Les frais extraordinaires Jeune barreau de Charleroi

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Les frais extraordinaires Jeune barreau de Charleroi
1Justice de Paix de Fontaine l'Evêque
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Articles 203 & 1er et 203 bis du Code Civil.
Les contributions alimentaires et les frais
extraordinaires.
Jeune barreau de Charleroi - 12 juin 2009.
Préambule. ..................................................................1
1. Définitions - vocabulaire ..........................................2
2. Considérations d’ordre général en rapport avec la
"méthode Renard". ......................................................3
3. La nature des dépenses ...........................................6
a) Les frais médicaux, les frais chirurgicaux et
d’hospitalisation. ......................................................... 6
b) Les frais parfois qualifiés de “paramédicaux”. .............. 6
c) Les frais de voyages s’inscrivant dans le cadre scolaire. 7
d) Les frais d’inscription aux clubs de sport, aux académies
et autres activités culturelles pratiquées sous forme
d’abonnement (généralement qualifiés de frais
"parascolaires"). ......................................................... 7
e) Les frais scolaires,minerval, cours et syllabi, livres
scolaires. ................................................................... 8
4. La “franchise” ..........................................................8
5. La périodicité. ........................................................11
6. La clé de répartition ...............................................12
7. Concertation préalable dans le cadre de la
coparentalité .............................................................12
8. Les conventions préalables au divorce par
consentement mutuel et les accords entérinés par un
Tribunal. ....................................................................13
Conclusion provisoire. ...............................................13
Le système du forfait. ................................................14
Les enfants qui poursuivent des études supérieures..15
La rétroactivité. .........................................................17
Proposition de loi.......................................................18
EN CONCLUSION. .......................................................20
Préambule.
Mesdames et messieurs les avocats
C'est la première fois que j'ai l'occasion de traiter devant vous d'une
question relative aux "aliments".
C'est peut être aussi la dernière si devait aboutir le projet
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gouvernemental de création d'un grand tribunal de la famille.
Dans ce cas, les matières alimentaires échapperaient à la compétence
matérielle des juges de paix.
Je vous avoue, à titre tout à fait personnel, que cette perspective ne
m'enchante guère.
Toujours est-il que je me propose de vous livrer quelques réflexions sur
l'épineuse question des frais généralement qualifié d'extraordinaires,
réflexions qui n'ont aucunement la prétention de clore le débat mais qui
tendent, tout au contraire, à l'ouvrir.
Du reste, en préparant mon texte, je me suis aperçu que chaque question
en entraînait une autre.
L'exposé qui va suivre n'est ainsi qu' un "outil de travail" destiné à mettre
en lumière la complexité de la matière.
Mon professeur de logique juridique nous avez soumis ce syllogisme :
Tout ce qui est rare est cher
Or un cheval à 5 francs c'est rare
Donc un cheval à 5 francs, c'est cher.
Ceci pour dire qu'une fausse prémisse entraîne une conclusion erronée et
qu'à force d'être galvaudée, la notion de frais extraordinaires finit par
perdre toute substance.
1. Définitions - vocabulaire
"Extraordinaire " ou "exceptionnel" : les parties utilisent indistinctement
les deux termes.
“Exceptionnel”
Ce qui fait exception, ce qui échappe à la règle.
Le Petit Littré: “Qui a rapport à une exception. Disposition exceptionnelle.
Néologisme. Qui fait exception, extraordinaire...”.
Le Petit Larousse illustré: “Qui forme exception. Peu ordinaire, rare,
inattendu”.
Le Robert - Dictionnaire historique de la langue française: “ce qui est hors
de l’ordinaire”.
“Extraordinaire”
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Dictionnaire de l’Académie française, 8ème
édition (1932-5) EXTRAORDINAIRE (p.1:516)
“EXTRAORDINAIRE. adj. des deux genres.
Qui n’est pas selon l’usage ordinaire, selon l’ordre commun, qui est audessus de l’ordinaire. Séance, audience extraordinaire.
(...)
Budget extraordinaire. Dépenses extraordinaires.(...)
Il signifie particulièrement, dans les comptes, ce qui est en dehors de la
dépense ordinaire. L'extraordinaire monte à tant.”
On peut donc éviter une querelle sémantique et considérer que les
deux termes recouvrent la même réalité.
2. Considérations d’ordre général en rapport avec la "méthode
Renard".
Ces considérations s'inspirent d'un jugement de la Justice de Paix de
Fontaine l'Evêque du 3 mai 2007 et qui a fait l'objet d'une publication
dans le Journal de Juges de Paix ( voir infra "documents à consulter").
J'insiste sur le fait que ce jugement est le fruit d'une réflexion toujours en
cours et à laquelle je souhaite d'ailleurs associer les plaideurs.
Je n'ignore pas que le temps vous fait souvent défaut et que les clients ne
font pas toujours preuve de la collaboration nécessaire en vue du
collationnement des pièces utiles.
Et pourtant, il devrait être aisé de les convaincre de ce que leur intérêt
réside dans la précision des conventions, des accords ou des dispositifs
des décisions judiciaires, susceptibles de leur éviter bien des déboires.
Comme vous le savez sans doute, je suis un "adepte" de la méthode
communément appelée "méthode Renard".
Par le biais de cette méthode , le tribunal fixe d’abord le coût statistique
de l’enfant sur base d’un coefficient (théorique) de proportionnalité
appliqué aux ressources cumulées des parents et puis détermine le coût
“réel” de cet enfant (coût brut d’abord, coût net ensuite).
Le “quantum” de l’obligation alimentaire ainsi fixé est censé couvrir
l’ensemble des dépenses prévues à l’article 203 § 1er du Code civil qui
dispose que:
“Les père et mère sont tenus d’assumer, à proportion de leurs facultés,
l’hébergement, l’entretien, la surveillance, l’éducation et la formation de
leurs enfants.”
