newspaper - Silex ID

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newspaper - Silex ID
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nouveau
newspaper
T h e I n n o v a ti v e E x p e r i e n c e
S i l e x i d : u n m é d i a P R IN T & W E B , UN LA B , d e s a t e l i e rs , d e s c o n f é r e n c e s , u n e c o m m u n a u t é …
#06
avril 2016
1 eur
www . s i l e x - i d . c o m
ÉDITO
C’est la fin du management !
« Oyez oyez braves gens, la fin du management
est proche, pour de vrai, enfin ! » s’écrie le vendeur de journaux sur l’esplanade de la Défense
devant des passants pas franchement intéressés.
Énième prophétie de consultants ? Révolution
inéluctable du monde du travail, de l’entreprise et
de la société ? Conséquence de la transformation
digitale ? Assurément, quelque chose se passe,
nous en voyons déjà les signes dans notre vocabulaire, miroir de notre culture en mouvement :
« Co-working », « Lab d’entreprise », « Agilité »,
« Disruption », « Changement de culture », « Entreprise libérée », « Management 3.0 »… Qu’est-ce
qui se cache derrière ces éléments de langage ?
Une révolution ne venant jamais sans sa « victime
préférée », tout semble désigner ici le manager qui,
après avoir sauvé le monde dans les années 80,
court à sa perte d’ici 2020… à moins qu’il ne
disparaisse d’ici là d’une mort plus ou moins
violente. Mais qui pourrait bien en vouloir à ce
pauvre manager, au point de vouloir le trucider ?
Les suspects ne manquent pas et l’investigation
s’annonce difficile. À vous de mener votre enquête !
Trève de plaisanterie, ce n’est pas un jeu ! C’est
très sérieux, c’est de l’avenir du monde, de nos entreprises et même de notre modèle de vie dont il
s’agit. Quels seront les impacts de cette révolution
pour les managers, pour le travail et pour l’entreprise ? De quoi notre futur sera-t-il fait ? Comment
nous y préparer dès aujourd’hui ? Éléments de
réponse dans ce Newspaper…
Bonne lecture et bonne enquête.
Par Dominique Buinier et Marc Cherfi d’OCTO
Technology
L 12793 - 6 H - F: 1,00 € - RD
2
newspaper
Glossaire
Par Joy Boswell
Management 3.0
Si son nom a été institué par Jurgen
Appelo, le concept de « management 3.0 »
est avant tout une évolution logique et
sans doute nécessaire de nos organisations
à l’ère du numérique. Avec l’émergence
des outils web, de l’information et de
l’innovation, l’entreprise doit pouvoir
miser sur des employés réactifs et
engagés. Et pour ça, il fallait bien sortir
du schéma « Command and control » dont
certains vestiges subsistent… Le management
dit 3.0 propose de repenser l’organisation
de manière horizontale et de miser
sur l’intelligence et la responsabilité
collective. Une décentralisation du
pouvoir qui se heurte par fois à un
problème d’ego… Concrètement, cela
passe par un rapprochement du manager
et de ses équipes, des relations basées
sur la confiance et la communication
(feedbacks réguliers, partage des
responsabilités, transparence, etc.), et une
idée claire, pour tous les employés, du but
à atteindre. Une nouvelle façon de penser
la culture d’entreprise comme la clé
de la réussite.
Entreprise libérée
Comme son nom l’indique, l’entreprise
libérée – terme popularisé par Isaac Getz –
est un nouveau type d’organisation
fondé sur la liberté du salarié : celle de
pouvoir prendre les décisions qu’il juge
les meilleures pour son entreprise sans
avoir besoin de passer par des processus
longs et l’approbation des décideurs. Un
gage de confiance qui valorise l’expertise
de l’employé et le pousse à s’engager
davantage. Pour cela, procédures,
hiérarchie et contrôles sont laissés à la
main des employés. Le manager devient
« manager jardinier » : il cultive le bienêtre de ses équipes et crée un terreau
f a v o r a b l e à l e u r c ro i s s a n c e e t l e u r
épanouissement. Si une telle autonomie
est possible, c’est parce que la vision de
l’entreprise a clairement été établie en
amont : une vision que les salariés peuvent
s’approprier et à laquelle ils contribuent
chacun à leur manière. Les excellentes
performances des entreprises libérées
existantes nous prouvent que le bonheur
a toute sa place au travail.
La suite page 6.
A V R I L
2 0 1 6
D I G I T AL E T MANAGEMEN T
Pourquoi le digital
change-t-il notre
façon de manager ?
Texte : Frédéric Rey-Millet
Le métier de manager, qui n’a rien d’immanent, est un ensemble de
techniques popularisées au début du XXe siècle. En 2016, le digital bouscule
nos croyances ancrées depuis plus de cent ans. Le premier réflexe sur le
digital a été : « c’est ridicule ». Nous sommes aujourd’hui à mi-chemin entre
les phases deux : « c’est dangereux », et trois : « c’est évident ». Résister à
cette révolution ne serait que reproduire le déni de réalité de Kodak qui
a sous-estimé le marché de la photo numérique et disparu en quelques
années...
C
ela fait maintenant
depuis 46 ans que,
chaque année, les
hommes les plus
puissants de la planète
se rencontrent à Davos.
Cette chic station suisse a réuni fin janvier
2016, 2 500 décideurs politiques et, surtout,
économiques de 140 pays sur le thème de
la quatrième révolution industrielle. The
future of jobs, rapport qui y a été présenté,
analyse l’impact du digital sur la nature
du travail de demain. Trois chiffres-clés
illustrent l’importance du tsunami silencieux
que nous sommes en train de vivre : dans
la plupart des pays, les emplois experts et
les compétences spécifiques n’existaient
pas il y a cinq ou dix ans. Ensuite, plus de la
moitié des enfants en primaire aujourd’hui
travailleront à des postes qui n’existent pas
encore. Et troisième constat : plus d’un tiers
des compétences qui seront demandées
en 2020 ne sont pas considérées comme
cruciales aujourd’hui. Les compétences
sociales, à savoir la capacité à travailler en
équipe, dans des communautés (réelles ou
virtuelles) seront davantage recherchées
que les compétences techniques pointues.
