pratique de l`art-thérapie avec des personnes atteintes de la

Transcription

pratique de l`art-thérapie avec des personnes atteintes de la
MARIBEL TORRENT
PRATIQUE DE L’ART-THÉRAPIE AVEC DES PERSONNES
ATTEINTES DE LA MALADIE D ’ALZHEIMER
Travail de recherche présenté dans le cadre de la formation continue en art-thérapie
pour l’obtention du diplôme d’étude postgrade HES-SO
Lausanne, le 30 août 2011
Haute Ecole de travail social et de la Santé-Vaud
Ecole d’études sociales et pédagogiques-Lausanne
Unité de formation continue
HES-SO
Haute école spécialisée de Suisse occidentale
AVERTISSEMENT
Ce travail est un récit de ma pratique art-thérapeutique avec des personnes atteintes
d’un syndrome cognitivo-mnésique d’un EMS. Il n’apporte pas de réponse à une
question ou de résolution à une hypothèse ; il raconte un voyage à travers mes
observations et mon vécu lors des ateliers d’art-thérapie.
REMERCIEMENTS
Je remercie de tout cœur Madame Marlyse Schweizer, réfèrente de mémoire, qui s’est
montrée à l’écoute et m’a mise à l’écoute. Sans elle, je n’aurais pas sué dans les étapes
en « entonnoir » pour la réalisation de ce mémoire. Je lui dédie avec beaucoup
d’émotion cette phrase chinoise qu’elle avait utilisée lors de son cours intitulé « le
processus métaphorique » (septembre 2009, EESP) : « Le cœur de l’Homme est le cœur
du cœur de l’univers ».
J’offre une orchidée immortelle, symbole de perfectionnement, de sagesse et de pureté
spirituelle à Madame Joëlle Gourier qui m’a permis de me découvrir et d’avancer lors
des supervisions.
Je remercie tous les membres de l’institution, plus particulièrement, l’infirmière cheffe, qui
ont cru en moi et ont permis la création de l’atelier d’art-thérapie, sans oublier les
résidants qui m’ont nourrie et fait grandir. Un grand merci aussi à la famille de Madame
Fleur pour leur témoignage.
Je remercie tous les professeurs que j’ai croisés durant la formation qui m’ont permis de
créer des liens entre les différentes approches et enseignements.
Je n’oublie pas ma famille qui a vécu au rythme de mes humeurs, de la formation,
des stages et de la recherche ; ils ont attendu patiemment que je trouve !
Je remercie toutes les personnes qui de près ou de loin ont participé à cette recherche
qui m’a habitée très spécialement durant tout l’été 2011, me nourrissant de découvertes
et me privant de vacances.
Et surtout à mon mari qui m’a aidée par sa présence, son soutien, ses heures de
relectures et son soutien financier durant les quatre ans de la formation. Néanmoins
il n’adhère pas à la dernière phrase de la conclusion.
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SOMMAIRE
RÉSUMÉ
I. INTRODUCTION
5
6
I.1 PRÉAMBULE
6
I.2 PRÉSENTATION DE L’OBJET D’ÉTUDE
6
I.3 CHOIX DE LA RECHERCHE
6
I.4 DESCRIPTION DE MA DÉMARCHE
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I.5 LIMITES DU TRAVAIL
9
II. DÉVELOPPEMENT
10
II.1 LES QUESTIONS
10
II.2 LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL
10
II.2.1 L’ÉTABLISSEMENT MÉDICO-SOCIAL
10
II.2.2 LA MALADIE D’ALZHEIMER
12
• DU POINT DE VUE MÉDICAL
• DU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE
II.3 L’ATELIER D’ART-THÉRAPIE
18
II.3.1 SA CRÉATION
18
II.3.2 SA DESCRIPTION
18
III. ANALYSE DE LA PRATIQUE
20
III.1 OBSERVATIONS DANS L’ATELIER D’ART-THÉRAPIE
20
III.2 PRÉSENTATION DES CAS CLINIQUES
26
III.2.1 MONSIEUR ROUX
26
III.2.2 MONSIEUR ROUSSEL
28
III.2.3 MONSIEUR BLANC
30
III.2.4 MONSIEUR GRAND
32
III.2.5 MADAME SILENCE
33
III.2.6 MADAME ELÉGANCE
34
III.2.7 MADAME SOURIRE ET MONSIEUR NARCISSE
36
III.2.8 MADAME FLEUR
36
3
IV. SYNTHÈSE
39
V. CONCLUSION
42
V.1 PISTES POUR L’AVENIR
43
VI. BIBLIOGRAPHIE
45
VII. ANNEXES
47
VII.1 RAPPORT DE L’INFIRMIÈRE CHEFFE
47
VII.2 TÉMOIGNAGE D’UNE FAMILLE
49
VII.3 TÉMOIGNAGE D’UNE ANIMATRICE DE L’EMS
50
4
RÉSUMÉ
Les syndromes cognitivo-mnésiques effraient. Ils véhiculent des images stigmatisées
et négatives. Ils sont vus comme des maladies évolutives fatales qui rongent l’âme
jusqu’à laisser un corps errant dans un corridor d’institution, que les soignants
manipulent comme un objet. Il est certain que la personne atteinte d’un ou de
plusieurs de ces syndromes souffre de la détérioration des facultés cognitives et des
troubles de la mémoire qui s’aggravent progressivement jusqu’à les perdre quasi
totalement. La personne atteinte d’un de ces syndromes risque la chosification et
l’exclusion puisqu’elle ne sait plus, ne dit plus, ne connaît plus et qu’elle est
dépendante. Michel Personne emploie des mots durs et caricaturaux pour décrire la
personne démente « présent-absent, mort-vivant, survivant-déjà mort. »(Personne,
2006, p. 29). Comme si sa mise à mort était anticipée de son vivant.
En travaillant auprès de quelques personnes atteintes d’un de ces syndromes, j’ai
observé, à travers les différentes séances d’art-thérapie, que les consignes sont vite
oubliées, la mise au travail est lente et parfois n’a pas lieu, le matériel proposé doit
être limité afin d’éviter l’angoisse du choix, l’échange verbal a parfois lieu
partiellement et souvent pas du tout, leur imagination se transforme en hallucinations
visuelles ou auditives, néanmoins, elles s’expriment à travers les œuvres créées.
Elles réagissent positivement à la stimulation des sens et leurs émotions sont
intactes. Elles sont conscientes de leur état qui se détériore et des pertes des
facultés que la maladie provoque. Elles ont un passé, un présent et un futur, même si
le temps est intemporel dans leur perception temporo-spatiale. Elles ont un vécu et
une identité. Elles communiquent parfois dans un langage verbal incompréhensible,
et souvent à travers un langage non-verbal que je dois décoder. Elles peuvent
profiter de bons moments à travers les petites choses du quotidien. L’atelier d’artthérapie offre des moments d’émerveillement et de surprises. La personne atteinte
d’un syndrome cognitivo-mnésique a un esprit vivant dans un corps vivant.
Ce mémoire traite de la pratique de l’art-thérapie auprès de quelques personnes
atteintes d’un syndrome cognitivo-mnésique de l’établissement médico-social où je
travaille. L’art-thérapie leur permet d’exprimer leur nature humaine et leur humanité.
Michel Personne dit que « l’être humain est capable d’émotion, il demeure en état
de créativité et de réception d’émotion artistiques. »(Personne, 2006, p. 83). Une
chose inattendue s’est produite en travaillant en art-thérapie auprès de certains
résidants atteints d’un syndrome cognitivo-mnésique : ils m’ont aidée à mieux
connaître la personne démente au-delà de la maladie d’Alzheimer. Ils ont achalandé
ma boîte à outils de nouveaux savoir et savoir-faire. Mon savoir-être a été révisé,
réajusté et conscientisé. Une réelle transformation de mon être s’est produite à leur
côté.
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I.INTRODUCTION
I.1 PRÉAMBULE
A l’adolescence, j’étais attirée par deux domaines professionnels : les beaux-arts et
les soins infirmiers. D’un côté, la vie d’artiste me projetait plutôt vers une vie de
bohème, dépendante de la vente de mes œuvres. De l’autre côté, la vocation du
don de soi m’offrait la stabilité financière dont j’avais besoin pour fonder une famille
telle que je l’imaginais.
En 1989, lors d’une cérémonie célébrant l’obtention du diplôme d’infirmière en soins
généraux, j’ai prêté le serment de l’infirmière tiré du code de déontologie du comité
international catholique des infirmières et des assistantes médico-sociales
(CICIAMS). Les formations postgrades en santé publique, en psychiatrie et en
gestion d’équipe se sont ajoutées à mes compétences au fil des années. Durant 20
ans d’activité dans les soins infirmiers, j’ai travaillé auprès de personnes atteintes
dans leur santé physique, mentale ou sociale. Parallèlement, la création artistique
m’a accompagnée durant toutes ces années. J’ai ouvert, en 2006, un atelier
d’expression, où j’accueillais principalement des enfants. Ils exprimaient leurs
soucis et leurs peines tout en créant. Certains m’ont fait des confidences
douloureuses que je n’ai pas su traiter puisque j’étais la maîtresse de bricolage. J’ai
voulu concilier mes deux passions, l’art et les soins. Je me suis inscrite à la
formation post-grade en art-thérapie de l’école d’études sociales et pédagogiques
(EESP) de la volée 2007-2011 pour laquelle ce travail de recherche a été entrepris.
Il se base sur les observations et mon vécu auprès de quelques résidants atteints
d’un syndrome cognitivo-mnésique(SCM) vivant dans un établissement médicosocial (EMS).
I.2 PRÉSENTATION DE L’OBJET D’ÉTUDE
Dans mon travail de deuxième année, j’ai tenté de comprendre par quel processus
une séance d’art-thérapie permet au client, en processus créatif, de modifier son
vécu interne afin de modifier le regard qu’il porte sur le monde extérieur. Le client
illustre, au cours des séances de thérapie, son vécu intérieur par des images, des
symboles, des métaphores. La parole permet un temps d’échange entre le client et
le thérapeute autour de la production. Dans cet espace, dans ce cadre, l’invisible
devient visible pour la personne en création.
Dans ce travail de recherche, j’aimerais découvrir si, et comment, l’art-thérapie
permet au résidant atteint d’un syndrome cognitivo-mnésique, d’entrer dans un
processus de créativité, d’expression et de communication dans le cadre d’une
pratique d’art-thérapie.
I.3 CHOIX DE LA RECHERCHE
Ce travail de recherche est issu de certaines réflexions par quelques collègues de
travail, certains étudiants, des amis et des résidants de l’établissement médico-social
qui ne sont pas atteints d’un syndrome cognitivo-mnésique. Ils me disaient : « Que
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penses-tu faire, qu’attends-tu d’eux ? Est-ce que tu ne fais pas plutôt de l’animation ?
Est-ce que tu fais vraiment de l’art-thérapie ? Quels sont les éléments qui te font
penser que c’est de l’art-thérapie ? Ils sont dans leur monde, ils ne peuvent pas
communiquer avec vous. Ils ne s’intéressent à rien. Ils déambulent toute la journée,
voilà leur seule activité, alors vous savez l’art-thérapie…. ».
J’avais aussi des doutes sur ma fonction d’art-thérapeute. Est-ce que je proposais
vraiment de l’art-thérapie ou une activité ludique ? Est-ce que mon futur métier
pouvait avoir un sens auprès de cette population ?
J’ai aussi cherché à mettre en évidence, au cours de ce travail, ce que l’activité
auprès des résidants m’a enseigné.
I.4 DESCRIPTION DE MA DÉMARCHE
Mes études et mes expériences m’ont permis d’acquérir un ensemble de
connaissances, les résultats obtenus au fil des années ont achalandé ma boîte à
outils, permettant à mes qualités personnelles une meilleure adaptation à cette
nouvelle pratique. Elles m’ont permis d’évaluer les aptitudes physiques et mentales
du résidant en art-thérapie, d’après mes observations pendant les séances, comme
des renseignements sur les fonctions visuelles et auditives, la mobilité physique,
l’orientation temporo-spatiale et l’anticipation. J’ai élaboré ce travail de recherche en
me basant sur deux ans d’expérience auprès de quelques résidants dits de type
Alzheimer. Tous les syndromes cognitivo-mnésiques ne sont pas des Alzheimer,
mais afin de faciliter la compréhension et la lecture du travail j’emploie l’abréviation
DTA lorsque je parle de la maladie d’Alzheimer ou d’un autre type de syndrome
cognitivo-mnésique.
Je me suis appuyée sur les ouvrages de références ci-après :





Hof, Ch. (2008). Art-thérapie et maladie d’Alzheimer : Quand les couleurs
remplacent les mots qui peinent à venir. Lyon : Chronique sociale
Perron, M. (2005). Communiquer avec des personnes âgées : La « clé des
sens ». Lyon : Chronique sociale
Personne, M. (2006). Accompagner la maladie d’Alzheimer : Les médiations
de la réussite. Lyon : Chronique sociale
Sudres, JL., Roux, G., Laharie, M., & de La Fournière, F. (2004). La personne
âgée en art-thérapie : de l’expression au lien social. Paris : L’Harmattan
Weil, N. (2003). Ma pratique de l’art-thérapie : nos mémoires à fleur de peau.
Barret-sur-Méouge : Le souffle d’or
Ces ouvrages mettent en évidence la spécificité de l’art-thérapie, sa pratique et ses
techniques. Trois ouvrages concernent plus spécifiquement le travail médiatisé
auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
 Collaud, Th., & Gomez, C. (2010). Alzheimer et démence : Rencontrer les
malades et communiquer avec eux. Saint-Maurice : Saint-Augustin
 Bobin, C. (1999). La présence pure. Cognac : Le temps qu’il fait
7
 Maisondieu, J. (2011). Le crépuscule de la raison : La maladie d’Alzheimer en
question. Montrouge cedex : Bayard
Le premier ouvrage s’adresse aux proches. Le deuxième est un livre qui témoigne du
chemin que l’auteur a fait en accompagnant son père atteint de cette maladie. Le
dernier d’entre eux est une thèse qui émet l’hypothèse que les troubles démentiels
sont dus à l’angoisse de mort. Même si mes connaissances du point de vue infirmier
sont nombreuses, je me baserai sur l’apport théorique de ces ouvrages et consulterai
le site internet de l’Association Suisse Alzheimer.
 Gineste,Y., & Pellissier, J.(2007). Humanitude : Comprendre la vieillesse,
prendre soin des Hommes vieux. Paris : Armand Colin
Cet ouvrage décrit la « philosophie de l’Humanitude » que l’institution exerce auprès
des résidants qui permet un accompagnement dans le respect et la tendresse.
 Rogers, C.R., (2005). Le développement de la personne. Paris : InterEditions
Cet ouvrage est un guide pour exercer la fonction du savoir-être du thérapeute qui
s’engage dans un lien thérapeutique.
 Kabat-Zinn, J. (2009). L’éveil des sens : Vivre l’instant présent grâce à la
pleine conscience
Ce livre donne des clés d’éveil des sens pour vivre la pleine conscience qui est un
terme utilisé par l’auteur. Il me permettra d’identifier ce qui se passait en moi au côté
des résidants, comme par exemple, de m’ouvrir à l’instant présent et à remplacer
l’agitation par le calme, grâce à la pleine conscience qui est « (…) une qualité
d’esprit qui remarque ce qui est présent sans jugement, sans interférence. Elle est
comme un miroir qui reflète clairement ce qui est placé devant lui. » (Kabat-Zinn,
2009, p. 12).
Je me suis inspirée de mon travail de 2ème année de formation. Dans ce travail
j’utilisais, comme Nicole Weil, le mot thérapisant qui fait référence au sujet en
thérapie. Ce travail donnait quelques principes de l’art-thérapie. J’utiliserai certains
passages pour les besoins de cette recherche.
La présentation des questions marquera le point de départ de ma recherche, puis,
je commencerai par le contexte institutionnel et sa philosophie basée sur l’approche
en humanitude. Je brosserai un bref aperçu de la maladie d’Alzheimer d’un point de
vue médical et les différents stades évolutifs, puis d’un point de vue psychologique et
en relation avec l’art-thérapie. Je parlerai de la création de l’atelier d’art-thérapie et
son application auprès des personnes DTA. Je présenterai les cas cliniques
rencontrés lors de séances en atelier d’art-thérapie. La description de la séance fera
partie de mon récit dans lequel certains questionnements resteront ouverts. Je
tracerai des liens entre les différentes parties lors de la synthèse. Le rapport de
l’infirmière cheffe expliquera ses motivations pour cette approche thérapeutique, et la
lettre de trois membres d’une famille témoignera de leur ressenti en découvrant les
œuvres de leur mère, grand-mère et belle-mère de 93 ans, atteinte d’un syndrome
cognitivo-mnésique à un stade avancé.