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Cette énumération n’est pas limitative et, notamment, les frais médicaux
et de loisirs en font partie (voir: VAN GYSEL, Précis de droit familial, Bruylant,
2004, p. 490).
Par ailleurs, l’obligation alimentaire qui dérive de l’article 203 est plus
large que celle de droit commun en ce qu’elle comprend non seulement
des prestations purement financières telles que nourriture, soins,
habillement, logement, chauffage, frais scolaires, frais de loisirs
compatibles avec le niveau de vie des débiteurs d’aliments,mais aussi des
prestations plus personnelles telles que la protection et la sécurité, des
soins matériels, intellectuels et moraux (voir: V.POULEAU, “Réflexions sur
l’obligation alimentaire des parents à l’égard de leurs enfants”, Rev. trim. dr. fam., 1988,
p. 522 qui cite DE PAGE, t. I, 54bis, p. 689, note 1).
La notion de “frais extraordinaires et/ou exceptionnels” ne paraît pas, en
soi, incompatible avec la méthode de calcul fondée sur des données
statistiques.
Il convient cependant de s’entendre sur cette notion et d’éviter que la
méthode Renard ne soit, en tout ou en partie, vidée de sa substance.
Notons d'emblée que si les parties sont en mesure de démontrer qu’in
casu, la part du budget familial consacrée à l’entretien de l’enfant excède
le coût de celui-ci, tel qu’il résulte des données statistiques, c’est alors ce
coût lui-même qui s’en trouvera modifié pour "coller" à la réalité. (ce qui
n’exclut pas nécessairement d’autres dépenses qui pourraient être qualifiées
“d’extraordinaires et/ou exceptionnelles”).
Ainsi, lorsque l’état de santé précaire d’un enfant ou le handicap dont il
souffre, entraîne des dépenses importantes, non entièrement couvertes
par une mutuelle (voire une assurance), il faudra en tenir compte au
moment de chiffrer le coût de cet enfant et la contribution alimentaire qui
en découle.
Il se pourrait également qu’un enfant pratique un sport de haut niveau ou
participe à des activités artistiques ou culturelles nombreuses; de telles
activités auront une incidence sur la détermination du coût de l’enfant.
Il convient, pour que la méthode Renard conserve sa cohérence,
que les frais qualifiés d’extraordinaires constituent réellement des
dépenses qui aillent au-delà du coût “ordinaire” de l’enfant, fixé en
considération de la part de leur budget global que les parents consacrent
à son entretien, son éducation, son hébergement et sa surveillance, qui
n’ont pas été intégrées à ce coût ou ne peuvent l'être.
La définition la plus répandue est la suivante : les frais extraordinaires
sont ceux qui n'ont pu être pris en considération dans la détermination de
la contribution mensuelle due pour l'enfant soit parce qu'ils sont la
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conséquence de circonstances inhabituelles ou imprévues, soit parce que
leur montant dépasse manifestement le budget mensuel moyen en
fonction duquel a été fixée la contribution alimentaire ( voir Nicole Gallus " " LES
ALIMENTS" Larcier 2006 P. 168)
On invoque généralement des frais extraordinaires "ponctuels" , tels des
frais importants consécutifs à un accident ou une maladie, pour la part
non remboursée par une mutuelle ou une assurance,l’achat de matériel
orthopédique, des soins ophtalmologiques, l’achat de lunettes et de verres
correcteurs, ou encore ( de plus en plus souvent) des frais d'orthodontie).
Il peut s’agir, au contraire, de frais “récurrents” (au sens de “ce qui se
répète”) Dans ce cas, ils devraient, idéalement, être intégrés au coût de
l’enfant .
On voit bien l’intérêt d’une méthode objective de calcul de la contribution
alimentaire qui permet de connaître la part de leur budget global que les
parents ont entendu consacrer à l’entretien, l’éducation, l'hébergement et
la surveillance de leur enfant et la manière dont ils ont alors calculé son
“coût ordinaire”.
En effet, si la contribution alimentaire a été fixée de manière
"empirique", comment pourrait-on identifier et fixer aussi objectivement
que possible les dépenses qui dépassent le budget "ordinaire" consacré à
l'entretien de l'enfant.
Il me paraît que le caractère imprévisible des dépenses concernées n'est
pas un critère déterminant, qu'il serait même, parfois, superflu; il s’agit,
plus exactement, de considérer les dépenses dont les parents ou un
Tribunal n’ont pas tenu compte au moment de fixer la contribution
alimentaire.
Dans cette optique, il serait plus exact de parler de dépenses
1
"imprévues".
A propos de l'imprévisibilité, Mr R Renard a écrit :
" Ce serait vider la méthode de son efficacité psychosociale si les parents
en venaient, semaine après semaine, mois après mois, à faire état de
dépenses inattendues de toutes sortes ( vêtements déchirés, perte ou vol
d'un téléphone portable, frais de carrosserie suite à un accrochage,
activité para scolaire) pour motiver un arrangement financier
complémentaire"
Roland Renard in " La méthode Renard - Questions spéciales" Dossier n° 69 du
Journal des Tribunaux p. 35).
1. imprévu : Qu’on n’a pas prévu et qui arrive lorsqu’on y pense le moins
imprévisible : Qui ne peut être prévu.
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Enfin, les dépenses qui excèdent le budget ordinaire peuvent aussi ne pas
être le fruit des circonstances mais plutôt d’un choix délibéré : par
exemple l’achat de matériel de sport haut de gamme, l’achat d’un cheval
2
, de matériel informatique, un voyage à l’étranger dans ou hors du cadre
scolaire ...
