19 janvier 2012 - Théâtre du Passage

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19 janvier 2012 - Théâtre du Passage
19 janvier 2012
© Pierre Nydegger
jeudi | 20h
1973
de Massimo Furlan
Saison 2011-2012 | Dossier de presse
Benoît Frachebourg · chargé de communication | [email protected] | +41 (0) 32 717 82 05
Théâtre du Passage | 4, passage Maximilien-de-Meuron · CP 3172 · 2000 Neuchâtel | www.theatredupassage.ch
COMMUNIQUÉ COMMUN
Le CAN et le Théâtre du Passage à Neuchâtel accueillent Massimo Furlan
Une double histoire de héros
En proposant chacun une création de Massimo Furlan, le CAN (Centre d’art Neuchâtel) et le Théâtre du Passage
mettent les héros à l’honneur. Ceux de la pensée, qui dans un hommage à Gilles Deleuze interrogent l’héroïsme
à la lumière, plus ou moins vive, de l’alcool (à voir au Bar de l’Interlope du 21 au 22 janvier). Et ceux de la
chanson, embarqués dans une recréation colorée, émouvante et pertinente de la finale du concours de
l’Eurovision 1973 (au Passage le 19 janvier). Deux événements qui se rejoignent par une partie de leurs
acteurs et leur questionnement du «vivre ensemble», entre culture populaire et mémoire collective pour 1973,
solidarité et construction d’une réflexion commune pour Les héros de la pensée.
1973
THÉÂTRE DU PASSAGE
Il fut Superman dans une création précédente, Michel Platini dans une autre… Redonnant vie au Concours
Eurovision de la chanson 1973, Massimo Furlan endosse ici les costumes de Patrick Juvet, Cliff Richard,
Massimo Ranieri ou encore Hugo, du malheureux duo belge qui finira bon dernier. L’artiste et performeur
romand se contenterait de cette fidèle reconstitution haute en couleurs que la soirée serait déjà belle,
nostalgique et joyeuse. Mais s’entourant d’autres artistes et de penseurs (Marc Augé, Bastien Gallet et Serge
Martel, que l’on retrouvera également dans la performance proposée au CAN), il a l’intelligence de recouvrir son
sujet de paillettes savantes interrogeant culture populaire et imaginaire collectif. Et son spectacle de basculer
alors dans un temps suspendu mêlant fantaisie et réflexion où résonnent de vieux tubes dans lesquels, comme
le chantait Anne-Marie David, la gagnante de l’édition, chacun se reconnaîtra. «A chaque instant, dans chaque
joie, dans chaque larme.»
Théâtre du Passage | 4, pass. Max-de-Meuron, 2000 Neuchâtel | www.theatredupassage.ch
jeudi 19 janvier, 20h | durée 1h20 | prix des places 45.–/35.–/15.– (Last minute pour étudiants/apprentis)
1973 | Mise en scène Massimo Furlan| Interprétation Anne Delahaye, Stéphane Vecchione, Massimo Furlan, Thomas Hempler |
Intervenants Marc Augé, Serge Margel, Bastien Gallet | Dramaturgie Claire de Ribaupierre |Scénographie Antoine Friderici, Massimo
Furlan, Thomas Hempler | Création lumière Antoine Friderici | Création musique Stéphane Vecchione | Préparation musicale Daniel
Perrin | Technique son Philippe de Rham | Régisseur plateau Thomas Hempler | Costumes Cécile Delanoë | Maquillage Julie Monot |
Administration Laura Gamboni | Production Numéro23Prod. | Coproduction Festival d’Avignon, Arsenic Lausanne, Les Théâtres de la
Ville de Luxembourg, Théâtre de la Cité Internationale Paris, La Bâtie Festival de Genève, Gessnerallee Zürich, Kaserne Bâle, Pour-cent
culturel Migros
LES HÉROS DE LA PENSÉE
CAN
Le projet Les héros de la pensée est en quelque sorte un hommage à Gilles Deleuze. Il met en jeu la forme de
l’abécédaire et la question de la pensée en mouvement, de la collectivité et du collectif (une pensée à
plusieurs), sans oublier la question de l’alcool. Il travaille la forme du symposium, de façon littérale: Symposion
signifie étymologiquement (en grec) boire ensemble. C’est-à-dire boire et débattre ensemble.
Ce projet met en évidence la posture héroïque. Qu’est-ce qu’un héros? Le héros est un homme de combat dont
les qualités principales sont le courage et la ténacité. Il fait preuve d’un caractère exceptionnel qui le conduit
jusqu’à ses propres limites, tentant sans cesse de les dépasser. Le héros, ici, c’est la figure du penseur: celui
dont les principales vertus sont le langage et la réflexion. Les performeurs s’engagent donc à aller jusqu’au bout
de leur pensée, au-delà de leur fatigue, au-delà de leur résistance à l’alcool, par-delà leurs limites physiques. Ils
s’engagent à tenter ensemble de porter le projet jusqu’au bout. Il s’agit de solidarité, de tactique, de ruse, afin
de surpasser l’épuisement et l’ivresse: entretenir la conversation le plus longtemps possible, et construire
ensemble une pensée vive et inattendue. Le projet est totalement performatif dans sa forme et sa durée: il peut
s’interrompre à tout instant faute de combattants comme il peut atteindre sa durée totale, et se terminer en
apothéose.
