Bacillus cereus - Université de Rennes 1

Transcription

Bacillus cereus - Université de Rennes 1
____________________________________________________________
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE EN BIOLOGIE ET BIOTECHNOLOGIE
__________________________________________________________
Janvier 2013
Les problèmes posés par Bacillus cereus dans l’industrie
agroalimentaire
Stanislas GRIESS
MASTER 2 BIOLOGIE GESTION,
UNIVERSITE DE RENNES 1, UFR SCIENCES DE LA VIE ET DE L ’ ENVIRONNEMENT
TUTEUR :
Michel GAUTIER
Département agroalimentaire. AGROCAMPUS OUEST
65, rue de Saint-Brieuc
CS 84215. F-35042 Rennes Cedex France
Note des responsables du diplôme : «Le tuteur chercheur a pour rôle de conseiller l'étudiant, l'orienter
dans ses recherches bibliographiques, l'aider à comprendre les articles, en faire une synthèse de
manière logique et rigoureuse. Il ne peut vérifier toutes les citations et interprétations de l'étudiant. Il
ne peut donc s'engager vis à vis d'éventuelles erreurs ».
Les problèmes posés par Bacillus cereus dans l’industrie agroalimentaire
Stanislas GRIESS
Résumé
Bacillus cereus est un bacille Gram +. En industrie agroalimentaire elle a une grande
importance sanitaire et économique. C’est la 4ème cause de toxi-infections alimentaire
collectives en France. Son implication est due à sa production de toxine émétique et
d’entérotoxines. De plus, cette bactérie peut altérer les caractéristiques organoleptiques des
produits par la production de lipases et de protéases. Enfin, il est à noter qu’il existe
plusieurs facteurs environnementaux pouvant influencer la capacité d’altération des
aliments par B.cereus.
Sommaire
I.
Introduction..................................................................................................................................... 1
II.
Description taxonomique et physiologique de Bacillus cereus ....................................................... 2
III.
Bacillus cereus agent indésirable en industrie agroalimentaire ..................................................... 6
IV. Les facteurs influençant la contamination des aliments ............................................................... 11
V.
Conclusions.................................................................................................................................... 13
I. Introduction
L’alimentation est vitale pour l’homme et, en France, correspond à son premier poste de
dépense. En effet, en 2010 en France la consommation de produits alimentaires représentait
plus de 133 milliards d’euros1. Dans la société moderne, le plus souvent l’Homme achète des
produits provenant de l’industrie agroalimentaire. Ainsi, il est indispensable que cette
dernière remplisse sont rôle nourricier tout en garantissant une qualité sanitaire et
organoleptique irréprochable. Il existe cependant un grand nombre de facteurs pouvant être
la cause de défaillance en industrie agroalimentaire. L’un de ces facteurs est la présence de
micro organismes. Ils peuvent être la cause de problèmes sanitaires en provoquant des
maladies mais aussi économiques via la destruction de produits contaminés. Ainsi, une
grande importance est donnée au respect de la chaine du froid car une faible température
de stockage réduit considérablement la prolifération des microorganismes. De plus, la mise
en place de service qualité dans les entreprises agroalimentaires permet une meilleure
gestion des risques de contamination.
Les principaux microorganismes incriminés dans la contamination des aliments sont les
bactéries. La contamination des produits par les bactéries est un véritable fléau pour
l’industrie agroalimentaire. En effet, entre 2006 et 2008 plus de 3000 foyers de toxiinfections alimentaires collectives (TIAC) ont pu être répertoriés. Parmi les bactéries
responsables, les 4 les plus incriminées sont les salmonelles, les staphylocoques, les
Clostridium et les bactéries du groupe Bacillus cereus (Delmas et al ; 2010). L’implication des
trois premières a été mise en évidence depuis de nombreuses années et dans le cas TIAC
leur implication est systématiquement recherchée. En ce qui concerne les Bacillus cereus la
preuve de leur implication dans les toxi-infections a été plus longue à être mise en évidence.