Sans compter que "nécessité" et "choix" peuvent se combiner de manière
inextricable : la myopie d'un enfant nécessite l'achat d'une paire de
lunettes mais son prix est très variable.
3. La nature des dépenses
a) Les frais médicaux, les frais chirurgicaux et d’hospitalisation.
Il n’est pas contestable que les frais d’hospitalisation et le coût des
prestations médicales, frais pharmaceutiques et de laboratoire en rapport
avec cette hospitalisation ainsi que les frais d’interventions chirurgicales
ou autres actes médicaux y afférents, constituent des dépenses qui
dépassent le coût normal des soins de santé, qu’ils soient la conséquence
de la maladie ou de l’accident.
On peut y ajouter les frais de montures de lunettes et de verres
correcteurs, les consultations chez l'ophtalmologue ou chez l'ORL.
En ce cas, "nécessité fait loi" !
( avec des limites comme on le verra plus loin).
En revanche, la consultation du médecin ou un dentiste pour un contrôle
de routine ou du médecin généraliste , à la suite d’une maladie bénigne,
revêt un caractère “ordinaire”.
b) Les frais parfois qualifiés de “paramédicaux”.
On peut admettre que sortent du cadre des dépenses “ordinaires”: les
frais de dentisterie liés à la pose de prothèses dentaires, les frais
d’orthodontie et d’appareils d'orthodontie, d’orthophonie, de logopédie,
d’orthopédie ainsi que l’achat de chaussures et semelles orthopédiques
ainsi que les frais de kinésithérapie.
2. ce qui entraîne des dépenses accessoires telles que la location d'un
box, la nourriture, les soins vétérinaires, la sellerie ...
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Les catégories a) et b) ci-dessus ont un certain caractère objectif, en
rapport avec la santé de l’enfant; il conviendra, bien entendu, de tenir
compte de l’intervention de la mutuelle et, le cas échéant, d’un assureur.
c) Les frais de voyages s’inscrivant dans le cadre scolaire.
La nécessité de ces dépenses ( par ailleurs tout à fait prévisibles dans leur
principe mais pas nécessairement dans leur montant) est vérifiable en fonction des
exigences de l’établissement scolaire; il faut cependant souligner le fait
que, généralement, elles n’ont aucun caractère contraignant tout
simplement parce que certaines familles n’ont pas les moyens d’y faire
face.
Leur engagement dépend du niveau de vie des parents et, en toute
hypothèse, une concertation préalable entre eux sera de nature à réduire
les risques de conflit.
d) Les frais d’inscription aux clubs de sport, aux académies et
autres activités culturelles pratiquées sous forme d’abonnement
(généralement qualifiés de frais "parascolaires").
“Si les précédentes catégories présentent un certain caractère objectif
relativement aisément vérifiable (car lié à l'état de santé de l'enfant ou
aux exigences de l’école), celle relative aux frais parascolaires touche
davantage au train de vie que les parents souhaitent donner à leur
enfant.
En cas de contestations, le juge pourra apprécier l’adéquation de l’activité
proposée avec le mode de vie des parents et les besoins de tout enfant ou
adolescent ayant reçu une telle éducation (...)” (N.MASSAGER, in ex- Revue
divorce, 2006,p. 149).
On peut y ajouter l’hypothèse où les enfants avaient déjà des activités de
ce type du temps de la vie commune des parents ou bien s’y sont inscrits
après leur séparation (de l’accord exprès voire tacite des parents) et que
les ressources actuelles des parties permettent de les maintenir.
En ce cas, les critères de ""nécessité" et "d'imprévisibilité" sont
inadéquats.
Les dépenses de loisirs (au sens large: sportifs, culturels, sociaux) ne
peuvent être qualifiés d’extraordinaires “par nature”; en effet, dans une
certaine mesure, elles sont couvertes par les contributions alimentaires et
ce n’est qu’au delà d’un certain seuil qu’elles peuvent perdre leur
caractère ordinaire.
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Dans ces conditions, pour les catégories c) et d), seul un contrôle “a
posteriori” est envisageable et il ne peut être fait droit à la demande en ce
qu’elle tend, pour l’avenir, à contraindre le défendeur à payer la moitié de
dépenses purement hypothétiques, à caractère par trop subjectif et qui ne
peuvent être, ipso facto, qualifiées d’extraordinaires par nature et dans
leur totalité.
A cet égard, soit les parties parviendront à un accord soit, à défaut, elles
saisiront le juge compétent.
e) Les frais scolaires,minerval, cours et syllabi, livres scolaires.
Il convient tout de rappeler que, selon moi, le recours à la méthode
Renard est inadéquat lorsqu’il s’agit d’enfants qui poursuivent des études
supérieures.
Dans ce cas, il appartient aux parents de chiffrer le coût d’une année
d’études en y incluant l’ensemble des postes de dépenses.
A défaut, le tribunal peut se référer aux budgets calculés, notamment, par
les universités.
C’est donc à tort que l’on qualifie d’extraordinaires, par exemple, le
minerval et le coût des syllabi. (voir infra).
Lorsqu’il s’agit d’enfants en cycles primaire et secondaire, il ne peut être
soutenu que “les frais scolaires” sans autres précisions, constitueraient
nécessairement des dépenses qui excèdent le coût normal d’un enfant.
Néanmoins, la rentrée scolaire est l'occasion de dépenses importantes,
ponctuelles auxquelles un sort particulier peut être réservé.
En ce qui concerne le quantum des dépenses, on retrouve la conjonction
3
des critères de nécessité et de choix( voir supra).
En ce qui concerne les frais d’internat, il y aura lieu de tenir compte, le
cas échéant, des économies réalisées lorsque l’enfant ne réside pas chez
son père ou sa mère (ainsi en va-t-il des frais variables tels, notamment,
des frais d’électricité, de chauffage ou d’eau).