Le public peut entrer et sortir en tous temps, mais il peut lui aussi faire la performance de tenir les 26 heures,
pour encourager par sa présence les penseurs en action. Il emporte alors avec lui son sac de couchage…
Café-Bar de l'Interlope | Rue de l'Evole 39a, 2000 Neuchâtel | www.can.ch
début de la performance samedi 21 janvier, 12h | fin de la performance dimanche 22 janvier, 14h
entrée libre
Les héros de la pensée | Un projet de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre | Performeurs Marc Augé (anthropologue), Daniel Fabre
(anthropologue), Pierre-Olivier Dittmar (historien), Bastien Gallet (philosophe), Emmanuel Giraud (artiste), Jacques Hainard (ethnologue),
Serge Margel (philosophe), David Zerbib (philosophe) | Avec le soutien de: Ville de Neuchâtel, République et Canton de Neuchâtel,
Loterie Romande, Office fédéral de la culture, Fondation de Famille Sandoz, Pour-cent culturel Migros
Neuchâtel, le 11 janvier 2012
Marie Villemin · relations presse | [email protected] | +41 (0)32 724 01 60
CAN · Centre d'Art Neuchatel | 37, rue des Moulins · 2000 Neuchâtel | www.can.ch
Benoît Frachebourg · chargé de communication | [email protected] | +41 (0)32 717 82 05
Théâtre du Passage | 4, passage Maximilien-de-Meuron · CP 3172 · 2000 Neuchâtel | www.theatredupassage.ch
1973
Création 2010 de Massimo Furlan/Numero23Prod. (CH)
Contact : Tutu Production
[email protected]
+41 22 310 07 62
Distribution et soutiens
Création
2010
Durée
80 minutes
Interprètes
Anne Delahaye, Stéphane Vecchione, Massimo Furlan et
Thomas Hempler
Intervenants
Marc Augé, Serge Margel, Bastien Gallet
Mise en scène
Massimo Furlan
Dramaturgie
Claire de Ribaupierre
Scénographie
Antoine Friderici, Massimo Furlan et Thomas Hempler
Création lumière
Antoine Friderici
Création musique
Stéphane Vecchione
Préparation musicale
Daniel Perrin
Technique son
Philippe de Rham
Regisseur plateau
Thomas Hempler
Costumes
Cécile Delanoë
Maquillage
Julie Monot
Administration
Laura Gamboni
Diffusion
Tutu Production
Véronique Maréchal, Simone Toendury
T: +41(0) 22 310 07 62
[email protected] / www.tutuproduction.ch
Case Postale 264 CH - 1211 Genève 8
www.massimofurlan.com
Production
Numéro23Prod.
Coproduction
Festival d’Avignon, Arsenic Lausanne, Les Théâtres de la
Ville de Luxembourg, Théâtre de la Cité Internationale Paris, La
Bâtie Festival de Genève, Gessnerallee Zürich, Kaserne Bâle,
Pour-cent culturel Migros
Soutiens
Ville de Lausanne, Etat de Vaud, Loterie Romande, Pro Helvetia
– Fondation suisse pour la culture, Corodis, Fondation Artephila,
Ernst Göhner Stiftung, Fondation Leenaards, Fondation Stanley
Thomas Johnson, Banque Cantonale Vaudoise, Mediathek tanz
Presse
« Les souvenirs individuels se mêlent entre tendresse et ridicule. L'heure n'est toutefois jamais à la
dérision, même quand les éclats de rire prennent le dessus sur les applaudissements d'usage une
hilarité suscitée par le burlesque de l'imitation et l'incongruité de l'original. «Je conserve une grande
méfiance envers le second degré. Je suis constitué par ces chansons, par cette émission», avouait
l'auteur-acteur. (…) Telle des madeleines de Proust, les chansons emmènent en fait avec elles une
panoplie de sensations qui ravissent le public. Et peu importe leur sens ou leur valeur car elles iront se
nicher là où résident, paradoxalement, nos émotions plus intimes et communes. Enrichissant.»
Le Courrier – 07.09.2010
« Une fois encore, l'artiste suisse pioche dans ses souvenirs pour bâtir son spectacle. Il y mêle avec
beaucoup d'ingéniosité l'humour, la réflexion et les émotions. On navigue ainsi entre rires et
nostalgie. » La Tribune de Genève – 12.07.2010
Thème
Image-mémoire
« Je me souviens de cette soirée d’avril. C’était en 1973. Comme à chaque fois, ma sœur et moi
attendions ce moment depuis des semaines. Enfin ça commençait et nous pouvions rêver. Comme
nous, des millions de téléspectateurs avaient les yeux rivés sur l’écran de télévision. C’était la soirée
la plus importante de l’année. C’était l’heure du concours Eurovision de la Chanson. Nous étions
italiens nés en Suisse. Et dans ce concours bien sûr notre cœur battait pour le concurrent italien.»
Le Concours Eurovision de la chanson (première édition à Lugano en 1956) était dans les années
1970 un des rares moments télévisés où l’on réunissait, à priori, ce que l’Europe faisait de mieux en
matière de variété. Ce concours se conformait à un rituel de présentation immuable : un chanteur par
pays était sélectionné afin d’interpréter une chanson, accompagné d’un orchestre. Les émissions de
variété commençaient à peine à l’époque et il était rare de voir des chanteurs sur un plateau télévisé.
On en était alors aux premiers balbutiements de ce qu’allait devenir par la suite la musique et la
chanson à la télévision.
Le Concours Eurovision avait aussi cela de particulier dans le paysage télévisuel qu’il était
international. Il était diffusé depuis le pays hôte, qui changeait chaque année, et chaque pays le
retransmettait en direct. Il revêtait une certaine importance et un certain prestige pour les pays qui y
participaient. L’information était traitée avec sérieux et révérence. C’était peut-être l’émission la plus
suivie non seulement par les publics nationaux mais par le public européen. Bien qu’aujourd’hui ce
concours disparaisse au milieu des cinquante émissions quotidiennes de variétés, qu’il ait perdu son
sens peu à peu - car la télévision, la musique et la communication ont changé et qu’il ne lui reste plus
que son côté pathétique (participer au concours actuellement est plutôt considéré comme un échec
dans la carrière d’un musicien) - pour des générations comme la nôtre, il représente un souvenir mêlé
d’émotion qui nous ramène à un temps précédent l’offre médiatique saturée d’aujourd’hui. Il y avait
alors peu de télévision et chaque proposition nous semblait précieuse.
