La sédation pour détresse en phase terminale
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La sédation pour détresse en phase terminale
La sédation pour détresse en phase terminale Recommandations de la Société Française d'Accompagnement et de soins palliatifs Groupe de travail "Sédation en fin de vie" : Coordonné par V. Blanchet1. Participants : R. Aubry2, J-C. Fondras3, M-T. Gatt4, J-M. Lassaunière5, T. Marmet6, M. Nectoux7, P. Papin8, S. Pourchet9, P. Thominet10, N. Sylvestre11, M-L Viallard12 Version Longue En novembre 1999, un groupe de travail s’est constitué sur l’initiative du docteur V. Blanchet sous l’égide de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (S.F.A.P), pour réfléchir à la pratique de la sédation en fin de vie. Ce groupe est constitué d’infirmières, de médecins et de psychologues travaillant en unités ou en équipes mobiles de soins palliatifs. Les participants de ce groupe ont constaté une banalisation de la sédation tant dans les pratiques en institutions qu'à domicile. Le terme de sédation vient du latin « sedare : apaiser, calmer ». Il recouvre cependant des réalités bien différentes car il est employé aussi bien pour désigner un traitement antalgique que l’induction d’un sommeil. Ce terme est aussi utilisé pour masquer une euthanasie pratiquée à l’insu du patient qualifiée d’euthanasie clandestine par le Comité Consultatif National d’Ethique dans son avis rendu en mars 2000. La fréquence de la pratique de la sédation, ses modalités, le service médical rendu et l’impact sur la morbidité et la mortalité sont insuffisamment évalués. Enfin, il faut ajouter que les différences de conception autour de ce terme entre les pays anglosaxons et les pays latins participent à cette confusion. Une clarification semblait donc nécessaire. Le groupe de travail a décidé, dans un premier temps, d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques. Il a défini le champ de son travail selon quatre questions : - 1. Qu’entend-on par sédation dans la pratique des soins palliatifs ? - 2. Quels sont les objectifs et les indications de la sédation ? - 3. Quels sont les produits utilisés, leurs durées d’action, leurs posologies, leurs modalités de prescription ? - 4. Quelles sont les modalités pratiques de la sédation et les questions éthiques associées ? La méthode de travail a consisté en une analyse de la littérature internationale, une enquête « un jour donné » sur l’état de vigilance des patients hospitalisés en unités de soins palliatifs en France, et la rédaction de recommandations. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Médecin, Equipe mobile douleur soins palliatifs, Hôpital Saint-Antoine et médecine libérale, Paris Médecin, Equipe mobile soins palliatifs, CHU Besançon Médecin, Service douleur soins palliatifs, Bourges Médecin, Equipe mobile douleur soins palliatifs, Hôpital Avicenne, Bobigny Médecin, Centre de soins palliatifs, Hôtel-Dieu, Paris Médecin, centre régional d'accompagnement et de soins palliatifs, Toulouse Infirmière clinicienne, Equipe mobile accompagnement et soins palliatifs, Argenteuil Infirmier, Unité de soins palliatifs, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif Médecin, Unité de soins palliatifs, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif 10 11 12 Infirmier, Unité mobile de soins palliatifs, Pitié-Salpétrière, Paris Docteur en psychologie, Unité de soins palliatifs, Institut Mutualiste Montsouris, Paris Médecin, Unité mobile de soins palliatifs, Vannes 1 Question 1 Comment définir la sédation dans la pratique des soins palliatifs ? Si la définition de la sédation fait l'objet d'un consensus dans des disciplines médicales telles que l'anesthésie1 et la réanimation2, il n'en est pas de même dans le domaine des soins palliatifs. Après une revue de la littérature nous définirons le champ d'application de la sédation en soins palliatifs choisi par le groupe de travail3. I. La notion de sédation en soins palliatifs dans la littérature médicale Il n’existe pas de consensus sur la définition de la sédation en soins palliatifs comme en témoigne la littérature : - “ supprimer la perception de la souffrance intolérable en faisant perdre la conscience ” (1) - “ obtenir un effet myorelaxant, en diminuant le tirage musculaire et le rythme respiratoire ” (2) - “ passer le cap d’une anxiété majeure ” (2) - “ diminuer activement la vigilance ” (3) - “ induire un sommeil artificiel qui permet au patient de perdre la conscience de sa souffrance ” (1) 1 “ La sédation est l’utilisation de médicaments visant à diminuer la vigilance du patient dans le but de : - diminuer la perception de la douleur et l’anxiété pendant un acte diagnostic ou thérapeutique - compléter une anesthésie locale ou loco-régionale. Il faut distinguer : la sédation légère, malade relaxé et calme, éventuellement coopérant et la sédation lourde, avec altération de la conscience et des réflexes de protection, notamment de la liberté des voies aériennes, qui impose une surveillance attentive ”(20). 2 "La sédation peut se définir comme l’utilisation de moyens médicamenteux ou non destinée à assurer le confort physique et psychique du patient et à faciliter les techniques de soin. Elle est donc étroitement liée à la notion de qualité de soin. Les objectifs de la sédation sont : - améliorer le confort du patient en luttant contre la douleur, l'anxiété et le manque de sommeil ; - assurer la sécurité du patient agité ainsi que celle du personnel - faciliter les soins et en garantir l’efficacité ; - optimiser les bénéfices de la ventilation mécanique en permettant l’adaptation au respirateur ; - faciliter les actes à visée diagnostique et thérapeutique de courte durée ; - réduire la réponse neuro-endocrinienne au stress dans les quelques situations où son effet délétère est établi de façon convaincante. ” (21) 3 La complexité du champ lexical concernant la conscience et la vigilance nous a conduit à donner en annexe quelques définitions des termes les plus fréquemment utilisés 2 - “ assurer un sommeil pour “ traiter ” des symptômes réfractaires aux thérapeutiques n’altérant pas la conscience ” (4). Ces symptômes sont aussi bien physiques que psychiques (5). - “ induire un état d’apaisement physique et psychique en respectant la conscience ” (6) - “ provoquer un sommeil par l’administration d’une benzodiazépine ou d’un neuroleptique, par une équipe soignante, en réponse à une demande d’un patient. La durée de ce sommeil est variable, ponctuelle ou continue, et ce sommeil est toujours associé à d’autres thérapeutiques symptomatiques. Le but unique de ce sommeil est de soulager un patient en détresse ” (1) - induire une perte de la conscience dans des circonstances très particulières de symptômes non traitables (quand toutes les interventions possibles ont échoué) ou d’angoisse non accessible aux interventions psychologiques, pharmacologiques ou spirituelles (1 ; 2 ; 6 ;7) - “ proposer une réponse à une situation de souffrance d’une équipe partagée entre son devoir d’assistance au patient, ses propres limites et son interrogation sur le bien fondé d’une telle sédation ” (8 ; 14). - "La sédation terminale devrait être distinguée de l’état d’altération progressif de la conscience qui accompagne spontanément l’évolution de la maladie vers la mort. Cette dernière résulte de l’addition des conditions métaboliques du mourir et des traitements utilisés. La sédation terminale se distingue également de la sédation survenant occasionnellement comme effet secondaire non désiré des dérivés morphiniques utilisés à forte dose dans le cadre du soulagement de douleurs sévères. La sédation terminale consiste donc en une décision explicite de provoquer l’inconscience chez un patient pour prévenir ou répondre à une quelconque situation de détresse physique incontrôlable. Le recours à la sédation terminale est également régulier en soins intensifs pour traiter les symptômes de suffocation lors de l’arrêt de la ventilation assistée chez les patients en fin de vie."4 (9) La sédation terminale est proposée comme alternative au suicide médicalement assisté chez les patients en fin de vie souffrant de symptômes sévères.5 (10). - "La sédation terminale est définie comme l'intention délibérée d'induire et de maintenir un sommeil profond, sans entraîner volontairement la mort, dans certaines situations très particulières : 1) afin d'obtenir le soulagement d'un ou de plusieurs symptômes rebelles lorsque toutes les autres interventions possibles ont échoué et que la mort du patient est pressentie comme proche, ou 2) afin de soulager une angoisse profonde (y compris spirituelle) qui n'est pas accessible au soulagement par une assistance spirituelle, un soutien psychologique ou d'autre type d'intervention et que la mort du patient est pressentie comme proche. Cette définition n'inclut pas le soulagement de la confusion mentale ni l'utilisation d'anxiolytique ou de psychotropes pour le traitement d'hallucinations, de délire paranoïaque, de myoclonies, etc... Elle n'inclue pas davantage la sédation temporaire et 4 [Terminal sedation. should be distinguished from the common occurrence of a dying patient gradually slipping into an obtuned state as death approaches ; this occurrence is a combination of the metabolic changes in dying and the results of usual therapy treatments. T.S. is also distinct from the sedation that occasionnely occurs as an unintended side effect of high dose opioid therapy, which is used to relieve severe terminal pain. In contrast, terminal sedation involves an explicit decision to render the patient uncounscious to prevent or respond to otherwise unrelievable physical distress. Terminal sedation is also used regularly in critical care practice to treat symptoms of suffocation in dying patients who are discontinuing mechanic al ventilation] 5 [T.S. has been proposed as an alternative to P.A.S. for terminally ill patients with severe symptoms.] 