revue de jurisprudence de la cour suprême du burundi
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revue de jurisprudence de la cour suprême du burundi
Ministère de la justice Cour Suprême du Burundi Agence Belge de Développement Centre d’Etudes et de Documentations Juridiques REVUE DE JURISPRUDENCE DE LA COUR SUPRÊME DU BURUNDI TOME 4 2 NOTICE Comme le premier, le second et le troisième, ce quatrième numéro de la Revue de Jurisprudence de la Cour Suprême a bénéficié de l’appui technique et financier de l’Agence Belge de Développement qui appui le secteur de la justice au Burundi depuis 2008. La Cour Suprême a étroitement collaboré avec le Centre d’Etudes et de Documentations Juridiques pour parvenir à ce résultat final. 3 4 NOTE EDITORIALE L’un des objectifs que la Cour Suprême s’est assignée est de vulgariser sa jurisprudence. Un travail qui est entrain de produire ses fruits. Une visite effectuée dans les juridictions du pays nous a permis de constater que notre revue de jurisprudence a beaucoup enthousiasmé nos magistrats. Elle est devenue l’outil et le compagnon indispensable du juge burundais. Cet enthousiasme nous encourage d‘abord à rester vigilants pour être à jour dans la parution de cette revue. Elle nous oblige aussi à multiplier et à diversifier les articles de notre revue en vue de satisfaire et d’accroitre les lecteurs. Nous sommes heureux de vous présenter le quatrième tome de notre revue de jurisprudence. Avec celui-ci, nous nous efforcerons de réunir tous les moyens possibles pour ne pas décevoir notre lectorat aujourd’hui habitué à consulter notre revue. Ce quatrième tome, suivant le modèle des trois premiers, analyse diverses affaires sous trois thématiques principales, qui sont la jurisprudence pénale, civile et enfin sociale. Ce numéro contient en plus un article de doctrine analysant les dispositifs institutionnels et juridiques de lutte contre la corruption au Burundi. Nous espérons vivement que nous pourrons vous impliquer pleinement dans l’évaluation de la revue et progressivement prendre en considération vos commentaires afin d’inclure certains aspects ne figurant pas encore dans la revue. L’idée est de procurer à nos lecteurs un formulaire qui sera distribué en même temps que les prochains exemplaires de la revue et qui sera destiné à recueillir d’une part leurs éventuels commentaires sur l’actualité juridique des provinces et d’autre part des suggestions résumant leurs avis et critiques constructives sur le contenu de la revue. Ces formulaires nous permettront de vivifier la revue et de la consacrer comme support de diffusion de l’information juridique en temps réel. Nous vous souhaitons une très bonne lecture. Le Président de la Cour Suprême 5 TABLE DES MATIÈRES NOTICE…………………………………………………………………3 NOTE EDITORIALE ....................................................................... 5 TABLE DES MATIÈRES ................................................................ 6 LISTE DE SIGLES ET ABREVIATIONS........................................ 7 A. JURISPRUDENCE PENALE ..................................................... 9 1° AFFAIRE/RPC 573 ................................................................ 9 Les Mots Clés ........................................................................ 9 COMMENTAIRE DE L’ARRÊT RPC 573.................................. 12 I. Introduction ....................................................................... 12 II. Résumé des faits et de la procédure ............................... 12 III. Les arguments et thèses développés ............................. 13 IV. Les questions de droit en cause. .................................... 13 V. Conclusion ....................................................................... 14 2° AFFAIRE/RPC 4 .................................................................. 14 Les Mots Clés ...................................................................... 14 COMMENTAIRE DE L’ARRET RPC 4...................................... 15 I. Résumé des faits et de la procédure ............................... 15 II. Arguments et thèses développés..................................... 16 III. La réponse de la cour ..................................................... 16 IV. Les questions de droit en cause. .................................... 17 V. Conclusion ....................................................................... 18 B. JURISPRUDENCE CIVILE ...................................................... 19 1° AFFAIRE/RCC 7555............................................................ 19 Les Mots Clés ...................................................................... 19 COMMENTAIRE DE L’ARRET RCC 7555 ............................... 21 I. Résumé des faits et de la procédure ................................ 21 II. Les arguments et thèses développés .............................. 22 III. Les questions juridiques en cause .................................. 22 IV. Réponse de la Cour........................................................ 23 V. Conclusion ....................................................................... 23 2° AFFAIRE/RCC 7666............................................................ 23 Les Mots Clés ...................................................................... 23 COMMENTAIRE DE L’ARRET RCC 7666 ............................... 26 I. Résumé des faits et de la procédure ................................ 26 II. Les arguments et thèses développés .............................. 26 III. Les questions juridiques en cause .................................. 26 IV. Réponse de la Cour........................................................ 27 V. Conclusion ....................................................................... 27 3° AFFAIRE/RCC 7687............................................................ 27 Les Mots Clés ...................................................................... 27 COMMENTAIRE DE L’AFFAIRE RCC 7687 ............................ 29 I. Résumé des faits et de la procédure ................................ 29 II. Les arguments et thèses développés .............................. 29 III. Les questions de droit en cause ..................................... 30 IV. La réponse de la Cour ....................................................30 V. Conclusion .......................................................................30 4° AFFAIRE : RCC8050 ...........................................................30 Les Mots Clés.......................................................................30 COMMENTAIRE DE L’ARRET 8050 ........................................31 I. Introduction........................................................................31 II. Résumé des faits et de la procédure de la cause ............31 III. Arguments et thèses développés par les parties ............32 IV. La réponse de la Cour au pourvoi...................................32 V. Questions juridiques ........................................................32 VI. Conclusion ......................................................................32 5° AFFAIRE : RCC9476 ...........................................................33 Les Mots Clés.......................................................................33 COMMENTAIRE DE L’ARRET RCC 9476 ................................35 I. Introduction........................................................................35 II. Résumé des faits et de la procédure................................35 III. Arguments et thèses développés par les parties ............35 IV. La réponse de la Cour au pourvoi...................................35 V. Les questions juridiques en cause dans l’arrêt ................35 VI. Conclusion ......................................................................36 C. JURISPRUDENCE SOCIALE ..................................................37 1° AFFAIRE / RSC 98 ...............................................................37 Les Mots Clés.......................................................................37 COMMENTAIRE RSC 98..........................................................42 I. Résumé des faits et de la procédure.................................43 II. Arguments et thèses développés .....................................43 III. Question juridique en cause ............................................43 IV. Réponse de la Cour ........................................................43 V. Conclusion .......................................................................43 D. ARCTICLE DE DOCTRINE COMMENTÉ ...............................45 ANALYSE CRITIQUE DES DISPOSITIFS INSTITUTIONNELS ET JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION AU BURUNDI .........45 Introduction...........................................................................45 Chapitre I. Le dispositif institutionnel ....................................46 Chapitre II. Des relations fonctionnelles entre les institutions de lutte contre la corruption et les infractions connexes ......52 Chapitre III. Analyse critique de la loi anti-corruption ...........52 Chapitre IV : Quelques propositions de stratégies et d’actions anti-corruption ......................................................................53 Conclusion ............................................................................55 INDEX ANALYTIQUE...........................................................58 BIBLIOGRAPHIE..........................................................................59 I. Textes de lois ....................................................................59 II. Autres publications ...........................................................59 6 LISTE DE SIGLES ET ABREVIATIONS ART : Article ARR : Arrêt HRW : Human Right Watch CA : Cour d’Appel CCIV : Code civil CP : Code Pénal CPP : Code de Procédure Pénale CS : Cour Suprême CSLP : Cadre Stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté CSM : Conseil Supérieur de la Magistrature CTB : Agence belge de développement CT : Code du travail MJ : Ministère de la Justice MP : Ministère Public PGR : Procureur Général de la République PR : Parquet de la République TIG : Travail d’Intérêt général TGI : Tribunal de Grande Instance TR : Tribunal de Résidence UE : Union Européenne 7 8 A. JURISPRUDENCE PENALE 1° AFFAIRE : RPC. 573 Les Mots Clés Article 63, 2° du Code Pénal Livre I –Faux en écriture publique et corruption active- Concours d’infractions- cumul de peines mauvaise interprétation de la loi ; Vu l’ordonnance n° R.P.C. 573 rendu par le Président de la Cour Suprême en date du 11 décembre 1989 et invitant les parties à comparaître devant la Cour Suprême, Chambre de Cassation en date du 18 décembre 1989 aux fins d’y présenter leurs dires et moyens de défense afin d’entendre statuer sur les mérites du recours exercé; Vu l’appel de cette cause à l’audience publique du 18 décembre 1980 au cours de laquelle le prévenu BASHIR Tariq et son Conseil comparaissent; LA COUR SUPREME DU BURUNDI SIEGEANT EN MATIERE REPRESSIVE A RENDU L’ARRET SUIVANT EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 FEVRIER 1990. Vu qu’au cours de cette audience, la parole fut d’abord donnée au demandeur pour exposer les moyens qu’il a présentés en cassation et ensuite le Ministère public passa à la réplique; EN CAUSE : BASHIR Tariq, représenté par Maître BANZUBAZE Sylvestre; Vu qu’après avoir épuisé toutes les plaidoiries, la cour décida de prendre la cause en délibéré et advenu ce jour, elle rend l’arrêt suivant : CONTRE : MINISTERE PUBLIC Vu la requête en cassation introduite par BASHIR Tariq par le biais de son Conseil Maître BANZUBAZE Sylvestre en date du 6 juillet 1989 et parvenue au greffe de la Cour Suprême le même jour par laquelle il demande la cassation de l’arrêt R.P.A. 1877 rendu par la Cour d’Appel de Bujumbura parce qu’il a été mal juté quant au fond; Attendu que le demandeur en cassation a eu signification de l’arrêt attaqué en date du 7 juin 1989; qu’il a introduit son pourvoi en date du 6 juillet 1989 et qu’il était dès lors dans les délais légaux pour se pourvoir en cassation; Attendu qu’il attaque l’arrêt R.P.A. 1877 rendu par la Cour d’ Appel de Bujumbura sous 4 moyens principaux; Vu le dispositif de cet arrêt qui est ainsi libellé en ce qui concerne le demandeur : Attendu que le premier moyen présenté par le conseil du demandeur est la violation de l’article 63, 2° du Code Pénal Livre I; « Statuant contradictoirement, publiquement après avoir délibéré conformément Attendu que pour justifier et appuyer ce moyen, Maître BANZUBAZE soutient que, s’il est vrai que cet arrêt retient à charge, de son client l’infraction de faux en écriture publique et celle de corruption active, il n’est pas aussi vrai que cet arrêt opte pour le cumul des peines alors que le concours matériel de ces infractions n’est pas conforme à la loi; « à la loi; Reçoit l’appel mais le déclare non fondé; « Déclare les infractions libellées à la prévention établie à charge des prévenus; « A charge de BASHIR Tariq; « Déclare établie l’infraction de faux en écritures publiques; « Le condamne à un an de S.P.P.; « Déclare également établie l’infraction de corruption active; « Le condamne à 2 ans de S.P.P. et à une amende de 50.000 Frs payable dans 2 mois ou à subir une S.P.S. de 2 mois à défaut de paiement; « Prononce le cumul de deux peines et le condamne à 3 ans de S.P.P. et 50.000 Frs d’amende et deux mois de S.P.S. à défaut de payer l’amende »; Vu la signification de cette requête au MINISTERE Public en date du 21 septembre 1989; Vu la réplique du Ministère public datée du 24 octobre 1980; Attendu qu’en ne retenant pas le concours idéal comme l’avait fait le premier juge, le juge d’appel a violé, selon le demandeur, l’article 63, 2° du Code Pénal Livre I; Attendu que dans sa réplique, le Ministère public soutient que le juge d’appel n’est lié ni par le premier jugement, ni par les déclarations du Ministère public et qu’il ne peut pas fermer les yeux devant l’une ou l’autre défaillance sous prétexte que le Ministère public s’est déclaré satisfait du jugement; Attendu que, poursuit le Ministère public, s’agissant de l’unité d’intention dont se prévaut le conseil du demandeur, il faut qu’il se rende compte que son client est poursuivi pour 3 faux commis à 3 époques différentes; qu’en effet, le premier a été commis à GATOKE en novembre 1987 quand le demandeur a fait des déclarations erronées devant MUYUKU Gervais et CABANYANA Audace; Que le deuxième faux date de décembre 1987 tandis que le troisième a eu lieu à Alcovit par insertion ultérieure et altération des précédentes déclarations qu’il faut dès lors opérer une distinction entre les 2 premiers faux et le troisième; 9 Attendu que de l’avis du Ministère public toujours l’unité d’intention dont se prévaut le demandeur n’existe pas, qu’il y aurait unité d’intention si l’infraction de corruption avait constitué un moyen pour commettre le faux; Mais qu’il apparaît clairement qu’à l’heure où le requérant se rendait coupable de corruption, l’infraction de faux était consommée depuis 8 mois; Attendu que pour le Ministère public, le concours idéal ne peut être retenu que pour le troisième cas mais ce dernier n’a pas d’intérêt pour le demandeur; Attendu que la cause dont pourvoi a été déjà analysée respectivement par le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel, tous de Bujumbura; Attendu que le Tribunal de Grande Instance de Bujumbura, après avoir établi que les infractions mises à charge du prévenu Tariq BASHIR. ont été consommées et que chacune d’elles constituent une infraction à part, s’est ensuite mis, à démontrer, avec force doctrine à l’appui, "que de la première à la quatrième infraction, le prévenu Tariq BASHIR, avait le même et unique but, à savoir celui de surévaluer son stock d’ivoire, que tous ses actes procédaient d’une intention délictueuse unique, quoique divisés par la succession de temps et de localité (onzième feuillet, 7ème attendu); Attendu que le prévenu Tariq BASHIR a alors par la suite attaqué, le jugement du Tribunal de grande instance d’abord parce qu’il considérait que l’infraction lui reprochée n’était pas établie, mais aussi que précisément si par extraordinaire cette infraction était maintenue le juge d’appel doit garder à l’esprit qu’en cas de concours idéal, la répétition des infractions n’est pas une circonstance aggravante; Attendu que dans le dispositif de l’arrêt R.P 1877, la Cour d’Appel de Bujumbura prononce le cumul des peines prononcées pour les 2 infractions retenues à charge du prévenu Tariq BASHIR optant ainsi pour le concours réel; Attendu que c’est pour cette raison que Maître BANZUBAZE pour le demandeur, a présenté ce moyen devant la Chambre de Cassation de la Cour Suprême; Attendu qu’à la lecture de l’arrêt attaqué, on constate aisément que nulle part dans la motivation, le juge ne dit rien pouvant changer la position du Tribunal de grande instance de Bujumbura, que, pourtant s’était longuement expliqué sur le fait que toutes ces infractions reprochées au prévenu Tariq BASHIR étaient en concours idéal parce qu’elles procédaient d’une intention délictueuse unique; Attendu qu’à la lecture des réquisitions du Ministère Public devant le premier juge, on constate que le Ministère public avait requis 8 ans de S.P.P. pour le prévenu Tariq, ce qui laisse présumer que le Ministère public avait conçu ces infractions en concours réel parce que s’il avait retenu le concours idéal, l’infraction la plus forte ne dépassait pas 5 ans de S.P.P.; Attendu qu’il a été montré, que malgré les réquisitions du Ministère public devant le premier juge, ce dernier a retenu après de longs développements sur cela, le concours idéal; Attendu qu’en déclarant être satisfait du jugement du premier degré et en n’interjetant pas appel pour demander ce que le Ministère public n’a pas obtenu devant le premier juge (cumul des peines), le premier a devant le juge d’appel, acquiescé tacitement au concours idéal retenu par la première juridiction; Attendu que le fait d’avoir retenu le concours réel sans s’expliquer en rien pourquoi il rejette le concours idéal, constitue pour le juge d’appel un manquement qu’il convient de censurer; Attendu que l’article 63, 2° du Code Pénal Livre I dispose qu’"il y a concours idéal" lorsque l’action comprend des faits qui, constituant des infractions distinctes, sont unis entre eux comme procédant d’une intention délictueuse unique ou comme étant les uns des circonstances aggravantes des autres, dans l’un ou l’autre cas, la peine la plus forte sera prononcée; Attendu que pour le Ministère public il n’existe pas d’unité d’intention pour les 2 premiers faux pour la simple raison que l’infraction de corruption a été commise 8 mois après que l’infraction de faux eut été consommée; Attendu que cette position diverge carrément avec l’esprit de l’article 63 alinéa 2° du Code Pénal, de même qu’elle diverge avec pas mal d’auteurs qui raisonnent dans le même sens que notre Code Pénal; Attendu que le premier juge avait déjà cité Gustave BELTJENS dans droit criminel Belge (Code Pénal et les lois spéciales : 1ère partie) page 72 n° 2. Nous citons : "si les faits dont l’accusé est convaincu et qui sont de même nature constitue chacun l’exécution d’un projet distinct et séparé, il y a autant de délits que de faits qui sont aussi distincts; Si au contraire, les différents faits imputés au coupable, quoique divisés par la succession de temps et de localité, ne forment que l’exécution continue et successive d’une seule et même résolution à laquelle ils se rattachent tous, comme plusieurs effets se rattachent à une cause unique, il n’y a qu’un seul délit, dont les différents faits ne constituent que des circonstances » (onzième feuillet, 5ème attendu); Attendu qu’à son tour G. Mineur dans son ouvrage intitulé Commentaire sur le code pénal congolais, page 76 enseigne que "des faits qui ont eu lieu à des époques et à des endroits différents et qui sont susceptibles, envisagés isolement, d’incriminations distinctes, peuvent être considérés comme une infraction unique, lorsqu’ils sont unis par l’unité de conception et de but, encore fautil que l’unité de conception soit un des éléments essentiels de l’infraction (Léo, 3 Oct. 1940. Revue Juridique 1943, page 23, Marche-en Famenne, 13 octobre 1949, page 638); Attendu que le premier juge avait déjà montré qu’en commettant toutes ces infractions, le prévenu Tariq BASHIR avait le même unique but, à savoir celui de surévaluer son stock d’ivoire, ce qui allait lui permettre d’importer frauduleusement de l’ivoire pour atteindre ce stock; Attendu qu’en n’appliquant pas correctement cet article le juge d’appel l’a violé sans motif et doit de ce fait encourir la cassation quant à ce premier moyen; Attendu que le deuxième moyen est relatif à la dénaturation des faits, qu’en effet, l’arrêt querellé affirme dans sa motivation (3ème feuillet, 6ème attendu) que "l’existence de cette infraction résulte des aveux même du prévenu relevés plus haut, même s’ils sont 10 quelques peu implicites, avaient été corroborés par les aveux de ses complices"; dernière était claire et le prévenu lui-même avait déjà affirmé qu’ils voulaient voir son stock pour voir le tonnage qu’il avait déjà; Attendu que le demandeur s’insurge contre cette position pour la raison simple que ses co-prévenus ont à plusieurs reprises et publiquement blanchi ce dernier, qu’il a été également constaté que le demandeur a toujours nié avoir promis quoi que ce soit aux peseurs avec lesquels il n’était jamais entré en contact, qu’il est dès lors étonnant que le juge d’appel ferme les yeux sur cette réalité et se mette à travestir les faits; Attendu que par ailleurs, le demandeur ne doit pas perdre de vue que les agents peseurs ont déclaré avoir été contacté par une personne nommé Idrissa pour le compte du prévenu et que c’est sur demande de ce dernier que la balance avait été préréglée à 8 tonnes; Attendu que néanmoins, le demandeur a toujours reconnu avoir déclaré plus de tonnes d’ivoire qu’il n’en avait; Attendu qu’à la côte 126 à 127 Q. 3 R, le demandeur a déclaré devant le Ministère public qu’il avait su par après que le stock avait été surestimé par ces agents mais qu’il s’est tu parce que cela l’avantageait"; Attendu qu’on peut également constater que ses co-prévenus ne l’ont pas blanchi, que pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux déclarations faites par ses co-prévenus devant l’Officier du Ministère public aux côtes 102 et 103 mais aussi par le fait que ses co-prévenus ayant été condamnés comme lui, il est dès lors impensable qu’il, ne se soient pas pourvus en cassation s’ils s’estimaient toujours non coupables; Attendu que de la sorte, le juge d’appel n’a en rien dénaturé les faits; Attendu que le troisième moyen est tiré de l’absence de réponse à conclusions et de l’absence de motifs; Attendu que pour le demandeur, le juge d’appel a rendu un arrêt dont la motivation est des plus hâtives, qu’il ne s’est même pas donné la peine de répondre à toutes les questions soulevées; Attendu qu’il donne des exemples à l’appui de ce moyen : – que premièrement, le juge d’appel a prononcé le cumul des peines (sans s’expliquer pourquoi ! Quod non ! – que deuxièmement, il n’a pas non plus analysé toutes les réponses données, à chaque incrimination pour les rejeter une à une après un minimum d’examen; – les circonstances dans lesquelles les 2.500 Frs ont été payés n’ont pas été bien éclaircies; Attendu qu’il convient de faire remarquer ici qu’en ce qui concerne le concours réel, nous y avons déjà répondu au premier moyen et renvoyons par conséquent le demandeur à la motivation que nous y avons réservée; Attendu qu’en ce qui concerne les autres points qui n’ont pas eu de réponse suffisante, une remarque mérite d’abord d’être soulevée; qu’en réalité, le demandeur essaie d’imposer au juge les déclarations mitigées faites quelques temps après et oublie carrément que quand il y a un revirement dans les témoignages, les premières déclarations mitigées faites soit devant l’officier du Ministère public, soit devant l’officier de police judiciaire sont d’une grande utilité le juge gardant bien entendu le pouvoir d’appréciation que par exemple en ce qui concerne la mission précise qui était dévolue aux fonctionnaires de l’État qui ont visité le stock de BASHIR, elle n’a pas été escamotée tellement cette Attendu que Maître BANZUBAZE pour le demandeur essaie de critiquer isolément la décision de la Cour d’Appel, mais qu’en principe sur les points qui ont été répondus par le premier juge et sur lesquels le demandeur n’a pas appelé, il est tout à fait inconcevable qu’il s’en serve en cassation; Attendu qu’il faut également mentionner que le juge d’appel s’est reporté aux déclarations des co-prévenus du demandeur, ce qui est tout à fait normal; Attendu qu’au vu des arguments qui précèdent, le demandeur en cassation peut en rendre compte que son troisième moyen est inopérant; Attendu que le quatrième moyen est tiré de la mauvaise interprétation de l’article 251 du Code Pénal Livre II; Attendu que pour le demandeur, un faux en écriture ne se conçoit pas juridiquement s’il n’est pas susceptible de causer un préjudice quelconque à qui que ce soit; Qu’il réfère la Chambre de Cassation aux développements du premier degré et du deuxième degré et qu’il est convaincu que le mensonge lui reproché n’était pas capable d’entraîner un préjudice quelconque en lui-même; Attendu que pour notre part, nous ne pouvons pas nous référer à ces conclusions du premier degré parce qu’elles ont déjà eu une réponse appropriée quant à ce dans le cadre du jugement du Tribunal de grande instance; Que nous pouvons accepter à la rigueur de nous référer aux conclusions du deuxième degré pour voir les motifs avancés qui n’ont pas trouvé de réponse appropriée; Attendu que le premier juge a affirmé que le préjudice éventuel suffit pour que l’infraction soit consommée; Attendu que le demandeur soutient qu’en toute logique le préjudice éventuel dont il s’agit, pour être retenu, doit provenir de l’infraction poursuivie elle-même; Attendu que pour le conseil du demandeur, les différents faux incriminés ne pouvaient provoquer aucun préjudice. Que pour compromettre les relations entre ce pays et le BURUNDI, il aurait fallu commettre d’autres infractions comme l’importation frauduleuse d’ivoire; Attendu qu’il a été déjà dit que le faux a consisté dans la surévaluation du stock d’ivoire que possédait BASHIR Tariq; Attendu qu’à la lecture des conclusions d’appel et du premier degré versées par le demandeur, on se rend aisément compte que ses arguments sont toujours restés les mêmes mais qu’il semble oublier que certains de ses arguments ont été répondu par le premier juge; 11 Attendu que face aux mêmes arguments, la Cour d’Appel a carrément reconduit la motivation du premier jugement quand on lit l’avant dernier attendu qui dit que ces infractions demeurent bel et bien établies devant la Cour d’Appel; La Cour Suprême, Chambre de Cassation; Qu’en effet le terme "demeurent" veut dire que malgré l’appel interjeté contre le jugement du Tribunal de Grande Instance, ce dernier n’est pas changé en ce qui concerne les éléments constitutifs de ces infractions poursuivies; Vu la Loi n°1/004 du 14 janvier 1987 portai Code de l’Organisation et de la Compétence Judiciaires; Attendu que d’ailleurs, ce jugement avait été lu parce qu’avant d’établir la culpabilité de ce prévenu, il a mis en exergue les éléments constitutifs de ces infractions; que la pomme de discorde demeure jusqu’à présent l’existence d’un préjudice; Attendu que pour que cette infraction de faux en écriture publique soit punissable, il faut qu’il y ait seulement possibilité de causer un préjudice; Attendu que nous avons déjà démontré que la Cour d’Appel a fait sienne la motivation du premier juge; Attendu que le premier juge a longuement expliqué avec force doctrine à l’appui que l’Etat a subi un préjudice social parce qu’il avait déjà adhéré à la convention pour la protection de la faune et de la flore, la poursuite de ce commerce par ses ressortissants lui jetait du discrédit; Attendu qu’il a été également démontré que pour constituer un faux punissable, l’altération de la vérité dans un écrit doit être susceptible de causer un dommage mais qu’il suffit que le préjudice soit possible, il ne faut pas qu’il ait été réellement causé"; Attendu que Mineur dans son livre intitulé Commentaire du Code Pénal Congolais à la page 286 enseigne que "le faux doit se produire dans un écrit mais qu’il n’est pas nécessaire que l’écrit émane du prévenu lui-même, il suffit qu’il ait, avec l’intention de nuire, fait de fausses déclarations qui ont donné lieu à un faux (BOMA, 22 juin 19 jour. État T I page 34 - Elis, 11 Août 1914, jour. col 1925 m. 145") et il continue en disant que pour qu’il y ait application de la loi pénale, il ne suffit pas Que la vérité a été altéré sciemment et volontairement, il faut que