Les troubles du contrôle des impulsions
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Les troubles du contrôle des impulsions
Le point sur… Les troubles du contrôle des impulsions Prévenir et dépister précocement n Des troubles du comportement, à type de comportements compulsifs et répétitifs, tels que le jeu pathologique, les achats compulsifs et une hypersexualité, ont été rapportés avec la lévodopa et les agonistes dopaminergiques, principalement chez les patients traités pour une maladie de Parkinson (1). Ces troubles du contrôle des impulsions (TCI) ont fait l’objet d’une attention particulière au cours des dernières années en raison de leurs conséquences familiale, sociale et professionnelle parfois dramatiques. Leur fréquence, les facteurs favorisants et l’influence des différents traitements antiparkinsoniens sont désormais établis (2, 3). Les principaux troubles du contrôle des impulsions Les principaux TCI rapportés chez les patients atteints de la maladie de Parkinson sont : • le jeu pathologique (dépendance aux jeux notamment de hasard et d’argent) ; • une hypersexualité (augmentation de la libido, exhibitionnisme) ; • des achats compulsifs (non indispensables et parfois inadaptés au budget) ; • et des troubles du comportement alimentaire (boulimie/grignotage, appétence pour les sucreries). D’autres troubles du comportement, tels que l’hypomanie, des troubles obsessionnels compulsifs, une anxiété pathologique ou le punding (4) sont également associés aux traitements dopaminergiques. *Département de Neurologie, Centre Hospitalo-Universitaire de Rouen, Charles Nicolle Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Dans les formes sévères, l’association de plusieurs troubles du comportement peut conduire à un syndrome de dysrégulation dopaminergique (5). Le jeu pathologique La pratique du jeu devient pathologique lorsqu’elle répond aux critères du DSM-IV (encadré). En pratique, elle concerne le plus souvent des jeux à gratter ou en ligne, la fréquentation des salles de jeu (casinos) ou les courses de chevaux. Les conséquences peuvent être dramatiques sur le plan financier, familial et professionnel. L’hypersexualité Plus fréquente chez les patients masculins, elle se manifeste souvent par une simple augmentation de la libido qui peut conduire à un harcèlement incessant de la conjointe. Dans les cas plus sévères, elle peut se traduire par des phénomènes d’exhibitionnisme, de violences sexuelles, un attrait David Maltête* exacerbé envers tout ce qui touche au monde du sexe (sex shops, sites pornographiques, prostituées). Le punding Il s’agit d’un comportement moteur stéréotypé, non productif, sans but, caractérisé par le besoin d’examiner, manipuler, collectionner, monter et démonter des objets (4). Il doit être différencié des troubles obsessionnels compulsifs (absence d’idée obsédante) et des états hypomaniaques (absence d’excitation caractéristique). L’activité répétitive est souvent en rapport avec l’activité professionnelle antérieure du patient. Ainsi, les hommes s’orienteront vers le bricolage, la mécanique, les activités de jardinage, alors que les femmes seront davantage attirées par les activités artistiques (peinture, sculpture). Le patient est conscient de l’absence de finalité des actes, mais recommence tous les jours de la même manière. Le caractère permanent des troubles a un impact sur la qualité de vie des patients. 173 Le point sur… Le syndrome de dysrégulation dopaminergique Le syndrome de dysrégulation dopaminergique (Hedonistic Homeostatic Dysregulation) est un tableau sévère caractérisé par l’association des signes suivants (5) : • un comportement maniaque ou hypomaniaque : le patient alterne entre des états euphoriques avec sentiment d’invulnérabilité, enthousiasme (en période ON) et des états dysphoriques avec apathie, dépression, isolement (en période OFF) ; • des troubles du contrôle des impulsions multiples, comme le jeu pathologique, l’hypersexualité ou les achats compulsifs ; • un punding ; • des errances pathologiques : dans les périodes ON, le patient éprouve le besoin de déambuler et va parfois parcourir de grandes distances sans but précis avec une perception erronée du temps ; • une addiction aux thérapies antiparkinsoniennes souvent compliquée de dyskinésies sévères. Quelle prévalence ? Au cours des dernières années, plusieurs études transversales ont évalué la prévalence et les facteurs favorisant les principaux TCI. En outre, une large étude multicentrique (2) réalisée aux Etats-Unis et au Canada sur 3 090 patients parkinsoniens révèle que 13,6 % des patients présentent au moins un TCI actif : 5 % présentent un jeu pathologique, 3,5 % une hypersexualité, 5,7 % des achats compulsifs et 4,3 % des accès boulimiques. La distribution des TCI varie en fonction du sexe : la prévalence de l’hypersexualité étant plus élevée chez les hommes alors que les achats compulsifs et les accès bou174 Définition du jeu pathologique, selon le DSM-IV A. Pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu, comme en témoignent au moins 5 des