Ainsi, il semble intéressant de faire un état des lieux des connaissances de son
implication dans l’industrie agroalimentaire. Pour ce faire ce travail consistera à faire une
description taxonomique et physiologique de B. cereus puis de montrer en quoi cette
bactérie est indésirable en industrie agroalimentaire, enfin un état des lieux des facteurs
influençant la contamination des aliments par B. cereus sera effectué.
1
http://www.economie.gouv.fr/dgccrf
1
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
II. Description taxonomique et physiologique de Bacillus cereus
Les bactéries du groupe Bacillus cereus appartiennent à la famille des Bacillaceae et au
genre Bacillus. Ce sont des bacilles Gram positif, sporogènes, aéro-anaérobies facultatives et
possédant une catalase.
1. Description taxonomique
Le groupe Bacillus cereus (Bacillus cereus sensu lato) regroupe 6 souches : Bacillus cereus
sensu stricto, Bacillus anthracis, Bacillus thuringiensis, Bacillus weihenstephanensis, Bacillus
mycoides et Bacillus pseudomycoides. Il a été montré que ces espèces sont très proches les
unes des autres au niveau génomique (Guinebretière et al; 2008). Ce point a compliqué la
tâche des chercheurs pour faire une classification précise au sein du groupe. Ainsi, la
première classification au sein du groupe Bacillus cereus n’est pas essentiellement basée sur
les différences génomiques mais plutôt selon trois caractères phénotypiques spécifiques ; la
virulence, la physiologie et la morphologie (Tableau 1).
Tableau 1 : Classification des bactéries du groupe Bacillus cereus selon leurs caractères phénotypiques
Espèce
Caractère phénotypique
Responsable de Toxi-Infections
Bacillus cereus
Bacillus anthracis
Alimentaires Collectives (TIAC)
Virulence
weihenstephanensis
Responsable de l’anthrax
Pathogène des insectes par
Bacillus thuringiensis
Bacillus
Propriétés
spécifique
production de cristaux parasporals
Physiologie
Peut se développer à des
températures inférieures à 7°C
Colonies rhizoïdes sur milieu nutritif
Bacillus mycoides
solide
Morphologie
Bacillus
Colonies rhizoïdes sur milieu nutritif
pseudomycoides
solide
2
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
Cependant, avec cette classification, la frontière entre les différentes espèces reste floue
et controversée. Avec cette dernière, différentes souches peuvent être classées dans
plusieurs catégories car les caractéristiques phénotypiques sont instables (Van der Auwera
et al ; 2007).
Une étude de Guinebretière en 2008 a permis la réalisation d’une nouvelle classification.
Cette dernière est basée sur les habitats, les limites de températures et les pouvoirs
pathogènes. Ainsi, 7 grands groupes peuvent être définis (Tableau 2).
Tableau 2 : Nouvelle classification du groupe Bacillus cereus d’après Guinebretière et al (2008)
Dans cette classification, les espèces sont donc classées par profil thermique de
croissance puis par leur cytotoxicité. De plus, il a été montré que le groupe VII, constitué de
B. cereus VII, fait en réalité référence à une nouvelle espèce les Bacillus cytotoxicus (Lapidus
et al ; 2008).
3
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
Ainsi, cette nouvelle façon de faire révèle la complexité du groupe Bacillus cereus et
démontre qu’une espèce peut être présente dans plusieurs groupes à la fois.
III.
Description physiologique
a. La cellule végétative
Bacillus cereus est un long bacille de forme régulière et souvent en courte chaine.
C’est un bacille Gram + qui est mobile, aéroanaérobie facultatif et qui forme des spores non
déformantes. Les B. cereus se développent sur des géloses ordinaires. Les colonies ainsi
obtenues sont grisâtres, larges avec des contours irréguliers.
En galerie Api 20 E les B. cereus possèdent les caractères suivants : VP+,
citrate+, gélatinase+. Sur gélose au sang de mouton ils possèdent une large hémolyse.
b. Les spores
Afin de résister à un environnement qui n’est plus favorable à leur développement,
certaines bactéries sont capables de sporuler. Ainsi, lors d’une baisse des nutriments, d’une
baisse de l’aw (cf p.12) ou encore d’une variation importante de température, les bactéries
du groupe B. cereus produisent des spores ultra résistantes par rapport à la forme végétative
(Figure 1).