l’altération a été commise méchamment ou frauduleusement c’est à dire dans le but de nuire à autrui ou de se procurer à soi-même ou à d’autres des profits ou des avantages illicites; Attendu que le même auteur enseigne que l’altération de la vérité dans un écrit, doit avoir causé, ou être susceptible de causer un préjudice matériel ou moral à un particulier ou à la collectivité; Attendu qu’au vu de cette théorie, il a été prouvé que le prévenu Tariq BASHIR a fait des fausses déclarations (ses aveux qu’il voulait continuer à importer de l’ivoire frauduleusement en déclarant la quantité supérieure à celle qu’il n’avait pas; Vu le Décret-loi n° 1/31 du 24 octobre 1980 portant Organisation des pouvoirs législatifs et réglementaires; Vu le Décret-loi n°1/51 du 23 juillet 1980 relatif au pourvoi en Cassation et à la procédure suivie devant la Chambre de Cassation de la Cour Suprême; Ouï le Ministère public en sa réplique; Statuant contradictoirement, après avoir délibéré conformément à la loi; Reçoit le pourvoi introduit par le demandeur et le déclare partiellement fondé; Casse en conséquence l’arrêt R.P.A. 1877 rendu par la Cour d’Appel de Bujumbura; Renvoi cette affaire devant la Cour d’Appel autrement composé pour y être statué à nouveau; Ordonne l’inscription du dispositif de cet arrêt dans les registres de la Cour d’Appel en marge de l’arrêt cassé; Met les frais d’instance à charge des deux parties à concurrence de moitié pour BASHIR Tariq et autre moitié pour le Trésor Public; Ainsi arrêté et prononcé à Bujumbura en audience publique du 13 février 1990 où siégeaient SINUNGURUZA Thérence, Président, KAMANA Venant et BARANCIRA Domitille, Conseillers, assistés de NDIRONKEYE Spés, Officier du Ministère public et de MAGERANO Marcien, Greffier. Le Président : SINUNGURUZA Thérence (sé) Les Conseillers : KAMANA Venant (sé); BARANCIRA Domitille (sé) Le Greffier : MAGERANO Marcien (sé) COMMENTAIRE AFFAIRE RPC 573 I. Introduction La Chambre de Cassation de la Cour Suprême du Burundi a rendu, le 13 février 1990, l’arrêt RPC 573 dans l’affaire criminelle opposant BASHIR Tariq au Ministère public. Qu’il pouvait causer un préjudice social à l’État du BURUNDI qui avait adhéré à la convention susmentionnée, que pour que cette infraction soit punissable il suffit que le préjudice soit possible, que dans le cas d’espèce donc le préjudice social était dès lors possible; Le commentaire de l’arrêt tourne autour de cinq points. Il s’agit successivement d’un résumé des faits et de la procédure, des arguments et thèses développés, des questions de droit soumises à la Cour, de la réponse de la Cour au Pourvoi et d’une conclusion. Par ces motifs : II. Résumé des faits et de la procédure Attendu qu’en conséquence, en décidant comme il l’a fait, l’arrêt R.P.A. 1877 n’a pas violé l’article 251 du Code Pénal, Livre II; par conséquent ce moyen est irrecevable; Par le biais de son avocat-conseil, Monsieur BASHIR Tarik s’est pourvu en cassation contre la décision prise en appel par la Cour d’appel de Bujumbura. Sieur BASHIR Tarik était poursuivi pour les infractions de faux en écriture publique par des déclarations 12 erronées et par insertions ultérieures et altérations des précédentes déclarations ainsi que la corruption active dont il se serait rendu coupable à des intervalles de temps séparés. impérative. La seule violation de la loi criminelle ou tentative de commettre l’infraction suffit pour que l’acte soit punissable, abstraction faite du préjudice. Le prévenu avait été condamné par le Tribunal de grande instance de Bujumbura du chef desdites infractions que le juge a reconnues établies en concours idéal. A ce point, les auteurs A. Marchal et J.P. Jaspar dans leur ouvrage sur le droit criminel vont plus loin dans les développements qu’ils réservent à l’infraction de faux commis par les particuliers et les fonctionnaires en dehors de leurs fonctions. En effet, affirment-ils, « …il n’est pas nécessaire de chercher si les écritures altérées peuvent produire des effets juridiques (…). Il suffit dès lors de constater dans la description incriminatoire l’existence de fausse 1 signature contrefaite, falsifiée ou altérée » . Sur appel contre ce jugement, la Cour d’appel de Bujumbura rendit une décision confirmant l’inculpation du prévenu du chef des mêmes infractions et a opté plutôt pour un concours réel et a décidé de cumuler les peines d’un an de servitude pénale principale prononcée suite à l’infraction de faux en écriture et celle de deux ans de servitude pénale principale et 50.000frs d’amende retenue pour corruption active, pour aboutir globalement à une peine de 3 ans de servitude pénale principale et 50.000frs d’amende. III. Les arguments et thèses développés Le conseil du prévenu a attaqué cette décision devant la Chambre de cassation en ce sens que, en décidant le cumul des peines, le juge d’appel a violé l’article 63, 2° du décret-loi n°1/6 du 4 avril 1981 portant réforme du code pénal qui dispose qu’« Il y a concours idéal : lorsque l’action comprend des faits qui, constituant des infractions distinctes, sont unis entre eux comme procédant d’une intention délictueuse unique ou comme étant les uns des circonstances aggravantes des autres. Dans l’un et l’autre cas, la peine la plus forte sera seule prononcée ». La décision du juge d’appel a été également critiquée pour dénaturation des faits par méconnaissance des témoignages à décharge du prévenu, pour défaut de réponse à conclusions, pour absence des motifs et mauvaise interprétation de l’article 251 du même code pénal. Ne répliquant qu’au premier moyen seulement, le Ministère public argue que l’unité d’intention que se prévaut le demandeur pour invoquer la violation de l’article 63, 2° n’est pas établie du moment que les infractions pour lesquels le demandeur en cassation était poursuivi avaient été commises à des époques et des localités différentes et qu’ il n’y aurait unité d’intention que si l’infraction de corruption avait constitué un moyen pour commettre le faux, ce qui n’est pas le cas car l’infraction de corruption a été commise huit mois après que l’infraction de faux eut été consommée. IV. Les questions de droit en cause En formant le pourvoi, le demandeur en cassation pose à la cour la question de savoir si le faux en écriture publique n’ayant causé de préjudice à personne peut être retenue comme une infraction punissable. Subsidiairement, il est demandé à la cour si, en cas d’infractions commises à des intervalles de temps séparés mais procédant d’une même entreprise, il s’agit d’un concours idéal ou d’un concours réel. Le caractère éventuel ou réel du préjudice Le principe énoncé par le premier juge et réaffirmé par la Chambre de cassation de la Cour suprême est fondamental en matière pénale. En effet, il n’est pas nécessaire que les actes incriminés aient fait de victime pour qu’ils soient punissables au regard de la loi criminelle. Cela se comprend aisément d’un point de vue global si l’on se rappelle que la matière pénale est d’ordre public et que par conséquent les dispositions y relatives sont de nature Par ailleurs le préjudice dont question découle, selon H. Donnedieu de Vabres dans son œuvre Essai sur la notion de préjudice dans le faux documentaire cité par les auteurs cités ciavant, « non de l’atteinte directe à l’autorité de l’Etat mais plus simplement de l’attaque à la sincérité des écritures qui lèse la confiance qui leur est due dans la pratique du commerce et les rapports privés ». Autant dire que ce préjudice apparaît comme étant la lésion de la confiance des hommes en société dans certains écrits. Ainsi, il ne faut pas seulement qu’une personne physique ou morale ait été lésée, il suffit qu’elle ait pu être lésée ; ce qui réaffirme ainsi la notion d’éventualité ou la simple probabilité du préjudice. La doctrine et la jurisprudence des droits positifs de la même famille que le nôtre ont toujours convergé pour affirmer que l’éventualité suffit pour que l’infraction soit établie. Que le préjudice paraisse plus ou moins inévitable, cela est sans importance. L’exemple est le cas de l’altération d’un acte de l’état civil dont il n’est pas fait usage par un particulier. L’infraction reste établie puisque cette altération détermine un dommage latent ou effectif pour l’administration ou la chose publique. Parlant de ce préjudice, J. PINATEL fait remarquer qu’elle se caractérise par « une diversification et une complexification qui mêle atteinte aux valeurs collectives du groupe et à celles qui 2 violent les sentiments individuels . Le préjudice réel peut être quant à lui moral lorsque l’infraction en cause est de nature à nuire à l’honneur ou à la considération d’un tiers, porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou à la bonne administration des pouvoirs publics. Il peut également être matériel s’il lèse les droits fiscaux de l’Etat ou qu’il est produit dans une contestation civile. Le concours réel ou idéal d’infractions La nature du concours d’infractions dont le prévenu est convaincu constitue le point de divergence entre le juge de première instance et le juge d’appel. En effet, le juge d’appel ne s’est pas aligné sur l’argumentaire développé par le juge de première instance et a prononcé le cumul des peines tranchant ainsi pour un concours réel d’infractions. 1 A. Marchal et J.P. Jaspar, Droit criminel, Traité théorique et pratique : les infractions du code pénal, 3ème éd. T. 1, Bruxelles, Maison Ferdinand LARCIER, p. 177. 2 J. PINATEL, L’apport de l’histoire et de la psychologie sociale à la compréhension de l’évolution du concept du crime, cité par A. Marchal et A. Marchal et J.P. Jaspar dans le même ouvrage. 13 Le juge de cassation n’est pas de cet avis. Et en censurant l’arrêt de la Cour d’Appel pour avoir cumulé les peines sans motifs suffisants, le juge de cassation rappelle la différence entre le concours idéal et le concours réel et souligne l’impertinence de l’espace de temps ayant séparé les actes délictueux dès lors qu’ils concourent tous à la réalisation d’un même dessein. Cette position s’inscrit dans une logique de continuité doctrinale et jurisprudentielle qui met l’accent sur l’élément moral ayant guidé la commission des infractions pour décider si elles sont en concours matériel ou idéal. 2° AFFAIRE : R P C 4 Les Mots Clés Articles 24 et 25 du Code Pénal Livre I - prescription des poursuites pénales et des peines consécutives à une infraction violation de la loi et de la coutume – autorité de la chose jugée; cassation. La réponse de la cour au pourvoi La Chambre de cassation de la Cour suprême répond au pourvoi en prononçant une cassation (partielle) de la décision du juge d’appel. Sa réponse est donc affirmative pour la question principale en ce sens que « …pour que cette infraction soit punissable, il suffit que le préjudice soit possible, que dans le cas d’espèce donc le préjudice social était possible ». Sa position diverge néanmoins avec celle de la Cour d’appel de Bujumbura qui a prononcé le cumul de peines sans motifs suffisants pour lesquels le concours idéal démontré par le juge de premier degré n’est pas retenu. Le revirement vers le concours réel du juge d’appel sans justifier en quoi l’option d’appliquer l’article 63, 2° prise par le premier juge est incorrecte a conduit à la cassation du jugement quant à ce point de droit. Cependant la cour a soutenu que l’infraction de faux reste punissable que le préjudice ait été réel ou éventuel dès lors qu’il était simplement possible. Ceci est d’autant plus vrai que l’action publique existe par le seul fait de l’infraction, indépendamment de tout dommage privé, ou alors même qu’aucune action ne serait donnée à la partie lésée en réparation du préjudice cause. C’est cela la première conséquence de l’indépendance de l’action publique par rapport à l’action civile. V. Conclusion En réponse au pourvoi, le juge de cassation a rendu un arrêt de cassation. Il s’agit d’une décision prise à juste titre, dans la mesure où le juge d’appel avait entretenu une grave confusion dans les définitions de concours réel et concours idéal des infractions. En outre, le même juge avait péché par une conception erronée des relations possibles entre préjudices causés par une infraction et la mise en œuvre de l’action publique y relative. Il faut cependant noter que le juge de cassation n’ait ajouté aucun argument aux démonstrations du juge de première instance. Il s’est simplement contenté de reprendre soutenir les arguments du premier juge sans préciser ou développer d’avantage les principes qui y sont annoncés. Ainsi, la cour n’a rendu qu’un arrêt d’espèce alors qu’il était possible de prendre un arrêt de principe afin de donner une orientation aux juridictions burundaises quant au sens et à la portée des règles et principes en cause dans l’arrêt. En CAUSE : MUDEYI, originaire de Muramvya; Contre : MINISTERE PUBLIC PARTIE CIVILE : NDAYUWUNDI, originaire de Muramvya. VU l’expédition conforme et régulière du jugement rendu contradictoirement par le Tribunal de Province de MURAMVYA en date du 5 décembre 1963 en la cause Ministère Public contre MUDEYI (R.A.J. 87/P.) et dont le dispositif est ainsi conçu : « Condamne MUDEYI à une Servitude Pénale Principale de (??) et à une amende de DEUX CENTS FRANCS payable) dans un délai d’un mois et à défaut de paiement dans ce délai à 15 jours " Servitude Pénale Subsidiaire; « MUDEYI doit payer à NDAYUWUNDI 500 FRANCS (CINQ CENTS FRANCS) de D.I. dans un délai de 60 jours ou à défaut de paiement, " 30 jours de C.P.C. et un bien équivalent sera saisi, vendu et la somme sera donnée à NDAYUWUNDI; « Met à charge de MUDEYI les frais de procès soit QUATRE CENT QUARANTE FRANCS (440=80F.A+160CT.+200.A.C.) payables dans un délai de 30 jours ou à défaut de ce paiement à 30 jours de Contrainte par corps et un bien équivalent sera " saisi, vendu et la somme sera mise à la disposition du " Gouvernement; « Condamne MUDEYI au droit proportionnel de 4% sur la somme principale soit 20 francs payables dans un délai d’un mois et à défaut de ce paiement un bien équivalent sera saisi, vendu et la somme reçue sera mise entre les mains de l’Etat; « MUDEYI remboursera à NDAYUWUNDI 40 francs qu’elle avait consignés dans un délai de 10 jours ou 15 jours de C.P.C. à défaut de ce paiement dans le délai normal, et un bien sera saisi, vendu et la somme sera remise à NDAYUWUNDI; « Ordonne la restitution à NDAYUWUNDI de toutes les sommes qu’elle avait déjà versées comme frais de procès, à la vue des quittances ». Vu la requête de pourvoi en cassation datée du 20 décembre 1963 et reçue au Greffe de la Cour de Cassation en date du 23 décembre 1963, présentée par Monsieur MUDEYI pour se pourvoir en cassation contre le jugement rendu par le Tribunal de Province de MURAMVYA, en cause Ministère Public contre MUDEYI (R.AJ. 87/P/2°T.P.) et dont l’exposé est ainsi conçu : « Plaise à la Cour de Cassation, recevant le pourvoi en cassation et le déclarant fondé; « Dire pour droit que les dispositions de l’article 24 et 25 du Code Pénal Livre I, ont été violés par le jugement attaqué ». 14 Vu l’ordonnance n° R.P.C. 4 prise en date du 27 janvier 1964 par le Président de la Cour de Cassation et donnant acte au condamné, MUDEYI du dépôt de sa requête et ordonnant en même temps sa signification à la partie civile en vue de comparaître devant la Cour de Cassation en audience publique du 6 /2/1964 à Bujumbura; de l’appel à savoir le jugement déclarant l’extinction des poursuites et mettre en valeur l’objet de la chose jugée; Vu l’assignation donnée à la partie civile par l’exploit du ministère de l’huissier de MURAMVYA, d’avoir à comparaître devant la Cour de Cassation à Bujumbura en son audience publique du 6 février 1964 dès 9 heures du matin au local ordinaire de ses audiences; Vu la loi du 26 juillet 1962 sur l’organisation et la compétence judiciaires du Royaume du Burundi; Par ces motifs : La Cour; Vu la fixation de la cause à l’audience publique du 6 février 1964 par ordonnance R.P.C. 4 du 27 janvier 1964; Vu la loi du 26 septembre 1962 sur la composition de la Cour Suprême et l’érigeant en Cour de Cassation, ainsi que l’arrêté royal n° 01/98 du 10 octobre 1962 portant sur la procédure du pourvoi en cassation; Vu la remise de l’affaire à l’audience publique du 13 février 1964; Statuant contradictoirement; Vu l’audience publique du 13 février 1964 à laquelle le condamné, MUDEYI comparut en personne ainsi que la partie civile; Oui l’Officier du Ministère Public en son avis; Ouï le Président en son rapport; Ouï le Condamné en ses moyens invoqués à l’appui de son pourvoi en cassation; Ouï la partie civile en ses déclarations; Ouï les témoins comparus volontairement en leurs dépositions; Ouï l’Officier du Ministère public, se basant sur la prescription de l’infraction comme avancée par le condamné, estime qu’il y a lieu à cassation et renvoi de la cause devant le Tribunal de province de MURAMVYA; Sur quoi la cour prit le cause en délibéré pour statuer à l’audience publique du 20 février 1964, et à l’audience de ce jour, la Cour prononce l’arrêt suivant : Attendu que par requête en date du 23 décembre 1963 constituant pourvoi en cassation, le condamné a mis en mouvement la procédure en matière de violation de la loi ou de la coutume; Attendu que cassation fut dirigée contre le jugement N° 87/P.2°.T.P. rendu par le Tribunal de province de MURAMVYA en date du 5 décembre 1963; Reçoit la requête de recours en cassation telle que limitée et introduite; La déclare fondée; Met à néant le jugement n° 87/P.2°.T.P. rendu par le Tribunal de Province de MURAMVYA en date du 5 décembre 1963; et confirme le jugement rendu par le Tribunal de Résidence de Renga N°179/P; Met les dépens de la Cour à charge du Gouvernement; Ainsi arrêté et prononcé à l’audience publique du 20 février 1964 à BUJUMBURA où siégeaient MASUNZU André Président, MALORERWA Aloïs, NGURINZIRA Gélase, Conseillers, BUTOYI Marcien, Officier du Ministère Public et NTADAMBANYA As. Greffier. Le Président : MASUNZU André (Sé) Les Conseillers : MALORERWA Aloïs (sé); NGURINZIRA Gélase (Sé) Officier du Ministère Public : BUTOYI Marcien (sé) Greffier : NTADAMBANYA As Attendu que le recours en cassation est régulier en la forme et recevable; Attendu que le condamné invoque le bénéfice de la prescription; Qu’il y avait plus d’un an que les faits se sont passés; Attendu que les témoins : NTAMAGENDERO, KAHEZE et NIVYUBUSA précisent que le jugement entrepris a été avancé au Tribunal de RENGA après un an; Attendu que le jugement du Tribunal de Résidence de RENGA en date du 29 novembre 1960, renvoyait le prévenu des poursuites et déboutait la plaignante des fins de sa plainte en basant sa sentence sur le fait que l’infraction était prescrite ce que précise bien les articles 24 et 25 du Code Pénal Livre I; Attendu que le Tribunal de province de MURAMVYA devait dès lors en examinant cette affaire en appel statuer sur l’objet même COMMENTAIRE DE L’ARRET RPC 4 La Cour suprême du Burundi siégeant en matière répressive en cassation a rendu le 20 février 1964 l’arrêt RPC 4 dans l’affaire qui opposait Monsieur MUDEYI au Ministère public. Dans ce commentaire, il sera tour à tour exposé les faits et la procédure de la cause, les arguments et thèses développés par les parties, la réponse de la Cour au pourvoi et la discussion des questions de droit en jeu. Une conclusion va clore le travail. I. Résumé des faits et de la procédure Monsieur MUDEYI avait été traduit devant le tribunal de résidence de Renga pour avoir volontairement porté des coups légers sur la 15 personne de NDAYUWUNDI, faits sanctionnés par l’article 46 du Code pénal livre II en vigueur à l’époque. Le tribunal saisi renvoya le prévenu des poursuites et débouta le plaignant sur base de la prescription de l’action publique prévue par les articles 24 et 25 du Code pénal en vigueur au moment des faits; les poursuites ayant été engagées plus d’une année après la commission de l’infraction. Saisi en appel contre ce jugement, le Tribunal de province de Muramvya réforma la décision du tribunal de résidence et condamna le prévenu dans le jugement R.A.J 87/P du 5 décembre 1963. Non satisfait du jugement, le prévenu MUDEYI a saisi le juge de cassation pour requérir sa censure. II. Arguments et thèses développés Le prévenu MUDEYI s’est pourvu en cassation en date du 23 décembre et le seul moyen qui fondait son pourvoi en cassation était la violation des dispositions des articles 24 et 25 du Code pénal en vigueur au moment des faits relatifs à la prescription de l’action publique. Ainsi, le contrôle qui était requis de la Cour suprême était un contrôle disciplinaire qui, par définition, est destiné à sanctionner certaines exigences de forme et de procédure. Par ce biais la Cour suprême assure l’une de ses fonctions techniques qui est d’assurer une interprétation uniforme de la loi par l’ensemble des juridictions inférieure qui doivent s’y conformer. III. La réponse de la cour Pour répondre au seul moyen invoqué par le demandeur en cassation, à savoir la violation des règles relatives à la prescription de l’action publique, la cour n’y est pas allée par quatre chemins dès lors que la méconnaissance des dispositions précitées par le Tribunal de province de Muramvya était flagrante. Elle anéantit purement et simplement la décision du juge d’appel. Cependant, cet arrêt est critiquable en la forme à pas mal d’égards. Tout d’abord, le juge de cassation s’est aussi occupé du fond de l’affaire en procédant à une nouvelle instruction juridictionnelle par l’audition de toutes les parties et des témoins en revenant sur des questions de fait tranchés par le juge du fond (voir 2ème feuillet, du 2ème au 5ème « Attendu »). Or, il est de principe général que le juge de cassation ne juge pas les faits et que le juge du fond apprécie souverainement les faits qui lui sont soumis. Ces derniers ne peuvent pas être remis en cause dans la procédure de cassation. La Cour de cassation ne constitue pas, après les tribunaux et les cours d’appel, un troisième degré de juridiction. Son rôle n’est donc pas de rejuger les affaires. Il est de dire si les règles de droit ont été correctement appliquées, en fonction des faits qui ont été constatés et appréciés par les tribunaux ou les cours d’appel et qu’il n’est plus possible de discuter devant la Cour de cassation. Mais cela n’a pas été le cas in specie car le juge de cassation a statué ultra petita en confirmant dans son dispositif la décision querellée alors qu’il devrait seulement se contenter de vérifier la bonne application de la loi. Déjà à l’époque des faits, l’article 5 de la loi du 26 septembre 1962 portant composition de la Cour suprême et création en Cour de cassation était déjà formel à ce point. Il stipule en effet que : « Elle (la cour suprême) connaît également des demandes en cassation contre les arrêts et contre les jugements rendus en dernier ressort, tant en matière civile et commerciale que pénale par le tribunal de 1ère instance ou la cour d’appel. Dans ce cas, elle ne connaît pas du fond des affaires mais des contraventions à la loi ou de violations des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité ». Ensuite, le fait pour la Cour de cassation de baser sa motivation 3 sur les déclarations des témoins et alors que la question qui lui était soumise concernant la prescription de l’action publique devrait raisonnablement et logiquement être vidée en comptant le délai endéans lequel les poursuites ont été engagées contre le prévenu, surtout que l’article 25 du décret 30 janvier 1940 portant Code pénal précisait que « les délais de prescription commenceront à courir du jour où l’infraction a été commise » et que la disposition suivante énonçait rapportait que la prescription n’est interrompue que par des actes d’instruction ou de poursuite engagées avant la prescription. Enfin, le juge de cassation évoque la mise en mouvement par le condamné d’une « procédure en matière de violation de la loi ou de la coutume » (2ème feuillet, 1er attendu). La référence à la coutume dans une matière aussi délicate que le domaine pénal est erronée. En effet, non seulement cette notion ne figure nulle part dans la loi du 26 septembre 1962 érigeant la Cour suprême en Cour de cassation et l’AR n° 01/98 du 10 octobre 1962 fixant la procédure de pourvoi en cassation mais également les contours de la coutume et son contenu sont trop incertains pour avoir chapitre dans la matière criminelle où la vie et la liberté des personnes sont en jeu. Le danger de la coutume comme source de droit dans le domaine pénal a été d’ailleurs était vite senti l’administration coloniale. En effet, par son O.L n° 10 du 28 avril 1917, le Commissaire Royal belge a soumis tous les habitants du Burundi aux dispositions pénales du droit écrit et les rendait justiciables des tribunaux créés par la puissance occupante. Certes, le même texte reconnaissait l’existence d’un droit écrit 4 comme en témoigne le libellé de son article 18 , il ressort des dispositions des articles 15, 21 et 23 du même texte que le droit coutumier ne pouvait entrer en jeu pour les infractions prévues par la loi écrite que la loi l’autorise expressément. L’amenuisement et la dévalorisation de la coutume dans le domaine répressif était par ailleurs confirmé et renforcé par le fait que les juridictions instituées par la puissance coloniale n’étaient même pas compétentes pour réprimer les infractions prévues par la coutume, sauf si elles constituaient également des infractions selon le droit écrit. Et en 1940, par le décret du 30 janvier portant Code pénal, rendu exécutoire au Burundi par l’O.R.U n°43/Just. du 18 mai 1940, le législateur colonial a consacré le principe de la légalité des délits et des peines. Ce principe est exprimé par l’article 1er qui énonçait que « Nulle infraction ne peut être punie peines qui n’étaient pas portées par la loi avant que l’infraction fût commise ». Par ailleurs, 3 Le 2ème Attendu du 3ème feuillet rapporte que « les témoins NTAMAGENDERO, KAHEZE et NIVYUBUSA précisent que le jugement entrepris a été avancé au Tribunal de Renga après un an ». 4 La disposition et libellée comme suit « Les dispositions des deux chapitres précédents ne font pas obstacle au droit des juridictions indigènes de juger les affaires d’ordre civil et pénal dont elles peuvent connaître en vertu de la coutume indigène, …». 16 le principe de la légalité est un principe général de droit universellement reconnu et il a tout à la fois une justification politique et criminologique. D’un point de vue politique, comme le dit si bien Frédéric 5 DESPORTES et Francis Le GUNEHEC , deux considérations justifient le principe de la légalité. En imposant que les infractions pénales soient clairement définies, le principe apparaît comme une garantie essentielle de la liberté individuelle et de la sécurité juridique. La définition légale de tous les interdits permet de délimiter le champ de la liberté des citoyens et devient ainsi le 6 rempart contre l’arbitraire . Et en ce qu’il impose que les infractions soient déterminée par la loi au sens matériel, le principe de légalité est justifié par le fait que « les valeurs essentielles protégées par le droit pénal ne peuvent être déterminée que par les représentants du corps social dont 7 elles émanent» . D’un point de vue criminologique, en permettant à chaque citoyen de connaître les valeurs communes qui fondent la société, la loi pénale participe au développement civique et à la cohésion 8 sociale . Les développements précédents sont renforcés par Françoise TURKENS et Michel Van de KERCHOVE qui précisent qu’il résulte du principe de la légalité que le droit pénal est en principe un droit écrit, sous réserve des principes généraux consacrés par la 9 jurisprudence . Il faut noter tout de même que, dans certains cas, la référence peut être à la coutume ou à l’usage, non pas pour définir les infractions, mais pour déterminer les conditions d’existence de l’infraction, 10 comme par exemple en matière de bonnes mœurs . IV. Les questions de droit en cause Poursuites du Ministère public en matière pénale après expiration du délai légalement prescrit : prescription de l’action publique, extinction des poursuites, pas de peine encourue. Le demandeur en cassation soumet à la Cour de cassation la question de savoir la validité des poursuites criminelles engagées après l’écoulement d’un délai au-delà duquel l’action publique est prescrite au sens du code pénal. Il s’agit de savoir si le Ministère public est toujours fondé à poursuivre un délinquant dès lors qu’il s’en est abstenu pendant une période définie. La question de droit ainsi soulevée par le demandeur en cassation concerne la prescription des poursuites pénales et des peines consécutives à une infraction. 5F. DESPORTES et F. Le GUNEHEC, Droit pénal général, 11ème édition, Economica, Paris, 2008, p. 148. 6 Ibidem. 7 Ibidem. 8 Idem, 149. 