Cette nouvelle façon de travailler nécessitera
des managers d’un autre type. Croire
que l’émergence de communautés et
d’entreprises horizontales signera l’arrêt
de mort du manager est une croyance
dangereuse. Comme le rappelait Friedrich
Nietzsche, les convictions sont des ennemis
de la vérité plus dangereuses que les
mensonges. Aujourd’hui, la question n’est
plus de savoir s’il faut craindre ou espérer
la digitalisation de notre économie mais
de savoir comment s’y préparer. Cette
révolution, à l’origine technique, est devenue
culturelle. Son succès dépendra de l’engagement
des managers et de leur volonté à contribuer
à sa réussite. Et pour cela, le manager doit
faire face à trois pièges…
mettre, quand le second a construit ses
capacités cognitives sur une utilisation
intensive de ce type d’outil. Depuis Google,
toute forme de savoir est à un clic de
distance : et il y a probablement quelqu’un
de plus expérimenté, de plus pédagogue
ou tout simplement de plus pertinent que
le manager direct qui a écrit un article
ou posté une vidéo sur YouTube pour
transmettre ses compétences.
L’information n’est plus
synonyme de pouvoir
« Vouloir être tout le
temps connecté c’est
vraisemblablement ne plus être
connecté à soi-même et aux
autres.»
Nous consacrons plus de cinq heures
quotidiennes à Internet. Et de plus en
plus, le digital est nomade et omniprésent.
L’accès à une connaissance illimitée est
devenu possible. Les efforts désespérés de
certaines entreprises pour contrôler l’accès
à l’information relève d’un débat du siècle
dernier. Le mythe de « l’information, c’est
le pouvoir » ne résiste pas à l’ère du digital.
Le manager ne peut plus tout savoir, ne
peut plus tout contrôler et doit accepter
de dire « je ne sais pas ». C’est une sacrée
révolution culturelle pour les managers, à
qui l’on a asséné pendant des décennies
que l’information c’était le pouvoir. Il
s’agit d’un phénomène d’inversion de la
transmission : la personne la plus pertinente
dans l’entreprise sur l’utilisation de Twitter
n’est sans doute pas le PDG, mais plus
probablement le stagiaire qui vient d’arriver.
Le premier a au mieux fait l’effort de s’y
Seuls ensemble ?
Comme l’indique Sherry Turkle, professeur
au Massachusetts Institute of Technology
(MIT) dans son ouvrage Alone together, le
digital est notre meilleur ennemi et notre
pire ami. Il nous offre des réponses à
toutes les questions que nous posons, nous
permet d’intégrer des communautés d’amis
virtuels sans les avoir jamais rencontrés.
Malheureusement, les études réalisées par
le MIT montrent que certaines valeurs
humaines sont mises à mal avec le digital.
L’empathie, à savoir la capacité à se mettre à
la place de l’autre, a diminué de 40 % chez
Nos partenaires
o c to T e c h n o lo gy
e t h i k o n s u lti n g
Fondé en 1998, OCTO Technology est un cabinet de conseil et de réalisation IT
aujourd’hui présent dans cinq pays : la France, le Maroc, la Suisse, le Brésil et l’Australie.
Les consultants OCTO accompagnent leurs clients dans la transformation digitale de leurs
entreprises en intervenant à la fois sur la technologie, la méthodologie, le management et la
compréhension de leurs enjeux métier. OCTO s’est positionné à chaque participation sur le
podium du palmarès Great Place to Work® des entreprises de moins de 500 salariés où il fait
bon travailler. Depuis 2008, le cabinet organise en parallèle USI – Unexpected Sources of
Inspiration - qui s’est imposée comme une référence parmi les conférences internationales
sur la transformation digitale de nos sociétés.
Depuis dix ans et après plus de 400 missions réalisées, Ethikonsulting, cabinet conseil en
innovation managériale, se fixe comme ambition de redonner le sourire aux managers.
Les dirigeants, Isabelle et Frédéric Rey-Millet, ont publié en 2015 aux éditions Stéphane
Leduc Management Game, ouvrage ré-édité au bout de cinq mois. Le jeu est notre premier
mode d’apprentissage et fonctionne toute notre vie. Il participe aussi du plaisir de
partager et d’apprendre : pourquoi ne pas l’utiliser dans notre vie professionnelle ?
Ainsi est née la Management Box, serious game de douze jeux utilisés par plus de quinze
entreprises du CAC 40 ainsi que de nombreuses PME.
www.octo.com
www.ethikonsulting.com
3
article
les collégiens « digital natives » par rapport
aux collégiens des générations précédentes.
Le digital peut nous isoler. Le manager
doit donc créer voire recréer du lien. Le
digital est l’ère du seul ensemble alors que le
manager digital représente le tous ensemble.
Depuis plus de cinq ans, la durée des
réunions dans les entreprises connaît une
inflation digne des pays d’Amérique du Sud
au meilleur de leur forme. En clair, là où il
fallait une heure pour prendre une décision
sur un dossier, il est nécessaire de prévoir
1h30 voire pire : planifier une seconde
réunion. La raison de cette déconnexion est
connue de tous : le smartphone. Un « digital
native » comme Google a pris le sujet très
au sérieux. Les organisateurs de réunions
chez Google doivent indiquer dans l’ordre
du jour des meetings si l’utilisation de PC,
tablettes ou smartphones est nécessaire…
ou pas. Manager à l’heure du digital, c’est
remettre du lien et de l’empathie au sein des
équipes. C’est obliger ses collaborateurs à
couper leur smartphone pour réfléchir avant
d’agir, pour s’écouter mutuellement et pour
recevoir des feed-backs. Vouloir être tout le
temps connecté c’est vraisemblablement ne
plus être connecté à soi-même et aux autres.
« Manager c’est s’occuper
des autres et cela nécessite
au préalable de réfléchir à
comment le faire »
Aller plus (trop ?) vite mais
réfléchir moins
Un des avantages décisifs du digital repose
sur l’utilisation des temps morts. Par
exemple, vous avez décidé d’offrir une
boîte de chocolats pour la Saint-Valentin
à l’amour de votre vie. Pas de chance,
vous n’êtes pas le seul à avoir cette idée.