Figure 1 : Processus de sporulation de Bacillus cereus
4
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
Les spores de B. cereus sont très résistantes et possèdent de remarquables capacités
d’adhésion aux matières inertes. Leur adhésion sur de multiples surfaces est principalement
due à 3 caractéristiques : leur grande hydrophobicité, la faible charge à la surface des spores
et enfin leur morphologie avec la présence d’appendices (Andersson et al ; 1995) (Figure 2).
Figure 2 : Schéma de spore de Bacillus cereus
Lorsque les spores sont libérées, elles peuvent ensuite entrer en germination pour
produire de nouvelles bactéries qui seront elles mêmes capables de se diviser (Figure 2).
En industrie agroalimentaire, les spores des bactéries résistent aux traitements
thermiques classiques comme la pasteurisation. Ainsi, il n’est pas rare de retrouver de
nombreuses traces de ces dernières sur les surfaces de travail ou encore dans les produits
commercialisés. Le véritable problème est que la pasteurisation peut activer la germination
des spores au lieu de les détruire (Collado et al ; 2003). Suite à leur activation, les spores
germent sous forme végétative pouvant se développer dans un produit en l’absence de flore
compétitive (Samapundo et al ; 2011).
5
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
c. Biofilm
Outre sa capacité à produire des spores, B. cereus est aussi reconnu comme difficile
à éradiquer à cause de la formation de biofilm. Un biofilm est un complexe multicellulaire
dynamique qui permet à des cellules bactériennes d’adhérer entre elles et sur une surface,
en étant entourées d’une matrice protectrice. Cette dernière est composée d’une substance
exopolymérique qui protège les bactéries des attaques extérieures comme les procédés de
nettoyages (Wijman et al ; 2007).
IV. Bacillus cereus agent indésirable en industrie agroalimentaire
1. Bacillus cereus responsable de TIA et de TIAC
Il a été montré que B. cereus fait partie des 4 plus importantes causes d’intoxication
alimentaire commune (TIAC) en France (Albert et al ; 2009). Le ministère de l’agriculture de
l’agroalimentaire et de la forêt donne la définition suivantes des TIAC : « c’est une toxiinfection alimentaire collective définie par l’apparition d’au moins deux cas groupés
similaires d’une symptomatologie, en général gastro-intestinale, dont on peut rapporter la
cause à une même origine alimentaire ». Dans la plupart des cas observés jusqu’à
maintenant ce sont les B. cereus sensu stricto qui sont responsables des TIAC imputées au
groupe.
Les Bacillus cereus peuvent provoquer soit des vomissements soit des symptômes
diarrhéiques par le biais de deux types de toxines : respectivement la cereulide et des
toxines entériques.
a. La cereulide
La cereulide est un dodécadepsipeptide c'est-à-dire une structure cyclique composée
d’une alternance de 12 acides aminés et d’ester (Granum et Lund ; 1997). D’après Kotiranta
et al (2000) cette enzyme ne perd son activité jusqu’à une température de 121°C ; elle tolère
des pH compris entre 2 et 11 et enfin elle est stable après traitement à la pepsine et
trypsine. Lorsqu’elle est ingérée, la cereulide provoque un syndrome émétique. Les premiers
6
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
vomissements peuvent apparaitre dans la demi-heure suivant l’ingestion du produit
contaminé.
A la différence des entérotoxines, la cereulide est directement produite dans les
aliments lorsque les bactéries sont dans leur phase de croissance stationnaire ou de
sporulation (Drobniewski ; 1993). Selon Guinebretière (2008) les bactéries capables de
produire la cereulide font parties du groupe III.
La cereulide est toxique pour les mitochondries en entrainant la perméabilisation des
membranes aux ions potassium. Cependant, le syndrome émétique semble lié à l’implication
d’un récepteur à la sérotonine 5-HT3 (Ehling-Schulz et al ; 2004).
b. Les entérotoxines
Il existe trois types de toxines produites par B. cereus capables d’induire des
syndromes diarrhéiques : la Nhe (entérotoxine non hémolytique), Hbl (Hémolysine BL) et Cyt
K (cytotoxine K) (Samapundo et al ; 2011). Ces entérotoxines impliquées dans des TIAC sont
produites lors de la phase de croissance végétative des B. cereus dans le petit intestin de la
personne contaminée (Granum et Lund ; 1997).