Le concours Eurovision ne s’est pas renouvelé dans son fonctionnement général. Pourtant, depuis
quelques années, de nombreuses émissions s’en sont inspirées, en axant leur déroulement autour de
la question du lauréat, du « winner ». Dans ces shows télévisés, la question de l’élimination et de
l’élection d’un vainqueur est centrale.
Le populaire
Ce projet questionne donc une forme spécifique de la culture populaire – une manifestation télévisée
qui s’adresse à une très large audience – et il ouvre par là des perspectives pour une discussion sur la
culture de masse et ses spécificités. Il touche alors deux dimensions spécifiques : l’une est
commerciale, elle concerne la musique comme marché économique, comme phénomène de
globalisation, de standardisation, et l’autre est plus symbolique et émotionnelle : comment et pourquoi
se réunit-on autour d’une telle manifestation, qui se présente comme une sorte de rituel ? Dans une
perspective anthropologique, il s’agit d’essayer de comprendre ce que signifie se rassembler pour
élire le meilleur. Cela nous rassure-t-il ? Cela crée-t-il de la communauté ? du lien ? On se trouve donc
simultanément sur la voie de l’uniformisation d’un genre, la musique de variété internationale, et sur la
survivance de caractéristiques locales, ainsi par exemple : le chanteur yougoslave est une star dans
son pays et pour son pays car il s’inspire de la musique populaire universelle mais il conserve sa
langue maternelle, ses sources musicales, des données spécifiques à sa culture d’origine.
Mémoire historique et mémoire individuelle
Ce projet parle de la question de la mémoire et de l’oubli. Il fait ressurgir un événement que notre
génération, née dans les années 1960, a conservé dans son souvenir. Il donne à repenser à ce que la
télévision était alors. Il questionne donc à la fois une mémoire collective - celle d’un contexte précis,
l’Europe dans les années Pop et ses formes de représentation (images, costumes, musique,
chorégraphie) - et une mémoire plus individuelle - chacun pouvant replonger dans sa propre histoire à
l’évocation de l’événement que représentait l’Eurovision ou raviver un souvenir précis à l’écoute d’une
chanson en particulier. On sait combien la musique est un vecteur mémoriel important.
Avec ce travail on découvre qu’un processus s’enclenche, que la mémoire s’active, mais que, dans le
même temps, c’est l’oubli qui surgit. On ne se souvient plus des concurrents, la plupart n’ayant pas
marqué l’histoire de la chanson ! On a oublié le cérémonial télévisuel de l’époque, la lenteur de la
manifestation, la sobriété et le sérieux de l’émission. Tout nous semble soudain lointain et effacé,
brumeux.
Archive et musique
Nous possédons comme base de travail l’enregistrement du concours Eurovision de la chanson qui a
eu lieu au théâtre Municipal du Grand-Duché de Luxembourg, le 7 avril 1973, réalisé par la radio
télévision luxembourgeoise, et présenté par Helga Guitton.
Il y a 17 pays : la Finlande, la Belgique, le Portugal, la Norvège, Monaco, l’Espagne, la France,
l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse, le Luxembourg, la Yougoslavie, l’Italie, la Suède, les PaysBas, l’Irlande et Israël.
L’objet « 1973 » est un objet musical qui parle de la musique. Où en est la musique en 1973 ? Quelles
sont les avant-gardes? Quel est le contexte musical des ces années 1970 en Europe et aux EtatsUnis ? Quelle esthétique, quels genres, quelle orchestration, quelles voix, quelle amplification?. Et
pour aborder une question spécifique : pourquoi personne d’autre que les Italiens n’écoute la musique
italienne ?
Re-enactment
Le projet 1973 s’inscrit, comme d’autres projets de Massimo Furlan, dans la ligne de ce que l’on
pourrait nommer selon le lexique anglo-saxon, le re-enactement ou le travail de reprise. Avec
Numéro 10 ou avec Numéro 23, la performance est liée à un événement de l’histoire du football, à un
match spécifique. Ici il est question de refaire une émission télévisuelle dans son entier, au plus juste.
Il s’agit de rejouer une archive, de reprendre un événement de l’histoire, un concours de chanson, une
soirée d’avril 1973. C’est un morceau de temps passé qui resurgit et qui propose un canevas, un
scénario précis. Mais, bien entendu, la reprise n’est pas identique à l’original. Ce ne sont pas les
mêmes acteurs, ce n’est pas la même époque, ce n’est pas le même contexte. Il est question d’un
écart conséquent entre l’original et la copie. Et cet écart questionne l’histoire de la télévision et
l’histoire de la musique, il s’inscrit dans une histoire des représentations. Et surtout, l’événement
premier, le concours eurovision, un événement télévisuel, devient, par le phénomène de la reprise,
une comédie musicale : il change de forme, il acquiert un autre statut.
Dans ce projet « single player », c’est une sorte de course poursuite qui s’engage, le performer devant
assumer plusieurs concurrents à lui seul et tenter de représenter au plus juste l’original. A chaque fois
qu’il sort de scène, il enfile rapidement un nouveau costume, une nouvelle perruque, change de
physionomie, cherche à interpréter la chanson le plus fidèlement possible.
Le projet se base sur le phénomène de l’incompétence. Comme on le sait, le moteur du burlesque
est le plus souvent l’inaptitude. Le héros burlesque est celui qui ne sait pas et dont le « non-savoir »
déclenche une série d’accidents, provoque le rire. L’incompétence, dans le cadre de ce projet,
soulignera l’écart entre la première et la deuxième fois. Le résultat sera comique, mais non pas
cynique. Il ne s’agit pas de mettre en scène une distance et une posture ironique vis-à-vis de
l’événement Eurovision et de se moquer des participants de l’édition 1973. L’interprète, comme dans
le burlesque d’ailleurs, incarne avec le plus de sincérité et d’authenticité possible son personnage. Le
résultat est la vision et le souvenir de l’enfant sur un événement passé, lointain : et l’enfant ne connaît
pas l’ironie, il ne maîtrise pas le cynisme. Il est dans la découverte, la curiosité. Tout l’étonne, tout
l’atteint.