8
I.5 LIMITES DU TRAVAIL
L’association Alzheimer suisse n’a pas pu me fournir des adresses d’établissements
médico-sociaux employant des art-thérapeutes en fonction que j’aurais aimé
contacter afin de connaitre leurs expériences. La secrétaire m’a dit, qu’à sa
connaissance, le travail dans ce milieu est peu exploité, dû sans doute au manque
de résultats probants et par manque d’intérêt des thérapeutes. Je me suis entretenue
au téléphone avec une art-thérapeute de l’Association professionnelle suisse des artthérapeutes (APSAT), exerçant en milieu gériatrique. Elle m’a dit avoir repris sa
fonction d’animatrice, car l’institution dans laquelle elle travaille ne souhaite pas lui
accorder une reconnaissance salariale comme art-thérapeute. Les limites de ce
travail sont aussi d’ordre documentaire : il existe peu d’ouvrages francophones sur ce
sujet.
Je présente des cas cliniques où la pratique de l’art-thérapie a été significative sans
pour autant déprécier les processus créatifs et thérapeutiques en aval et en amont
de ces séances.
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II. DÉVELOPPEMENT
II.1 LES QUESTIONS
Les réflexions de mon entourage familial, scolaire et professionnel ont soulevé
certaines questions :
 Est-ce que le résidant atteint d’un syndrome cognitivo-mnésique, bien que
différent en raison des pertes progressives
de certaines fonctions
biopsychosociales et économiques, est capable d’une expression de soi à
travers différentes médiations artistiques ?
 L’art-thérapie permet-elle, au résidant DTA, une amélioration des troubles de
la relation, de la communication et de l’expression ?
 Est-ce une activité ludique ou de l’art-thérapie ?
Ces questions m’ont souvent été posées en sous-entendant que l’activité
occupationnelle était prédominante auprès des résidants et que ma fonction d’artthérapeute n’avait pas de sens. Une question essentielle était sous jacente, puisque
la direction évaluait la pertinence et l’efficience de l’art thérapie auprès des résidants
DTA :
 L’art-thérapie a-t-elle son sens auprès du résidant DTA ?
Je résumerai ces différentes questions par les questions suivantes :
 La pratique de l’art-thérapie est-elle possible avec des personnes atteintes de
la maladie d’Alzheimer ?
 Comment pratiquer l’art-thérapie avec des personnes atteintes de la maladie
d’Alzheimer ?
II.2 LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL
II.2.1 L’ÉTABLISSEMENT MÉDICO -SOCIAL
L’établissement médico-social est situé au centre ville, proche des commodités et de
la vie sociale. Un jardin clos vit au rythme des saisons et accueille les résidants dans
leur promenade. L’institution compte 36 chambres et loge 42 personnes. Le 2/3 des
résidants de l’établissement médico-social souffre de syndromes cognitivomnésiques à des degrés différents ; une unité psycho gériatrique spécialisée pour les
résidants atteints de syndrome cognitivo-mnésique ouvre ses portes prochainement.
Les couleurs varient selon les étages afin de faciliter l’orientation à l’intérieur de la
maison. La maison est médicalisée afin d’éviter les hospitalisations et propose des
soins palliatifs. Tout est mis en œuvre pour améliorer le quotidien du résidant. La
présence de l’entourage du résidant reste un point primordial que l’établissement
encourage en organisant des fêtes et des actions ponctuelles afin de maintenir les
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échanges intergénérationnels. La présence d’animaux comme les perruches, les
canaris et les cochons d’Inde jouent un rôle affectif et social.
L’institution pratique la philosophie basée sur le concept de l’ humanitude :
« Une philosophie de soins : qui puisse lier science et conscience ; qui nous
interroge sur ce qu’est une relation de prendre-soin entre des personnes. Pour ne
jamais oublier ces précieuses caractéristiques qui permettent à un homme de se
sentir humain et de rester un humain dans le regard de ses semblables » (Gineste &
Pellissier, 2007, p. 194).
Le prendre soin signifie que la personne est mise au centre des préoccupations du
soignant et qu’il prend en considération tous les besoins de la personne dans sa
globalité biopsychosociale et économique. Une prise en soins en humanitude
implique que le soignant accepte d’être un être sensible : « Demander à des
soignantes d’ignorer leurs émotions et leur sensibilité pour prendre soin…c’est
demander à un chirurgien d’anesthésier sa main pour opérer. » (Gineste& Pellissier,
2007, p, 170)
Depuis une quinzaine d’année, le terme prendre-soin est apparu. Ce n’est plus le
problème qui est au centre, mais la personne. L’objectif n’est plus de résoudre un
problème, mais d’accompagner la personne dans son processus thérapeutique. Le
client devient une personne responsable dans son parcours médical.
Prendre soin signifie « Penser à, s’occuper de, faire attention à, prendre garde à. »
(Le petit Robert, 1993, p.2357). Dans cette approche, la distance thérapeutique ne
signifie pas avoir une distance affective. Le thérapeute est compatissant et reconnait
le partage des échanges enrichissants entre lui et son client. Même s’il garde la
distance thérapeutique, le soignant a de la tendresse, un attachement et de
l’affection pour la personne. Dans le conte d’Antoine de Saint-Exupéry, lorsque le
Petit Prince prend soin de sa rose, il lui signifie qu’elle est précieuse et unique. Elle
est importante à ses yeux « (…) puisque c’est elle que j’ai arrosée. Puisque c’est elle
que j’ai mise sous globe. Puisque c’est elle que j’ai abritée par le paravent. Puisque
c’est elle dont j’ai tué les chenilles (…).Puisque c’est elle que j’ai écoutée se plaindre,
ou se vanter, ou même parfois se taire. Puisque c’est ma rose. » (Saint-Exupéry,
1993, p.97). Dans mon idée, le Petit Prince symbolise le thérapeute et la rose le
client.
La philosophie de l’humanitude se base sur la capacité d’un homme à reconnaitre un
autre homme comme son semblable et faisant partie de l’humanité. Cette philosophie
tente de savoir ce qu’est un être humain : l’Homme ne peut être traduit par une
définition universelle puisque chaque être humain est unique de par son vécu et ses
expériences. Le livre apporte des éléments de compréhension en disant que
l’Homme nait deux fois. La première fois en tant qu’hominidé faisant partie de la
« famille de primates qui comprend les hommes fossiles et les hommes actuels. »
(Le petit Robert, 1993, p.1228), et une deuxième fois lorsque « le petit humain entre
dans un réseau d’échanges et de stimulations qui vont le conduire à développer les
caractéristiques de l’humanitude. » (Gineste& Pellissier, 2007, p, 18).
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La lecture du livre m’a aidée à comprendre la philosophie de l’institution et m’a
permis de m’adapter aux différentes techniques d’approches pour une prise en soins
efficace auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Comme par
exemple,
les
différentes
techniques
pour
un
« toucher-tendresse »
(Gineste&Pellissier, 2007, p. 248) qui devient le principal mode de communication
avec le résidant DTA ; une approche et un toucher en douceur en sont la clé.
II.2.2 LA MALADIE D’ALZHEIMER
La prise en soins globale d’une personne malade comprend des aspects biologiques,
psychologiques, sociaux et économiques. L’aspect biologique de la maladie
d’Alzheimer est étudié par les laboratoires scientifiques et pharmacologiques qui
essaient de découvrir les causes pathologiques, un remède et même un vaccin.
 DU POINT DE VUE MÉDICAL
La maladie d’Alzheimer est une altération des facultés intellectuelles qui entrainent
progressivement des symptômes divers, tels que perte de mémoire, aphasie et
désorientation spatio-temporelle. Les syndromes cognitivo-mnésiques sont difficiles à
diagnostiquer ; les symptômes sont parfois communs à plusieurs maladies comme
par exemple, la maladie d’Alzheimer, les démences vasculaires, les démences
fronto-temporales et la démence de la maladie de Parkinson. Parfois, deux
syndromes se réunissent, comme par exemple la maladie d’Alzheimer et la démence
vasculaire, rendant la pose du diagnostic encore plus compliquée. C’est au début du
siècle qu’Aloïs Alzheimer, découvrit, lors de l’autopsie du cerveau d’une de ses
patientes, des anomalies caractéristiques ; le diagnostic est posé, lors de l’autopsie
du cerveau, de la personne décédée, qui montre une nette atrophie de l’organe, des
dégénérescences neuronales et des plaques séniles. La dégénérescence du
cerveau, qui est un organe difficile à explorer, est sans nul doute la principale
caractéristique de cette affection. Certaines zones du cerveau contrôlant des
fonctions mentales telles que la mémoire, la mobilité, l’orientation dans le temps,
l’espace et le langage, subissent une dégénérescence. De plus, la pharmacologie
n’a pas de traitement contre la maladie. On se trouve devant deux problèmes : la
difficulté du diagnostic et l’absence de traitement. Ce n’est pas la maladie
d’Alzheimer mais les troubles physiques qu’elle génère qui dirigent le malade vers la
mort.
Selon les chiffres de l’année 2010 de l’association suisse Alzheimer, 107’000
personnes atteintes de DTA vivent en Suisse, néanmoins seul 40% d’entre elles
sont en institution. Le risque d’être atteint par la maladie augmente avec l’âge. Le
dépistage précoce est important, car la maladie a des conséquences importantes
dans la vie du malade et celle des proches. Les stades évolutifs de la maladie en
donnent un aperçu.
La maladie évolue en moyenne pendant 10 ans. Le médecin évalue l’état cognitif
avec des tests, comme un Mini-Mental state(MMS) ou test de Folstein. Un bilan
physiologique et sanguin élimine un diagnostic différentiel comme la démence
vasculaire, la démence causée par des troubles du métabolisme ou endocrinien. Une
évaluation des actes de la vie quotidienne (AVQ) fournira un aperçu des difficultés
que la personne rencontre telle une difficulté à la marche avec des chutes
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fréquentes, des insomnies, l’oubli des rendez-vous, des numéros de téléphone et de
la prise de médicaments. L’apparition des symptômes dans la maladie d’Alzheimer
n’a pas de chronologie ni d’évolution caractéristique et chaque malade réagit
différemment. Son évolution dans le temps est également personnelle et peut-être
liée à la prise en soins du malade et à son état de santé général. Le site internet de
l’Association Suisse Alzheimer (Association Suisse Alzheimer) propose les stades et
les symptômes dont souffrent les personnes atteintes de la maladie ; je les
retranscris tels quels.
 LES STADES ET LES SYMPTÔMES DE LA MALADIE D'ALZHEIMER
Au début la personne atteinte n’a besoin d’aide que d’une manière ponctuelle.
D’abord les activités complexes lui posent des difficultés, comme par exemple le
paiement des factures mensuelles ou l’organisation d’un voyage. Petit à petit les
tâches quotidiennes posent problème, par exemple faire les commissions ou sa
toilette matinale. La perception du temps disparaît et le malade ne se retrouve même
plus dans son propre quartier. On ne peut plus le laisser seul.
Plus tard, il aura besoin de présence et de surveillance 24 heures sur 24. Dès lors, il
ne peut plus manger, ni s’habiller, ni se laver seul. Son langage ne compte plus que
quelques mots ou plus de mots du tout.
La classification par stades permet de mieux comprendre les symptômes : on
distingue le stade initial, modéré et avancé.
 LE STADE INITIAL
Défaillances de la mémoire : Ces défaillances concernent surtout la mémorisation de
nouvelles informations. Le malade manque ses rendez-vous, oublie ce qui a été dit.
De plus, si on le rend attentif à ses manquements, il est blessé, irrité ou méfiant.
Difficultés à trouver ses mots : Le malade utilise des formules compliquées et décrit
par périphrases les objets dont il ne retrouve pas le nom. Il lui arrive aussi de ne pas
terminer ses phrases. Déjà à ce stade de la maladie, il arrive parfois que le malade
devienne très taciturne.
Désorientation dans l’espace : Cette désorientation se manifeste principalement dans
un environnement inconnu, en vacances par exemple. Le malade n’arrive plus à
retrouver sa chambre dans un hôtel ou est incapable de se repérer sur un plan de
ville.
Désorientation dans le temps : Le malade éprouve des difficultés à se souvenir de la
date et de l’heure; il confond ses rendez-vous, s’y rend au mauvais moment ou
plusieurs fois de suite.
Sous l’effet de ces symptômes, il devient de plus en plus passif sur le plan
intellectuel, ne s’intéresse plus à ce qui l’entoure, se résigne et perd toute initiative
13
ou motivation. Il souffre d’angoisses et/ou de dépression. Certains accusent leurs
proches et les culpabilisent.
Parallèlement, le malade Alzheimer déploie une activité physique croissante: il
s’agite et devient incapable de rester assis longtemps; il a constamment besoin de
bouger et de s’activer. Si on essaie de l’en empêcher, il réagit avec agressivité.
 LE STADE MODÉRÉ
La maladie évolue et les troubles deviennent plus évidents et plus gênants pour la
personne atteinte.
Défaillances de la mémoire : Les troubles de la mémoire concernent maintenant
aussi les noms de proches ainsi que les évènements récents. Le malade oublie par
exemple s’il a mangé, s’il s’est lavé ou si quelqu’un lui a rendu visite.
Parler devient difficile : Les difficultés à s’exprimer augmentent, le malade a de plus
en plus de peine à parler de manière compréhensible, mais aussi à comprendre ce
qu’on lui dit. En d’autres termes, s’il entend ce qu’on lui explique, il ne comprend plus
le sens des mots.
Capacités dans le quotidien : Le malade ne peut plus accomplir les actes quotidiens
simples, comme se laver, s’habiller, manger, etc. qu’en présence et grâce aux
indications de la personne soignante et seulement s’il comprend encore ce qu’on lui
dit.
Désorientation dans l’espace : Cette désorientation se manifeste désormais aussi
dans un environnement familier. Cela signifie que le malade s’égare dans
l’appartement: il ne retrouve plus, par exemple, les toilettes.
Désorientation dans le temps : En plus de la date et de l’heure, le malade ne sait
plus dans quel mois ou quelle saison il se trouve.
A ce stade, de nombreux malades atteints de la maladie d'Alzheimer sont sujets à
des hallucinations ou des délires: ils voient des personnes qui n’existent pas ou
entendent des voix ou des bruits. Cette agitation peut amener le malade à errer sans
savoir où il va. Beaucoup de malades quittent leur domicile et ne retrouvent plus le
chemin du retour. D’après les témoignages de proches soignants, le stade modéré
est le plus dur à supporter, par sa durée et la charge sur le plan physique.
 LE STADE AVANCÉ
Désormais le malade présente des faiblesses physiques: il devient vulnérable à
diverses infections (grippe, pneumonie, infection des reins et de la vessie, etc.), qui
sont des causes de décès courantes.
14
Disparition de la mémoire : Maintenant, la mémoire à long terme est aussi atteinte.
Le malade réagit de moins en moins à des personnes, à des histoires ou à des
chansons de son passé.
De moins en moins de mots : La parole se réduit à quelques mots que le patient
semble dire par hasard ou à un alignement de syllabes. Beaucoup de malades
tombent dans un mutisme total pendant ce stade.
Contact avec le monde : Souvent, à ce stade, le malade ne reconnaît plus les
personnes les plus proches. Il a de la peine à comprendre et à interpréter les
évènements quotidiens.
Difficultés à se nourrir : Les problèmes liés à l’alimentation sont divers: identifier la
nourriture, ouvrir la bouche, mastiquer et l’avaler devient difficile. Le malade risque
d’avoir des quintes de toux et d’avaler de travers. Des corps étrangers peuvent se
glisser dans les poumons, ce qui peut provoquer une pneumonie.
Risques de chutes : Le malade avance à tout petits pas et manque d’assurance: il
multiplie les chutes, les blessures et les fractures sont fréquentes. Il en vient
progressivement à passer ses journées en chaise roulante ou devient grabataire.
Perte de contrôle de la vessie et de l’intestin : Alors qu’au stade précédent, il était
possible de retarder l’incontinence en incitant le patient à aller régulièrement aux
toilettes, ce n’est plus possible au stade avancé.