Trente minutes d’attente pour partir avec
votre boîte enrubannée. Bonne nouvelle :
avec votre smartphone, vous adressez cinq
mails, relisez une offre commerciale et
envoyez des SMS à votre conjoint, votre
fille aînée et votre partenaire de tennis.
Malheureusement cette accélération
liée au numérique peut vite devenir
schizophrénique. Nous recevons en
moyenne un peu moins de cent e-mails par
jour. Les cadres français estiment consacrer
plus de cinq heures par jour en moyenne
à consulter leur messagerie (selon l’étude
Adobe publiée en août 2015). Ces chiffres
masquent d’énormes disparités. Un double
piège est donc à éviter. Tenter de vouloir
traiter l’infobésité croissante et de faire le
plus rapidement possible. Entre les e-mails
et vous, le combat est perdu d’avance : ils
sont beaucoup trop nombreux… Le rôle du
manager est bien entendu d’accompagner
le digital. Cela n’aurait pas de sens de
continuer à faire en dix minutes ce que
l’on peut faire en une. Sa mission est-elle
de passer plus de la moitié de son temps à
lire et répondre à des e-mails ? Le temps
d’attente doit-il être systématiquement
utilisé pour agir ? Manager c’est s’occuper
des autres et cela nécessite au préalable de
réfléchir à comment le faire. Coupez votre
messagerie et votre portable pour réfléchir
avant d’agir. Gandhi, qui n’avait pourtant
pas encore de portable disait qu’ « il y a plus
à faire de la vie, que d’augmenter sa vitesse ».
Que faire alors et comment ?
Je vous propose trois pistes d’action à
mettre en œuvre dès la fin de la lecture
de cet article : d’abord, faites plus simple.
Un enfant de cinq ans sait commander un
véhicule avec l’application Uber. Soyez le
manager digital qui simplifie la vie de ses
collaborateurs. Simplifier, cela consiste à
abandonner certaines croyances issues du
siècle dernier. Par exemple, à quoi sert
l’entretien annuel d’évaluation ? De très
nombreux responsables des ressources
humaines n’y croient plus. Rencontrer une
fois son collaborateur pour échanger sur
l’année en cours est une idée séduisante
mais la vie des organisations n’est plus
rythmée annuellement. Grâce au digital,
il se passe quelque chose à chaque instant.
Pourquoi attendre un an pour évoquer
les sujets qui comptent vraiment entre un
collaborateur et son manager ? Pourquoi
ne pas remplacer ce pensum annuel par
dix entretiens mensuels thématiques
(motivation, mobilité, formation, fixation
d’objectifs...) d’une heure chacun ?
Il faut également faire plus fun ! En 2015,
les Américains se sont connectés à Internet
à plus de 60 % via un smartphone ou une
PLUS DE LA MOITIÉ DES ENFANTS ACTUELLEMENT
EN PRIMAIRE EXERCERONT DES MÉTIERS QUI N’EXISTENT
PAS ENCORE.
1/3 DES COMPÉTENCES QUI SERONT DEMANDÉES EN 2020
NE SONT PAS ENCORE CONSIDÉRÉES COMME CRUCIALES.
tablette grâce à des applications. Leur succès
incroyable est simple : elles nous font vivre
des expériences quotidiennes positives. Le
jeu World of Warcraft créé en 2004 réunit
une communauté de plus de 10 millions
de joueurs. Le nombre d’heures cumulées
consacrées à ce jeu par ces derniers depuis
sa création approche les sept millions
d’années. En 2020, la moitié des actifs
en France seront issus de la génération
millénium. Leur façon d’apprendre et de
grandir est communautaire, instantanée
et fun. Quelles expériences positives et
quotidiennes allez-vous faire vivre aux
candidats rencontrés, à vos collaborateurs, à
vos collègues ou à votre boss ? La croyance
qui consiste à penser que le travail est
une chose sérieuse en se prenant au
sérieux ne résistera pas à la gamification
des entreprises. Pourquoi y aurait-il une
frontière étanche entre une vie personnelle
riche de rencontres, fun, et la vie
professionnelle, triste et insipide ?
« La capacité du manager à
proposer un rêve accessible
restera un basique du
management que vous soyez à
l’âge de pierre ou à l’âge du
digital. »
Enfin, soyez affable. La récente sortie de Star
Wars 7 : le réveil de la force m’a rappelé que
dans nos entreprises, trop de « Dark Vador »
côtoient trop peu de « Maître Yoda ». Le
digital met une pression d’enjeu élevée
dans nos organisations. Tout est visible, tout
est tracé, vos succès et vos points forts mais
également vos échecs et vos erreurs. Le rôle
du manager digital sera d’être aimable et
bienveillant, d’être quelqu’un à qui l’on
peut parler, qui écoute et qui comprend.
Le digital peut nous donner l’illusion d’une
toute puissance où tout serait possible
et améliorable. Pour éviter de devenir le
manager Big Brother qui prédit et sait tout
grâce au digital, il faut se concentrer sur
l’essentiel, être affable, aimable et se méfier
du mieux car il est souvent l’ennemi du
bien…
Terminons par une journée de novembre
2015 à Vienne. Chaque année depuis huit
ans se tient le Peter Drucker Forum, sorte
de Davos du Management. Je fus marqué par
l’intervention de Marten Mickos, fondateur
de MySQL et start-upper renommé. Un
journaliste lui posa la question suivante :
en quoi le management d’une grande
entreprise diffère-t-il de celui d’une start-up ?
Sa réponse ? « Je préfère commencer par ce qui est
immuable et ne changera jamais, quelle que soit la
taille de l’entreprise, la génération à laquelle vous
appartenez. Ce qui ne changera jamais, c’est le
pourquoi. C’est le sens de l’action. La capacité du
manager à proposer un rêve accessible restera un
basique du management que vous soyez à l’âge de
pierre ou à l’âge du digital ».
Pour aller plus loin
Nous vous recommandons ces quelques
ouvrages de référence, si vous voulez en savoir
plus sur le sujet.
Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés
fait le succès des entreprises - Isaac Getz et Brian
Carney (Flammarion, 421 pages)
Reinventing Organizations : Vers des
communautés de travail inspirées - Frédéric
Laloux (Diateino, 490 pages)
Managez votre tribu - Dave Logan, John King
et Halee Fischer-Wright (Leduc.S, 320 pages)
Management game : Les nouvelles règles
du jeu pour redonner le sourire aux managers
Frédéric et Isabelle Rey-Millet (Leduc.S, 320
pages)
Cessez d’être gentil, soyez vrai ! - Thomas
d’Ansembourg (L’Homme, 264 pages)
Le pouvoir du moment présent - Eckart Tolle
(Edition 84, 256 pages)
Les employés d’abord, les clients ensuite :
Comment renverser les règles du management
Vineet Nayar (Diateino, 231 pages)
La Fin du management : Inventer les règles
de demain - Gary Hamel (Vuibert, 249 pages)
#Workout: Games, Tools & Practices to
Engage People, Improve Work, and Delight
Clients (Management 3.0) - Jurgen Appelo
(Happy Melly Espress, 470 pages)
Netflix Culture : Freedom & Responsability
http://fr.slideshare.net/reed2001/culture-1798664
60%
60% de l’accès
au web s’effectue
via smartphones
et tablettes
aux états-unis grâce à
des applis.
40%
diminution de l’empathie
chez les collégiens
«digital natives».
1h
1h30
augmentation du temps
de réunion depuis 5 ans.
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avril
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Quel sera votre
scénario ?
Un crime odieux a été commis à
« La Grande Entreprise ». Notre
équipe a mené l’enquête et vous
propose six scénarios. À vous
d’imaginer les autres sur Twitter.
#quiatuélemanager
Arme
Lieu
S
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nag
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L
Porte-nom
Salle de
Le « crime »
Illustration : Solphie Delronge
Texte : Nelly Grellier, Marc Cherfi et Adrien Pigeot
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Machine à café
8h30 du matin, la Défense :
le robot-shiva est alerté d’un
meurtre.
Mach
à cafiéne
Gaston briguait le nouveau poste d’Emmanuel depuis 18 mois.
Il avait vécu la récente promotion d’Emmanuel comme un
coup de poignard dans le dos ! Manager du service alors
qu’il n’a que deux ans d’ancienneté ! Les résultats de
Gaston sont meilleurs, il se plie depuis plus de huit ans
à toutes les exigences de performance de Bernard, le Big
Boss. Il méritait cette promotion ! Alors quand il a appris
par radio-moquette que Bernard avait privilégié les compétences managériales d’Emmanuel pour redorer le THI (The
Happiness Indicator) de « La Grande Entreprise » et éviter
ainsi les taxes imposées par l’État... Il se serait précipité, fou
de rage, dans le bureau d’Emmanuel, hurlant à l’infamie. Le
lendemain, Emmanuel serait retrouvé mort devant la machine à café, étouffé par le porte-nom qui aurait dû être fixé
le jour même à la porte de son nouveau bureau.
Incuba
Domicile
Arme
Arme
ect
Lieu
Susp
Le
Boss
Driver
Dom
icile
Aussitôt sorti du conseil d’administration, Bernard devait trouver un bouc émissaire pour justifier la grogne
sociale provoquée par l’annonce des résultats catastrophiques. La victime était déjà identifiée et faisait
consensus, seules les modalités n’étaient pas définies. Il fallait aller vite surtout qu’Emmanuel avait eu la mauvaise
idée d’expliquer à la presse qu’il pouvait sauver « La Grande Entreprise » de cette crise grâce à un concept
révolutionnaire dont il avait le secret. Avec ses idées de hippie, il risquait d’empêcher l’OPA (Offre Publique
d’Achat) que le board préparait dans le plus grand secret. Il fallait le neutraliser. Bernard allait profiter de
leur golf hebdomadaire, traditionnellement suivi d’une bière au domicile d’Emmanuel, pour le raisonner calmement. Mais finalement, il semblerait que la discussion se soit terminée à coup de driver dans la tempe
d’Emmanuel. Son meilleur swing depuis des années.
ect
Lieu
Susp
ar
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t-upp
Le St
Killer app
Incub
ateur
Inséparables depuis dix ans, Léon et Emmanuel ont g
groupes internationaux. Différents mais complémenta
bourreau de travail orienté satisfaction client et Léon
bouleverser les conventions. Mais l’inertie de « La Gra
de Léon. Seul, il s’est lancé dans la création d’une
Liberty. Après quelques mois de silence, Léon a reco
incubateur pour lui présenter Liberty. Il semblerait q
plateforme fabriquée en six mois par une petite équip
Entreprise » ne s’en remettrait pas. Son pauvre cœur n
5
sile x gra p hie
ct
Arme
Suspe
même
Lieu
Cravate
Lui-
réunion
ateur
gravi ensemble les échelons, des bancs de l’école aux
aires, ils formaient un duo incroyable : Emmanuel, le
n, l’intuitif à l’affût des dernières tendances et prêt à
ande Entreprise » a finalement eu raison de la patience
start-up concurrente : la plateforme d’intermédiation
ontacté Emmanuel et organisé une rencontre dans son
qu’Emmanuel ait saisi rapidement la puissance de la
pe. Très vite, Emmanuel aurait compris que « La Grande
non plus, semble-t-il...
Le lab
S
de réalle
union
Après le départ des consultants de Chouette Place To
Work ®, Emmanuel avait voulu rester seul dans la salle de
réunion. Encore une fois, la participation de « La Grande
Entreprise » au baromètre avait été un fiasco : 763e place,
pire que l’année dernière… Ce qui attristait encore plus
Emmanuel, c’était que ses collaborateurs ne percevaient
pas ses efforts pour tenter de progresser dans ce classement.
Pire encore, ils estimaient que la situation avait empiré et
voyaient en lui la cause de tous les maux de l’entreprise.
C’était décidé, ce soir, il fallait en finir. C’est Lucien qui
l’aurait retrouvé quelques heures plus tard, pendu au lustre
de la salle de réunion avec sa cravate. Les enquêteurs
auraient apparemment retrouvé dans ses mains le Culture
Book inachevé de « La Grande Entreprise ».
La « victime »
Emmanuel, le quadra
middle-manager.