Pour ce qui concerne les stages et voyages, il y a lieu de se référer au
point c).
4. La “franchise”
Certaines dépenses comme des dépenses de loisirs, de transport,
d’habillement, de rentrée scolaire ou encore des frais médicaux sont, dans
une certaine mesure, couvertes par les contributions alimentaires des
parents mais, au-delà d’un certain seuil, elles peuvent perdre leur
caractère ordinaire.
3.
les " marques" sont plus coûteuses.
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Ainsi, une part de la dépense, une sorte de “franchise”, conservera son
caractère “ordinaire” (voy. VAN GYSEL et BEERNAERT, Etat actuel du droit civil
et fiscal des obligations alimentaires,Kluwer, 2001, p. 68)
Il convient donc de vérifier s’il est possible de dégager des critères
objectifs qui permettraient de faire la part des choses entre ce qui relève
de l’ordinaire d’une part, de l’extraordinaire d’autre part dont le seuil
pourrait être fixé par référence aux pourcentages des dépenses retenus
par le logiciel PCA.
Ainsi:
•
•
•
•
•
•
•
santé et épargne: 13,60%
alimentation, soins corporels, loisirs, divers: 20,70%
habillement: 10,40%
culture-scolarité: 8,80%
total: 53,50%
à quoi viennent s’ajouter les frais de logement: 30,80%
et les frais de transport: 15,70%
On constate cependant qu’un même pourcentage englobe des dépenses
de types différents.
Il faudrait donc pouvoir isoler chaque type de dépense.
D’autre part, il peut arriver qu’une dépense relève de plusieurs
catégories: ainsi l’achat de matériel informatique relève-t-il à la fois de
“l’éducatif” et du “loisir”.
Une autre structure des dépenses est la suivante :
Dépense
en %
Alimentation
16,2
Habillement
11,5
Habitation
34,2
Santé
4,0
Transports
17,5
Culture-enseignement
9,8
Soins corporels
1,9
Loisirs
2,1
Autres
2,8
Total
100,0
"La méthode Renard - Une méthode de calcul des contributions alimentaires"
Dossier n° 51 du Journal des Tribunaux - p. 148 annexe 4.
Cette approche doit cependant être affinée et nuancée pour tenir compte
du niveau de vie des parents.
En effet, en termes absolus, le pourcentage de leurs ressources cumulées,
pris en considération pour le calcul du coût de l'enfant, est identique, pour
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un âge donné de celui-ci.
Mais en termes relatifs, le montant consacré à son entretien sera plus ou
moins important selon que l'enfant est issu d'un milieu plutôt aisé ou, au
contraire, plutôt défavorisé.
Ex : Pour un enfant de 16 ans, le coefficient de proportionnalité est de
0,255/1,255 = 20,30 %
Si les ressources cumulées des parents sont de 2000,00 € et les
allocations familiales de 150,00 Euros, le coût brut de l'enfant sera de
437,00 Euros ; le coût net de 287,00 €
Si leurs ressources cumulées sont de 4.500,00 €, le coût brut sera de
945,00 €; le coût net de 795,00 €.
La marge de manoeuvre n'est évidemment pas la même.
Ainsi, dans le second cas de figure, le budget "ordinaire" permettra de
faire face à des dépenses de santé, scolaires ou de loisirs , ce qui ne sera
pas la cas pour les parents qui disposent de moins de moyens financiers.
Pour les uns, le poste santé sera, en moyenne, de 437,00 x 4% = 17,50€
Pour les autres il sera de 945 x 4% = 38,00 €
Pour le poste loisirs : 2,1 % soit 9,00 € dans un cas et 20,00 € dans
l'autre.
Mr Renard va encore plus loin :
" Il convient donc d'admettre que non seulement les "dépenses
habituelles, ordinaires, moyennes" de ménages équivalents ne peuvent
fournir aucune référence absolue, aucun étalon précis pour évaluer le
caractère extraordinaire des dépenses d'un ménage particulier mais
encore qu'il n'y a pas de sens à fixer un seuil, même variable selon le
niveau de revenu, à partir duquel une dépense d'un ménage ( dépense de
nature collective ou individuelle pour l'enfant ou un parent) serait estimée
extraordinaire.
A fortiori faut-il en convenir si un seuil est fixé indépendamment du
revenu" ( càd de manière tout à fait arbitraire - NDA)
"La méthode renard-Questions spéciales" p 38).
La raison en est, explique t-il, que la structure des dépenses dépend de
facteurs à la fois objectifs et subjectifs, qu'il existe une "large dispersion
ou variation des dépenses autour de la dépense moyenne", qui est le
résultat de ces facteurs ; ainsi, il arrive que l'on accepte de dépenser
beaucoup dans un domaine ( ex les loisirs) au détriment d'un autre
domaine.
En conséquence, pour reprendre l'exemple chiffré ci-dessus, une dépense
de loisirs ne deviendrait pas automatiquement une charge extraordinaire
pour ce qui dépasse 9,00 € dans un cas et 20 € dans l'autre.
Il faudrait tenir compte des dépenses qui se situent au dessous de la
moyenne et qui compensent les écarts vers le haut d'autres dépenses.
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5. La périodicité.
Il se peut que des dépenses telles que des frais médicaux et
pharmaceutiques ne deviennent “extraordinaires” que par leur
accumulation; quelle période faut-il alors considérer: trois mois, six mois,
un an?
Par ailleurs, certaines dépenses sont amorties sur plusieurs années (
matériel scolaire, matériel informatique ... ).
Au contraire, certaines dépenses peuvent se concentrer sur un laps de
temps assez court: les dépenses de la rentrée scolaire, en particulier au
moment où l’enfant change de cycle, un voyage scolaire à l’étranger, des
classes de neige.