9F.TURKENS et M. VAN de KERCHOVE, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologique, 4ème édition,Editions Juridiques Belgique et E.Story-Scientia, s.l, 1998, pp.184-185 , 10 F.OST et M.VAN DE KERCHOVE, Bonnes mœurs, discours pénal et rationalité juridique, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint Louis, 1981, cité par F.TURKENS et M. VAN de KERCHOVE, Op.cit, p.185. Le principe au centre de l’arrêt, à savoir la prescription de l’action publique entrainant l’extinction des poursuites, est d’ordre public. Il se fonde sur la sécurité juridique des rapports publics et privés et constitue l’illustration souvent donné entre le droit et la justice. La règle de la prescription de l’action publique entraînant l’extinction des poursuites puise également ses racines dans les fondements moraux et philosophiques de notre droit et jouit d’un régime juridique propre. C’est pour toutes ces raisons que nous verrons d’abord le fondement de la prescription et ensuite son régime juridique. Les fondements juridiques de la prescription La prescription de l’action publique trouve son fondement dans des raisons morales et philosophiques. En effet, il est nécessaire qu’au bout d’un certain temps relativement long, une situation de tolérance soit consolidée et reçoive des effets juridiques que les apparences permettent à la communauté de déduire. Il y va en outre de l’intérêt et du bénéficiaire de cette situation qui ne devrait logiquement pas être perpétuellement inquiété par les actes accomplis dans un passé lointain, et de la société dont les membres ont besoin d’être rassurés par le droit en reconnaissant des effets juridiques à une situation qui a longtemps prévalu, futelle par simple tolérance. Il ne faut pas réveiller les vieilles querelles que la société avait d’ailleurs oubliées encore qu’il serait humainement injuste de ruiner, par l’action publique, une 11 réinsertion réussie . Il s’ajoute les difficultés de l’administration de la preuve en cas de poursuites tardives et le risque élevé d’erreur judiciaire. L’écoulement du temps rend en effet, pour reprendre les termes de BOSLY (e.a), « l’administration de la preuve plus aléatoire et 12 accroît le risque d’erreur judiciaire » . Telle est la raison d’être de la prescription souvent donnée comme un exemple de divergence entre le droit et la justice. Il n’est pas juste pour la victime, en effet, que le droit méconnaisse la réalité d’un acte incriminé dont on a les preuves. Selon J. LARGUIER cité par P ; BOUZAT et J. PINATEL, la prescription fut à un certain temps critiquée comme constituant une faveur injustifiable accordée à ceux qui ont eu la chance et l’habileté d’échapper à la justice et qui souvent figurent parmi les malfaiteurs dangereux. Mais qu’importe ! Le droit ne protège pas la légèreté et ses objectifs s’orientent beaucoup plus vers la sécurité des rapports juridiques que vers une situation peu réaliste et peu pragmatique de justice sociale. Les coups légers orchestrés par Sieur MUDEYI à la personne de NDAYUWUNDI ne devraient donc pas lui rester collés au dos dès lors qu’il s’était passé un laps de temps relativement long (plus d’une année) sans qu’il en soit inquiété Le régime juridique de la prescription de l’action publique 11P. BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, t.1, 2ème éd., p. 726. 12 H-D. BOSLY (e.a), Droit de la procédure pénale, 5ème édition, La Charte, 2008, Pathoekeweg, p. 243. 17 Au moment de la commission des actes et de l’arrêt RPC 4 rendu le 20 février 1964 par la cour suprême siégeant en cassation, le régime juridique de la prescription est consacré par les articles 24 à 34 du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal, rendu exécutoire au Burundi par l’ordonnance du Ruanda-Urundi du 18 mai 1940 et reconduit en vigueur après indépendance par la loi du 29 juin 1962 maintenant en vigueur la législation d’avant l’indépendance nationale. Ce régime distingue la prescription des infractions et de l’action publique en résultant (articles 24 à 26) de la prescription des peines (articles 27 à 34). Dans le cas d’espèce, l’action publique résultant d’une infraction des coups volontaires portés à la personne de Ndayuwundi par le nommé Mudeyi (infraction prévue et punie par l’article 46 du Code pénal livre II de l’époque qui disposait que : « Quiconque a volontairement fait des blessures ou porté des coups est puni d’une servitude pénale de huit jours à six mois et d’une amende de vingt-cinq à deux cents francs ou d’une de ces peines seulement ») s’était éteinte par application de l’article 24, 1° du même code qui stipulait que : « L’action publique d’une infraction sera prescrite après un an révolu, si l’infraction n’est punie que d’une peine d’amende ou si le maximum de la servitude pénale applicable ne dépasse pas une année », dès lors qu’il a été établi que les poursuites n’ont été engagées que plus d’une année après que l’infraction soit consommée. V. Conclusion La Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation. Cette décision de la cour est tout à fait logique dès lors qu’elle s’inscrit dans un courant législatif et doctrinal consacrant toujours la prescription de façon plus ou moins élaborée. Par contre, il ya lieu de rappeler que l’arrêt encourt beaucoup de critique de forme comme relevé ci-haut. Mais il faut dire ici que les défaillances de forme en question s’expliquent aisément si on considère que l’arrêt date des premières années de l’indépendance et se range parmi les premiers arrêts rendus par la cour. On peut d’ailleurs dire que les justiciables eux-mêmes n’étaient pas encore habitués à la procédure en cassation. En effet, dans la cause, le pourvoi et la réplique au pourvoi ne sont pas présentés avec la clarté et la rigueur voulues. Ici aussi, la lacune se comprend facilement dans la mesure où les textes qui régissaient la procédure de cassation à l’époque étaient eux-mêmes très incomplets. Il est fait référence ici à la loi du 26 septembre 1962 sur la composition de la Cour suprême et érection en Cour de cassation et l’A.R n°01/98 sur la procédure de pourvoi en 13 cassation . Les insuffisances de ces textes seront successivement comblées par le D.L n°1/51 du 23 juillet 1980 relatif au pourvoi en cassation et la procédure suivie devant la Chambre de cassation de la Cour suprême et la loi n°1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême. Concernant la portée de l’arrêt, on constate que l’arrêt ne contient pas l’affirmation directe ou indirecte d’un principe général. Il s’agit ainsi d’un arrêt d’espèce qui ne présente qu’un intérêt historique. R. BELLON et P.DELFOSSE, Codes et Lois du Burundi, Bruxelles, Maison Ferd.LARCIER, ou Bujumbura, Ministère de la Justice, 1970, p.247 et 248. 13 18 B. JURISPRUDENCE CIVILE 1° AFFAIRE/RCC 7555 Les Mots Clés Articles 258 à 260 CCL III - accident du travail et maladies professionnelles – Cumul des régimes d’indemnisation – principe de réparation intégrale - Action subrogatoire de l’assureur – taux d’incapacité - articles 22 et 23 du décret-loi n°1/51 du 20 juillet 1980 sur la procédure en cassation ; LA COUR SUPREME SIEGANT EN MATIERE CIVILE A RENDU L’ARRET SUIVANT EN AUDIENCE PUBLIQUE EN DATE DU 30 JUIN 1995 EN CAUSE : UCAR: représentée par Maître NCEKE Léonard. CONTRE : NTASHAVU Jean : représenté par Maître BAPFUNYA Astère. Vu la requête de pourvoi en cassation introduite en date du 22 septembre 1994 par Maître NCEKE Léonard pour le compte de l’UCAR en vue de faire casser l’arrêt avant dire droit RCA 3097 rendu pour la Cour d’Appel de Bujumbura en date du 30 Septembre 1993 et l’arrêt définitif de même numéro rendu le 07 Juillet 1994; puis la cause fut prise en délibéré pour statuer à ce jour comme suit : ATTENDU que le requérant tend à faire casser à la fois l’arrêt avant dire droit RCA 3097 et l’arrêt définitif RCA 3097. I. Pourvoi contre l’arrêt avant dire droit ATTENDU qu’il considère que le pourvoi contre l’arrêt avant dire droit est préparatoire, donc recevable parce que selon lui il satisfait aux dispositions de l’article 22 du décret-loi n°1/51 du 20 juillet 1980 sur la procédure en cassation selon lesquelles « le pourvoi contre les décisions préparatoires est ouvert après le prononcé du jugement ou de l’arrêt définitif sur le fond »; Qu’ensuite il tire le moyen unique, à propos de cet arrêt, de ce que la Cour n’a pas répondu à ses conclusions ni donné de motifs de sa décision, en ce que, elle n’a pas donné de motifs du rejet de sa demande de contre-expertise et n’a même pas indiqué lequel des trois certificats médicaux produits, traduit le taux réel d’incapacité de NTASHAVU Jean ni donné le motif de sa position; alors qu’en présence de la discordance entre ces certificats il avait demandé une commission médicale pour les départager sur la question du taux d’incapacité définitive; « Statuant contradictoirement après avoir délibéré conformément à la loi; ATTENDU qu’en ce qui concerne la recevabilité du pourvoi contre l’arrêt avant dire droit, le conseil du défendeur réplique qu’il est irrecevable parce que étant un arrêt interlocutoire et non préparatoire il n’a pas été « introduit au choix soit immédiatement avant la décision définitive, soit après celle-ci à condition que le demandeur ait immédiatement et en tout cas avant l’expiration du délai visé à l’article 24 du décret-loi précité, fait au greffe de la juridiction ayant rendu la décision, des réserves contre celle-ci » (art.23 D.L précité ) « Dit l’appel principal recevable mais non fondée; a. recevabilité du pourvoi « Dit l’appel incident recevable mais partiellement fondée; « Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau; Attendu que les conditions du pourvoi contre une décision avant dire droit sont différentes selon que cette décision est interlocutoire ou préparatoire comme dit plus avant; « Condamne l’appelante à payer à l’intimé la somme de 850 000 Frs à titre; de dommages- intérêts matériels et moraux confondus; Attendu que dès lors la question qui se pose est celle de savoir si la décision est préparatoire ou interlocutoire; « Confirme du reste le jugement entrepris quant au départ des intérêts judiciaires puisque l’appel l’incident n’a rien dit là-dessus; Attendu que la requérante soutient qu’elle est préparatoire tandis que le défendeur soutient qu’elle est interlocutoire; « Met les frais à charge de l’appelante »; Attendu que la question qui est posée à la Cour d’Appel était de savoir si, pour évaluer le préjudice corporel subi par sieur NTASHAVU, il était opportun de commettre une commission médicale pour déterminer si l’intéressé ne garde plus aucune séquelle, l’accident comme l’a dit le médecin conseil de l’UCAR dans son rapport ou s’il garde une incapacité partielle permanente de 27% ou 25 % comme l’ont constaté respectivement le médecin conseil de l’INSS et le médecin du Gouvernement; Vu en expédition régulière et conforme l’arrêt attaqué dont le dispositif est conçu en ces termes : « La Cour; Vu la signification de la requête au défendeur; Vu la réplique du défendeur; Vu la fixation de la cause avec assignation du défendeur à comparaître en audience publique du 24 .03 .1995; Vu les audiences successives du 24.03.1995 et 14.04.1995 auxquelles seul a comparu le défendeur, le requérant ayant demandé une remise pour répondre à la réplique; Vu spécialement l’audience publique du 28 avril 1995 où toutes les parties comparurent par leurs conseils, plaidèrent et conclurent Attendu que la Cour a jugé avant dire droit que cette contreexpertise n’est pas nécessaire à motif que les deux rapports 19 susmentionnés ne diffèrent pas beaucoup dans l’estimation du taux d’I.P.P. alloué alors qu’elle était en possession des éléments lui fournis par les hommes de l’art (experts médicaux); Que cette décision qui est qualifiée de préparatoire selon le requérant, l’interlocutoire selon le défendeur; b. Deuxième moyen pris de la violation de l’article 7 e) du décret-loi n°1/18 du 29/6/1977 portant code des assurances Attendu que l’article 21 al 2 du décret-loi n°1/51 du 23.7.1980 sur la procédure en cassation définitif les décisions préparatoires comme étant « les décisions rendues pour l’instruction de la cause et qui tendent à mettre le procès en état de recevoir un jugement au fond, sans préjuger du fond »; Attendu que par ce moyen le requérant reproche au juge d’appel d’avoir condamné l’UCAR à d’autres dommages-intérêts alors que la victime avait reçue d’autres prestations de la part de l’INSS à hauteur de 120 .050Frs, laquelle somme d’ailleurs été remboursée par l’UCAR à l’INSS et que l’article 7,e de la loi susmentionnée dispose que l’obligation d’assurance ne s’applique pas à la réparation des dommages corporels subis par des personnes qui peuvent en obtenir réparation en application de la législation sociale et notamment de la législation sur les accidents de travail; Attendu que le même article en son deuxième alinéa définit les décisions interlocutoires ou l’instructions comme étant « les décisions ordonnant, avant dire droit, la recherche ou la fourniture d’une preuve, d’une vérification ou tout autre acte d’instruction qui préjuge le fond, ou encore les décisions préparatoires formulées en des termes qui préjugent du fond »; Attendu que si la décision attaquée ne tend pas à proprement parler, à ordonner une mesure d’instruction, il n’en demeure pas moins qu’elle est formulée en des termes qui préjugent du fond; Qu’en effet en rejetant la contre-expertise demandée à motif que la Cour est en possession de deux certificats médicaux qui ne diffère pas beaucoup (sic) et que le conseil de l’intimé lui-même est d’accord pour que soit tenu en considération le certificat du médecin de l’INSS , la décision laisse entrevoir sa position sur les deux questions qui font justement l’objet du litige l’existence du préjudice et la répartition de ce préjudice, en ce sens qu’elle considère d’emblée le préjudice comme bien établi par deux certificats médicaux et qu’il ne reste qu’à en évaluer le montant (quantum); que cela étant il apparaît que la décision est bel et bien interlocutoire; qu’à ce titre le pourvoi y relatif devait être introduit selon la procédure prévue par l’article 23 du décret-loi n°1/51 du 23 juillet 1980 précité que n’ayant pas suivi cette procédure le pourvoi doit être déclaré irrecevable II. Pourvoi contre l’arrêt définitif a. Premier moyen tiré de la non réponse à conclusions et du défaut de motifs Attendu que le conseil du défendeur rétorque que le conseil de la requérante semble ignorer les conditions posées par les articles 7,e et 12 al.2 du même décret-loi cité que l’article 258 CCL III pour que l’assureur échappe à l’obligation de réparer le préjudice l’article 258 CCL III pose le principe de l’indemnisation intégrale; or la demanderesse ne montre pas suivant quelle législation sociale le défendeur aurait été indemnisé intégralement; l’article 12 al 2 code des assurances prévoit la subrogation de l’assureur qui a indemnisé la personne lésée dans les droits et privilèges de cette dernière à concurrence de son intervention, or in casu l’assureur n’a rien payé à la personne lésée; Attendu que la Cour d’Appel va plus loin en citant cette disposition en disant : cette subrogation ne peut nuire aux personnes lésées qui n’ont été indemnisées qu’en partie, cela pour dire NTASHAVU n’ayant été indemnisée qu’en partie par l’INSS, l’assurance doit intervenir pour l’indemniser intégralement; Attendu que la Cour de Cassation est d’avis qu’il n’ y a pas eu de violation de la disposition invoquée dans la mesure où l’assurance de la responsabilité civile en matière de véhicule automoteurs ou autres matières et l’assurance sociales en matière d’accident de travail, sont deux régimes différents, le premier étant le droit commun (258 à 260 CCL III), le second d’étant particulier (solidarité sociale, protection sociale); Attendu que par ce moyen la requérante reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas montré sur base de quel taux d’incapacité physique parmi ceux figurant sur les deux certificats médicaux, elle s’est déterminée et de n’avoir pas donné de motifs de sa position; Que si le régime de la sécurité sociale indemnise les personnes lésées corporellement, ce ne peut être intégralement car ce régime ne couvre pas tous les préjudices (pretium doloris, préjudice d’agrément, esthétique, moral, etc.) Que le régime de droit commun doit intervenir pour couvrir ces derniers; Attendu que le conseil du défendeur estime quant à lui que ce moyen est de pur fait et doit par conséquent âtre rejeté conformément à l’article 4 du décret -loi n°1/51 du 23 juillet 1980 précité; Que ce qui doit être évité c’est le cumul entre les deux régimes, l’action subrogatoire prévue par l’article précité, 12 al 2 codes des assurances permettant d’ailleurs d’éviter ce cumul; que donc ce moyen n’est pas fondé; Attendu qu’effectivement la cour n’a point dit lequel des deux certificats médicaux versés au dossier de la cause, il a pris en considération pour fixer le quantum du préjudice y correspondant; Qu’au contraire, après avoir rejeté le rapport du médecin conseil de l’UCAR appelante, elle s’est contentée de dire que l’intimé NTASHAVU a été sérieusement endommagé, pour suite lui accorder la somme de 850 000 Frs tous préjudices confondus; que ce faisant, si elle a répondu à sa façon aux conclusions de l’appelant sur cette question, elle n’a pas bien motivé sa décision en ce sens qu’elle n’a pas dit comment elle a évalué le montant c. Troisième moyen pris de la violation du principe de la réparation intégrale de préjudice et de l’article 258 CCL III En ce que le juge d’appel aurait dû dire que le préjudice avait été intégralement compensé par l’allocation de l’INSS de la somme de 120 500 Frs, versée à la victime, le dernier certificat médical en date n’ayant pas constaté d’incapacité physique de cette dernière ou alors ordonner une contre-expertise demandée pour connaître le préjudice subsistant et partant le complément de dommagesintérêts à allouer, d’une part; En ce que le même juge alloué une indemnité de 850 000 Frs sans même déduire le montant de 20 120 500 Frs et sans avoir démonter l’existence et l’importance du préjudice; Attendu que le conseil du défendeur estime que ce moyen doit avoir le même sort que le premier en ce sens que comme il l’a dit à propos de ce moyen, le refus d’ordonner une contre-expertise est une question de pur fait et que la décision de refus a été bien motivée; Vu l’article 258 C.C.L III Vu le code des assurances; Ouïe le Ministère Public en son avis oral; Statuant publiquement, contradictoirement après avoir délibérée conformément à la loi; Attendu qu’effectivement ce moyen est un corollaire du premier dans la mesure où l’allocation des dommages-intérêts et la fixation du montant de ceux-ci dépendent du taux d’incapacité retenue ou même en l’absence de taux précis, des éléments d’évaluation du préjudice; Déclare irrecevable le pourvoi contre l’arrêt avant dire droit RCA 3097 du 30 septembre 1993; Attendu que nous avons déjà vu que la Cour d’Appel n’a pas dit sur quel taux elle s’est basée pour fixer le montant alloué; Casse en conséquence cet arrêt; Attendu qu’en matière de préjudice corporel; la doctrine et la jurisprudence tant étrangère que burundaise prévoient des méthodes d’évaluation de ce préjudice quand le taux d’incapacité a été fixé par l’expert : méthode in concreto, méthode d’évaluation au point (selon le point d’incapacité) etc.; notre jurisprudence pratiquant le premier; Attendu que si, certes la jurisprudence dit que aucune méthode ne s’impose au juge, il n’en demeure par mois que le juge doit se baser sur les éléments d’évaluation lui fournir ou les chercher s’ils ne lui sont pas fournir, pour évaluer le préjudice : taux d’incapacité, si celui-ci n’est pas connu quod non in casu, d’autres éléments : âge, profession, esthétique, pretium doloris, gains perdus, etc. Qu’on ne recourt à la formule ex aequo et bono que quand ces éléments sont inconnus ou imprécis que dans le cas d’espèce présent le juge y a recouru malgré l’existence d’éléments d’appréciation; Que, pire encore il a mélangé le préjudice corporel avec ceux d’une autre nature : frais de maladie, frais pharmaceutiques, de garde malade, déplacements pour les soins, etc., alors qu’il aurait dû les évaluer séparément quitte à les additionner après; que l’ex ex aequo et Bono aurait pu se comprendre pour ces derniers préjudices faute pour l’intéressé d’en avoir donné les preuves, encore on pouvait lui opposer la charge de la preuve( octori incumbit...) qu’enfin il n’a pas justifié la revue en hausse de l’indemnité ni dit un mot sur la somme de 120.500 Frs que l’UCAR a remboursé à l’INSS; Attendu qu’il résulte de ces développements que le juge d’Appel n’a pas bien motivé la fixation du moment des dommages-intérêts alloués et par conséquent n’a pas respecté le principe indemnitaire de l’article 258 code civil livre III. Par tous ces motifs : La Cour Suprême, Chambre de Cassation; Vu la Constitution de la République du Burundi Vu la Loi n°1/004 du 14 Janvier 1987 portant code de l’Organisation et de la Compétence Judiciaires; Vu le Décret-loi n°1/51 du 23 juillet 1980 relatif au pourvoi en cassation et à la procédure suivie devant la Chambre de Cassation de la Cour Suprême; Déclare recevable le pourvoi contre l’arrêt définitif RCA 3097 du 7 Juillet 1994 et le dit fondé en ses premier et troisième moyens; Renvoie la cause à la Cour d’Appel de Bujumbura pour y être statué à nouveau par un autre siège; Ordonne la transcription du présent dispositif dans le registre des affaires de cette cour en marge de l’arrêt cassé; Met les frais de justice à charge des parties respectives, soit 1/3 à charge du demandeur et 2/3 à charge du défendeur; Ainsi arrêté et rendu à Bujumbura en audience publique du 30 juin 1995 où siégeaient : NJINYARI Juvénal, Président, SINDAYIGANZA Gérard, KIYOGOMA Vénérande, Conseillers, assistés de BARIHUTA Athanase, officier du Ministère Public et HABIYAMBERE Ignace, Greffier. Le Président : NJINYARI Juvénal (sé) Les Conseillers : SINDAYIGANZA Gérard (sé); KIYOGOMA Vénérande (sé) Le Greffier : HABIYAMBERE Ignace (sé) COMMENTAIRE DE L’ARRET RCC 7555 En date du 30 juin 1995, la Cour Suprême du Burundi a rendu l’arrêt RCC 7555 qui oppose UCAR (demandeur en cassation) à Monsieur NTASHAVU Jean (défendeur en cassation). Le commentaire de l’arrêt requiert d’abord une brève relation des faits. Celle-ci sera suivie par l’exposé des arguments et thèses développés par les parties. Il sera ensuite rapporté les questions juridiques en cause et la réponse que donne la Cour. Il sera enfin question d’apprécier la valeur et la portée de l’arrêt sous forme de conclusion. I. Résumé des faits et de la procédure L’arrêt tire son origine dans un accident de travail survenu à Monsieur NTASHAVU Jean qui bénéficiait du régime des accidents de travail et des maladies professionnelles de l’INSS. L’organisme de sécurité sociale va servir à la victime les prestations à hauteur de 120.500 FBU, laquelle sera remboursé par l’UCAR, en vertu de l’action subrogatoire contre le civilement responsable ou son assureur. La victime de l’accident va intenter une action en justice contre UCAR pour obtenir réparation de son 21 préjudice, en vertu de l’action personnelle que détient la victime sur l’assureur du civilement responsable. Saisi en instance d’appel, la Cour d’appel de Bujumbura va rendre d’abord, en date du 30 septembre 1993, l’arrêt avant faire droit RCA 3097 par lequel elle refuse d’ordonner la contre-expertise demandée par le Conseil de l’assureur. Le jugement définitif de même numéro de rôle sera rendu en date 7 juillet 1994. A la faveur de son pourvoi, le demandeur en cassation tend à faire casser à la fois l’arrêt avant faire droit et l’arrêt définitif. II. Les arguments et thèses développés Concernant le pourvoi contre l’arrêt avant dire droit, il y a lieu de distinguer les arguments de forme, relatifs à la recevabilité du pourvoi, de ceux du fond, relatif au caractère pertinent du moyen. Concernant la recevabilité du pourvoi, le demandeur en cassation estime que l’arrêt avant dire droit intervenu est un arrêt préparatoire, pour tirer la conséquence que le pourvoi y relatif est recevable en vertu de l’article 22 du décret-loi n°1/51 du 20 juillet 1980 sur la procédure en cassation qui précisait que le pourvoi contre les décisions préparatoires est ouvert après la décision définitive sur le fond. Le défendeur estime quant à lui qu’il s’agit d’un jugement interlocutoire, donc irrecevable car n’ayant pas suivie la procédure réservée à de telles décisions par l’article 23 du décret précité. Quant au fond, le demandeur en cassation accuse au juge d’appel de n’avoir pas répondu à ses conclusions ni motivé sa décision de rejet de la demande d’une contre-expertise pour évaluer le taux d’incapacité permanente partielle. Concernant le pourvoi contre l’arrêt définitif, le demandeur en cassation critique le juge du fond de n’avoir pas montré le taux d’incapacité, parmi les deux qui figuraient sur deux certificats versés dans le dossier, sur lequel il a basé les dommages-intérêts accordés. Le demandeur formule ce reproche comme étant le défaut de réponse à conclusion et le défaut de motifs. Le défendeur en cassation quant à lui considère qu’il s’agit d’un moyen de pur fait, donc inopérant. En outre, le demandeur en cassation reproche à l’arrêt attaqué d’avoir cumulé les indemnités, en condamnant UCAR au paiement des dommages-intérêts au profit de la victime alors qu’elle a bénéficié des prestations de l’INSS, lesquelles prestations ont été remboursée à l’INSS par l’UCAR. Le demandeur rétorque que l’indemnisation faite par l’INSS n’avait pas suivi le principe de la réparation intégrale et que l’assureur doit prendre en charge la part du préjudice non couverte par la sécurité sociale. III. Les questions juridiques en cause L’arrêt sous commentaire met en cause principalement deux questions de droit à savoir la différence entre décision préparatoires et la décision interlocutoire et le cumul d’indemnités. Jugement (ou arrêt) préparatoire et jugement (ou arrêt interlocutoire) La distinction qui est souvent mal faite entre le jugement ou l’arrêt préparatoire et le jugement ou l’arrêt interlocutoire présente un grand intérêt. Tout d’abord, l’appel d’un jugement préparatoire est irrecevable alors que le jugement interlocutoire est recevable, pourvu qu’il soit formé avant le jugement définitif. Ensuite, les règles sur la recevabilité de pourvoi en cassation varient selon qu’on est en présence d’un jugement interlocutoire ou d’un jugement préparatoire. Les décisions préparatoires sont celles rendues à l’occasion de l’instruction d’une affaire, pour mettre celle-ci en état de recevoir une décision définitive, sans préjuger du fond. Les décisions interlocutoires sont par contre celles qui ordonnent une preuve, une mesure d’instruction, une vérification, qui préjuge du fond. La qualification tient donc au contenu et à l’objet de la décision. Il convient alors à chaque fois d’analyser dans quelle mesure le juge aura esquissé le fond de l’affaire, ou dans quelle mesure sa décision avant faire droit sous-entend la solution définitive du litige. Concours d’indemnités en cas d’accident de travail avec tiers responsable Lorsqu’une une personne qui bénéficie du régime des accidents de travail et des maladies professionnelles est victime d’un accident de travail ou de trajet, deux voies d’indemnisation s’offrent à elle. Elle a droit aux prestations sociales mais elle peut ensuite agir en réparation complémentaire contre l’auteur de l’accident (ou son assureur de responsabilité) conformément au droit commun. Il faut préciser ici que la victime ou ses ayants-droit peuvent emprunter la voie sociale et abandonner la voie de droit commun ou opter pour la voie civile en abandonnant la voie sociale : c’est le droit d’option dont disposent la victime ou ses ayants-droit. L’option pour la voie de droit commun est généralement motivée par le souci pour la victime d’obtenir l’indemnisation intégrale du préjudice subi étant donné que la voie sociale assure uniquement la réparation forfaitaire. En effet, comme le fait remarquer A. LADRET, « la renonciation aux prestations sociales n’est pas pour la victime un acte gratuit et préjudiciable. Elle ne renonce que pour obtenir davantage par une autre voie. Il est évident que cette renonciation doit avoir un intérêt. Cette renonciation est la certitude pour la victime d’obtenir en principal, une indemnisation totale ».14 Notons que même lorsque la victime ou ses ayants-droit optent pour la voie civile, au cas où c’est une compagnie d’assurance qui est mise en cause, celle-ci exige à la victime ou ses ayants-droit une attestation de non recours signée par l’I.N.S.S.15 L’option pour la voie sociale quant à elle peut trouver sa source dans la crainte pour la victime ou ses ayants-droit de se heurter à l’insolvabilité éventuelle ou certaine du tiers responsable de l’accident ou dans le dégoût de se lancer dans les procédures judiciaires avec leur longueur. Le choix du législateur de maintenir côte à côte les deux régimes se justifie par deux raisons essentielles : le souci de la prévention A. LADRET, L’accident de trajet avec tiers responsable, Paris, L.G.D.J., 1970, p. 91. 