolution, se perpétue encore de nos jours.
C’est donc également cette culture du toast et du sound system typiquement jamaicain qui allait
avec Kool Herc émigré aux USA… mêler à la Soul, puis aux Break Beat, le rap allait s’approcher de la
forme qu’on lui connaît actuellement
Extrait de l'article «Le rap et ses origines jamaïcaines» qui décrit l'influence du reggae le mouvement rap, sur le site
Nantes Hip-Hop que vous pouvez retrouver sur: http://nanteshiphop.free.fr/histoire_1979.htm
Pour aller plus loin:
Vous trouverez au Centre Info-ressources de la Carène le livre «Le rap est né en Jamaïque» écrit par Bruno Blum paru
en 2009 aux éditions Castor Music
«L’immense contribution de la Jamaïque à la musique populaire mondiale ne doit plus être victime de la désinformation
du géant américain… Selon une idée convenue, le rap serait né à New York. Or ses origines jamaïcaines et ses
premiers succès internationaux, bien avant les tubes américains, étaient jusqu’ici presque passés sous silence. Ils sont
enfin ici expliqués en détail. Ce livre provocateur met à mal une surprenante déformation de la réalité historique. Les
précurseurs essentiels du rap dans le Bronx sont d’ailleurs deux Jamaïcains: Kool Herc, dès 1973, et Coke La Rock, à
partir de 1975. C’est lors de leurs célèbres soirées que le hip hop est né, avec parmi le public de futurs grands noms du
genre, comme Grandmaster Flash, lui aussi Antillais, ou Melle Mel. La pratique du rap sur des disques instrumentaux
remonte à 1950 en Jamaïque. Ce livre rend enfin justice à des artistes jamaïcains comme King Stitt, U Roy ou Dillinger,
dont le ’Cocaine in my Brain’ fut un succès international dès 1976.»
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4) Aujourd'hui, le mouvement continue:
Des festivals:
Garance Reggae Festival:
Avec à l'affiche l'année passée rien d'autre que: Bunny Wailer, John Holt, Barrington Levy,
Raggasonic, Luciano, Big Youth, Toots & The Maytals, Alborosie, Winston & Matthew
MCANUFF, U-Roy...
Cette année, ça se passe du 27 au 30 juillet 2011 à Bagnols-sur-Cèze (Gard 30)
Pour plus d'infos: http://www.garancereggaefestival.com/
Reggae Sun Ska:
Avec à l'affiche l'année passée rien d'autre que: Alpha Blondy, Raggasonic, The Original
Wailers, The Aggrolites, U-ROY, Steel Pulse, Groundation: A Tribute to Bob Marley,
Jaqee, High Tone...
Cette année, ça se passe les 5 et 6 août 2011 à Saint Sauveur, près de Bordeaux.
Pour plus d'infos: http://www.reggaesunska.com
Summerjam
Avec à l'affiche cette année rien d'autre que: Ayo, Irie Révoltès, Jimmy Cliff, Lee
«Scratch» Perry, Max Roméo, Patrice, The Congos...
Cette année, ça se passe du 1er au 2 juillet 2011 à Cologne (Köln - Allemagne),
Pour plus d'infos: http://summerjam.de/
Dour
Avec à l'affiche pour la soirée Reggae/Roots/Dub/Ska/Dancehall/Ragga de l'année
dernière rien d'autre que: Raggasonic, High Tone, Capleton, Matthew McAnuff, Danakil,
La Ruda, Zenzile, Java...
Cette année, ça se passe du 14 au 16 juillet 2011 à Dour (Belgique), près de
Valenciennes Pour plus d'infos: http://www.dourfestival.be/
Riddim Collision
7 soirs de concerts dans différentes salles lyonnaises pour découvrir toute l'actualité du
dubstep et électro, une programmation plus qu'éclectique...
Cette année, ça se passe en Novembre 2011 à Lyon
Pour plus d'infos: http://www.jarringeffects.net/fr/riddim_collision
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Quelques artistes de la nouvelle génération:
Jaqee, soul-reggae 70's
Fringante, énergique, pétillante, la personnalité de Jaqee imprègne sa musique. La jeune chanteuse
ougandaise aime jouer avec les genres: jonglant entre Soul et Reggae, Jaqee délivre un son enivrant qui a
le don de faire bouger les corps. Un véritable appel à la bonne humeur.
Suite à une première sortie trop discrète en juin 2009 sous le nom de "Kokoo Girl", le nouveau disque de
Jaqee- chanteuse suédoise d'origine ougandaise - revient dans les bacs avec une nouvelle cover et un
nouveau nom, "Land of the free". A l'instar du single qui donne son nom à l'album, titre reggae-soul
langoureux diffusé depuis plusieurs mois sur Radio Nova, l'ensemble du disque est une vraie réussite. De la
même manière qu'Amy Winehouse revisitait magistralement la soul des 70's avec "Back in black", "Land of
the free" applique la même recette au reggae des 70's avec les moyens de production du moment. Les titres
"Take the train", "Moonshine", "Pink drunken elephant" ou encore l'envoûtant "Letter to Samson" sont autant
de preuves du succès de cette entreprise portée par la voix suave et profonde de Jaqee. Produit par
l'Allemand Teka(Rootdown Records), ce nouvel opus est tout simplement indispensable.
Extrait de l'article «Jaqee, Land of the free» écrit par Niculai Constantinescu en mars 2010, sur le site Mondomix, que
vous pouvez retrouver sur: http://jaqee.mondomix.com/fr/chronique5678.htm
Pour en savoir plus, le site officiel de Jaqee: http://www.jaqee.com/
Asa, le reggae-soul-funk
Née en France de parents nigérians sous le nom Bukola Elemide, Asa part vivre au Nigeria à l'âge
de 2 ans, elle grandit à Jos, sur les plateaux nigérians, avant de retourner à 18 ans à Lagos. C'est à ce
moment que le célèbre saxophoniste Peter King lui parle d'une école de musique située entre Lagos et
Badagry, où elle y étudie la guitare pendant un an dans le but de devenir célèbre en moins d'une décennie.
En dépit de l'air un peu grave et énigmatique qu'a fixé Jean-Baptiste Mondino sur la pochette de Beautiful
Imperfection, Asa a décidé de ne plus s'inquiéter sur son sort et de prendre du bon temps. Elle nous le
confie dès le morceau d'ouverture," Why Can't We ", et le prouve tout au long de cette belle imperfection.
Suave, très varié et le plus souvent rayonnant, ce deuxième album de la chanteuse nigériane joue
harmonieusement avec des influences soul, pop, folk, blues, reggae et même twist. Les radios vont
être contentes et bien de gens devraient avoir envie d’organiser des surprise-parties cet hiver. Mais ces
références sont davantage des clins d'œil que des exercices de style : guitares grasses à la " Thriller " au
cœur de " Bimpé ", orchestration de cordes et pied de grosse caisse réminiscents du " Wonderwall " d'Oasis
sur " Ok Ok ", claquements de doigts extraits de " West Side Story " pour " The Way I Feel ", et cuivres et
chœurs façon Tamla Motown ici et là.
Heureusement, les arrangements de Benjamin Constant, déjà à l'œuvre sur le premier album, sont assez
malins pour ne pas laisser ces emprunts en première ligne et leur offrir des contre-champs plus personnels.
Il avait de quoi se régaler car les mélodies apportées par Asa sont d'une élégante évidence et d'une
efficacité naturelle. Mais le ciment de cette ludique architecture tient avant tout à sa voix. Elle conjugue la
douceur du lait et le piment du poivre et vole sur chaque mot avec une agilité nonchalante. Elle ajoute à ces
chansons d'apparence légère comme un double sens d'une grande sensualité, d'une immense tendresse,
d'une infinie humanité.
Extrait de l'article «ASA, Beautiful Imperfection» écrit par Benjamin MiNiMiM en octobre 2010, sur le site Mondomix,
que vous pouvez retrouver sur: http://asa.mondomix.com/fr/chronique6004.htm
Pour en savoir plus, le site officiel de ASA: http://www.asa-official.com/
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Patrice, repousser plus loin les fondements du reggae
D’origine allemande et sierra-léonaise, le chanteur Patrice a pour étendard le reggae acoustique.
Avec sa voix nasillarde mais pourtant si douce, il construit des ponts entre les styles et rassemble toujours
plus de monde depuis son premier album Lions sorti en 1999. En Jamaïque, les rastas les plus mystiques
utilisent l’expression « I & I » pour dire simplement « je », le second « I » rappelant que l’homme est toujours
soumis à l’influence de son environnement physique et spirituel. Dans les années 60, le scientifique
américain Edward Lorenz posa la théorie de l’« Effet papillon » pour expliquer la même notion
d’interdépendance. Le titre du nouvel album de Patrice tente d’exprimer cette idée en un seul mot : « One ».
« Aucun être vivant n’est vraiment autonome », dit le chanteur. « La planète est une unique masse de
matières et d’énergie en mouvement, sans séparation entre les éléments qui la composent. Je pense que
pour la musique, c’est pareil. » Au regard de son parcours, on peut comprendre ce titre d’une façon
pragmatique: « One » synthétise douze années de carrière, du reggae jamaïquain de ses débuts (« Ancient
Spirit » en 2000), au funk yankee millésimé, en passant par la soul, le rock, le folk anglais… Autant de styles
que Patrice apprivoisa au fil du temps, en six albums riches en couleurs. Aujourd’hui, les treize morceaux de
« One » forment à la fois le disque le plus éclectique et le plus homogène de sa discographie. « Je ne
voulais pas d’une mosaïque de contrastes, je voulais que le tracklisting reflète l’harmonie et la cohérence de
toutes ces saveurs.»