3 planifiée réversible."6 (11) - "La sédation est définie comme la prescription d'agents psychotropes permettant de rendre un patient inconscient afin de soulager des symptômes physiques ou psychologiques."7 (12) - La sédation est définie comme une procédure médicale destinée à pallier, chez un patient donné, les symptômes réfractaires aux traitements standards, en altérant volontairement leur conscience. Cette sédation peut être classée en : - sédation primaire : intervention thérapeutique dont le principal but est de diminuer le niveau de conscience d'un patient ; sédation secondaire : ne pas corriger la somnolence induite par les traitements palliatifs prescrits pour le soulagement des symptômes sousjacents. - sédation intermittente : permettre des période de vigilance, - sédation continue : altération de la conscience maintenue jusqu'au moment du décès. - sédation légère : autorisant une communication entre patient et soignants, - sédation profonde : c'est un état d'inconscience.8 (13;14) : - La sédation terminale est l'administration délibérée de médicaments dans le but de produire une diminution suffisamment profonde et possiblement réversible de la conscience, chez un patient dont la mort semble proche, avec l'intention de soulager un symptôme physique et ou psychologique non accessible aux autres traitements, ceci avec le consentement explicite, implicite ou par délégation, du patient.9 (15) On notera enfin que deux articles de références sur le sujet de la sédation ne proposent pas de véritable définition : CHERNY/PORTENOY (16) dans leur article sur la sédation pour symptômes réfractaires, parlent de la sédation induite par "l'utilisation de drogues choisies et administrées dans ce but"10. L'objet de l' étude de VENTAFRIDA et coll.(17) "est de préciser combien de temps avant la mort les patients décrivent une souffrance intolérable dont le soulagement n'est possible que par le recours à une sédation, ne permettant au patient de répondre qu'aux stimulis 6 [Terminal sédation is defined as the intention of deliberately inducing and maintaining deep sleep, but not deliberately causing death in very specific circumstances. These are : 1) for the relief of one or more intractable symptoms when all other possible interventions have failed and the patient is perceived to be close to death, or 2) for the relief of profoubd anguish (possibly spiritual) that is not amenable to spiritual, pasychological or other interventions, and the patient is perceived to be close to death. This definition does not include the management of delirium or the use of anxiolytix/psychotropic drugs for the management of symptoms such as hallucinations, paranoïa, myoclonus, etc. Nor does it include planned temporary sedation that is reversed.] 7 [Sedation has been defined as the prescription of psychotropic agents to control physical and psychological symptoms by making the patient unconscious.] 8 [sedation was defined as a « medical procedure to palliate patient’s symptoms refractory to standard treatment by intentionally dimming their counsciousness », which was classified into primary-secondary, intermittentcontinuous, and mild-deep categories.. […]primary sedation was a therapeutic intervention, the primary goal of which was to lower patient’s counsciousness, while secondary sedation was to allow somnolence produced by palliative treatment for underlying disconfort. Intermittent sedation was intended to achieve periods of alertness in patients, while continuous sedation was to alter patient’s counsciousness until death. Mild sedation was intended to maintain counsiousness in patients so that they could communicate with caregivers, while deep sedation led to uncounsciousness.] 9 [se entiende por sedacion terminal la administracion deliberada de farmacos para producir una disminucion suficientemente profunda y previsiblemente irreversible de la conciencia en un paciente cuya muerte se preve proxima, con la intencion de aliviar un sufrimiento fisico y/o psicologico inalcanzable con otras medidas y con el consentimiento explicito, implicito o delegado del paciente.] 10 [Induced sedation, using drugs selected and administered for this purpose] 4 extérieurs provoqués"11. II Comment le groupe de travail définit-il la sédation dans la pratique des soins palliatifs ? Parmi toutes les notions trouvées dans la littérature, le groupe de travail a fait le choix de se limiter et de ne parler que de la sédation en phase terminale. On parle de phase terminale dans l'évolution naturelle d'une maladie quand le décès est imminent et inévitable. C'est une bascule dans l'évolution de la maladie annoncée par la défaillance des grandes fonctions vitales parfois provoquée par un épisode aigu (occlusion intestinale, infection, embolie pulmonaire ... ). Schématiquement, on peut distinguer deux moment bien différents dans la phase terminale : " la phase pré-agonique" et " phase agonique". La phase pré-agonique. est provoquée par la défaillance d'une ou plusieurs des principales fonctions vitales (18). On peut donc décrire les signes neurologiques, respiratoires et cardio-vasculaires. Autrement dit, il s'agit d'un état de choc qui, sans réanimation, évolue le plus souvent vers la phase agonique et le décès. Cette phase peut être parfois réversible et relève des stratégies thérapeutiques palliative correspondantes. La phase agonique est le moment même du "mourir" marqué par l'apparition des premiers signes de décérébration (dont la disparition du réflexe cornéen) et l'altération inéluctable des fonctions régulatrices neurovégétatives. Cette phase est irréversible et aboutit à la mort (19). 1. Ce que ce n'est pas : Parmi les différents champs d’application possibles de la sédation, nous ne retenons pas le terme de sédation pour : - l’anxiolyse, - l’analgésie, - l'utilisation comme somnifère. L’analgésie, comme l’anxiolyse, peuvent et doivent être obtenues par une prise en charge thérapeutique spécifique et adaptée après une évaluation de l’ensemble des phénomènes douloureux ou anxiogènes dont souffre le patient. L'insomnie est traitée par un somnifère adapté. Pour ne pas engendrer de confusion entre des notions différentes, ni induire des risques de mauvaises interprétations du texte, le groupe n’a pas retenu ni utilisé, de façon intentionnelle les termes suivants (qui sont présentés par ordre alphabétique) : - contention pharmacologique, - déconnexion, - endormissement, - lyse, - narcose, - sommeil artificiel, - sommeil induit, 11 [To document how long before death symptoms appear that patients term unendurable and that are controlable only with sedation induced sleep, allowing the patient to respond to external stimuli only if provoked.] 5 Nous ne retenons pas davantage le terme de sédation pour désigner une pratique alternative à l'euthanasie. 2. Ce que c'est : Le groupe de travail a limité sa définition à « la sédation en phase terminale pour détresse » : La sédation en phase terminale pour détresse est la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d'une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et / ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté par le patient. Dans la pratique des soins palliatifs, les visées de la sédation peuvent être : - Une somnolence provoquée chez une personne qui reste éveillable à la parole ou tout autre stimulus simple. - Une perte de conscience provoquée qui peut se décliner en : . Coma provoqué transitoire, (sédation intermittente) . Coma provoqué non transitoire (sédation prolongée). 6 Glossaire - La conscience d'un point de vue neurologique, est la connaissance que tout individu normal a de la réalité extérieure, du temps qui s’écoule, de son propre corps, de ses actions et de sa vie mentale, qu’elle concerne les activités intellectuelles ou l’affectivité. La conscience implique : - la vigilance qui permet l’attention et dont le substratum anatomo-physiologique est le système réticulé activateur ascendant, - un fonctionnement sensori-moteur normal qui permet d’appréhender l’espace extra corporel (vision, audition, sensibilité extéroceptive) et l’espace corporel (sensibilités proprioceptive et intéroceptive) - l’introspection qui informe l’individu de ses pensées, de ses sentiments, de ses émotions ; elle est cependant éminemment subjective et ne peut accéder aux phénomènes inconscients qui s’expriment dans le comportement et le rêve. La conscience subit des variations physiologiques au cours des émotions et lors du sommeil ; elle est l’objet de profondes perturbations transitoires ou permanentes, au cours de différents états pathologiques comme la confusion mentale, le coma, la démence . - Le sommeil est un état physiologique, qui alterne avec l’état de veille et se caractérise par une dissolution de la conscience, avec hypotonie musculaire, ralentissement des fonctions végétatives et activité onirique. Il se distingue du coma par la possibilité d’un certain degré d’intégration sensorielle et les facilités du réveil. - Analgésie : abolition de la sensibilité à la douleur. - Le coma est un état de conscience altéré. Il est caractérisé par la perte des fonctions de relations. Le sujet n’a pas de réponse psychologiquement compréhensible aux stimulations externes ou aux besoins internes. Le sujet n’a pas de mouvements dirigés de façon précise vers les stimulations nociceptives et n’émet aucun mouvement compréhensible. - La somnolence : est une tendance à l’endormissement spontané en l’absence de toute stimulation. - L’anxiolyse est l’apaisement de l’anxiété. L’anxiété est un état de désarroi psychique ressenti en face d’une situation et s’accompagnant d’un sentiment d’insécurité. - Détresse : « Sentiment d’abandon, de solitude profonde. Situation critique dangereuse. Défaillance aiguë et grave d’une fonction vitale ». - Sédation : de sedare, calmer, apaiser : apaisement d'une douleur physique ou morale, d'un état anxieux. - Euthanasie : L'acte d'un tiers qui met délibérément fin à la vie d'une personne dans l'intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable. Références bibliographiques (1) Girardier J, Beal JL, Alavoine V. Les situations extrêmes en soins palliatifs. Info Kara 1995; 38:35-45. 7 (2) Richard MS. Faire dormir les malades. 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(17) Ventafridda V, Ripamonti C, De Conno F, Tamburini M, Cassileth BR. Symptom prevalence and control during cancer patients' last days of life. J Palliat Care 1990; 6(3):7-11. (18) Blanchet V. Soins palliatifs : réflexions et pratiques. Paris: Formation et développement, 2001. (19) Bichat X. Recherche Physiologique sur la vie et la mort. 5ème ed. Paris: Brosson,Gabon et Cie, 1800. (20) Viel E, Eledjam JJ. La sédation : définitions et principaux agents pharmacologiques. Cahiers d'anesthésiologie 1995; 43(2):107-112. 8 (21) ANDEM. Conférence de consensus sur la sédation en réanimation, concept et pratique. 1993. Question 2 Quelles sont les indications de la sédation en phase terminale ? I. Analyse de la littérature médicale Les articles étudiés et référencés sont pour une partie d’entre eux anciens et très majoritairement anglo-saxons. 