15 Art.8 du protocole d’accord de règlement amiable des créances de l’I.N.S.S. par les compagnies d’assurance résultant de la responsabilité civile des auteurs d’accidents de la circulation. 14 22 et de sanction des fautes individuelles d’une part et celui d’assurer l’indemnisation intégrale des victimes d’autre part.16 L’argument tiré de la prévention des dommages est fondé sur l’idée que si l’on abandonnait le principe de la responsabilité pour faute, on inciterait les gens sinon à la mauvaise foi, du moins à la négligence. En effet, on mettra moins d’attention et de zèle à éviter un accident si celui-ci doit être réparé par le corps social que si l’on doit subir, personnellement, les conséquences de sa faute.17 L’autre argument à la base de cette coexistence de la sécurité sociale et de la responsabilité civile est le souci d’assurer aux victimes une indemnisation intégrale du préjudice subi suite à l’accident. En effet, comme le souligne M. VOIRIN, la responsabilité civile présente l’avantage de viser la réparation intégrale du préjudice subi, ne fût-ce que l’équivalent sous forme d’indemnités monétaires lorsqu’il n’est pas possible de remettre les choses dans leur état antérieur à l’acte dommageable, comme c’est malheureusement souvent le cas en matière de préjudice corporel. C’est dire tout l’intérêt qui y est attaché en principe même en cas de réparation par la sécurité sociale de l’incapacité de travail ou du décès, car les prestations de maladie ou d’invalidité, même proportionnelles aux gains antérieurs de la victime, correspondent souvent à un pourcentage de ces gains inférieur au taux d’incapacité et sont en tout état de cause limitées par un plafond ; en outre, elles ne réparent en général pas les dommages non pécuniaires.18 Il importe de signaler ici que la coexistence des deux régimes de réparation des dommages résultant de l’accident de trajet ne doit pas aboutir au cumul d’indemnités au profit de la victime ou de ses ayants-droit. Pour barrer la voie au cumul d’indemnités du chef d’un même préjudice, la législation sociale burundaise prévoit que la victime ou ses ayants-droit ne peuvent recourir contre le tiers responsable que pour le préjudice non réparé par la sécurité sociale. Et pour empêcher effectivement ce cumul, l’organisme de sécurité sociale ayant servi les prestations dispose d’un recours subrogatoire pour se faire rembourser les débours faits au profit de la victime ou de ses ayants droit. La subrogation a pour objet, comme le souligne H. NTAHOMVUKIYE, d’empêcher le cumul d’indemnités au profit de l’assuré social ou de ses ayants-droit d’une part et l’impunité du tiers responsable, qui ne doit en aucun cas échapper aux conséquences de sa faute d’autre part.19 J. CLESSE, Le rôle de la responsabilité civile dans la réparation des accidents du travail, Ann, Fac. Dr. de Liège, 1980, p. 232. 17 R. SAVATIER, Les métamorphoses économiques et sociales du droit civil d’aujourd’hui, 1ère série, Paris, Dalloz, 1964, pp. 349-350. 18 M. VOIRIN, De la responsabilité civile à la sécurité sociale pour la réparation des dommages corporels : extension ou disparition de la branche accidents du travail », R.I.D.C., 1979, p. 561. 16 H. NTAHOMVUKIYE, La faute du tiers en matière d’accidents du travail dans le droit burundais de la sécurité sociale, Mémoire, Bujumbura, U.B., 1992, p.40 19 IV. Réponse de la Cour La Cour a estimé que l’arrêt avant dire droit rejetant la demande de la contre-expertise est une décision interlocutoire. Elle a considéré que le rejet de la contre-expertise pour motif que deux certificats médicaux qui ne diffèrent pas beaucoup avaient été versés dans le dossier, la décision sous-entend sa position sur l’existence du préjudice et la réparation de ce préjudice. Ainsi, le pourvoi contre l’arrêt avant faire droit sera rejeté. Pour la question du cumul d’indemnités, le juge de cassation constatera que l’octroi des dommages-intérêts au défendeur en cassation, sans déduire le montant des prestations de la sécurité sociale, constitue la violation du principe de non-cumul d’indemnités perçues sur base de mécanismes de droit civil commun et de la sécurité sociale. La Cour a enfin retenu un autre grief, qui n’avait pas été à proprement parler, développé par le demandeur en cassation, à savoir que le juge du fond a appliqué le principe de l’indemnisation ex acquo et bono alors que des éléments d’appréciation lui avait été fournis par la victime. V. Conclusion La Cour a rejeté le pourvoi contre l’arrêt avant faire droit et a cassé l’arrêt définitif RCC 7555. Il s’agit d’un arrêt de principe dans la mesure où : Il indique que la distinction entre les décisions, avant faire droit, préparatoire et interlocutoire se fait in concreto en recherchant chaque fois dans quelle mesure le juge aura préjugé du fond ; Il précise qu’on recourt, dans l’octroi des dommages-intérêts, à la formule ex acquo et bono seulement lorsqu’il n’existe pas d’éléments d’appréciation. 2° AFFAIRE/RCC 7666 Les Mots Clés Abandon de famille – Aliments (créancier d’un, montant, versement) – enfants communs – demande reconventionnelle Pension alimentaire (Principe, évaluation et base de calcul) – interdiction de statuer ultra petita – Mesures provisoires - Art.136 du Code des Personnes et de la Famille. LA CHAMBRE DE CASSATION DE LA COUR SUPREME SIEGEANT EN MATIERE CIVILE A RENDU L’ARRET SUIVANT EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 26 FEVRIER 1996 EN CAUSE : BIGIRIMANA Nestor : C/o Ministère des Finances CONTRE : HAKIZIMANA Potamie, résidant à NGAGARA Q.3 N°4 Vu la requête de pourvoi formée par BIGIRIMANA Nestor en date du 10/05/1995 et reçue au greffe de la Cour Suprême en date du 17/05/1995 tendant à demander la cassation du jugement RCA 3925 rendu au degré d’appel par le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura en date du 31 Mars 1995; 23 Vu en expédition conforme le jugement RCA 3925 du Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura en date du 31/03/1995 et dont le dispositif est ainsi conçu : « Yakiriye isubiramwo ry’urubanza RCA 3903 ariko isanze ridashemeye; « Ikomeje urwaciwe na Sentare Nkuru y’Igihugu mu ntara ya Bujumbura; « Amagarama atangwa na BIGIRIMANA Nestor; « Uko niko ruciwe kandi rusomwe i Bujumbura mu ntahe y’icese yo ku wa 31/3/1995 ». Vu que le jugement avait été signifié à la partie requérante le 21/4/1995; que la requête est partant dans les délais; Vu l’ordonnance n° 7666 du 11/12/1995 donnant acte au demandeur en cassation du dépôt de sa requête et ordonnant que cette requête et la même ordonnance soient signifiées au défendeur en cassation et qu’assignation lui soit donnée de comparaître devant la Chambre de cassation à son audience publique du 22/12/1995 aux fins d’y présenter ses dires et moyens de défense et entendre statuer sur les mérites du recours exercé; Vu l’audience publique du 22/12/1995 à laquelle toutes les parties comparaissent, plaident et concluent; Ouï l’avis du Ministère Public en son avis tendant à demander à la Cour de se pencher sur le deuxième moyen du pourvoi; Après quoi la Cour prit la cause en délibéré pour statuer comme suit : Attendu que le litige prend sa source dans une lettre que dame HAKIZIMANA Potamie a adressée au Tribunal de Résidence de ROHERO pour demander les aliments pour elle et pour les enfants que son mari aurait abandonnés; Attendu que le Tribunal de Résidence statuant par défaut le 25/1/1994 par le jugement RCF 487/93 libellé comme suit : 1) Sentare ishinze ko yakiriye imburano nkuko yazishikirijwe na HAKIZIMANA Potamie kandi ivuze ko zishemeye mu mpande zazo zose. 2) Sentare itegetse NGANYIRIMANA Diomède mwene wabo na BIGIRIMANA Nestor kwimuka akava muri urwo rugo kuva urubanza rucitse. 3) BIGIRIMANA Nestor atange ibitunga umuryango bingana n’amafaranga 30.000 ku kwezi. 4) BIGIRIMANA Nestor arishe factures zose z’ibitaro zimaze kuboneka yongere azoze arariha ibitalo n’imiti igihe bikenewe. 5) BIGIRIMANA Nestor asubize umugore ibi bikurikira (…. ) 6) Sentare itegetse kandi Vital NAHAYO avukana na BIGIRIMANA ko yokwimuka nawe nyene kuva uru rubanza rucitse… » Attendu que BIGIRIMANA interjeta appel contre ce jugement; que le tribunal de Grande Instance, par le jugement avant faire droit décida le 29/3/1994 comme suit : – BIGIRIMANA Nestor ategetswe guha buri kwezi umugore wiwe amafaranga ibihumbi mirongo umunani (80.000 Frs) akayimenyamwo mu kurondera aho aba nico arya we n’umwana bari kumwe. – Ategetse kandi gusubiza mu maguru masha umwana mw’ishule akamurihira n’amahera y’ishule. – BIGIRIMANA Nestor asubize umugore n’umwana ivyambarwa vyabo (effets personnels) biri mu nzu. – Amagarama arabangiriwe ». Attendu qu’en date du 26 mai 1994; BIRIGIRIMANA Nestor fit opposition contre le jugement; que le Tribunal a ensuite rendu le jugement dont pourvoi; Attendu que le requérant fonde son pourvoi sur quatre moyens; a. Premier moyen pris de la violation de l’article 136 du Décret-loi n°1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du code des personnes et de la famille Attendu que sous ce premier moyen, il est reproché au juge d’avoir alloué une pension de 80.000 Frs par mois alors que son revenu de fonctionnaire public est de 40.000 Frs par mois alors que celui de la créancière de la pension est de 23.348 Frs; qu’habituellement nos Cour et Tribunaux accordant 30% des revenus dûment prouvés et attestés en faveur du créancier; que le Tribunal a ainsi violé l’article 176 du décret-loi n° 1/024 du 28 avril 1993 par défaut d’application; Attendu qu’à ce reproche, la partie défenderesse réplique que le Tribunal a tenu compte des ressources du débiteur ainsi que des besoins du créancier d’aliment; Qu’il a démontré que le demandeur en cassation possède en plus de son salaire de 40.000 Frs et de sa maison familiale construite sans crédit, des véhicules, des troupeaux de vaches, des terres exploitées etc. Que donc ce moyen est sans fondement; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le requérant a protesté contre l’allocation d’un tel montant devant le Tribunal, mais que celui-ci a malgré tout confirmé la décision par défaut; prenant pour motif que l’actuel requérant n’a pas comparu pour expliciter sa position; Attendu que le Tribunal n’a pas; dans sa décision, donné la base de calcul du montant alloué, qu’il n’a pas justifié la réévaluation de la pension à accorder, que partant il n’a pas motivé sa décision et n’a pas appliqué l’article 136 du nouveau code des personnes et de la famille; qu’en ne le faisant pas le Tribunal a exposé sa décision à la censure de la Chambre de cassation de la Cour Suprême; b. Deuxième moyen : violation du contrat judiciaire et statuer « ultra petita » Attendu que sous ce moyen, le requérant fait grief au juge d’appel d’avoir revu en hausse la pension accordée alors que la partie défenderesse en cassation qui en a bénéficié n’avait pas fait appel contre le jugement R.C.F.3487 du 25 janvier 1994 qui lui accordait 30.000 Frs de pension alimentaire, qu’en outre le tribunal a 24 autorisé l’épouse à quitter le toit conjugal et à se chercher un logement aux frais de son mari alors que ni dans l’exploit introductif d’instance ni dans le premier jugement il n’était question de résidence séparée; que le juge a donc statué ultra petita et a violé l’effet dévolutif de l’appel; Attendu que la partie défenderesse réplique que la pension de 30.000 Frs que lui a accordée le jugement RCF 3487/93 était suffisant parce qu’elle était encore sous le toit conjugal, mais qu’après le jugement, elle a été chassée de la maison avec son enfant, qu’en cours d’instance dame HAKIZIMANA Potamie a demandé au juge d’appel de lui accorder de quoi l’entretenir compte tenu de la situation nouvelle, que c’est ainsi que la pension alimentaire a été révisée pour être rééquilibrée aux nouveaux besoins du créancier; Attendu qu’il est vrai que l’actuelle partie défenderesse n’était pas partie appelante devant la juridiction qui a rendu le jugement entrepris; qu’elle n’a pas non plus fait un appel incident; que dans le jugement attaqué on ne trouve nulle trace des allégations selon lesquelles elle aurait demandé la révision de la pension alimentaire et des motifs qui l’auraient sous entendue; Attendu qu’aucun fondement légal ne justifie alors la révision en hausse de la pension alimentaire; que le juge d’appel était tenu de statuer dans les limites de la demande, il ne pouvait accorder plus que le premier juge n’avait accordé; Qu’en plus de cela la résidence séparée ne figurait ni dans l’acte introductif d’instance ni dans les conclusions de la partie actuelles défenderesse; qu’en statuant comme il l’a fait le Tribunal a statué ultra petita et a violé l’effort dévolutif de l’appel; et que sa décision doit pour cela être cassée; c. Troisième moyen tiré de la violation des droits de la défense Attendu qu’il est reproché au juge d’appel d’avoir statué sans offrir à la partie requérante la possibilité de se défendre; Attendu qu’il ressort des pièces de procédure que le requérant s’est toujours abstenu de se présenter devant les juridictions qui ont rendu les décisions successives qui sont intervenues dans la présente cause; qu’il est patent que le requérant n’a pas fait diligence pour assurer sa défense; mais que par contre le juge d’appel a respecté la réglementation en matière de remises des causes où les parties font défaut; Attendu qu’il a ainsi offert à la partie défenderesse les occasions pour présenter ses dires et moyens de défense, mais que c’est la partie défenderesse qui a négligé ces occasions comme pour les procédures antérieures, , qu’à la procédure a été régulière et que la censure demandée manque de pertinence; que le moyen doit être pour cela écarté; d. Quatrième moyen : violation art. 128, a & 172 ss code des personnes et famille Attendu que selon le requérant les juges de fond n’avaient jamais été saisis ni d’une demande d’assignation d’une résidence séparée de la part de son épouse, ni de la garde des enfants, que normalement la suspension du devoir de cohabitation, l’assignation d’une résidence séparée, la garde des enfants, l’allocation de provision alimentaire en faveur de l’un des époux sont des décisions que le juge prend à titre de mesures provisoires pendant l’instance de divorce;, Mais que malgré les dispositions légales en vigueur le juge a condamné à payer un logement séparé, à lui laisser la garde de l’enfant Darcy et à verser une pension supérieure au montant de son salaire mensuel; Attendu la partie défenderesse rétorque même s’il n’y avait pas une action en divorce ni assignation de résidence séparée, le juge a constaté que la cohabitation était devenue impossible, qu’il y avait déjà une séparation de fait dont elle n’était pas responsable; et qu’au cours des audiences publiques le requérant avait déclaré qu’il ne veut plus la voir; Attendu que ce moyen réjouit le premier sur de nouvelles bases; que par conséquent la réponse de la Cour ne peut différer de celle qu’elle a donné sous le premier moyen, qu’il est en effet permis au juge de prendre des mesures provisoires dans l’intérêt d’une des parties qui le demande mais que le juge accorde ces mesures dans les limites de la demande et en proportion des besoins et des ressources des parties; Attendu que les moyens présentés par le requérant sont partiellement fondés et que le jugement entrepris doit être pour cela censuré; Par tous ces motifs : Vu la Constitution de la République; Vu la loi n°1/004 du 14 janvier 1987 portant réforme du code de l’organisation et de la compétence judiciaires; Vu le Décret-loi n°1/51 du 23 juillet 1980 relatif au pourvoi et à la procédure suivie devant la Chambre de Cassation de la Cour Suprême; Ouï le Ministère Publique en son avis; Statuant contradictoirement et publiquement; Après en avoir délibéré conformément à la loi Déclare le pourvoi recevable et partiellement fondé; Casse en conséquence le jugement RCA 3925 rendu par le Tribunal de Grande Instance de la Mairie de Bujumbura; Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de la Mairie de Bujumbura autrement composé pour statuer à nouveau; Ordonna l’inscription de la présente décision en marge du jugement RCA 3925; Met les frais à charge des deux parties : ¼ pour le demandeur et ¾ pour la défenderesse; Ainsi arrêté et prononcé en audience publique du 26 Février 1996 où siégeaient Adrien NYANKIYE, Président, Timothée BISUMBAGUTIRA et Gérard SINDAYIGANZA, Conseillers, Assistés de NKENGURUTSE Sébastien, Officier du Ministère Public et de HABIYAMBERE Ignace, Greffier. Le président : Adrien NYANKIYE (sé) 25 Les Conseillers : Timothée BISUMBAGUTIRA (sé); Gérard SINDAYIGANZA (sé) Le Greffier : Ignace HABIYAMBERE (sé) COMMENTAIRE DE L’ARRET R.C.C 7666 L’arrêt sous analyse a été rendu en date 26 février 1996 par la Chambre de cassation de la Cour suprême entre BIGIRIMANA Nestor (demandeur en cassation) et HAKIZIMANA Potamie (défendeur en cassation). Le commentaire qui suit requiert d’abord une présentation succincte des faits et de la procédure. Il sera ensuite exposé les arguments et thèses développés. Il sera également discuté les questions juridiques en cause avant de revenir à la réponse de la Cour. Le commentaire sera clos par une conclusion d’ensemble contenant la valeur et la portée de l’arrêt. I. Résumé des faits et de la procédure Madame HAKIZIMANA Potamie meut une action en justice contre son mari BIGIRIMANA Nestor, qui aurait abandonné sa famille, pour obtenir de lui versement d’aliments à elle et aux enfants communs. Le Tribunal de résidence de Rohero condamne, sous le jugement RCF 3487/93 du 25 janvier 1994, le défendeur au paiement de 30.000 FBU par mois. BIGIRIMANA Nestor interjettera appel contre ce jugement devant le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura sous le RCA 3904. Le juge d’appel va maintenir le principe de la pension alimentaire mais cette fois-ci, le montant de la pension alimentaire sera porté à 80.000 FBU. Le mari va former opposition contre le jugement intervenu sous le RCA 3925 et le juge va rendre la décision attaquée en cassation, qui confirme le contenu du jugement RCA 3904. II. Les arguments et thèses développés Les arguments développés tournent autour de la question de base de calcul du montant de la pension alimentaire de l’article 136 du Code des Personnes et de la Famille, à la marge de manœuvre offerte au juge dans l’évaluation de ce montant et les limites dans lesquelles le juge tranche les litiges qui lui sont soumis. Le demandeur en cassation s’explique mal pourquoi il est condamné au paiement de la pension alimentaire d’un montant aussi élevé alors que « nos cours et tribunaux accordent 30 % des revenus dûment prouvés et attestés en faveur du créancier», étant donné que son revenu de fonctionnaire n’est que de 40.000 FBU par mois. Le défendeur en cassation de son côté démontre que le juge d’appel a effectivement « tenu compte des ressources du débiteur» mais aussi « des besoins du créancier d’aliments». Il montre à cet effet que la partie adverse possède en plus de son salaire, une maison familiale construite sans crédit, des véhicules, des troupeaux de vaches, des terres exploitées, etc. Le demandeur en cassation reproche au juge d’appel d’avoir revu à la hausse le montant des aliments octroyés par le premier juge alors que le créancier n’avait pas interjeté un appel incident et d’avoir statué sur la résidence séparée alors qu’aucune demande n’avait été formulée dans ce sens. Le défendeur en cassation rétorquera que le juge d’appel a accru la pension alimentaire en partant du constat que dans l’entretemps, la créancière a été chassée du toit conjugal avec son enfant et que les besoins s’étaient corrélativement accrus. III. Les questions juridiques en cause Il est posé au juge de cassation deux questions à savoir l’évaluation de la pension alimentaire prévue par l’article 136 du Code des Personnes et de la Famille et le principe de l’interdiction de statuer infra ou ultra petita. L’évaluation de la pension alimentaire La question de l’évaluation de la pension alimentaire est organisée par l’article 136 CPF aux termes duquel « les aliments ne sont accordés que dans la proportion des besoins de celui qui les réclame et des ressources de celui qui les doit ». Mais il y a lieu de remarquer que la solution n’est pas aussi aisée à trouver comme on peut être tenté de le croire. L’estimation des besoins du créancier et des ressources du débiteur reste relative. Ainsi, tant que les différents revenus ne sont pas individualisés et évalués à leur juste valeur, toute fixation du montant de la pension par le juge demeure contestable. L’application de l’article 136 CPF laisse certes une marge d’appréciation au juge mais il doit faire preuve de clarté et fonder surtout sa décision sur des éléments probants, objectifs, vérifiés et vérifiables. Dans le cas qui nous occupe, le juge d’appel est critiqué pour avoir manqué à ce devoir. Interdiction de statuer infra ou ultra petita Le juge, lorsqu’une affaire lui est soumise, il a le devoir de la trancher sous peine de déni de justice. Mais, il doit agir à l’intérieur des limites tracées par les parties. C'est-à-dire qu’il doit tabler sur des demandes exprimées par les parties, sans plus ni moins. C’est l’interdiction qui est faite au juge de statuer infra ou ultra petita. Le principe de l’interdiction de statuer infra ou ultra petita veut que le juge ne se prononce que sur tout ce qui lui est demandé et uniquement ce qui lui est demandé. Il ne doit pas faire preuve d’excès de zèle en se prononçant sur des éléments que les parties n’auront pas exprimé comme querelle Le juge statue infra petita lorsqu’il omet de se prononcer sur un chef de demande. Par contre, il statue ultra petita lorsqu’il accorde ce qui n’a pas été demandé ou plus qu’il n’a été demandé20. C’est dire qu’il y a omission de statuer lorsque le juge ne tranche pas dans sa décision une ou plusieurs demandes qui lui ont été soumises par les parties et l’ultra petita apparaît lorsque le juge se prononce sur une question dont il n’a pas été saisi 21. La constatation de l’infra ou de l’ultra petita résulte de la comparaison entre le dispositif de la décision (et les non les motifs : cass.soc. 29 janvier 1959, Bull.Civ, n°117) et les prétentions des parties telles qu’elles résultent du dernier état des G.CORNU et J.FOYER, Procédure civile, 3ème éd., PUF, Paris, 1996, p.595. 21 S.GUINCHARD (sous la direction de), Op.cit, p.1091. 20 26 conclusions22. Toutefois, la comparaison ne peut porter que sur des conclusions dont le juge a été régulièrement saisi, et qui présentaient, dans leur dispositif ou dans leurs motifs, de véritables demandes23. Il convient de préciser ici que pour dire que le juge a statué infra petita, l’omission doit être involontaire, sinon, le caractère volontaire de l’omission transforme celle-ci en un déni de justice24. Ainsi, au premier degré, le juge doit identifier les points querellés et les demandes y relatives et y répondre. Si le défendeur n’aura pas fait une demande reconventionnelle, le juge saisi ne pourra pas se proposer de lui accorder quoi que ce soit, même si l’équité recommanderait une telle démarche. Il est en effet tenu par le contenu de l’acte introductif d’instance et les conclusions des parties, qui constituent ensemble le contrat judiciaire qui s’impose au juge. En instance d’appel, le juge devra statuer sur l’appel, en misant sur les moyens d’appel relevés par l’appelant, mais il ne pourra pas rejuger les points tranchés par le premier juge qui ne font pas objet de contestation. Ainsi, il se gardera de faire droit à l’intimé qui n’aura pas formé appel incident. IV. Réponse de la Cour La Cour a rendu un arrêt de cassation. La chambre de cassation remet en cause la décision attaquée après avoir constaté que le juge d’appel « n’a pas donné la base de calcul du montant alloué, qu’il n’a pas justifié la réévaluation de la pension à accorder,…». Le juge de cassation a estimé à juste titre que ce manquement constitue un défaut de motifs lors que la motivation d’une décision judiciaire est un principe sacro-saint dans un Etat qui se veut de droit. Le juge de cassation a également censuré le juge d’appel après le constat que ce dernier est allé plus loin en statuant au-delà de ce qui lui était demandé. En effet, le défendeur en cassation n’était pas appelant et n’avait pas non plus fait un appel incident. De plus, il n’apparait nulle part dans le jugement attaqué aucune trace des allégations selon lesquelles elle aurait demandé la révision de la pension alimentaire. La même observation vaut en ce qui concerne la décision du juge d’appel quant à la résidence séparée des époux. A cet égard, le juge de cassation rappelle qu’il est « permis au juge de prendre des mesures provisoires dans l’intérêt d’une des parties qui le demande mais que le juge accorde ces mesures dans les limites de la demande et en proportion des besoins et des ressources des parties». Le juge de cassation rappelle ainsi au juge d’appel qu’il « était ténu de statuer dans les limites de la demande » et qu’ « il ne pouvait accorder plus que le premier juge n’avait accordé». Ibidem 23 Ibidem. 24 Ibidem. Le déni de justice est le refus pour les juges de répondre aux requêtes ou la négligence de juger les affaires en état ou en tour d’être jugées (S.GUINCHARD (sous la direction de), Lexique des termes juridique¸ 17ème édition, Dalloz, Paris, 2010, p.246). 22 V. Conclusion L’arrêt RCC 7666 est un arrêt de principe qui précise et renforce le principe de l’interdiction de statuer infra ou ultra petita. L’arrêt devrait inspirer et servir de référence à nos cours et tribunaux qui, souvent laissent transparaître un sentimentalisme dans leurs décisions, en violant le contrat judiciaire ou l’effet dévolutif de l’appel. L’arrêt pourrait aussi servir de leçon aux juges du fond qui ignorent leur rôle d’arbitre pendant le procès, en se faisant passer à la fois pour juge et partie. 