Extrait de la biographie, sur son site officiel, que vous pouvez retrouver sur: http://www.patrice.net/fr/bio/
Le titre du nouvel album, «How do you call it?», résume à lui seul tout ce qui fait l'originalité de la
musique de Patrice: on ne peut la nommer car elle n'a pas de frontières. Du reggae, en passant par la
soul, le blues, le jazz ou encore le hip-hop, la musique de Patrice ne reste jamais figée et se joue à
merveille de tous ces styles musicaux. Ancient Spirit, qui s’est vendu à près de 30000 exemplaires en
France, faisait déjà sensation par sa diversité et son côté novateur. Ce métissage musical est assez
significatif de l'histoire atypique de Patrice Bart-Williams qui est né le 09 juillet 1979 près de Cologne, le jour
de la disparition de son grand-père, ce qui lui a valu d’être nommé Babatunde, « le retour du vieux » en
Haoussa. Fils d’une mère allemande et d’un père sierra-léonais, l’écrivain activiste Gaston Bart-Williams,
Patrice vit toujours en Allemagne, à Hambourg. Très tôt il a baigné dans cette double culture qui lui a
permis, entres autres, d’apprendre le patois jamaïcain parlé par son père et de se forger une culture
musicale très diverse. Son père écoutait du blues, de la musique africaine de Fela Ransome Kuti et
King Sunny Ade, le reggae de Max Romeo and The Upsetters ouBurning Spear, alors que sa mère
écoutait du jazz, Billie Holiday, ou les chansons de Bob Dylan.
Patrice joue avec plusieurs formations jusqu’à l’âge de 17/18 ans, mais son orientation musicale ne le
satisfait pas, ce qui finit par le décourager. Finalement, il se remet à la musique avec la volonté de
concrétiser sérieusement un projet. Sous le nom de Babatunde, son patronyme africain, Patrice intervient au
sein du Bantu Crew (Brotherhood Alliance Navigating Towards Unity) aux côtés du chanteur de reggae Don
Abi, Ade (ex Weep Not Child) et du chanteur Amaechina. En hommage au projet d’unité africaine de Steven
Biko, ils ont sorti deux singles d’Afro Beat qui ont cartonné dans les charts nigérians. Patrice fût ensuite
remarqué par le producteur allemand Matthias Arfmann qui reçu une démo du titre « You always you ».
Signé par le label allemand Yo Mama, le maxi « Lions » permis à Patrice de décrocher la première partie de
la tournée européenne de Lauryn Hill (1999) et de participer au festival des Inrockuptibles en 2000.
Incontournables, les références à Bob Marley, Wyclef Jean ou même Finley Quaye sont pourtant
impropres à cerner le phénomène. La musique de Patrice est forcement marquée par le reggae mais
ne s’y résume pas. Grâce à une production soignée, il parvient à jouer des codes du genre et
repousser un peu plus loin ses fondamentaux. Arrangements jazz, quatuor à cordes, orgues 70’s et
bruitages électro viennent tour à tour épauler sa voix éclatante. C’est elle qui donne le ton d’Ancient Spirit:
un peu voilée, ses ruptures de rythmes impulsent l’énergie aux morceaux et créent l’émotion. Ses paroles
révèlent une personnalité affirmée. Même s’il fustige la bêtise de Babylone et célèbre les femmes et l’amour,
son discours refuse toute béatitude rasta. Pour son premier album, Patrice a su s’entourer. La section
cuivre des Skatalites, les Jamaïcains du Shashamani Band, Judy Gordon ou encore Rooke Yellow
sont venus apporter leur touche sous la houlette de Matthias Arfmann. Du coup, Ancient Spirit reflète
une certaine diversité tout en inventant un reggae vif et créatif. Ballades imparables («You Always
You», «Love») ou dub premier choix («Fear Rules»),Patrice sait écrire de vraies chansons. Aussi à
l’aise sur un ragga festif («Party») que pour un reggae militant («Murderer») ou une session
acoustique («No Excuse»), il revisite ses classiques en leur insufflant un supplément d’âme et une
bonne dose de légèreté.
Extrait de la biographie de Patrice du site Reggae.fr, que vous pouvez retrouver sur: http://www.reggae.fr/artistebiographie/547_Patrice.html
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Danakil, le reggae français
Danakil est né en l'an 2000, de la rencontre de 8 étudiants de la région parisienne. Très rapidement
le groupe a commencé à se produire sur des scènes locales, et posa dès ses débuts les bases d'une
identité sonore qui le suivra, et qu'il ne cessera de développer. En 2006, après une centaine de concerts
Danakil enregistra en autoproduction son premier album, «Microclimat». Cet album est un recueil des
morceaux-clés joués par le groupe depuis sa création, et qui ont attiré à lui un public fidèle et grandissant.
Le succès rencontré par ce premier opus marque le passage d'un fonctionnement associatif à un
fonctionnement plus professionnel, il ouvre des portes à de nouvelles programmations et amène le collectif à
faire de nombreuses rencontres décisives pour son développement. Aujourd'hui, avec près de 300 concerts
à son actif, Danakil démontre qu'il est un groupe de scène, porté par une énergie collective communicative
et un charisme grandissant.
En 2008, fort de l'expérience acquise, Danakil retourne en studio afin de préparer la sortie de son deuxième
album. Intitulé « Dialogue de sourds », celui-ci balance entre reggae roots et sonorités modernes. Au
long des 12 titres qui composent ce nouvel opus, Danakil continue d'observer et de dénoncer les
travers d'une société en pleine évolution. Véritable témoignage musical, « Dialogue de sourds » reste
fidèle au style revendicatif et engagé qui a fait le succès de « Microclimat ». A souligner la
participation de nombreux artistes reconnus comme le trio mythique des Mighty Diamonds, le MC
Anglais Général Levy, ou encore le toaster jamaïcain Jah Mason.
Depuis la sortie de cet album, le groupe multiplie les dates aux quatre coins de l'hexagone et s'affirme donc
désormais comme étant un des groupes les plus actifs sur la scène française.
Après de nombreux concerts partout en France, Danakil se lance le défi d’organiser un concert à l’Olympia
le 6 octobre 2009. Le groupe avait à cœur de relever ce difficile challenge en tentant de remplir la plus belle
salle de France. Pari gagné puisque le concert fut complet et le spectacle à la hauteur des attentes du
public. La participation de nombreux invités, comme Général Levy, Sebastian Sturm et Wayan Balik le père
du chanteur de Danakil, donnera à ce concert une impression unique qui restera à jamais graver dans les
mémoires.
L’année 2010 marque le retour du groupe sur scène avec une impressionnante tournée française et
internationale. Au programme des salles de concerts prestigieuses et les festivals les plus importants de
France et d’Europe tels que le Summerjam en Allemagne, Le Paléo en Suisse, le Printemps de Bourges,
Garorock ou encore le Furia sound festival…
Actuellement le groupe prépare l'enregistrement du troisième album prévu pour Mars 2011 et continue de
sillonner les routes du monde entier pour vous offrir toujours plus de musique.
Extrait de la biographie de Danakil sur leur site officiel, que vous pouvez retrouver sur:
http://danakilweb.free.fr/groupe.html
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5) Le reggae, moyen d'expression engagée:
L'histoire du mouvement Rastafari:
C'est dans les années 1940 qu'explose le mouvement rastafari dans les ghettos, empreint de
désespoir et de violence. Au début des années 50, les communautés rasta se réunissent pour célébrer
certains passages de la Bible. Le mouvement a encore gagné en nombre et crie sa haine de 'Babylon' qui
représente l'Occident décadent et perverti. Les moyens d'expression musicale sont alors des hochets, des
tambourins,des tambours (akete), parfois des saxophones et plus souvent leurs mains. Les rastas se font de
plus en plus connaître avec leur dreadlocks et leur consommation de ganja.
L’influence du mouvement rastafari commençait à se faire sentir dans les textes de certains chanteurs, au
point que l’on confondait parfois reggae et rastafari, à tort d’ailleurs car il existait de nombreux chanteurs non
rasta. L’association reggae et rasta ne devint la norme qu’après 1972, quand les tempos commencèrent à
ralentir. Ainsi de nombreux hits de cette première période du reggae, souvent appelée early reggae, furent
d’influence soul.
Curieusement c'est en Jamaïque, dans les années trente et parmi les personnes de la classe
moyenne de l'île, que va émerger ce mouvement qui reconnaît à Ras Tafari (plus connu sous le nom d'Haïlé
Sélassié) des pouvoirs divins et spirituel. Pouvoir justifié par une interprétation de la bible à travers les
Révélations chapitre 5 versets 5. N'était-il pas le seul dirigeant indépendant en Afrique au début du
vingtième siècle.
L'utilisation du cannabis (ou ganja, chanvre), plante psychotrope par excellence, est utilisée uniquement à
but religieux. En effet, c'est avec un certain effet d'extase que les Rastafaris croient fermement communiquer
avec le Négus. La Génèse et les Psaumes font d'ailleurs allusion à une "herbe mise au service de l'homme".
Les Rastafaris rejettent le mode de vie occidental (appelé Babylone), affirmant que celui-ci apportent plus de
souffrances qu'il n'apporte de solutions. D'ailleurs, ils adhèrent à l'idée que leur culture ancestrale leur fut
volée lors des captures d'africains par des esclavagistes en Afrique. Promouvant l'idée de paix mondiale,
d'amour et de respect de toutes choses vivantes, ils se veulent les protecteurs du "dirigeant le plus légitime
de la terre" (Jah). L'Afrique est d'ailleurs allégrement assimilée à Zion, continent originel de l'humanité. En
attendant le retour du Négus (considéré comme le Messie), les Rastafaris se laissent pousser les cheveux
(dreadlocks). Il est coutume de dire que Sanson possédait sept dreadlocks d'où il tirait sa force. Les
Rastafaris n'ont jamais accepté la mort du Négus en 1975; comment auraient-ils pu accepter son décès
puisqu'Haïlé Sélassié est un Dieu.
Le mouvement est largement d'obédience chrétienne voire orthodoxe et minoritairement protestante. Le
Vatican ne reconnaît pas ce mouvement politico-religieux et lui reproche ses nombreuses interprétations des
textes de la Bible. De plus certains Rastafaris prônent ouvertement la suprématie noire. Le Négus étant au
dessus du monde terrestre devra les reconduire à son retour vers la terre promise (Afrique).
Jusque dans leurs modes de nourriture, les Rastafaris se veulent des ascètes assez particuliers.
Majoritairement végétariens, ils s'abstiennent catégoriquement de manger des fruits de mer ou du porc.
Mélange de croyances musulmanes et bouddhistes, l'alcool est totalement prohibé.