Massimo Furlan
Après une formation à l’Ecole des Beaux-Arts de Lausanne, Massimo Furlan initie un cycle de travaux
axés sur la thématique de la mémoire et de l’oubli. Depuis 1987, il expose régulièrement son travail
dans des galeries d’art ou des musées en Suisse et en Europe. Le développement de sa réflexion
artistique l’amène à s’intéresser à la représentation scénique et à collaborer avec plusieurs
compagnies de danse et de théâtre. En 2003, il fonde sa propre compagnie Numero23Prod, qui met
l’accent sur les arts vivants.
Le fil conducteur des différents projets de Massimo Furlan est la biographie. Une histoire simple et
banale, celle d’un enfant de parents italiens, né en Suisse, celle d’un adolescent comme un autre.
Ne se posant pas la question des limites entre les genres, ses projets sont constitués «d’images
longues». Ce sont des images immobiles ou presque. Avec des actions très simples (un geste, un
mouvement, un regard) qui restent longtemps devant le spectateur et l’oblige à entrer, à s’activer, et à
mettre du sens : à construire son propre récit.
Massimo Furlan questionne l’acte de la représentation : il revisite les icônes, aborde la question de
l’échec et de l’écart entre le modèle et le vivant, produisant par là un effet burlesque et poétique.
Massimo Furlan
1973
SALLE BENOÎT-XII
64e FESTIVAL D'AVIGNON
10 11 12 13 14 À 18H
SALLE BENOÎT-XII
durée 1h20 - création 2010
mise en scène Massimo Furlan
dramaturgie Claire de Ribaupierre
scénographie Antoine Friderici, Massimo Furlan
préparation musicale Daniel Perrin
création lumière Antoine Friderici
création son Stéphane Vecchione
technique son Philippe de Rham
costumes Cécile Delanoë
maquillage Julie Monot
administration Laura Gamboni
diffusion Tutu Production / Véronique Maréchal et Simone Toendury
avec Marc Augé, Anne Delahaye, Massimo Furlan, Bastien Gallet, Thomas Hempler, Serge Margel,
Stéphane Vecchione
production Numero23Prod
coproduction Festival d’Avignon, Arsenic Lausanne, Grand Théâtre de Luxembourg, Théâtre de la Cité internationale Paris,
La Bâtie Festival de Genève, Gessnerallee Zurich, Kaserne Bâle, Pourcent culturel Migros
avec le soutien de la Ville de Lausanne, de l’État de Vaud, de la Loterie Romande, de Pro Helvetia-Fondation suisse pour la Culture,
de Corodis, de la Fondation Artephila, de Ernst Göhner Stiftung, de la Fondation Leenaards, de la Fondation Stanley Thomas Johnson,
de la Banque cantonale Vaudoise et de la Mediathek Tanz
Spectacle créé le 10 juillet 2010 à la salle Benoît-XII à Avignon.
Les dates de 1973 après le Festival d’Avignon : les 4 et 5 septembre à La Bâtie Festival de Genève ;
les 8 et 9 octobre au Festival Le Vie à Modène (Italie) ; les 29 et 30 octobre au Kaaitheater à Bruxelles ;
le 10 novembre à l'Hippodrome de Douai ; du 18 au 28 novembre 2010 au Théâtre Arsenic à Lausanne ;
du 2 au 7 décembre au Théâtre de la Cité Internationale à Paris.
A synopsis in English is available from the ticket office or from the front-of-house staff.
Entretien avec Massimo Furlan
Pourquoi revenir sur le concours de l’Eurovision de la chanson 1973 ?
Il s’agit d’abord d’un événement de mémoire personnelle. En avril septante-trois, j’avais sept ans.
J’ai le souvenir précis de l’attente de cette soirée à la télévision, avec ma sœur, comme d’un événement très important pour nous. Le rituel de cette retransmission, qui nous apparaissait comme
fastueux, notre émerveillement enfantin pour la chanson de variété, la cérémonie avec ses tours
de chant, suivis du suspense des votes : tous ces éléments faisaient du concours de l’Eurovision,
quand j’étais enfant, un moment d’excitation. De plus, pour un enfant de parents italiens comme
moi, vivant en Suisse, c’était l’occasion, quasi unique dans l’année, de pouvoir entendre et voir un
chanteur italien. Et puis, ce soir-là précisément, est apparu à l’écran, chantant pour la Suisse,
Patrick Juvet.
Était-il l’un de vos héros d’enfance ?
Je le trouvais très beau et je rêvais de devenir comme lui : grand, blond, chanteur, alors que j’étais
petit, brun et que je ne savais pas chanter. C’était également une figure locale : je savais qu’il
habitait près de Lausanne, j’avais même une prof à l’école qui le connaissait personnellement. Pour
moi, c’était une figure glorieuse.
Quel est le principe du jeu dans ce spectacle ?
Le principe est simple : je fais a priori tous les concurrents. C’est ce qu’on peut appeler le re-enactment.
Comme lorsque je faisais revivre la demi-finale France-Allemagne de la Coupe du monde 1982 en
rejouant tous les déplacements de Michel Platini. Pour 1973, j’ai suivi quelques cours de chant. J’ai
appris le texte des chansons par cœur, en anglais, portugais, flamand, espagnol, etc. Je reprends
l’habillement, les mélodies, le minutage, les coiffures. Mais je n’y parviens jamais vraiment. Je dois
me concentrer sur la technique du chant, de la langue, du rythme, ce qui m’oblige à être sincère.
Je ne peux pas tricher avec cette émission, ni sur sa forme ni sur sa lettre. Je ne singe pas, je ne me
moque pas, ce n’est pas du karaoké, mais un travail technique sur l’archive.
Pourquoi travailler ainsi sur cette mémoire biographique ?