(i) Nhe
Nhe est une protéine constituée de trois composants : Nhe A, Nhe B et Nhe C
(Lindback, et al ; 2004). Pour que la toxicité de Nhe soit maximale, il faut que les 3
composantes soient dans un rapport 10/10/1. Les trois composés de Nhe sont codés par
l’opéron nhe.
Après une exposition à Nhe, il a été montré une augmentation de la taille des cellules
ainsi exposées. Selon Fagerlund et al (2008), Nhe perturberait les membranes plasmiques
épithéliales par l’insertion de pores transmembranaires.
(ii) Hbl
Hbl est sécrétée par environ 45-65% des Bacillus cereus. Elle est aussi composée de
trois protéines antigéniques : B, L1 et L2. L’activité biologique maximale est obtenue lorsque
les 3 composantes sont présentes. Hbl a un effet hémolytique et une activité de
perméabilisation vasculaire. Ceci peut être mis en évidence chez le lapin par l’accumulation
7
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
de liquide dans des anses iléales ligaturées. Au vu de la puissance des symptômes
occasionnés, Hbl est considéré comme le plus important facteur de virulence des bactéries
du groupe B. cereus.
(iii)
Cyt K
La cytokine K a été mise en évidence la première fois comme étant responsable de
TIAC en France en 1998. Il existe 2 formes de la CytK : CytK 1 et CytK 2. L’activité
entérotoxique de la cytokine est de créer des pores dans les bicouches lipidiques des
cellules épithéliales de l’intestin (Senesi et Ghelardi ; 2010).
2. Bacillus cereus responsable de l’altération des aliments
Les B. cereus sont non seulement responsables de TIAC mais peuvent aussi détériorer
les qualités organoleptiques des aliments.
a. Les aliments altérables
Dans la littérature, un grand nombre d’aliments semblent être potentiellement
contaminable par B. cereus. Comme dit précédemment, les bactéries du groupe sont
ubiquitaires. Elles sont donc régulièrement retrouvées dans les sols où poussent les matières
premières des produits d’agroalimentaires. Ainsi, les bactéries peuvent contaminer les
produits par le biais des matières premières mais aussi lors des process de fabrication en
industrie. En effet, il a été montré que les spores de B. cereus sont très difficiles à éliminer.
b. Les éléments responsables de l’altération des aliments
Il a été montré que des enzymes extracellulaires de Bacillus cereus peuvent avoir des
activités d’altération des aliments. Parmi ces dernières il existe des protéases, et des lipases
comme les lecithinases. Par définition, ces enzymes vont respectivement hydrolyser soit des
protéines soit des lipides.
Les aliments les plus décrits pouvant être altérés sont les œufs et le lait pasteurisé.
8
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
(i) Dans le lait :
Comme dit précédemment, les spores de B. cereus sont capables de résister à de
fortes températures et donc aux principales méthodes de stérilisation de l’industrie
agroalimentaire. Il a été montré que dans le lait UHT (ultra haute température), les spores
présentes sont alors activées par ce choc thermique. Les bactéries, qui ont ainsi germé,
peuvent alors produire des enzymes extracellulaires. Ces enzymes sont produites lors de la
fin de la croissance exponentielle ainsi que pendant le début de la phase stationnaire (Chen
et al 2003). Ainsi, il a été montré que la production de ces enzymes extracellulaires est
associée à la sporulation (Chen et al 2004). Ces dernières donnent au lait une flaveur
anormale et des défauts de structure (De Jonghe et al 2010). Les mécanismes altérant les
propriétés physiques (microstructure, viscosité) et la flaveur du lait sont complexes. Ils
résultent d’une combinaison de réactions physiques, chimiques et biochimiques (Chen et al
2003).
•
L’activité protéinase :
Dans le lait, les protéinases vont provoquer un clivage des caséines provoquant une
désorganisation des micelles de caséine. Ceci entrainant une coagulation du lait (Chen et al
2003). L’activité protéolytique provoque alors un défaut dans le caillage, le
« sweet
curdling » (De Jonghe et al 2010). L’activité des protéinases est maximale lorsque le pH est
alcalin (Chen et al 2004).