Selon les zones du cerveau qui s’altèrent, le fonctionnement de l’odorat, de la vue,
de l’ouïe, du gout et du toucher diminue. Les symptômes de la maladie s’aggravent
progressivement. Le cas clinique de Monsieur Roussel met en évidence la perte du
langage dont il souffre. Paradoxalement, il arrive à lire à haute voix et comprend ce
qu’il lit.
« L e centre cérébral que nous utilisons pour parler est situé à l’arrière du lobe frontal
dans une zone dite de Broca et le lobe pariétal inférieur. Ce dernier aiderait le
cerveau à classifier et à étiqueter les choses, appréhender les multiples propriétés
d’un mot : son aspect visuel, sa fonction, son nom. L’hémisphère droit participe à la
compréhension de mots simples, de phrases courtes. La lecture et l’écriture,
contrairement à la parole, ne font pas intervenir les zones du langage. Elles utilisent
les mêmes mécanismes que la vision(ou le toucher pour le braille, par exemple). »
(Hommes et faits, mars 1996).
 DU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE
La maladie d’Alzheimer ne serait pas seulement d’ordre biologique, mais sans doute
aussi d’ordre psychologique et social. Jean Maisondieu parle d’un « naufrage
sénile » (Maisondieu, 2011, p.12) provoqué par des causes telles que la
dévalorisation et l’exclusion de la personne âgée dans notre société, la solitude, la
peur de mourir et un problème existentiel majeur. Un exemple tiré de mon entourage
familial me laisse penser, comme Maisondieu, qu’une personne ayant subi un
traumatisme d’ordre affectif déconnecterait ses facultés intellectuelles afin que
15
l’insupportable ne soit même plus à penser. Ma tante avait une cinquantaine
d’année en 1989, lorsque son fils de 23 ans est mort accidentellement, la plongeant
dans un immense chagrin d’où elle n’est plus sortie. La dépression faisait partie de
sa vie autant que la mort de son fils. Petit à petit, elle perdit pied à la vie réelle et elle
se plongea dans l’oubli ; les médecins diagnostiquèrent, en 1990, la maladie
d’Alzheimer. Elle meurt en 2009. Je ne sais pas si elle ne pensait plus à la mort de
son fils, je ne sais pas non plus si cet isolement psychique était un moyen de se
protéger de la douleur ou un moyen pour la supporter.
La dimension économique pourrait aussi être une cause puisque les traumatismes
d’ordre matériel ou économique existent et font des ravages dans la vie de
nombreuses familles, comme aux Etats Unis où de nombreuses familles se sont
retrouvées à la rue du jour au lendemain perdant leur maison, leurs économies, la vie
sociale de quartier et sans doute l’idéal et la stabilité d’une vie familiale.
Notre société aspire à la normativité et les individus sortant des normes, risquent
l’exclusion. C’est souvent le cas des personnes DTA. La pose du diagnostic a des
répercussions, comme la stigmatisation qui modifie les comportements de la
personne DTA comme ceux de son entourage. La maladie d’Alzheimer autant que la
personne qui en est atteinte provoquent la crainte et le rejet. Des caractéristiques
négatives et dévalorisantes, lui sont attribuées confondant parfois maladie et être
humain.
Dans une société qui favorise l’autonomie, la santé et l’apparence, la personne DTA
représente une charge. Les proches souffrent de voir les changements physiques et
psychiques de leurs parents et vivent difficilement la perte de contact. Des
sentiments de peur, de honte et de chagrin sont souvent le quotidien des familles. La
stigmatisation, attribution d’aspects négatifs, modifie le comportement de la
personne atteinte par la maladie, mais aussi la façon dont les proches et l’entourage
la perçoivent et l’évaluent. La personne démente perd l’estime de soi parce que le
regard des autres a changé.
Dire que la personne DTA a « perdu l’esprit » sous entend qu’elle n’a plus rien à dire
et qu’elle ne sait plus rien faire, qu’elle est un esprit mort dans un corps vivant
puisqu’elle a perdu ses facultés intellectuelles et sa conscience. Un résidant me
disait que la seule chose que les personne DTA savent faire c’est « marcher sans
but ». J’ai remarqué aussi que les allées et venues rythmaient les journées de
certains résidants.
Michel Personne parle de « trouble moteur inadéquat ».
(Personne, 2006, p.37). La déambulation est une réponse à une cause anxiogène
qui remplace les disfonctionnements cognitivo-mnésiques.
Selon lui certaines activités telles la musicothérapie et l’art-thérapie peuvent diminuer
les angoisses et les troubles moteurs inadéquats. Il parle d’une « stimulation « bien
dosée » (Personne, 2006, p.83) organisée en animation ou en ateliers
thérapeutiques. Il parle des « espaces Snoezelen », concept anglais basé sur l’éveil
des sens par stimulation à travers la musique, les jeux de lumières, la vibration, les
sensations tactiles et olfactives. (Cap retraite, 2008). La stimulation des sens éveille
des émotions, des réactions et un état de bien-être permettant aux souvenirs vécus
de faire surface. Les « espaces Snoezelen » créent des atmosphères relaxantes et
douces par des jeux de lumière et musicaux. Les revêtements aux textures
16
différentes développent le sens tactile. Le mouvement est encouragé par des jeux
moteurs et le sens olfactif est stimulé par des diffuseurs d’huiles essentielles.
L’auteur explique qu’il est difficile de connaitre le niveau de conscience de la
personne puisque la perte du langage s’ajoute aux troubles cognitivo-mnésiques.
Quand les mots utiles dans une conversation restent introuvables dans sa mémoire,
la personne déploie des comportements non verbaux pour rester en lien avec les
autres. « L’usage du canal non-verbal permet de solliciter tout le non-dit de la
mémoire non-verbale. »(Personne, 2006, p. 98) Ce langage non-verbal permet à la
personne une mise en relation avec autrui et une vie sociale. « L’aphasique
communique mieux qu’il ne parle. »(Personne, 2006, p. 107). L’auteur dit que la
personne DTA s’installe dans les rêves et fuit la réalité et que des médiations
efficaces tenant compte « des émotions et des attitudes des malades » rendent
l’expression possible. Il dit encore que « nos réticences, notre agacement, voire notre
dégoût » (Personne, 2006, p. 11-10), réprime la communication..
En utilisant l’art-thérapie, la personne DTA est orientée dans l’ici et le maintenant,
elle est invitée à rejoindre le monde réel dans « un processus de passage de la
rêverie à la création partagée ». (Personne, 2006, p.99).
En outre, j’ai découvert, une association américaine qui utilise l’expérience artistique
comme moyen pour stimuler la cognition et la vie sociale des personnes DTA. Elle a
été crée par les docteurs John Zeisel et Sean Caufield. Je reste en contact avec eux
pour de plus amples renseignements concernant « ARTZ is Artists for Alzheimer’s ».
John Zeisel a écrit sur sa page personnelle «L’Alzheimer ne fait pas disparaitre la
mémoire, les souvenirs sont tous là. La partie du cerveau endommagée est la partie
qui donne accès à la mémoire. C’est comme si vous mettiez les souvenirs dans un
tiroir fermé et que vous en perdiez la clé ; l’art le déverrouille. » (ARTZ is Artists for
Alzheimer’s)que j’ai traduit de l’anglais au français.
Mathieu Langlais1, psychologue et psychothérapeute, propose de trouver le sens
qu’a la maladie pour la personne atteinte, plutôt que d’en chercher seulement les
causes biologiques, physiologiques et neurologiques. Pour M. Langlais l’âme est la
forme du corps et le corps est la matière de l’âme : « la maladie est une présentation
de l’âme ». La maladie est porteuse d’une intention qui ne se limite pas seulement à
ses effets, elle travaille elle-même comme âme dans un corps. Pour lui la maladie
donne à voir des aspects de l’Ombre, dimension commune à tout être humain et qu’il
ne connait pas ou qu’il ne veut pas connaître .La maladie suscite des images, des
formes et elle transforme le corps. La maladie a une valeur sur le plan
psychologique, ce qui ne veut pas dire que la maladie soit idéalisée. Dans toutes les
formes que génère le corps se voit l’action de l’âme, ce qui comprend aussi les
œuvres produites en art-thérapie. L’art-thérapie regarde ce qui se passe ici et
maintenant, sans chercher les causes. L’art-thérapie considère l’image, l’œuvre
comme présentation de l’âme.
1
M. Langlais. Le corps et la créativité. Cours à l’EESP, le 24 mars 2011
17
II.3 L’ATELIER D’ART-THÉRAPIE
II.3.1 SA CRÉATION
La directrice et l’infirmière cheffe ont participé à un séminaire consacré aux
personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. De nouvelles thérapies nonmédicamenteuses leur ont été proposées telles que l’art-thérapie, les clowns
thérapeutiques et la musicothérapie. De retour, elles voulaient évaluer la pertinence
de l’art-thérapie auprès des résidants DTA. Elles m’ont permis d’effectuer un premier
stage d’octobre 2009 à décembre 2009 en posant les objectifs suivants :
 Utiliser une nouvelle méthode de communication en gériatrie
 Animer les résidants d’une autre manière puisqu’il existe de l’animation à
l’EMS
 Lutter contre l’isolement et le repli sur soi par l’éveil des sens
 Permettre l’expression des émotions et les représentations mentales
 Offrir des thérapies non-médicamenteuses afin de diversifier l’offre en soins
Une évaluation orale entre l’infirmière et moi, a été faite à la fin des heures prévues
par le stage. Il s’est avéré que la mise en place de cette nouvelle approche prenait
du temps. Une deuxième période, s’étalant de février 2010 à octobre 2010, m’a été
proposée.
Pour la mise en forme du cadre de l’atelier, je me suis référée aux ouvrages de


Domenge Lifschtitz, P. (2006). Le cadre thérapeutique en art-thérapie :
Ses fonctions et ses composantes. Lausanne : haute école de travail
sociale et de la santé- EESP.
Perron, M. (2005). Communiquer avec des personnes âgées : La « clé des
sens ». Lyon : Chronique Sociale
L’un des objectifs de la direction concernant l’atelier d’art-thérapie était de créer une
animation à visée thérapeutique, différente des ateliers d’animation existants
(concerts de piano ou d’accordéon), qui occupent les résidants et les rassemblent.
L’art-thérapie devait «(…) mettre en œuvre des moyens individuels et collectifs pour
lui donner envie d’exister jour après jour jusqu’au dernier. »(Perron, 2005, p. 37).
II.3.2 SA DESCRIPTION
L’atelier se trouve au rez-de-chaussée de l’institution. De grandes fenêtres s’ouvrent
sur le jardin. Le grand salon se trouve à quelques mètres, mais l’isolation phonique
est efficace et permet la confidentialité ainsi que la concentration. Une table de
travail, quelques chaises et un point d’eau desservent la pièce. Les différents
matériaux permettent la créativité sous toutes ses formes. J’installe un choix
restreint de matériel à chaque séance, afin de ne pas angoisser les résidants atteints
de troubles cognitifs. Les médiations suivantes sont à portée de main dans une
armoire :
18
 Les arts plastiques : La peinture, le crayon de couleur, le crayon gris, le feutre
 Le modelage/sculpture : L’argile
 Le collage : Les revues, les cartes postales, les images et les mots
prédécoupés
 La musique
 Les tissus
 Quelques huiles essentielles
 Les contes
 L’ordinateur portable
Dans le jardin, je ramasse certains objets naturels que le résidant utilise dans
l’atelier. Les bancs du parc me permettent de m’asseoir avec un résidant pour
regarder, sentir la saison et écouter les bruits environnants. Le local n’est pas
réservé uniquement à l’art-thérapie. L’animatrice organise des activités diverses,
comme la gymnastique du matin, et l’emploie comme bureau. Le rôle de l’animatrice
est d’apporter du plaisir aux résidants, d’encourager les échanges inter et extra
muros, d’assurer de la compagnie, de favoriser l’estime de la personne âgée et
d’offrir une bonne qualité de vie. Ma fonction était d’amener une nouvelle thérapie
non-médicamenteuse au sein de l’institution afin de favoriser une communication
différente. Je devais être un soutien et une référence pour l’équipe soignante sur le
plan de l’art-thérapie. Tout le personnel de la maison, de l’infirmier au cuisinier en
passant par les secrétaires ont participé à un atelier de sensibilisation à l’artthérapie afin de faire connaissance avec cette nouvelle approche thérapeutique. Ils
ont pu la différencier de l’animation ou d’une activité ludique ou d’expression.
L’atelier est ouvert le mardi de treize à dix-huit heures. Les séances font partie de la
vie institutionnelle et du programme de soins. Le résidant retrouve semaine après
semaine le même environnement sécurisant, accueillant, protecteur et invitant à la
création. Le lieu est calme, loin des bruits de la maison. Durant ces heures, l’atelier
vit au rythme des résidants amenés par les soignants ou venus au gré de leur
déambulation. Si besoin est, sur demande du résidant, des membres de l’équipe ou
du médecin traitant, le résidant peut entreprendre une thérapie individuelle. Les
échanges d’observations, le retour des résultats obtenus, la pose d’objectifs
thérapeutiques se discutent lors du colloque avec les infirmiers, les animatrices et
les aides-soignants. Les questionnements et les hypothèses sont débattus et
réutilisés dans la semaine. Je note quelques observations sur le dossier de soins
des résidants ayant participé à l’atelier. Les réflexions art-thérapeutiques et les
productions sont classées dans un dossier restant à l’atelier. Lorsque le résidant
décède, son dossier thérapeutique et ses œuvres sont archivés avec le dossier
médical.
19
III. ANALYSE DE LA PRATIQUE
III.1 OBSERVATIONS EN ATELIER D’ART-THÉRAPIE
J’ai choisi de partager quelques observations de situations vécues dans l’atelier
d’art-thérapie avec des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cette
question mériterait un travail d’observation, de prise de notes, de photos, voir même
de vidéos et de recherches plus longues.
Dans mon travail au sein de l’établissement médico-social, les résidants sont atteints
à des stades différents de la maladie. Ce sont les résidants atteints dans la maladie
au stade modéré, voire avancé que j’ai rencontrés le plus fréquemment. Le travail
dans l’atelier d‘art-thérapie me permet d‘être présente d’une manière différente, je ne
cherche pas un diagnostic infirmier, mais reste néanmoins attentive aux symptômes
physiques et psychiques des résidants. Mes connaissances médicales me
permettent d’adapter les propositions thérapeutiques dans l’atelier et les objectifs de
soins posés par le personnel infirmier, me sont familiers. Par exemple, une dame
souffrant d’escarres, sorte de plaie profonde, située au siège lui inflige des douleurs
en position assise. Je mets alors sur la chaise, une torche, sorte de coussin
gonflable, pour son bien-être, afin que la douleur ne trouble pas le processus créatif.
Mes connaissances des difficultés liées aux actes de la vie quotidienne, comme
l’angoisse et la perte de la maîtrise des apraxies me permettent d’anticiper des
difficultés liées au choix du média ou de la technique, afin que la personne ait un
sentiment de contrôle ; ou bien j’éclaire les lieux afin de diminuer les risques de
chutes. Les groupes comprennent trois personnes afin que l’espace ne soit pas
réduit et qu’il n’y ait pas trop de bruits ce qui favorise les hallucinations auditives. Le
but est que chacun bénéficie d’un moment de calme et de plaisir.
Le stage m’a permis d’observer la solitude, l’emprisonnement dans le mutisme,
l’agitation motrice pour certains et l’apathie pour d’autres, la désorientation temporospatiale, l’angoisse et la dépendance que cette maladie inflige à certains résidants. Il
m’a permis d’observer que le résidant atteint d’un syndrome cognitivo-mnésique est
capable, avec l’appui d’un art-thérapeute, d’exprimer ses sentiments et ses émotions
à travers les couleurs, la musique, l’écriture et les senteurs comme le propose
Martine Perron. L’important pour moi est que le résidant trouve un terrain de
confiance dans l’atelier d’art-thérapie où il pourra se mettre en mouvement vers un
processus de créativité, d’apaisement, de jeu, de plaisir, d’expression et de
communication. « L’essentiel est que les aînés retrouvent la possibilité d’exprimer
leur humanité. » (Sudres, Roux, Laharie & de la Fournière, 2004, p. 46). Comme le
dit Michel Perron, l’objectif est de faire retrouver au résidant « le goût de la conation,
de faire valoir son droit naturel à l’existence, bref de retrouver le chemin d’un Soi par
narcissisme. »(Personne, 2006, p. 82). Les activités réalisées dans l’atelier visent
une recherche de la stabilité cognitivo-comportementale, à travers le travail avec les
mandalas par exemple, ou une recherche de motivation à aimer la vie.