3° AFFAIRE/RCC 7687 Les Mots Clés Article 57 bis du code de procédure civile : contrat de vente – erreur et vice du consentement- exception d’irrecevabilité jugement avant faire droit – évocation et conditions légales. LA COUR SUPREME SIEGEANT EN CHAMBRE DE CASSATION EN MATIERE CIVILE A RENDU L’ARRET SUIVANT EN AUDIENCE DU 26/101998 EN CAUSE : BERTRAND BOISSELET : représenté par Me NZEYIMANA Laurent CONTRE : RUBANDA Côme Vu la requête en cassation introduite le 26/6/1995 par Me NZEYIMANA Laurent agissant pour le compte de Bertrand BOISSELET et enregistrée au greffe de la Cour Suprême le 23/6/1995 demandant la cassation de l’arrêt RCA 2721; Vu l’arrêt RCA 2721 rendu par la Cour d’appel de Bujumbura en date du 21/2/1994 et dont le dispositif est ainsi libellé « La Cour dit l’appel recevable mais partiellement fondée, « Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau « Condamne l’appelant à payer à l’intimé une indemnité compensatoire de 40 du prix lui payé par l’intimé soit 340.000 FBU; « Dit que cette somme sera majorée d’intérêts judiciaires à 6% l’an depuis le jour du prononcé du présent arrêt; « Met les frais à charge des deux parties »; Vu la signification de l’arrêt à Me NZEYIMANA Laurent, signification intervenue le 25/04/1995; Vu comme déjà dit précédemment la requête en cassation parvenue au greffe de la Cour Suprême le 23/6/1995 et que par conséquent elle doit être déclarée recevable parce qu’elle a été introduite dans les délais; ATTENDU que le défendeur en cassation n’a jamais été signifié de la requête introduite par Me NZEYIMANA Laurent pour le cas de Bertrand Boisselet; Vu la fixation de la cause par l’ordonnance du Président de la Cour Suprême du 27/11/1997 par laquelle il donna acte au demandeur 27 en cassation du dépôt de sa requête et ordonna que cette requête et la même ordonnance soient signifiées au défendeur en cassation et qu’assignation lui soit donnée de comparaître devant la chambre de cassation à son audience publique du 23/1/1998 aux fins d’y présenter ses dires et moyens de défense et entendre statuer sur les mérites du recours exercé; premier et dernier ressort et, de la sorte, admettre comme par au procès les parties intervenantes; Vu l’appel de la cause aux audiences successives du 23/1/1998; 23/3/1998 au cours desquelles toutes les parties firent défaut et la cause fut remise au 15/5/1998; Attendu que de l’avis du défendeur, la Cour n’avait pas besoin d’entendre les parties intervenantes dans la présente cause; Vu spécialement l’audience publique du 15/5/1998 au cours de laquelle toutes les parties firent défaut comme d’habitude et la Cour décida de prendre la cause en délibéré pour statuer sur pièces; Vu l’arrêt avant faire du droit du 29/5/1998 qui décida la réouverture des débats pour régularisation de la procédure et remit la cause en prosécution à l’audience publique du 17/7/1998; Vu l’audience publique du 17/7/1998 au cour de laquelle seul le conseil du requérant comparut tandis que le défendeur fit défaut et la cause fut remise au 11/9/1998 pour permettre à la Cour de céans de se faire de se faire communiquer le dossier de la Cour d’Appel; Vu l’appel de la cause à l’audience publique du 11/9/1998 au cours de laquelle toutes les parties comparurent, le requérant par le biais de son conseil Me NZEYIMANA Laurent; Vu qu’à cette audience, les parties demandèrent et à Cour de statuer en se basant sur les écritures du conseil du requérant et la même Cour décida de prendre la cause en délibéré pour statuer sur pièces comme suit : Attendu qu’en date du 14/9/1998, sieur RUBANDA Côme, défendeur dans la présente action fit parvenir à la Cour une note en délibéré dans laquelle il répondait aux différents moyens de cassation d’autant plus qu’il n’avait pas encore répliqué à la requête de Me NZEYIMANA Laurent; Attendu que le pourvoi en cassation introduit par Bertrand Boisselet par le biais de son conseil Me NZEYIMANA Laurent repose sur trois (3) moyens à savoir : – 1er moyen : méconnaissance de la loi en ce qui concerne les conditions de l’évocation – 2ème moyen : méconnaissance des dispositions légales concernant l’erreur sur la substance. – 3ème moyen : non réponse à conclusions sur la demande reconventionnelle Attendu que sous le premier moyen, le conseil du requérant reproche à l’arrêt entrepris d’avoir méconnu la loi en ce qui concerne les conditions de l’évocation; Attendu que, poursuit le même conseil, le juge d’appel a fait une application inadéquate de l’article 57 bis du code de procédure civile, en méconnaissant le deuxième alinéa de cette disposition qui permet l’évocation même pour les jugements définitifs lorsqu’il y a eu vices de forme ou toute autre cause; Attendu que, conclut le conseil du requérant le juge d’appel s’est refusé à torts d’infirmer le premier jugement et de statuer en Attendu que le défendeur en cassation dans sa note en délibéré du 10/9/1998 comme réponse au premier moyen, soutient qu’il n’ya jamais eu de vices de forme quant à l’arrêt rendu; Attendu qu’effectivement, le conseil du requérant avait soulevé in limine litis l’exception d’irrecevabilité, que la Cour devait d’abord se prononcer sur cette exception avant de juger au fond; Attendu que le même conseil avait précisé que les conclusions au fond seront versées et plaidées après que la Cour aura déjà statué sur l’exception; Attendu néanmoins que la Cour a rendu un arrêt définitif sur le fond alors que l’exception soulevée n’avait pas été tranchée qu’il n’y avait pas eu plaidoiries quant au fond; Attendu que de l’avis de la Cour de céans, la Cour d’appel devait infirmer le premier jugement intervenu et de statuer en premier et dernier ressort sur le litige qui lui était soumis; Attendu qu’en ce qui concerne la comparution des parties intervenante dans la présente cause, il ressort de la consultation du dossier du second degré que ces parties n’ont jamais été assignées; Que dès lors, il serait quelque peu surprenant que des personnes qui n’ont jamais été assignées puissent être considérées comme parties au procès et être éventuellement condamnées; qu’en conséquence le premier moyen est partiellement fondée; Attendu que sous le deuxième moyen il est reproché au juge d’appel d’avoir méconnu les dispositions légales concernant l’erreur sur la substance; Attendu que pour le conseil du requérant, l’arrêt entrepris ne contient pas une motivation concernant la conviction du juge d’appel relative à l’erreur sur la substance; Attendu que pour le requérant, le juge d’appel comme le défendeur n’ont pu prouver que l’année de fabrication constituant une erreur destructrice du consentement; Attendu qu’au niveau d’appel, le conseil de l’appelant avait indiqué que la seule année de fabrication n’a pas suffi à déterminer le défendeur en cassation à acheter le véhicule; Qu’il y a d’autres qualités du véhicule qui ont amené l’acheteur à contracter notamment la marque du véhicule, sa robustesse, son apparence esthétique, son confort, etc. Attendu que le même conseil de l’appelant avait soutenu qu’il ne fallait pas se limiter seulement à la définition objective de l’erreur sur la substance de la chose objet du contrat mais qu’il faut rechercher quelle a été l’intention commune des parties; Attendu que le juge d’appel tout comme l’intimé ont soutenu que le fait pour l’acheteur d’avoir exigé au vendeur de marquer dans l’acte sous seing privé l’année de fabrication du véhicule établit à suffisance que cet élément a beaucoup joué dans la détermination de son cocontractant à contracter; Attendu que de l’avis du conseil 28 du requérant dans sa lettre de pourvoi, le défendeur lui-même et le juge d’appel dans son arrêt n’ont pu prouver que l’année de fabrication constituait une erreur destructrice du consentement; Attendu que telle est également la position de la Cour de céans sur le deuxième moyen qu’elle trouve également fondé; Attendu que le troisième moyen invoqué par le conseil du requérant est la non réponse à conclusion sur la demande reconventionnelle; Attendu que pour le conseil du requérant, le demandeur doit être remboursé, par les parties intervenantes, des frais exposés pour le remplacement des pièces défectueuses du véhicule, soit 84.202 FBU; Attendu que toujours de l’avis du même conseil, le juge d’appel n’y a pas statué à la suite du rejet de la procédure d’évocation qui aurait dû mettre en cause les parties intervenantes; Attendu que comme il a déjà été dit ci-dessus en réponse au premier moyen, le fait pour le juge d’appel de ne pas avoir infirmé le premier jugement et évoquer l’affaire quant au fond, cela n’a pas permis au demandeur en cassation de plaider ses conclusions relatives à la demande reconventionnelle; Attendu que la Cour de céans est d’avis que le juge d’appel n’a pas répondu aux conclusions de l’appelant qui est l’actuel demandeur en cassation en ce qui concerne la demande reconventionnelle invoquée par lui; Attendu que par ailleurs, que la décision attaquée est elle-même entachée de vices de forme lorsqu’elle déclare ce « maintenir la vente telle que viciée mais en la purifiant par une indemnité compensatoire »; Par tous ces motifs : Attendu que la Cour trouve également fondé ce moyen, que par conséquent l’arrêt RCA 2721 mérite cassation; La Cour, Vu le Décret-loi n°1/008 du 6 juin 1998 portant promulgation de l’acte constitutionnel de transition; Vu la loi n°1/004 du 14 janvier 1987 portant code de l’organisation et de la compétence judiciaires; Vu le Décret-loi n°1/51 du 23 juillet 1980 relatif au pourvoi en cassation et à la procédure suivie devant la chambre de cassation de la Cour Suprême; Statuant contradictoirement et publiquement après en avoir délibéré conformément à la loi; Ouï le Ministère Public en son avis écrit; Déclare le pourvoi en cassation introduit par Me NZEYIMANA Laurent pour le compte de Bertrand Boisselet recevable entièrement fondé; Casse en conséquence l’arrêt RCA 2721 rendu par la cour d’appel de Bujumbura en date du 21/2/1994 et le renvoie devant la même Cour autrement composée; Ordonne l’inscription du dispositif du présent arrêt en marge de l’arrêt RCA 2721 cassé; Ainsi arrête et prononcé à Bujumbura en audience publique du 26/10/1998 où siégeaient NDAYISENGA Ladislas Président, HAVYARIMANA Fidèle et SABUWANKA Dévote Conseillers, assistés de KANYONI Bernard 0.M.P. et de HABIYAMBERE Ignace Greffier; Le Président : NDAYISENGA Ladislas (Sé) Les Conseillers : HAVYARIMANA Fidèle (Sé); SABUWANKA Dévote (Sé) Le Greffier : HABIYAMBERE Ignace (Sé) COMMENTAIRE DE L’AFFAIRE RCC 7687 L’arrêt RCC 7687 a été rendu le 26 octobre 1998 par la Chambre de cassation de la Cour suprême entre Monsieur BOISSELET Bertrand (demandeur en cassation) et RUBANDA Côme (défendeur en cassation). Dans le commentaire qui suit, il sera successivement question du résumé des faits et de la procédure, des arguments et thèses développés par les parties, de la discussion des questions juridiques en cause et de la réponse de la Cour. Une petite conclusion terminera le commentaire. I. Résumé des faits et de la procédure Monsieur BOISSELET Bertrand, après avoir vendu son véhicule à Monsieur RUBANDA Côme, se voit actionné en justice par l’acquéreur pour vice de consentement tiré de l’erreur sur l’année de fabrication. Le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura rendra un jugement avant faire droit pour statuer sur une exception de procédure soulevée par le défendeur. N’ayant pas été satisfait de ce jugement, il interjeta appel devant la Cour d’appel de Bujumbura. Devant l’instance d’appel, l’appelant soulève l’exception d’irrecevabilité et précise que les conclusions au fond seraient versées et plaidées après que la Cour aurait statué sur l’exception soulevée. Curieusement, la cour d’appel rendra l’arrêt RCA 2721 en date du 21 février 1994, un arrêt définitif sur le fond alors que l’exception soulevée n’avait pas été tranchée et sans que les parties n’aient pu discuter le fond de l’affaire. C’est contre cet arrêt qu’il va être formé pourvoi sous le RCC 7687. II. Les arguments et thèses développés Le demandeur en cassation reproche au juge d’appel d’avoir évoqué le fond de la cause sans respecter les conditions légales posées par l’article 57 bis du code de procédure civile en vigueur à l’époque. Le juge d’appel a vidé l’affaire au fond sans se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité qui avait été opposée par le vendeur. Le défendeur se contentera juste de soutenir qu’il n’y a pas eu de vice de forme dans l’arrêt attaqué. Il est en outre allégué la méconnaissance des dispositions légales sur l’erreur comme vice de consentement. Pour le demandeur en cassation, le juge d’appel ne montre pas en quoi l’erreur sur l’année de fabrication du véhicule acheté est destructrice du consentement. Et pour le défendeur, le seul fait que l’acheteur ait 29 exigé que l’année de fabrication soit faite mention dans l’acte de vente prouve à suffisance qu’il s’agissait d’un élément substantiel du contrat. III. Les questions de droit en cause Deux questions juridiques se posent dans l’arrêt à savoir l’évocation et l’erreur comme vice de consentement. L’évocation L’évocation est un mécanisme qui permet au juge d’appel de se prononcer en même temps sur le fond de l’affaire alors que l’appel ne concerne au départ qu’un jugement avant faire droit. Cette question, dont le siège se trouvait être l’article 57, bis du code de procédure civile de l’époque, constitue une exception à la règle dans la mesure où le fond de l’affaire sera privé du principe du double degré de juridiction. Le juge d’appel statue dans ce cas en premier et dernier ressort relativement au fond. C’est pourquoi la décision d’évoquer doit obéir à un certain nombre de conditions : D’abord, il faut que l’appel concerne un jugement avant faire droit qui est interlocutoire, c’est-à-dire un jugement rendu lorsque le juge ordonne une preuve, une vérification ou une instruction qui préjuge du fond ; Ensuite, il faut que le jugement attaqué en appel soit avant tout infirmé ; Enfin, il faut que la matière soit disposée à recevoir un jugement définitif, ce qui revient à dire que la preuve, la vérification ou l’instruction objet du jugement appelé ait suffisamment « préjugé ». Et lorsque le juge d’appel décide d’évoquer quant au fond, il doit raisonnablement en informer les parties et les inviter à plaider sur le fond. L’erreur, vice de consentement L’erreur est une représentation inexacte de la réalité. C'est-à-dire que lors de la conclusion du contrat, l’un des contractants s’est trompé sur l’un des éléments du contrat. Il faut noter que toute erreur ne rend pas le consentement vicié. Il faut qu’il s’agisse d’une erreur substantielle qui porte ainsi sur l’élément ayant déterminé l’autre à s’engager. Et pour obtenir la nullité de l’acte pour erreur, celui qui s’en prévaut doit effectivement en apporter la preuve. Le contractant doit prouver à la fois son erreur et le caractère déterminant de celle-ci. Et lorsque l’erreur revêt un caractère subjectif, c'est-à-dire lorsqu’elle s’attache à un élément du contrat qui n’aurait pas été déterminant pour la moyenne des individus, il faut aussi la preuve que le cocontractant connaissait, ou aurait dû connaître, l’élément 25 qui a été déterminant pour la victime de l’erreur . IV. La réponse de la Cour La Cour a cassé l’arrêt entrepris sur base d’un double constat. D’abord, le juge d’appel a porté un regard aveugle sur les conditions légales d’évocation. Il ne devait légalement pas évoquer sans infirmer le jugement du juge de premier degré, sans débat contradictoire sur les points litigieux, et sans se rassurer que la matière était disposée à recevoir un jugement définitif. En outre, le juge d’appel ne montre pas en quoi l’erreur sur l’année de fabrication avait été déterminante pour l’acheteur. V. Conclusion Malgré que l’arrêt RCC 7687 soit un arrêt d’espèce de part sa timidité à faire des affirmations de principes et le manque de rigueur dans sa motivation, il a le mérite d’avoir donné une solution juste aux questions juridiques posées. La timidité et le manque de rigueur apparaissent par exemple lorsque, en répondant au deuxième moyen, la Cour se borne à faire l’affirmation suivante : « Attendu que telle est également la position de la Cour de céans sur le deuxième moyen qu’elle trouve également fondé » (3ème feuillet, 13ème Attendu ». En outre, on remarque que le juge de cassation a pertinemment relevé un moyen d’office, mais là non plus, il ne fait aucune affirmation de principe et n’apporte aucune précision. En effet, comme il ressort de l’avant-dernier « Attendu » de l’arrêt, la Cour critique le juge d’appel pour avoir décidé de « maintenir la vente telle que viciée mais en la purifiant par une indemnité compensatoire ». A part cette affirmation, le juge de cassation ne dit pas en quoi l’option du juge d’appel est acceptable. Autrement dit, il n’explique pas pourquoi on ne peut pas « maintenir la vente en la purifiant telle que viciée mais en la purifiant par une indemnité compensatoire ». La Cour relève ce moyen sans plus, en ne montrant pas en quoi le juge d’appel a péché. 4° AFFAIRE/RCC 8050 Les Mots Clés Art.11 du décret-loi n°1/038 du 7 juillet 1993 - Circulaire n° 1/59 du Mwami du Burundi du 5 août 1959 - Prêt à intérêt (conventionnel) taux d’intérêt usuraires (annuel, hebdomadaire) - intérêts judiciaires - monopole institutions financières - faux témoignage ; SENTARE NTAHINYUZWA IGISATA CA GASAMBURA MANZA YACIYE URUBANZA RUKURIRA : Intahe y’icese yo kuwa 29 mukakaro 1994. Uwitwara : NKURIRANGENDA : Bujumbura; Uwitwarirwa : Bujumbura; MBONIHANKUYE : Mutakura, Meri ya Musaga, Meri ya Twihweje urubanza RCA 3265 rwaciwe na sentare nkuru y’Igihugu ya Bujumbura narwo rukaba ruvuga ruti: « Sentare, Yakiriye iyunguruzwa ry’urubanza mugabo ivuze ko imburano za MBONIHANKUYE « Zidashemeye; « Ivuze ko kandi inyungu ababuranyi bemeranije itemewe n’amategeko kuko; « ari iyumurengera ( taux usuraire); 25 Boris STARCK, Droit civil. Introduction, Librairies Techniques, Paris, 1972, p. 423. 30 « MBONIHANKUYE ategetswe guha NKURIRANGENDA inyungu ya 15% kumwaka »k’umutahe wa 150.000 Frs yamaranye amezi cumi n’indwi (17) n’ukuvuga « 25.875 Frs(31.875.6000 Frs) = 25.875 Frs; « Amagarama n’atangwe na MBONIHANKUYE » Twihweje ko urwo rubanza NKURIRANGENDA yarumenyeshejwe italiki 29/6/1992; Salvator Twihweje ko ku wa 30/6/92 NKURIRANGENDA yandikiye iyi sentare ayisaba kob yomusamburira urubanza RCA 3265; Twihweje ko ku wa 16/12/92 MBONIHANKUYE yanditse ikete ryo kwitegura kuko kw’iTariki 26/11/92 yari yaronse urupapuro rumumenyesha yuko nkurirangenda yasavye gusambuza urubanza rwa sentare nkuru y’igihugu; Twihweje ko kuwa 10/5/94 umukuru wa sentare ntahinyuzwa afashijwe n’umwanditsi baciye bashira urwo rubanza kurutonde rw’imanza zizohamagarwa italiki 24/6/1994; Twihweje ko kuri uyo munsi urwo rubanza rwayiye ruhamagagwa ababuranyi bose bakitaba bakaburana urubanza rugaca ruja mu mwiherero kugirango sentare ice urukurikira : Kubera ko NKURIRANGENDA avuga yuko ikirego cambere co gusambura urubanza ari uko ngo amasura yabeshe igihugu gikoranye gushika naho ayo masura amwita amazina atitwa, ko bamubesheye ariko bitabujije ko umushikirizamanza arekura ayo masura; Yihweje itegeko bwirizwa n°1/51 ryo ku wa 23/7/1980 ryerekeye ingene imanza ziringanizwa muri gasamburamanza; Imaze kumviriza abavukanyi bahinyuzanya imbona nkubone, iciyunviro c’umushikirizamanza cumvirijwe; Ishize urubanza mu mwiherero w’abacamanza nkuko amategeko abivuga; Ishinze ko yakiriye isambuzwa ryurubanza kuko ryagizwe mu ndagano ariko ivuze ko ridashemeye; Irahakanye gusambura urubanza RCA 3265 rwaciwe na sentare Nkuru y’igihugu ya Bujumbura; Itegetse kob iyo ngingo izokwandikwa mu gitabo c’imanza z’iyo sentare iruhande y’urubanza rudasambuwe; Amagarama atangwa na NKURIRANGENDA : 2900 frs; Uko niko ruciwe kandi ruvuzwe i Bujumbura ku wa 29/7/1994 hashashe Gérard SINDAYIGANZA Umukuru w’Intahe, NYANKIYE Adrien na Fidèle HAVYARIMANA abacamanza bafashijwe na BARENGA Liboire umushikirizamanza Mukuru na HABIYAMBERE Ignace umwanditsi. Umukuru w’Intahe : SINDAYIGAYA Gérard (Sé) Abacamanza : NYANKIYE Adrien (Sé); HAVYARIMANA Fidèle (Sé) Umwanditsi : HABIYAMBERE Ignace (Sé) Kubera ko ikindi kirego ari uko ngo sentare yamuciriye inyungu ya 15% kandi hariho inyungu ya 2000 frs kundwi biyunvikaniye ngo nuko itemejwe n’amategeko; Kubera ko MBONIHANKUYE nawe kuvyerekeye ikirego ca mbere avuga yuko sentare ariyo imenya ingene ica imanza zayo ikurikije amategeko kuko noneho ngo ntajejwe kuyigenzura; COMMENTAIRE DE L’ARRET 8050 I. Introduction Kubera ko kukirego cakabiri MBONIHANKUYE avuga ati Sentare Ntahinyuzwa niyabakenera izobiyunviririza (amasura) ko ahasigaye avuga kob ugwego rujejwe kuraba ko amasura yasuye canke atasuye rwakurikije amategeko n’agateka ka muntu; L’arrêt RCC 8050 a été rendu par la Chambre de Cassation de la Cour Suprême du Burundi en date du 29 juillet 1994. L’affaire opposait NKURIRAGENDA (demandeur en cassation) et MBONIHANKUYE (défendeur en cassation). Kubera kuvyerekeye amasura uwasavye gusambuza urubanza avuga yuko amasura yabeshe ariko sentare yivugiye yonyene ko ivyo amasura yasuye idashobora kubifatirako kuko bitagira aho bihagaze; ko rero ico kirego ataho gihagaze namba arico gituma urubanza rutosambuka kubera ico; Le commentaire de cet arrêt exige successivement une brève relation des faits et de la procédure, la présentation des arguments et thèses développés par les parties, l’exposé de la réponse de la Cour, la discussion des questions de droit en cause et une conclusion qui en apprécie la valeur et la portée. Kubera izo mpamvu : II. Résumé des faits et de la procédure de la cause Kubera ko kuvyerekeye inyungu sentare yasanze 2000 frs ku ndwi ari umurengera arico gituma yaciye inshinga 15% ku mwaka, ko rero kur’ico kibazo sentare tubonako, atategeko yarenze ahubwo yakurikije amategeko n’ubutungane, kob rero ico kirego naco nyene kidashemeye gutuma urubanza rusambuka; yihweje ibwirizwa shingiro rya Republika y’uburundi; Le pourvoi est formé contre le jugement RCA 3265 rendu par le Tribunal de Grande Instance en Mairie de BUJUMBURA, en instance d’appel. A l’origine du litige, Monsieur MBONIHANKUYE a reçu des mains de Monsieur NKURIRAGENDA un montant de 150.000 FBU qu’il a gardé pendant 17 mois. Les parties s’étaient convenues d’un intérêt de 2.000 FBU par semaine. Les termes de la convention n’ayant pas été respectés, les parties ont finalement emprunté les voies judiciaires. Yihweje ibwirizwa n°1/004 ryo ku wa 14/1/1987 ryerekeye iringanizwa n’ububasha bwa sentare; Le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura, saisi au degré d’appel, a jugé que l’intérêt fixé par les parties était illégal, Sentare ntahinyuzwa, igisata ca gasamburamanza, 31 son taux étant usuraire. Le juge du fond a, en conséquence, condamné Monsieur MBONIHANKUYE à rembourser à Monsieur NKURIRAGENDA, le capital reçu avec un intérêt plutôt de 15 % l’an. Monsieur NKURIRAGENDA, formera pourvoi contre ce jugement du Tribunal de Grande Instance en Marie de BUJUMBURA sous le RCC 8050. III. Arguments et thèses développés par les parties Le pourvoi est soutenu par deux moyens à savoir que les témoins entendus ont fait de faux témoignages et que le juge a assigné au capital un intérêt de 15 % l’an alors que les parties avaient conventionnellement arrêté un intérêt de 2.000 FBU la semaine. Pour le défendeur en cassation, et en réaction au premier moyen, l’autorité compétente pour instruire le faux témoignage a été saisie et s’est prononcée conformément à la loi et à la dignité humaine. Le même défendeur estime que le juge de cassation pourra toujours entendre les témoins s’il le juge nécessaire. Concernant le deuxième moyen, Monsieur MBONIHANKUYE estime que ce n’est pas de son devoir de censurer le juge qui sait comment trancher les affaires qui lui sont soumises conformément à la loi. Avant d’aborder la réponse de la Chambre de cassation au pourvoi, nous nous devons de faire remarquer que les moyens de cassation tels qu’exposés par le demandeur en cassation et la réplique du défendeur, confirment que le sens et la finalité du pourvoi en cassation demeurent inconnus de la population burundaise. En effet, il n’est nul besoin d’expliquer que les deux moyens présentés ne sont pas des moyens de cassation, alors qu’il est clair que le jugement entrepris accuse des cas d’ouverture à cassation qu’on peut cibler sans trop chercher. Le défendeur quant à lui ne comprend pas que la procédure de cassation ne se déroule pas devant une juridiction du fond mais devant une juridiction de jugement. IV. La réponse de la Cour au pourvoi Pour le moyen tiré de faux témoins, la Cour a estimé qu’il ne pouvait pas valoir cassation dans la mesure où le Tribunal de Grande Instance en Mairie de BUJUMBURA avait clairement relevé qu’il n’a accordé aucun crédit aux témoignages qui se sont révélés sans fondement. C’est donc à juste titre que la Cour a écarté ce moyen, en ce sens que le juge du fond n’a nullement fondé son intime conviction sur les témoignages critiqués. Bien plus, le faux témoignage étant une infraction pénale, la Cour ne pouvait pas casser le jugement entrepris pour ce moyen alors que le parquet saisi de l’infraction avait conclu au non- lieu. Concernant le deuxième moyen, la Cour a estimé qu’en substituant un intérêt judiciaire de 15 % l’an à un intérêt conventionnel de 2.000 FBU la semaine, le Tribunal de Grande Instance en Mairie de BUJUMBURA s’en est tenu à la loi et conformément au droit et à la justice. Le monopole des établissements financiers Aux termes de l‘article 11 du décret-loi n°1/038 du 7 juillet 1993 portant règlementation des banques et des établissements financiers, loi qui était en vigueur à l’époque, il est interdit à toute personne physique ou morale autre qu’une banque ou un établissement financier, d'effectuer les opérations que ceux-ci exercent d’une manière habituelle». Les opérations que les banques et les établissements financiers exercent à titre habituel sont, en vertu de l’article 3 de la même loi, la réception des fonds du public, les opérations de crédit et la mise à la disposition de la clientèle des moyens de paiement et la gestion de ceux-ci. Or, Monsieur NKURIRAGENDA avait, rappelons-le, donné à MBONIHANKUYE un capital de 150.000 FBU moyennant un intérêt de 2.000 FBU la semaine, ce qui est une opération de crédit qui rentre, par définition, dans le monopole des établissements financiers. Autant dire que la Cour, en cautionnant l’idée qu’un particulier pouvait effectuer une opération de crédit, a porté atteinte au principe du monopole des établissements financiers consacré, à l’époque de l’arrêt, par l’article 11 de la loi précitée. Les activités des établissements financiers avaient d’ailleurs été organisées bien avant par la loi n°1/2 du 3 janvier 1976 portant règlementation des institutions financières, texte qui ne laisse aucune place aux particuliers voulant effectuer des opérations de crédit. Les intérêts judiciaires Les intérêts judiciaires sont aujourd’hui de 6% l’an en matière civile et de 8% l’an en matière commerciale, et ces intérêts commencent à courir à partir de l’assignation. Sans doute, nos cours et tribunaux se fondent implicitement sur la circulaire n° 1/59 du Mwami du Burundi du 5 août 1959 libellé comme suit : « Dans ma circulaire n°5/57 du 28 octobre 1957, je vous exposais qu’en vue d’arriver à mettre fin à l’exploitation abusive du pauvre par le riche en matière de prêts à des taux usuraires, le taux d’intérêt était ramené à un maximum de 25 % et que cette mesure était transitoire. En effet, les conditions du taux ainsi fixé restaient encore déraisonnables au regard de l’équité. J’estime qu’actuellement le moment est venu de réduire définitivement le taux d’intérêt à sa juste mesure : celle que dictent la justice et l’honnêteté. Il s’impose donc, dès maintenant, d’aligner le taux d’intérêt sur des normes généralement admises par les établissements de crédit ; aussi aije décidé que la coutume de l’Urundi fixerait désormais le taux d’intérêt à six pour cent l’an maximum. Vos jugements n’admettront donc pas d’autre taux d’intérêt supérieur à celuilà …...». Il est superfétatoire de mentionner que le taux de 6 % l’an est aujourd’hui dérisoire et devrait être revu à la hausse, surtout que certains praticiens du droit y voient un encouragement des manœuvres dilatoires, les débiteurs préférant fructifier pendant un temps le montant de la dette, sachant effectivement que le taux d’intérêt judiciaire est très minime. V. Questions juridiques VI. Conclusion La réponse de la Cour au deuxième moyen de pourvoi met en cause deux questions juridiques à savoir le monopole des établissements de crédit et le taux des intérêts judiciaires. Le juge de cassation a rendu un arrêt de rejet mais pourtant le jugement entrepris renfermait des moyens qui valaient la cassation. On s’expliquerait mal en effet comment l’arrêt a cautionné l’idée qu’un particulier pouvait exercer des opérations de crédit alors que ces dernières rentrent dans le monopole des 32 établissements financiers selon le vœu de la loi précitée qui consacrait ce monopole. En outre, en admettant un taux d’intérêt judiciaire de 15 %, simplement en substitution d’un intérêt conventionnel estimé usuraire, la Cour Suprême a manqué une belle occasion de rendre un arrêt de principe qui corrigerait l’anachronisme du taux d’intérêt judiciaire pratiqué aujourd’hui dans nos cours et tribunaux. En effet, dans sa fonction normative, devant le silence ou l’insuffisance de la loi, la Cour Suprême a le devoir de poser des règles des règles générales et abstraites à la fois élaborés et précises dont elles assure la sanction en censurant les juridictions inférieures qui ne les respectent pas, et l’évolution 26 en les modifiant, quand elles lui paraissent dépassées . “Ikomeje ingingo ya kabiri y’ urubanza RC 1683/(Git rwaciwe na Sentare Nkuru y’Igihugu ya Gitega; Enfin, la Cour a juste précisé que par la fixation d’intérêts au taux de 15 % l’an, le juge du fond s’est conformé à la loi et à la justice, sans indiquer à quel texte elle faisait référence. Et ce texte est tout simplement inexistant. Twihweje ko BARICANA Aloys yamenyeshejwe ku wa 10/10/2001 ko umuburanyi wiwe yasavye isambuzwa ry’urwo.rubanza agaca nawe yiregura mu rwandiko yashikirije Sentare ku wa 4/10/2002; 5° AFFAIRE/RCC 9476 Twihweje ko mw’ikete ryashitse mw’iyandikiro ry’imanza ry’iyi Sentare ku wa 20/12/2001 BARICANA Aloys yari yasavye isambuzwa nawe nyene ry’urwo rubanza; Les Mots Clés Articles 204, 205 et 206 du code civil livre III - Vices du consentement – Manœuvres dolosives – Actes sous seing privé – Conventions successives de vente sur un même bien - Unité d’interprétation des règles de droit - Etendue du contrôle de la Cour suprême en instance de cassation – Violation de formes substantielles ou prescrites a peine de nullité –Motivation des décisions (Obligation, absence) - Sens et portée de la notion d’ « insuffisance de motifs ». Chambre judiciaire de la Cour Suprême, le 31 mars 2003 sous le RCC 9476 - (SINDAYIGAYA Gaudence c/ BARICANA Aloys). SENTARE NTAHINYUZWA IGISATA CA GASAMBURAMANZA YACIYE URUBANZA RUKURIKIRA ; Intahe y’icese yo ku wa 31 ntwarante 2003. Uwitwara :SINDAYIGAYA n’umushingwamanza Gaudence: aserukirwa NIYOYANKANA Prosper Uwitwarirwa : BARICANA Aloys, Komine n’Intara ya Cankuzo. Twihweje ikete ryo ku wa 17/8/2001 ry’umushingwamanza NIYOYANKANA Prosper aserukira umupfasoni SINDAYIGAYA Gaudence yandikiye umukuru wa Sentare Ntahinyuzwa asaba isambuzwa ry’urubanza RCA 483iGit rwaciwe na Sentare Nkuru Isubiramwo ya Gitega kw’igenekerezo rya 11/6/2001 Twihweje iyimuriro ry’urwo rubanza rwacitse ruvuga ruti : “Sentare Nkuru Isubiramwo ica imanza zungurujwe zaburanywe imbona nkubone; “Ishinze ko : Yakiriye iyunguruzwa ry’urubanza nkuko ryagizwe na SINDAYIGAYA Gaudence kandi isanze rishemeye mu ruhande ruto; M.