•
L’activité lipolytique :
Les enzymes lipolytiques, les lipases, produites par B. cereus agissent sur les lipides,
notamment les acides gras du lait. Leur action d’hydrolyse est plus efficace sur des acides
gras à courte chaine (Chen et al 2004). Cette mise en évidence est d’autant plus importante
que ce sont ces mêmes acides gras à courtes chaines qui contribuent le plus à la flaveur du
lait (Al-Shabibi et al 1964). Ainsi, cette dégradation donne une flaveur rance et fruitée au
lait, tout comme les lecithinases peuvent donner au lait un aspect de crème caillée en raison
de l’agrégation des globules gras (De Jonghe et al 2010).
9
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
Il a été montré que l’activité des lipases est maximale lorsque le pH est de 7-9. Les
lipases produites par une souche de B. cereus sont plus stables que les protéases produites
par cette même souche (Chen et al 2004).
Les aliments fabriqués à partir de lait sont potentiellement altérables par B. cereus.
Parmi ceux-ci se trouvent les crèmes glacées, les fromages et les yaourts. Dans la littérature,
Cheng et al (2003) ont montré que même si les bactéries qui contaminent le lait ne survivent
pas à sa transformation, les enzymes, elles, sont encore plus résistantes à la température et
peuvent être retrouvées dans du lait déshydraté. Ainsi, nul doute que B. cereus apparait
comme un véritable danger en industrie agroalimentaire aussi bien d’un point de vue
sanitaire qu’économique.
(ii) Dans les œufs :
La première altération d’aliment a été mise en évidence sur l’œuf. En effet, il a été
montré que lorsque des œufs sont contaminés par des Bacillus cereus, le jaune devient alors
comparable à « une balle de ping pong » de couleur crème. De plus, l’albumine devient alors
marron avec une odeur aigre caractéristique qui peut être associée à celle du fromage
(Colmer 1948). Dans les ovoproduits, les bactéries du groupe Bacillus cereus sont également
responsables d’altération. Les bactéries produisent des lipases et des protéases qui vont être
responsables d’une coagulation et d’une décoloration de ces derniers (Baron et al., 2010).
Ainsi il apparait que B. cereus est une bactérie particulièrement nuisible pour la
qualité gustative du lait et des œufs. Même si ces informations laissent penser que d’autres
types d’aliments peuvent être altérés par B. cereus, ceci n’a cependant jamais était relaté
dans la littérature scientifique. Il serait donc intéressant de voir quels seraient les effets sur
la viande et les légumes pour ne citer qu’eux.
10
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
V. Les facteurs influençant la contamination des aliments
Désormais, il apparait intéressant de s’intéresser aux facteurs environnementaux qui
peuvent influencer la contamination des aliments par B. cereus.
1. La température
Selon Guinebretière et al (2008) les B. cereus stricto sensu peuvent se développer à des
températures allant de 7° C à 50°C selon les souches (psychrotolérante, mésophile et
thermotolérantes modérées). De plus, il a été reporté qu’une forte température, comme lors
de la pasteurisation à 80°C, permet l’activation des spores. L’effet de la température sur la
croissance de B. cereus a été étudié sur différents types d’aliments allant d’une simple
purée de carotte (Valero et al 2003) à des produits cuisinés pour enfant (Choma et al 2000).
Dans la purée de carotte, il a été montré que des souches B. cereus (TZ415 et L2104) sont
capables de se développer à une température de 8°C avec une inhibition totale à 5°C. A
16°C, il est constaté que toutes les souches utilisées lors de l’étude se développent
facilement. Valero et al (2008) ont montré, à partir de différentes souches provenant de
diverses sources d’aliments, que même si seulement 3% des souches poussent à 8°C, la
totalité pousse à 12, 30 et 37°C. Ces études montrent bien l’importance, pour les industries
agroalimentaires et les consommateurs, de respecter la chaine du froid. Même si la
législation de la sécurité alimentaire considère qu’une conservation à 16°C n’est que
moyennement abusive, il est clair qu’une répétition de ce genre augmente
considérablement le risque de contamination par B. cereus (Valero et al 2003). En ce qui
concerne les températures élevées, Valero et al (2007) ont montré que 57,6 % des souches
de B. cereus qu’ils ont testées se développent à 42°C.