La plupart des résidants proviennent d’une génération où le travail était central,
laissant peu ou pas de place au plaisir. L’art était considéré comme une prise de
temps sur le labeur journalier. Seuls quelques privilégiés, parmi les résidants, étaient
habitués à le côtoyer et les autres l’ont abordé lors de leur scolarité. Dans l’atelier
20
d’art-thérapie les deux populations se rejoignent, car la maladie a altéré certaines
facultés des uns comme des autres. Des difficultés surviennent, telle que la pauvreté
des échanges verbaux ; seules les informations reçues des soignants me permettent
d’écrire une histoire de vie et de connaître les habitudes du résidant.
La perte des facultés de l’anticipation rend l’application d’un trait difficile, surtout
pour ceux qui ont une désorientation temporo-spatiale. Michel Personne explique
que la personne DTA a de la difficulté à se situer dans l’espace et d’anticiper le tracé,
c’est-à-dire de penser le trait et le geste avant de le dessiner. J’ai observé cette
situation mainte fois, lorsque la personne reste en suspension avec le pinceau audessus de sa feuille. En lui proposant de toucher la feuille blanche avec la pointe du
pinceau, le geste est amorcé. A ceci s’ajoute la modification des perceptions qui
entraîne une difficulté à relier les objets familiers à leurs fonctions. Parfois, le
résidant ne retrouve plus le graphisme des formes, des lettres ou des chiffres au
sens du mot qu’il dit ou qu’il pense. Parfois même, le geste ne correspond pas à
l’intention de sa pensée. A ces moments là, je me demande si l’esprit et le corps du
résidant ont des connections, si l’esprit commande le corps et si le corps amène à
l’esprit les perceptions de l’environnement. Chaque séance ressemble à une
découverte nouvelle pour laquelle des adaptations créatives doivent être trouvées
autant de la part du résidant que de la mienne, afin que l’art-thérapie donne accès
aux souvenirs verrouillés dans les tiroirs de la mémoire.
Par mesure de sécurité, je reste très attentive lors de l’utilisation du matériel comme
les ciseaux ou même la peinture car le résidant met souvent les objets en bouche.
J’enlève le superflu de la table afin de ne pas déconcentrer l’attention sur les objets
non usités. Le résidant occupe toujours la même place autours de la table par souci
de stabilité. J’adapte les techniques aux aptitudes physiques et psychiques que
j’évalue au fur et à mesure des ateliers, mais celles-ci sont changeantes selon l’état
de santé et de bien-être de la personne. Par exemple, quelques gouttes de moins de
Risperdal®, médicament psychotrope, ou une mauvaise nuit de sommeil auront une
influence sur les angoisses et la concentration de la personne. Le dossier infirmier
que je consulte à mon arrivée, me donne des renseignements précieux. Selon l’état
psychique dans lequel se trouve le résidant, je lui propose la technique de la
« peinture magique » qui consiste à choisir deux ou trois couleurs qui « font
plaisir », d’en verser quelques gouttes au hasard sur la feuille, de plier la feuille en
deux, d’appuyer fortement sur toute la feuille, puis de l’ouvrir. Le résultat obtenu par
le mélange des couleurs et par pression les ravit. Ils donnent parfois un sens à la
production, permettant un retour aux souvenirs. Un dialogue et parfois une recherche
documentaire stimulant la cognition s’engage avec certains. J’obtiens les mêmes
observations lorsqu’ils travaillent avec de la peinture diluée sur un papier trempé.
Ces deux techniques évitent le recours à la mémoire des objets et leurs fonctions. La
gestion du mouvement et de la pensée, n’est pas nécessaire. Les résultats aléatoires
sont indépendants de leur savoir-faire. Le résidant donne sens à ce qu’il voit quand
les mots et sa pensée le lui permettent. De toute manière, il est revalorisé puisque
c’est lui qui a fait l’œuvre, qu’il la trouve belle. Il cherche dans mes yeux et mon
attitude l’approbation qu’il a bien fait. L’angoisse l’envahit lorsqu’il pense qu’il ne sait
pas bien faire. Il porte une grande importance à l’harmonie des couleurs et à la
composition de l’œuvre. Il accorde une grande importance à ce que j’en pense,
même si l’art-thérapie ne recherche pas le beau dans la réalisation. Je reconnais que
certains résultats sont d’une beauté délicate. Les résidants me font une confiance
21
totale lorsqu’ils me demandent de choisir pour eux les couleurs ; c’est une façon
détournée de contourner l’angoisse du choix. Je prépare délibérément les couleurs
primaires qui, en se mélangeant, donnent des résultats harmonieux, leur procurant
satisfaction, plaisir et valorisation de soi. La peinture et l’argile sont les médias de
prédilection. Lorsque je leur propose de regarder l’ordinateur, ils sont émerveillés
devant ce petit écran qui contient même les chants de leur enfance. Parfois lorsqu’un
résidant me parle, par exemple, d’une fleur que je ne connais pas, une recherche
sur l’ordinateur s’engage ; la personne DTA m’a appris quelque chose ; elle peut se
sentir valorisée et très fière d’elle.
L’écriture est possible avec les résidants DTA qui n’ont pas d’atteinte du langage,
par contre l’écriture est lente et difficile, gênée par les pertes de mémoire, je suis
alors le scribe : j’écris sous leur dictée.
Le pouvoir décisionnel des personnes DTA est pris par autrui dans les grandes
décisions, telle que la gestion du patrimoine familial. Il se trouve aussi dans les actes
de la vie quotidienne, comme le choix des habits, le choix de s’asseoir ou pas. Michel
Personne dit que « la personne âgée ne décide pas et obéit passivement à des
stimulations. »(Personne, 2006, p.10). Malgré la maladie, Michel Personne sous-tend
qu’une « autonomie relative » (Personne, 2006, p. 12) est à découvrir avec chaque
personne. L’art-thérapie permet au résidant de venir ou pas aux ateliers, de s’asseoir
ou pas, de peindre ou pas et de choisir le média ou pas.
Chaque personne a mille et une façons de se représenter et en art-thérapie
« Chaque outil d’expression est une porte d’accès à l’âme. » (Weil, 2003, p.23). Il
s’agit de mettre en forme, en image, par le processus créatif, des éléments de soi à
travers la production. La production n’est pas considérée comme une œuvre d’art,
même si le mot art-thérapie contient le mot art. Ce qui est important dans la
démarche de l’art-thérapie c’est l’œuvre en train de se faire, en d’autres mots, c’est le
processus créatif qui est important avant le résultat final.
L’art-thérapeute tente d’amener le sujet à voir, par un regard neuf, ce que la
production exprime. « En art-thérapie, la véritable création vers laquelle s’acheminent
thérapeute et thérapisant, ce n’est pas tant l’œuvre, que l’âme de celui qui fait, et
c’est pour cette raison que thérapie par la création et thérapie par l’expression ont
même valeur car la véritable œuvre est invisible au seul regard extérieur et tient de la
réalisation de soi. » (Weil, 2006, p.23). Nicole Weil utilise les sens de l’être humain
comme l’ouïe stimulée par la musique, le toucher par l’utilisation de la terre glaise, la
vue par la production et l’odorat par un parfum. « (…) Tous nos sens sont des
conducteurs du dehors vers le dedans, et …vice-versa. » (Weil, 2003, p.29). Martine
Perron utilise une méthode qu’elle a appelé la « Clé des Sens ». « (…) qui sollicite le
potentiel sensoriel des personnes âgées afin que celles-ci puissent réactiver leur
mémoire ancienne, ouvrir les tiroirs où sont rangés, enregistrés des connaissances,
des émotions, des instants vécus… » (Perron, 2005, p. 61). Cette méthode ne vise
pas la performance mnésique, mais la mise en communication. L’utilisation de la
méthode parait simple puisqu’il s’agit de présenter un objet à la personne.
Ces pistes pratiques et ces observations m’ont paru pouvoir s’appliquer aux
résidants. J’ai proposé des ateliers d’éveil des sens une fois par mois. La musique
classique fait partie des ateliers avec une résidante qui ne fait jamais la sieste. Elle
22
peint avec les doigts au rythme des sons et s’endort souvent avant la fin de la
séance. Pour l’éveil des sens par le toucher, je propose divers sachets opaques
remplis de café, de plumes, de bouchons de liège, de grains de maïs, de galets, de
coquillages ou de sable, que le résidant touche en aveugle. Pour l’éveil des sens par
l’odorat, je propose des flacons remplis de senteurs comme la rose, la cannelle, le
café, la menthe, le géranium et la lavande. Chaque senteur est associée à une
image. Le résidant identifie une odeur à une image, ou à l’inverse. Pour l’éveil du
goût, de la vue et de l’ouïe je cherche des idées faciles à réaliser et peu coûteuses.
Je suis en mesure de dire que les senteurs apaisent le corps, ouvrent l’appétit et
stimulent l’esprit des résidants.
Je suis attentive à ce qui se passe dans l’atelier afin de rebondir et tenter l’éveil des
souvenirs, comme lors de cette séance en présence de trois autres résidants.
Monsieur Roussel entre, sans bruit, au grès de ses déambulations et prend une
feuille sur le bureau de l’animatrice avec les paroles de la chanson d’Edith
Piaf : « Non, je ne regrette rien »(1961). Mon ordinateur portable branché sur un site
musical, je mets, en accord avec les trois autres personnes, la chanson et à ma
grande surprise et celle des autres résidants, Monsieur Roussel se met à fredonner
et à chanter les paroles du refrain distinctement. A la fin du morceau, il dit : « C’était
bien ! » sous les applaudissements.
Dans mon travail de deuxième année j’ai étudié comment l’être humain se forme et
se transforme au gré de ses apprentissages et de ses expériences de vie, il est un
être en mouvement. Les informations transmises par la vue, l’ouïe, l’odorat, le
toucher et le goût activent le réseau neuronal qui se modifie, crée des liens et de
nouvelles connections au fil des expériences vécues participant ainsi à la réalisation,
à la transformation et à la personnalité de l’être humain au fil de ses expériences
propres, n’engageant pas une remise à zéro quotidienne de son identité. La plasticité
neuronale introduit la notion que le cerveau n’est pas un organe figé, les neurones
continuent de se développer tout au long de la vie d’un homme. C'est-à-dire que plus
nous apprenons, plus nous sommes stimulés, plus nos neurones établissent des
liens entre eux. Le réseau neuronal se modifie, crée des liens et de nouvelles
connections au fil des événements et des expériences vécues.
Les mouvements de la plasticité neuronale participent aux mille façons de
représenter les images mentales à travers une production issue des connections
synaptiques. Lorsque les images mentales sont mises en forme, par exemple sous la
forme d’une production en argile, elles passent à nouveau par les sens : elles se
laissent toucher par les mains qui lui donnent forme, l’argile lui donne une odeur
particulière, l’ouïe est stimulée lors de l’échange verbal avec le thérapeute. Le goût
est également stimulé si le thérapisant choisit de porter à la bouche un bout de terre.
Les résidants ont tendance à porter les matières à la bouche, une sorte de mise en
éveil du sens gustatif, comme lorsque le bébé s’éveille au monde en portant tout ce
qu’il rencontre (objet comme être vivant) en bouche. La création d’une œuvre
implique un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, puis de l’extérieur vers
l’intérieur. Il y a une mise en mouvement de la représentation psychique du dedans
vers le dehors, puis une réintégration de la nouvelle expérience du dehors vers le
dedans. Le thérapisant n’est plus ce qu’il était, il est un être en devenir, un être en
transformation. Les productions sont les témoins du processus créatif et
thérapeutique. La production évite subtilement une réalité difficile en dévoilant une
23
forme issue de la psyché de la personne. « La révélation va être confiée à un support
matériel ostensible, véritable miroir d’une situation encore inconsciente et que la
personne va laisser librement émerger. » (Weil, 2003, p.27). La production évite le
face à face avec soi-même, entre le sujet et le thérapeute. La production est
considérée comme un médiateur qui allège la difficulté de la situation et la
souffrance ; c’est elle qui est questionnée. La production mobilise des images qui
vont créer des liens entre le monde psychique (de l’âme) et le monde réel dans un
processus agissant sur la réalité extérieure. L’art-thérapie mobilise les ressources du
sujet en thérapie pour le mettre en processus créatif et thérapeutique. Parfois, les
productions représentent l’inattendu et l’inexprimable. Thora Constant (2010)2
commençait la visite de l’exposition des œuvres d’Edward Hopper par une citation de
celui-ci : « Si on pouvait le dire avec les mots, il n’y aurait aucune raison de le
peindre. »
Hors des ateliers d’art-thérapie, les interventions des soignants se basent sur des
objectifs de soins. Les techniques de soin et les paroles accompagnent les gestes
accomplis afin que le résidant connaisse les intentions du soignant. J’ai observé que
les mêmes questions revenaient, des questions fermées que j’ai également utilisées
tout au long de mon activité professionnelle, comme par exemple : « Bonjour, vous
avez bien dormi ? », « Comment ça va ce matin ? » ou « Avez-vous pris vos
médicaments ? ». Ce langage ne permet pas une discussion ni une mise en
communication, car ce sont des questions fermées, ayant comme seul objectif de
recueillir des données. Souvent les soignants n’obtiennent pas de réponse, et ils sont
dans un monologue quotidien avec les résidants DTA qui semblent amorphes et
absents. Les soignants résignés exécutent les gestes nécessaires au maintien des
besoins vitaux transformant le résidant « de la personne dépendante(…) à l’objet
dépendant. » (Sudres, Roux, Laharie & de la Fournière, 2004, p. 227)
« Une étude réalisée par la Communications et Etudes corporelles (CEC), indique
que les soignants communiquent en moyenne, avec les personnes grabataires vivant
en institution, 120 secondes par 24 heures. » (Gineste& Pellissier, 2007, p. 167)
L’un des besoins fondamentaux de l’homme est le besoin de communiquer. L'artthérapie propose une expérience créatrice qui permet une expression de soi nonverbale, même si, souvent, l’échange verbal entre le sujet, la production et le
thérapeute intervient au cours de la séance afin de mettre des mots sur le processus,
la réalisation de l’oeuvre et son contenu. Dans un contexte de travail avec des
résidants qui ne peuvent plus s’exprimer verbalement ou très peu, je me suis plus
particulièrment documentée au sujet de la communication non-verbale.
Selon Philippe Turchet, (La Synergologie, 2011), synergologue, la communication
verbale est composée de 7% du verbal qui inclut le sens des mots, selon des règles
et des définitions grammaticales, de 38% du paralangage qui inclut le timbre de la
voix, les coupures de mots, les silences qui expriment des sentiments à travers la
façon dont ils sont dits et de 55% de non-verbal qui inclut les gestes, les postures et
les mimiques du visage. La communication est une affaire complexe : elle est faite,
par exemple, de ce que l’on voulait dire et de ce que l’on a dit, de ce que l’on espère
2
T. Constant. Exposition du peintre Edward Hopper. Visite guidée, Musée de l’Hermitage, le 25 juin 2010
24
que l’autre à compris et de ce que l’autre à compris, de ce que l’on dit et de ce que
l’on ne dit pas.
Avec un taux de 7%, le verbal n’est donc pas le canal de communication le plus
important. Même s’il est plus facile de parler pour exprimer une pensée, les autres
canaux prédominent dans la communication pour exprimer les sentiments et les
émotions. Dans mon travail avec les personnes DTA, il est essentiel de comprendre
la communication non verbale dans les relations interpersonnelles, et de décoder les
différents messages avec le risque de se tromper dans l’interprétation.
En art-thérapie la production est le vecteur principal de communication. Le processus
créatif et thérapeutique s’exprime sans passer par la communication verbale :
s’exprimer à travers l’art-thérapie, c’est extérioriser son être, se créer et se recréer,
c’est représenter ce qui est indicible, c’est dire ce qui se cachait ou se taisait, c’est
sortir de l’intérieur vers l’extérieur, c’est ouvrir des tiroirs. C’est créer des canaux de
communication. C’est entrer en lien thérapeutique avec soi, avec un groupe ou avec
le thérapeute. La personne s’exprime et devient actrice de son processus, elle trouve
une identité à travers la forme créée ; la création revalorise, redonne dignité et
humanité. « L’art peut jouer le rôle de stimulus et provoquer, de par son pouvoir
expressif et ses effets relationnels, des sensations et des émotions. » (Sudres, Roux,
Laharie & de la Fournière, 2004, p. 227).