Arme
ect
Lieu
Susp
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Susp
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L’Ac
Le lab
Cela faisait des mois que Roboboss avalait, digérait et
analysait les péta-octets de données de « La Grande Entreprise ». Cette neuromatrice de 2e génération avait été
conçue pour déterminer et mettre en œuvre des actions
correctives visant à atteindre le meilleur niveau d’équilibre entre productivité et qualité de vie au travail. Or, ses
algorithmes étaient formels : Emmanuel ne servait objectivement à rien. Face à cette logique implacable, on aurait
retrouvé Emmanuel gisant sur le sol du lab, un bras bionique planté dans le dos…
Bureau du boss
ect
Bras bionique
Attaché case
Bur
du Beoau
ss
Vincent Bolléro est un homme d’affaires chevronné. Partout dans le monde, il a pris le contrôle de grandes
entreprises et les a transformées en véritables Cash Machines, tout ça grâce à une stratégie industrielle finement
élaborée. Pourtant, dans « La Grande Entreprise », sa stratégie ne fonctionne pas. Emmanuel lui a dit qu’il fallait repenser l’organisation pour que les collaborateurs se sentent plus impliqués et soient plus créatifs, mais
Vincent n’a rien voulu savoir. Pire, il s’est senti insulté par ce jeunot d’à peine 43 ans qui pensait savoir mieux
que lui comment diriger une entreprise digne de ce nom. Son sang n’a fait qu’un tour ! Fracasser le crâne
d’Emmanuel à coup d’attaché case aurait pu être une bonne façon de le détendre.
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newspaper
A V R I L
2 0 1 6
L a r é i n v e n ti o n d u m a n a g e m e n t
Glossaire
Comment évoluer vers
le management de
demain ?
Leadership
Le leadership, c’est prendre l’initiative
sur un projet. Cette posture n’est pas la
chasse gardée des managers ou des chefs
d’entreprises. Tout employé qui en a marre
de l’immobilisme, ou qui souhaite s’investir
davantage dans un projet particulier, peut
prendre le lead. Contrairement au statut
du manager, le leadership est éphémère :
il s’arrête quand la prise d’initiative prend
fin. Un schéma qui s’adapte parfaitement
à la vision du management 3.0, qui met à
mal les silos au profit de l’engagement.
La position de leader n’est donc pas
naturellement attribuée à celui qui aurait
le plus de responsabilités, d’ancienneté, de
relations, etc. Sa seule légitimité est celle
de la volonté : celle d’agir, de mener, de
s’engager. Le leadership n’est pas un poste ;
c’est un rôle, une posture de l’action.
Texte : Alexis Nicolas et Alban Dalle
Le manager est menacé. Beaucoup complotent contre lui. Mais il y a bien
quelques pistes à explorer qui lui permettront (peut-être) de sauver sa
peau... Suivez-les avec nous !
Holacracy
L’holacracy est un nouveau système
de gouver nance des organisations,
qui redéfinit le pouvoir hiérarchique
et fixe des règles du jeu applicables
à tous. Ces règles, inscrites dans une
constitution, définissent la « raison d’être »
de l’entreprise et permettent de guider
clairement toutes les décisions. Aux
oubliettes le traditionnel organigramme !
L’organisation se structure en cercles
semi-autonomes et en équipes de travail,
à l’intérieur desquels sont désignés
des rôles. C’est le principe d’autorité
distribuée. L’holacracy fait la distinction
entre la personne et le rôle ; une personne
pouvant assumer plusieurs rôles ou en
changer selon le projet et ses compétences.
L’efficacité de cette organisation repose en
partie sur les méthodes de management
et de développement agiles qu’elle utilise,
et la tenue régulière de trois types précis
de réunions : réunions stratégiques
(vision, initiatives, offres), réunions de
gouvernance (désignation des rôles,
redevabilités...) et réunions opérations
(pour clarifier les projets en cours et à
venir). Une organisation donc encadrée
mais absolument pas figée.
Buzzword
Terme aux contours encore mal dégrossis
et à la définition volatile, qui sert à
nommer un concept prometteur et
extrêmement porteur d’un point de vue
marketing. Le propre du buzzword est
de susciter un engouement rapide, aussi
rapide que la violence du dénigrement
dont il fera l’objet quelques années plus
tard. Exemple : « L’entreprise libérée, c’est so
has been ! » - Kevin, 25 juin 2019.
e management
comporte à la fois des
activités collectives – qui
impliquent de multiples
interactions – et des
relations directes de
manager à managé. Or,
l’ère digitale révolutionne et virtualise les
liens interpersonnels. C’est le premier défi à
relever pour le manager de demain.
L
Cultiver une belle qualité
relationnelle
La première chose à faire, c’est d’accorder
plus de temps aux relations, aux discussions.
Trop souvent en entreprise, sous la pression
de multiples contraintes, on accorde moins
de temps à l’échange informel, en dehors
des réunions. En conséquence, les relations
se dégradent, et font perdre encore plus de
temps. C’est le début d’un cercle vicieux
dangereux, pouvant même avoir de graves
impacts sur la santé et la vie privée. Donc
en matière de relations, si vous n’avez pas
le temps, il est urgent de le prendre ! Cela
peut paraître contre-intuitif : ralentir pour
accélérer ? Oui, comme sur une autoroute
chargée où, si tout le monde accélère,
des effets d’accordéon apparaissent et
ralentissent le débit de voitures alors que si
chacun réduit sa vitesse, le débit de voitures
augmente et tout le monde arrive plus
vite à destination ! Cette métaphore reste
parfaitement valable dans le monde du
travail dématérialisé, où la matière première
est l’information, et les voitures, dans ce
cas, un ensemble d’informations à traiter.
Bâcler les échanges affecte le débit global.
Ralentir ce partage tout en préservant un
temps de discussion dédié avec chacun
de ses collaborateurs se révèle être un
investissement rentable – y compris pour la
productivité !