2. Le pH
Un autre caractère environnemental impliqué dans l’altération des aliments par B. cereus
est le pH. Différents travaux ont été réalisés afin de connaitre l’importance de ce facteur sur
B. cereus. Ces derniers se sont focalisés sur un pH acide. En effet, ce sont les pH acides qui
sont intéressants afin de montrer que B. cereus est capable de résister au suc gastrique acide
11
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
de l’estomac pour ensuite produire les entérotoxines décrites précédemment dans l’intestin.
Les travaux de Jobin et al (2002) réalisés à pH compris entre 7 et 3 ont montré que sur la
souche de B. cereus TZ415, le pH minimum pour avoir une croissance bactérienne est de 5,0.
Cependant, ils ont aussi montré que lorsque les bactéries était mises en contact, pendant un
court laps de temps, avec un milieu pH 6,3 leur résistance au pH était plus importante. En
effet, grâce à cette pré-exposition, les bactéries peuvent alors se développer jusqu'à un pH
de 3,5. Cette pré-exposition permet aux bactéries de développer une réponse à cette acidité,
une ATR (acid tolerance response).
Il a aussi pu être mis en évidence que la phase de croissance est importante pour la
résistance des bactéries au pH. L’ATR est mise en place quand elles sont en fin de la phase
stationnaire de croissance (Jobin et al ; 2002). A l’inverse, il a été constaté que les bactéries
deviennent très sensibles au pH lors de la phase exponentielle de croissance (Browne et
Dowds ; 2002).
Une étude réalisée par Valero et al (2003) a montré que pour évaluer la possible
altération des aliments par B. cereus, il fallait regarder l’effet du pH associé à celui de la
température. Ils sont ainsi montré qu’à 16°C une croissance bactérienne est possible dans de
la purée de carotte pour un pH allant jusqu'à 5,0. Cependant lorsque la température est à
5°C, la croissance n’est possible que jusqu'à un pH de 5,4. Selon les auteurs, cette corrélation
entre ces deux facteurs environnementaux permettrait une maitrise de la nuisance de B.
cereus dans l’industrie alimentaire. En effet, ils ont montré qu’à un pH de 5,0 et une
température de 4°C, la croissance bactérienne était impossible.
3. L’Aw
L’Aw représente la teneur en eau libre d’un composé. Dans le cas présent, l’Aw sert à
déterminer l’eau disponible dans des produits alimentaires. L’Aw est compris entre 0 et 1.
Plus le taux de l’Aw est élevé et plus il y aura d’eau disponible. Pour exemple un lait en
poudre déshydraté a une Aw de 0.20.
Lorsque l’Aw est faible, seules les spores de B. cereus peuvent survivre. En effet, à une
Aw inférieure à 0.80, des spores peuvent être retrouvées mais ces dernières ne peuvent pas
12
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
germer (Staack et al ; 2008). Cependant, si le produit est réhydraté et subit un choc
thermique, il est fort probable que les spores puissent alors germer et contaminer le produit
avec des cellules végétatives.
De plus, même si une très faible Aw (0.20) permet d’éradiquer les spores, cela n’est pas
la même chose pour les enzymes. En effet, il a été montré que des lipases et protéases de B.
cereus peuvent résister à la dessiccation et être retrouvées dans du lait en poudre (Chen et
al ; 2003).
VI. Conclusions
Tout au long de ce travail, nous avons pu voir l’importance que peut avoir B. cereus dans
l’industrie agroalimentaire. Son importance est relative à deux points de vue : sanitaire et
économique.