Je m’en suis remise au résidant pour ajuster ma pratique ; j’ai adapté ma pratique à
leur besoin. Je me suis mise en position d’écoute, afin de recevoir ce qu’il exprime.
J’accueille les présents et les enseignements qu’il m’offre.
Pour que ce travail puisse se faire, des liens de confiance, avec le thérapeute
doivent être tissés. Le savoir, le savoir-faire et le savoir-être de l’art-thérapeute sont
d’une grande importance dans ses fonctions. « La pratique de la thérapie demande
un développement constant de la personnalité du thérapeute.» et « faire plus que
démontrer mon habilité et mon savoir, j’aurais à m’en remettre au client pour la
direction et le mouvement du processus thérapeutique.» (Rogers, 2005, p.10 et 13)
Le savoir-être du thérapeute me semble particulièrement important dans le travail
auprès des sujets atteints de la maladie d’Alzheimer. « Pour venir à toi j’écarte tous
les noms de maladie, d’âge et de métier, comme on écarte un rideau de lamelles
25
colorées en plastique, au seuil des maisons, (…) ». (Bobin, 1999, p. 61). Je place la
personne au centre de mes préoccupations avant de penser à sa maladie.
Mes heures de thérapies médiatisées et verbales m’ont permis de mieux me
connaître moi-même. J’accepte mes imperfections et mes qualités, j’ai reconnu mes
besoins professionnels et familiaux. « On peut dire, en quelque sorte, que j’ai appris
à bien vouloir être ce que je suis. » (Rogers, 2005, p. 15). Michel Personne dit que
« l’écoute de l’autre n’est réellement possible que si l’attention à soi-même est aussi
visée. » (Personne, 2006, p. 11). J’ai agi avec empathie et congruence lorsque des
révélations inattendues ont surgi, me laissant sans mots. Seuls les gestes et une
attitude non-verbale adaptée ont signifié à la personne DTA que ses propos avaient
de la valeur ici et maintenant. Michel Personne dit que « comprendre la personne
perturbée à travers ses préjugés c’est accepter sa réalité historique ». (Personne,
2006, p. 14). C’est considérer que la personne DTA a eu une vie d’homme avant sa
vie en établissement médico-social.
III.2 PRÉSENTATION DES CAS CLINIQUES
Dans l’observation du cas clinique, je décris le résidant, afin de lui donner un corps et
lui prête un nom fictif afin de préserver l’anonymat. Les personnes concernées par
mes observations n’ont pas toutes les facultés pour me délivrer leur accord pour
l’utilisation de leurs productions et les observations menées dans cette étude ; j’ai
sollicité l’infirmière cheffe. L’utilisation des divers témoignages m’a été autorisée par
leurs auteurs. J’utilise le présent qui allège la lecture du travail. Toutes les personnes
observées pour les besoins de ce travail, souffrent de DTA ou d’une autre forme de
démence. La séance décrite s’inscrit dans un processus créatif que je ne développe
pas, j’ai choisi d’illustrer des séances dans lesquelles une chose significative prend
forme sans pour autant dévaloriser les précédentes et les suivantes.
III.2.1 MONSIEUR ROUX
Monsieur Roux est un homme de 80 ans. Il a des cheveux blancs parsemés et
rebelles et des yeux bleus foncés. Il porte toujours une chemise et un gilet sur des
pantalons de ville. Son visage est long, amaigri et l’expression figée donne
l’impression qu’il porte un masque. Il a une bonne ouïe, il porte ses lunettes
accrochées à une cordelette autours de son cou et marche à l’aide d’une canne. Il
fume beaucoup. Il arrive à lire, écrire des mots simples, mais son langage est
imprécis. Il déambule dans les corridors et ses pas le guident souvent vers l’atelier
où il aime, me dit-il, se reposer et se poser, parfois pendant une heure, à regarder
les autres faire. Parfois, il accepte l’une ou l’autre de mes propositions. C’est le cas
un jour du mois de juillet 2010. Il peint pendant quelques minutes, sur une feuille
blanche A4 avec de la gouache de couleur bleue et de couleur rouge. Il pose le
pinceau et me dit : « Il n’y a rien à chanter, ni à écouter de la musique, ni à siffler. »
Je lui dis que je ne sais pas chanter, mais que nous pouvons écouter une musique et
siffler la mélodie. A la fin du morceau, monsieur Roux me dit qu’il apprécierait
volontiers un massage du corps afin de se relaxer.
26
Cette situation a questionné les limites de l’art-thérapie et de l’art-thérapeute. Est-ce
le rôle d’un art-thérapeute de proposer un massage, par exemple des avant-bras,
durant une séance ? Quelles sont ses limites ?
Je décide d’en parler à l’infirmière cheffe. L’infirmière cheffe est en séance ; je ne
peux pas lui faire part de sa demande, je décide de lui en parler la semaine suivante.
Le mardi suivant, à l’entrée de l’institution, une petite bougie est allumée. C’est le
rituel de la maison lorsqu’une personne décède. La photographie de Monsieur Roux
est posée à côté de la mèche allumée. Je suis attristée, car le temps et la mort n’ont
pas attendu que je fasse les démarches auprès de l’infirmière cheffe ; je lui en parle.
Elle me dit que le protocole des soins palliatifs de la maison prévoit un massage
quotidien à l’huile essentiel des tempes, du thorax et des mains.
Technique : Peintures acryliques
Sans titre (2010)
Monsieur Roux aime se poser et se reposer à l’atelier à regarder, avec intérêt,
l’autre faire. Monsieur Roux n’est pas forcément passif, il est serein, ce qui lui permet
une observation et un centrage sur son environnement. Il préserve ainsi son
énergie qu’il brûle durant ses heures de déambulation. L’art-thérapie lui permet de
goûter au non-agir « au sein duquel il semble que rien ou pas grand-chose ne se
passe ni ne se fait, mais où, dans le même temps, rien d’important n’est négligé,
permettant ainsi à cette mystérieuse énergie d’un non-agir ouvert et conscient de se
manifester de façon remarquable dans le monde de l’agir. »(Kabat-Zinn, 2009, p. 32)
Un corps immobile permet à l’âme un centrage sur Soi. Un retour de l’extérieur vers
l’intérieur pour vivre l’extérieur de l’intérieur. Monsieur Roux s’est relié à l’espace et
au temps dans lequel ni musique, ni chant n’étaient disponibles. Comme N. Weil, j’ai
utilisé divers médias, comme la peinture et la musique, afin de stimuler différents
sens, comme l’ouïe .A la fin du morceau, il s’est relié à son corps en demandant un
massage. Il a repris possession de son corps, et relié au moment présent. A-t-il
voulu, par sa demande, me communiquer quelque chose au sujet de sa mort ? A-t-il
tenté de me dire que la relaxation qu’il cherchait était sans doute sa fin de vie ?
Monsieur Roux connaissait implicitement le rituel de l’EMS lors des soins palliatifs ; il
s’est débrouillé pour trouver la relaxation qu’il cherchait.
27
Les fonctions et le cahier des charges d’un art-thérapeute délimitent ses actions au
sein d’une institution. Si j’avais connu les habitudes et les rites de l’institution,
j’aurais sans doute reconnu la symbolique de ce message. Un art-thérapeute ne
propose pas de massage thérapeutique, mais un toucher affectif (Hof, 2008, p.41)
qui a des vertus thérapeutiques : le toucher apaise et rassure.
III.2.2 MONSIEUR ROUSSEL
Le deuxième exemple est tiré de l’analyse de situation écrite lors de la 3 ème année
de formation.
Monsieur Roussel est un homme de 80 ans. Il a des cheveux blancs bouclés coiffés
et coupés avec soin. Sa tenue vestimentaire est impeccable. Son visage est tout en
rondeur avec des yeux bleus, un large sourire l’illumine lorsqu’il croise quelqu’un. Il a
une bonne ouïe, porte des lunettes de lecture dans sa poche de chemise. Il tient
toujours dans ses mains des revues, des journaux, des images, des photos, des
cartes postales ou des dessins qu’il contemple pendant la journée et les montre à qui
s’intéresse. Il arrive à lire et sait faire la lecture à voix haute ; ce qui peut paraître
étonnant puisqu’il est aphasique. La communication est difficile puisque les mots ne
viennent pas à sa bouche. Ceci le rend nerveux parfois ou dépité la plupart du
temps. Il se déplace seul dans les corridors. Il vient à l’atelier tous les mardis de son
plein gré, en profitant des moments où je suis seule, comme s’il voulait partager un
moment personnel loin de la vie de groupe.
J’arrive, comme tous les mardis, et Monsieur Roussel, assis à la salle du salon me
voit passer dans le corridor et semble heureux de me revoir. Il se lève et vient à
l’atelier. Il m’aide à porter les tables et observe l’installation, il s’assied à la même
place que les autres fois. Il a de la peine à marcher et semble avoir mal aux jambes.
Il a perdu quelques acquis, il peint avec moins d’assurance et sa main droite semble
plus faible. Je l’observe et me demande s’il n’a pas fait un léger accident vasculaire.
Les infirmières me le confirment plus tard.
Je lui prépare du bleu et du rouge. Il les utilise, se lève et part. Il revient quelques
minutes plus tard, je lui prépare du jaune. Il interagit avec les deux autres
personnes : l’une peint et l’autre regarde une revue avec moi pour en découper les
images afin de les coller sur une feuille. Il peint en leur présence, leur parle, les
regarde, se remet au travail. Il repart. Il revient 10 minutes plus tard avec une revue à
la main. Il repart voyant que je suis occupée. Il revient 15 minutes plus tard alors que
je fais de l’ordre afin d’accueillir les prochaines personnes. Il s’assied devant sa
peinture avec la revue à la main. Il l’ouvre et s’arrête sur une page. Je suis affairée
aux rangements. Il me regarde. Je m’assieds auprès de lui et lui propose de regarder
ensemble cette revue qui paraît lui plaire. Il feuillette le magazine en m’observant,
mais revient sur une page en la caressant ; puis il tourne à nouveau les pages,
revient de nouveau sur la même page en la caressant. Je lui propose de la
découper. Il est d’accord. Elle est d’une seule couleur avec une phrase vers la droite.
Je la découpe sans la lire et la laisse de côté afin de continuer la recherche. Il n’a
plus l’air de s’intéresser à cette activité. Je lui propose de coller la phrase découpée
sur sa feuille, il la positionne au-dessus du dessin qu’il avait fait.
Nous la lisons et je reste sans voix : « Je suis emprisonné dans ma conscience ! »
28
Je ne m’attendais absolument pas à ce que Monsieur Roussel partage ce message
avec moi. Je me sens désarmée, je suis privée de mots. Nous nous regardons, je lui
prends la main sans rien dire. Il contemple la feuille avec un air satisfait, il se lève
tranquillement et part.
Pour un autre atelier, je récolte dans la forêt diverses natures mortes pour en faire un
arrangement, mon objectif étant d’éveiller les sens. Il y avait des couleurs, des
odeurs et diverses textures végétales. J’avais également scotché sur le tableau blanc
des images de la nature aux différentes saisons, en insistant sur la saison en cours.
Monsieur Roussel a observé, touché et senti toutes les feuilles, les branches, les
champignons et les mousses. Il semble aimer particulièrement les champignons et
les branches. Il aime les images qui contiennent un lac, des arbres verts, un ciel bleu
et des montagnes enneigées. Après avoir fait le tour des objets, il se lève et part,
emportant quelques lierres et des plumes d’oiseaux. Il revient quelques minutes plus
tard et je lui propose de s’asseoir afin de peindre. Je lui donne du bleu. Il entreprend
de peindre et s’arrête en regardant par la fenêtre. Il me fait signe en montrant le
dehors. Je ne comprends pas tout de suite, c’est lorsqu’il commence à tracer dans
l’air les contours du paysage vus à travers la fenêtre que je comprends que c’est ce
qu’il veut peindre. Il n’arrive pas à le reproduire sur la feuille, mais il le reproduit dans
le vide de la salle de l’atelier, en disant parfois des mots incompréhensibles sur un
ton doux et paisible. Il semble avoir fini ; il se lève et part.
Techniques : Peintures acryliques et collage
Monsieur Roussel a exprimé ce qu’il n’arrivait pas à dire puisque les mots
manquaient. Monsieur Roussel m’a laissé entendre ce qu’il vivait et ressentait en
s’exprimant en une seule phrase. L’art-thérapie lui a offert un mode de
communication non-verbal qu’il a su exploiter pour formuler l’inexprimable. Il a pris la
décision de s’exprimer avec créativité, en choisissant lui-même le média pour le dire
et en décidant librement d’exprimer sa souffrance. Il a créé un lien social entre sa vie
dans l’EMS et l’atelier en apportant dans la séance d’art-thérapie le magazine qui se
trouvait probablement sur une table du salon. Mon toucher affectif (Hof, 2008, p.41) a
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remplacé les mots et a renforcé la communication, il a atténué les angoisses et a
rappelé que Monsieur Roussel existe comme personne, il s’est probablement senti
reconnu dans sa souffrance. Monsieur Roussel est, selon le médecin, à un stade
avancé de la maladie, néanmoins il reste conscient de la pénibilité et de la
souffrance que la perte des facultés engendre.
Lors de l’atelier nature, les images ont stimulé le sens de la vue et l’échange verbal
entre les résidants a stimulé l’ouïe de Monsieur Roussel. La connexion a été
éphémère, mais elle a permis à Monsieur Roussel de s’exprimer. Ses capacités
sensorielles et émotionnelles sont préservées. Le besoin de communication est
préservé et l’art-thérapie a pu lui ouvrir des tiroirs. La stimulation des sens a permis
à Monsieur Roussel une connexion avec son processus créatif. Il a peint une œuvre,
certes invisible aux yeux et éphémère, représentant le monde qui l’entoure. C’est
l’œuvre en train de se faire avant le résultat final qui a été importante à observer : il a
en quelque sorte peint une image invisible. Monsieur Roussel aimait beaucoup les
promenades dans la nature. Il a peint le cadre dans lequel il aimait se promener, et
peut-être dans lequel il aurait aimé se promener. Il a utilisé un langage analogique
pour relier son passé de promenades en montagne à son présent de promenades
en montagne en rêve. Il a pris contact avec l’ici et le maintenant.
Nous sommes en juillet 2010. La maladie de Monsieur Roussel a évolué et les
symptômes ont augmenté. Il ne veut plus peindre mais prend du plaisir à regarder
des revues ou des images de paysages de montagne tout en écoutant des chants
d’oiseaux et des bruits de la nature. Un moment d’échange est encore possible de
cette façon : juste un moment de quiétude et de plaisir. Lors d’une séance du mois
cité, Monsieur Roussel m’a dit en toute lucidité alors que nous étions tous les deux à
l’atelier : « Je perds la mémoire….c’est difficile ! »Il pose son front contre le mien et
nous restons ainsi quelques minutes. Comme le dit l’infirmière cheffe, ces moments
là sont « des moments de grâce et de bonheur », même si je ne les recherche pas à
tout prix, ils restent magiques et inattendus.
Bobin dit que « (…) soigner c’est aussi dévisager, parler-reconnaître par le regard et
la parole la souveraineté intacte de ceux qui ont tout perdu. » (Bobin, 1999, p. 13)
III.2.3 MONSIEUR BLANC
Monsieur Blanc est un homme de 89 ans. Il est chauve. Ses habits sont parfois
tachés car il mange avec des tremblements dans les mains. Son visage est rond et
petit. Il porte des lunettes plutôt grandes. Son ouïe est déficiente malgré un appareil
auditif. Il fait des va-et-vient dans le salon, assis sur sa chaise roulante. Il aime jouer
aux cartes. Son langage est imprécis et les mots lui font défaut. Il trouve des astuces
gestuelles pour se faire comprendre.
Monsieur Blanc a manqué les ateliers pendant deux semaines consécutives car il
était alité. Le médecin le traite avec des antibiotiques. Lorsqu’il revient à l’atelier
d’art-thérapie, il tousse encore et se sent fatigué.
Il désire peindre et me demande de lui verser de la peinture rouge. Il entreprend sa
création sur une feuille blanche A3. Après quelques instants, il me demande encore
de la peinture rouge. Il l’étale au même endroit, comme s’il voulait donner de
30
l’épaisseur. Il me demande du jaune. Il laisse couler la peinture sur l’épaisseur de la
couleur rouge. Il s’arrête et semble attendre mon intervention. Je m’assieds à ses
côtés et lui demande s’il veut en parler. Une discussion s’engage :
- Comment faire pour soigner ça ?