Par ailleurs, il y a un outil relationnel que
nous manions tous en permanence dans
nos échanges : le feedback. Je ne peux
m’empêcher d’offrir continuellement à mes
collègues des informations à propos d’euxmêmes, de façon verbale ou non verbale,
et l’absence de feedback en est un ! Alors,
quitte à employer cet outil sans arrêt, autant
essayer de le maîtriser. Dans ce cadre, il faut
distinguer le feedback positif pour renforcer
un comportement bien adapté (« Quand
tu proposes spontanément ton aide aux autres
comme ce matin, j’apprécie énormément car je
trouve que ça aide à débloquer la situation et ça
renforce l’esprit d’équipe et la solidarité. Continue
comme ça ! ») et le feedback d’amélioration
(« Quand tes collègues parlent de leurs points
de blocage en réunion comme ce matin, et que
tu ne proposes pas ton aide alors que tu es
disponible, je me sens gêné. J’ai besoin de solidarité
dans l’équipe. Pourrais-tu y prêter attention la
prochaine fois ? »). L’art de donner et recevoir
du feedback sereinement, sans jugement,
se travaille en le pratiquant. Les principes
de la Communication Non Violente (CNV)
peuvent être d’une aide précieuse pour cela.
Comme l’explique Thomas d’Ansembourg,
un psychothérapeute belge, dans son
ouvrage Cessez d’être gentil, soyez vrai ! Être
avec les autres en restant soi-même, la CNV
invite à réfléchir le feedback en articulant
les Faits, les Sentiments qu’il provoque, les
Besoins qu’il traduit et la Demande que l’on
souhaite formuler. Et à comprendre aussi
que ce feedback en dit davantage sur son
émetteur que sur son récepteur !
managés, s’intéresseront aux différentes
approches de coaching. Il en existe une
particulièrement intéressante à explorer
en entreprise, sur le thème des relations
de qualité : c’est la démarche appréciative,
ou plus largement les démarches fondées
sur les forces. Ces dernières possèdent la
particularité d’explorer ce qui fonctionne
déjà pour l’amplifier, ou de s’en inspirer
pour résoudre un problème. Par exemple,
dans un entretien d’évaluation ou un bilan
d’équipe, il faut commencer par identifier
ce qui fonctionne bien, les points forts.
Cela fonde la relation sur quelque chose de
positif pour permettre d’aller plus loin. Puis
d’avancer sur ce qui pourrait être amélioré.
Cette démarche appréciative repose sur cinq
principes : le principe constructionniste, qui
indique que ce sont par les conversations,
l’échange de nos mots et de nos points de
vue que nous créons le présent et l’avenir.
Le principe positif incite à comprendre
que plus nos images internes sont positives,
colorées, spectaculaires, plus nous serons
attirés vers elles. Le principe poétique
rappelle que nos histoires, personnelles et
professionnelles, comme les grands poèmes,
sont constamment réécrites, relues et
réinterprétées. Le principe de simultanéité
pose le fait que le changement s’opère dès
l’instant où vous commencez à poser des
questions. Enfin, le principe d’anticipation
indique que les humains vivent en anticipant
les événements futurs et leurs impacts sur
les personnes qui les entourent (l’effet
Placebo et l’effet Pygmalion en sont de
L’art du feedback et la CNV s’inscrivent
dans un mouvement plus large : le
manager doit devenir un coach. Or
cela ne s’improvise pas, c’est à la fois un
ensemble d’outils et de techniques, mais
aussi de postures et de savoir-être. Ceux
qui voudront aller plus loin, managers ou
« La réunion statique autour
d’une table n’est pas la
meilleure forme pour libérer
l’intelligence collective. »
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Rendez-vous en kiosque le 15 avril
7
article
bonnes illustrations). Devenir coach ou pas
n’est finalement peut-être pas la question.
Par contre développer ses compétences,
ses capacités à mieux communiquer, mieux
interagir, mieux coopérer, est nécessaire
pour demain.
Améliorer le travail collectif
Le management implique des activités
collectives pour prendre des décisions et
les mettre en œuvre, se coordonner entre
personnes ou équipes, définir les priorités. Il
y a différentes façons de réaliser ces activités
collectives. La structure pyramidale avec
répartition des tâches en est une, mais ce
n’est pas la seule. Les communautés opensource, qui développent des logiciels de
façon souvent bénévole avec des personnes
réparties partout dans le monde, relèvent
autrement le même défi. Les jeux vidéo
collaboratifs permettent aux joueurs de
s’auto-organiser, sans structure hiérarchique.
Il y a fort à parier que le management de
demain ressemblera plus à un grand jeu
collectif ou à une communauté vivante et
dynamique, qu’à un organigramme rigide et
faisant loi. À tous les niveaux, il est possible
d’améliorer le management à l’aide de
technologies sociales libérant l’intelligence
collective.
Popularisé ces dernières années par Jurgen
Appelo, le Management 3.0 propose un
certain nombre d’outils ludiques pour
favoriser et améliorer le travail collectif,
et expérimenter de nouvelles pratiques
managériales. Les « cartes personnelles »
par exemple constituent une façon originale
d’apprendre à mieux se connaître sur un
registre léger (mes études, mon parcours,
mes hobbies, mes animaux domestiques…)
ou plus profond (qu’est-ce qui a fait de moi
la personne que je suis aujourd’hui ?)
en fonction de ce que les participants
souhaitent partager et du niveau de
confiance et de sécurité dans le groupe,
en limitant au maximum toute forme de
pression. En ajoutant ce « contexte » à nos
collaborations, nous développons notre
empathie, notre compréhension réciproque,
nos connexions, nos valeurs communes...
autant de vrais facteurs d’efficacité !
L’utilisation de ce type de jeu permet
souvent de prendre conscience de tout
ce que l’on peut améliorer en termes de
délégation.
peut même gamifier ! Et plus globalement
constituer des équipes pluri-disciplinaires
qui décloisonnent les silos de compétences,
en rendant ainsi les équipes plus autonomes
et responsables.
Les technologies sociales peuvent aussi
améliorer le travail collectif ! Chaque
évènement collectif (réunion d’équipe,
suivi de projet, brief de cadrage, point
quotidien…) peut prendre différentes
formes. La plus répandue à l’heure actuelle
est une réunion autour d’une table avec une
personne qui présente un diaporama. Mais
est-ce la forme la plus propice pour faire
émerger l’intelligence collective ? À côté de
cela, les démarches Agiles apportent leur
lot de rituels, certains ludiques, et toujours
orientés « collectif ».