Monarchistes de facto par la divinisation du Négus, les Rastafaris préfèrent éviter de se mêler de politique.
Mais comme toutes religions, les Rastafaris ont leur prophète en la personne du panafricain Marcus Gravey
(1887- 1940). Bien qu'il ne se soit jamais identifié à ce mouvement, ce jamaïcain avait prophétisé le
couronnement d'un homme noir en Afrique dès 1927. Poursuivis en justice par les autorités coloniales, les
rastafaris auront leur heure de gloire avec la visite du Négus dans l'île en Avril 1966. Mais plus que Marcus
Gravey, c'est le chanteur phare des années soixante-dix et quatre vingt, Robert " Bob " Marley (1945- 1981)
qui fut véritablement le chantre et l'ambassadeur du mouvement avec un style de musique, le reggae. Avec
lui, d'autres de part le monde empruntèrent son style, le copièrent ou s'en éloignèrent. On peut citer Peter
Tosh, Black Uhuru, Lucky Dube, Jimmy Cliff……
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A noter que les Rastafaris récusent le mot " rastafarisme " qu'ils assimilent au mot schisme, symbole écrit de
Babylone.
" Laissons le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob exister pour la race qui croit au Dieu d'Isaac et de Jacob.
Nous, les Nègres, croyons au Dieu d'Éthiopie, le Dieu éternel, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, le Dieu de
tous les âges. C'est le Dieu auquel nous croyons, et nous l'adorerons à travers les lunettes de l'Éthiopie. "
Marcus Gravey (sic)
Extrait de l'article “Le mouvement Rastafari» du site de L'Histoire de l'Afrique, que vous pouvez retrouver sur:
http://www.histoiredelafrique.fr/le_mouvement_rastafari.html
-Back-a-Wall rasé
Dans les années 40, la communauté rasta de Howell avait pris de l’ampleur. Elle s’installa alors aux abords
de Kingston et y construisit un bidonville qui prit le nom de Back-a-Wall. Il fut rasé dans les années 60. La
plupart des rastas allèrent alors se réfugier dans le tout proche quartier de Trenchtown.
-La visite de Haïlé Sélassié
En avril 1966, Haïlé Sélassié, empereur d’Éthiopie, se rendit en Jamaïque pour une visite diplomatique.
Celui que les rastafaris considéraient comme un dieu vivant et appelaient «Jah» fut accueilli à l’aéroport de
Kingston par les percussions nyahbinghi de Ras Michael et par des milliers de rastas en transe. Mais
l’empereur ne connaissait pas les croyances des rastas et prit peur. Il fut finalement emmené hors de l’avion
par un leader rasta, Mortimer Planno. La foule l’acclama alors. Sa visite marqua les esprits et fit décupler la
ferveur de la communauté rasta. Beaucoup se convertirent à la suite de cette visite.
-La scission
Le mouvement rasta finira par se scinder en plusieurs mouvements dont les plus connus sont les Twelve
Tribes Of Israël dont fit partie Bob Marley, et les Bobo Shantis, qui croient en la divinité de leur leader, Prince
Emmanuel, auto proclamé troisième branche de la sainte Trinité. Les DJ’s modernes, Capelton, Anthony B
ou encore Sizzla, sont tous issus de cette communauté. Mais l’immense majorité des rastas n’appartiennent
à aucun mouvement et vivent leur foi comme ils l’entendent.
On peut tout de même relever des traits communs à la plupart. Le régime i-tal, végétarien (parfois
végétarien) et sans sel ajouté en est un. Le refus de consommer de l’alcool, de se couper les cheveux et de
se les peigner (d’où les dreadlocks), ou encore la consommation régulière de chanvre sont autant d’autres
grandes lignes du dogme rasta.
Extrait de l'article “1973 – 1975: les années Bunny "STRIKER" LEE” du site de la Médiathèque de la Communauté
française de Belgique, que vous pouvez retrouver sur:
http://www.lamediatheque.be/dec/genres_musicaux/reggae/lemouvementrastafari.php
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Les sound systems, la voix du ghetto:
A la fin de la guerre, l'Angleterre a besoin des bras pour se reconstruire et ouvre ses portes
à l'immigration. Dans les années 1950, plus de 160 000 jamaïcains partent s'installer en Angleterre. La
conséquence de cet exode est la quasi disparition des groupes de musique à Kingston. Le peu de musiciens
restants rejoint la station touristique de Montego Bay située sur la côte nord de l'île. L'industrie touristique est
fleurissante et chaque hôtel s'empresse d'embaucher des musiciens pour satisfaire les demandes des
touristes qui veulent écouter le mento Jamaïcain.
La pénurie des groupes à Kingston prédestine la montée en puissance des "sound systems" ("sounds") les
premiers discos mobiles. Quelques esprits entreprenants voient une utilisation nouvelle des P.A. (Public
Address), systèmes utilisés lors des meetings politiques. En ajoutant une ou deux tourne-disques ils peuvent
jouer la musique préféré des quartiers populaires noires, le Rythm'n'Blues américain (R'n'B).
Extrait de l'article “Ska & Reggae, la musique de la Jamaïque», écrit par Rufus O'Callaghan en décembre 2004, que
vous pouvez retrouver sur: http://www.drumsandco.com/cours/dossierreggae.pdf
Après la Deuxième Guerre mondiale, les soldats américains en poste en Jamaïque apportèrent avec
eux des disques de jazz, de rythm'n'blues et de country. Les premiers émetteurs radio apparaissant en
Jamaïque à cette époque, on pouvait également y capter les programmes musicaux en provenance de
Floride, de Louisiane et du Tennessee, ce qui renforça l’intérêt des Jamaïcains pour la musique américaine.
De nombreux musiciens de Jamaïque se passionnèrent pour le jazz et partirent faire carrière aux USA.
Beaucoup étaient issus de l’Alpha School, une école catholique mettant l’accent sur l’éducation musicale et
par où passèrent de nombreux futurs Skatalites.
Dans la plupart des lieux publics, une radio était constamment allumée afin d’attirer les clients. Au
début des années 50 apparurent les premiers sound systems, parmi lesquels les plus importants étaient
ceux de Duke Reid et de Tom the Great Sebastien. Ceux-ci jouaient principalement du boogie et de la
musique de la Nouvelle-Orléans, deux genres musicaux qui donnèrent plus tard naissance au rock’n’roll.
Louis Jordan et Fats Domino, deux musiciens issus des styles précités, étaient par exemple très appréciés.
En 1954, Clément «Coxsone» Dodd lança son sound system, Downbeat. Bien qu’il possédait
moins de matériel que ses rivaux Duke Reid et Tom The Great Sebastian, il bénéficiait de contacts avec les
USA qui lui permettaient de se procurer en premier (voire en exclusivité) les dernières nouveautés
américaines, ce qui fit grimper la cote de popularité de son sound par rapport à ses deux concurrents
précités.
Le monde des sound systems est un monde compétitif où chaque patron de sound veut être le numéro un,
considérant que c’est son honneur qui est en jeu. La plupart des propriétaires s’affublent d’ailleurs de titres
glorieux tels que Duke, Count, Great, etc. Pour être n°1, tous les coups sont permis. Certains comme Duke
Reid employèrent des voyous pour briser l’ambiance et dégrader le matériel de leurs concurrents lors de
leurs soirées. En plus de posséder les meilleurs disques, Coxsone vola à Tom the Great Sebastien son
selector Count Machuki. Lors d’une soirée, Machuki commença à rimer dans le micro et à faire des
jeux de mots en parlant dans le rythme plutôt que simplement par-dessus. Le succès fut immédiat et
poussa Machuki à développer ce style. Il devint ainsi le premier DJ. Car en Jamaïque d’où ce terme
est originaire, le DJ, loin de la conception occidentale, n’est pas celui qui passe le disque mais celui
qui tient le micro. Littéralement, le disc-jockey est celui qui « chevauche » le rythme de sa voix. Le succès
de Machuki propulsa Downbeat comme sound system n°1. Depuis cette époque, chaque sound se doit
d’avoir son DJ, préfigurant l’avènement des DJ’s en tant qu’artistes à part entière, ce qui n’aura lieu qu’avec
l’explosion de U-Roy.
Extrait de l'article “Sound Systems et Jamaican Shuffle” du site de la Médiathèque de la Communauté française de
Belgique, que vous pouvez retrouver sur:
http://www.lamediatheque.be/dec/genres_musicaux/reggae/sound_systemsjamaican_shuffle.php
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Des paroles engagées:
Les paroles du reggae ne sont pas ordinaires. Elles sonnent comme une sorte de cantique
populaire, à la fois chronique, jugement et appel. Du point de vue des textes, le reggae n'est pas seulement
religieux, social ou politique ; il est aussi chanson, et observe les règles et les stéréotypes du genre. Voici les
grands thèmes que l'on retrouve dans les paroles des grands reggaemen :
Le rapatriement et la Terre Promise
Le mythe du rapatriement constitue une pierre angulaire du dogme. C'est donc un thème bien présent dans le
reggae. Sous la forme d'abord d'une description de la terre promise, qui s'inspire des peintures de l'Eden et contraste
avec une triste réalité :
" Loin, très loin est un pays
Où il n'y a pas de nuit, seulement le jour.
Vois dans le Livre de vie,
Et tu verras que loin, très loin est un pays.
Le Roi des Rois, Seigneur des Seigneurs
Assis sur son trône, nous gouverne tous.
Vois dans le Livre de vie
Et tu verras qu'il nous gouverne tous ... "
(Third World - «sata amasa gana»)
L'Afrique, ce n'est plus alors simplement une terre promise sous les couleurs du paradis terrestre, c'est aussi le pays des
ancêtres, la terre de liberté que chantent DESMOND DEKKER, hors de toute référence rasta, ou les émigrés d'ASWAD:
" Ramenez moi en Afrique La belle, belle Afrique,
C'est la terre de nos pères,
C'est la terre à laquelle nous appartenons … "
(Desmond Dekker - "pretty Africa")
Autre aspect plus culturel du réveil de la fierté raciale, c'est aussi le personnage qui a des racines. Celui que l'Histoire
n'a pas coupé de son passé, celui que le colonialisme et l'aliénation n'ont pas détruit dans la profondeur de sa chair et
qui survit dans la communauté. Particulièrement vivant chez les émigrés, se balançant au rythme de la "roots music", il
se retrouve, il se redonne une identité dont on voit bien qu'elle n'est pas seulement somatique :
" Ne t'inquiète pas d'où tu viens, si tu es noir, tu es africain !