Dans quasiment tous mes spectacles, je pars de choses qui m’ont constitué. Je ne suis pas personnellement un héros. Je n’ai pas traversé l’océan Atlantique à la rame ; je n’ai rencontré personne,
ni Che Guevara, ni même Patrick Juvet : j’ai une vie banale. Mais il existe des figures héroïques du
quotidien dans ma vie d’enfant, d’adolescent ou d’homme. Mes spectacles partent tous de cette
expérience intime qui se trouve être partagée par beaucoup. Je réimprime l’archive à ma façon,
vingt-cinq ou trente ans plus tard, si bien qu’elle se mêle à la mémoire : je refais l’événement, le plus
fidèlement possible, mais en restant moi-même, c’est-à-dire ni blond, ni très grand, et piètre
chanteur. C’est un remake, assez fidèle, mais sans dénigrement ni mépris ou second degré. On doit
une forme de fidélité archivistique à cette cérémonie, il faut être précis et rigoureux.
Mais il y a là un vrai décalage, qui provoque le rire…
On rit toujours du malheur des autres. Je fais beaucoup d’efforts pour imiter littéralement ce
concours, tout en restant proche de mon propre personnage, Pino Tozzi, que l’on peut considérer
comme un crooner italien raté, animateur de mariage dans la région d’Avignon. Je suis proche de lui
puisque je l’incarne, mais de travers : c’est-à-dire que je vais droit à la catastrophe. Il s’agit toujours
de pousser les choses. Mais je conserve une grande méfiance par rapport à l’ironie, par rapport
au second degré. Je suis constitué par ces chansons, par cette émission : j’ai pleuré comme des
millions de gens devant ces images. Je ne peux pas nier ça. Si je voulais résumer, je dirais que je suis
constitué aussi bien par Deleuze que par ça.
C’est pourquoi vous incluez aussi dans votre spectacle le discours savant sur ces objets populaires,
notamment celui de Marc Augé, anthropologue, ancien directeur de l’École des Hautes Études en
Sciences sociales de Paris ?
Pour moi, parler avec Marc Augé, c’est comme un jour de fête. Il m’apporte beaucoup par sa
connaissance des rites populaires, son interprétation anthropologique des habitudes quotidiennes.
Pour lui, l’Eurovision est une fabrique de l’héroïsme populaire. C’est un rapport au savoir particulier
que je voulais inclure dans le spectacle : une parole spécialisée et savante commentant un objet
non-noble, décalé, qui démontre que cet objet a aussi l’intelligence d’être là et de s’imposer à nous.
Ce qui provoque sur scène de l’humanité et, dans le même temps, de la pensée.
Propos recueillis par Antoine de Baecque
Massimo Furlan
« Quand j’étais petit, je nouais un mouchoir autour de mon cou et, en pyjama, je me jetais sur le lit
en pensant que j’étais Superman. Et quand je jouais au foot, c’était dans ma chambre, où je marquais
les plus beaux buts du monde face à mon poste radio. » De ses souvenirs d’enfant, Massimo Furlan
fait des spectacles où se mêlent avec esprit et facétie le kitsch et le sacré, l’humour, la philosophie
et la poésie. Qu’il rejoue, seul et sans ballon, la demi-finale France-Allemagne du Mondial de foot 82
sur la véritable pelouse du Parc des Princes (Numéro 10), ou qu’il revête la panoplie d’un super héros
dans (love story) Superman, c’est la biographie qui est au centre de son travail. Toutes ses créations
puisent leur source dans son histoire personnelle : celle d’un enfant de parents italiens, né en Suisse,
celle d’un adolescent comme les autres. Une mémoire intime qui croise celle d’une génération
et touche au sentiment collectif, que Massimo Furlan fait renaître en lui prêtant son corps, en
prolongeant des images nées dans l’imaginaire de chacun. Oser des paris impossibles et en tirer des
moments tout à la fois confondants et bouleversants de vérité : là réside la force de cet artiste et de
son univers, où le drôle est toujours lesté de gravité. Au Festival d’Avignon, Massimo Furlan a déjà
créé un Sujets à vif en 2008, intitulé Chanteur plutôt qu’acteur : une forme courte où il brouillait les
pistes en mêlant faux artistes associés, vrai chanteur et vrais philosophes pour une série de débats
piégés, mais sérieusement alimentés, sur la filiation.
&
autour de 1973
DIALOGUE AVEC LE PUBLIC
14 juillet – 11h30 – ÉCOLE D’ART
avec l’équipe artistique de 1973, animé par les Ceméa
et aussi...
CONVERSATIONS DE L’ÉCOLE D’ART
15 juillet – 17h – ÉCOLE D’ART
Sur la performance.
avec Irène Filiberti, Serge Margel modération Karelle Ménine
THÉÂTRE DES IDÉES
17 juillet – 15h – GYMNASE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH
Fragile humanité.
avec Marc Augé anthropologue, modération Nicolas Truong
Informations complémentaires sur ces manifestations dans le Guide du Spectateur et sur le site internet du Festival.
Sur www.festival-avignon.com
découvrez la rubrique Écrits de spectateurs et faites part de votre regard sur les propositions artistiques.
Pour vous présenter les spectacles de cette édition, plus de 1 500 personnes, artistes, techniciens et équipes
d’organisation ont uni leurs efforts, leur enthousiasme pendant plusieurs mois. Plus de la moitié, techniciens et artistes
salariés par le Festival ou les compagnies françaises, relèvent du régime spécifique d’intermittent du spectacle.