« Un manager doit-il motiver
ses troupes ou éviter qu’elles ne
se démotivent ? »
Au-delà, connaissez-vous les Innovations
Games® ? Cette collection de douze jeux
conçus par Luke Hohmann, son CEO,
complète la panoplie des rituels Agiles et est
orientée « création de produits ». Chaque
jeu propose une forme particulière de travail
collectif, permettant aux participants de
s’impliquer de façon ludique, et au collectif
d’atteindre ses objectifs de façon plus
efficace.
Avez-vous aussi entendu parler d’open-space
(il ne s’agit pas d’un bureau partagé) ou de
World Café ? Ce sont d’autres technologies
sociales, conçues dans un but précis. Enfin
le Laboratoire des Technologies Sociales,
(labso.org) a été initié dans le but de fédérer
des promoteurs de technologies sociales
libres (dans le prolongement du mouvement
des logiciels libres). Cette initiative, encore
embryonnaire, invite d’ores et déjà à se
questionner sur le choix de sa technologie
sociale, à innover, combiner, réutiliser,
partager avec la ferme conviction que la
réunion statique autour d’une table n’est pas
la meilleure forme pour libérer l’intelligence
collective.
Commencer par soi
Il n’existe pas de chemin unique ; chacun
peut avancer, à son rythme, en fonction de
son contexte. Cependant, mieux vaut garder
en tête que plus un changement est grand,
plus il est préférable de commencer petit
et d’adopter une stratégie des petits pas.
Selon votre contexte et votre cheminement
personnel, vous préférerez peut-être prendre
le temps de cultiver des relations de qualité.
Ou bien vous aurez envie de profiter d’un
programme de transformation Agile ou
d’amélioration du travail collectif au sein de
votre organisation. Dans ce cas, vous aurez
probablement intérêt à vous inscrire dans
la démarche existante pour la renforcer et
l’améliorer : cherchez, explorez, apprenez,
expérimentez et vous trouverez votre
chemin.
« Et si au-delà du profit, le
but d’une entreprise était
d’apporter quelque chose qui
manque au monde ? »
Mais peut-être que les solutions évoquées
ne semblent pas réalistes ou appétissantes
selon le contexte. Voici d’autres pistes
possibles pour débuter, sous forme
de questionnement, sur votre rôle de
POUR pourquoi
MIEUXsuis-je
SE manager
CONNAÎTRE
manager :
?
Quel manager ai-je envie d’être ? À quoi
mon organisation pourrait-elle ressembler
dans le futur, et comment l’accompagner
dans ce mouvement ? Lesquels de mes
comportements puis-je changer pour
avancer dans cette direction ? Ou sur votre
motivation : un manager doit-il motiver ses
troupes ou éviter qu’elles ne se démotivent ?
La question de la motivation en entreprise
reste aujourd’hui majoritairement basée sur
la motivation extrinsèque, c’est-à-dire le fait
d’être motivé par la tâche à accomplir pour
des raisons extérieures à la tâche en ellemême : le salaire, le bonus, la promotion en
sont des exemples. Or de nombreux travaux
l’attestent, la motivation intrinsèque –
comme la fierté ou l’amour du travail bien
fait, le plaisir à réaliser telle ou telle tâche –
est tout aussi puissante ! Mais celle-ci ne se
« donne » pas… Alors que puis-je changer
pour cultiver un environnement de travail
qui favorise la motivation intrinsèque plutôt
qu’extrinsèque ?
Enfin, il faut produire du sens : et si au-delà
du profit, le but d’une entreprise était
d’apporter quelque chose qui manque au
monde ? De sa raison d’être, l’entreprise
pourra créer de la valeur. L’argent n’est pas
le but ni le sens mais « c’est son oxygène » nous
rappelle Jean-François Zobrist, directeur de
la fonderie FAVI. Quel sens vos produits, vos
marques, vos outils, votre équipe portent-ils ?
Comment pourraient-ils être plus pertinents
? Plus inspirants ? Plus simples ?
Il n’existe pas de chemin unique ou de
réponse évidente face à la complexité
croissante du monde, de l’entreprise
et du rôle de manager. En revanche, la
transformation digitale des entreprises est
l’opportunité pour chacun de s’interroger,
d’expérimenter, d’apprendre pas à pas
et de progresser dans ses pratiques de
management au quotidien, dans une logique
d’adaptation et d’amélioration continue
jEUetN°davantage de
pour de meilleurs résultats…
bonheur au travail ! Bref, il s’agit d’enquêter
sans cesse sur la meilleure façon de faire du
management, plutôt que d’enquêter sur les
causes de la mort du manager…
Les démarches « Agiles » mettent l’accent
sur la communication et la collaboration par
nombre de pratiques qu’elles proposent. Par
exemple, le « stand-up meeting » consiste à
tenir un point quotidien de synchronisation
de l’équipe de quelques minutes sur les
travaux en cours. Autre pratique : rythmer
le planning des projets par itération
de deux semaines conclues par une
« démonstration » et une « rétrospective »,
respectivement pour faire le point sur le
« produit » en cours de construction et le
« processus » de réalisation – une bonne
pratique d’amélioration continue que l’on
Les « cartes personnelles » constituent une façon originale d’apprendre à mieux se connaître.
disponible dans notre réseau
7
newspaper
avril
2 0 1 6
8
chronique
bienvenue dans le futur
Demain, le rôle du manager va être amené à changer… en profondeur !
Petit aperçu de ce qui vous attend.
Texte : Ludovic Cinquin
7H04
Les biocapteurs de ma literie ont synchronisé les douces
vibrations de mon sommier et la montée progressive de
la luminosité de la pièce avec la fin de mon dernier cycle
de sommeil pour un réveil tout en douceur. De quoi
me lever en pleine forme pour attaquer cette nouvelle
journée de travail. Et aujourd’hui, je bosse de chez
moi : même avec mon poste de manager chez RobOS,
une PME qui conçoit des systèmes d’exploitation pour
entités robotisées autonomes mobiles à destination des
établissements médicaux, je ne suis autorisé qu’à un
nombre annuel limité de déplacements vers mon lieu
professionnel : développement durable et lutte contre la
pollution obligent !