1. Les décisions de sédation en fin de vie. 1.1 La sédation comme réponse aux symptômes réfractaires et intolérables Les symptômes réfractaires recensés dans la littérature donnant lieu à une indication de sédation en phase terminale sont les suivants : - douleurs (1-15) - détresse respiratoire (2;6-10;13;14;16;17) - états d’anxiété et d’angoisse (1-3;7;9;12;13;15;18;19) - états d’agitation (1;2;5;7;10;11;14;18;20;21) - états confusionnels (délirium) (2;5-7;9;11;14;22;23) - états de panique (2) - nausées et les vomissements (2;6;10;14) - myoclonies, les mouvements anormaux, les convulsions (2;7;9;14;24) - troubles du sommeil (1;7;15;25) - hémorragies foudroyantes (7;8;18;26;27) 1.2 La sédation comme réponse à une détresse émotionnelle, psychologique, spirituelle Dans quelques articles la sédation est proposée dans des états de détresse « réfractaire » (2;3;6;8;13;28;29) 1.3 La sédation comme réponse à des actes de soins générateurs d'inconfort ou de symptômes intolérables Lors de la réalisation de mobilisations chez les malades en fin de vie, lors de toilettes, lors de pansements, les douleurs et l’inconfort générés peuvent amener à poser l’indication d’une sédation temporaire et transitoires (1;3;7) De même, l’adaptation au respirateur en réanimation peut amener à mettre en œuvre une sédation (12) 1.4 La sédation comme réponse à l’agitation du patient pour sa sécurité et celle des soignants Un article (1) mentionne cette circonstance comme indication de sédation en fin de vie 1.5 La sédation proposée comme prévention d’une détresse potentielle : La principale situation mentionnée dans la littérature pouvant faire l’objet d’une « sédation préventive » est l’arrêt volontaire de l’hydratation et de la nutrition (19;31-35). Dans ce registre d’indication on trouve aussi, le refus de l’assistance respiratoire (30) et l’arrêt de dialyse (19). Chez un patient lucide, les médications sédatives bien utilisées, dans le cadre de la prévention d’une détresse potentielle, ne semblent pas hâter pas la fin de vie (30;31) 9 1.6. La sédation comme prévention d’une détresse potentielle liée à une décision médicale : Parfois la décision d’arrêt de thérapeutiques de maintien en vie comme la ventilation artificielle ou la dialyse (19) s’accompagne de la mise en œuvre d’une sédation. 1.7. La sédation comme réponse à un manque de connaissance, à une incompétence : Deux articles relatent que le manque de connaissances dans l’utilisation des antalgiques (30) ou la difficulté dans l’évaluation et le traitement de symptômes multiples et évolutifs de fin de vie (36) peuvent amener à poser l’indication d’une sédation. 1.8. La sédation comme réponse à une détresse émotionnelle, psychologique, spirituelle des soignants Un auteur (37) aborde le positionnement éthique et la difficulté de collaboration de l’équipe mobile avec les équipes soignantes. 1.9. La sédation comme réponse à une demande d’euthanasie/suicide assisté Certains articles discutent la sédation comme pouvant participer à une démarche d’euthanasie (31;34;38-41) ou de suicide assisté (31;33-35;41) 2 Questions posées lors de la prise de décision d’une sédation en fin de vie Les auteurs discutent un certain nombre de questions relatives à la prise de décision de la sédation : - La sédation est-elle une euthanasie ? (6;31;42-44) - La sédation accélère -t-elle la fin de vie ? (14) - La théorie du double effet justifie-t-elle à elle seule, l’indication et le maintien de la sédation ? (3;11;16;17;29;43;45-49) - A quelle éthique la sédation répond-elle ? (46;50) - La sédation peut-elle être indiquée en prévention d’une détresse potentielle ? (51;52) - Sur quels critères une souffrance est-elle déclarée réfractaire ? (28) II. Indications de la sédation proposées par le groupe de travail A partir de la revue de la littérature, le groupe de travail a hiérarchisé différentes situations. 1. Complications aiguës à risque vital immédiat, facilement identifiables : - Hémorragies cataclysmiques notamment extériorisées (sphère ORL, pulmonaire et digestive). Détresses respiratoires asphyxiques (sensation de mort imminente par étouffement avec réaction de panique). La sédation a pour but de soulager la personne malade de la pénibilité et l'effroi générés par ces situations. En phase terminale, la sédation est alors un geste d'urgence pouvant influer sur le moment de la mort (précipiter ou retarder…). Le médecin prescripteur assume la responsabilité de 10 cette décision avec la part d'incertitude qu'elle comporte. Dans la mesure du possible la prescription de la sédation doit être une prescription anticipée. 2. Symptômes réfractaires, vécus comme insupportables par le patient. En se référant à la définition de CHERNY et PORTENOY (3), le groupe propose de définir par symptôme réfractaire tout symptôme dont la perception est insupportable et qui ne peut être soulagé en dépit des efforts obstinés pour trouver un protocole thérapeutique adapté sans compromettre la conscience du patient. Il n'est pas souhaitable d'énumérer une liste exhaustive de symptômes : le caractère "réfractaire" et la pénibilité pour la personne malade plus que le symptôme en lui-même justifient la sédation. III. Les situations singulières et complexes dont la réponse ne peut se réduire au seul domaine médical sortent du domaine des indications. Elles s’inscrivent dans un contexte de détresse persistante, vécue comme insupportable par le patient, comportant parfois une demande d’euthanasie. Elles ne peuvent s'envisager en terme de "maîtrise" au sens médical du terme. Parfois résumées par le terme de "souffrance existentielle", elles ne peuvent constituer en tant que telle une « indication » à la sédation. La prise en compte de ce type de souffrance ne peut être réduite à une prise en charge médicale ou pharmacologique. Le défi pour les soignants est plutôt de repérer, à l’intérieur d’une telle souffrance, ce qui peut faire objet de soin. Chaque situation ne peut donc être analysée que dans sa singularité. Leur complexité nécessite un questionnement au cas par cas. L’élaboration de la décision impose d'être particulièrement rigoureux dans "modalités pratiques de la mise en œuvre de la sédation" proposées ci-après par le groupe. Elle repose sur une analyse de la situation non seulement à un niveau médical mais également légal et humain. Cette élaboration doit être renouvelée dans le temps, en fonction de l’évolution. Références Bibliographiques (1) ANDEM. Conférence de consensus sur la sédation en réanimation, concept et pratique. 1993. 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Les médicaments anesthésiques intraveineux Les anesthésiques intraveineux dépriment le système nerveux central (par l’activation du système “GABA-ergique”, système inhibiteur principal du cerveau des mammifères), et provoquent l’inconscience (2). Leur puissance hypnotique permet de diminuer la vigilance de façon suffisante pour neutraliser les réactions à un stimulus agresseur, le plus souvent nociceptif. 1. 1. Le Propofol 1.1.1. Rappels pharmacologiques DCI Propofol Nom Commercial DIPRIVAN® Propriétés Liposoluble. Demi-vie courte. Courte durée d’action (5 min). Clairance rapide. Diminue nausées et vomissements. Effets indésirables Dépression respiratoire. Dépression cardiovasculaire si, pathologie cardiovasculaire sous-jacente. Remarques Voie IV exclusive Douleur au point d’injection. Volume important à administrer. Coût élevé. 1.1.2. Utilisation du propofol en soins palliatifs. Dans la pratique palliative, l'usage du propofol reste marginal (3-6). Trois indications sont proposées : - le traitement des syndromes d’agitation terminale où le propofol permet l’obtention d’un niveau de sédation très équilibré dans le temps. S. MERCADANTE. et coll. (3) n'hésitent pas à parler “d’agent idéal ”. - la sédation lors des procédures pénibles (soins douloureux, mobilisation difficile) compte tenu de sa courte durée d’action et de sa totale réversibilité. - en remplacement d'associations médicamenteuses lorsque l'obtention d'une efficacité symptomatique nécessite le recours à des posologies très élevées. 15 1. 2. Les barbituriques 1.2.1. Rappels pharmacologiques. DCI Méthohexital, Nom Commercial Brietal® Thiopental Nesdonal® 1.2.2. Propriétés Liposolubles. Redistribution secondaire à partir des graisses. Métabolites inactifs. Anticonvulsivants . Effets indésirables Dépression respiratoire et cardiovasculaire en fonction de la dose et de la vitesse d’injection. Remarques Voie IV exclusive. Toxicité cutanée, si extravasation. Utilisation en soins palliatifs. L' utilisation des barbituriques est proposée pour des sédations de courte durée (thiopental) ou pour des sédations prolongées (perfusions continues de méthohexital ou de thiopental). Leur administration ne peut se réaliser que par voie intraveineuse (nécroses graves en cas d'extravasation péri vasculaire) à l'exception du phénobarbital (Gardenal ®) qui peut être administré par voie sous-cutanée. Cependant, sa très longue durée d’action n'en fait pas le meilleur candidat pour la sédation (7-9). Il n'existe pas de doses maximales recommandées. La dose optimale est déterminée en fonction du contrôle des symptômes et de la tolérance aux effets secondaires. TRUOG (8) insiste sur la nécessité d'adapter les posologies en tenant compte du développement rapide d'une tolérance croisée avec les autres sédatifs déjà reçus antérieurement. La réversibilité potentielle du coma est souvent aléatoire en raison du relargage secondaire des drogues à partir des tissus graisseux de l’organisme. Cette propriété rend nécessaire des techniques de titration particulières relevant de la spécialité d'anesthésie. 2. Les neuroleptiques. 2.1. Rappels pharmacologiques. DCI Halopéridol, Chlorpromazine, Lévomépromazine Loxapine Nom Commercial Haldol® Largactil®, Nozinan® Loxapac® Propriétés Antiémétiques. Antagonistes dopaminergiques et sérotoninergiques . Agoniste 1 et 2 Effets indésirables Anticholinergique s. Hypotenseur. Dyskinésies. Remarques Chlorpromazine irritante par voie SC. 2. 2. Utilisation en soins palliatifs. Les neuroleptiques cités dans la littérature des soins palliatifs sont au nombre de quatre : - l’halopéridol neuroleptique de référence, est une butyrophénone. Il est peu sédatif (10). - la chlorpromazine et la levomépromazine sont des phénothiazines aux propriétés plus sédatives. 