Idéalement, il faudrait donc combiner les deux critères de pourcentage,
d'une part et de périodicité d'autre part, ce qui risque de compliquer
considérablement les décomptes.
On peut toutefois admettre que seul sera pris en considération l’impact de
la dépense sur le budget par rapport à la période prise en compte (par
exemple l’année civile ou l’année scolaire).
La position de Mr Renard, en la matière, est beaucoup plus radicale que
ce qui précède puisque, selon lui, ce qui caractérise une charge
extraordinaire, c'est :
• sa rareté statistique ( peu de parents sont donc concernés par des
charges extraordinaires).
• son intensité.
• son caractère contraignant.
En sorte que les charges extraordinaires sont rares :
" Les charges qui nous semblent devoir être prises en considération sont
les dépenses de santé des parents ou des enfants, associées à un
handicap ou à une affection chronique nécessitant des dépenses
particulièrement élevées, les dépenses d'éducation et de formation
associées soit à une déficience soit au contraire à des aptitudes
particulières d'en enfant nécessitant un enseignement spécial source de
dépenses inhabituelles et élevées.
La relativité de la notion de charges ( nécessité - choix; objectivité subjectivité ; niveau de vie - mode de vie) fonde la nécessité d'un accord
des deux parents ou d'une décision du juge sur les charges à
éventuellement prendre en compte".
"La méthode Renard - Questions spéciales" Dossier n° 69 du Journal des
Tribunaux p. 40
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Roland Renard.
6. La clé de répartition
Sauf accord des parties, il n’y a aucune raison de déroger à la règle
générale de proportionnalité .
Les décisions qui prévoient systématiquement un partage par moitiés
plutôt qu'à proportion des facultés des parents me paraissent contraire à
la fois à la logique et à l’article 203 & 1er du Code civil.
7. Concertation préalable dans le cadre de la coparentalité
Si la co-parentalité, lorsque les parents sont séparés, ne signifie pas
l’interdiction systématique pour un parent, en toutes circonstances, d’agir
sans l’accord de l’autre, à peine de paralyser toute décision, encore faut-il
raisonnablement considérer que l’engagement de dépenses qui dépassent
le cadre de la contribution alimentaire, au sens strict, doit être pris de
commun accord à tout le moins si le parent qui a pris la décision entend
en obtenir remboursement, pour partie, auprès de l’autre.
Il faut en effet avoir à l’esprit le fait que, pour faire face à de telles
dépenses, les parents devront, selon le cas:
• soit prélever sur une éventuelle épargne;
• soit s’endetter (quid des intérêts de l'emprunt?);
• soit réduire d’autres dépenses (transfert à partir d’un autre poste
budgétaire);
• soit combiner plusieurs de ces possibilités.
Dans ces conditions, la répartition de frais extraordinaires ou
exceptionnels implique que les deux parents soient associés au processus
décisionnel compte tenu de ce qu’elles peuvent désorganiser un budget.
Il ne pourrait en aller autrement que s’il était démontré qu’il s’agissait de
dépenses urgentes et nécessaires, rendant toute consultation préalable
impossible (on pense, en particulier, à des dépenses d'ordre médical).
4
A défaut de consultation préalable et en dehors de toute urgence, ou
lorsque la nomenclature des dépenses est trop vague, les parties
s’exposent à des querelles d’interprétation sans fin qui risquent fort, si
pas de rendre la décision de justice inexécutable, à tout le moins, d’en
rendre l’exécution extrêmement malaisée en cas de désaccord sur l’objet
et/ou le montant de pareilles dépenses.
( voir la contribution de Me Saudoyez à ce sujet).
4.
La proposition de loi dont question ci-après parle "d'accord préalable, sauf urgence" ( voir amendements
du 28 janvier 2009 à propos de l'article 9).
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J'attire votre attention sur le fait que plus la définition des frais
extraordinaires est restrictive, moins se pose la question de la
concertation ou de l'accord préalable !
( en tout cas quant au principe de la dépense).
8. Les conventions préalables au divorce par consentement
mutuel et les accords entérinés par un Tribunal.
Appliquées aux conventions préalables à divorce par consentement
mutuel ou aux accords entérinés par un Tribunal, les lignes directrices cidessus militent en faveur d'une analyse méthodique des charges
extraordinaires et d'une nomenclature précise au contraire des clauses
stéréotypées sources de querelles d'interprétation et de difficultés parfois
insurmontables d'exécution qui empoisonnent les relations des père et
mère.
(à propos de l'exécution , voir la contribution de Me Saudoyez).
Ces questions ne seront pas abordées dans le cadre de la présente
contribution.
Conclusion provisoire.
La difficulté de différencier les dépenses et de les qualifier “d’ordinaires”
ou “d’extraordinaires” provient, notamment mais essentiellement, du fait
que, dans la plupart des cas, les parties s’abstiennent de chiffrer le coût
de l’enfant.
N’en déplaise aux contempteurs de la méthode Renard, elle a au moins le
mérite de pallier cette carence chronique dans les dossiers relatifs aux
aliments.
Ainsi, on peut lire, sous la plume de Nathalie MASSAGER, déjà citée (in
Revue Divorce, 2006, p. 145 et s.: “A propos des fameux frais extraordinaires
"(1ère partie)
p. 148, renvoi à Civ. Bruxelles (jeun.), 8 novembre 2005.
“Le prix de l’abonnement aux transports en commun représente une
dépense extraordinaire dans la mesure où son montant excède le budget
normal mensuel sur la base duquel a été calculée la contribution
alimentaire”,
Ce commentaire vaut pour tous les frais qualifiés d’extraordinaires
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Identifier une dépense qui sortirait de “l’ordinaire” nécessite, précisément,
que le budget consacré à l’enfant ait préalablement été chiffré au moyen
d'une méthode objective.