manifestations suivantes : - préoccupation par le jeu (remémoration d’expériences de jeu passées ou prévisions de tentatives prochaines, ou moyens de se procurer de l’argent pour jouer) ; - besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour atteindre l’état d’excitation désiré ; - efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter ; - agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d’arrêt ; - joue pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique ; - après avoir perdu de l’argent au jeu, retourne souvent jouer un autre jour pour recouvrer ses pertes ; - ment à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour dissimuler l’ampleur réelle de ses habitudes de jeu ; - commet des actes illégaux, tels que des falsifications, fraudes, vols ou détournement d’argent pour financer la pratique du jeu ; - met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à cause du jeu ; - compte sur les autres pour obtenir de l’argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu. B. La pratique du jeu n’est pas mieux expliquée par un épisode maniaque. limiques sont plus fréquents chez les femmes. Enfin, la présence de 2 TCI ou plus est observée chez 3,9 % des patients. Le syndrome de dysrégulation dopaminergique toucherait environ 4 % des patients parkinsoniens traités. Toutefois, cette prévalence est probablement sous-estimée en raison de l’absence d’outil de mesures spécifique. Les facteurs favorisants Les principaux facteurs favorisants identifiés sont les traitements pharmacologiques et la personnalité prémorbide du patient (3). Ainsi, il a été montré que le risque de développer un TCI était multiplié par 2 à 3 chez les patients traités par agonistes dopaminergiques. Le risque est accru avec l’augmentation de la posologie. En revanche, il n’existe pas de différence significative entre les principaux agonistes (ropinirole, pramipexole) suggérant un effet de classe. Par ailleurs, l’association d’un agoniste à la L-dopa majore le risque de survenue d’un TCI. Enfin, il faut souligner que les TCI peuvent être observés chez des patients traités en monothérapie par L-dopa avec une fréquence moindre (7 %). L’âge < 65 ans, le célibat, le tabagisme et les antécédents familiaux de jeu pathologique ou d’addiction sont des facteurs prédisposant à la survenue d’un TCI chez les patients parkinsoniens traités par agonistes dopaminergiques. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Les troubles du contrôle des impulsions De plus, l’existence d’un syndrome anxiodépressif ou de troubles obsessionnels compulsifs, les traits de personnalité en faveur d’une impulsivité, ou d’une extravagance sont retrouvés plus fréquemment chez les patients traités ayant développé un TCI (4). La physiopathologie Les principaux symptômes moteurs de la maladie de Parkinson (rigidité, akinésie, tremblement) sont le reflet de la dénervation dopaminergique striatale. Cette dénervation obéit à un gradient, avec une atteinte précoce de la portion dorsale du striatum, dévolue à la motricité et plus tardive de la portion ventrale impliquée dans les boucles cortico-sous-corticales associatives et limbiques. Ainsi, dans les formes légères à modérées, la prescription d’agonistes dopaminergiques non ergotés de seconde génération avec une affinité particulière pour les récepteurs D3, abondants dans le striatum ventral, pourrait favoriser une sur-stimulation de la voie ventrale intacte. Il en résulterait une perturbation des boucles impliquées dans la récompense, la motivation et le contrôle des impulsions. Plusieurs études d’imagerie corroborent l’hypothèse d’une implication de la voie ventrale du striatum dans le syndrome de dysrégulation dopaminergique et le jeu pathologique associés à la maladie de Parkinson (6, 7). La prise en charge La prise en charge des TCI passe par les trois actions suivantes : • informer, • diagnostiquer, • et traiter. En France, les TCI ont fait l’objet d’une Lettre aux professionnels Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Lettre de l’Afssaps aux professionnels de santé «• Il est important d’informer les patients et leur entourage de ce risque de troubles du comportement et de la nécessité de consulter un professionnel de santé en cas de survenue. • Il est important d’être attentif à toute modification du comportement chez les patients traités par un ou plusieurs médicaments dopaminergiques, surtout en cas de traitement à des posologies élevées, et/ou après une augmentation récente des posologies. • En cas de survenue de troubles du comportement ayant un impact sur la qualité de vie du patient et/ou des conséquences familiales, sociales ou professionnelles, une modification du traitement dopaminergique utilisé devra être envisagée. » de santé de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en 2009 (encadré) et sont inclus dans les mentions légales des agents dopaminergiques. En pratique d Une information claire et détaillée devra être délivrée au patient et si possible à l’aidant principal, dès l’initiation du traitement dopaminergique. Cette information