« Quand j’étais petit, je nouais un mouchoir autour de mon cou et, en pyjama, je me jetais sur le lit en pensant que j’étais
Superman. Et quand je jouais au foot, c’était dans ma chambre, où je marquais les plus beaux buts du monde face à mon
poste radio. » De ses souvenirs d’enfant, Massimo Furlan fait des spectacles où se mêlent avec esprit et facétie le kitsch et le
sacré, l’humour, la philosophie et la poésie. Qu’il rejoue, seul et sans ballon, la demi-finale France-Allemagne du Mondial de
foot 82 sur la véritable pelouse du Parc des Princes (Numéro 10), ou qu’il revête la panoplie d’un super héros dans (love story)
Superman, c’est la biographie qui est au centre de son travail. Toutes ses créations puisent leur source dans son histoire personnelle : celle d’un enfant de parents italiens, né en Suisse, celle d’un adolescent comme les autres. Une mémoire intime qui
croise celle d’une génération et touche au sentiment collectif, que Massimo Furlan fait renaître en lui prêtant son corps, en
prolongeant des images nées dans l’imaginaire de chacun. Oser des paris impossibles et en tirer des moments tout à la fois
confondants et bouleversants de vérité : là réside la force de cet artiste et de son univers, où le drôle est toujours lesté de
gravité. Au Festival d’Avignon, Massimo Furlan a déjà créé un Sujets à vif en 2008, intitulé Chanteur plutôt qu’acteur : une
forme courte où il brouillait les pistes en mêlant faux artistes associés, vrai chanteur et vrais philosophes pour une série de
débats piégés, mais sérieusement alimentés, sur la filiation.
Plus d’informations : www.massimofurlan.com
Entretien avec Massimo Furlan
Pourquoi revenir sur le concours de l’Eurovision de la chanson 1973 ?
Massimo Furlan : Il s’agit d’abord d’un événement de mémoire personnelle. En avril septante-trois, j’avais sept ans. J’ai le souvenir précis de l’attente de cette soirée à la télévision, avec ma sœur, comme d’un événement très important pour nous. Le
rituel de cette retransmission, qui nous apparaissait comme fastueux, notre émerveillement enfantin pour la chanson de
variété, la cérémonie avec ses tours de chant, suivis du suspense des votes : tous ces éléments faisaient du concours de
l’Eurovision, quand j’étais enfant, un moment d’excitation. De plus, pour un enfant de parents italiens comme moi, vivant en
Suisse, c’était l’occasion, quasi unique dans l’année, de pouvoir entendre et voir un chanteur italien. Et puis, ce soir-là précisément, est apparu à l’écran, chantant pour la Suisse, Patrick Juvet.
Était-il l’un de vos héros d’enfance ?
Je le trouvais très beau et je rêvais de devenir comme lui : grand, blond, chanteur, alors que j’étais petit, brun et que je ne
savais pas chanter. C’était également une figure locale : je savais qu’il habitait près de Lausanne, j’avais même une prof à
l’école qui le connaissait personnellement. Pour moi, c’était une figure glorieuse. Quand j’ai appris, plus tard, qu’il avait sombré dans l’oubli et les addictions, puis qu’il essayait de faire son come-back, cette figure s’est mise à me fasciner. Je la trouve
intéressante comme incarnation de la figure de l’artiste dans sa quête de reconnaissance. C’est pour cela que cette soirée
est restée gravée dans ma mémoire.
Certaines émissions de télévision et notamment l’Eurovision, semblent pouvoir faire coïncider mémoire intime et
mémoire collective…
L’Eurovision convoque des souvenirs générationnels. Quand on évoque Patrick Juvet en Suisse, Marie Myriam en France,
Anne-Marie David au Luxembourg, cela fait immédiatement sens pour une génération : celle née, comme moi, dans les
années 1960. En 1973, ce concours était encore sérieux, il offrait le meilleur de la variété internationale et la cérémonie était
à la fois rigoureuse et éminemment respectable. Depuis, ce concours, après avoir un peu disparu, est revenu sur les écrans
de plus en plus teinté de kitsch et de vulgarité. On s’en moque, alors qu’à l’époque, il provoquait un certain respect.
Pourquoi travailler ainsi sur cette mémoire biographique ?
Dans quasiment tous mes spectacles, je pars de choses qui m’ont constitué. Je ne suis pas personnellement un héros. Je n’ai
pas traversé l’océan Atlantique à la rame ; je n’ai rencontré personne, ni Che Guevara, ni même Patrick Juvet : j’ai une vie
banale. Mais il existe des figures héroïques du quotidien dans ma vie d’enfant, d’adolescent, d’homme, comme par exemple
Michel Platini, Roberto Bettega ou Patrick Juvet. Mes spectacles partent tous de cette expérience intime qui se trouve être
partagée par beaucoup. Je réimprime l’archive à ma façon, vingt-cinq ou trente ans plus tard, si bien qu’elle se mêle à la
mémoire : je refais l’événement, le plus fidèlement possible, mais en restant moi-même, c’est-à-dire ni blond, ni très grand,
et piètre chanteur. C’est un remake, assez fidèle, mais sans dénigrement ni mépris ou second degré. Je sais que, de toute
façon, quelque chose de l’événement ne pourra pas être transmis. Nous reprenons un certain nombre d’éléments propres à
l’Eurovision de ce temps-là. Par exemple, la voix de Pierre Tchernia, qui commentait le concours en France, ou les freezes
vidéos qui annoncent systématiquement les chanteurs et leurs pays. On doit une forme de fidélité archivistique à cette cérémonie, il faut être précis et rigoureux, notamment sur les costumes, les chevelures, les accents, les mélodies ou la durée
même de l’émission, qui donne son tempo et son déroulement au spectacle, 1h20.
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Quel est le principe du jeu dans ce spectacle ?
Le principe est simple : je fais a priori tous les concurrents. C’est ce qu’on peut appeler le re-enactment. Comme lorsque je
faisais revivre la demi-finale France-Allemagne de la Coupe du monde 1982 en rejouant tous les déplacements de Michel
Platini. Pour 1973, j’ai suivi quelques cours de chant. J’ai appris le texte des chansons par cœur, en anglais, portugais,
flamand, espagnol, etc. Je reprends l’habillement, les mélodies, le minutage, les coiffures. Mais je n’y parviens jamais vraiment. Je dois me concentrer sur la technique du chant, de la langue, du rythme, ce qui m’oblige à être sincère. Je ne peux
pas tricher avec cette émission, ni sur sa forme ni sur sa lettre. Je ne singe pas, je ne me moque pas, ce n’est pas du karaoké,
mais un travail technique sur l’archive.