Le système du forfait.
Compte tenu du caractère, par nature, évolutif et ponctuel des dépenses
qui peuvent être qualifiées d'extraordinaires, l'attribution d'un forfait qui
viendrait s'ajouter à la contribution alimentaire, doit être rejeté.
Il ne paraît pas conforme à l'intérêt de l'enfant dont le Tribunal reste le
garant.
Affirmer qu'une dépense aurait, dans tous les cas de figure, un caractère
exceptionnel par le seul fait qu'elle dépasse un certain seuil fixé plus ou
5
moins arbitrairement est dénué de sens, ainsi que cela a déjà été
exposé.
En revanche, rien ne paraît s'opposer au versement d'une "provision" ,
moyennant un ajustement périodique, en fonction des dépenses
extraordinaires réelles et conformes à la nomenclature précise fixée par le
Tribunal.
(à ce propos, voir Sophie Louis opcitée in CUP 103 p. 158 selon laquelle cette
solution "..... permet d'éviter que le parent bénéficiaire du forfait ne supporte
seul les aléas résultant par exemple d'une dépense imprévisible n'ayant pu être
prise en compte dans l'estimation du forfait, ce, tout en limitant les occasions
de conflit".)
La proposition de loi du 28 février 2008,dont il sera question plus loin,
prévoit la possibilité pour le Tribunal, à la demande du père ou de la
mère, d'imposer aux parties d'ouvrir un compte bancaire destiné à
recevoir les contributions alimentaires.
( voir infra).
6
Cette possibilité pourrait être étendue au versement de "provisions" sur
frais extraordinaires et, le cas échéant, mise à profit soit pour le
versement d'un complément après établissement des comptes soit pour le
remboursement du trop perçu ( à moins qu'il ne demeure au crédit du
compte, pour être imputé sur les dépenses à venir)
En l'état actuel de la législation, il ne paraît pas permis au juge d'imposer
cette solution aux parties mais rien ne les empêche d'y recourir
volontairement.
5.
6.
ex : les dépenses médicales supérieures à 50,00 €/mois.
La proposition de loi prévoit la possibilité pour le juge d'autoriser la délégation de sommes en cas de non
paiement de deux échéances consécutives ou non.... au cours des 12 mois qui précèdent la requête ??
Toujours est-il que rien ne paraît s'opposer à ce que l'éventuelle délégation de sommes s'applique aux
"provisions" sur frais extraordinaires.
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N.B. selon le texte de la proposition (amendements du 28 janvier 2009), les "frais"
résultant de l'obligation d'entretien comprennent les frais ordinaires ET
extraordinaires.
Le compte bancaire devrait donc être alimenté par les contributions aux uns et aux
7
autres.
8
Les enfants qui poursuivent des études supérieures.
Mon opinion est que la méthode « Renard « n'est pas adaptée au calcul
du coût d'un enfant qui poursuit des études supérieures (les coefficients
théoriques s'arrêtent à 17 ans, même s'il est possible d'extrapoler jusqu'à
20 ans-).
Dans ce cas de figure, préalablement à la détermination de la contribution
alimentaire due par le père, il convient de calculer, au plus près, le coût
réel de l'enfant, à partir de l'ensemble de ses composants.
Certaines universités se sont livrées à cet exercice et proposent des
estimations assez variables de ce coût et le même raisonnement peut être
tenu, mutatis mutandis, pour tout type d'études supérieures.
On retrouve,dans ces estimations, un certain nombre de paramètres
constants tels que : le minerval, le kot, les livres et syllabi, les frais de
nourriture et d'habillement, les dépenses de transport et de loisirs ....etc
... qui ne doivent nullement être qualifiés de frais « extraordinaires » .
Ils constituent, tout au contraire, le coût ordinaire de l'enfant qui
poursuit des études supérieures, auquel peuvent s'ajouter des dépenses
qui, effectivement présenteraient un caractère exceptionnel( on pense, en
particulier, à des dépenses de santé dues à la maladie ou à un accident).
Ce coût peut, bien entendu, varier en fonction du type d'études.
Certaines filières nécessitent des investissements importants en termes
de matériel, de documentation, de stages .... etc.... .
Certains étudiants ne louent pas de « kot »
Le tableau suivant pourrait être complété et présenté au juge, pièces à
l'appui
Types de dépenses
7.
Montant annuel
A noter également que la proposition se réfère " aux contributions fixées sur base de l'article 203 & 1er qui
concerne la détermination du budget consacré à l'entretien de l'enfant (autrement dit, le coût de l'enfant), ce
qui laisserait entendre que le compte bancaire devrait être crédité par les DEUX parents.
8.
Pour ce qui concerne la question du titre exécutoire, tant en cas de trop perçu par le créancier d'aliments
qu'en cas d'insuffisance des provisions versées, voir l'exposé de Maître Saudoyez.
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Minerval et frais d'études
Logement
Matériel didactique,livres,cours
Repas
Transport en commun
Équipement divers ( vêtements, chaussures...
Loisirs, culture,
Santé : frais médicaux et pharmaceutiques, dentiste, soins infirmiers
...etc
( hors frais « extraordinaires »).
Divers
TOTAL ( coût brut).
dont à déduire les allocations familiales
dont à déduire l'allocation d'études éventuelle
Coût net
A répartir " à proportion des facultés " des parents.
Pour ce qui concerne la répartition d'éventuels "frais extraordinaires" , il y
9
a lieu de se référer au raisonnement ci-dessus.
9.