Premièrement, au niveau sanitaire car les bactéries du groupe B. cereus sont fortement
impliquées dans les TIA et TIAC. Elles sont actuellement mises en évidence comme la 4ème
source de ces intoxications. Cependant, cette donnée reste relative lorsque l’on sait que la
recherche de B. cereus lors d’épisodes d’intoxication n’est automatique que depuis quelques
années. Ainsi il est grandement possible que son importance soit minorée. Paradoxalement,
certains travaux se sont intéressés à la réelle implication de B. cereus sensu stricto dans les
TIA et TIAC. Une équipe a démontré que de nombreux cas d’intoxication imputés à B. cereus
sensu stricto seraient en réalité dus à Bacillus thuringiensis. Pour cela, ils ont observé en
microscopie électronique la présence de cristaux caractéristiques de cette espèce
(Rosenquist et al ; 2005). Cependant cette publication est la seule étude trouvée démontrant
ces résultats.
Deuxièmement, au niveau économique B. cereus joue un rôle important dans les qualités
organoleptiques des produits. En effet, une détérioration de ces qualités peut engendrer des
destructions de production et, pire encore, provoquer des dommages sur l’image de marque
des produits si ces altérations ne sont pas mises en évidence avant la commercialisation.
Même si ces altérations sont clairement définies sur le lait et les œufs dans la littérature, les
13
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
autres types de produits ont été peu étudiés. Ainsi il pourrait être intéressant d’axer de
futures recherches dans ce sens.
Enfin, même si certaines études tentent de mettre en évidence des moyens de lutter
contre B. cereus, il apparait encore difficile de l’éradiquer complètement. Cependant, il
apparait que la maitrise d’une combinaison de paramètres environnementaux permettrait
tout de même d’en contrôler la prolifération pour que leur présence soit inférieure au seuil
acceptable. Il est possible de citer notamment une combinaison de pH et de température
drastique (Valero et al ; 2003) ou de température et d’aw faible (Staack et al ; 2008).
14
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
Bibliographie
Al-Shabibi, M. M. A., Langner, E. H., Tobias, J. & Tuckey, S. L. Effect of Added Fatty Acids
on the Flavor of Milk. Journal of Dairy Science 47, 295–296 (1964).
Albert I., Couvert O., De Buyser M‐L., Denis C., Fail le C., Gohar M., Leguerinel I.,
Lereclus D., Nguyen-The C., Sorokine A., Torny D. Etude de l’émergence d’une bactérie
pathogène dans les filières alimentaires. Le cas de Bacillus cereus dans les produits non
stériles traités thermiquement. Bulletin de la Société Francaise de Microbiologie 24 N°4, 507514 (2009)
Andersson, A., Rönner, U. & Granum, P. E. What problems does the food industry have with
the spore-forming pathogens Bacillus cereus and Clostridium perfringens? International
Journal of Food Microbiology 28, 145–155 (1995).
Baron, F. et al. Isolation and Characterization of a Psychrotolerant Toxin Producer, Bacillus
weihenstephanensis, in Liquid Egg Products. Journal of Food Protection 70, 2782–2791
(2007).
Bartoszewicz, M., Hansen, B. M. & Swiecicka, I. The members of the Bacillus cereus group
are commonly present contaminants of fresh and heat-treated milk. Food Microbiology 25,
588–596 (2008).
Browne, N. & Dowds, B. c. a. Acid stress in the food pathogen Bacillus cereus. Journal of
Applied Microbiology 92, 404–414 (2002).
Chen, L., Coolbear, T. & Daniel, R. . Characteristics of proteinases and lipases produced by
seven Bacillus sp. isolated from milk powder production lines. International Dairy Journal
14, 495–504 (2004).
Chen, L., Daniel, R. M. & Coolbear, T. Detection and impact of protease and lipase activities
in milk and milk powders. International Dairy Journal 13, 255–275 (2003).
Choma, C. et al. Effect of temperature on growth characteristics of Bacillus cereus TZ415.
International Journal of Food Microbiology 55, 73–77 (2000).
Collado, J., Fernández, A., Rodrigo, M., Camats, J. & Lopez, A. M. Kinetics of deactivation
of Bacillus cereus spores. Food Microbiology 20, 545–548 (2003).
Colmer, A. R. The Action of Bacillus cereus and Related Species on the Lecithin Complex of
Egg Yolk. Journal of Bacteriology. 55, 777–785 (1948).
De Jonghe, V. et al. Toxinogenic and spoilage potential of aerobic spore-formers isolated
from raw milk. International Journal of Food Microbiology 136, 318–325 (2010).