16 - le déhydrobenzpéridol, neuroleptique "de l’urgence", est indiqué dans le traitement des grandes agitations psychomotrices. En pratique palliative, la levomépromazine et la chlorpromazine sont recommandées dans les états de delirium et d’angoisse (11), symptômes très fréquents dans les syndromes d’agitation terminale (12;13). Tous deux sont conseillés dans les “symptômes sévères où une sédation est nécessaire” (10). Les auteurs préconisent une administration continue, généralement par voie sous-cutanée, sauf pour la chlorpromazine, sans recommandation de posologie (10;13). Les neuroleptiques ont de nombreux effets indésirables. - diminution du seuil épileptogène dans les situations où des désordres métaboliques préexistent (3;14) pouvant en justifier l'arrêt (14). - effets anticholinergiques et cardio-vasculaires surtout pour les phénothiazines : tachycardie et hypotension - notamment orthostatique - sécheresse buccale, troubles de l’accommodation visuelle, sudation profuse, rétention vésicale et constipation. STIEFEL recommande de préférence l'utilisation de l’halopéridol pour le traitement des syndromes confusionnels aigus, l’estimant plus sûr même chez les personnes âgées du fait de ses effets anticholinergiques et cardio-vasculaires moindres, d’une sédation et d’un delirium moins probables et de sa durée d’action inférieure. (10) 3. Les Benzodiazépines. I 3. 1. Rappels pharmacologiques : II Les benzodiazépines présentent cinq types d’effet : - anxiolytique : rapide, quasi-immédiat, - sédatif : en fonction de la molécule puis dose dépendant, - anticonvulsivant, - myorelaxant, - amnésiant. Le midazolam (Hypnovel ®) benzodiazépine à l’effet amnésiant le plus marqué et le plus reproductible, empêche l’enregistrement et le stockage de nouvelles données, mais maintient possible l’évocation des souvenirs anciens. Le diazépam (Valium ®) altère de façon moins importante la mémoire à court terme, mais perturbe davantage la mémoire des souvenirs. Le lorazépam (Temesta ®), entraîne une amnésie antérograde qui dure jusque six heures après son injection contre une durée de vingt à trente minutes seulement après l’injection de midazolam ou de diazépam (15). Le clorazepate (Tranxène®) est fréquemment utilisé pour son fort pouvoir anxiolytique. Il a une longue durée d'action (demi-vie d'élimination 40h) et il est métabolisé en un métabolite actif, l’oxazépam (Séresta® ). Leurs principaux effets secondaires sont : - dépression respiratoire et cardio-vasculaire sévère en cas d'association à d’autres médications sédatives (agents hypnotiques ou analgésiques). - tolérance lors d’un usage prolongé, - sevrage à l’arrêt brutal - donnés seuls ils peuvent augmenter la perception de la douleur et être ainsi paradoxalement hyperalgésiants (15), 17 - état d’excitation paradoxale associant angoisse, agitation et délire d’autant plus qu’un traitement antalgique n’a pas été instauré auparavant (15). Les benzodiazépines disposent d’un antagoniste spécifique : le flumazénil (Anexate ®) (16). Les benzodiazépines, à l’exclusion du flunitrazépam et du midazolam, sont liposolubles ce qui rend impossible leur administration sous-cutanée. Les autres voies d’administration demeurent irritantes. En voie intraveineuse, majoration du risque de phlébite ; en voie intramusculaire, douleur à l’injection. La voie rectale a tout son intérêt, en particulier dans le contexte des soins palliatifs au domicile (10;13;17;18). Produit Clorazépate Lorazépam Flunitrazépazm Diazépam Midazolam PrésentationPosologie Tranxene Témesta Narcozep Valium Hypnovel : Propriétés Effets indésirables Remarques Hydrosolubles, Compatibilité physicochimiques avec la morphine. Titration individuelle Métabolite actif pour clorazépate et diazépam : Dépression respiratoire par voie IV Antagonisés par Anexate 3. 2. Utilisation en soins palliatifs. Si l’emploi du termazépam (Normison ®) (13) et du lorazépam (19) s’est toujours révélé extrêmement marginal, le diazépam en revanche a été la benzodiazépine de choix jusqu’à la commercialisation du midazolam. L'utilisation du midazolam en soins terminaux a été mentionnée pour la première fois en 1988 par DE SOUSA (12). Si certaines études rétrospectives mentionnent des doses comprises entre 10 et 360 mg/j, les posologies moyennes semblant habituellement administrées sont de 25 mg/j ou 0,2 à 4 mg/kg/j. Une grande variabilité individuelle pour une même dose a été constaté par les différents auteurs. LASSAUNIERE (20) signale le maintien d’un état de vigilance compatible avec la vie de relation dans de nombreux cas. Les facteurs influençant cette variabilité sont : l’âge, le poids, l’état critique du patient (21), les pathologies préexistantes (hépatique, rénale et respiratoire), la rapidité du métabolisme et la sensibilité individuelle et enfin l’interaction avec d’autres médications, comme les dépresseurs du système nerveux central, les opiacés, la cimétidine (Tagamet ®) (22). Les avantages du midazolam sont nombreux : - La somnolence induite est de courte durée, même si elle s’installe lentement et qu'elle est suivie d'une phase de sédation résiduelle (23). Une titration est ainsi facilement réalisable. - multiplicité des voies d'administration : intramusculaire, intraveineuse, intrarectale et sous-cutanée du fait de son hydrosolubilité, avec une bonne tolérance locale : absence de douleur à l'injection, fréquence moyenne de changement du site de perfusion de quatre jours (10). - compatibilité physico-chimique avec les autres médications usuelles en soins palliatifs. 18 Le principal effet indésirable est le risque de survenue d'une dépression respiratoire et cardio-vasculaire. Ce risque existant dans les cas d’une injection IV ou IM. (22) est considérablement diminué lors de l'administration sous-cutanée (14). Dans le cadre d'une sédation, l’encombrement bronchique progressif représente un risque indéniable (diminution du réflexe de toux) (20). Les principaux inconvénients du midazolam résident dans son coût supérieur aux autres benzodiazépines (14) et la faible concentration de ses présentations conduisant à perfuser des volumes importants en sous-cutané (10;12;14;19). Le flunitrazépam est également utilisé en soins palliatifs pour son pouvoir hypnotique (24). SMALES et SAUNDERS, STEFFENS sont les seuls à mentionner son emploi préférentiel par rapport au midazolam, à la dose moyenne de 2 mg/h. Ils mettent en avant sa simplicité, sa maniabilité et sa compatibilité physico-chimique avec les autres médications fréquemment utilisées en soins palliatifs (25;26). A l'inverse, GIRARDIER souligne que la très longue durée d’action (demi-vie de 6 à 10 h) constitue un inconvénient majeur (27). Cette dernière caractéristique est due à l’action prolongée des métabolites actifs, même après l’arrêt du traitement (26). II. L'agent sédatif idéal existe-t-il ? Afin d’aider le praticien à sélectionner la médication “idéale” pour la sédation, nous proposons avec CHERNY et PORTENOY (1) une discussion autour des critères suivants : 1. La maniabilité et la réversibilité. Une substance maniable est d’action rapide et de courte durée. Elle ne présente pas de phénomène d’accumulation. Ces propriétés permettent un ajustement très fin et rapide de l’effet thérapeutique et assurent une bonne réversibilité. La souplesse dans la maniabilité participe à l’administration de la dose “juste adéquate”. Les médications pouvant répondre à ce critère sont : le propofol, puis le midazolam. Viennent ensuite de manière plus controversée : le thiopental, le lorazépam et le flunitrazépam (26). 2. La marge de sécurité thérapeutique La marge de sécurité thérapeutique est l’éventail plus ou moins étendu des posologies disponibles avant d’arriver à des doses potentiellement toxiques pour le patient (rapport effets bénéfiques / effets toxiques). En ce qui concerne les benzodiazépines, et dans une moindre mesure, le propofol cette marge est importante. En revanche, pour les barbituriques la marge de manœuvre s’avère nettement plus limitée et exige des précautions d’emploi, entre les mains d'un spécialiste. 3. La facilité d’emploi La facilité d’emploi d’une médication dépend de sa voie d’administration et de son mode de présentation (importance des volumes administrés et compatibilité physico-chimique). - voie sous-cutanée continue : 19 elle paraît la plus adéquate pour la réalisation de la sédation chez les patients. Ceci implique une bonne tolérance du produit au site d’injection, excluant le propofol et le thiopental, tous deux à administrer exclusivement par voie intraveineuse. - compatibilité de la mise en solution avec d’autres médicaments utilisés en soins palliatifs (morphine, scopolamine, autres psychotropes). C'est le cas du midazolam et du flunitrazépam. - importance des volumes à perfuser. Certains auteurs signalent cet inconvénient en ce qui concerne le propofol et le midazolam (4;14;19). 4. Le coût Le propofol est une substance très coûteuse. AMESBURY et al. signalent un coût équivalent du midazolam et du méthotriméprazine en soins palliatifs à domicile (19). Ainsi le coût par jour pour un malade de 70kg pour une perfusion continue de 24 h, pour le propofol est 15 fois celui du midazolam ou du Thiopental. 5. En conclusion. Le propofol serait l’agent sédatif de choix étant donné sa souplesse et son adaptabilité. Du fait de sa très courte curée d’action, il permet une profondeur de sommeil contrôlable de minute en minute (4). Néanmoins, au terme de notre discussion, le propofol présente des inconvénients (voie d’administration, mise à disposition, compétence des utilisateurs et coût) pour une utilisation chez les malades en phase terminale. Compte tenu des critères mis en évidence précédemment, le midazolam apparaît à ce jour comme le médicament le plus avantageux. III. Les recommandations du groupe de travail. 1. Le médicament de choix pour la sédation en phase terminale pour détresse : le midazolam. Le midazolam par : - sa demi-vie courte (2 à 4 h), - son effet sédatif dose-dépendant (20 à 60 minutes selon la posologie de 0,05 à 0,15 mg/kg), - son caractère hydrosoluble permettant des voies d'administration variées, - ses caractéristiques communes aux benzodiazépines (anxiolytique, hypnotique, amnésiant et myorelaxant) répond aux quatre critères d'exigence : maniabilité et réversibilité, marge de sécurité thérapeutique, facilité d’emploi, moindre coût. On fera une titration individuelle des doses nécessaires à l’induction et au maintien de la sédation en phase terminale. 