La proposition de loi exige un jugement "spécialement motivé" et permet au juge de s'écarter du mode de
calcul basé sur d'une échelle des coût théoriques à fixer par Arrêté Royal ; en conséquence, le raisonnement
dont question ci-dessus pourrait être maintenu pour les enfants qui poursuivent des études supérieures. On
peut du reste supposer que cette échelle de coûts théoriques vaudra pour les enfants mineurs, tout comme les
coefficients "Renard" s'arrêtent à 17 ans.
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La rétroactivité.
La question de la rétroactivité est extrêmement délicate.
Faute de temps, il ne m'a pas été possible d'approfondir la question.
Le texte qui suit est extrait d'un jugement du 26 décembre 2006
(Justice de Paix de Fontaine l'Evêque, publié in J.J.P. 2007 p. 308
et suivantes), relatif à la question de la rétroactivité en matière de
contributions alimentaires.
Il est de jurisprudence constante que l’obligation d’entretien des parents à
l’égard de leurs enfants, sur base de l’article 203 du Code civil, existe
indépendamment de l’introduction d’une demande en justice
pour en obtenir l’exécution (voir Cass., 6 février 1986, Pas., 1986, I, p. 692).
Il faut également avoir égard au fait que la décision du juge de paix,
statuant après une décision définitive sur la demande de divorce, peut
rétroagir pour la période antérieure à ladite décision lorsqu’il autorise la
décharge ou la réduction de la pension alimentaire accordée par le
président du Tribunal de première instance statuant en référé
(Cass., 14mai 1990, R.C.J.B., 1992, p. 39 et note MASSON, “La suppression et la
réduction rétroactive d’une pension alimentaire”).
Le raisonnement vaut en cas de majoration.
Toutefois le juge doit être circonspect face à une demande tardive,
compte tenu des effets d’une rétroactivité qui, en fin de compte, pourrait
s’avérer contraire aux intérêts des enfants si elle met le débiteur en
fâcheuse posture. Il faut éviter qu’une dette payable en principe de
manière périodique ne soit transformée en une dette de capital par la
négligence du créancier
(voir notamment Mons, 9 janvier 1998,Act. Div., 1998, p. 69 et note critique de
F. LIGOT; voir également Bruxelles (3ème ch.), 24 avril 2001, Act. Div., 2002, p.
65; Bruxelles, 26 février 2002, Act. Div., 2002, p. 67 et note PIRE, Rev. trim. dr.
fam.,2004/2, p. 414 et s.).
Des arriérés importants peuvent parfois provoquer la ruine du débiteur
d’aliments ou, en tout cas, le plonger dans des difficultés financières très
importantes en raison de l’inertie du créancier d’aliments surtout si le
débiteur ne perçoit que de faibles revenus ou que sa situation financière
est déjà précaire.
Il faut veiller à ce qu’en raison, soit de la négligence ou de l’inertie
coupable du crédirentier, soit, le cas échéant, de sa volonté de mettre
délibérément le débirentier en difficulté, l’obligation alimentaire ne soit
pas détournée de sa fonction première qui consiste à permettre de faire
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face, au jour le jour, au coût d’entretien de l’enfant.
Le crédirentier peut aussi justifier de raisons légitimes qui ne lui ont pas
permis d’agir plus tôt (éloignement,maladie, ...).
La jurisprudence qui consiste à limiter les effets de la rétroactivité peut
toutefois avoir des effets pervers en ce qu’elle “efface l’ardoise” du
débiteur d’aliments au détriment d’enfants mineurs qui n’ont pas à faire
les frais de l’inconséquence ou de l’inertie des adultes.
Par ailleurs, le paiement d’arriérés peut améliorer l’ordinaire d’un enfant
qui, par le passé, aurait subi des privations.
Il faut donc examiner au cas par cas la question de la rétroactivité, en
tenant compte des circonstances propres à la cause.
Pour ce qui est plus particulièrement des "frais extraordinaires",
le problème de la rétroactivité se pose avec une acuité d'autant plus
grande qu'il est malaisé de les circonscrire, ainsi qu'on a pu le constater.
Si certaines dépenses "hors normes" , plus particulièrement en matière de
santé, paraissent s'imposer, d'autres sont plus discutables, d'autres
encore nécessitent si pas un accord, à tout le moins une concertation
préalable.
Enfin, si le principe de la dépense est admis, encore son quantum peut-il
faire l'objet de discussions ( voir l'exemple de la paire de lunette ou
encore de la chambre d'hôpital individuelle)
Dans ces conditions, peut-on raisonnablement condamner le débiteur à
d'importants arriérés pour des dépenses inhabituelles de toute nature,
arbitrées parfois des années après leur engagement, selon des critères
variables d'une juridiction à l'autre, surtout si aucune tentative de
règlement amiable, aucune mise en demeure n'a précédé la phase
judiciaire?
Proposition de loi
• DOC 52 0899/001 de la chambre des représentant 28 février
2008
Proposition de loi modifiant le Code civil en vue d’objectiver le calcul des
contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants
(déposée par Mme Clotilde Nyssens et MM. Melchior Wathelet et Christian Brotcorne)
• Doc 52 0899/002 amendements du 28 janvier 2009.
• Doc 52 0899/003 du 1er avril 2009 avis du conseil d'Etat n°
46.041/2 du 1er mars 2009.
• Doc 52 0899/004 amendements du 7 mai 2009.
• Doc 52 0899/005 proposition de loi du 29 mai 2009
Le document 52 0899/002 introduit une définition des frais
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extraordinaires en ces termes :
10
"Par frais extraordinaires, on entend les dépenses exceptionnelles ,
11
nécessaires ou imprévisibles qui résultent de circonstances
accidentelles ou
inhabituelles et qui dépassent le budget habituel affecté à l’entretien quotidien
de l’enfant qui a servi de base, le cas échéant à la fixation des contributions
alimentaires".