Mais il y a là un vrai décalage, qui provoque le rire…
On rit toujours du malheur des autres. Je fais beaucoup d’efforts pour chanter en langues étrangères, pour imiter
littéralement ce concours, tout en restant proche de mon propre personnage, Pino Tozzi, que l’on peut considérer comme un
crooner italien raté. Cousin du fameux Umberto, il fut en 1973 un concurrent malheureux écarté lors des éliminatoires de cette
édition de l’Eurovision. Il s’est alors exilé en France, à Avignon, où il anime depuis trente-cinq ans des soirées de mariage. Je
suis proche de lui puisque je l’incarne, mais de travers : c’est-à-dire que je vais droit à la catastrophe. Il s’agit toujours de
pousser les choses. Mais je conserve une grande méfiance par rapport à l’ironie, par rapport au second degré. Je suis
constitué par ces chansons, cette émission ; j’ai pleuré comme des millions de gens devant ces images. Je ne peux pas nier
ça. Si je voulais résumer, je dirais que je suis constitué aussi bien par Deleuze que par ça. On ne verrait plus rien de cette
rencontre si je prenais le parti de l’ironie, de la supériorité.
C’est une figure d’idiot contemporain que vous incarnez ?
La posture de l’idiot est pour moi fascinante. Avec Claire de Ribaupierre, ma dramaturge, nous avons beaucoup travaillé sur
cette figure et ce qu’elle représente dans le monde et l’art d’aujourd’hui. L’idiot est au plus près de lui-même : le monde qui
l’entoure, il en est l’auteur, de façon absolue. Il a tout inventé dans sa tête ou avec ses mains. C’est l’artiste dans sa définition même, mais tragique, puisqu’il reste à part, isolé, pathétique, méprisé, à la fois dans son monde mais conservant une
distance vis-à-vis des autres qui met le public mal à l’aise. Par ma fonction d’artiste, effectivement, je me sens idiot. Pas du
tout artiste maudit, mais artiste au premier degré. Le rapport de cet idiot au public est passionnant car il l’oblige à repenser
sa propre position par rapport au spectacle : voir une personne, comme moi, chanter de travers, éprouver des difficultés
dans l’imitation du populaire, conduit le public à s’imaginer être lui, moi, donc à entrer dans le jeu du décalage.
Comment est né votre personnage de Pino Tozzi ?
C’est un « vrai-faux ». Il incarne la part d’Italien qui est en moi, mais une part de moi-même que je ne maîtrise pas : je baragouine un italien maladroit, refait, mélangé, une langue à la fois exotique et identitaire. C’est un naïf, un candide, qui a plus
d’aisance dans la maladresse que dans la chanson, qu’il aime pourtant passionnément. Il est apparu il y a deux ans lors d’une
performance à Marseille et depuis je l’ai repris sous d’autres formes.
Comment définiriez-vous le type d’objet sur lequel vous travaillez dans vos spectacles ?
Ce ne sont pas tant des objets culturels que des objets populaires : ils ont plus de mémoire que de culture. Ils ont immédiatement, puis plus encore rétrospectivement, fait figure de bornes générationnelles. De la même manière, je pense un jour
revisiter un tel type d’événement cinématographique à travers Le Gendarme et les gendarmettes, avec Louis de Funès. Ce
sont essentiellement des objets non-nobles. Qu’on rencontre évidemment chez d’autres penseurs ou artistes qui m’ont
influencé : Roland Barthes et ses Mythologies, Jean-Luc Godard et ses « personnages » ready-made.
C’est pourquoi vous incluez aussi dans votre spectacle le discours savant sur ces objets populaires, par exemple
en faisant intervenir Marc Augé, anthropologue, ancien directeur de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales
de Paris ?
À un moment, Pino Tozzi qui voudrait tant, selon ses dires, « révéler la beauté, l’intensité et la force unique » de l’édition 1973
de l’Eurovision, fait monter sur scène un homme qui, assis dans les premiers rangs, réagit à ses propos sur la culture populaire. Cet homme, c’est effectivement Marc Augé. Cette rencontre m’intéresse. Pour moi, parler avec Augé, c’est jour de fête.
Il m’apporte beaucoup par sa connaissance des rites populaires, son interprétation anthropologique des habitudes quotidiennes. Il est lui-même sur scène et transmet son analyse sur le concours Eurovision comme fabrique de l’héroïsme populaire. C’est un rapport au savoir particulier que je voulais inclure dans le spectacle : une parole spécialisée et savante commentant un objet non-noble, décalé, qui démontre que cet objet a aussi l’intelligence d’être là et de s’imposer à nous. Marc
Augé parle à sa manière ; il est « importé » dans le spectacle, comme une personne de la vraie vie, ce qui provoque sur scène
de l’humanité et, dans le même temps, de la pensée.
Comment avez-vous rencontré Marc Augé ?
Claire de Ribaupierre a suivi un temps ses cours à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, puis nous l’avons rencontré
ensemble. Il nous semblait évident de l’inviter pour ce genre d’expérience qui ouvre des horizons et permet des mélanges
inattendus. On lui a proposé une première intervention, dans le cadre des Sujets à Vif en 2008, à Avignon, puis dans une
performance pour la nouvelle direction du Théâtre de la Cité internationale à Paris, aux côtés de Jack Ralite, dans son propre
rôle, d’une danseuse du Crazy Horse, qui jouait Carla Bruni, et de Pino Tozzi. Marc Augé n’est pas déstabilisé par la scène, ni
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par le public et conserve son aisance à transmettre. Mais pour autant, il ne transforme pas son discours, son savoir, ni sa
manière de réfléchir sur les rituels populaires du quotidien. On travaille également avec Serge Margel, philosophe et
théologien, fils spirituel d’Antonin Artaud. Autant Marc Augé est un intellectuel intégré, ancien directeur de l’EHESS, autant
Serge Margel travaille hors institution, avec son look de rock star, plongé dans son propre monde. Le troisième intervenant,
c’est Bastien Gallet, philosophe, spécialiste de musique classique, contemporaine et électronique mais aussi de musique
populaire, du rock et de la pop. Ce qu’on aime chez eux, c’est qu’ils n’ont rien à prouver, à revendiquer et qu’ils nous semblent
toujours en pensée, toujours à penser.
