Exposition Insite au Palais de Tokyo
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Exposition Insite au Palais de Tokyo
EXPOSITION PAGE 07 LE QUOTIDIEN DE L’ART | MARDI 18 NOV. 2014 NUMÉRO 715 INSIDE – Palais de Tokyo, Paris 16 e – jusqu’au 11 janvier 2015 « Inside », un voyage intérieur L’exposition « Inside » au Palais de Tokyo à Paris explore le cerveau créateur. Un parcours à la fois physique et psychologique dont le visiteur sort réjoui et secoué._Par Roxana Azimi Vue de l’exposition « Inside » au Palais de Tokyo, à Paris. Éva Jospin, Forêt, 2014. Photo : André Morin. Cela commence comme un rêve d’enfant : une invite à traverser une forêt en carton délicatement sculptée par Éva Jospin. Autre injonction : enjamber un faux miroir conçu par Marcius Galan. Passer de l’autre côté du miroir comme Alice au pays des merveilles. Se retrouver dans une forêt enchantée. C’est un conte de fée que nous propose l’exposition « Inside » au Palais de Tokyo, à Paris. Mais un conte cruel comme les saynètes perverses de Nathalie Djurberg et Hans Berg, où les fantasmes enfantins se muent en monstres, où les chérubins torturent leurs mères, à mi-chemin entre Orange mécanique et Funny Games. Rien ne vous sera épargné. Président du Palais de Tokyo, Jean de Loisy le dit bien : le visiteur est à la fois « le sujet et la victime » de l’exposition. Les plus hardis peuvent ramper dans un boyau en scotch transparent conçu par le collectif Numen/For Use, se perdre dans cette matrice originelle avant d’en ressortir sonné. Ce n’est que le début. Car le parcours conçu par Jean de Loisy, Daria de Beauvais et Katell Jaffrès se veut initiatique, jalonné de moments de grâce ou de ruptures. Des hauts et des bas LE VISITEUR EST À LA FOIS « LE SUJET ET LA VICTIME » DE L’EXPOSITION. Vue de l’exposition « Inside » au Palais de Tokyo, à Paris. Peter Buggenhout, On Hold, 2014. Photo : André Morin. /… PAGE 08 ENTRETIEN LE QUOTIDIEN DE L’ART | MARDI 18 NOV. 2014 NUMÉRO 715 qui épousent les sismogrammes du cerveau créateur, traversé de fulgurances et de doutes. Un cerveau que dissèque Yuri Ancarani dans la vidéo Da Vinci. Ce Vinci-là n’est pas le grand Léonard mais un robot qui assiste le chirurgien dans son exploration des lobes humains, de ses plis et replis. Des recoins les plus noirs aussi. À trop fourrager dans nos tréfonds, à racler le lit de notre psyché, il en sort des images dérangeantes comme cette nauséeuse vidéo d’Artur Mijewski où des hommes et femmes dénudés jouent à chat dans un camp de concentration. Mais le cerveau créateur peut aussi sembler apaisé comme celui de Mark Manders qui propose une reconstitution d’atelier. Mais là encore, prenez garde : ces matières qu’on pense pouvoir SUITE DE LA PAGE 07 « INSIDE », UN VOYAGE INTÉRIEUR Vue de l’exposition « Inside » au Palais de Tokyo, à Paris. Mark Manders, Argile Silencieuse (détail), 2014. Photo : André Morin. INSIDE, jusqu’au 11 janvier 2015, Palais de Tokyo, 13, avenue du Président Wilson, 75116 Paris, tél. 01 81 97 35 88, www.palaisdetokyo.com malaxer, cette glaise en apparence si ductile est en bronze. On ne pénètre pas si aisément dans l’inconscient de l’artiste qui ménage chausse-trappes et pièges pour tout intrus par trop curieux. Les artistes qui font mine de nous livrer leurs énigmes prennent la poudre d’escampette comme Dran, venu du Steet art, qui nous fait dévaler les escaliers, virevolter au gré de ses images pétaradantes, avant de disparaître comme par magie. L’artiste est double, comme le souligne un film de 1977 du Roumain Ion Grigorescu. Normal, dans les années Ceausescu, le créateur ne pouvait qu’être en camouflage, jouer un double jeu, au risque de la schizophrénie. Par-delà les embûches, il est parfois des épiphanies : le fondu enchaîné des griffonnages en graphite de Marc Couturier aux Pétrifiantes de Dove Allouche, ces photos de coupe entre paysages astraux et matrice amniotique. Mais les basculements d’un univers à l’autre sont plus souvent tendus. Ainsi, le passage sans transition entre la blancheur aveuglante de l’installation de Berdaguer & Péjus, forêt d’arbreschimères dessinés par des patients lors de tests psychologiques, et les jeux de séduction ou de prédation de Jesper Just, entre épilepsie et orgasme. Nul refuge ne nous est offert, surtout pas la cabane de Stéphane Thidet, abri qui prend la pluie. Comprenez : il y a autant de danger à tourner en rond en soi qu’à se colleter à la noirceur du monde. Au terme de ces épreuves initiatiques, se niche bien sûr une morale, celle de l’artiste Jean-Michel Alberola : « La sortie est à l’intérieur ». O