Qu'importe ta nationalité, africaine est ton identité !
Qu'importe ta couleur, tu ne seras pas rejeté !
Tu es un africain !
Qu'importe ta religion, c'est de la ségrégation !
Tu es un africain ! … "
(Peter Tosh -"african")
L'Afrique revendiquée est celle d'une culture ancienne, démantelée par ceux là même qui déportèrent les pères et les
mères des Antillais, les réduisirent en esclavage, les contraignirent à de nouveau s'exiler vers les villes ou vers les
métropoles coloniale. Est-ce là la civilisation tant vantée par l'Occident ?
" Là bas en Afrique
Où jour après jour règne encore le blanc
L'homme noir souffre encore plus
Qu'au temps où il était esclave.
Faut il la guerre ?
Non !
Paix mes frères - Ils hurlent ici .
Corps mutilés, visages défigurés d'effroi
Est-ce pour moi la civilisation ?
Alors je préfère m'en passer
Ainsi …
Rendez moi mon guérisseur,
Rendez-moi mon prince noir,
Je ne veux pas de dictateur
Pour vous, je ne veux point de tyran … "
(Steel Pulse -"soldiers")
22
La réhabilitation raciale et l'Histoire des Peuples Noirs
Par ce recours à l'Histoire redécouvrant les cultures africaine, par cette volonté de voir et de montrer autrement
le présent, la Jamaïque se trouve transformée. Elle n'est plus simplement l'île au soleil des publicités touristiques que
vantent les reggaes commerciaux distillés dans les grands hôtels. Elle est la terre modelée par un passé de terreur et
d'exploitation :
" Vous souvenez-vous du temps de l'esclavage ?
Et comment ils nous battaient,
Et comment ils nous ont fait travailler si dur,
Et comment ils se sont servis de nous
Jusqu'au point de nous rejeter…"
(Burning Spear -"slavery days")
Il n'en reste pas moins que la Jamaïque est perçue avant tout comme la terre de l'exil et de l'esclavage, terre sans
amour, contée de déculturation et, de ce fait, arène d'une lutte pour la liberté :
"D'Afrique ils nous ont déportés
Pour nous voler notre culture…
Aimante Afrique, aimante Amérique, Canada aimant
Où est ton amour Jamaïque ?
Je ne peux voir ton amour… "
(Burning Spear - "the invasion")
" Quatre cents ans de colonialisme
Et la question, vois-tu c'est l'indépendance !
On dirait qu'elle n'était ni pour
Toi, ni pour Moi.
Étrangers sommes venus, esclavage était la loi !
De chaque enseignement nous devons retirer
Ce qu'à nos frères, pères et mères sommes redevables !
Peuple, fais progresser ce monde,
Exige ta liberté ici-bas sur la terre !
Ne te demande plus quand, où, ni comment,
Décide-toi, le temps est venu … "
(Count Ossie & The Mystic Revelation of Rastafari -"four hundred years")
Babylone, l'oppression et la violence
Babylone désigne d'abord un système qui se rencontre de par le monde, un système qui sécrète la misère et
instaure la violence. A la description des tares de Babylone succèdent des appel à la lutte :
" C'est pour un idéal que 'dread' nous sommes !
Démunis de beaucoup, en butte aux lois truquées
De Babylone haïe.
Nous savons ce qu'offrir nous pouvons,
Nous savons ce qui est,
Nous ne voulons pas de faveurs.
Parce qu'il y a toujours la faim,
Les innocents condamnés,
Les maigres salaires, les pénibles travaux.
Seule Babylone prospère,
Les humbles sont dans la misère … "
(Steel Pulse -"handsworth revolution")
Babylone est violence, et elle contient en elle-même le germe de sa propre destruction : la contre-violence des opprimés
unis dans la résistance :
" Fuis Babylone, saigne Babylone.
Le natty dread est arrivé.
Plus Babylone brutalise les gens,
Plus le natty dread les unit,
Pour en faire des combattants résolus… "
(Max Romeo -"natty dread take over")
23
C'est Bunny Wailer qui résume le mieux la réalité crue du ghetto dans un des plus beaux poèmes que le reggae nous ait
donné. Le Johnny du bidonville ne peut être 'bon' comme celui de Chuck Berry; il ne peut trouver sa survie que dans le
'scuffling' qui le conduit à rançonner les siens, à diriger sa violence contre ceux qui partagent son sort. Babylone et le
système l'enferment dans ce piège d'où il ne peut s'échapper, et c'est finalement la violence institutionnelle qui aura
raison de lui, ruinant l'échappatoire où il pensait trouver la sortie, recréant une misère pire encore pour ceux qu'il
abandonne:
" Johnny grandit dans une baraque d'une pièce, tordue et mal foutue
Dans le ghetto.
La vie était dure et la tranchée de survie devenait un à-pic
Dans le ghetto.
C'était voler et piquer et piller et tirer
Et c'est trop triste.
Johnny devint dur et sa part de survie c'était rançonner
Le ghetto.
Johnny ne perdit jamais une bagarre et jamais ne marqua le pas,
Johnny t'es trop mauvais …
Aussi malin et fort qu'il était, il se fit avoir, piéger, coincer, et descendre
Dans le ghetto.
Maintenant tout ce que Johnny laisse derrière lui
C'est une femme qui se bat et deux fils
Dans le ghetto… "
(Bunny Wailer -"Johnny too bad")
Pour contourner ce piège, il n'est d'autre solution que la lutte: en elle la violence, culturellement glorifiée, des petits durs,
les 'rude boys'; la violence inutilement détournée par Johnny contre les siens, devient libératrice dirigée contre les forces
même qui la nourrissent :
" C'est un piège
Et je ne veux pas que tu tombes dedans …
Ils nous ont déportés d'Afrique
Et nous ont asservi en Babylone…
Et ils disent que je serais libre,
Mais qui peut être libre et pauvre ?
Personne !
Unissons-nous, soyons plus fort
Pour lancer le combat contre Babylone … "
(Zap Pow -"it's a trap")
" Un pas en avant, deux pas en arrière
En marche vers Babylone…
Sans répit en avant, pas un pas en arrière,
Piétinez Babylone !
Droite sur la route qui mène aux destructions
La route vers la justice est étroite… "
(Max Romeo -"one step forward")
Mais la vérité finira par éclater malgré les faux prophètes et l'esprit de révolte l'emportera :
" Allons debout !
Debout pour nos droits !
N'abandonnez pas le combat !
Toi, le prêcheur, ne me dis pas
Que le ciel est sous la terre !
Tu n'es qu'un zombi et tu ne sais pas
Ce que vaut réellement la vie.
Tout ce qui brille, n'est pas or
La moitié de l'Histoire n'a pas été révélée
Maintenant que nous voyons la lumière
Nous allons nous dresser pour nos droit … "
(Peter Tosh -"Get up Stand up")
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Le Changement
Il s'agit de ne plus d'attendre l'hypothétique monde meilleur réfugié dans l'au-delà, mais d'en créer ici-bas les
conditions. Le rappel des méfaits de Babylone, l'opposition de la contre-violence à la violence du système, est un moyen
pour provoquer le changement. Cette substitution de la transformation des conditions de vie présentes à l'attente du
paradis passe par la prise de conscience et la détermination. Tout est possible, pourvu qu'on en ait la volonté :
" Tout dépend de toi,
Prends le risque
Tente ta chance
L'occasion ne se représentera qu'une fois … "
(Jimmy Cliff -"opportunity only knocks one")
A la réhabilitation culturelle répond donc la détermination personnelle dont on trouve écho chez Peter Tosh, Joe Higgs ou
Bunny Wailer:
" Je ne suis pas dans ce monde pour vivre
Selon tes désirs !
Maintenant je veux vivre
Selon les miens … "
(Peter Tosh -"I am what I am")
" Secoue-toi pour la liberté
Tu ne peux rester assis au soleil
Tu dois faire ce qui t'es propre
Si tu veux aller de l'avant
Tu dois te frayer ton chemin … "
(Joe Higgs -"got to make a way")
" Non ne reste pas assis à ta fenêtre
A regarder dans la rue
A te désoler parce que
Tu n'as rien à manger.
Il y a une lumière en toi
Alors laisse la briller
Dresse-toi et remue-toi et décide-toi
A essayer, essayer, essayer… "
(Bunny Wailer -"who feels it")
La critique sociale
Ce changement se dessine et s'énonce en opposition aux constructions de la société présente. C'est pourquoi,
après la régénération culturelle et l'affirmation de la volonté individuelle, il se conçoit dans la critique de la réalité. C'est
un autre aspect de Babylone qui apparaît alors sous des jours plus directement politiques : l'inégalité.
Linton Kwesi Johnson montre en effet comment la conscience de classe se traduit dans un premier temps par une vision
bipolaire de la société : Israéliens contre Babyloniens dans l'imagerie rasta, purs contre pervers, nous contre ils. Cette
façon d'accuser, de nommer, de montrer les responsables correspond à un processus de déculpabilisation.
Il y a des riches et des pauvres. Et si les riches s'enrichissent, c'est bien en exploitant les pauvres. Chez les plus
talentueux, l'opposition est peinte en termes précis, colorés par l'émotion : à côté des enfants du ghetto forcés de se
débrouiller pour subvenir à leurs besoins, Max Roméo représente les gosses gâtés de la ville haute :
" Les petits de la ville haute ne pleurent pas
Ils ne savent pas ce qu'est la faim
Ils ne savent pas ce qu'est la souffrance
Ils ont papa et maman
Ils ont la bonne et grand-mère
Des tas de jouer pour s'amuser
Des tas d'amis à inviter … "
(Max Romeo -"uptown babies")
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L'inflation qui galope touche surtout les plus misérables. C'est un autre mécanisme du système que dénonce le reggae :
" Cela va mal, tout le monde en devient fou
Les dirigeants feraient bien de se débrouiller
Et de faire en sorte d'arrêter ça
Pleurez l'inflation
Dans toute la nation … "
(Zap Pow -"cry inflation")
La misère et l'injustice, l'oppression et la répression se disent ainsi clairement dans les airs populaires. Sans doute se
glissent-elles également dans la chanson d'amour, qui reprend au niveau symbolique, le thème du désespoir inhérent
aux conditions de vie :
" Ma coupe est pleine,
Je t'ai dit ce qu'il fallait faire,
Maintenant je ne sais pas,
Oui, je n'ai plus qu'a pleurer,
Oh laissez-moi pleurer !