- Que représente ça ?
Il me répond agacé : - C’est pourtant évident ! Comment on fait pour le soigner ?
Je lui réponds en décrivant ce que je vois : - Je vois une forme de couleur rouge qui
semble épaisse, et la couleur jaune sur la couleur rouge.
À ce moment-là Monsieur Blanc me regarde en face et me montre sa langue.
Monsieur Blanc a pris des antibiotiques pendant quelques semaines et il a une
mycose buccale.
Technique : Peintures acryliques
Le média a permis à Monsieur Blanc d’exprimer la partie corporelle douloureuse. Il
a exprimé par la peinture les sensations et les perceptions internes de son corps.
De plus, il m’a interpellé en me regardant de face, en imposant un lien direct et
intense afin que je comprenne ce qu’il avait à me dire. « La présence vraie face à
autrui est ce qui nous permet d’exister ensemble, c’est-à-dire d’être dans la pleine
humanité. »(Collaud & Gomez, 2010, p.111)
Cette création lui a permis de ressentir, de reconnaître et d’imager ses perceptions
corporelles afin de les partager avec le thérapeute dans l’espoir qu’il saurait soulager
sa souffrance. Ses yeux se sont plongés dans les miens afin de mieux capter mon
attention, mes yeux se sont laissés capter afin de comprendre ce qu’il me disait.
Deux humains se sont rencontrés à travers le regard, une communication s’est
instaurée recréant un lien.
31
III.2.4 MONSIEUR GRAND
Monsieur Grand est un homme de 94 ans, grand et svelte. Il a des cheveux blancs
abondants. Il est souvent habillé d’un pantalon et d’une jaquette. Il a un visage
allongé. C’est un homme instruit qui aimait lire. Il entend et voit bien. Il se déplace en
chaise roulante et il est dépendant du personnel soignant pour tous les
déplacements ainsi que pour ses soins corporels. Il est conduit par le personnel
soignant tous les mardis à l’atelier. Il aime la peinture. Il a une grande capacité
d’expression verbale et picturale.
Ce jour-là, sa femme lui a rendu visite plus tôt dans l’après-midi. Il vient à l’atelier à
sa demande, après son départ. L’infirmière cheffe m’avait raconté que les échanges
avec sa femme étaient compliqués, et qu’il se sentait infantilisé et opprimé par son
comportement.
Il arrive à l’atelier très énervé, agité et semble fatigué. Il s’installe à la table de l’atelier
et me demande du rouge. Il trace très vite une ligne horizontale pratiquement aumilieu de la feuille et pose le pinceau satisfait de son œuvre. Nous échangeons :
Monsieur Grand commence par me dire :- C’est une barrière.
- Elle sert à quoi cette barrière ?
- Elle sert à empêcher que les deux se mélangent.
- C’est quoi les deux ?
- D’un côté les femmes et de l’autre les hommes.
- Chacun vivrait séparé par cette barrière ?
- Oui, mais parfois on pourrait passer d’un côté ou de l’autre en cas de besoin. Voilà,
maintenant je peux aller dormir tranquille.
- Avant d’aller dormir voulez-vous mettre un titre à cette œuvre ?
Monsieur Grand écrit en rouge La belle vie et quitte l’atelier souriant et apaisé.
Techniques : Peintures acryliques
Titre : La belle vie (2010)
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Monsieur Grand a symbolisé une sorte de mise à distance en traçant une barrière qui
place la femme et l’homme dans deux espaces définis. Chacun a ses limites dans
l’espace créé, et chacun peut agir indépendamment de l’autre. Monsieur Grand
laisse la possibilité de passer selon les besoins, la barrière d’un côté ou de l’autre,
« la vraie vie humaine se vit dans la dépendance des uns par rapport aux autres,
c’est-à-dire dans l’interdépendance » (Collaud & Gomez, 2010, p.92). Monsieur
Grand a symbolisé cette mise à distance souhaitée entre sa femme et lui. Il a
exprimé ce qu’il avait au fond de lui et qui l’exténuait. « La vraie liberté humaine c’est
la capacité de faire du neuf, de l’inédit dans une situation de contraintes. Et dans ce
sens-là on peut être libre dans la dépendance. » (Collaud & Gomez, 2010, p.92). Il
s’est allégé d’un fardeau en le déposant dans l’atelier ce qui lui permet le repos. J’ai
pu comprendre ce lien car je connaissais l’histoire de vie de Monsieur Grand ; il est
important d’avoir accès à l’histoire de vie et l’anamnèse du résidant lors d’une prise
en soin à l’atelier, autant qu’il était important de connaître les rites de l’institution
dans le cas de Monsieur Roux.
III.2.5 MADAME SILENCE
Madame Silence est une personne qui parle très peu mais observe beaucoup. Elle
participe à l’atelier pour la première fois. Elle semble méfiante et distante, mais elle
suit des yeux tous mes déplacements. Elle me fait penser à un petit animal caché
sous les feuillages. Je lui présente une boite remplie de cartes postales et lui
demande d’en choisir une. Elle regarde avec minutie les images, et finalement elle
en colle une sur une feuille A3. Elle prend un crayon bleu, puis un rose et trace des
traits. Elle ne souhaite pas continuer.
Technique : Collage
Titre : Renardeau (2009)
33
Avec doigté et créativité, Madame Silence m’indique à travers sa première création,
l’approche que je dois exercer avec elle. J’ai immédiatement fait un lien avec
l’histoire du Petit Prince et me suis approprié le concept pour toutes les personnes
venant à l’atelier. « Il faut être patient, répondit le renard. Tu t’assoiras un peu loin de
moi, comme ça dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le
langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu
plus près.» (St.Exupéry, 1993, p.94).
Madame Silence s’est exprimée à travers cette image. Elle est entrée en relation
avec moi. J’avance peut-être seulement une hypothèse, mais elle m’a demandé,
sans le dire, d’être patiente, de faire un arrêt dans le temps et l’espace, comme une
mise en suspension. Elle m’a suggéré de prendre le temps, de laisser faire le temps,
d’être là. J’ai tenté d’habiter le lieu avec mon corps et mon esprit.
III.2.6 MADAME ELÉGANCE
Madame Elégance est une dame célibataire de 85 ans. Elle est tirée à quatre
épingles ; ses cheveux blancs sont coupés et coiffés impeccablement et sa tenue
vestimentaire est composée d’un blaser et d’une jupe droite de couleur intense
comme le vert pomme ou le fuchsia. Elle a une bonne ouïe et une excellente vision.
Elle lit les magazines et commente les textes si quelqu’un la sollicite. Elle était
gouvernante dans des maisons de maîtres. Elle déambule sans cesse dans les
corridors et c’est pour cette raison que le personnel soignant la conduit à l’atelier en
me disant que Madame Elégance erre dans les corridors à la recherche d’on ne sait
quoi, comme un animal perdu. Elle est dans son monde.
Lors de cette première séance, je lui propose de la peinture acrylique. Elle choisit la
couleur bleue et une grande feuille A3. Elle commence son dessin au bas droit de la
feuille. Elle dessine une petite forme qui prend peu de place, et semble perdue sur
ce grand espace blanc. Je lui demande de me décrire sa production. Elle me dit que
c’est la bête qui rôde dans la campagne à la recherche de quelque chose, mais elle
ne sait pas quoi. Peut-être son petit. Elle prend le pinceau et rajoute deux traits qui
représentent les pattes de devant. Lorsque je lui pose la question concernant la race
de cet animal, elle me répond : « Elégance ». Je lui demande de quoi il aurait
besoin ? Elle regarde sa montre, me dit qu’elle est pressée, elle doit rentrer. Elle se
lève et part.
34
.
Technique : Peintures acryliques
Titre : La bête Elégance (2009)
En quelques traits de peinture, Madame Elégance m’a peint une sorte de portrait
telle qu’elle se voyait ; mais ce qui m’a frappée, c’est qu’elle emploie les termes que
le personnel soignant a employés pour me la décrire. Comme si elle était victime de
l’effet Pygmalion. Il m’apparaît dès lors qu’elle a une présence au monde réelle et
reste attentive aux discussions faites dans les corridors lors de ses errances.
Souffre-t-elle de la stigmatisation ? Serait-il possible de lever la stigmatisation que la
société porte sur les personnes DTA ? Est-elle en quête de ce qu’elle a perdu, c’està-dire sa mémoire ? Le « petit » qu’elle cherche, est-ce sa condition humaine ? Dans
sa déambulation, dans son errance, elle cherche la personne qu’elle a été. Si
l’espace blanc symbolisait les blouses blanches, demande-t-elle aux soignants (à
moi aussi) de prendre le temps de chercher, de trouver cette personne et de la
reconnaître comme telle ? La maladie d’Alzheimer masque la personne qui en
souffre. Si le thérapeute enlève ce masque, il découvrira l’être humain qui se trouve
derrière. Le résidant DTA est certainement perdu, mais il est retrouvable en prenant
le temps et la peine de le chercher. Il s’agit de se laisser surprendre par le résidant et
non pas projeter sur lui les stigmates de la maladie. Pour que le résidant DTA se
découvre, le thérapeute se sert de son savoir-être afin de se laisser toucher, afin de
créer une rencontre entre deux humains.
35
III.2.7 MADAME SOURIRE ET MONSIEUR NARCISSE
Monsieur Narcisse, 73 ans, atteint physiquement dans sa santé, doutait de
l’efficience de l’art-thérapie auprès des personnes DTA. Il les considérait comme des
êtres insipides et sans intérêt. Madame Sourire, 85 ans, est atteinte de la maladie
d’Alzheimer. . Après une année et demie, le dialogue entre Madame Sourire et
Monsieur Narcisse m’a permis d’envisager ou de poser l’hypothèse que son regard
avait changé.
Monsieur Narcisse peint sur une feuille en toute quiétude lorsque Madame Sourire
entre dans l’atelier au gré de sa promenade. C’est la première fois qu’elle vient. Sans
hésiter, elle prend place et regarde les arbres du jardin. Un dialogue s’instaure entre
Madame Sourire et Monsieur Narcisse :
-Vous voyez les arbres ? dit Madame Sourire
-Oui. Dit Monsieur Narcisse.
-Pourquoi certains arbres bougent et d’autres arbres ne bougent pas ?
-Les arbres qui bougent racontent des histoires, et ceux qui ne bougent pas les
écoutent, lui répond Monsieur Narcisse à ma grande surprise.
Le processus créatif et thérapeutique dans un atelier ouvert dans lequel la personne
DTA entre et sort au gré de ses déambulations a sans doute transformé le regard
que Monsieur Narcisse portait sur une personne telle que Madame Sourire.
Sa réponse m’a paru une bonne métaphore sur la fonction de l’art-thérapie et de
l’art-thérapeute : Les arbres seraient
les processus créatifs et thérapeutiques,
l’écoute inconditionnelle, l’empathie, la congruence, les silences, les échanges
verbaux et non-verbaux, l’agir et le non-agir, la temporalité et l’intemporalité, le
mouvement des images psychiques de l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur
vers l’intérieur. Madame Sourire a permis, comme le dit Michel Personne que se
remettent « à communiquer les imaginaires, les désirs ou les bonnes
volontés. »(Personne, 2006, p.96). Monsieur Narcisse a utilisé son imaginaire pour
donner de la poésie à Madame Silence, il avait le désir de lui apporter une réponse
« d’atelier d’art-thérapie » et il a eu la bonne volonté de prendre en considération
cette question, qui aurait pu sembler farfelue hors contexte. Il s’est créé, dans l’ici et
le maintenant, « un entre-deux relationnel authentique ». (Personne, 2006, p. 97)
III.2.8 MADAME FLEUR
Madame Fleur a 93 ans. Elle a des cheveux gris et frisés. Elle a une bonne ouïe,
mais ses yeux s’irritent lorsqu’elle les sollicite trop longuement. Il lui manque deux
doigts à la main droite depuis sa plus jeune enfance. Elle se déplace à l’aide d’un
rollator, sorte de déambulateur avec roues. Elle a eu une vie de labeur surtout
auprès d’un enfant atteint d’une infirmité motrice cérébrale (IMC).
Elle vient tous les mardis à l’atelier d’art-thérapie avec plaisir. Elle utilise volontiers
les techniques tout en disant qu’elle n’a jamais appris à « faire ces choses » et que
« d’autres sauraient mieux faire qu’elle ». Elle commence et termine à chaque
séance une production, même si ses yeux se mettent à couler. Elle est très
concentrée durant le processus créatif. Les quatre illustrations montrent une partie
de son travail qu’elle a produit tantôt avec des peintures acryliques, tantôt avec la
36
technique de la peinture magique ou avec «la technique du papier trempé. Les
séances se passent toujours de la même façon : un temps de préparation, un temps
de création et un temps d’échange où elle commente parfois certains souvenirs qui
restent assez flous. Elle donne un titre à chaque production, C’est seulement lorsque
sa famille a voulu voir ses créations que j’ai pu faire certains liens.
Technique : Peinture magique
Titre : Joséphine du village (2011)
Technique : Papier trempé
Titre : La jeune fille enceinte sous la fleur (2011)
Technique : Peintures Acryliques
Titre : Le jardin (2011)
Technique : Peinture magique
Titre : Le papillon (2011)
37
Les trois témoignages familiaux, en annexe, me permettent de dire que l’art-thérapie
a permis de retrouver à travers les œuvres une maman, une grand-maman et une
belle-mère. Les productions témoignent d’émotions profondes intactes et
questionnent l’imagination des proches qui perçoivent des faits et des personnages,
telle qu’une voisine et le jardin familial, ou liés à des souvenirs d’enfance comme
l’écrit le fils de Madame Fleur qui découvre à travers les talents artistiques, comme il
dit, une âme sensible.
L’aquarelle de « la jeune fille enceinte sous la fleur » laisse une sorte de mystère et
de fascination puisque cette œuvre coïncide exactement avec le début de grossesse
de sa petite-fille. Ce qui a fait l’objet de nombreuses questions de la part de cette
famille sur le ressenti et les perceptions des personnes DTA puisque personne n’était
au courant de ce début de gestation.
L’art-thérapie a tissé des liens d’une façon différente entre trois générations : une
grand-mère, un fils et une petite-fille qui aime peindre. La jeune fille aimait les
histoires du passé que sa grand-maman lui racontait, aujourd’hui, elle lui conte, ditelle, des histoires de couleurs, d’émotions et de matière qui sont les plus belles.
Grâce à l’art-thérapie, une belle-fille découvre un autre monde que le sien, qui se
multiplie à l’infini dans l’imaginaire de sa belle-mère. Elle rajoute que « les ailes du
papillon l’aident à s’envoler dans l’espace de la création et surtout dans le cœur de
ses enfants ».
38
IV. SYNTHÈSE
Le cadre institutionnel, son contexte et sa philosophie de soins centrés sur la
personne, ont certainement contribué au fonctionnement de l’atelier d’art-thérapie,
mais aussi aux différentes formes d’expression qui ont surgi lors des séances. Je
pense que le travail en amont et en aval de l’atelier reste une des conditions
importantes pour celui-ci. Le rapport de l’infirmière, en annexe, relève les points
importants pour la réussite d’un tel projet : la mise en place de l’atelier, la place
donnée à l’art-thérapie, l’implication de la direction, l’intégration d’une nouvelle
profession dans l’EMS auprès des résidants, des soignants et des familles. Les
informations et les diverses actions ont permis une meilleure compréhension de la
démarche. De plus, les médecins de famille et certains psychiatres ont été informés
de la présence d’un art-thérapeute dans l’établissement. Comme le décrit l’infirmière
cheffe, l’un deux a fait une demande de suivi hebdomadaire pour la résidante «
présentant des troubles cognitifs assez importants mais étant dans le déni et la
persévération ».L’infirmière cheffe m’a transmis la philosophie de soins utilisée. De
mon côté, j’ai partagé mes connaissances sur l’approche art-thérapeutique. Les
observations qu’elle a faites concordent avec les miennes : les effets thérapeutiques
durent en dehors de l’atelier. Des liens de confiance se sont tissés au fil des mois
entre la direction, l’infirmière cheffe, le personnel soignant, les animatrices, les
résidants, les familles et moi. L’identité art-thérapeutique a trouvé une place légitime
dans l’institution et le cadre thérapeutique, mon savoir, mon savoir-faire et mon
savoir-être ont peut-être participé aux processus créatifs et thérapeutiques des
résidants venus aux ateliers.