Mais qu’importe, les solutions de présence virtuelle
augmentée me permettent de remplir parfaitement ma
fonction de manager à distance. Je trouve même cela plus
efficace, sachant que mon assistant virtuel me permet
dans ces cas-là de décoder en temps réel les réactions de
mes collègues et me donne, en surimpression visuelle, des
informations précieuses sur les comportements les plus
efficaces à adopter avec eux. Certes, cela ne remplace
pas une conversation à la machine à thé vert, mais ces
technologies ont vraiment fait des progrès énormes
depuis l’instauration de la taxe sur les déplacements.
Je suis très fier de travailler chez RobOS. Tout d’abord,
parce qu’en faisant évoluer la robotique autonome
mobile, nous participons à construire un monde meilleur
où seules les activités les plus intéressantes resteront à la
charge des êtres humains. Mais aussi parce que RobOS
est une entreprise à la pointe du post-management. En
effet, comme la conception d’un OS de robot est un
travail de longue haleine, nous faisons, contrairement
à la tendance du marché, très peu appel aux microjobs recrutés par enchères inversées à la journée. Au
contraire, nous signons des contrats d’engagement
bi-latéraux de longue durée (6 mois) avec tous nos
collaborateurs. C’est une garantie réciproque. Nous leur
assurons une belle pérennité sur leur job en échange
de leur fidélité. S’ils partent avant l’échéance fixée, ils
sont coupables d’un délit sévèrement réprimé par la loi.
Le système de mercenariat qui s’est mis en place avec la
montée en puissance de LinkedIn et de AirJob, la version
« personnelle » de Airbnb, conduisait les entreprises dans
une impasse en raison du turn-over considérable suscité
par ces plateformes d’intermédiation professionnelles.
Chez RobOS, nos collaborateurs sont évidemment
tous freelances. L’instauration du revenu universel en
2021 a en effet complétement changé la donne et a fini
d’enterrer le statut de salarié qui commençait à battre
sérieusement de l’aile avec l’entrée en vigueur de la loi
Macron 4. Désormais, seuls ceux que l’oisiveté rebute ou
bien qui comptent sur un vrai complément de revenu
pour réaliser des rêves dispendieux sont à la recherche
d’une activité professionnelle. Les autres s’investissent
dans des projets communautaires, dans des activités
de loisirs ou passent leurs journées dans les paradis
artificiels – mais tellement convaincants – de la réalité
virtuelle. Cette évolution était devenue vitale avec la
baisse irrémédiable du TAR (Taux d’Activité Rémunéré),
l’indicateur qui avait fini par remplacer le fameux taux
de chômage, aussi déprimant que dépassé.
Pour ma part, je fais partie des « vieux » qui ont toujours
travaillé et je ne concevrais pas mon existence sans une
activité professionnelle : trop éloigné des valeurs que
mes parents m’ont inculquées à l’aube de ce siècle. Oh,
évidemment, le boulot de manager n’a plus rien à voir
avec ce qu’il était il y a seulement vingt ans. En tout cas,
pour ce qu’on m’en a raconté.
« Mon assistant virtuel me permet de
décoder en temps réel les réactions de
mes collègues. »
Par exemple, chez RobOS, comme dans beaucoup
d’entreprises actuelles, les managers sont élus sur la base
d’une élection sans candidat par tous les collaborateurs
avec des contrats de prestation de plus de trois mois :
« manager » n’est ainsi plus un titre, mais un rôle qui
est remis en jeu à intervalles réguliers. Les sciences de
la motivation sont passées par là : dans un monde où
l’engagement personnel et la créativité des contractants
de l’entreprise sont des clés de la réussite, il est apparu
de plus en plus nettement que le choix du manager ne
pouvait être laissé qu’à la discrétion de chacun. Certaines
entreprises à base de travail humain sont même allées
jusqu’à supprimer ce rôle, parfois en le dissimulant derrière
des termes qui ne trompent personne : « représentant »,
« délégué », « leader », « pair supérieur ». Quoi qu’il en
soit, le besoin d’un rôle d’organisateur de l’activité
demeure. En tout cas, je le crois profondément, même
si je sais que ma réélection récente ne me rend pas
complétement objectif sur ce point.
Cette culture occidentale du management est très
différente de celle que l’on trouve dans certains pays
d’Asie. La recherche de l’efficacité à tout prix a donné
lieu à des pratiques qui, bien heureusement, ont été
très tôt proscrites par la commission Euratlantique.
Par exemple, les candidats aux postes de management
doivent accepter un implant cérébral régulateur
d’émotions et une reprogrammation comportementale
à base de produits psychotropes. Certes, ce sont des
procédés efficaces mais dont les conséquences à long
terme restent encore mal connues. De la même façon,
il n’est pas rare dans ces pays que les personnes en
recherche d’un contrat de freelance aient recours à des
démarches d’augmentation pour accroître leur valeur
professionnelle de marché : les greffes de membres
artificiels ou d’yeux synthétiques, les coprocesseurs
encéphaliques, les drogues dites de pertinence, les
enrichissements génétiques visant à augmenter la
résistance, l’intelligence ou la vigilance, tout y passe ! Il
est vrai que dans les pays où le revenu universel n’a pas
été mis en œuvre, les activités rémunérées sont rares en
regard du nombre de candidats et font l’objet d’une
furieuse concurrence qui met d’emblée hors-jeu tout
individu avec des facultés purement humaines. Le sujet
est plus tabou dans nos contrées : personne n’est dupe et
chacun profite de la moindre intervention chirurgicale
pour accroître ses capacités par des organes de synthèse.
Mais cela ne fait pas l’objet d’une course à l’armement
comme il en existe ailleurs sur la planète.
Et mon boss, me direz-vous ? Eh bien, tout se passe
très bien. Il est par ailleurs propriétaire à 49 % de
l’entreprise. Notre communication est saine et directe
et je le trouve très ouvert dans sa gestion des ressources
humaines. C’est vraiment l’un des gros avantages à
travailler pour un « Roboboss » : le pragmatisme de
ces intelligences artificielles de type 4 les conduit à
rechercher l’efficacité maximale et donc à mettre en
place des conditions de travail aussi bonnes que possible.
Car ils ont compris que pour nous autres, êtres humains,
plaisir au travail et performance vont de pair !
dans notre réseau…
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