-N. JOBARD-BACHELLIER et X. BACHELLIER, Méthode du droit. La Technique de cassation. Pourvois et arrêts en matière civile, 2ème édition, Dalloz, Paris, 1991, p.50. 26 “Itegetse BARICANA Aloys gusubiza SINDAYIGAYA Gaudence amafranga y’ikiguzi yose “ yari yaramuhaye uko ari 4.900.000 FBU n’ukuvuga ko yongerako 800.000 FBU atari ” yashize kuri compte. Ayamuhe ubwo nyene urubanza rusomwe atayamuhaye kugushaka; “Ayatange vyanse bikunze. Atange na 6 % y’inyungu yayo 800.000 FBU, ashireko na 4 % (droit proportionnel). « Amagarama bayatange yose »; Twihweje iciyumviro catanzwe n’Umucamanza wa Sentare be n’icashikirijwe n’umushikirizamanza mukuru kuri runo rubanza; Twihweje ingingo yafashwe n’uwurongoye iyi Sentare ku wa 3/9/2002 yokuburanisha urubanza mu ntahe y’icese yo ku wa 4/11/2002 ikamenyeshwa n’uwuserukira uwitwaye; Twihweje ko kw’igenekerezo rya 3/9/2002 uwitwaye yaciye yandikira umukuru wa Sentare ko yomuhindurira isango yo kuburana ikamushira kuyahafi ari naho urubanza rwaca rushirwa kw’igenekerezo rya 3/10/2002; Twihweje ko kur’iyo sango ababuranyi bitavye bompi ariko urubanza rugasubizwa ku wa 4/11/2002 kugira uwitwariwe atange imburano ziwe; Twihweje ko urubanza rwagiye rurahamagara ku magenekerezo ya 4/11/2002 : 10/1/2003 na 10/3/2003 aho hose rukaba rwigizwa inyuma kugira uwuserukira uwitwaye yishure kw’isambuza mbonerwaho (pourvoi incident) ryashikirijwe na BARICANA Aloys ngo uyu yongere arenguke; Twihweje cane cane intahe y’icese yo ku wa 10/3/2003 aho ababuranyi bitavye bompi. Uwitwaye ari kumwe n’Umushingwamanza wiwe bakaburana bahinyuzanya imbona nkubone, Umushikirizamanza Mukuru amaze gushikiriza iciyumviro ciwe Sentare yaciye inyurwa ishira urubanza mu mwiherero none iciye urukurikira : Kubera ko urubanza RCA 483/Git rusambuzwa rwaciwe na Sentare Nkuru Isubiramwo ya Gitega ku wa 11/6/2001 rumenyeshwa SINDAYIGAYA Gaudence kw’igenekerezo rya 18/6/2001; Kubera ko ibirego vyo kurusambuza biherekejwe n’ikopi yarwo n’amafranga yo gushinga vyashitse mw’iyandikiro rya Sentare Ntahinyuzwa ku wa 17/8/2001 indagano zitegekanijwe zitararengana none vyakiriwe; Kubera ko mu gusambuza urubanza umushingwamanza NIYOYANKANA Prosper aserukira SINDAYIGAYA yagiriza Sentare yaruciye mu mvo ya mbere ko itisunze ingingo za 16, 17 33 na 18 z’igitabu ca gatatu c’amategeko akurikizwa mu manza z’amatati bica bituma ica urubanza rutagira imvo; Kubera ko anegura rero umucamanza ko atashoboye kwerekana ingene SINDAYIGAYA Gaudence yahenze BARICANA Aloys mu masezerano y’ubuguzi bw’inzu bagiriraniye atako arayafuta kandi BARICANA atarivyo yari yamusavye; Ko urubanza rudashigikiwe n’imvo zikwiye rubwirizwa gusambuka; Kubera ko mu kirego ca kabiri, uwitwara yagiriza umucamanza ko atisunze ingingo za 204, 205 na 206 CCL.III mu gihe yakomeje urubanza RC 1683/Git rwa Sentare ya mbere rwanka amasezerano y’ubuguzi ababuranyi basinyiraniye italiki1/3/2000 be n’iyandikwa ry’inzu yaguzwe kw’izina rÿa nyene kugura; Kubera ko yisigura avuga ko umucamanza atatanze imvo zituma ahakana ubwo buguzi agashigikira ubuvugwa ko bwabaye hagati ya GASHANA na BARICANA kandi atacemeza cabwo cerekanywe gurtyo akaba atashoboye gutahura uburyarya bwa nyene kugurisha; Kubera ko mu mvo ya nyuma umushingamanza NIYOYANKANA arega umucamanza ko atishuye ku mburano yamushikirije zijanye n’iyemezwa ry’ubuguzi (validation du contrat de vente) ababuranyi bagiriraniye kw’italiki 1/3/2000 yisunze inzandiko n’ivyemezo yari yamushikirije akabona ko atireguye bikwiye; Ko mu gihe atabindi vyemezo (preuves) bihinyuza ivyo yatanze bibonetse yari guca yegurirwa inzu yaguze; Kubera ko imbere yo kwiregura. BARICANA Aloys yaciye ashikiriza Sentare isambuza mbonerwaho (pourvoi reconventionnel) ku wa 20/12/2001; Ko mugabo ritakiriwe mu gihe yari yamenyeshejwe isambuza ryagizwe na SINDAYIGAYA ku wa 10/10/2001 akaba yari afise iminsi 20 gusa yogushikiriza isambuza mbonerwaho nkuko bitunganijwe n’ingingo y’icenda (9) y’itegeko Bwirizwa n°1/51 ryo ku wa 23/7/1980 ryerekeye isambuza n’iburanishwa ry’imanza muri, Sentare Ntahinyuzwa; Kubera ko tugarutse ku nyishu BARICANA Aloys yatanze ku birego vya SINDAYIGAYA yiregura avuga ko yashimye urubanza kiretse gusa ibijanye n’amafranga 800.000 FRU yategetswe kuriha uwitwara kandi yayahaye NZEYIMANA Anthère (cheque): SINDAYIGAYA izindi nazo akaba yazitanze kugira NZEYIMANA amuronderere « Titre de Propriété » no mu guhinduza (transfert) ntibizotebe bamaze kugura; Kubera ko Sentare gasamburamanza isanga umucamanza aterekanye ingene BARICANA Aloys yatawe mu rudubi igihe cigurishwa ry’inzu kuri SINDAYIGAYA Gaudence kandi amasezerano yanditswe n’iminwe (manuscrit) ariko umukono wa BARICANA akaba nawe nyene atawuhakana; Kubera ko urwo rupapuro rw’amasezerano y’italiki 1/3/2000 ruhambaye mugabo Sentare ataco yaruvuzeko; Kubera ko ata mvo zihagije yatanze kugira yemeze ubuguzi bw’italiki 23/3/2000 bwabaye hagati ya BARICANA na GASHANA agahakana gusa ubw’italiki 1/3/2000 bwabaye imbere kandi amahera .bari basezeranye yari yarishwe agakoreshwa na nyene kugurisha ntiyihute noguca ayasubiza kuva aho aronkeye iyo nyishu ya GASHANA ashingirako; Kubera ko urwo ruhanza rusambuzwa rutatohojwe bihagije, n’umushingamanza Mukuru akaba yaremeje mu ntahe y’icese yo ku wa 10/3/2003 ko rukwiye gusubirwamwo; Ko rero urubanza RCA 483 rukwiye gusamburwa rugakosorwa amahinyu rufise hakagirwa itohoza rikwiye kur’ubwo buguzi bwa BARICANA na SINDAYIGAYA kugira Sentare ibone kubona koko ko BARICANA yatawe mu rudubi canke ya bigize nkana; Kubera izo mvo zose: Sentare Ntahinyuzwa igisata ca gasamburamanza; Yihweje ibwirizwa n°1/017 ryo ku wa 28 Gitugutu 2001 ryerekeye Ibwirizwa Nshingiro Mfatakibanza rya Republika y’ Uburundi; Yihweje Ibwirizwa n°1/004 ryo ku wa 14 Nzero 1987 ryerekeye iringanizwa ry’amasentare n’ububasha bwazo; Yihweje Itegeko-Bwirizwa n°1/51 ryo ku wa 23 Mukakaro 1980 ryerekeye isambuzwa n’iburanishwa ry’imanza muri Sentare Ntahinyuzwa; Yumvise iciyumviro C’umushikirizamanza Mukuru; Kubera ko ku bijanye n’ubuguzi bwa be na SINDAYIGAYA avuga ko bwari buhagaze ku nyishu yari guhabwa na GASHANA Joseph ku kete yari yashiriwe na NZEYIMANA Anthère, intumwa y’uwitwara (musazawe) kugira amenye ko GASHANA yahevye kugura iyo nzu kuko bari bavyumvikanye hanyuma abone kugurisha na SINDAYIGAYA; Ica imanza imbona nkubone ikuye urubanza mu mwiherero w’abacamanza nkuko amategeko abitunganya; Kubera ko ngo baciye bamushirira amafranga kuri compte aho kumuzanira inyishu ya GASHANA; Irasambuye rero urwo rubanza; Ko inyishu y’iryo kete yayironse atevye GASHANA amutelefonye italiki 21/3/2000 amubaza ivyarivyo aca abona gutahura ko NZEYIMANA yamuhenze ari naho yaca asubiza amafranga SINDAYIGAYA yari yamushiriye kuri compte : Kubera ko ku mpapuro bahanye na NZEYIMANA Anthère italiki 29/2/2000 BARICANA Aloys avuga ko urw’ubuguzi rwari « brouillon » agiye gushirisha ku mashini yongere arwereke Ishinze ko : Yakiriye isambuzwa ry’urubanza RCA. 483/Git rwaciwe na Sentare Nkuru Isubiramwo ya Gitega ku wa 11/6/2001 kandi ivuze ko rishemeye; Irurungikiye iyo sentare ngo iruce ukundi gusha hashashe abandi bacamanza; Iyi ngingo yandikwe mu bitabu vy’imanza vy’iyo Sentare nyene iruhande y’urwo rusambuwe; Amagarama atangwa na BARICANA Aloys nayo ni 22:600 FB11; Uko niko ruciwe kandi rusomwe i Bujumbura mu ntahe y’icese yo ku wa 31 Ntwarante 2003. 34 Hashashe : RWAMO Clémence, umukuru w’intahe, KAMANA Venant na NTIJINAMA Thérèse, Abacamanza, bafashijwe na KANYONI Bernard umushikiriza manza mukuru hamwe na GIRUKWISHAKA Marcelline , umwanditsi. Umukuru w’Intahe : RWAMO Clémence (sé) Abacamanza : KAMANA Venant (sé); NTIJINAMA Thérèse (sé) Umwanditsi : GIRUKWISHAKA Marcelline (sé) COMMENTAIRE DE L’ARRET RCC 9476 I. Introduction L’arrêt RCC 9476 a été rendu par la Chambre judiciaire de la Cour Suprême en date du 31 mars 2003. L’affaire opposait Madame SINDAYIGAYA Gaudence (demandeur en cassation) et BARICANA Aloys (défendeur en cassation). Le commentaire de cet arrêt exige successivement une brève relation des faits et de la procédure, la présentation des arguments et thèses développés par les parties, l’exposé de la réponse de la Cour, la discussion des questions de droit en cause et une conclusion qui en apprécie la valeur et la portée. II. Résumé des faits et de la procédure L’arrêt concerne le pourvoi formé contre l’arrêt RCA 483/Git rendu par la Cour d’appel de GITEGA en date du 11 juin 2001. L’origine du litige se trouve être deux conventions successives de vente portant sur une même maison appartenant à Monsieur BARICANA Aloys. Ce dernier a, en date du 01 mars 2000, vendu sa maison à Madame SINDAYIGAYA Gaudence. En date du 23 mars 2000, il a vendu la même maison à Monsieur GASHANA Joseph. Madame SINDAYIGAYA Gaudence, a ainsi saisi le juge pour qu’elle recouvre ses droits en tant qu’acheteur légitime, ayant conclu le contrat de vente en premier lieu. Et la Cour d’appel de GITEGA, statuant en instance d’appel, a ordonné au vendeur (BARICANA Aloys) de restituer la totalité du prix de vente à Madame SINDAYIGAYA Gaudence. Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 204, 205 et 206 du code civil livre III. Ces dispositions concernent les actes sous seing privé. Sous ce moyen, le demandeur en cassation allègue que le juge d’appel a méconnu ces dispositions en ne reconnaissant pas la validité de la vente intervenue entre Monsieur BARICANA Aloys et SINDAYIGAYA Gaudence, alors que les deux parties avaient signé un acte de vente sous seing privé. Le dernier moyen est tiré du défaut de réponse à conclusion. Le demandeur en cassation prétend que le juge d’appel n’a pas répondu à ses conclusions destinée à démontrer la validité de la convention conclue par les parties en date du 01 mars 2000. Quant au défendeur en cassation, il reprend une discussion en droit à propos surtout des manœuvres dolosives opérées par Madame SINDAYIGAYA Gaudence pour l’amener à contracter. Il empreinte une logique qui ignore le rôle de la Chambre de Cassation de la Cour Suprême, qui juge en droit et non des faits. Et concernant l’acte sous seing privé dont le demandeur en cassation se prévaut, le défendeur estime qu’il s’agissait d’un brouillon. IV. La réponse de la Cour au pourvoi Le juge de cassation a conclu que le juge d’appel n’a pas montré de quelle manière le consentement de Monsieur BARICANA Aloys a été vicié au moment de la conclusion du contrat de vente alors qu’il a dûment signé sur un manuscrit constatant la vente. La Cour a également considéré que le juge d’appel a péché pour n’avoir rien dit sur l’acte de vente du 01 mars 2000 alors que ce document est d’une grande importance. Enfin, le juge de cassation critique le juge d’appel pour n’avoir pas fourni une motivation suffisante pour valider la vente intervenue entre Messieurs BARICANA Aloys et GASHANA Joseph en date du 23 mars 2000 et refuser toute valeur juridique à celle intervenue entre Monsieur BARICANA Aloys et Madame SINDAYIGAYA Gaudence en date du 01 mars 2000. V. Les questions juridiques en cause dans l’arrêt L’arrêt sous commentaire appelle certaines observations en rapport notamment avec l’étendue du contrôle de la Cour suprême en instance de cassation, le sens et la portée de la notion d’ « insuffisance de motifs ». C’est cette dernière qui va se pourvoir en cassation pour les moyens que nous allons aborder sous la rubrique qui suit. L’étendu du contrôle de la Cour suprême par la procédure de cassation III. Arguments et thèses développés par les parties La présente observation tire son fondement dans l’affirmation du juge de cassation libellée comme suit : « Kubera ko urwo rupapuro rw’amasezerano y’italiki 1/3/2000 ruhambaye mugabo Sentare ataco yaruvuzeko» (Attendu que cet acte de la convention du 1/3/2000 est d’une grande importance mais que le juge n’en a dit mot) (4ème feuillet, 1er paragraphe de l’arrêt). Le pourvoi est soutenu par trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des articles 16, 17 et 18 du Code civil livre III. Il s’agit des dispositions relatives aux vices de consentement. Monsieur BARICANA Aloys a en effet prétendu devant le juge de fond que la vente conclue avec Madame Gaudence SINDAYIGAYA l’avait été par des manœuvres dolosives imputables à cette dernière. Pour le demandeur en cassation, le juge d’appel ne montre pas comment l’acheteur a usé de manœuvres dolosives, tout en donnant raison à la partie qui s’en prévaut. La question juridique qui se pose est celle de savoir si le juge de cassation a le pouvoir de censurer le juge de fond à propos de l’appréciation qu’il aura faite de l’importance ou de la valeur probante d’une pièce du dossier. Il est incontestable que le juge de cassation est tenu par des questions de fait jugés par le juge du fond et qu’il est par ailleurs 35 27 un juge de jugement et jamais un juge de fait . Ceci est d’autant plus vrai que le fondement philosophique de la procédure de cassation n’est pas de réapprécier les faits pour rejuger l’affaire. C’est plutôt d’assurer l’unité d’interprétation des règles de droit, de réprimer les écarts trop considérables dans l’application de la loi et 28 de servir de régulateur à la jurisprudence . C’est dans ce sens que l’article 2 du décret-loi n°1/51 du 23 juillet 1980 régissant la procédure de cassation à l’époque, disposait que « lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi en cassation, la Chambre de cassation de la Cour suprême ne connaît pas du fond de l’affaire, mais uniquement de la méconnaissance ou de l’interprétation erronée de la loi et des violations des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité ». L’article 4 de la même loi complétait en énonçant que « la Chambre de cassation de la Cour suprême est tenue par des points de fait jugés par la juridiction ayant rendu la décision attaquée ». Or, on ne peut pas dire que l’appréciation de la valeur probante d’un document relève d’un point de droit. Il s’agit plutôt d’un élément de fait, qui relève par hypothèse de l’appréciation souveraine du juge du fond. Sans nul doute, le juge d’appel est critiquable pour n’avoir pas accordé un intérêt évident au manuscrit matérialisant la vente conclue entre Monsieur BARICANA et Madame SINDAYIGAYA, mais le juge de cassation aurait dû conclure autrement, au défaut de réponse à conclusion par exemple, surtout que la pièce avait été produite pour soutenir et étayer des conclusions et que le défaut de réponse à conclusion avait aussi été présenté comme moyen de cassation par le demandeur. La notion d’insuffisance de motifs L’arrêt qui nous occupe précise à son 4ème feuillet, 2ème paragraphe, que le juge d’appel n’a pas fourni une motivation suffisante pour confirmer le contrat de vente conclu le 23 mars 2000 entre BARICANA et GASHANA et invalider celui du 01 mars 2000 (Kubera ko ata mvo zihagije ....). Ici, l’arrêt a tout l’air de vouloir dire que motivation insuffisante équivaut simplement à motivation non convaincante. Il y a, à la lecture l’arrêt et de l’entendement du juge suprême, une dimension quantitative que le juge d’appel n’aurait pas atteinte pour justifier sa décision. Autrement dit, le juge du fond n’aurait pas démontré amplement la suite nécessaire et suffisante entre les motifs et le dispositif. simplement dire que les motifs existent, mais ils ne suffisent pas à démontrer que la règle de droit a été exactement appliquée. D’autre part, ce n'est pas une violation de la loi, à proprement parler, mais l'insuffisance de motifs ne permet pas de dire si la règle de droit a été correctement mise en œuvre. Nous sommes donc en présence, à la fois, d'une défaillance de motivation (s’apparentant au défaut de motifs) et d'une mise en œuvre incorrecte de la règle de droit. Autant dire que le manque de base légale participe de la double nature du défaut de motifs et de la violation de la loi. Autant dire que l’insuffisance de motifs signifie que le juge a omis, dans son application de la règle de droit, un élément essentiel de cette règle : il y a donc une erreur de droit. Mais, le plus souvent, le manque porte sur la constatation des faits ; c'est donc, dans ce cas, une défaillance de la motivation de fait (et non de droit) qui est sanctionnée. Au demeurant, cette insuffisance de constatation de faits indispensables à la mise en œuvre du droit apparaît bien comme la condition nécessaire du manque de base légale. En effet, si les constatations de fait du juge sont complètes et suffisantes, l'application de la règle étant erronée, le juge de cassation pourra toujours procéder par substitution d'un motif de pur droit au motif de droit erroné du jugement attaqué. Alors que si les constatations de fait sont insuffisantes, le juge de la légalité, tenu par la distinction du fait et du droit, ne pourra pas intervenir. Mais il reste que si l'insuffisance de la motivation du juge du fond concerne le fait, l'erreur qui en découle est une erreur de droit, consistant en une mauvaise application de la règle de droit. VI. Conclusion La Cour a accueilli les moyens présentés par le demandeur et a, en conséquence, cassé avec renvoi l’arrêt RCA 483/Git rendu par la Cour d’appel de GITEGA. Il s’agit d’une décision juste et équitable, tant le juge d’appel a manqué à son devoir de rechercher la vérité judiciaire, de répondre aux conclusions des parties et de motiver son jugement. La décision constitue un arrêt d’espèce. Mais au-delà de cette vision simpliste, l’insuffisance de motifs signifie qu’il y a, en fait, une carence dans la motivation, qui conduit à une erreur dans l'application de la règle de droit. C’est 29 pourquoi on qualifie ce fait de « manque de base légale ». Le manque de base légale ou motivation insuffisante se distingue donc nettement du défaut de motifs et de la violation de la loi. D’une part, ce n'est pas un défaut de motifs qui serait sanctionné comme tel, sans que le fond du droit soit abordé. C’est tout 27 Voir dans ce sens, E. PRIEUR, La substitution de motifs par la Cour de Cassation, Economica, Paris, P.80. 28 Voir J.VINCENT et S.GUINCHARD, Procédure civile, 26ème édition, Dalloz, 2001, p.1009. 29 Voir J. BORE et L. BORE, La Cassation en matière civile, 3ème édition, Dalloz, Paris, 2003, p.387. 36 C. JURISPRUDENCE SOCIALE A cette date la Cour ordonna la remise général des affaires appelées, au 02/06/2000, pour des raisons indépendantes de la volonté ; 1° AFFAIRE / RSC 98 Les Mots Clés Art. 70, alinéa 3 du Code du travail et art. 24 de la Convention collective nationale interprofessionnelle de travail de 1980 Contrat de Travail à durée indéterminée –Licenciement – Motif économique du licenciement – information préalable des représentants du personnel – Conseil d’entreprise -Les règles de forme et de fond pour opérer un licenciement légitime EN CAUSE : SOCIETE SIRUCO : représenté par Maître BANZUBAZE Prosper CONTRE : NTIBANGANA BIRIHANYUMA Marc André, repésenté par Maître Vu la requête du 04 Juin 1999 déposée au greffe de la Cour de céans par Maître Prosper BANZUBAE pour le compte de SIRUCO en vue de faire casser l’arrêt RCA 3381 rendu par la Cour d’Appel de Bujumbura en date du 31 Mars 1999 ; Vu jointe à la requête l’expédition régulière et conforme l’arrêt attaqué dont le dispositif est libellé en ces termes ; « 1. Reçoit l’appel interjeté par la SIRUCO mais le déclare non fondé ; « 2. Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau, dit que le licenciement infligé à sieur NTIBANGANA André est abusif ; « 3. Condamne en conséquence la SIRUCO à payer à ce dernier : « a) 9.309.272 Frs - neuf million trois cent neuf mille deux cent septante deux francs Burundi à titre de réparation du préjudice matériel ; « b) 1.000.000Frs - un million de francs Burundi à titre de réparation du préjudice moral subi suite à son licenciement abusif ; « c) Dit que le total de ces montants, soit 10.309.272 Frs Burundi, sera majoré d’un intérêt judiciaire de 6 % l’an depuis la date de la première assignation en justice jusqu’à parfait paiement, volontaire ou forcé ; « 4. Les frais de justice sont à charge de l’appelante » ; Vu le mémoire en défense ; Vu le rapport sur l’état de la procédure ; Vu l’ordonnance du Président de la Cour en date du 07/01/2000 donnant acte au requérant du dépôt de sa requête et ordonnant que celle-ci soit signifiée au défendeur en même temps que son assignation à comparaître en audience publique du 03/03/2000 aux fins d’y présenter ses moyens de défense et entendre statuer sur les mérites du recours exercé ; Advenue cette audience, toutes les parties ayant comparu, plaidèrent et conclurent après quoi l’affaire fut envoyée en délibéré pour statuer en ce jour comme il suit : ATTENDU que le pourvoi a été introduit dans la forme et délai légaux est partant recevable ; ATTENDU qu’à ‘appui de son pourvoi le demandeur avance les moyens suivant : Dénaturation des faits et non réponse à conclusions ATTENDU que sous la première branche de ce moyen, la demanderesse place la dénaturation d’abord au niveau de la hauteur des fonctions du défendeur au sein de la SIRUCO, ensuite au niveau de la fixation des indemnités de préavis et de licenciement ; ATTENDU que concernant le premier volet, la demanderesse reproche au juge d’appel d’avoir soutenu que sieur NTABANGANA exerçait les fonctions de Directeur-Adjoint de la SIRUCO, donc numéro 2 de la Société, depuis 1982 et que la SIRUCO ne le nie d’ailleurs pas dans ses conclusions ; ATTENDU que le conseil de la demanderesse soutient quant à lui que NTIBANGANA André n’a jamais exercé la fonction prétendue ; Qu’il en donne comme preuves la lettre qu’il a écrite à SIRUCO le 04/04/1982 pour lui demander la nomination au poste de DirecteurAdjoint et la lettre du 30/07/1984 également adressé à cette société pour demande sa nomination au poste de Directeur Commercial, or, conclu le conseil, il ne pouvait réclamer ce qu’il avait déjà, voire moins , à lire la seconde lettre, et ces lettres constituent des aveux extra judiciaires qui ont une valeur probante irréfutable du fait allégué à contrario (n’avoir jamais été DirecteurAdjoint ou Directeur Commercial ; ATTENDU que sieur NTIBANGANA, son conseil suivis par les deux juridictions du fond se basent sur différents écrits administratifs où, effectivement NTIBANGANA a contresigné, a été mentionné, a reçu ces écrits tantôt comme adjoint de direction, tantôt comme Directeur-Adjoint, et dans les dernières correspondances de sa carrière, comme Directeur Commercial ; ATTENDU également que le défendeur et son conseil et la Cour d’Appel ont voulu, ce disant, prendre au mot le conseil de l’appelante (demanderesse actuelle) quand, à un passage de ses conclusions (13/01/1997) retraçant la carrière de NTIBANGANA au sein de SIRUCO il dit : « En fin d’année 1982, Monsieur Persoons est nommé Directeur Général, Monsieur Thonnard Directeur et Monsieur NTIBANGANA Directeur-Adjoint sans qu’aucun contrat ne consacre cette promotion en ce qui concerne ce dernier… », alors que notre droit privilégie la réalité au sens littérale des termes (article 54 C.C.L.III) ; 37 ATTENDU qu’effectivement aucun contrat n’a consacré la promotion de NTIBANGANA aux fonctions de Directeur-Adjoint, titre qui n’apparaîtra d’ailleurs pour la première fois que le 02/03/1983 et, de façon intermittente de 1990 à 1993, remplacé par la suite par celui de Directeur Commercial dans certains écrits (émanant de lui), R.S.C. 98 pour s’estomper à partir de l’année 1994 jusqu’à son licenciement (la lettre ne mentionne pas ce titre) ; ATTENDU que le conseil de la demanderesse a précisé à ce propos qu’il s’agissait en fait d’un grade dû à son ancienneté et pas de fonctions, sinon on n’aurait pas dû engagé un expatrié pour occuper les fonctions de Directeur-Chef de l’atelier confection, tandis que NTIBANGANA exerçait dans le même temps les fonctions cumulatives de chef du personnel, chef des relations publiques, dédouanement, import-export, si l’on sait ce que coûte en salaire un expatrié ; ATTENDU en fin que le défendeur en audience publique de la Chambre de Cassation du 02/06/2000 a déposé une photocopie d’une attestation en date du 22/11/1983 signé de l’ancien Directeur Général de la SIRUCO attestant que « Monsieur NTIBANGANA André fait partie de notre personnel en qualité de DirecteurAdjoint » ;Que cependant cet écrit ne présente pas des caractéristiques d’un acte authentique et est par ailleurs contredit par d’autres écrits officiels vus plus hauts y compris ceux mêmes qui émanent de l’intéressé ; ATTENDU que le premier juge a imputé à tort à l’employeur la responsabilité de n’avoir pas établi à l’employé NTIBANGANA André un contrat comportant consécration en faveur de ce dernier, de la nomination aux fonctions de Directeur-Adjoint de l’entreprise en plus de celles de chef d’Atelier confection ; Qu’en effet il n’apparaît nulle part dans le dossier de la cause que sieur NTIBANGANA André ait jamais réclamé à son employeur la modification du contrat de travail originel dans le sens de la nomination aux fonctions du Directeur-Adjoint ou de Directeur Commercial de la société ; Que cela étant, au principe que « nul n’et reçu à invoque sa propre turpitude opposé à l’employeur, ce dernier peut opposer à l’employé l’exception de prescription stipulé à l’article 71 C.T. édictant une prescription de 2 ans à l’encontre des actions naissant du contrat de travail, l’employé n’ayant jamais interrompu cette prescription de la manière prévue par cette même disposition ; ATTENDU que si la Cour de Cassation s’est attardée sur cette question de fonctions occupées par le défendeur, malgré que c’est une question de pur fait de la compétence du seul juge du fond, c’est que précisément ce juge en a tiré la conséquence de l’illégitimité du licenciement dont question ; Qu’en effet d’abord le Tribunal du Travail tout en reconnaissant « qu’il est exact que la situation économique de l’entreprise commandait que l’employeur procède à la compression du personnel pour éviter le pire » (1e attendu-14e feuillet, a décidé que « si l’employeur avait reconnu le grade de l’intéressé (Directeur-Adjoint de la société, donc n° 2) nul doute que les éléments prescrits par la loi et ci-dessus développés auraient évité à ce dernier la mesure de licenciement dont il a été victime, (ibidem 10e attendu), N.B. les éléments prescrits par la loi sont selon le Tribunal la consultation du comité d’entreprise pour déterminer l’ordre du départ des travailleurs le licenciement étant collectif selon le Tribunal, individuel selon le demandeur en cassation voir in fin » ; Que poursuivant dans la même logique, la Cour d’Appel a jugé que, en vertu de l’article 70 C.T. et de l’article 24 de la C.C.I.N (convention collective interprofessionnelle nationale) qui prescrivent à l’employeur d’informer au préalable le C.E « ce n’est pas le plus âgé dans la boîte, Directeur-Adjoint de surcroît, qui devait partir le premier, mais plutôt les personnes travaillent mal et moins anciennes » (1e et 3e attendu, 3e feuillet) ; ATTENDU qu’il est constant depuis le Tribunal du premier degré, que le caractère réel, donc légitime du licenciement de sieur NTIBANGANA en tant que fondé sur un motif économiquecompression des frais salariaux par le truchement de la suppression du poste de chef d’Atelier confection est consensuellement reconnu par les parties litigantes ; Que ce qui est contesté est la procédure légale non respectée par l’employeur dans ce genre de licenciement telle que prévue par les dispositions susmentionnés (article 70 C.T., 24 C.C.I.N) ; Mais attendu que cette procédure n’est usitée qu’au cas où le licenciement est collectif, ce que soutient le défendeur et que conteste le demandeur, nous e verrons plus bas ; Qu’il convient dès à présent de voir si l’ancienneté et la hauteur des fonctions dans une entreprise interdisent le licenciement du titulaire, ceci à titre superfétatoire puisque nous avons déjà dit que rien ne prouve le titre allégué par le défendeur ; ATTENDU que la doctrine enseigne à propos de la suppression d’emploi pour raisons économiques que « le Chef d’entreprise demeure juge des raisons d’ordre techniques ou pécuniaires qui peuvent le déterminer à se priver du concours d’un collaborateur et à organiser ses services de la manière la plus efficace selon les nécessités de la production » ; Que « ainsi est justifié le renvoi d’une partie du personnel ou d’un membre du personnel à la suite d’une baisse sensible du chiffre d’affaire ou pour des raisons avérées d’impécuniosité en raison des circonstances d’ordre économiques… » ; Que « peu importe, à cet égard l’ancienneté des services dans l’entreprise ; elle ne saurait à elle seul suffire pour constituer l’abus de droit » ; Voir G.Camerly n c k in traité pratique de la rupture abusive du contrat de travail p. 127 ; ATTENDU que vu les développements ci-devant, si la Cour est d’avis que les juges du