L’utilisation des médias proposés dans l’atelier a permis au résidant DTA un accès à
la créativité, il a accédé à l’art qui est un moyen de communication. Dans l’atelier, je
propose des expériences à travers différentes médiations et je porte beaucoup
d’attention aux moindres traits, changements de comportements ou de langage
verbal ou non-verbal. L’estime de la personne est ainsi revalorisée à travers sa
production puisqu’une attention particulière est posée sur chaque production. Je suis
à l’affût de chaque petit signe. Avec le résidant DTA, l’échange verbal est partiel ou
nul, les mots manquent ou n’ont plus de sens pour moi. L’échange verbal
introduisant le thérapeute vers une compréhension de l’œuvre, à sa signification,
aux représentations, aux symboles et aux métaphores est rarement possible. Mes
observations de la communication non-verbale me permettent d’accéder à des
informations porteuses de messages comme par exemple, des besoins, des idées,
des émotions que le résidant tente de communiquer. La patience, l’observation et
l’écoute sont des conditions importantes dans cette approche. Je prends le temps
d’apprivoiser chaque résidant et je lui donne de l’espace afin qu’il se familiarise avec
l’endroit, les matériaux et ma présence. Je ne cherche plus à tout maîtriser : les
horaires que j’avais fixés, pour les différents groupes, ont été réorganisés par les
allées et venues des résidants ; je me suis mise à leur rythme.
Lorsque je prends soin d’un résidant, je l’accueille dans un endroit serein, comme
une mise sous globe. Je l’écoute dire et parfois je l’écoute dans son silence. Il est
précieux et unique, il est important à mes yeux puisque j’ai choisi d’en prendre soin. Il
m’apprend à vivre l’instant présent, le ici et le maintenant ; j’ai l’impression que le
temps n’est plus le temps, que le passé n’a plus de sens et que le futur n’est pas
39
accessible. J’interprète le présent au sens figuré, lié à ma présence, à une présence
authentique. J’ai laissé la place pour recevoir un échange mutuel du don de la
présence. Je pense que ma totale présence a aussi été l’outil qui a permis à
Monsieur Roussel de trouver parfois le chemin des mots. L’une des clés qui rend une
totale présence à l’autre est l’écoute des autres, mais également l’écoute de soi ;
c’est-à-dire être présent à soi par le ressenti et prendre conscience de se qui se
passe sur le plan physique, mental et émotionnel. « Etre présent à soi et à l’autre,
c’est à la fois être centré et attentif : c’est ouvrir ses antennes intérieures et
extérieures. »3(Randegger&Oudart, 2008, p.4).
Le regard que je porte sur la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est que des
possibles sont encore à envisager ; le résidant est capable d’entreprendre une action
et une relation lorsque le thérapeute s’implique. J’ai évalué et favorisé « l’autonomie
relative » dont parle Michel Personne. Je lui ai laissé l’espace pour qu’il puisse
s’exprimer ; un espace géographique constitué par l’institution et l’atelier, un espace
émotionnel constitué par nos sensations et sentiments, un espace de dialogue
constitué par le verbal et le non verbal et un espace amoureux constitué par la
bienveillance et la présence pure.
Comme le relève l’infirmière cheffe, l’important est « de donner sens à la vie jusqu’au
bout en usant de créativité et permettant aux résidants l’expression de leurs
émotions ».
J’ai observé que les regards des soignants changeaient lors des colloques en voyant
ce que le résidant DTA avait produit et exprimé. Le témoignage d’une des
animatrices souligne la souffrance, l’impuissance des familles, mais aussi leur
focalisation sur les pertes cognitives en oubliant de regarder la personne. Elle dit
qu’elle doit « un peu revaloriser ses résidants aux yeux des autres ». Elle ajoute
que l’art-thérapie permet « de présenter cette résidante non pas comme une
personne souffrant de troubles cognitifs mais comme une artiste exprimant ses
émotions et ses ressentis à travers la peinture et l’argile ». Les quelques lignes que
l’animatrice a écrites sont d’autant plus émouvantes que mes premières questions
touchaient la frontière entre son métier et le mien. Nous avons reconnu, compris et
accepté nos activités respectives, ce qui a permis une sorte de complicité et de
complémentarité entre nous.
Le témoignage de la famille de Madame Fleur montre aussi que l’art-thérapie a
apporté une nouvelle dimension, un nouveau regard, une nouvelle forme de
communication avec leur proche atteint de la maladie d’Alzheimer. Ce qui est encore
plus encourageant c’est que le regard entre les résidants non atteints par la maladie
change et qu’ils prennent en considération les résidants DTA. De plus, les utilisateurs
de l’atelier d’art-thérapie font connaissance entre eux et ne sont plus des étrangers
vivant dans une même maison ; ils communiquent, échangent des souvenirs et se
complimentent mutuellement sur leurs œuvres. Ils remarquent que chacun a eu une
vie bien remplie avant cette vie qui continue et qui se finira pour eux, sous le même
toit. En quelque sorte l’atelier d’art-thérapie donne la possibilité aux aînés d’exprimer
3
M.Randegger & CL.Oudart.(2009) Mise en jeu du corps Cours à l’école d’études sociales et pédagogiques,
2008.
40
leur humanité, mais aussi de redevenir humain aux yeux des différents membres de
l’EMS.
L’atelier d’art-thérapie s’est mis en place petit à petit à l’aide de tous les acteurs de
l’institution, comme si tous avaient mis la main à la pâte.
L’institution voulait permettre aux résidants, à travers l’art-thérapie, l’expression de
leurs émotions et de leurs représentations mentales. Les résidants ont fait preuve de
créativité pour exprimer et matérialiser des images psychiques comme par exemple,
la représentation de la barrière de Monsieur Grand. Le résidant utilise la créativité
comme nouvelle voie de communication comme dans les productions de Monsieur
Blanc et de Monsieur Roussel. Certains résidants improvisent la médiation lors du
travail dans l’atelier, comme par exemple, lorsque Monsieur Roussel apporte le
magazine.
L’institution était à la recherche d’une nouvelle méthode de communication en
gériatrie. Comme le relève l’infirmière cheffe, certains résidants proviennent de pays
étrangers ; si le français les a accompagnés durant leur séjour en Suisse, leur langue
maternelle reste très présente. L’art-thérapie permet au sein de l’institution un
langage commun comme la peinture, les pinceaux, les couleurs et l’argile ; elle offre
un langage universel au sein de l’établissement, tout comme l’art universel.
Les observations faites lors des ateliers et leur analyse confirment que le résidant
s’exprime à travers la production qu’il a réalisée, il a donné un nouveau corps à son
âme qui a pris forme à travers l’œuvre se présentant à nous. La représentation
prend corps, comme une présence nouvelle, qui nous ouvre aussi
l’âme de
l’auteur. M. Langlais reprend une phrase de Thomas Moore(1992) : « (…) Le corps,
c’est l’âme qui se donne à voir sous sa forme la plus riche et la plus expressive.
Dans le corps, nous voyons l’âme déclinée en gestes, en vêtements, en
mouvements, en formes, en expression, en température, en éruption cutanées, en
tics, en maladie. » La maladie d’Alzheimer serait-elle une déclinaison de l’âme du
résidant qui se laisse percevoir à travers son corps, ses troubles et ses
symptômes ?
L’institution voulait offrir des thérapies non-médicamenteuses afin de diversifier l’offre
en soins : La pratique de l’art-thérapie est non seulement possible avec des
personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, mais elle ouvre des pistes
d’observations et des perceptives.
41
V. CONCLUSION
La découverte la plus importante et la plus émouvante pour moi lors de cette
expérience a été la découverte de mon savoir-être. Je n’avais pas conscience qu’il
était essentiel dans les relations thérapeutiques, dans ma fonction art-thérapeutique
et la mise en place des bases de l’art-thérapie. J’ai agi selon ma sensibilité, mes
émotions et mon affection tout en gardant à l’esprit les protocoles, les règles, mon
savoir et mon savoir-faire. Cette façon d’être en relation thérapeutique a été d’une
grande importance dans ma vie professionnelle et dans mes relations
interpersonnelles. J’ai aiguisé une écoute attentive de mes sens et de mes
perceptions afin d’être authentique lors des contacts avec autrui.
J’ai confiance en ce que je suis devenue en partie grâce au contact des résidants
DTA. Les résidants atteints de la maladie d’Alzheimer, ceux de qui l’on dit qu’ils ont
perdu la conscience, m’ont fait prendre conscience. Michel Bobin utilise le terme de :
« La présence pure » titre de son livre. Cette expression m’a fait comprendre les
nombreuses questions que je me posais lors des échanges avec l’infirmière cheffe
et ma superviseuse. Je leur parlais d’un sentiment étrange que je n’arrivais pas à
définir. Je tentais des explications comme : « Je ne sais pas, j’ai l’impression qu’ils
ne me reconnaissent pas, mais qu’ils me ressentent. J’ai l’impression qu’avec eux je
suis dans l’essence même de l’être humain, mais qu’est-ce que l’humain et qu’est-ce
que l’essentiel ? Comme dit le renard : « (…) on ne voit bien qu’avec le cœur.
L’essentiel est invisible pour les yeux. » (St.Exupéry, 1993, p.97)
J’ai l’impression de vivre un autre rythme, une autre manière d’être en relation, une
autre manière d’être au monde. L’infirmière cheffe utilise une phrase de Michel Bobin
dans son texte : « La maladie d’Alzheimer enlève ce que l’éducation a mis dans la
personne et fait remonter le cœur en surface ». Michel Personne explique que la
communication des personnes DTA s’ouvre « vers un lien humain situé au-delà de la
compréhension, et donc de la maitrise de la relation, de la convention qui unit
verbalement et non verbalement les échanges, où se situe(nt) la confiance et l’êtreavec. » (Personne, 2006, p. 96).La personne DTA a agi sur moi en utilisant des
canaux de communications qui m’étaient inconnus. Elle m’a permis d’évoluer dans
ma fonction d’art-thérapeute en m’enseignant des notions que je n’avais pas
envisagées. Comme le dit Michel Personne, « (…), les expériences doivent être
« vécues pour être acquises ». »(Personne, 2006, p. 130).
Mon travail de 2ème année avait mis en évidence que le processus créatif modifie le
vécu interne du thérapisant, ce qui modifie son regard sur le monde extérieur. Mon
mémoire a mis en évidence la notion de la stigmatisation et du regard portés sur
cette maladie. Je savais que les malades, les familles, les soignants et même les
institutions qui accueillent les personnes cognitivo-mnésiques en sont frappés. J’ai
pu observer qu’à travers l’art-thérapie les regards extérieurs peuvent être modifiés.
Cette recherche a mis en surbrillance cette notion, sur les familles, sur les soignants,
sur les résidants, et sur moi : les familles redécouvrent l’être aimé, les soignants sont
sensibles lors des échanges d’observations, les autres résidants moins réticents à
l’approche d’une personne DTA. Mon regard a changé en travaillant dans l’atelier
42
d’art-thérapie avec mes émotions, mon corps et mon âme en lien avec leurs
émotions, leur corps et leurs âmes.
V.1 PISTES POUR L’AVENIR
Je souhaite développer les ateliers d’éveil des sens auprès des résidants afin de
créer une remise en communication avec le personnel soignant, les animatrices et
les familles. Cette mise en communication aurait peut-être une conséquence positive
sur l’isolement et le repli sur soi comme défini dans un des objectifs de l’institution.
L’ouvrage de Martine Perron donne beaucoup de pistes qui sont intéressantes à
exploiter lorsqu’elle écrit que « La Clé des Sens constitue un outil important pour la
prévention de la perte d’autonomie de la personne âgée. »(Perron, 2005, p. 62).
Chaque partenaire utiliserait des clés tel un objet, une image, une musique qui ouvre
le tiroir des souvenirs. Les membres des familles pourraient apporter des objets
familiers afin de stimuler l’éveil des sens et entrer en communication avec leur
parent. « Si vous confiez la clé des sens à vos enfants ils en feront des baguettes
magiques pour traverser le temps et découvrir un monde ancien qui fait partie de leur
histoire. » (Perron, 2005, p. 104). Avant de solliciter le personnel soignant,
l’infirmière cheffe et moi envisageons de créer un dossier d’évaluation des capacités
comportementales et cognitives en complément aux évaluations des actes de la vie
quotidienne afin d’exploiter les aptitudes existantes. L’histoire de vie et des questions
relatives aux activités et hobbies de la personne, avant sa maladie, fourniraient
également des renseignements utilisables dans le cadre de l’atelier et de l’institution
afin d’ajuster les propositions d’activités, des médias et des clés. Nous souhaitons
que cette méthode soit considérée comme un outil de soin.
Toutes les découvertes que j’ai faites au long de ce travail me donnent une nouvelle
vision des personnes atteintes d’un syndrome cognitivo-mnésique. Elles me donnent
aussi une direction quant à ma vie professionnelle auprès de ces personnes. Les
ouvrages de Michel Personne, de Maisondieu, de Bobin, ainsi que l’association Artz
me semblent être de bonne référence quand à l’exploitation de l’art- thérapie auprès
des personnes souffrant d’un syndrome cognitivo-mnésique. Les « espaces
Snoezelen » qui utilisent la stimulation des cinq sens et qui ont fait leurs preuves me
confortent dans l’idée que j’avais d’utiliser certains médias et des objectifs que je
m’étais fixés en créant l’atelier d’art-thérapie. L’idée que la pathologie n’est pas
seulement d’ordre biologique, physiologique et neurologique me stimule dans la
quête de nouvelles idées. Il est certain que je suis sur le seuil de la porte, et qu’il
reste beaucoup de choses à entreprendre. Je souhaite rester en contact avec les
associations qui œuvrent pour le développement de l’art-thérapie auprès des
personnes atteintes d’un syndrome cognitivo-mnésique.
L’association suisse
Alzheimer est véritablement une ressource et j’espère trouver, avec l’association
ARTZ des conseils et des expériences à partager puisqu’ils œuvrent aux Etats Unis,
en Espagne, en Allemagne, en France et en Australie, pourquoi pas en Suisse ?
J’espère avoir l’occasion de connaitre plus spécifiquement un « espace Snoezelen ».
Ma réfèrente de mémoire m’a enseigné la méthodologie en « entonnoir » ; elle a
utilisé une métaphore qui illustre l’organisation méthodique d’une recherche. J’ai trié
et réorganisé le brouhaha intérieur et le foisonnement de ma pensée, lecture après
lecture, supervision après supervision et étapes après étapes. Il m’était impossible
43
d’exprimer cette arborescence d’idées sans me connecter dans l’ici et le maintenant.
J’ai écrit, effacé, copié-collé le texte maintes fois jusqu’au résultat final. C’est comme
si j’avais préparé et voyagé dans un pays inexploré: j’ai étudié la carte géographique,
les lieux à visiter, les traditions, les cultures et les précautions d’usage. En survolant
le pays, le paysage était flou, le panorama s’est dessiné lors de l’atterrissage.
L’immersion dans une partie du pays, les visites des différents sites et les échanges
avec certains habitants ont élargi mon champ de vision. Le délai de retour m’a
contrainte à reprendre l’avion. La soute à bagage et mes pensées étaient remplies
de souvenirs et de nouvelles connaissances. Les images qui me restent, me laissent
entrevoir des perceptives de retour pour découvrir d’autres zones du pays. Grâce
à cette recherche, j’ai découvert que l’écriture, mais surtout la mobilisation de ma
pensée, appuyée d’ouvrages de penseurs me fascine et me façonne. Avec
l’infirmière cheffe, nous avons le projet de réaliser un ouvrage, elle a des années
d’expériences auprès de ces personnes et ambitionne de les partager avec le grand
public.
En utilisant les outils de l’art-thérapie et les fonctions de l’art-thérapeute, l’âme tapie
dans le corps du résidant atteint de la maladie d’Alzheimer se dévoile, telle la fée
vivant dans le tronc d’arbre. C’est ce que j’ai vu apparaître dans l’image de la page
de garde faite lors d’un stage en Land’art. Nous voyons ce que nous sommes prêts à
voir. « Nous ne retrouverons la personne perdue que quand nous serons prêts à la
voir en tant que personne à côté des symptômes démentiels. » (Collaud & Gomez,
2010, p.83). Je pense que la préparation de toutes ces années avant la formation et
pendant la formation m’a préparée à voir une personne souffrant d’une maladie
plutôt qu’une maladie faisant souffrir une personne.