20 2. Discussion des autres médicaments 2.1. Le propofol Médicament "idéal" en anesthésie, le propofol pose de nombreux problèmes d'utilisation dans le cadre des soins palliatifs : - obligation d’un accès intraveineux, de préférence central, - importance des volumes à administrer qui nécessite des manipulations fréquentes lors des perfusions continues. - dépression respiratoire (apnée à l'induction, de durée brève mais fortement allongée en cas de co-prescription d'autres dépresseurs) et cardio-circulatoires (chute de la pression artérielle varie de 16 à 30 %) - coût élevé, à corréler aux délais de péremption. Le solvant lipidique du propofol constitue un milieu de culture favorable au développement des germes. Les solutions doivent être conservées un maximum de douze heures après ouverture des ampoules. Son utilisation ne se conçoit que dans des mains expertes. 2.2. Les barbituriques Les études qui rapportent l’emploi des barbituriques sont anciennes et comparaient barbituriques aux benzodiazépines à longue durée d’action et à réversibilité aléatoire. 2.3. Les neuroleptiques Si les neuroleptiques gardent probablement une indication spécifique pour les syndromes d’agitation terminale, ils se voient progressivement remplacés par les benzodiazépines, surtout depuis l’avènement du midazolam. Cette perte de faveur s’explique par l’importance de leurs effets secondaires. Références bibliographiques (1) Cherny NI, Portenoy RK. Sedation in the management of refractory symptoms: guidelines for evaluation and treatment. J Palliat Care 1994; 10(2):31-38. (2) Park GR, Gempeler F. Sedation and analgesia. London: Sauders Company, 1993. (3) Mercadante S, De Conno F, Ripamonti C. Propofol in terminal care. J Pain Symptom Manage 1995; 10(8):639-642. (4) Moyle J. The use of propofol in palliative medicine. J Pain Symptom Manage 1995; 10(8): 643-646. (5) Notcutt W. 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Proceedings of the international Symposium, Darmstadt (oct, 28-29th 1983). Bâle: Editions Roche, 1986. (27) Girardier J, Beal JL, Alavoine V. Les situations extrêmes en soins palliatifs. Info Kara 1995; 38:35-45. 23 Question 4 Quelles sont les modalités pratiques de la sédation en phase terminale ? I. Lecture critique de la littérature A la lecture de la littérature on peut isoler un certains nombres de thèmes que nous avons classés par ordre chronologique. 1. Les étapes de la mise en œuvre. 1.1. Les préalables. Avant toute décision d’une sédation, la plupart des auteurs insistent sur : 1.1.1. La connaissance du stade évolutif de la maladie : Celui-ci doit être documenté. MORITA (1) propose l’utilisation d’index pronostiques. La sédation serait à réserver à des patients en phase avancée ou terminale de leur maladie, moment où la proximité de la mort rend prioritaire le seul traitement symptomatique (2-7). Cette précaution est particulièrement importante si on envisage de recourir à une sédation pour une souffrance dite existentielle. 1.1.2. La présence de symptômes ou situations « extrêmes » (3), « insupportables » (4), « dramatiques » (1;5), ou « réfractaires » (6). 1.1.3. L’expérience des équipes : D'après CHATER (5) plus la décision de "sédater" un patient a semblé facile aux soignants plus les équipes rapportent un nombre important de patient sédatés dans l’année écoulée. Il faut donc insister sur : - la formation, la compétence en soins palliatifs des équipes soignantes(8), - la possibilité de verbaliser le vécu soignant d’une sédation au sein de groupes de parole(3), en particulier pour les infirmières(9). 1.1.4. La nécessité de clarifier les intentions de l’équipe (2). 1.1.5. L’existence d'une relation qui s'est élaborée au cours du temps entre le patient et l’équipe (1-3). 1.2. L'information. 1.2.1. Du patient La décision d’une sédation passe par l’information et le "consentement éclairé" du patient. Il s’agit là d’un impératif éthique (3) qui peut trouver une limite en cas d’absence de lucidité des patients. Envisager avec le patient les risques évolutifs éventuels de la maladie permet d'informer de la possibilité de sédation (3). 24 La personne qui informe doit aborder la situation clinique, les alternatives thérapeutiques, les limites du soin et les risques encourus (1;2;4), respectant ainsi le droit du patient à choisir parmi plusieurs options thérapeutiques (6). CHATER (5) dans une enquête multicentrique et internationale rapporte que 55% des patients hospitalisés en unité de soins palliatifs sont impliqués dans la décision alors que 22% ne le sont pas du tout. Informés, certains patients préfèrent attendre mais sont rassurés par la possibilité d'être soulagés par une sédation si leur état le nécessitait. En effet, un symptôme impressionnant n’est pas forcément insupportable : ce qu’en dit le patient doit guider la décision (3). 1.2.2. l’information de la famille L’anticipation d’une sédation permet une information de meilleure qualité (3) et permet de s’assurer du niveau de compréhension (2). Dans le cas de patients ne pouvant décider pour eux-mêmes (3), c’est, au-delà de l’information, le consentement de la famille qui peut être recherché (1). Remarquons avec CHATER (5) que 69% des familles sont fortement impliquées dans la prise de décision d’une sédation. 4 % ne le sont pas du tout. Enfin, notons que les familles vont « préférer » le soulagement au prix d’une sédation bien plus fréquemment que ne le font les patients eux-mêmes (2). 1.3. Le consensus L’anticipation d’une sédation permet également d'en discuter en équipe (3). Un temps de clarification des intentions et des conflits dans l’équipe est nécessaire (1). L’implication des soignants dans la décision d’une sédation est majeure dans 88% des cas (5). Remarquons cependant que le consensus n’est pas une garantie du bien fondé de la sédation : “ le premier risque serait de penser qu’un consensus obtenu après débat dans une équipe tient lieu de garantie morale et résout la question éthique : rien ne dit en effet qu’une opinion majoritaire ou consensuelle garantirait mieux le respect de la personne malade…Il importe seulement que dans les équipes pluridisciplinaires le débat puisse avoir lieu, occasion non pas de prendre toutes les décisions à plusieurs mais de permettre aux soignants de donner un sens aux décisions qui seront finalement prises ” (10). 2. Mise en œuvre 2.1. Le choix des drogues et leur utilisation Le choix des drogues sédatives repose sur la bonne connaissance des drogues utilisables, sur l’indication de la sédation et sur les drogues préalablement utilisées (11). Après avoir vérifié la présence d’une voie d’abord disponible et l’accessibilité des produits (3) des prescriptions anticipées peuvent être rédigées par les médecins. Leurs existences doivent être connues des soignants (3;12). Le choix des médicaments semble souvent empirique (6) ou repose sur des habitudes de prescriptions. La monothérapie sédative est le plus souvent préconisée en première intention : 25 - benzodiazépines pour les patients présentant une dépression réfractaire, une anxiété ou une détresse existentielle rebelle (6), une anxiété en fin de vie (13;14) neuroleptiques (halopéridol, methotrimeprazine, chlorpromazine) pour une agitation, une confusion (6;15). Une bithérapie peut s’avérer nécessaire pour augmenter l’efficacité de la sédation. Il est alors préconisé d’associer un sédatif de classe différente. La titration est privilégiée en première intention pour obtenir une sédation, avant de passer à une dose d’entretien (6). Lorsqu’il y a une indication de sédation le midazolam qui est le plus fréquemment cité (en continu, après dose de charge IV ou SC, titré jusqu’à efficacité) (2;12;15). Dans l’expérience de MORITA (2), l’Halopéridol utilisé seul est inefficace dans la moitié des cas et l’augmentation des morphiniques est peu satisfaisante en raison de la majoration des effets secondaires. Cette remarque est également faite par CHERNY et PORTENOY (6) : l’escalade des doses d’un opioïde préalablement utilisé pour douleur ou dyspnée dans le but d'une sédation, pour justifiée qu'elle puisse apparaître à ces auteurs, est responsable d' effets paradoxaux ou secondaires rendant préférable l’ajout d’un second agent. 2.2. Choix de la voie d'administration Le choix de la voie d’administration dépend de la rapidité de l’effet recherché. Elle dépend du type de dispositif disponible chez le patient ou de la possibilité de mettre en place : citons par exemple le cas des sédations auto-contrôlées par le patient (16). Notons à nouveau la supériorité du midazolam dans l’urgence par la multiplicité des voies d’administrations qu’elle offre, la rapidité d’action, la rendant accessible à l’entourage familial. La dose d’entretien peut être administrée de façon continue ou discontinue, intraveineuse, sous-cutanée ou intrarectale, selon les cas par une stomie : les interdoses doivent être prévues (6). 3. La surveillance d'une sédation 3.1. En anesthésie Elle nécessite un monitorage soigneux (6;14;15;15) : - une surveillance clinique des paramètres vitaux (tension artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, oxymétrie de pouls). - une surveillance de l’effet thérapeutique permettant l’adéquation la plus fine possible entre les objectifs thérapeutiques et le niveau de sédation constaté. - la poursuite de l’évaluation précise de la douleur et des autres symptômes (6;15;17). En l’absence de tout paramètre objectif l’évaluation requiert l'utilisation d'échelles pour évaluer le degré de sédation chez des patients en état critique : The Ramsay Sedation Score (18), The Addenbrooke’s Sedation Score, The Cambridge Sedation Score, The Newcastle Sedation Score, la plus complète (19). 