Maintenant que je t'ai perdue
J'ai perdu la meilleure amie que j'ai jamais connue
Maintenant que je réalise
Il ne me reste rien
Je te dis que ma coupe est pleine
Et je na sais plus quoi faire … "
(Bob Marley -"my cup")
" Je suis né humble, enfant dans la peine et la misère
Et pour prendre ma part d'un monde de tristesse ….
Parfois je pleure quand je vois les miens
Dans une telle peine, une telle misère
Et pourtant, je sais que l'Histoire se fera … "
(The Heptones -"suffering so")
On comprend aisément pourquoi, lorsque s'aiguisent les tensions sociales, le reggae ne peut faire autrement que de le
restituer dans une dimension de l'esthétique populaire. De ce fait, il s'offre pour servir d'instrument dans la lutte politique.
Le Reggae comme instrument de Lutte politique
A partir du moment où Michaël Manley n'était plus le chef de l'opposition, mais le responsable du
gouvernement, l'espoir venait au pouvoir. Le changement devait prendre corps; Babylone était vouée à la destruction.
Dans ce processus, le reggae était une arme à double tranchant: porte voix de la contestation, il aidait l'opposition qui
s'en servait; vestige d'une tradition orale critique, toujours en prise sur l'évolution sociale; héritier d'un passé tendu vers
l'avènement d'un changement radical. Le reggae constituait un des cadrans permettant de mesurer la réalité du
changement, donc la déception face à des réformes qui ne transformaient pas tout au tout la condition des démunis.
Néanmoins, dans cette perspective, Propangandistes et Culturalistes sont situés sur la même ligne, amis en des points
différents : les uns ravivent l'espoir d'un changement quand les autres critiquent sa lenteur et son inexistence; les un
perpétuent la foi, les autres la défiance. En 1972, l'ère du P.N.P (parti national-populaire: social-démocrate) s'ouvre sur
des mesures touchant un secteur particulièrement sensible: l'éducation. Le nouveau gouvernement décrète l'abolition
des droits d'écolage et, pour les Propagandistes, c'est le signe du monde nouveau qui se bâtit. La haine de l'enseignant,
le refus de l'enseignement académique colporté par les rasta se muent en exhortations et en célébrations :
"Tu peux être instruit, avoir du boulot et voir la vie en rose …
Les gens de mauvais esprit ne traceront jamais la route de l'inégalité…
Homme noir, tu dois être libre comme l'oiseau dans l'arbre … "
(I Roy -"black man time")
"Ainsi, que vous soyez noirs, blancs, riches ou pauvres
Peu importe que vous soyez petits ou grands
Venez tous et chacun pour faire la fête
Et célébrer l'école gratuite pour tous …
N'oubliez pas qui a fait ça pour vous et pour moi
Chacun de nous doit accepter … "
(Flic Wilson -"freedom education for all")
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Le reggae contestataire devient apologétique. Lui qui glorifiait la révolte appelle à l'intégration, à l'effort commun, sous la
houlette de nouvelles autorités. Cette fois, il reconnaît le pouvoir :
" Moïse donna à Josué le droit de mener
Les enfants à la terre promise
Le P.N.P a donné à Michaël le droit de mener
Les enfants à la terre promise …
Rassemblons-nous, aidons-nous les uns et les autres
Pour construire une nouvelle île au soleil …
C'est un dur et pénible labeur … "
(Junior Murvin -"tedious")
Pourtant le reggae, persiste à voir les choses telles qu'elle sont, et continue d'accuser les gouvernements d'incapacité,
voire de complaisance face à la recrudescence de la violence et du banditisme. C'est comme un avertissement qu'il
lance pour rappeler aux élus leurs promesses :
" Policiers et voleurs dans la rue
Combattant la nation avec leurs armes et leurs munitions
Policiers et voleurs dans la rue
Terrorisant la nation avec leurs armes et leurs munitions …
Tous les crimes commis jour après jour
Personne, en aucune façon, n'a tenter de les arrêter
Tous les gardiens de la paix transformés en officiers sauvages … "
(Junior Murvin -"police and thieves")
Le plaidoyer pour les jeunes se construit à partir d'une vision bipolaire: aux jeunes, qui sans doute font des bêtises, mais
sont les garants de l'avenir, sont opposés les anciens, à la fois révérés parce que tels et blâmés parce qu'ils n'ont pas su
élever leurs enfants, leur montrer le vrai chemin :
" J'allais trouver les Anciens,
Pour voir si je pouvais
Parvenir à la paix dans le quartier.
J'en appelle aux jeunes parce qu'ils sont forts,
Mon dessin étant d'en faire des hommes.
Si les jeunes d'aujourd'hui sont les hommes de demain
Pourquoi ne pas penser aux peines de chacun ?
Alors Anciens,
Anciens voyez ce que vous pouvez,
Pour tous ces jeunes, vous devez comprendre.
Ne croyez-vous pas que c'est une honte criante,
Qui doit-on blâmer s'ils sont des hors-la-loi ? "
(Count Ossie & The Mystic Revelation of Rastafari -"Song")
" Ne blâmez pas les enfants
C'est à votre tour d'accepter la vérité
Parce que le plus souvent
Vous ne tracez pas clairement la route pour la jeunesse … "
(Joe Higgs -"lay of foundation")
Le reggae joue un rôle moral, il remplit une fonction sociale en essayant de réinsérer les jeunes dans la communauté en
s'efforçant de rénover les fils d'une connivence, d'une familiarité susceptible d'aboutir à l'engagement commun. L'appel
aux jeunes se conclut donc logiquement par un appel à la lutte dans laquelle ceux-ci, investissent des responsabilités
que leur confère l'âge, sauront peut-être réussir où les Anciens ont échoué:
" Vous feriez mieux de ne pas vous entêter,
Et de laisser leur chance aux petits jeunes.
Vous feriez mieux de ne pas vous entêter,
Car ils peuvent, de ce lieu faire, un plus beau pays.
Vous feriez mieux de ne pas vous entêter !
J'espère Ô Anciens que vous comprenez.
Ils ont leurs idées eux aussi,
Peuvent montrer le chemin.
Ils peuvent rendre le jardin rouge or
Et vert pour qu'y jouent les petits enfants … "
(Bunny Wailer -"quit trying")
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La Grande Bretagne fournit aux groupes le modèle d'une Babylone. Le reggae a transporté en Europe la vocation
contestataire de la musique populaire africaine en lui donnant un tour plus brutal et plus sophistiqué. Steel Pulse
apparaît plus politique dans son hymne à la révolution :
" Mendiants jadis, les maîtres maintenant
Nous n'avons pas l'intention d'être perdants
Plein d'ambition, allant de l'avant
Et s'il faut pour cela des munitions,
A Handsworth, nous sommes rebelles de la révolution … "
(Steel Pulse -"handsworth revolution")
Le racisme est également un thème que l'on peut retrouver dans beaucoup de chansons:
" Me baladant tapant dans les pierres
M'occupant juste de mes affaires
Je me retrouve nez à nez avec mon ennemi
De violence habillé de la tête aux pieds
Je hurle et je braille : KU KLUX KLAN !
Mais ils ne me laissent pas filer,
Me laisser filer n'étant pas leur intention.
Ils disent un nègre de moins
Et la scène est plus nette.
Tiens bon peau noire et encaisse les coups,
C'est le Ku, le Ku Klux Klan
Qui est là pour t'effacer, toi le noir … "
(Steel Pulse -"ku klux klan")
Par ailleurs, l'Afrique australe est le sujet d'autres protestations où exaltation de la solidarité, prélude à l'exhortation au
combat :
" Arrêtez la guerre en Rhodésie
Arrêtez la guerre au Mozambique
Quand on prend son quotidien
Tout ce qu'on lit M. le rédacteur en chef
Dit ce qui se passe dans le pays de nos pères
Désordre ici, désordre là
Cela arrive dans notre propre hémisphère
Quelqu'un doit secourir les enfants de Jah
Quelqu'un doit leur tendre une main secourable … "
(Junior Murvin -"rescue Jah children")
" Vous êtes dans mon pays en toute illégalité
Vous m'avait fait partir
Dans mon pays
Vous me faites mourir
Et moi je vais me battre, battre, battre contre l'apartheid
Frères, il faut se battre, battre, battre contre l'apartheid … "
(Peter Tosh -"apartheid")
Extrait de l'article “Les paroles du Reggae” que vous pouvez retrouver sur:
http://membres.multimania.fr/reggaemalagasy/Reggae/Paroles%20du%20reggae.htm
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6) Quelques Focus:
Lee Scratch Perry, l'Upsetter
Producteur de génie au cerveau bouillonnant, créateur du légendaire studio Black Ark (Arche
Noire), Lee 'Scratch' Perry, "l'upsetter", incarne le son de toute une époque de la musique populaire
jamaïcaine.
"I am the Upsetter !" ("Je suis l'Emmerdeur !"). Une chose est sûre, la réputation sulfureuse dont jouit Lee
'Scratch' Perry doit autant à ses talents de producteur qu'à ses frasques et lubies en tous genres. Pendant
son adolescence, le jeune 'Scratch' (Rainford Hugh Perry de son vrai nom), né le 28 mars 1936 à Kendal, un
trou paumé au nord-ouest de la Jamaïque, enchaîne tous les petits boulots possibles et imaginables. Tour à
tour champion de dominos, danseur émérite, terrassier, manœuvre et conducteur d'engin de chantier, il
essaye coûte que coûte de s'incruster dans le milieu musical et fait un passage éclair aux côtés de
l'irascible Duke Reid (label Treasure Isle) avant de rejoindre Clement " Coxsone " Dodd et son fameux
Studio 1 au début des années 60. Engagé au départ comme homme à tout faire, Little Lee (son surnom de
l'époque), 25 ans, y reste de 1961 à 1966 et cumule au fil des ans les postes de roadie, responsable de
sound-system, comptable, aboyeur en chef, dénicheur de talents et compositeur.