L'article 9 de la proposition amendée stipule ce qui suit :
"Il est inséré dans la quatrième partie, livre IV, chapitre XII du code
judiciaire un article 1321/1, rédigé comme suit:
«Art. 1321/1. § 1. Sauf accord des parties quant au montant de la
contribution alimentaire conforme à l’intérêt de l’enfant, toute décision
judiciaire, fixant une contribution alimentaire en vertu de l’article 203, §
1er du Code civil, indique les éléments suivants:
(.....)
3° la nature des frais extraordinaires qui pourront être pris en
considération, la proportion de ces frais à assumer par chacun des père et
mère ainsi que les modalités de l’engagement de ces frais."
On peut lire ce qui suit dans les commentaires :
" L’introduction d’une définition légale peut contribuer à plus d’uniformité
dans la jurisprudence en ce qui concerne les critères et la fixation de la
contribution dans les frais extraordinaires.
Une définition légale des frais ordinaires et extraordinaires clarifie pour
toutes les parties quels sont les frais couverts ou non par le forfait
mensuel. Ainsi, les discussions pourront être évitées.
Les frais ordinaires sont tous les frais habituels relatifs à l’entretien
quotidien de l’enfant.
Les frais extraordinaires sont les dépenses qui ont un caractère
exceptionnel, nécessaire ou imprévisible. Elles résultent d’évènements
accidentels ou inhabituels et dépassent le budget habituel prévu pour
l’entretien quotidien de l’enfant.
Il s’agit de frais incertains, difficilement chiffrables à l’avance, de sorte
qu’il est impossible d’en tenir compte dans le calcul de la contribution
alimentaire ordinaire, et dont la fréquence est éventuellement irrégulière.
12
10. exceptionnel /extraordinaire : la proposition ne fait pas de distinction.
11. voir les considérations ci-dessus à propos de dépenses qui ne dépendent pas seulement des
circonstances mais de choix subjectifs.
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La contribution dans ces frais doit également être proportionnelle à la
part respective de chacun des parents dans les moyens cumulés.
Outre l’introduction d’une définition, une alternative pour éviter les
nombreux litiges concernant les frais extraordinaires consiste à ouvrir un
13
compte spécial en commun sur lequel pourront être versés les
allocations familiales et autres avantages sociaux éventuels destinés à
l’enfant majorées éventuellement d’une contribution mensuelle des
parents, servant au paiement des frais extraordinaires par les deux
14
parents.
Personnellement, je ne suis pas convaincu qu'une telle définition soit de
nature à régler l'ensemble des difficultés d'interprétation que rencontrent
actuellement les parties en la matière mais elle a au moins le mérite de
s'inscrire dans le cadre plus large de l'objectivation du calcul des
contributions alimentaires et de la prise en compte du coût de l'enfant,
préalable indispensable, je l'ai souligné à toute réflexion sur la notion de
frais extraordinaires ou exceptionnels.
EN CONCLUSION.
Vous objecterez, sans doute, que cet exposé suscite davantage de
questions qu'il n'apporte de réponse.
Si tel est le cas, j'aurai atteint mon objectif qui était d'attirer votre
attention sur le fait que la question des frais extraordinaires ne
doit pas être traitée comme un simple appendice de la
problématique de la fixation des contributions alimentaires.
Les clauses stéréotypées, vagues parfois même carrément
alambiquées ne favorisent pas la sécurité juridique et, en matière
alimentaire, les première victimes en sont souvent les enfants.
12. Toutefois, les parents peuvent convenir de se répartir la charge de
frais qui, non seulement n'entreraient pas dans le cadre du budget
ordinaire mais qui , en outre, dépasseraient le cadre de la définition
légale.
13. Selon les auteurs de la proposition de loi, le juge doit examiner, in
casu, la "praticabilité" du système du compte commun.
Le Conseil d'Etat, de son côté, a attiré l'attention des auteurs sur
l'opportunité de préciser :
* que ce compte serait insaisissable par les créanciers des père et mère
* que le texte déroge à l'article 379 alinéa 2 du Code Civil qui frapperait
le compte d'indisponibilité.
14. L'article 3 & 4 de la proposition ne précise pas au nom de qui doit être
ouvert le compte destiné à recevoir les contributions alimentaires ; ici, on
indique qu'il s'agit d'un "compte commun".
Le cas échéant, devra t-on ouvrir deux comptes bancaires ?
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Cette question exige une méthode de calcul aussi rigoureuse que
possible, fondée sur des critères aussi objectifs que possible.
L'avenir nous dira si le législateur contribuera à l'élaboration
d'une telle méthode.
A consulter(notamment).
• VAN GYSEL et BEERNAERT, "Etat actuel du droit civil et fiscal des
obligations alimentaires",Kluwer, 2001
• Revue Trimestrielle de droit familial 02/2006 Nathalie Dandoy
:"Vers une méthode de calcul des contributions alimentaires pour
les enfants" p. 455 et suivantes ainsi que les décisions publiées
dans ce même numéro et qui sont relatives à la problématique des
frais extraordinaires.
• Nathalie MASSAGER in ex-Revue Divorce, 2006, p. 145 et s.: “A
propos des fameux frais extraordinaires" ( en deux parties).
• Justice de Paix de Fontaine l'Evêque 3 mai 2007 J.J.P. 2007
p. 313 et suiv. Commentaires de Sophie Louis in CUP 103 " Actualités de
droit familial -Le point en
2008" p.157 et suiv.
• Justice de Paix de Fontaine l'Evêque 3 juin 2005 J.J.P. 2005,
394: position nuancée par la décision subséquente du 3 mai 2007
précitée.
Daniel RUBENS
Juge de Paix du Canton de Fontaine l'Evêque
Le 12 juin 2009
Modifié le