fond ont tablé sur une fausse donnée qu’est le prétendu titre de Directeur-Adjoint de la société pour juger le licenciement abusif, il est tout aussi vrai d’affirmer à la lumière de la doctrine sus-citée que cette question de hauteur de fonctions perd son importance dès lors que le licenciement est reconnu justifié par des raisons économiques, motif réel au sens de l’article 61 C.T. et non dénié par aucune partie ; que cela étant le moyen est fondé en cette branche ; ATTENDU que l’autre dénaturation se trouverait dans le fait que le juge d’appel après avoir constaté que l’intimé (défendeur actuel) avait déjà touché les indemnités de préavis et de licenciement d’un montant de 2.545.000Frs (décompte final touché lors du licenciement) n’a pas défalqué de ce montant la somme de 550.156 Frs puisque en réalité ce montant devait s’élever à 332.474F x 6 = 1.994.844Frs selon le calcul légal (3 mois préavis, 3 mois licenciement pour ancienneté de 10 ans et plus) ; 38 ATTENDU que si le demandeur a fait un mauvais calcul et qu’il n’en a pas saisi les juridictions de fond, il ne peut reçu à invoquer cette question, de pur fait d’ailleurs, pour la première fois en cassation ; que le grief de non réponse à conclusion y relatif manque dès lors en fait et endroit ; Que cette branche du premier moyen n’est pas recevable de ce fait ; Contrariété entre les motifs et le dispositif En ce que le juge d’appel , en motivant sa position concernant les dommages intérêts moraux pour préjudice subi par sieur NTIBANGANA André suite au retrait du téléphone et du véhicule de service mesures considérées par la Cour d’Appel comme des « démarches tendant à humilier l’employé en le privant de ses droits élémentaires », termes repris du jugement du Tribunal du Travail, tantôt dénie à l’employé le droit à cette indemnité (7e feuillet, a.d. attendu), tantôt la lui reconnaît (10e et 12e attendu, feuillet 10) ; ATTENDU qu’effectivement à l’endroit ci-dessus indiqué de la page 7 de l’arrêt attaqué, il est dit que « il n’a été convenu nulle part qu’au cas où cet avantage en nature du véhicule de service lui serait retiré pour l’intérêt du service, une contrepartie en argent équivalent aux frais que nécessiteraient son déplacement et celui de ses enfants lui serait accordée et à d’autre endroit (page10) il est en revanche dit que « sieur NTIBANGANA étant un cadre ayant travaillé 28 ans avec dévouement pour la société, celle-ci aurait dû d’abord user à son égard de solutions intermédiaires et montrer qu’elles ont été sans succès pour pouvoir en arriver à a suppression pure et simple de ces deux avantages……, qu’il est surprenant, vexatoire et même humiliant qu’il puisse y avoir des modifications contractuelles aussi profondes entourant le licenciement », « que sieur NTIBANGANA ayant suffisamment justifié le préjudice moral dont il a fait l’objet, il y a lieu que la Cour fasse sienne la position du premier juge mais en évaluant ex acquo et bono le préjudice à un million de francs burundais pour compenser les frustrations, humiliations et honte ressenties par NTIBANGANA suite à la rupture abusive de ses liens avec son exemployeur » ; ATTENDU qu’il y a manifestement une énorme contradiction entre ces motifs de l’arrêt qui vont jusqu’à anéantir la position même de la Cour sur ce point précis de préjudice moral, le dernier motif affirmant avec force ce que le premier venait de nier avec la même énergie ; ATTENDU du reste qu’on ne voit pas pourquoi le juge d’appel s’est écartée de la réalité objective des faits exposés pourtant dans la cause sur cette question par l’appelant (requérant actuel) et constante dans les écrits officiels ; Qu’en effet ces mesures font parties de tout un train de mesures destinés à redresser la situation économique de la société, à l’édiction desquelles les cadres dont NTIBANGANA, et les représentants du personnel ont été associés dans une réunion du 03/03/1994, qui ont fait l’objet d’une note de service, que le même NTIBANGANA n’a plus contestées depuis la lettre lui adressée par le Président du Conseil d’Administration en date du 06/06/1994 pour lui en expliquer le bien fondé et qu’il a scrupuleusement exécutées depuis lors jusqu’au jour du licenciement 11 mars plus tard, le 01/04/1995, marquant par cette attitude l’acceptation de ces mesures ; Qu’ainsi la Cour ne voit pas où se situe le caractère vexatoire, humiliant ou frustrant d’une mesure prise pour éviter le pire : la fermeture de l’entreprise qui n’aurait profitée à personne y compris NTIBANGANA ; ATTENDU qu’en conséquence le moyen est totalement fondé et entraîne la cassation de l’arrêt attaqué ; Mauvaise interprétation de l’article 70 C.T. et l’article 24 CCIN En ce que le juge d’appel a jugé que l’employeur a violé la procédure prévue par les dispositions susvisées qui lui prescrivent de consulter au préalable le comité d’entreprise, s’agissant ici selon le juge d’un licenciement collectif pour cause économique ; ATTENDU que effectivement d’autre élément du nœud gordien constituant l’objet du présent litige est, avec celui de la réalité ou non du motif économique, de savoir si le licenciement est individuel ou collectif, n’entraînant pas dans le premier cas obligation d’en passer par la consultation du conseil d’entreprise et y astreignant l’employeur dans le second suivant les dispositions sus mentionnées ; ATTENDU que le défendeur, le premier juge et le second soutiennent mordicus qu’il y a eu compression des effectifs de la société, donc licenciement collectif ; ATTENDU que si les deux juges l’affirment sans le démontrer, le conseil du défendeur croit le prouver en son basant sur la propre lettre de licenciement de NTIBANGANA qui mentionne : « …force est de constater que les mesures arrêtées se sont révélés insuffisantes et qu’il fallait en prendre d’autres impliquant notamment la suppression de quelques postes dont e votre… », croyant prendre ainsi au mot l’employeur ; ATTENDU que de son côté la demanderesse actuelle a toujours soutenu qu’il s’agit d’un licenciement individuel et défié son adversaire de citer quelqu’un d’autre se trouvant dans la même catégorie que l’employé NTIBANGANA qui aurait été licencié en même temps que lui ; Que le conseil de la demanderesse précise en clair qu’il s’est agi bel et bien de la suppression d’un seul poste, celui-là même occupé par NTIBANGANA André, c'est-à-dire le poste de Chef d’Atelier Confection, précisément le plus coûteux en frais salariaux puisque son titulaire touchait à lui seul un salaire égal à celui des 29 ouvriers de cet Atelier au moment où ce secteur battait de l’aile et allait inéluctablement vers l’arrêt définitif, la crise politico-économicosocial perdurant, n’eût été cette opération chirurgicale en quelque sorte ; Qu’enfin dans l’entendement du conseil de la demanderesse la compression des effectifs, in casu, s’entend de la suppression des dépenses (frais fixes salariaux) constituées par une masse salariale d’un seul poste équivalente à celle de 29 ouvriers du secteur ; Que c’est forcer le sens des mots de la part de la partie défenderesse que de déduite de ces termes « compression des effectifs » la signification de licenciement collectif ; 39 ATTENDU que pour soutenir la thèse inverse, celle de licenciement collectif, le conseil du défendeur a cité devant le juge d’appel des personnes qui auraient été licenciées en même temps que son client : de convenance et d’ordre humanitaire dans le cadre paritaire de concertation employés - employeur et ne saurait rien changer au cours des choses : la mesure de redressement économique ; Désiré MURENGERANTWARI Violation de l’article 61 C.T Léonard NINTERETSE En ce que le juge d’appel à la suite de celui du Tribunal du Travail, a qualifié le licenciement d’abusif alors qu’il était dicté par la situation économique mauvaise de la société rendant inéluctable la mesure prise, que le fait n’est pas dénié par ce juge (p. 5, antépénultième att. de l’arrêt RCA 3381) ni par le premier (p. 14, 1e att RS 4925) ni par l’intéressé lui-même comme le montre sa lettre du 11/05/1994 au Président du C.A. de la SIRUCO où il dit « …Si toute fois mon départ peut donner meilleur succès à l’entreprise par limitation des frais fixes (suppression de quelques lignes téléphonique, véhicule de service, frais salariaux), je suis absolument d’accord qu’on se sépare en toute dignité ; Thadée SIRYUYUMUNSI ATTENDU que le conseil de la demanderesse a répliqué en démontrant que ces personnes n’étaient ni dans la même catégorie ni dans la même secteur que NTIBANGANA et par conséquent n’étaient pas susceptibles d’être mises en balance avec ce dernier pour déterminer l’ordre de départ prescrit par les dispositions susvisées (art. 70 C.T., 24 CCIN) ; SIRYUYUMUNSI Thadée était responsable du magasin tôles NINTERETSE Léonard était Chef du Personnel MURENGERANTWARI était planton Et en ce qui les concerne il s’est agi plutôt d’un départ volontaire parce qu’ils n’acceptaient pas le chômage technique ou la diminution de leur salaire comme ils en ont exprimé le choix à travers la lettre de leur représentant ce même Chef du Personnel dans sa lettre au Directeur Général de la SIRUCO en date du 24/03/1994 ; Que ces faits sont objectifs et vérifiables dans le dossier ; ATTENDU que les articles susvisés n’imposent à l’employeur de consulter le conseil d’entreprise qu’en cas de licenciement collectif pour cause économique ; ATTENDU qu’il appert des éléments de la cause examinés cidessus que le licenciement querellé est individuel et non collectif, en tant que visant le poste le plus coûteux devenu improductif dans le secteur qui était conçu normalement pour devenir l’un des plus productifs en temps normal et dont la suppression s’imposait même si elle devait entraîner dans la débâcle son titulaire le plus ancien et le plus méritant ; ATTENDU qu’au demeurant il ressort des éléments du dossier de la cause que l’employeur s’est efforcé de rencontrer le vœu de ces dispositions en tenant une réunion, à l’intention des représentants du personnel ensemble avec les cadres de la société à défaut du C.E., pour les informer de la gravité de la situation et des mesures envisagées pour y remédier et NTIBANGANA était parmi ces cadres (réunion du 04/04/1994) ; Que par ailleurs la demanderesse, appelante d’alors a affirmé sans être démenti ex adverso que la réunion du C.E. était techniquement impossible certains de ses membres étant entretemps décédés, d’autres partis de leur gré parce qu’ils n’acceptaient pas les chômages technique ou la diminution de leur salaire, d’où l’employeur a dû recourir au palliatif susmentionné (réunion des cadres et certains représentants du personnel restant) ; Qu’enfin l’alinéa 3 de l’article 70 C.T. prévoit l’information préalable du C.E. ou à défaut les représentants des travailleurs, ce qui a été fait ; Qu’au surplus, l’obligation d’informer le C.E n’étant pas assortie de sanction légale n’est qu’une pratique de bon-procédé, ATTENDU que cette question de la réalité ou non du motif économique du licenciement est la question primordiale du présent litige ; Que suivant un plan logique c’est par elle que la demanderesse aurait dû commencer dans l’exposé de ses moyens, les autres questions, à part celle du caractère individuel ou collectif du licenciement, n’en étant que des corollaires ; ATTENDU qu’avant d’entrer dans l’analyse du moyen, il y a lieu de rappeler comme l’a fait remarquer la demanderesse que la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée n’a rien d’abusif pour peu qu’elle soit précédée d’un préavis, indemnité de préavis et de licenciement et qu’elle ne soit entachée de faute lourde (art. 50, al 2 C.T.) ; Qu’au départ il y a en filigrane la notion même de liberté contractuelle stipulée par le Code Civil en son article 428 selon lequel « on ne peut engager ses services qu’à temps ou pour une entreprise déterminée ». « Cette règle est d’ailleurs en harmonie avec la subordination qui résulte du contrat pour l’employé. Cette subordination ne conserve quelque dignité et n’est féconde au point de vue économique que si elle n’est pas illimitée. Il faut que le maître puisse renvoyer une main d’œuvre inexperte ou superflue ; il faut que l’employé puisse reprendre sa liberté quand bon lui semble » (planiol et Ripert T.XI, note sous Camerlynck op. cit. introd.) ; Que cette liberté de résilier est donc placée sous le signe de l’égalité et de la réciprocité entre l’employeur et l’employé ; ATTENDU que cela posé, le licenciement pour raison économique est reconnu comme légitime par la loi, en l’occurrence l’article 61 C.T. ; Que, ce caractère légitime n’est du reste pas dénié par le défendeur, en contestant seulement les modalités d’application comme vu plus haut ; ATTENDU que l’article susvisé stipule de prime abord que « le licenciement doit reposer sur un motif réel sinon il est abusif, ensuite que « la charge de la preuve du motif en incombe à l’employeur », enfin que « constitue un motif valable une compression des effectifs ; 40 ATTENDU que la réalité du motif économique a été démontrée au juge du fond par l’employeur par des éléments versés au dossier de la cause suivants : bilan de l’exercice social 1994 se soldant par un bénéfice net de 99.420FBU vente de 2 villas de la société pour diminuer son endettement suspension fin 1993 (déjà) par la Banque d’un ligne de crédit d’un montant de 200 millions frappant de plein fouet le secteur de l’importation de la friperie, principale activité de la société, tous les éléments qui ont portés à la connaissance de l’organisation syndicale, du C.E ; à l’époque où elle existait et des cadres dont faisait partie NTIBANGANA lui-même lors des réunions d’information tenues par l’employeur ; ATTENDU qu’ici encore il sied de revenir à la doctrine en ce qui concerne les mesures d’ordre économiques ou techniques tenant à l’organisation et au fonctionnement de l’entreprise en cas de crise économique d’une entreprise ; elle enseigne que « en économie capitaliste, le chef d’entreprise étant seul responsable du risque ainsi assumé, bénéficie par suite corrélativement, selon la jurisprudence, du pouvoir discrétionnaire de la créer, de la modifier ou de la fermer, que comme l’affaire la Cour de Cassation en 1957 par une formule depuis jamais démentie, l’employeur étant seul juge du fait de savoir si, en raison des circonstances économiques il doit continuer l’exploitation de son usine dans les mêmes conditions que par le passé ou si au contraire il convient d’en assurer le fonctionnement sur de nouvelle bases, un jugement décide à bon droit que le renvoi d’un employé n’est pas abusif lorsqu’il est dû à une réorganisation de l’entreprise, ces pouvoirs économiques ainsi reconnus à l’employeur l’autorisent donc à adopter toutes les mesures d’ordre intérieur que lui paraît commander l’intérêt de l’entreprise , même si elles ont pour conséquence la résiliation de contrats d’emploi » (OP. cit; ibid. ; p 127) ; ATTENDU qua contrario, c’est à mauvais droit que l’arrêt attaqué a jugé que le renvoi en question, celui de NTIBANGANA est abusif au regard de ces sages enseignements de la doctrine et de la jurisprudence étrangères dont nos juridictions s’inspirent souvent ; ATTENDU qu’au surplus pour démontrer la mauvaise foi de l’employeur dans ce renvoi sans remettre en cause le motif économique, le défendeur et son conseil ont prétendu devant les juges du fond qu’en réalité l’employeur a voulu se débarrasser de la personne de NTIBANGANA pour le remplacer par un autre employé ; Mais attendu qu’ils n’ont jamais cité le nom de ce remplaçant ; qu’une allégation non prouvée ne saurait être reçue par le juge ; ATTENDU que de leur côté le juge du Tribunal du Travail d’abord, celui de la Cour d’Appel ensuite, ont dit que « la SIRUCO aurait dû au moins garder sieur NTIBANGANA André au poste de DirecteurAdjoint qu’il exerce depuis 1982, après la suppression de celui de chef d’Atelier confection « (RCA 3381 p 6), que l’affectation comme responsable de l’Atelier confection n’a jamais du reste affecté le salaire rattaché au grade (remarquer la reconnaissance parle Tribunal qu’il s’agit d’un grade et non d’une fonction contrairement à ce qu’il affirme ailleurs) de Directeur-Adjoint.. » (R.S. 4925 p 13 1e attendu) ; ATTENDU que, à cette assertion, le conseil de la demanderesse, a rétorqué (conclusions du 13/01/97), qu’il n’y avait pas de cumul de fonctions de Directeur-Adjoint et de chef intérimaire d’Atelier confection, que les postes n’étaient pas cumulables sinon on s’expliquerait difficilement pourquoi en 1983 on a engagé un expatrié comme chef de cet Atelier avec ce qu’un expatrié comporte de charge salariale (en remplacement d’un autre expatrié) alors que NTIBANGANA avait déjà atteint le grade de Direction-Adjoint ; que du reste ce grade ne le rendait pas inamovible et invulnérable à la suppression de poste ; ATTENDU que face à ces arguments de part et d’autre la Cour est d’avis que la position des deux juridictions du fond quant à cette prétendue alternative n’est pas un argument juridique basé sur une loi régissant la matière, mais un vœu, un souhait dicté sans doute pas des considérations d’ordre sentimentales et non une opinion tranchante dictée par la loi ou la jurisprudence, que même l’équité ne joue pas dans une telle matière, aussi strictement réglementée ; Qu’en conclusion l’arrêt querellé a violé la disposition visé au moyen et doit être cassé quant à ce ; Violation de ‘article 63 C.T En ce sens que le juge d’appel ne s’est pas soucié avant d’allouer des dommages intérêts pour préjudice subi du fait du licenciement jugé par lui abusif, dans le cadre de sa mission de conciliation, de sonder au préalable les intentions des parties en vue de provoquer leur accord éventuel sur la réintégration de service comme mode de réparation alternative selon la directive de cette disposition en son alinéa premier ; ATTENDU que le prescrit de cette disposition qui vise la protection du droit à l’emploi, et subsidiairement si l’accord sur ce point n’était pas atteint, la rupture des liens de travail dans des conditions équitables, se trouve sans objet ni intérêt dans la mesure où nous avons déjà jugé que le licenciement querellé n’est pas abusif ; Violation de l’article 181 C.T ATTENDU que sous ce moyen le conseil de la demanderesse reproche au juge d’appel comme à celui du premier degré de n’avoir pas fait droit à son exception d’irrecevabilité pour forclusion de l’action du demandeur originel (NTIBANGANA André) qui, ayant reçu le P.V. de non conciliation le 13 Juillet 1995, a saisi le juge du travail le 28 Juillet 1995, soit dans le délai de 16 jours au lieu de 15 comme le prescrit l’article 181 C.T. ; ATTENDU que l’article 181 C.T. dispose qu’en cas de non conciliation des parties devant l’Inspecteur du Travail, la saisine du Tribunal du Travail, doit intervenir dans le délai maximum de 15 jours à compter du jour de la réception du procès-verbal de non conciliation » ; ATTENDU que devant le Tribunal du Travail le conseil de la SIRUCO a soulevé l’exception de forclusion à motif que le demandeur avait saisi le Tribunal le 28 Juillet 1995 alors qu’il avait reçu le procès-verbal de non conciliation le 13 du même mois, soit un retard d’un jour selon le défendeur de l’époque ; Mais attendu que le délai est un délai franc que pour ce genre de délai le jour de l’acte « dies a quo » n’est pas compté dans la computation du délai imparti ;Que par suite le jour du 13 n’étant pas compté le demandeur a saisi le Tribunal dans le délai 41 réglementaire comme l’a affirmé son conseil, que donc le moyen n’est pas fondé ; Vu la Loi n° 1/004 du 14/1/1987 portant code de l’organisation et de la compétence judiciaires ; Mais attendu que pour rejeter cette exception le Tribunal du Travail confirmé par la Cour d’Appel n’a pas procédé comme ci-dessus ; qu’il a plutôt commis une bévue juridique en se référant à l’article 71 C.T. qui traite de la prescription des actions en matière du travail ; Que cependant ce moyen, fondé sur l’application de l’article 181 au lieu de l’article 71 C.T. n’ayant du reste pas fait l’objet d’un débat devant la Cour d’Appel, mais étant une question de pur droit doit être relevée d’office par la Cour de Cassation pour casser l’arrêt attaqué dans le seul intérêt de la loi sur ce point ; Vu le Décret-loi n° 1/51 du 23/7/1980 relatif au pourvoi en cassation et à la procédure suivie devant la Chambre de Cassation de la Cour Suprême ; Violation du principe du partage des frais de justice ATTENDU que par cet ultime moyen, la demanderesse critique le juge d’appel de n’avoir pas prononcé le partage des frais de justice avec son adversaire qui a pourtant vu ses réclamations de premier degré rejetées et a donc eu un succès partiel dans la cause ; ATTENDU qu’en réalité les instances judiciaires n’ont été saisies que d’un bloc de demandes à savoir la réparation du préjudice subi suite au licenciement jugé abusif par le demandeur par la réintégration dans l’emploi ou l’allocation d’indemnités contractuelles (préavis licenciement) et des dommages-intérêts « compensatoires (perte de gain) et moraux, (atteinte au droit subjectif) » ; Vu le code du travail, la convention collective interprofessionnelle nationale ; Statuant publiquement, contradictoirement; Ouï l’avis du Ministère Public ; Ayant délibéré conformément à la loi ; Dit le pourvoi recevable; Le déclare fondé en ses moyens jugés pertinents et conséquents ; Casse en conséquence l’arrêt RCA 3381 de la Cour d’Appel de Bujumbura ; Renvoie la cause devant cette même Cour pour en être statué à nouveau par un autre siège de la Cour ; Ordonne la transcription du dispositif du présent arrêt en marge de l’arrêt cassé dans le registre des affaires de ladite Cour ; Que les dommages-intérêts compensatoires appelés aussi matériel ont été ventilés par le demandeur en plusieurs autres demandes d’indemnisation annexes ou accessoires ; Que le premier juge en a rejeté plusieurs pour ne retenir finalement que les dommages-intérêts matériels pour perte de rémunération salariale pendant les 3 années restant à prester avant la retraite, les dommages-intérêts moraux, le remboursement des frais de déplacement pour le service pendant les 11 mois qui ont précédé le licenciement (date de la suppression de l’usage du véhicule de service le 9/5/94 jusqu’au licenciement le 31/3/95) ; Met les frais de la présente instance à charge de Sieur NTIBANGANA André, perdant : 8.600FBU ; Que ce faisant le juge n’a fait que statuer sur le bloc de demandes lui soumises et n’a pas statué sur des chefs de demandes diverse, auquel cas le demandeur aurait pu être condamné aux frais pour les chefs rejetés ; Que le juge d’appel à son tour n’a fait que corriger le mode de calcul des dommages-intérêts matériels (en tablant sur le nombre d’années prestées, 28 ans) et rejeter la demande annexe concernant les frais de déplacement en les incluant dans le préjudice moral, la demande annexe ne constituant pas un chef de demande à part ; qu’il faut signaler aussi que l’intimé n’a pas interjeté d’appel incident, seul cas où il aurait pu en cas de rejet de cet appel, être condamné à une partie des frais de justice ; Les Conseillers : NJINYARI Juvénal, SABUWANKA Dévote Qu’à tout prendre ce moyen s’avère sans fondement et est simplement oiseux ; En date du 19 décembre 2000, la Cour Suprême du Burundi a rendu l’arrêt RSC 98 entre Société SIRUCO (demandeur en cassation) et Monsieur NTIBANGANA André (défendeur en cassation). ATTENDU que tous les autres moyens sont jugés fondés et relevant et doivent entraîner la cassation de l’arrêt attaqué ; Par ces Motifs : La Cour Suprême, Chambre de Cassation ; Vu le Décret-loi n° 1/008 du 6/6/1998, portant promulgation de l’acte Constitutionnel de transition ; Ainsi arrêté et rendu à Bujumbura en audience publique du 18 Décembre 2000, où siégeaient Messieurs Adrien NYANKIYE, Président, NJINYARI Juvénal et Madame SABUWANKA Dévote : Conseillers, assistés de NYANZIRA Simon, Officier du Ministère Public et de UWIZEYE Béatrice, Greffier.Le Président : Adrien NYANKIYE.- Le Greffier : UWIZEYE Béatrice COMMENTAIRE DE L’ARRÊT RSC 98 La chambre de Cassation de la Cour Suprême, le 19/12/2000 sous le RSC 98 (SIRUCO c/ NTIBANGANA André) Le commentaire de cet arrêt exige tour à tour une brève relation des faits et de la procédure de la cause, un exposé des arguments et thèses développés, la présentation de la seule question de droit soumises au juge de cassation et la réponse de ce dernier, avant d’en venir à une conclusion générale. 42 I. Résumé des faits et de la procédure Les parties étaient liées par un contrat de travail signé et exécuté à Muyinga alors que l’employeur qui était Malta Forest Burundi avait son siège social à Bujumbura. Monsieur NTIBANGANA André sera licencié pour rupture abusive de contrat et motif économique mais sans information préalable du Conseil d’entreprise ou des représentants des travailleurs comme prescrit par l’article 70, alinéa 3 du code du travail et l’article 24 de la Convention collective nationale interprofessionnelle de travail de 1980. L’affaire sera successivement débattue devant le juge de premier degré et en instance d’appel et les juridictions de fond concluront chaque fois à un licenciement abusif. L’arrêt RCA 1450 du juge d’appel, qui sera entrepris sous le RSC 98, condamnera l’employeur au paiement d’un montant global de 10.309.272 FBU à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif. II. Arguments et thèses développés Le demandeur en cassation estime que l’inobservation des règles de formes prescrites par les articles 70 et 24 respectivement du code du travail et de la Convention collective de 1980 ne rend pas le licenciement abusif si, au fond, le motif de licenciement est réel. Et pour le travailleur licencié, partant du fait que le licenciement était collectif, l’absence de consultation préalable du conseil d’entreprise ou des représentants des travailleurs telle que prescrite par les dispositions précitées vicie la légitimité du motif de licenciement pour le rendre abusif. III. Question juridique en cause La Cour Suprême a été saisie pour donner les conséquences juridiques issues de la violation du prescrit de l’article 70 du code du Travail et de l’article 24 de la convention collective interprofessionnelle sur la qualification du licenciement. Que ce soit dans l’hypothèse du licenciement pour motif personnel ou celle du licenciement pour motif économique, il y a des règles de fond et de forme qui doivent être observées. n’aura pas été respectée. L’employeur doit s’en tenir à toutes les règles de forme et de fond pour opérer un licenciement légitime. Ainsi, G.H. Camerlynck et Gérard Lyon-Caen, appuyant leurs réflexions sur une abondante jurisprudence française, rapportent qu’en cas d’inobservation des prescriptions légales, le salarié a droit à des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, 30 indépendamment des autres indemnités . IV. Réponse de la Cour Selon la Haute Cour, l’obligation d’informer le Conseil d’entreprise ou les représentants des travailleurs n’étant pas assortie de sanction légale, elle devient une simple pratique de bon procédé, de convenance et d’ordre humanitaire dans le cadre paritaire de concertation employés – employeurs. V. Conclusion Cette solution est surprenante à bien d’égards. Tout d’abord, le juge de cassation prend une forme légale, obligatoire comme l’indique le verbe « devoir » utilisé par l’article 70, alinéa 3 et l’article 24, 2 de la Convention collective de 1980, pour une simple pratique facultative. En plus, la Cour considère à tort que l’obligation portée par les dispositions sus-indiquées n’est pas assortie de sanctions. Or, il est incontestable que le caractère légitime ou abusif du licenciement s’apprécie toujours du double point de vue des conditions de forme et de fond. Il s’agit ainsi d’un arrêt de principe par lequel la Haute Cour donne son interprétation de l’obligation de consulter le Conseil d’entreprise ou les représentants des travailleurs, mais le principe est malheureusement fondé sur une appréhension maladroite de la règle de droit. Il convient de préciser que la règle jurisprudentielle ainsi énoncée n’est pas contrôlée par la Cour et qu’elle n’est suivie par nos cours et tribunaux qui considèrent le licenciement comme abusif chaque fois que les prescriptions de forme ne sont pas respectées. S’agissant du licenciement pour motif économique, les dispositions précitées imposent à l’employeur l’obligation d’informer par écrit le Conseil d’entreprise ou les représentants des travailleurs avant d’opérer le licenciement. Il ne s’agit pas ici d’une simple obligation d’information ; l’employeur doit entendre « les avis et suggestions » des travailleurs « sur les mesures appropriées à prendre ». C’est dire que l’employeur doit provoquer un cadre d’échanges autour des questions pertinentes qui entourent la décision de l’employeur, notamment les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement, les critères proposés pour l’ordre des licenciements, le calendrier prévisionnel des licenciements, etc. La question qui se pose est donc de savoir si le licenciement sera abusif du seul fait que la consultation des travailleurs n’a pas eu lieu avant d’effectuer des licenciements pour motifs économiques. Il est tout à fait logique qu’on ne peut pas parler de licenciement régulier alors que la procédure légale qu’on doit suivre à cet effet 30G.H. CAMERLYNCK et G. LYON-CAEN, Droit du travail, 10ème édition, Dalloz, 1980, p. 213. Voir dans le même sens, D. GRANDGUILLOT, Droit du travail et de la sécurité sociale, 11ème édition, Paris, 2009, p. 100. 