Delmas G., Jourdan da Silva N., Pihier N., Weil F. X., Vaillant V., De Valk H., Les toxiinfections alimentaires collectives en France entre 2006 et 2008. Bulletin épidémiologique
hebdomadaire 31-32, 344-348 (2010).
15
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
Drobniewski, F. A. Bacillus cereus and related species. Clinical Microbiology Reviews. 6,
324–338 (1993).
Ehling-Schulz, M., Fricker, M. & Scherer, S. Bacillus cereus, the causative agent of an emetic
type of food-borne illness. Molecular Nutrition & Food Research 48, 479–487 (2004).
Fagerlund, A., Lindbäck, T., Storset, A. K., Granum, P. E. & Hardy, S. P. Bacillus cereus Nhe
is a pore-forming toxin with structural and functional properties similar to the ClyA (HlyE,
SheA) family of haemolysins, able to induce osmotic lysis in epithelia. Microbiology 154,
693–704 (2008).
Granum, P. E. & Lund, T. Bacillus cereus and its food poisoning toxins. FEMS Microbiology
Letters 157, 223–228 (1997).
Guinebretière, M.-H. et al. Ecological diversification in the Bacillus cereus Group.
Environmental Microbiology 10, 851–865 (2008).
Jobin, M.-P., Clavel, T., Carlin, F. & Schmitt, P. Acid tolerance response is low-pH and latestationary growth phase inducible in Bacillus cereus TZ415. International Journal of Food
Microbiology 79, 65–73 (2002).
Kotiranta, A., Lounatmaa, K. & Haapasalo, M. Epidemiology and pathogenesis of Bacillus
cereus infections. Microbes and Infection 2, 189–198 (2000).
Lapidus, A. et al. Extending the Bacillus cereus group genomics to putative food-borne
pathogens of different toxicity. Chemico-Biological Interactions 171, 236–249 (2008).
Lindbäck, T., Fagerlund, A., Rødland, M. S. & Granum, P. E. Characterization of the Bacillus
cereus Nhe enterotoxin. Microbiology 150, 3959–3967 (2004).
Rosenquist, H., Smidt, L., Andersen, S. R., Jensen, G. B. & Wilcks, A. Occurrence and
significance of Bacillus cereus and Bacillus thuringiensis in ready-to-eat food. FEMS
Microbiology Letters 250, 129–136 (2005).
Samapundo, S., Heyndrickx, M., Xhaferi, R. & Devlieghere, F. Incidence, diversity and toxin
gene characteristics of Bacillus cereus group strains isolated from food products marketed in
Belgium. International Journal of Food Microbiology 150, 34–41 (2011).
Senesi, S., Salvetti, S., Celandroni, F. & Ghelardi, E. Features of Bacillus cereus swarm cells.
Research in Microbiology 161, 743–749 (2010).
Staack, N., Ahrné, L., Borch, E. & Knorr, D. Effects of temperature, pH, and controlled water
activity on inactivation of spores of Bacillus cereus in paprika powder by near-IR radiation.
Journal of Food Engineering 89, 319–324 (2008).
16
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013
Valero, M., Fernández, P. . & Salmerón, M. . Influence of pH and temperature on growth of
Bacillus cereus in vegetable substrates. International Journal of Food Microbiology 82, 71–
79 (2003).
Valero, M., Hernández-Herrero, L. A. & Giner, M. J. Survival, isolation and characterization
of a psychrotrophic Bacillus cereus strain from a mayonnaise-based ready-to-eat vegetable
salad. Food Microbiology 24, 671–677 (2007).
Van der Auwera, G. A., Timmery, S., Hoton, F. & Mahillon, J. Plasmid exchanges among
members of the Bacillus cereus group in foodstuffs. International Journal of Food
Microbiology 113, 164–172 (2007).
Wijman, J. G. E., De Leeuw, P. P. L. A., Moezelaar, R., Zwietering, M. H. & Abee, T. AirLiquid Interface Biofilms of Bacillus cereus: Formation, Sporulation, and Dispersion. Applied
and Environmental Microbiology 73, 1481–1488 (2007).
17
Stanislas Griess – Master 2 biologie gestion marketing – 2012/2013