devra être relayée auprès du médecin traitant, assurant ainsi sa traçabilité. La recherche des modifications comportementales devra ensuite être systématique à chaque consultation de suivi, à l’aide d’un interrogatoire ciblé, en présence de l’aidant principal. d Chez les sujets à risque (âge jeune et antécédents d’addiction), l’initiation d’un traitement par agoniste dopaminergique et/ou l’ajustement d’un traitement antiparkinsonien (augmentation de dose) devront être réalisés prudemment en évaluant le rapport bénéfice/risque. d Dans l’idéal, les patients et l’aidant principal pourront être inclus dans un projet d’éducation thérapeutique. Le traitement La prise en charge est d’autant plus aisée que le dépistage a été précoce. Lorsqu’un TCI est identifié et qu’il retentit de manière significative sur la qualité de vie du patient, un ajustement du traitement doit être systématiquement envisagé. L’arrêt de l’agoniste dopaminergique demeure la prise en charge la plus efficace puisqu’elle s’accompagne d’une disparition des TCI dans 90 % des cas. Afin de compenser ce sevrage qui peut être source d’une aggravation motrice, les doses de L-dopa sont généralement augmentées avec une dose totale d’équivalent-dopa stable (8, 9). Dans certains cas, la réduction de l’agoniste dopaminergique ou le switch par un autre agoniste sont proposés avec des résultats inconstants et globalement décevants. En effet, une étude prospective récente réalisée chez 35 patients présentant un TCI révèle que le switch avec un autre agoniste est efficace chez 1/3 des patients alors que la réduction est satisfaisante dans seulement 10 % des cas (10). Des mesures de protection (curatelle, retrait de la carte bancaire, interdiction de casino) seront parfois 175 Le point sur… indispensables dans les cas de jeux pathologiques ou de dépenses excessives incontrôlées. L’intérêt de prescrire d’autres thérapeutiques susceptibles de réduire les TCI est parfois discuté. Toutefois, les données concernant l’amantadine (11) demeurent controversées et les inhibiteurs de recapture de la sérotonine n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Le recours aux neuroleptiques atypiques (risperdal, quétiapine, olanzapine) a parfois été proposé (12), mais il est discutable car aucun bénéfice n’est confirmé dans la seule étude contrôlée (13). Récemment, l’efficacité du valproate a été rapportée chez trois patients présentant différents TCI (14). Dans certains cas, un effet bénéfique de la cyprotérone (Androcur®) est souligné chez les hommes présentant une hypersexualité. Place de la stimulation cérébrale profonde L’existence de TCI ne constitue pas, per se, une indication à la stimulation cérébrale profonde. Cependant, l’âge jeune des patients et la coexistence de complications motrices, telles que les dyskinésies associées fréquemment au syndrome de dysrégulation dopaminergique, conduisent naturellement certains patients vers la chirurgie (15). Les résultats d’une revue récente de la littérature soulignent, néanmoins, la variabilité de l’effet de la stimulation bilatérale du noyau sous-thalamique sur les TCI (16). Dans certains cas, il est noté une amélioration (réduction ou disparition complète) qui est généralement attribuée à la réduction concomitante des agonistes dopaminergiques. Les autres mécanismes évoqués sont la réduction de la stimulation dopaminergique pulsatile (en particulier dans le syndrome de dysrégulation dopaminergique) ou un effet direct sur les projections limbiques du NST. A l’inverse, certains patients vont développer des troubles du comportement ou aggraver des TCI préexistants après l’intervention chirurgicale. Dans ce cas, l’hypothèse d’une diffusion du courant électrique à la portion limbique (plot ventral) du noyau sous-thalamique est discutée. Un ajustement des paramètres de stimulation (plot dorsal) peut permettre une résolution des troubles. complication majeure des traitements dopaminergiques dans la maladie de Parkinson. Leur prise en charge est avant tout préventive et soumise à la diffusion d’une information claire au patient et à l’aidant principal. La prescription des agonistes doit être particulièrement surveillée, sans distinction entre les différentes molécules (effet de classe), y compris dans les autres indications (syndrome des jambes sans repos, atrophie multisystématisée). n Correspondance Dr David Maltête Département de Neurologie, Centre Hospitalo-Universitaire de Rouen, Charles Nicolle 1 rue de Germont 76031 Rouen Cedex Tél. : 02 32 88 87 40 E-mail: [email protected] Mots-clés : Troubles du contrôle des impulsions, Jeu pathologique, Achats compulsifs, Hypersexualité, Troubles du comportement alimentaire, Hypomanie, Troubles obsessionnels compulsifs, Anxiété pathologique, Punding, Lévodopa, Agonistes dopa- Conclusion minergiques, Maladie de Parkinson, Les troubles du contrôle des impulsions peuvent constituer une Dysrégulation dopaminergique, Stimulation cérébrale profonde Bibliographie 1. Ceravolo R, Frosini D, Rossi C, Bonucelli U. 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