Avez-vous pensé à intégrer Patrick Juvet lui-même au spectacle ?
Dans une première version de ce projet, assez mégalomane, avec trente-cinq musiciens sur scène et dix-sept compagnies
internationales qui représentaient chacune son chanteur et son pays, une sorte de performance télévisuelle, on a imaginé
Patrick Juvet reprenant son propre rôle, tout seul, face au public, avec le son d’archive. Mais il existait là un vertige du vrai
qui nous a étourdi, et les cent trente personnes prévues sur le plateau c’était un peu gros pour la taille de notre compagnie.
Alors, on a renoncé. C’est donc moi qui chanterai Patrick Juvet, et les autres.
Propos recueillis par Antoine de Baecque
uR
1973
SALLE BENOÎT-XII
durée estimée 1h30
création 2010
10 11 12 13 14 À 18H
mise en scène Massimo Furlan
dramaturgie Claire de Ribaupierre
scénographie Antoine Friderici, Massimo Furlan
préparation musicale Daniel Perrin
lumière Antoine Friderici
son Stéphane Vecchione, Philippe de Rham
costumes Cécile Delanoë
maquillage Julie Monot
avec Marc Augé, Anne Delahaye, Massimo Furlan, Bastien Gallet, Thomas Hempler, Serge Margel, Stéphane Vecchione
production Numero23Prod
coproduction Festival d’Avignon, Arsenic Lausanne, Gessnerallee Zurich, La Bâtie Festival de Genève, Kaserne Bâle, Théâtre de la Cité internationale Paris, Grand Théâtre de Luxembourg
avec le soutien de la Ville de Lausanne, de l’État de Vaud, de la Loterie Romande, de Pro Helvetia-Fondation suisse pour la Culture, de la Banque cantonale Vaudoise, du Pour-cent culturel Migros,
de Corodis, de Ernst Göhner Stiftung, de la Fondation Artephila, de la Fondation Stanley Thomas Johnson, de la Fondation Leenaards et de la Mediathek Tanz
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«1973», théâtre de variétés et d'essai
FESTIVAL DE LA BÂTIE Autour d'un concours Eurovision de la chanson de son enfance,
le performer Massimo Furlan questionne la culture de masse. Haut en couleur.
Furlan rejoue le concours Eurovision de 1973, presque à lui tout seul. PIERRE NYDEGGER
NICOLA DE MARCHI
«Cette année-là, le rock'n roll venait d'ouvrir ses ailes», déclamait un tube de Claude
François. Habile mise en abîme, avec le recul, que le choix de cette chanson qui rend
hommage aux musiques d'autrefois. Car on
le sait: rien de tel qu'une vieille chanson de
variété pour éveiller des émotions enfouies.
Une considération que 1973, la dernière
proposition du Lausannois Massimo Furlan, prend a son compte. Créé au Festival
d'Avignon et présenté le week-end dernier
à la Bâtie, à Genève, le spectacle retrace le
concours Eurovision de la chanson version
1973 et interroge non seulement la forma-
Suivant le déroulement du concours s'avance alors sur l'avant de la scène le premier et
unique interprète des chansons: l'improbable Pino Tozzi (interprété par Furlan).
Les souvenirs individuels se mêlent entre
tendresse et ridicule. L'heure n'est toutefois jamais à la dérision, même quand les
éclats de rire prennent le dessus sur les ap-
plaudissements d'usage une hilarité suscitée par le burlesque de l'imitation et l'incongruité de l'original. «Je conserve une
grande méfiance envers le second degré. Je
suis constitué par ces chansons, par cette
émission», avouait l'auteur-acteur.
tion de l'individu mais aussi la culture
Comme dans d'autres pièces de Furd'une collectivité. «Dans mes spectacles, lan, le cadre narratif tient à peu de choses.
affirme l'artiste, je pars de choses qui m'ont Voici alors que l'improbable crooner
constitué... Cette expérience intime qui se prend la parole et du fond, où les numéros
trouve être partagée par beaucoup.»
s'alternent, se détachent pour le coup
A travers un dispositif audiovisuel qui quelques personnages hauts en couleur: le
occupe le fond de la scène, voici donc le
spectateur de 1973 plongé d'emblée dans
l'ambiance de l'Eurovision de l'époque:
grandes robes colorées, décor institutionnel, rhétorique d'occasion, bouquets de
fleurs bleues et salves d'applaudissements.
guitariste d'un groupe suédois, le chanteur Cliff Richards ou l'ethnologue Marc
Augé (en chair et en os).
«One man show», conférence ou spectacle de variété se mêlent dans une évoca-
tion qui a les allures d'un rêve éveillé. Un
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songe où les idoles, comme Richards, nous les chansons emmènent en fait avec elles
parlent à la manière des frères et les sa- une panoplie de sensations qui ravissent le
vants, comme Augé, font office de pères. public. Et peu importe leur sens ou leur va«Le spectacle s'est fait monde» dit l'un leur car elles iront se nicher là où résident,
d'eux. Le kitsch est ce «qu'on adore détes- paradoxalement, nos émotions plus
ter» réplique l'autre. «La chanson, même si intimes et communes. Enrichissant. I
elle incarne la nouveauté, glose Augé, n'est Le spectacle, en tournée européenne, fera étape du
qu'une manière de faire croire à l'idée
d'avenir.» Telle des madeleines de Proust,
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18 au 28 novembre prochain à l'Arsenic de Lausanne.
Rens: www.arsenic.ch
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