26 stade 1 stade 2 stade 3 stade 4 stade 5 stade 6 L’échelle de Ramsay (18) patient anxieux et agité patient coopérant, orienté et tranquille patient répondant seulement à la commande patient répondant vivement à la stimulation de la glabelle (espace compris entre les deux sourcils) ou par une stimulation auditive intense patient répondant faiblement à la stimulation de la glabelle ou par une stimulation auditive intense aucune réponse à la stimulation de la glabelle. L’échelle développée par J. F. BION (20) - The Bion Sedation Score - est tridimensionnelle et comporte trois échelles visuelles analogiques (E.V.A.) évaluant respectivement la sédation (de l’état d’éveil à la narcose profonde), la détresse (de l’état de calme à l’agitation) et le statut cognitif (patient orienté dans le temps et l’espace ou patient incohérent). Cette échelle présente l’avantage d’évaluer l’état de la vigilance de manière à former un triangle, elle permet une représentation graphique de l’évaluation aisément comparable aux mesures antérieures. La figure n° 1 donne ainsi un exemple de deux mesures superposées, à des temps d’évaluation différents. L’amélioration du statut de vigilance du patient se marque par l’accroissement de la surface du triangle. Echelle d’évaluation de la sédation selon J. F. BION (20) CALME ORIENTE VIGILE L’ échelle d’évaluation de Rudkin, issue de la pratique anesthésiologique, est utilisée dans les études comparatives de plusieurs agents sédatifs administrés via un dispositif autocontrôlé par le patient lors des anxiolyses peropératoires (1;21). Échelle d’évaluation de la sédation selon RUDKIN (21) 1 2 3 Patient complètement éveillé et orienté Patient somnolent Patient avec les yeux fermés, mais répondant à l’appel 4 Patient avec les yeux fermés, mais répondant à une stimulation tactile légère, (traction sur le lobe de l’oreille) Patient avec les yeux fermés et ne répondant pas à une stimulation tactile légère. 5 3.2. La surveillance d'une sédation en soins palliatifs. 27 3.2. 1 Généralités. Peu d'auteurs rapportent un protocole précis de surveillance de la sédation, en dehors de considérations générales : - "monitorage quotidien des activités physiques et mentales" (1;4), "la surveillance d’une sédation requiert une plus grande attention clinique" (6), "nécessite la présence, auprès du malade, d’un clinicien" (13). La place des techniques de monitorage utilisées en anesthésie étant rarement abordée, on peut se demander si les effets indésirables sont réellement rares ou s'ils restent plutôt non détectés. L’évaluation de la profondeur de la sédation (échelles de vigilance) est exceptionnelle et rares sont les considérations sur l’évaluation de l’efficacité de la technique : la sédation soulage -t-elle effectivement le patient dans la situation qui a conduit à sa prescription ? Sur un plan éthique, la surveillance du patient sous sédation nous invite à plusieurs considérations (22) : Le principe de proportionnalité postule que les bénéfices attendus d’une technique doivent contrebalancer les charges physiques et psychologiques (étapes diagnostique, thérapeutique ou de surveillance) pour le patient voire son entourage. En médecine, le respect de la vie et la protection de la santé du patient est un des principes fondamentaux. L’art de l’anesthésiste-réanimateur consiste à protéger le patient de l’agression chirurgicale en induisant un état comportant un risque vital important. C’est pour cette raison que le patient doit bénéficier des mesures de soutien (ventilation assistée,...) et des mesures de surveillance qui lui sont afférentes. La sédation en soins palliatifs fait prendre un risque au patient ; mais contrairement à ce qui se passe en anesthésie, le principe de la préservation de la santé et de la vie est substitué à l’exigence du confort. Cela remet en question la pertinence d’un dispositif technique de surveillance des effets secondaires et celle de sa finalité. Dans le cas d’une décision d’abstention thérapeutique par exemple, la surveillance des effets secondaires des drogues sédatives par des moyens lourds perdrait tout son sens. Il apparaît donc indispensable d’avoir pu discuter avec le malade et ses proches de la conduite à tenir en cas de complications lorsqu’une sédation est envisagée. En revanche, une surveillance de l’effet thérapeutique devrait être proposée au minimum, permettant l’adaptation indispensable de la profondeur de la sédation à l’indication de celleci. Il s’agit là d’éviter au malade, sans raison suffisante, une obnubilation de la conscience incompatible avec toute forme de communication (23;24). Différentes attitudes face au monitorage sont proposées : - QUILL (8) considère que les patients doivent être assurés que les doses d’opioïdes nécessaires au soulagement de la souffrance, quelles qu’elles soient, peuvent et seront utilisées, même si elles entraînent une sédation ou accélèrent la mort : interrompre un traitement antalgique efficace à cause d’une sédation est, pour lui, inacceptable. La notion de monitorage perd alors une partie de son sens. - CHERNY et PORTENOY (6) introduisent une distinction des paramètres à surveiller en fonction des objectifs du soin : chez le patient en train de mourir, seul le confort 28 est recherché. La réduction des posologies exposerait le patient à une reprise de l’inconfort. L’évaluation des symptômes cause de détresse est à poursuivre, en revanche les paramètres de tension artérielle, de pouls, de température, sont inutiles pour atteindre ce but ; En revanche, si la mort n’est pas imminente, que le patient ne souhaite pas être endormi, le niveau de confort ET le niveau de vigilance sont à prendre en compte : la dose minimum efficace est recherchée. La question de l’influence de la sédation sur le moment de survenue du décès est fortement débattue, plus sur le terrain éthique qu’à l’aide d’arguments cliniques (1;2;5;7;12;25) 3.2.2.Cas particuliers : a ) Midazolam L’efficacité est appréciée par la “ la sérénité ” obtenue (26) ou plus précisément, en tenant compte (4) : - du soulagement des symptômes - de l’existence d’un endormissement ainsi que de sa durée, - du niveau de réactivité (aux stimuli verbaux et/ou tactiles) - du maintien d’une communication, verbale ou non verbale. Aucune dépression respiratoire n’est rapportée même lorsqu’il existe une co-prescription de morphiniques (4;7;26;27). Cette donnée, malgré l’existence d’un risque théorique (28) est peut être lié à l’utilisation privilégiée de la voie sous-cutanée. De rares décès, peu de temps après l’injection de l’agent hypnotique sont décrits, sans qu’il soit possible de déterminer si celui-ci est directement imputable au médicament (4). b) Barbituriques GREENE et DAVIS (29), utilisent un monitorage des signes vitaux (pouls, tension artérielle et fréquence respiratoire) pour détecter les surdosages et réadapter les doses le cas échéant. Les paramètres vitaux restent dans les limites acceptables pour des patients en fin de vie. c) Propofol NOTCUTT (30) dans ce qu’il nomme “une anesthésie générale en dehors du bloc opératoire”, recommande l’administration d’oxygène et la surveillance de la fréquence respiratoire, de l’état de vigilance et de l’oxymétrie de pouls. Il s’interroge sur la pertinence du recours à la sédation en l’absence de personnel spécifiquement formé à l’anesthésie 3.3. Poursuite les mesures d'accompagnement pendant la sédation Les auteurs recommandent la poursuite des autres traitements de confort, nursing (3;4)… L’importance de l’environnement est soulignée pour les patients dont la vigilance est altérée : musique, lumières douces, silence (13). En cas d’aggravation, une réanimation cardio-respiratoire serait disproportionnée et inappropriée avec les objectifs du soin dans une situation de sédation (5). La question de l’alimentation et de l’hydratation du patient sédaté est à envisager en fonction des objectifs de soin fixés (voir question 5 : questions éthiques associées à la pratique de la sédation). 29 3.4. Réversibilité et ré-évaluation du bien fondé de la sédation au cours du temps. On peut réveiller le patient après une période définie ou pour un évènement familial programmé. La sédation doit donc être à priori réversible (1;3;5;5;9). MORITA (1) propose cette sédation intermittente pour permettre aux familles de comprendre le bien fondé de la sédation (souffrance ressurgissant au réveil) mais aussi pour mieux comprendre ce qu’est la technique de sédation au-delà des explications théoriques ainsi que pour le patient lorsqu’il se réveille. Enfin cela pourrait permettre aux proches de faire progressivement l’expérience de la perte d’un proche…. Pour d’autres auteurs (en particulier, QUILL (8), cette levée d’une sédation chez un patient soulagé est éthiquement inacceptable. 3.5. Documentation Les décisions et le suivi du patient pendant la sédation doivent être notés dans le dossier médical (2;2;2). II. Les recommandations du groupe de travail : les étapes de la mise en oeuvre 1. Les conditions préalables. Un certain nombre de questions sont à poser en préalable à la sédation. Le groupe estime que ce questionnement est la garantie d'une démarche éthique. 1.1. Compétences de l'équipe. - Quelles connaissances l'équipe a-t-elle des médicaments à utiliser, de leur pharmacocinétique, de leurs effets secondaires ? L 'équipe a-t-elle la capacité de clarifier la situation : les indications, le contexte, la phase terminale, l'intention de la démarche ? 1.2. Organisation de l'équipe. S'agit-il d'une équipe répondant aux critères de multidisciplinarité en institution comme à domicile, c'est à dire : - Comment les discussions en vue des prises de décision sont-elles organisées avec tous les intervenants ? Ces échanges sont-ils réalisés de façon régulière ? - Les décisions et la façon dont elles sont prises sont-elles écrites dans le dossier ? - S'est-on assuré que chaque membre de l'équipe est informé des objectifs visés par les thérapeutiques mises en œuvre ? 1.3. Anticipation Les situations pour lesquelles une sédation serait à envisager ont-elles été anticipées permettant ainsi l'information voire le consentement du patient ? 30 1.4. Information L'information autour de la sédation doit toujours être fournie. Sa délivrance peut nécessiter des adaptations selon les cas. 1.4.1 L'Information du patient et de son entourage a-t-elle était réalisée ? - Sur la technique : modalités (administration des produits, sédation intermittente avec possibilité de choix du moment du réveil ou sédation continue…), implications éventuelles (incidence sur la maladie, nutrition, hydratation…), - Sur l'objectif visé et les moyens de l'évaluer s'il est atteint, Sur les risques : l'impossibilité d'obtenir une diminution de la vigilance ; la possibilité de non-soulagement (inefficacité de la sédation sur le symptôme ou la situation ayant conduit à en proposer la prescription) ; la possibilité de nonréversibilité et de survenue du décès pendant la sédation. 1.4.2. L' information de l'équipe L'information de chaque membre de l'équipe s'inscrit dans la logique d'une équipe fonctionnant en multidisciplinarité et organisant sa communication interne pour préciser les objectifs des thérapeutiques mises en œuvre et se donnant les moyens de discuter les résultats. 