Après ces quatre années de formation intense et cette dernière épreuve du mémoire,
je vais mettre en pratique un apprentissage important que je dois aux résidants de
type Alzheimer : je resterai un moment dans l’espace du non-agir, où il est permis de
prendre le temps de ne rien faire et de rester immobile.
44
VI. BIBLIOGRAPHIE
VI.1 OUVRAGES
 Ansermet, F., & Magistretti, P. (2004). A chacun son cerveau : plasticité
neuronale et Inconscient. Paris : Odile Jacob
 Bobin, Ch. (1999). La présence pure. Cognac : Le temps qu’il fait
 Collaud, Th., & Gomez, C. (2010). Alzheimer et démence : Rencontrer les
malades et communiquer avec eux. Saint-Maurice : Saint-Augustin
 Domenge Lifschtitz, P. (2006). Le cadre thérapeutique en art-thérapie : Ses
fonctions et ses composantes. Lausanne : haute école de travail sociale et de
la santé- EESP
 Gineste,Y., & Pellissier, J.(2007). Humanitude : Comprendre la vieillesse,
prendre soin des Hommes vieux. 2007 : Armand Colin
 Hof, Ch. (2008). Art-thérapie et maladie d’Alzheimer : Quand les couleurs
remplacent les mots qui peinent à venir. Lyon : Chronique sociale
 Kabat-Zinn,J.(2009). L’éveil des sens : Vivre l’instant présent grâce à la pleine
conscience
 Maisondieu, J. (2011). Le crépuscule de la raison : La maladie d’Alzheimer en
question. Montrouge cedex : Bayard
 Perron, M. (2005). Communiquer avec des personnes âgées : La « clé des
sens ». Lyon : Chronique Sociale
 Personne, M. (2006). Accompagner la maladie d’Alzheimer : Les médiations
de la réussite. Lyon : Chronique sociale
 Rogers, C.R. (2005). Le développement de la personne. Paris : InterEditions
 Salomé, J. (2007). Contes d’errances. Contes d’espérance. Malesherbes :
Albin Michel
 Saint Exupéry, A., (1993). Le Petit Prince. Eure : Gallimard
 Sudres, JL., Roux, G., Laharie, M., & de La Fournière, F. (2004). La personne
âgée en art-thérapie : de l’expression au lien social. Paris : L’Harmattan
 Weil, N. (2003). Ma pratique de l’art-thérapie : nos mémoires à fleur de peau.
Barret-sur-Méouge : Le souffle d’or
VI.2 SOURCES INTERNET
 ARTZ is Artists for Alzheimer’s : Dr Jonh Zeisel .Récupéré de
http://www.artistsforalzheimers.org/johnzeisel.html
 Association professionnelle suisse des art-thérapeutes. (2009). Récupéré de
http://www.art-therapeute.ch/infos.php?id=1
 Association Suisse Alzheimer : Les stades et symptômes. Récupéré de
http://www.alz.ch/f/html/alzheimer+29.html
 Cap retraite. (2008, 15 janvier) Maison de retraite : la méthode Snoezelen.
Récupéré de http://blog.capretraite.fr/2008/01/15/la-methode-snoezelen-deplus-en-plus-utilisee-en-maison-de-retraite/
 Hommes et faits. (1996, 3 mars). Images et société. Récupéré de
http://www.hommes-et-faits.com/Livres/Cs_Femme_MlvF.htm
45
 La Synergologie : Le site officiel. (2011). La communication non-verbale.
Récupérée de http://synergologie-qc.ca/.
VI.3 SUPPORTS DE COURS
 Randegger, M. & Oudart, CL. (2009) Mise en jeu du corps : Approche
expérientielle et théorique. Lausanne : HES-SO, Ecole d’études sociales et
pédagogiques.
VI.4 TABLE DES ILLUSTRATIONS
 Page de garde : Torrent, M. (2010, 26 mai). Land’ art. Photographie
personnelle
Les autres illustrations sont des photographies personnelles prises en atelier.
46
VII. ANNEXES
VII.1 RAPPORT DE L’INFIRMIÈRE CHEFFE
En juin 2008, j’ai participé avec la directrice du home à un congrès à Paris qui traitait
de l’approche non médicamenteuse dans la prise en soins de personnes souffrant de
troubles cognitifs. Ce séminaire fort intéressant nous conforta dans l’idée de
poursuivre l’introduction et le développement d’autres concepts de prise en charge
dans notre institution. L’art-thérapie, la musicothérapie, ainsi que d’autres domaines
nous ont été présentés et nous ont conduit à déterminer ce qui pourrait être mis en
place dans l’EMS.
C’est pourquoi lorsque Maribel Torrent nous sollicita, en octobre 2009, pour un stage
en EMS dans le cadre de sa formation, nous fûmes vivement intéressées. Nous lui
avons permis dans un premier temps d’effectuer 50 heures. Durant cette période il a
fallu expliquer au personnel et aux résidents ce qu’était l’art-thérapie, car de
nombreuses fausses idées circulaient sur ce sujet. Le personnel devait comprendre
cette démarche, en avoir une notion claire et agir en partenariat dans sa mise en
place, par exemple en accompagnant les personnes à mobilité réduite sur le lieu où
se déroule l’activité. Maribel a donc organisé en collaboration avec la direction, un
après-midi de sensibilisation à l’art-thérapie à l’attention de tout le personnel du
home. En ce qui concerne les résidents, le processus était plus compliqué car 2/3
des personnes âgées qui vivent dans l’institution sont atteintes de troubles cognitifs à
des degrés divers, et la méthode utilisée a été de les faire participer peu à peu en
leur donnant des exemples sur le moment. Pour certaines personnes possédant
encore de bonnes capacités intellectuelles, il a fallu leur démontrer l’aspect
thérapeutique de cette démarche et leur expliquer qu’il ne s’agissait pas d’une
activité récréative qui doit produire quelque chose pouvant être jugé et exposé au
regard d’autrui. Les familles ont été aussi informées au fur et à mesure du stage et le
personnel était à même de répondre à des questions simples car il avait reçu
auparavant une information.
Nous avons constaté des changements et un intérêt grandissant de la part des
résidants, mais lors des évaluations hebdomadaires avec Maribel, nous nous
sommes rendus à l’évidence qu’il fallait du temps pour initier une telle démarche
dans un EMS. Et c’est ainsi que le nombre d’heures de stage a été augmenté et s’est
poursuivi jusqu’en octobre 2010. Actuellement et depuis novembre 2010 les séances
d’art-thérapie se poursuivent, hors stage, car nous commençons à percevoir des
effets positifs sur le comportement de certains résidants.
Dans une institution telle que la nôtre se côtoient des personnes âgées très
différentes à l’image d’une micro société, des gens atteints dans leur intégrité
physique ou psychique, à des degrés divers. Mais aussi avec des âges différents
allant de 70 à 101 ans, provenant de différents milieux ou parfois même de pays
étrangers. Pour moi l’art-thérapie propose à chacun un moyen d’expression
privilégié, privé ou collectif, qui s’inscrit dans une démarche « d’animation »,
évoquant le fait de donner de la vie. Depuis l’introduction de cette démarche, j’ai
constaté par exemple qu’une résidante présentant des troubles cognitifs assez
importants mais étant dans le déni et la persévération, a pu peu à peu trouver du
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plaisir à dessiner et exprimer ses émotions lors de ses séances. Elle a d’abord
participé à la demande du psychiatre qui la suit, nous avons du insister pour qu’elle
s’y rende, mais malgré tout elle tenait à ce rendez-vous et l’intégrait dans son
planning hebdomadaire. Mais aussi cet homme de 75 ans, dépressif, très handicapé
physiquement, et qui trouve dans ces rencontres hebdomadaires un espace où il
peut s’exprimer librement face à une personne formée et réceptive, mais surtout hors
du contexte institutionnel. Il s’est senti écouté sans jugement et a retrouvé beaucoup
d’estime de soi. Il peut même faire des projets de vie.
Jacques Salomé a écrit dans son ouvrage : « Notre corps garde la mémoire de tout
ce qui nous arrive et aussi de tout ce qui nous manque. Nous relier à cette mémoire
nous permet parfois de réconcilier notre présent avec notre passé. » (Salomé, 2007,
p.237). Cette phrase illustre bien à mon sens un des aspects de l’art-thérapie en
milieu gériatrique où il est important de ne pas rompre la chaîne de vie des résidants
et de laisser une place principale à l’histoire de ces aînés que nous accompagnons
sur ce chemin de fin de vie.
Par la multiplicité des moyens d’expression qu’apporte cette activité, elle permet à
chacun des participants de trouver la matière propice à sa thérapie. Dans un autre
extrait du livre précité, j’ai relevé encore ceci : « Donnez-moi un symbole et je
soulèverai quelques-uns des mystères du monde, je relierai l’infini de l’imaginaire aux
horizons multiples de la réalité. C’est avec des symboles que nous pouvons accéder
aux dimensions les plus cachées de notre être. » (Salomé, 2007, p.15).
En travaillant depuis de nombreuses années en gériatrie, j’ai appris l’humilité, car
chaque jour je découvre de nouvelles choses qui me forcent à me remettre en
question et surtout à croire que si les capacités mentales diminuent les sentiments
eux restent bien présents. Si je fais référence au concept d’humanitude que nous
appliquons au home, c’est aussi pour constater la complémentarité de l’art-thérapie
dans la prise en soins des résidants. Je pense à ce monsieur atteint d’une démence
de type Alzheimer à un stade avancé et qui souffre d’aphasie ; lors d’une séance il a
pu exprimer une phrase complète traduisant sa souffrance morale ou même réagir
avec émotion à une chanson de son époque. Ces moments de grâce et de bonheur
ont pu exister après plusieurs rencontres avec l’art-thérapeute, mais aussi parce
qu’une relation de confiance et de respect avait pu s’établir entre eux. Avec ces
personnes il faut du temps et il faut surtout comme en humanitude s’appuyer sur des
expériences positives et qui procurent du plaisir. Ce qui me conduit à citer une
phrase du livre de Christian Bobin : « La maladie d’Alzheimer enlève ce que
l’éducation a mis dans la personne et fait remonter le cœur en surface ».(Bobin,
1999, p.46).
En conclusion, je dirai que l’expérience que nous avons menée en permettant à
l’art-thérapie de trouver sa place dans notre institution a été très enrichissante et
qu’elle laisse entrevoir une réelle opportunité d’offrir aux résidants une prise en
charge de qualité. Elle demande du temps et de la patience. Elle constitue un des
éléments qui permet aux personnes âgées de s’exprimer, de percevoir leurs
émotions, de garder un contact avec la vie et le monde qui les entoure. Car il faut
sans aucun doute donner de la vie aux années.
Infirmière cheffe de l’EMS
Le 6 juillet 2011
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VII.2 TÉMOIGNAGES D’UNE FAMILLE
Auteur : fils de Madame Fleur
Merci à Maribel Torrent de nous permettre de retrouver, grâce à l’art-thérapie,
de nombreuses facettes de la personnalité de notre maman.
Sa mémoire défaillante ne nous permet plus d’avoir une conversation suivie et
approfondie avec elle. Ces dessins et aquarelles questionnent notre
imagination et témoignent, à défaut de souvenirs défaillants, de la persistance
d’émotions profondes et troublantes à la fois…
Il me semble, en effet, percevoir des faits et des personnages liés à mes
souvenirs d’enfance dans mon village, à …. (Joséphine, le jardin et les fleurs,
les nattes de sa jeunesse). Sa vie, assez difficile, ne lui ayant pas permis de
partager plus tôt ses talents artistiques, il m’aura fallu attendre son entrée au
home du … pour découvrir enfin une âme sensible et artistique…
Aucune piste ne nous permet, par contre, d’expliquer le côté prémonitoire de
son dessin « femme enceinte sous une fleur ». Sa petite fille, même si elle lui
apporte assez souvent de magnifiques bouquets de fleurs, ne lui avait pas
encore dévoilé son état de future maman qui correspond exactement avec la
date du dessin.
Le mystère persistera et nous souhaitons que l’Art-thérapie nous réserve
encore beaucoup d’autres satisfactions et le plaisir de vous rencontrer souvent
au Home du ….
Auteur : petite-fille de Madame Fleur
J’ai toujours eu beaucoup d’affection et d’admiration pour ma grand-mère !
Lors de mon retour d’un voyage en Russie, mon père m’a montré ses dessins
et j’ai été très vite fascinée par les couleurs qu’elle employait, ainsi que les
thèmes qui évoquaient ses souvenirs (évidemment, celui de la jeune femme
enceinte sous la fleur m’a le plus touchée)
Même enfouis au plus profonds de sa mémoire et même si l’oiseau picore
toujours quelques bribes de rêves, elle a tout de même des moments (petits
certes) où elle émerge du fond de son Océan et où le scaphandre de sa
mémoire ouvre de petits tiroirs de vieux-rêves-souvenirs.
Ces moments de lucidité, je les cueille très vite pour pouvoir les garder le plus
longtemps possible au chaud sur mon cœur, car je sais qu’ils s’étiolent comme
les traces d’aquarelle teintées d’eau sur la feuille blanche.
Ma grand-mère a de nombreuses qualités et elle s’est découverte une passion,
avec l’Art-thérapie : la peinture. Cela me touche particulièrement car moi aussi
je peins. J’ai toujours aimé les histoires de son passé, ses racines, la
montagne, le chalet, mon père et mon grand-père. Je les écoutais encore et
encore et nous riions beaucoup ensemble. Maintenant, elle raconte des
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histoires de couleurs, d’émotions et de matières et je crois que ce sont les plus
belles…
Auteur : belle-fille de Madame Fleur
A travers l’art-thérapie, nous avons découvert la face cachée d’une maman !
Les peintures et aquarelles surprenantes en couleur, demandant à l’auteur une
concentration démesurée, nous révèlent une sensibilité et un sens artistique
étonnant.
Grâce à cet art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se
multiplier à l’infini dans l’imaginaire d’une personne rare, attachée à la terre. Sa
sensibilité artistique, jusque-là insoupçonnée, peut finalement laisser libre court
à une imagination haute en couleur.
Remercions la thérapeute qui, avec beaucoup de douceur et de patience, aura
ouvert les ailes d’un papillon l’aidant à s’envoler dans l’espace de la création et
surtout dans le cœur de ses enfants.
8.3 TÉMOIGNAGE D’UNE ANIMATRICE DE L ’EMS
Je fais maintenant partie de l’équipe d’animation de l’EMS depuis une année et
j’aimerais souligner en quoi l’art-thérapie peut être un outil plus qu’utile autant pour
les résidants que pour leurs familles.
Les proches et les familles des résidants souffrants d’Alzheimer se sentent souvent
impuissants face à la progression de la maladie d’un être aimé. Avec le temps, la
famille et les proches ont tendance à se focaliser sur les oublis et les pertes de
reflexes plutôt que sur la personne en elle-même. Parfois, j’ai comme l’impression
que je dois un peu revaloriser mes résidants aux yeux des autres. Certes la
mémoire des résidants compte de plus en plus de failles, mais en contre partie leur
mémoire émotionnelle vient en quelque sorte combler certaines de ces lacunes.
L’art-thérapie permet de mettre tout se qui touche aux sentiments en avant. Elle
donne un moyen aux sentiments de s’exprimer à travers divers moyens comme le
dessin.
Grâce à Maribel et à l’art-thérapie, une famille a réalisé l’importance non pas de la
mémoire cognitive mais de la mémoire émotionnelle de leur mère. Ils ont découvert
que leur maman possédait une grande sensibilité artistique, que se soit dans la
manière de peindre ou dans le choix de couleurs. Ils ont étés touchés de constater
que certaines des valeurs telles que la famille, la vie, la tendresse étaient des thèmes
récurrents dans ses dessins. En effet, toute sa vie durant cette résidante a été une
mère très aimante se préoccupant beaucoup de ses enfants. Elle n’arrive peut-être
plus à accéder à certains de ses souvenirs, toutefois, l’art-thérapie lui permet
d’exprimer certains ressentis liés à ces souvenirs. Je pense que l’art-thérapie permet
de présenter cette résidante non pas comme une personne souffrant de troubles
cognitifs mais comme une artiste exprimant ses émotions et ses ressentis à travers
la peinture, l’argile etc.
Animatrice de l’EMS
Août 201
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