Fin 61, il enregistre son premier titre : Chicken Scratch du nom d'une danse où il excelle. D'ailleurs, à ce
propos, parmi sa collection de surnoms (Little, King, Pipecock Jakxson, Upsetter, Duppy Conqueror, Super
Ape, Dub Shepperd, Kojak, Kimble the Nimble), 'Scratch' demeure certainement le plus usité de ses
nombreux pseudonymes.
Dès 62, il supervise de plus en plus de sessions et donne une nouvelle chance aux Vikings (futurs Maytals)
précédemment éconduits par Dodd. Malgré la réussite de ses textes, ses hits et sa clairvoyance, King
Scratch n'obtient pas la reconnaissance escomptée de la part de son boss, Coxsone, devenu numéro un sur
l'île. Frustré, il met les voiles et entame alors la période la plus créative de son existence. S'ensuit une série
de brèves alliances avec WIRL, Joe Gibbs, Clancy Eccles, Lynford Anderson et Prince Buster. Comme ce
dernier, Lee passe aussi pas mal de temps à observer les tambourinaires burru et rasta dans le
ghetto, toutes ces bribes d'héritage africain dans lesquelles étaient plongées des femmes de sa
famille. Des influences qui se retrouveront dans son premier hit post-Studio 1 de 1968, People Funny
Boy, tube révolutionnaire qui ouvre la voie au son émergeant du reggae. Si l'ère du ska le voit jouer
un rôle secondaire, le rocksteady, le reggae, puis le dub lui permettent d'exprimer son génie en toute
liberté.
Difficile de dissocier la carrière de Lee Perry de celle de plusieurs vocalistes légendaires des 70's :
on pense tout de suite aux Wailers, aux Congos ou aux chanteurs Max Romeo, Junior Byles, Dr
Alimentado, George Faith, Dave Barker, sans oublier Junior Murvin. Même si elle ne s'étale que sur
quelques mois, sa collaboration avec les Wailers s'avère déterminante pour le trio de l'époque. Sous
l'influence de 'Scratch', Bob Marley devient leader et son chant s'imprègne du phrasé et de
l'articulation du producteur fou. Créateur dans l'instant, comme le souligne le photographe Adrian Boot,
qui l'a beaucoup côtoyé, Lee Perry co-écrit une grande partie du nouveau répertoire du groupe au cours de
longues jams informelles avec Bob (Mr. Brown, Small Axe, Duppy Conqueror, Sun Is Shining, Kaya).
Contrairement aux producteurs jamaïquains qui cherchent à coller à tout prix au modèle occidental,
lui n'en fait qu'à sa tête comme le révèlent ses tenues excentriques et les lubies qu'il impose à "ses"
artistes. Pour preuve, la pochette de Soul Revolution où il impose aux Wailers de se déguiser en Black
Panthers d'opérette, le tube renversant Shocks Of Mighty (un équivalent reggae du Sex Machine de James
Brown) qui dévoile le chanteur Dave Barker toastant pour la première fois ou encore Junior Murvin qu'il
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aurait entendu taper le bœuf sur le pas de sa porte avant de l'inviter à enregistrer le sublime Police &
Thieves.
Qu'il s'agisse de Chris Blackwell, ancien patron du label Island, accusé d'être "un vampire qui suce le sang
des opprimés, responsable de la mort de Marley" (sur l'album Hystory, Mystery & Prophecy), de Coxsone
(Run For Cover) ou encore de Joe Gibbs (People Funny Boy), l'imprévisible 'Scratch' s'embrouille avec tous
ses employeurs et règle ses comptes au travers de disques porteurs de diatribes enflammées.
En 1974, Maître Perry, désormais au sommet de son art, affirme un peu plus son désir
d'indépendance et bâtit dans le fond de son jardin le studio Black Ark (Arche Noire), prolongement
physique de ses fantasmes musicaux les plus déjantés. Sorte de refuge des discours rastas
radicaux, base d'action de groupuscules révolutionnaires ou encore église rasta, les meilleures
productions s'y succèdent jusqu'à ce que son capitaine (devenu paranoïaque) décide, en 1979, d'y
mettre le feu. Néanmoins, pendant toute cette période, le Phil Spector de la musique jamaïquaine, aux
commandes de sa petite console 4 pistes, réalise de véritables prouesses techniques. La duplication en
série des pistes d'enregistrement, les aiguilles de contrôle en permanence dans le rouge, les bandes
enfouies dans le jardin, les têtes de lecture nettoyées avec un tee-shirt sale, les vapeurs de spliffs
recrachées sur les bandes, sans oublier larsen, feedback, distorsion et saturation, résonnent encore
aujourd'hui comme autant de marques de fabrique de ce magicien du "son". Bien avant la mode du lo-fi,
'Scratch' avait compris que la pureté sonore est une notion toute relative. De la même façon qu'il fait des
miracles technologiques avec son équipement rudimentaire, le bidouilleur mystique parvient à tirer le
meilleur des artistes qui défilent dans son antre magique.
Vrai génie ou faux allumé, fou génial ou visionnaire sans égal, Lee 'Scratch' Perry, jamais à cours
d'improvisations, frappe par son approche aventureuse de la musique, son esprit loufoque et décalé. Pierre
angulaire du trio Beastie Boys, Adam Yauch s'avoue fasciné par sa conception du studio comme un
instrument à part entière. Selon lui, " Lee Perry utilise la technologie non pas pour elle-même : il l'intègre
dans la vie, dans le cosmos ". Pour Adrian Boot, le principal mérite de 'Scratch', c'est "d'avoir donné au
reggae une intelligence, de l'avoir transformé en un art, qui demande réflexion avant d'être absorbé". A
l'instar de Miles Davis, George Clinton ou Sun Ra, Lee Perry exige l'impossible de la part des musiciens
avec lesquels il travaille et le pire c'est que ça marche !
Extrait de «Portrait de Lee Scratch Perry»,écrit par Jérôme Sandlarz sur le site Mondomix, et que vous pouvez retrouver
sur: http://lee_scratch_perry.mondomix.com/fr/portrait278.htm
Pour aller plus loin:
Voici le site officiel du film «The Upsetters», réalisé par Ethan Higbee et sorti en 2008 qui raconte sa jeunesse, son
studio, son influence sur le monde musical et que vous pouvez retrouver sur: http://www.theupsettermovie.com/
Le livre People Funny Boy: The genius of Lee Scratch Perry écrit par David Katz, sorti aux éditions Omnibus Presse en
2006, qui en plus de donner quelque chose de très complet sur Lee Perry fait un panorama assez fiable de la musique
jamaïcaine des années 1950 aux années 1970 et donne des informations précise sur d'autres musiciens jamaïcains que
ne donnent pas forcément d'autres livres généraux sur le reggae.
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Bob Marley, retour sur une carrière internationale
Des années après sa mort, il reste la figure incontournable du reggae, genre auquel il donne une
dimension internationale. Star planétaire et intemporelle, Bob Marley est une légende dont l'aura dépasse
largement le monde de la musique. Prophète pour certains, emblème du tiers monde pour les autres, il a
rendu à beaucoup d'humains leur fierté d'être noirs. Fait de mots simples, son message était un mélange
d'amour et de défense de la justice.
Robert Nesta Marley naît en 1945 en Jamaïque, une colonie anglaise située dans les Antilles, proche de
Cuba et d'Haïti. Son père, le capitaine Norval Marley, est un homme de race blanche âgé d'une cinquantaine
d'années ; sa mère, Cedella Booker, est une adolescente noire qui devra très vite élever seule son fils (le
père leur apportant surtout un soutien financier). Dès l'enfance, Bob se lie d'amitié avec Neville O'Rilley
Livingstone (dit "Bunny") et à l'adolescence (1959) tous deux suivent l'enseignement de Joe Higgs, un des
premiers artistes jamaïcains à avoir enregistré. Joe Higgs est particulièrement vigilant tant dans la rigueur
musicale (surtout du chant) que dans l'aspect moral de son enseignement. Il insiste pour que ses élèves
écrivent des textes ayant du sens, sur le rôle éducatif et politique des chansons. Ses apprentis retiendront
efficacement la leçon et sauront faire passer des messages clairs. C'est chez Joe Higgs que Bob Marley et
Bunny Livingstone rencontreront Peter McIntosh.
En 1962, année de l'indépendance de la Jamaïque, Bob Marley sort son premier single, "Judge not". Pas
franchement un succès discographique mais une étape importante. L'année d'après, Bob, Bunny, Peter
-devenu Peter Tosh- montent un premier groupe en compagnie de Junior Braithwaite, Beverly Kelso et
Cherry Smith : les "Teenagers", qui deviendront vite les "Rudeboys Wailers" (nous sommes en pleine
période ska) puis les "Wailling Wailers". Mais Braithwaite, Kelso et Smith quittent le groupe et les Wailers
enregistrent "Simmer Down" avec les Skatalites sous la direction du producteur Sir Coxsone Dodd (avec qui
les Wailers enregistreront plus de 70 morceaux). Le titre devient n°1 en Jamaïque en février 1964.
1966 est l'année des bouleversements : le 10 février Bob épouse Rita Anderson, se sépare de Coxsone,
puis part travailler aux Etats-Unis (où vit sa mère). Là, il gagne suffisamment d'argent pour monter son
propre label lorsqu'il revient en Jamaïque et reforme les Wailers (avec Tosh et Livingstone). C'est à cette
époque que Marley commence à s'intéresser au Rastafarisme. Le groupe travaille beaucoup, se forge un
public et un répertoire, mais il faut attendre 1970 et la rencontre avec Lee "Scratch" Perry pour que se crée
vraiment le son Wailers grâce à la section rythmique. Mais les radios les boudent. Tandis que les Wailers
végètent un peu, Bob Marley travaille avec le chanteur soul nord-américain Johnny Nash. En 1971, Nash
interprète une chanson que Marley lui a écrite, "I can see clearly now", qui devient un tube. Pourtant ils ne
parviennent pas à faire marcher "Reggae on Broadway" interprété par le jamaïcain et, déçu, Marley décide
de revenir sur son île.