1.5. Le consentement En accord avec la Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il doit être systématiquement recherché. Le consentement éclairé du patient ne peut cependant être systématiquement obtenu. Le recueillir suppose, en effet, pouvoir être assuré de la compréhension de l'information par le patient et de son aptitude à prendre une décision. Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 (toute personne de confiance, majeure désignée par le patient : parent, proche, médecin traitant …) ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. 1.6. Selon le lieu d'exercice Les conditions ci-dessus s'appliquent quel que soit le lieu où se trouve le patient (institution ou domicile ) 2. Les modalités pratiques. 2.1. Prendre la décision de sédation pour détresse en phase terminale La décision de sédation est prise : 31 - quand il existe une indication après avoir vérifié la satisfaction aux conditions préalables en acceptant le doute sur les résultats attendus 2.2. Choisir le sédatif et la voie d'administration. 2.2.1. En première intention on utilise le midalozam : Il est difficile de donner des posologies standards car il existe une susceptibilité individuelle. Il faut prendre néanmoins en compte l'âge du patient, son état métabolique et circulatoire ainsi que les traitements en cours. Abord veineux disponible Préférer une titration : - Midazolam, intraveineux, à la concentration de 0.5 mg par ml. - Injecter 1ml (0.5 mg) toutes les 2 à 3 minutes jusqu'à obtention d'un score de 4 à l'échelle de Rudkin12. - Noter le nombre de mg nécessaire à l'induction. - 2 possibilités : laisser le malade se réveiller et faire alors une nouvelle induction si nécessaire. entretenir la sédation, jusqu'au moment prévu du réveil, en prescrivant une dose horaire égale à 50% de la dose utile à l'induction, en perfusion intraveineuse continue. Absence d'abord veineux Préférer la voie sous-cutanée : - Midazolam par voie sous cutané à la concentration de 1mg/ml. - Injecter 0,05 à 0,1 mg/kg en première intention. - Moduler les réinjections dans l'objectif d'obtenir un score de 4 sur l'échelle de Rudkin - Dans le cas où on prendrait la décision de maintenir une sédation continue, entretenir la sédation par une perfusion sous-cutanée continue en prescrivant une dose horaire égale à 50% de la dose utile à l'induction. b) En deuxième intention. On pourrait ajouter ou substituer un second médicament sédatif choisi selon le contexte clinique. On peut s'entourer de la compétence d'un anesthésiste s'il est nécessaire d'utiliser des médicaments relevant de sa spécialité (propofol, barbituriques injectables…). 12 Échelle d’évaluation de la sédation lors des anxiolyses peropératoires, selon RUDKIN(21) 1Patient complètement éveillé et orienté2Patient somnolent3Patient avec les yeux fermés, mais répondant à l’appel 4Patient avec les yeux fermés, mais répondant à une stimulation tactile légère, (traction sur le lobe de l’oreille)5Patient avec les yeux fermés et ne répondant pas à une stimulation tactile légère. 32 2.3. Poursuivre les mesures d'accompagnement : Maintien et adaptation des traitements symptomatiques, poursuite et intensification des soins de nursing, du soutien des proches, de la présence de bénévoles, … 2.4. Evaluer et surveiller : L'évaluation se fait toutes les 15 minutes pendant la première heure ; puis au minimum 2 fois par jour. On appréciera pour adapter les posologies : - le degré soulagement du patient par une hétéroévaluation la profondeur de la sédation (Echelle d'évaluation de Rudkin = 4) les signes de surdosage et des effets secondaires. 2.5. Evaluer le bien-fondé de la poursuite de la sédation au cours du temps. En cas de sédation prolongée, le bien fondé de la poursuite de la sédation sera ré-évalué selon l'évolution. Références bibliographiques (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12) (13) (14) (15) (16) (1) Morita T, Tsunoda J, Inoue S, Chihara S. Terminal sedation for existential distress. Am J Hosp Palliat Care 2000; 17(3):189-195. Morita T, Inoue S, Chihara S. Sedation for symptom control in Japan: the importance of intermittent use and communication with family members. J Pain Symptom Manage 1996; 12(1):32-38. Girardier J, Beal JL, Alavoine V. Les situations extrêmes en soins palliatifs. Info Kara 1995; 38:3545. Burucoa B, Delzor M, & coll. 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Pain Clinic 1994; 7(3):223-227. 34 Question 5 Questions éthiques associées à la pratique de la sédation La pratique de la sédation en phase terminale pour détresse pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Il reste un grand nombre d’interrogations au sujet de la sédation, donnant lieu à des débats ou à des polémiques (1). I Hydratation, nutrition D'après les données de la littérature (2-8) , en dehors de la phase terminale : - soit la sédation est envisagée par le médecin comme réversible (sédation intermittente), dans le but de soulager une détresse ou une complication : le maintien de l'hydratation et de la nutrition peut s'envisager. Soit la sédation est envisagée par le médecin comme prolongée. La mort prévisible du malade va survenir en cours de sédation : le maintien de l'hydratation et de la nutrition n'est pas justifié. Pour le groupe de travail : Dans la mesure où la sédation est indiquée dans le contexte de la phase terminale qui, de fait, aboutit au décès du patient, la poursuite de l'hydratation et de la nutrition ne se justifie pas. II Euthanasie et sédation. Les questions posées par les objectifs, les indications, les modalités d'utilisation et l'évaluation des méthodes de sédation conduisent à envisager les relations supposées ou réelles entre sédation et euthanasie, par crainte de dérive (9-17) . Cette distinction est nécessaire lorsque la sédation est mise en œuvre au stade terminal et entretenue jusqu'au décès. L’enquête menée sous l’égide du groupe de travail sur la sédation de la SFAP menée au sein des unités de soins palliatifs en France montre que ce type de sédation est rare (18). Aucune enquête n'a été effectuée sur l'utilisation des psychotropes en fin de vie dans les établissements hospitaliers ou en médecine de ville, lorsque cette utilisation n'est pas insérée dans une pratique raisonnée des soins palliatifs. A travers la littérature, on peut recenser un certain nombre d'interrogations éthiques : 1. La sédation accélère-t-elle le décès ? Il est difficile de répondre à cette question de manière strictement scientifique. Quelques études tendraient à montrer que les patients qui reçoivent des médications sédatives n'ont pas une survie différente des autres patients hospitalisés en unités de soins palliatifs (19;20) Néanmoins, dans ce type d'étude, il n'existe pas de comparaison avec un ou des groupe(s) témoin(s) pour des raisons évidentes (21). 35 Les effets délétères, en particulier respiratoires, des médicaments sédatifs sont des données pharmacologiques qui ne peuvent être oubliées. Comme c’est le cas pour d’autres prescriptions à ratio bénéfice/risque étroit chez des patients parvenus en phase terminale, il est probable que certaines sédations comportent le risque d'accélérer le décès. L’amalgame entre risque et intention de provoquer la mort étant possible, il est légitime de s'interroger sur la différence entre sédation et euthanasie. 2. Quelles différences entre sédation et euthanasie ? Nous proposons, par souci de consensus, d'adopter la définition de l’euthanasie qui est celle du CCNE : "l'acte d'un tiers qui met délibérément fin à la vie d'une personne dans l'intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable" (22). On retrouve dans cette définition, les notions indissociables de motif, d'intention et d'acte. C'est pourquoi nous récusons des expressions comme "euthanasie passive" ou "euthanasie indirecte". Dans la pratique : la sédation est réalisée dans l'intention d'atténuer la perception d'un symptôme ressenti comme insupportable par le patient, en utilisant des médicaments titrés de telle façon que leurs effets puissent être réversibles. Le résultat en est un patient "sédaté" voire "endormi" , pouvant être réveillé à l'arrêt de ces produits. Si la mort survient pendant la période d'utilisation des médicaments, elle peut être, liée à l'évolution propre de la défaillance d'une fonction vitale et/ou liée à un effet secondaire de la médication utilisée. Dans ce second cas, la question éthique peut être abordée avec les notions de prise de risque, de proportionnalité et éventuellement la règle du double effet (16;23-27) . L'euthanasie se pratique dans l'intention de mettre fin à une situation perçue comme insupportable par le patient (et/ou son entourage, voire l'équipe soignante), en utilisant des produits non titrés de telle façon que leurs effets soient irréversibles. Le résultat en est inéluctablement la mort du sujet. Dans ce cas, la question éthique est celle de la légitimité d'un professionnel à provoquer délibérément la mort d'un être humain. 3. La sédation peut-elle être une proposition face à une demande d'euthanasie ? La sédation peut être une réponse à une demande anticipée d'un patient relative aux conditions de son agonie (suffocation, douleurs intenses…). Elle se situe, dans ce cas précis, comme une réponse thérapeutique possible à un symptôme. Elle ne peut être directement assimilée à une euthanasie, même si le décès survient au décours de la sédation. L'intention comme l'indication sont : "soulager au mieux un symptôme" et non de "faire mourir". Si la demande d'euthanasie ou d'assistance au suicide intervient dans un contexte de "souffrance existentielle", le groupe de travail considère que la sédation n'est pas une réponse appropriée, car la prise en compte de ce type de souffrance ne peut être réduite à une prise en charge médicale ou pharmacologique. III. Pendant un coma provoqué, certes le malade paraît "apaisé" mais que savons-nous de son vécu et de son travail intrapsychique ? 