En 1972, Bob Marley profite d'un concert des Wailers en Angleterre pour rencontrer Chris Blackwell, le
célèbre fondateur de Island, l'un des labels les plus importants d'Angleterre aux débuts des années 70
(Spencer Davis Group,Traffic, Jethro Tull, Fairport Convention, Cat Stevens...). Né en Jamaïque, Blackwell
craque tout de suite et leur donne 4 000 livres (en dépit des conseils de tous ses proches, qui pensent qu'il
ne reverra jamais son argent) pour enregistrer sur place un disque à leur manière. C'est ainsi que naîtra
"Catch a fire", le premier album de reggae (marché auparavant dominé par des singles). Lors de la tournée
américaine qui suit la sortie du disque, Bunny Wailers quitte le groupe (il ne supporte ni de prendre l'avion, ni
le rythme de vie des tournées). Mais la formidable machine est lancée. L'année suivante (1974) sort
"Burnin", joyaux incandescent qui contient notamment "I Shot the Sheriff", dont la reprise relancera la
carrière d'Eric Clapton. Après Bunny, Peter Tosh quitte le groupe à son tour et Bob remplace ses deux
compères par les I-Threes, trio de chanteuses composé par Rita Marley, Marcia Griffiths et Judy Mowatt. Les
Wailers jouent alors dans le monde entier. En 1975, l'album "Natty Dread" leur apporte la consécration : le
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single "No woman no cry" entre au Top 40 (prestigieux palmarès britannique). Une consécration que vient
couronner le fabuleux "Live !" (At the London Lyceum), sorti également en 1975.
Mais l'incroyable popularité internationale qu'a acquise Bob Marley lui attire de sérieux ennuis : le 3
décembre 1976, il est victime d'une tentative d'assassinat à Kingston à la veille d'un grand concert de
réconciliation nationale. Le chanteur s'installe alors à Londres et poursuit un succès mondial que rien ne
semble plus pouvoir entraver. En 1977 sort "Exodus" (Jamming, Waiting in vain…) ; en 1978, "Kaya" (Is this
love ?), en 1979 le live "Babylon by Bus"… Parallèlement, le rôle social et politique de Bob Marley s'impose
presque naturellement. Il reçoit une médaille de la Paix aux Nations Unies, fait monter sur scène les deux
grands ennemis politiques jamaïcains et les force à se serrer la main lors du "One Love Peace Concert" de
Kingston, et il donne des concerts en Afrique au Kenya, au Zimbabwe et dans la mythique Ethiopie. En
1980, suite à une blessure au pied au cours d'un match de foot, on découvre que Bob Marley a un cancer au
cerveau, aux poumons, à l'estomac et qu'il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Un traitement
réussira à lui donner un sursis; il meurt le 11 mai 1981 à Miami sans avoir pu regagner la Jamaïque.
En quelques années à peine, Bob Marley est devenu une légende. Les dix albums qu'il a enregistrés pour
Island sont des merveilles qui recèlent de purs joyaux. Et Chris Blackwell a eu le génie d'appliquer à ce
groupe jamaïcain les techniques de marketing et de distribution réservées aux superstars du rock. Pourtant,
Bob Marley n'a jamais eu le mode de vie d'une superstar : même au plus fort de sa popularité, il continuait à
être rejeté par l'élite de son pays, allergique à son allure marginale, ses cônes de ganja fumants, son esprit
de liberté et la horde de pauvres gens qu'il aidait financièrement. Et aujourd'hui, ses chansons résonnent
avec la même acuité qu'il y a 30, 25 ou 20 ans, de l'incendiaire "Get Up Stand Up" au résolument naïf " Is
this Love ? " ou encore au constat désespéré de "Too much troubles in the World ", plein de douceur, de
colère et de compassion.
Extrait de «Portrait de Bob Marley»,écrit par Magali Bergès sur le site Mondomix, et que vous pouvez retrouver
sur:http://bob_marley.mondomix.com/fr/portrait174.htm
Pour aller plus loin:
Bob Marley, Destin d'une âme rebelle, écrit par Francis Dordor en 2009 aux éditions, Flamarion. Un document profond et
très documenté sur l'histoire de l'icône du reggae. Au-delà de l'aspect biographique du personnage - l'ensemble de
l'ouvrage est d'une précision d'orfèvre - l'auteur révèle avec force le sens politique et philosophique du destin de Bob
Marley. A l'heure des grands conflits qui agitent notre monde, cette biographie essentielle nous fait prendre conscience à
quel point Bob Marley demeure notre contemporain.
L'intégrale Bob Marley : Les secrets de toutes ses chansons, écrit par Maureen Sheridan et paru aux éditions Nouvelles
Editions en 2005. Depuis sa mort en 1981, Bob Marley est devenu un mythe. Stephen Davis fait mieux que retracer sa
vie, des fétides ghettos de Jamaïque au dernier concert à Pittsburg. Il replace Bob Marley dans sa généalogie, dans son
cadre de vie : la pulsation rythmique de l’île, son violent climat politique, sa dimension mystique. Il s’attache au moindre
détail de l’environnement musical de Marley : le contexte de chaque chanson, l’apparition de chaque musicien, les
conditions d’enregistrements, de concerts, de tournées ; les réactions de l’entourage, du public et de la critique.
Foisonnante de détails et d'anecdotes, elle ne néglige pas, pour autant, la dimension sociale, voire historique de son
personnage.
Site officiel: http://www.bobmarley.com/
Site du musée Bob Marley de Kingston: http://www.bobmarley-foundation.com/museum.html
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Tiken Jah Fakoly, le reggae engagé
Il suffit de quelques mesures pour s’en persuader : «African Revolution» est un tournant radical dans
la carrière de Tiken Jah Fakoly, un album qui va secouer le cocotier de trente ans de reggae africain.
Mais est-ce encore du reggae? Tiken Jah Fakoly a toujours pris des risques. Dès «Mangercratie», en 1996,
il imposait la langue des trottoirs d’Abidjan, dans toute sa joyeuse arrogance, la plus roots qui ait jamais
caressé nos oreilles. La plus politique aussi: balançant leurs quatre vérités à la figure des despotes,
déstabilisant l’histoire officielle, Tiken rendait coup pour coup à la désinformation et s’imposait
comme le porte-parole de millions de jeunes africains. Pas de doute, il s’inscrivait dans la lignée des
Peter Tosh et des Bob Marley, la branche la plus noble du reggae : comme eux, il était devenu «la
voix des sans-voix».
Après quinze années de carrière, une Victoire de la Musique et plusieurs disques d’or, Tiken Jah Fakoly
semblait n’avoir plus rien à prouver. Son dixième album aurait pu n’être qu’un satisfecit complaisant…Alors
comme toujours, Tiken a pris des risques. Inattendu, excitant, impeccablement produit, «African Revolution»
est exactement ce qu’il clame : africain et révolutionnaire.
Révolutionnaire dans la méthode de travail, d’abord. Tiken a fait ses maquettes non plus sur un «riddim»
figé, à la manière des Jamaïcains, mais sur la guitare subtile de Thomas Naïm (connu notamment pour son
travail avec Hindi Zahra). Passage obligé à Tuff Gong, le studio de Bob Marley à Kingston, pour poser les
rythmiques avec trois pointures: Glen Browne (basse), Marc Dawson (batterie) et Mickey Chung (guitare).
Puis il y a eu Bamako. C’est là, dans son studio, que Tiken a concocté cette musique à la frontière du reggae
et du «blues mandingue». Les sonorités magiques des ngoni, kora, soukou (violon à une corde) et balafon
nous étaient familières, mais Tiken a su capturer leur âme. Cinq ans d’exil à Bamako lui ont permis de
pénétrer la talentueuse génération des fils de griots qui est en train, là-bas, d’exploser tel que le joueur de
ngoni Andra Kouyaté. Ces jeunes loups de la «nouvelle tradition» apportent à la musique de Tiken un
lyrisme inédit, un peu amer (Sinimory), et un subtil décentrement de la rythmique jamaïcaine (Marley Foly).
Africain dans le son, l’album l’est aussi – bien sûr – dans l’intention. Désormais, c’est au continent
noir tout entier que le chanteur s’adresse.«Go to school brothers… intelligent révolution is African
éducation»(African Revolution).C’est un appel à une prise de conscience de la jeunesse africaine qui
court à travers les chansons: «Personne ne viendra changer l’Afrique à notre place, il faut se lever,
lever, lever, pour changer tout ça». (Il faut se lever)…
Mais la façon dont Tiken aborde le sujet de l’Afrique est devenue plus personnelle. Ce n’est pas la star qui
s’exprime, c’est un homme qui doute: «Ceci n’est qu’une chanson, ça ne changera pas nos vies…» (Je dis
non). C’est un homme amer qui voit ses frères se transformer en mendiants: «Je suis revenu après 5 ans
d’exil, des millions de jeunes sans boulot, tous la main tendue…» (Vieux père). C’est l’homme qui a tourné le
dos au mirage des «montagnes d’argent» et de la politique, et consacre ses cachets aux écoles et aux
champs: «Je ne veux pas ton pouvoir, pas besoin de l’avoir, je ne veux pas de ta gloire, je veux l’espoir» (Je
ne veux pas ton pouvoir). C’est un Tiken plus intime, plus sensible que nous découvrons.
African Revolution s’impose comme un jalon, non seulement pour l’artiste, mais pour toute la scène reggae.
Une bouffée d’air frais, exemple qui va donner du grain à moudre à toute la nouvelle génération… Mais
avant tout cet album transcende les genres et projette un son nouveau, ancré dans la tradition et résolument
moderne, comme cette Afrique qui ne cesse de nous charmer et de nous étonner.
Extrait de la biographie réalisée à l'occasion de la sortie de son dernier album sur le site officiel de Tiken Jah Fokaly et
que vous pouvez retrouver sur: http://tikenjahfakoly.artiste.universalmusic.fr/www/?page_id=242
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Pupajim & Stand High Sound, la scène brestoise
Un titre sur les ondes de Nova ("TV addict"), l'organisation des Dubadub Residance tous les mois à
Brest, la Stand High Patrol passe à la vitesse supérieure !
STAND HIGH est un sound system né en 2000 au cœur de la Bretagne profonde. A l’origine, deux potes
commencent à collectionner des disques dans l’optique de faire partager leur passion débordante pour les
productions roots oldies et early digital. ROOTYSTEP (selecta) et Mc GYVER (operator) sont rapidement
rejoints par PUPA JIM qui devient le MC officiel du sound. Le STAND HIGH commence à tourner dans les
contrés reculées de l’ouest breton et, peu à peu, le sound s’oriente vers les productions dub stepper qui
émanent de la scène anglaise.
Fraichement débarqués sur Rennes, ROOTYSTEP et MC GYVER se lancent à l’assaut de Radio Campus
Rennes où ils animent leur propre émission (Roots Station qui deviendra Dubadub Station). PUPA JIM créé
ses premiers dub et, dès lors, le sound enchaine les dates dans les bars rennais.
Rapidement, les duplates tombent de toutes parts : Robert lee, Ken Boothe, Rod Taylor, Kenny Knots, Echo
Ranks, Dan Man, Tena Stelin, Shanti D… tous viennent poser leurs lyrics sur les dub du Stand High. A partir
de 2005, le sound joue 100% duplates ! 100% exclusif ! Ce qui l’amène à partager l’affiche avec ABA
SHANTI I (Bout’40 festival) puis IRATION STEPPAS (Télérama Dub Festival). Au cours de ces soirées, le
STAND HIGH marque un grand pas en avant en démontrant sa capacité à animer des dances de haut
niveau. Sans complexe et plein d’humilité, les trois mousquetaires (comme les a baptisé Tena Stelin)
continuent aujourd’hui d’enchainer les soirées au coté des grands noms de la scène dub européenne. Ils
sont aussi les Résidants et organisateurs des soirées brestoises DubaDub RESIDANCE.
Loin de se limiter au reggae et au dub, les influences de STAND HIGH sont multiples, éclectiques et
électriques. Le sound a su créer un style original qui témoigne de cette diversité : le "DubaDub", subtil
mélange de dub et de dubstep parsemé d’accents trip hop, hip hop, techno et new wave. Le DubaDub est un
style musical particulier, hybride et digital, construit à grands coups de basse et de claps, destiné à faire
danser les foules jusqu’à l’épuisement.
Sur scène ou en mode sound system, STAND HIGH offre des sets rythmés, solides, où se mêlent les
ambiances mystiques dark et melancolico mélodiques. Le sound est "calibré au millimètre pour enflammer
les soirées" (Natty Dread Magazine). Ses productions sont souvent jouées dans les dances en France, en
Suisse ou en Angleterre. Du fait de leur originalité, de leur puissance et de la voix inimitable de PUPA JIM,
elles séduisent autant les passionnés de reggae dub que les passionnés de musiques électroniques. Alors
mettez vos "dancing shoes" et entrez dans l'ère du DubaDub.
Extrait de l'article “Stand High Sound «The original Dubadub sound»» du site ReggaeTom écrit en février 2009 et que
vous pouvez retrouver sur: http://membres.multimania.fr/reggaemalagasy/Reggae/Paroles%20du%20reggae.htm
Retour sur le programme du Dubadub Residance #17:
17ème soirée DUBADUB RESIDANCE sous la direction des résidants du STAND HIGH SOUND. 17ème
rencontre entre des activistes de la scène dub européenne et toujours la même formule : le Cabaret Vauban,
la sono du Roots Atao Sound System, les dancing shoes et une bonne bande de skankers déchainés prêts à
en découdre jusqu’au petit matin !
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MINIMAN
Actif depuis la fin des années 90 Miniman est un véritable pionnier du dub stepper made in France.
Profondément roots dans ses influences il n’en produit pas moins un dub massif et puissant. Sa touche
personnelle ? Des arrangements pointus, une richesse mélodique caractérisée et cette aptitude à créer des
ambiances envoutantes. En live, Miniman re-compose ses dub à l’infini. Véritable performer à l’énergie
contagieuse, ses sets ne manquent jamais de faire danser les foules.
http://www.myspace.com/minimandublive
MURRAY MAN (UK)
En février 2009 Murray faisait sa première apparition aux soirées DUBADUB RESIDANCE aux cotés du
Stand High. Deux ans après une soirée qui a marqué les esprits ce « monument » du UK roots (Producteur,
deejay, chanteur actif depuis le milieu des années 80) réitère l’expérience. Habitué à jouer avec Miniman,
Friand de Dubadub, il promet d’attaquer les dubs les uns après les autres jusqu’au bout de la nuit.
http://www.myspace.com/murrayman83
STAND HIGH PATROL
Pupa Jim, Rootystep et Mac Gyver seront à leurs postes. Les résidants reviennent au Vauban pour la 17ème
fois consécutive avec toujours plus de nouveautés en stock et la ferme intention d’en faire profiter le public
brestois. Prenez garde, les dubadub musketeerz sont au top !
www.myspace.com/standhighsoundsystem
Pour aller plus loin:
Voici les Myspace du Stand High Sound System: http://www.myspace.com/standhighsoundsystem
et de Pupajim: http://www.myspace.com/pupajimthedubcreator
Pour aller plus loin:
Un dossier complet sur le reggae, de l'esclavagisme aux années 1980 en passant par les meilleurs batteurs reggae,
«Ska & Reggae, la musique de la Jamaïque» écrit par Rufus O'Callaghan en décembre 2004 que vous pouvez retrouver
sur: http://www.drumsandco.com/cours/dossierreggae.pdf
Un Abécédaire du vocabulaire reggae, «Reggae, la Jamaïque de A à Z» du site Les Inrock écrit en juillet 2009 que vous
pouvez retrouver sur: http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/39605/date/2009-07-21/article/reggae-lajamaique-de-a-a-z/
Les livres disponibles à la Carène (Centre Info-ressources):
Les gens dansent pour ne pas mourir, de Laurence Schaak & Goulven Hamel, Roman Reggae des éditions Nathan,
2010: Toute l'histoire détaillée de Trench Town
Bass Culture, quand le Reggae était roi, Llyod Bradley, éditions Allia, 2005: L'histoire détaillée du reggae
Dictionnaire des chansons politiques et engagées, ces chants qui ont changé le monde, Christiane Passevant & Larry
Portis, éditions Scali, 2008
Histoire des DJ...et de leur influence sur la musique, Raphaël Richard, éditions Camion Blanc, 2009
Le rap est né en Jamaïque, Bruno Blum, éditions Castor Music, 2009
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Conclusion:
Il y a un génie jamaïcain comme il y a un génie français. La différence est que le jamaïcain s’est
développé dans la musique avec les moyens techniques du bord. Nietzsche, qui prétendait dans «Humain,
trop humain» que l’activité du génie ne se différenciait pas vraiment de l’activité du mécanicien, ne croyait
pas si bien dire. Au milieu des années 70, alors que la crise économique frappait de plein fouet cette petite
île des Caraïbes, il était courant que, après avoir emmené sa Ford Cortina chez le garagiste dans l’intention
d’en changer le levier de vitesse, on en reparte le lendemain avec une pièce récupérée dans une casse sur
une Peugeot 404.
Dans son livre Reggae explosion (Seuil), Chris Salewicz voit dans l’invention des sound systems la
conséquence la plus probante de cette version tiers-monde du postmodernisme. Le sound system
réinventait ainsi le principe de la discothèque en l’adaptant à un contexte où des lieux prévus pour danser
n’existaient pas. A défaut d’un endroit pour s’amuser, la discothèque serait mobile. Apparu après la Seconde
Guerre mondiale, le sound system allait déclencher une authentique révolution culturelle, ainsi que
d’incessants bricolages sonores et technologiques dont on n’allait pas finir de mesurer les conséquences.
Avec les sound systems, les DJ passaient soudain au statut d’artistes à part entière, lancés dans une
réinterprétation de morceaux à la mode en “chanter-parler”, le toasting (référence à la manière dont on porte
un toast lors d’une soirée) dont découlerait le rap. Ainsi U-Roy et Big Youth ont inspiré Grandmaster Flash,
qui a inspiré Tupac Shakur, qui a inspiré Eminem, etc. L’autre grande nouveauté découlant du sound system
est le dub, où l’on recrée un morceau à partir d’un autre, remixant les pistes, leur ajoutant de l’écho et divers
effets. Cette voie, ouverte il y a quarante ans par l’ingénieur du son King Tubby et le producteur Lee Perry,
n’a jamais été aussi empruntée qu’aujourd’hui, notamment par le dubstep anglais de Burial ou Kode9.
Récupération, recyclage, réinvention sont donc les maîtres mots d’une culture musicale
locale devenue globale et dont l’expression la plus puissante reste le reggae, lui aussi apparu il y a
quarante ans. C’est parce qu’il n’était plus rien, historiquement et socialement, que le Jamaïcain,
descendant d’esclave, prolétaire du ghetto, a dû se reconstruire grâce à la musique. En cela,
l’histoire de la musique jamaïcaine traduit l’essentiel de l’histoire d’un peuple à la recherche de luimême, de ses origines et de son identité africaine comme de son possible devenir. A la fin des
années 60, le reggae fut la phase décisive d’une reconstruction collective et une étape fondamentale
dans la reconnaissance d’un son typiquement jamaïcain. Bob Marley n’allait pas tarder à en faire un
coeur dans lequel battent encore aujourd’hui les espoirs d’une grande partie de l’humanité, naufragée d’un
monde à la dérive. Ainsi, qu’il en revienne à une forme “classique” telle que Bob Marley l’a définie – et que
les reggaemen africains pérennisent –, qu’il se fraie un chemin à travers les brumes du futur avec le dub ou
le dubstep, ou endosse les formes hyperréelles et hédonistes du dancehall, le son jamaïcain n’a jamais
été aussi vivant, jamais aussi partagé, jamais aussi passionnant.
Extrait de l'article “Hors série Reggae Story, édito et sommaire» écrit par François Dordor en juillet 2009 que vous
pouvez retrouver sur: http://www.lesinrocks.com/musique/musique-article/t/1248169560/article/un-cancer-pour-lebeastie-boys-adam-yauch/
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