36 1. Les données de la littérature. Les conséquences de la sédation sur ce que “vit” le patient sont peu abordés dans les études. Ce point nous semble néanmoins important puisqu’il s’agit de se demander si le patient ne serait pas soumis à une souffrance supérieure à celle qu’il connaissait lorsque la sédation le prive de ses moyens de relation. En l’absence de données de la littérature pour les patients de soins palliatifs, le groupe de travail, sans vouloir faire d’extrapolations hasardeuses, est allé chercher des éléments de connaissance dans des domaines où il existe une grande altération de la conscience (28). Au sortir du coma il a été décrit des séquelles psychologiques ayant des analogies avec les névroses post-traumatiques ou avec des expériences "d'agonies primitives" à rapprocher des expériences schizoparanoïdes survenant au décours du développement du nourrisson (29). Oppenheimer–Gluckman et coll (30), ayant étudié le réveil de 25 comateux, notent deux périodes, l'une d'apparente incommunicabilité et l'autre de réveil dans l'étrangeté. Pour ces auteurs la vie psychique inconsciente ne serait pas interrompue comme la vie psychique consciente. Ils fondent leur conclusion sur la continuité des processus inconscients entre l'avant-coma, la frontière coma-éveil et l'après coup où l'on peut constater l'impact de l'expérience vécue. Pour Osson (31), les comas sont désorganisateurs de l'identité. De fait les soins au comateux requièrent un échange interpersonnel nécessaire pour prévenir, au sortir du coma, la stagnation des états d'indifférenciation psychologique. Phéline (32), quant à lui, met en avant la présence fondamentale de l'Autre - le soignant qui vient présenter au malade sa propre personne. Il encourage les soignants à développer leur intuition, leur spontanéité et leur sens de la nouveauté pour permettre à la personnalité dispersée du malade dans le coma de puiser en elle-même les éléments nécessaires à son regroupement. Hewitt PB. (33) et Bergbom – Engberg I. et coll. (34) montrent que 50% des patients ne gardent aucun souvenir de leur séjour en réanimation. Cette amnésie post-réa est caractéristique. L'utilisation des benzodiazépines peut l'expliquer, tout comme le travail psychologique inconscient qui exclut du champ de la mémoire consciente les expériences traumatisantes l 2. le point de vue du groupe de travail Ces données nous enseignent la complexité du vécu des patients dont la conscience est altérée. Sans pouvoir en connaître le contenu, on peut postuler qu’un patient sédaté continue d’avoir un vécu, certes différent de celui de ses proches et/ou des soignants. Se pose alors la question des moyens qui doivent être mis en œuvre dans l’idée d’une relation de soin, si le patient sédaté est reconnu dans son statut d’humain, avec, là où il se trouve, son identité et sa dignité. III. Les dérives dans la pratique de la sédation 1) Lecture critique de la littérature : - Louis Vincent Thomas (35) et Jeannine Pillot dans un article intitulé : « L’algophobie » (36) évoquent les sédations initiées non dans le champ du 37 - - - - - symptôme mais dans une représentation de la mort douce « idéalisée » (esthétisation) ou anesthésiée par défaut (médicalisation de la mort). Dans cette même ligne, Higgins (37) discute l’invention d’une identité du mourant. Ce qui renvoie aussi à l’idéalisation des Soins Palliatifs et surtout à la question de garder la maîtrise. Marie-Sylvie Richard analyse les dérives « euthanasiantes » que représentent des sédations soit disant instaurées pour traitement symptomatique et intitulées « syndrome du lundi matin » (38). Chater et Coll. Mentionnent la sédation comme alternative à un refus du soin lorsqu’un soulagement est techniquement possible mais que la technique qu’il requiert est récusée par ce patient qui en a été loyalement informé (26). Brodi et coll. posent la question de l’accessibilité aux techniques et médicaments requis par la sédation (39). Ici le risque en terme de dérive tient à l’utilisation de techniques et de produits sans en avoir les compétences. La conférence de consensus de l’ANDEM sur la sédation en réanimation (40) discute l’indication de la sédation comme réponse à l’agitation du patient pour sa sécurité et celle des soignants ; Girardier estime que la sédation est une mauvaise indication lorsqu’elle est mise en œuvre pour le confort de l’équipe et de la famille (12). 2) Discussion : La lecture de tous ces articles met en exergue l’existence d’un risque de dérive chaque fois qu’un soignant est placé en situation d’impuissance devant la problématique posée par la personne qu’il prend en charge. Si on reprend ici les travaux de Paul Ricoeur ou de Ladrière, on retrouve dans ces situations d’impuissance, le risque de décisions inappropriées en réponse à trois niveaux de conflits : - Conflits du soignant à lui-même : C’est la problématique de la toute puissance confrontée à l’impuissance à dire et à faire. Il y a une perte d’estime de soi par rapport à l’idéal de soin que le soignant a développé. Le glissement se fait de pouvoir faire quelque chose à devoir faire quelque chose. Cette problématique peut conduire à l’utilisation de techniques et de thérapeutique mal connues ou maitrisées ou bien encore ne relevant pas de son champ de compétence. - Conflits entre le soignant et le patient : Le refus d’une proposition thérapeutique par le patient là où le soignant pensait avoir une solution pour soulager la souffrance construit de la frustration. Dans ce contexte, il y a un risque de poser une indication de sédation « par excès ». L’obligation de résultats que le soignant pense parfois avoir face à une demande du patient est un autre écueil. Confondre efficacité des soins et qualité de vie peut conduire à des raisonnements erronés, « évaluant » que la vie du patient « ne vaut plus d’être vécue ». « Y mettre fin le plus vite possible » peut apparaître faussement logique. Enfin, les charges de soins disproportionnées conduisent à des dilemmes. Quelle disponibilité accorder à un patient qui requiert beaucoup de soins et/ou de présence en comparaison du temps de soin également du aux autres patients ? Ces questions se posent tout particulièrement dans les services polyvalents où il peut y avoir à la fois des patients relevants d’une approche curative et des patients relevant d’une approche palliative. - Conflits des soignants aux institutions : Les soignants se plaignent fréquemment du manque, de l’inaccessibilité ou de l’inadaptation des moyens humains, des compétences, des moyens techniques nécessaires, selon eux, à leur action. Un raccourci se fait parfois facilement avec la décision de sédater le patient « parce qu’il faut bien faire quelque chose » malgré l’ensemble de ces manques. 38 3) Propositions face au risque de dérive : Les propositions du groupe renvoient aux modalités décisionnelles (cf chap 4) qui exigent une discussion éthique. On doit tenter de répondre à trois questions : - Pourquoi allons-nous prendre cette décision ? Il s’agit ici de clarifier l’intentionnalité décisionnelle. - Pour qui allons-nous prendre cette décision ? Il s’agit derrière cette question de préciser les finalités de la décision. Est-elle futile, proportionnée, attentive au respect de l’autonomie du patient ? - De quel droit cette décision va- t-elle être prise ? Outre la discussion de l’articulation avec les valeurs et les lois qui régissent la pratique médicale et soignante, il s’agit aussi de discuter de la responsabilité de celui qui prend la décision. IV. Paradoxe philosophique entre sédation et éthique palliative ? Les soins palliatifs posent le soulagement des symptômes et le maintien d’une relation signifiante comme les conditions de l’accompagnement. Il existe, lorsqu’on parle d’une sédation en soins palliatifs un paradoxe fondamental. La technique de sédation utilisée à des fins de soulagement et qui, pour ce faire, cible le niveau de conscience, altère les processus cognitifs et la communication. Elle prive donc le soin d’une de ses dimensions thérapeutiques majeures (41) « Quel est le prix à payer en terme de souffrances pour conserver cette lucidité ? » s’interroge Burucoa (42) "Soulager en limitant le préjudice sur la relation entraîne un conflit de valeur " (12) entre utilitarisme et déontologie (9). Références bibliographiques (1) Portenoy RK. Morphine infusions at the end of life: the pitfalls in reasoning from anecdote. J Palliat Care 1996; 12(4):44-46. 39 (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12) (13) (14) (15) (16) (17) (18) (19) (20) (21) (22) (23) (24) (25) (26) (27) (28) (29) (30) (31) (32) (33) (34) Cherny NI. Commentary: sedation in response to refractory existential distress: walking the fine line. J Pain Symptom Manage 1998; 16(6):404-406. Craig GM. On withholding nutrition and hydration in the terminally ill: has palliative medicine gone too far? J Med Ethics 1994; 20(3):139-143. Loewy EH. 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En cas d’indications médicales telles que les complications aiguës à risque vital immédiat et les symptômes réfractaires, vécus comme insupportables par le patient, il est relativement aisé, d’une part de faire la part entre l’intérêt du soulagement et le risque d’accélération de la mort, d’autre part d’anticiper la survenue des complications ou des symptômes, autrement dit de négocier avec le malade le geste - la sédation - comme alternative thérapeutique à un moment donné de son histoire. Il n’en est pas de même pour les situations singulières et complexes, comme l’état de souffrance existentielle de certains malades qui demandent à mourir de façon réitérée. Dans ces situations, la sédation, au niveau symbolique, ne peut que nous interroger puisqu’elle représente une réponse technique et médicale à la demande de mort d'un malade arrivé au terme de sa vie. En outre, il n'existe parfois aucune réponse à la souffrance humaine, ce qui est un constat insupportable pour un soignant dont le rôle premier est de soulager. Il se doit néanmoins de respecter les souhaits du malade. C’est dans cet entredeux que les soignants de soins palliatifs doivent se situer. Ce d’autant que sédater le malade revient à le faire taire, supprimant le douloureux, mais nécessaire face à face malade – soignant . Face à face qui permet de réaffirmer au malade la valeur de sa vie, pour lui, mais aussi pour sa famille ou pour l'équipe qui prend soin de lui. Si pour certains patients, cette réaffirmation restaure du sens à leur vie, pour d'autres malheureusement, cela ne suffit pas. Ces recommandations ne sont en aucun cas des protocoles de conduites éthiques, elles visent à inscrire plutôt les pratiques soignantes dans un cadre de réflexion qui fait la part entre les droits du malade et ceux des soignants, les principes fondamentaux des soins palliatifs et ceux de la morale. La sédations se situe dans une dynamique interpersonnelle entre les parties en présence, le malade et sa famille ou ses proches et les soignants, révélant des conflits de valeurs au sein d'une équipe de soins, car elle concerne des situations frontières, provoquées par la proximité de la mort. 42