43 44 D. ARCTICLE DE DOCTRINE COMMENTÉ Analyse critique des dispositifs institutionnels et juridiques de lutte contre la corruption au Burundi Frédéric NTIMARUBUSA Introduction La corruption est un phénomène de société31 qui remonte depuis les temps immémoriaux et qui a toujours été combattue. La corruption existe au Burundi, tout comme ailleurs dans le monde. Le phénomène de la corruption aborde un champ tellement large qu’il est même difficile de trouver une définition complète de celleci. Au Burundi, l’existence ancienne de la corruption est témoignée par les termes utilisés par les anciens comme « igiturire32, igipfukamunwa33». Aussi, Le dernier classement de l’organisation non gouvernementale, Transparency International, place le Burundi au 25ème rang des pays les plus corrompus, sur un total de 175 pays, avec une note de 2.3 sur 10, sur une échelle de 1-10. De plus, la même organisation basée au Kenya vient de classer le Burundi en tête de liste comme pays le plus corrompu de la Communauté de l’Est de l’Afrique avec 36,7% de prévalence de corruption34. Le terme « corruption » engendre des divergences entre différentes personnes ou sociétés. Nul ne peut ignorer les réalités qui existent au sujet de la corruption. C’est pour cette raison que chacun la définit suivant le domaine dans lequel il travaille. La définition d’un sociologue n’est pas celui d’un homme d’affaires. Généralement et étymologiquement, la corruption vient du mot latin « corruptio » qui veut dire « altération » ou détérioration entendu dans le sens morale de « détruire » ou provient du verbe « corrumpere » qui signifie corrompre35. Transparency International, quant à elle, propose une définition plus concise de la corruption. « La corruption est l’abus du pouvoir reçu en délégation à des fins privés »36. Cette définition nous permet de mettre en évidence les différents éléments de la corruption : l’abus du pouvoir,à des fins privés,d’un pouvoir que l’on a reçu en délégation. 31 International Alert, Le phénomène de la corruption au Burundi, p. 7. 32 Pot-de-vin en français vient de la parole « inturire » qui est une sorte de liqueur fabriquée avec les bananes, offrande réservée au chef dont il faut gagner les faveurs et les grâces. 33 L’offrande proposée pour garder le secret de la parole entendue ou de l’événement dont on est témoin indésiré, car aussi bien chez les barundi qu’ailleurs toute vérité n’est pas bonne à dire. 34 T.I. Kenya, The East African Bribery Index 2010, 2010, p. 10. 35 CORNOU, G., Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 8ème éd., février 2000, p. 231. 36 T.I, Rapport mondial sur la corruption, , éd. Karthala, 2003, p. 17. Cette définition englobe, certes, la petite comme la grande corruption aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Elle peut être améliorée en précisant qu’elle reste la corruption même quand on ne sert pas ses propres intérêts mais quand on sert ceux des privés (parents, amis, politiques, …). La définition doctrinale montre que « la corruption est la malhonnêteté commise par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ». Cette infraction ne peut être commise que par les personnes chargées d’un mandat ou d’un service public37. La corruption est une « transaction illicite » (une faveur ou un contact, des agents publics) mettant en relation des « offreurs » et des « demandeurs » (une personne physique ou entreprise) et le « lésé » (une tierce personne censée être le bénéficiaire, une entreprise concurrente ou l’Etat en définitive). En droit, en application du principe de la légalité des délits et des peines, la corruption est une infraction prévue et punie par le code pénal38. Cette définition est d’interprétation stricte. La nature de la corruption se manifeste sous trois aspects : en fonction des personnes mises en jeu, en fonction de sa forme et enfin en fonction de son importance. En fonction des personnes mises en jeu, la corruption est une infraction qui suppose que des actes frauduleux soient accomplis par des personnes agissant de concert : le corrompu et le corrupteur. Ainsi, nous distinguons la corruption passive et celle active. La corruption passive peut être définie comme le fait de se laisser corrompre. Le corrompu est celui qui détient le pouvoir et qui accepte ou sollicite un don, une offre, une promesse, un avantage en contrepartie d’un acte entrant dans sa mission, c'est-à-dire dans le but d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte de sa mission. Le corrompu peut être notamment39 : Un agent de l’Etat ou toute autre personne qui occupe un poste lui permettant d’accepter des pots-de-vin en échange d’un service rendu; toute personne qui détourne un bien ; toute personne qui reçoit un avantage non justifié par exemple en proposant, en promettant ou en acceptant de l’argent ou un cadeau en contrepartie de l’attribution d’un marché,…). 37 MINEUR, G., Commentaire du code pénal congolais, 2ème éd, Bruxelles, Maison Ferdinand Larcier, 1953, p. 325. Voir aussi LARGUIER, J., et COMPTE, P., Droit pénal des affaires, Paris, Masson, 2004, p. 3. 38 Art. 420 à 446 de la loi no 1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal. 39T.I, MUNA, A., Comprendre la convention de l’union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées, 2005, p. 8. 45 L’art. 42 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes punie la corruption passive d’une servitude pénale de 5 ans à 10 ans et d’une amende portée du simple jusqu’au double de la valeur du profit illicite acquis. La corruption active peut être définie comme le fait qui consiste à corrompre40. Le corrupteur est celui qui propose ou remet les avantages attendus ou acceptés par la personne vénale. Or, lorsque la corruption est telle qu’elle est devenue un fait de société, le corrupteur est quasiment conduit à proposer l’avantage, lorsque tous ses concurrents pratiquent ce type de corruption. Aux termes de l’article 48 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, la corruption active est punie d’une servitude pénale de 5 ans à 10 ans et d’une amende portée du simple jusqu’au double de la valeur du profit illicite acquis. Ainsi, deux conceptions doctrinales s’affrontent. Concernant la première conception, la corruption est une fraction complexe impliquant le concours de deux personnes également coupables et également punissables41. Le corrupteur et le corrompu seraient coauteur et complice d’une seule et même infraction. C’est « la théorie du fait pénal unique ». Concernant les tenants du second système, la corruption comprendrait deux infractions distinctes, l’une passive et l’autre active imputable respectivement à la personne corrompue et au corrupteur, sans qu’il soit nécessaire d’établir une relation entre les deux42. C’est la théorie « des faits pénaux et dédoublés». Les deux éléments de la corruption étant indépendants, ils pourraient être punis distinctement. Ce deuxième système a été adopté par les législations française et belge et la plupart des législations occidentales43. En considération des fonds mis en jeu, l’on arrive à distinguer la petite de la grande corruption44. La petite corruption ou « Petty » implique de petites sommes et de petits fonctionnaires. La petite corruption concerne les petits gens qui sollicitent un service public souvent auquel ils ont droit. Elle concerne de moyens fonctionnaires de l’Etat et met en jeu des sommes souvent modiques. La petite corruption est systémique, c'est-à-dire qu’elle est la règle. Elle est tolérée et banalisée. La grande corruption est définie comme celle liée aux élites dirigeantes et qui serait « un moyen d’enrichissement illégitime de ces élites ». Contrairement à la petite corruption, la grande corruption met en cause les hauts cadres de l’Etat, les hautes personnalités. Pour bien traiter ce thème, une double analyse critique s’impose : celle se rapportant sur les institutions de lutte contre la corruption et celle relative aux dispositions contenues dans les instruments juridiques au Burundi. Chapitre I. Le dispositif institutionnel Les moyens de lutte contre la corruption et les malversations économiques et financières sont pris tant au niveau national qu’international. Le Burundi s’est joint aux autres nations du monde pour ratifier et faire siens ces instruments45. Au niveau national, les institutions de lutte contre la corruption et les infractions connexes sont: la Cour Anti-corruption46 ; la Cour des Comptes47 ; la Brigade Spéciale Anti-corruption48 ; Le législateur burundais, s’inspirant du code pénal belge, a aussi adopté ce point de vue. Cependant, l’application n’en est pas intégrale, du fait que la disposition légale relative à la corruption active consacre les mêmes peines que celle réprimant la corruption passive. l’Inspection Générale de l’Etat49. En fonction de la forme, nous analysons les trois formes courantes de corruption : la corruption blanche, noire et grise. Comme les arrêts rendus par la Cour Anti-corruption sont susceptibles d’appel devant la chambre judiciaire de la Cour La corruption blanche est la forme couramment admise par les traditions. La corruption noire est opposée à la corruption blanche. Elle n’est pas acceptée par la société, mais elle lui est imposée. Elle peut donc prendre n’importe quelle forme de corruption comme le détournement des fonds par exemple. La corruption grise correspond par exemple au financement occulte des partis politiques par les grandes entreprises multinationales. Généralement, les bénéficiaires de ce genre de financement considèrent qu’il ne constitue pas un préjudice à la société. 40 GAETNER G., L’Argent facile : dictionnaire de la corruption en France, Paris, Stock, 1991. 41 GARRAUD, R., Traité théorique et pratique du droit pénal français, Paris, Sirey, 3ème éd., 1922, p. 370. 42 Idem, p. 371. 43 MUYOVU, G., De la corruption passive des fonctionnaires publics en droit pénal burundais, mémoire, UB, Bujumbura, octobre 1980, p. 8. Section I. La Cour Anti-corruption § I. La Cour Anti-corruption dans l’ordre juridictionnel burundais 44 HAVYARIMANA, L., Les délits économiques et les disfonctionnements de l’Etat. Quelles perspectives d’avenir, Atelier de réflexion sur la Problématique de l’impunité au Burundi, NGOZI le 21-22 Novembre 2003. 45 Ces instruments sont la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées adoptée par la session ordinaire de l’Union Africaine à Maputo en Mozambique en juillet 2003 et ratifiée par le Burundi par la loi no 1/02 du 18 janvier 2005 et la convention des Nations Unies contre la corruption adoptée par l’Assemblée Générale le 31 novembre 2003 et ratifié par le Burundi par la loi no 1/03 du 18 janvier 2005. 46 Loi no 1/36 du 13 décembre 2006 portant création de la Cour anticorruption. 47 Loi no 1/002 du 31 mars 2004 portant création, missions, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes. 48 Loi no 1/37 du 28 décembre 2006 portant 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption et décret no 100/339 du 13 novembre 2006 portant création des Commissariats Régionaux de la brigade Spéciale Anti-corruption. 49 Décret no 100/277 du 27 septembre 2006 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’Inspection Générale de l’Etat. 46 Suprême, on pourrait tenter de croire que cette Cour a le rang et le statut d’une Cour d’Appel. du temps que prend un dossier en délibéré avant le prononcé du jugement. Or, aux termes du 1er alinéa de l’art. 4 de la loi no 1/36 du 13 décembre 2006 portant création de la Cour Anti-corruption, les règles relatives à l’organisation et à la compétence matérielle et territoriale de la Cour telles qu’elles sont définies aux articles 15 à 28 de la loi no 1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes font partie intégrante de la présente loi. Ainsi, l’art. 20 de cette dernière loi mentionne que le Président et les Conseillers de la Cour prennent le rang et le statut applicables respectivement à un Viceprésident et aux Conseillers de la Cour Suprême. Le Procureur Général et les Substituts Généraux près la Cour prennent le rang et le statut applicables respectivement à un Premier Substitut Général et aux Substituts Généraux près la Cour Suprême. Ces deux critères restent évidemment tributaires du volume des affaires dont dispose chaque juridiction ainsi que des conditions de travail, notamment la disponibilité des bureaux, des salles d’audience, des moyens matériels et humains alloués, etc. Les enquêtes ont révélé que le délai de remise d’une audience à l’autre varie entre 6 semaines et 7 mois52 et on se demande pourquoi ce délai est le plus long alors que la Cour Anti-corruption enregistre peu de dossiers et dispose des moyens matériels suffisants par rapport aux autres juridictions. Il convient de préciser ici que la loi ne peut imposer le délai de remise aux juridictions ; celui-ci est librement fixé par la juridiction en fonction des jours d’audiences publiques disponibles ; c'est-à-dire non encore occupés par d’autres dossiers. Ce délai pourrait être réduit en augmentant le nombre de jours d’audience publique qui, présentement, varie entre 3 et 4 par semaine. Quant au délai que prend le dossier en délibéré avant d’être prononcé, il dépasse généralement les prévisions de la loi. Il existe pas mal de dossiers qui traînent en délibéré depuis plus de 5 mois. Cette lenteur dans le traitement des dossiers cause un préjudice énorme au Trésor public. Donc, la Cour Anti-corruption n’a pas le rang et le statut d’une Cour d’Appel. Bien plus, à s’en tenir aux prescrits de l’art. 20 précité, la Cour Anti-corruption n’a pas le rang et le statut de la Cour Suprême. En effet, son Président ainsi que le Procureur Général près cette Cour n’ont pas respectivement le rang et le statut du Président de la Cour Suprême et du Procureur Général près cette dernière, quand bien même que les autres Conseillers et autres Substituts Généraux ont respectivement le rang et le statut des Conseillers de la Cour Suprême et de Substituts Généraux près cette Cour. De surcroît, en faisant fi à cette gymnastique du rang et du statut des magistrats de la Cour Anti-corruption et ceux du Parquet Général près cette Cour, la Cour Anti-corruption et son Parquet Général bénéficie d’un budget propre50 et l’intendance de cette Cour et de son Parquet Général ainsi que le suivi de la gestion des crédits budgétaires affectés au fonctionnement de ces service judiciaires sont assurés par un Secrétaire Général, assisté du greffier en chef et du secrétaire en chef51. Ceci permet à cette juridiction de jouir d’une autonomie financière. Même si cet état de fait objective davantage cette juridiction par rapport aux autres de l’appareil judiciaire burundais, cette autonomie est un point positif. A la lumière de ce qui précède, il est difficile de situer la Cour Anti-corruption dans la hiérarchie des juridictions burundaises. En droit, cette Cour se situe entre la Cour d’Appel et la Cour suprême. En fait, les Conseillers de cette Cour et les magistrats du Parquet Général près cette Cour sont mieux rémunérés que les Conseillers de la Cour Suprême et les magistrats du Parquet Général de la République. § II. Critiques dans le fonctionnement Nous passons en revue la lenteur dans le traitement des dossiers, l’efficacité ou le rendement et la qualité des jugements rendus. La lenteur dans le traitement des dossiers L’efficacité ou le rendement Le rendement s’apprécie d’une part en termes des dossiers clôturés par mois et par magistrat mais aussi d’autre part en termes de dossiers clôturés et exécutés. Le nombre de dossiers clôturés par les magistrats de la Cour Anticorruption dans l’ensemble par rapport aux dossiers enregistrés est satisfaisant sous réserve de quelques cas isolés qui affichent un rendement faible. Néanmoins, nous déplorons l’absence de jurisprudence. En effet, aucune décision de la Cour Anti-corruption n’est coulée en force de chose jugée. Comme aucun arrêt n’est définitif, aucune décision ne peut être exécutée. Cette situation est déplorable à plus d’un égard. D’une part, la Cour Anti-corruption est maintenant vieille de 4 ans53. D’autre part, cette Cour est dotée des moyens matériels et financiers colossaux en comparaison avec les autres juridictions. A s’en tenir à l’état actuel des choses, la Cour Anti-corruption est une institution budgétivore. § III. La compétence personnelle de la Cour Anti-corruption La Cour Anti-corruption burundaise a une compétence personnelle, une compétence qui lui est accordée dans le but de poursuivre les personnes justiciables auprès de cette Cour. Aux termes de l’art. 24 de la loi no 1/12 du 18 Avril 200654, « sous la supervision du Procureur Général de la République, le Ministère Public près la Cour Anti-corruption recherche à charge des personnes qui ne bénéficient pas du privilège de juridiction prévus par les articles 32 de la loi régissant la Cour Suprême et 28 de la présente loi, les infractions de corruption, reçoit les dénonciations y relatives, fait tous les actes d’instruction et saisit la Cour lorsqu’il ne décide pas du classement sans suite ». Comme toute autre juridiction supérieure, deux indicateurs permettent d’apprécier la vitesse de traitement d’un dossier judiciaire. Il s’agit d’une part du délai de remise à la prochaine audience accordée au dossier non pris en délibéré et d’autre part 50 Art. 3 de la loi no 1/36 du 13 décembre 2006 déjà citée. 51 Art. 5 de la même loi. 52 Ceci résulte de la consultation des registres tenus au niveau de la Cour Anti-corruption. 53 Elle a été créée le 13 décembre 2006. 54 Même loi. 47 De ce fait, ces personnes ne sont pas jugées par la Cour Anticorruption mais sont jugées par la Cour Suprême55. formalités particulières. Toutefois, leurs supérieurs hiérarchiques sont préalablement informés de la mise en accusation. La poursuite des personnes bénéficiant du privilège est différente de celle des personnes qui ne bénéficient pas des privilèges quant aux procédures. Ces personnes qui bénéficient du privilège ont un avantage de ne pas comparaître devant n’importe quelle juridiction. Sauf dispositions contraires, comme nous l’avons dit en ce qui concerne les poursuites contre les membres du gouvernement, les règles ordinaires de procédure pénale sont applicables à l’instruction pré juridictionnelle et pour tout ce qui concerne l’instruction à l’audience et l’exécution des arrêts. Des poursuites dirigées contre les membres du gouvernement et du parlement Les développements qui précèdent montrent que le Ministère Public près la Cour Anti-corruption ne fait pas son travail seul, il est supervisé par le Procureur Général de la République quant aux personnes bénéficiant du privilège de juridiction. Or, à notre avis, il ne devrait pas en être ainsi. La Cour Anti-corruption devrait avoir la compétence de poursuivre toute personne présumée être l’auteur d’une infraction de corruption ou d’une infraction connexe. Cette dualité de procédure peut réduit sensiblement l’action du Ministère Public près de la Cour Anti-corruption du moment que toute poursuite entreprise est faite sous la supervision du Procureur Général de la République. Aux termes de l’article 132 de la loi précitée régissant la Cour Suprême, c’est au Procureur Général qu’appartiennent l’initiative et la direction de l’action publique contre les membres du gouvernement. Rappelons aussi que quand l’OPJ ou l’OMP reçoit une plainte ou une dénonciation contre les membres du gouvernement ou constate une infraction à charge d’une personne relevant de la compétence personnelle d’exception de la chambre judiciaire de la Cour Suprême, il transmet le dossier au Procureur Général de la République. Quant aux procédures à suivre, les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables devant la chambre judiciaire de la Cour Suprême pour tout ce qui concerne l’instruction à l’audience. Signalons également que les règles relatives à l’instruction pré juridictionnelle et à la détention préventive prévues par le code de procédure pénale sont applicables. Les députés et les sénateurs ont une procédure apparemment particulière. Pour les poursuivre, le Procureur Général de la République doit se conformer aux dispositions constitutionnelles relatives aux poursuites dirigées contre les parlementaires et à la détention préventive de ceux-ci. L’art. 140 de la loi n°1/07 du 25 février 2005 stipule que : « Le Procureur Général de la République adresse au Président de l’Assemblée Nationale ou au Sénat une note dans laquelle il développe les charges qui pèsent sur le député ou le sénateur et qui exprime en même temps la demande d’autorisation de poursuite ». Ainsi, l’on remarque que le Procureur Général de la République demande une autorisation pour poursuivre les députés et les sénateurs. Il n’est pas libre et n’a, par conséquent pas, la plénitude de l’action pénale, contrairement à ce qui est prévu par le code de l’organisation et de la compétence judiciaire56. Des poursuites dirigées contre les autres personnes bénéficiaires du privilège de juridiction Les poursuites dirigées contre les autres personnes bénéficiaires du privilège de juridiction sont faites souvent sans autre formalité. Par exemple, aux termes de l’art. 144 de la loi régissant la Cour Suprême, on voit bien que les autres personnes jouissant du privilège de juridiction autres que les membres du gouvernement, les députés et les sénateurs sont mis en accusation sans 55 Loi no 1/07 du 25 Février 2005 régissant la Cour Suprême. 56 Art. 136 : l’exercice de l’action publique dans toute sa plénitude et devant toutes les juridictions appartient au Procureur Général de la République. § IV. Analyse critique de l’indépendance des magistrats de cette Cour et de ceux du Parquet Général Les obstacles juridiques et fonctionnels à l’indépendance de la magistrature De l’analyse de la Constitution, de la loi portant mesure de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes et du Statut des magistrats57, nous avons décelé des obstacles juridiques et fonctionnels à l’indépendance des juges. L’article 9 point 2 de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation prévoit que « le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant. Nul ne peut s’ingérer dans son fonctionnement ». Ce principe est confirmé par la Constitution en son article 20958. Le constituant dispose que « le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Dans l’exercice de ses fonctions, le juge n’est soumis qu’à la Constitution et à la loi. » Au-delà de cette consécration constitutionnelle du principe d’indépendance du juge, certaines dispositions de la loi suprême sont en contradiction avec lui. Le critère d’équilibre ethnique et de genre59 à observer pendant la procédure relative au recrutement est un écueil juridique malheureux à leur indépendance. Ce critère risque de raviver les réflexes identitaires chez certains magistrats, alors que le devoir d’impartialité les place au-dessus des clivages sociaux. L’exercice de la fonction judiciaire exige des qualités très diverses : des connaissances techniques et pratiques, la connaissance des hommes, l’aptitude à comprendre leurs problèmes et par-dessus tout, des qualités personnelles de sagesse, de bon sens et 57 Aux termes de l’art. 19 de la loi no 1/12 du 18 avril 2006 portant mesure de prévention et répression de la corruption et des infractions connexes, les magistrats de la Cour et ceux du Parquet Général sont soumis au statut de la magistrature pour tout ce qui n’est pas réglé par cette loi. 58 Loi no 1/010 du 18 mars 2005portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi. 59 Art. 208 de la loi précitée : « Le pouvoir judiciaire est structuré de façon à refléter dans sa composition l’ensemble de la population. Les procédures de recrutement et nomination dans le corps judiciaire obéissent impérativement au souci de promouvoir l’équilibre régional, ethnique et l’équilibre entre genres ». 48 d’indépendance. Pour cette raison, le législateur burundais devra prévoir des critères objectifs de recrutement. Aux termes de l’article 1er de la loi n° 1/001 du 29 février 2000 portant réforme du Statut des magistrats, le magistrat de carrière est nommé par le Président de la République sur proposition du Ministre de la Justice. Les nominations de hauts magistrats sont entérinées par le Sénat National, le Conseil Supérieur de la Magistrature n’y intervient que pour donner un avis facultatif. Il se dégage que le magistrat se trouve dans un état de dépendance psychologique dès le début de sa carrière. l’administration centrale de l’Etat, ceux des communes, des régies personnalisées et des établissements publics administratifs. Elle couvre aussi la gestion des finances des sociétés publiques et celles de tous les projets financés par les deniers publics. Il y a aussi des deniers privés que la loi assimile aux deniers publics. Ce sont des deniers privés qui, en vertu des lois et règlements, devraient appartenir ou être confiés à un service public. La mission juridictionnelle qui était attribuée à la Cour des Comptes burundaise a été déclarée inconstitutionnelle par l’arrêt de la Cour Constitutionnelle RCCB 160-161 du 2 mars 2006. Le Statut des magistrats n’organise pas des procédures objectives et transparentes d’avancement en grade des magistrats de carrière. L’article 11 de ce statut confère au Ministre de la Justice et au Président de la République les prérogatives de décider de leur promotion, l’avis du Conseil Supérieur de la Magistrature n’étant que consultatif. Cette pratique affecte l’indépendance de la magistrature en ce que les magistrats sont contraints à obéir aux ordres de l’exécutif pour obtenir ses bonnes grâces. En bref, la Cour des Comptes se contente seulement d’effectuer des contrôles ou des vérifications dont elle transmet le rapport à l’Assemblée Nationale. Il appartient à cette dernière de faire diligence ou pas étant entendu qu’il n’y a plus d’arrêt exécutoire. L’indépendance des magistrats vis-à-vis de l’environnement social L’actuelle Cour des Comptes se caractérise par des spécificités. D’une part, l’actuelle Cour des Comptes est avant tout une juridiction des comptes des services publics. Dans son art. 2 de la loi portant création, mission, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes « la Cour est investie d’une mission juridictionnelle à l’égard des ordonnateurs et des comptables publics »60. D’autre part, elle est indépendante du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. De part sa déontologie, le magistrat rend une justice impartiale, sans aucune considération de personnes, d’intérêts, d’appartenance sociale, ethnique, politique, régionale ou raciale. Il lui est difficile d’observer ces règles éthiques et déontologiques dans un contexte social caractérisé par la précarité de ses conditions de travail. Cette situation place les magistrats dans un état de dépendance permanente vis-à-vis des justiciables et ouvre la voie à la corruption, à la médiocratie et à tous les maux connexes. Il faudra doter les magistrats de moyens classiques de travail et des émoluments de nature à les mettre à l’abri du besoin et des sollicitations de la part des justiciables. Quand bien même les Conseillers de la Cour Anti-corruption et les substituts généraux près cette Cour bénéficie d’un léger mieux par rapport aux autres magistrats, des efforts restent à déployer. Le manque d’indépendance vis-à-vis de l’exécutif entraîne aussi l’impunité à grande échelle, car le système judiciaire ne peut faire son travail comme il faut. Cela est justifié par le fait que la magistrature reste sous le contrôle de l’Exécutif. C’est ce dernier qui nomme, révoque et promeut le magistrat sans possibilités de recours à d’autres mécanismes légaux. Donc, il est au bon vouloir de l’Exécutif. Enfin, même ce qui lui reste de ses missions originelles exige un personnel hautement qualifié et des moyens matériels et financiers importants pour s’en acquitter convenablement. § II. L’indépendance de la Cour des Comptes De l’indépendance de la Cour vis-à-vis du pouvoir législatif C’est l’Assemblée Nationale qui élit les magistrats de la Cour des Comptes. Aussi, l’exécutif n’intervient que pour formaliser le choix des députés. Mais, après nomination, ils exercent librement leur mission conformément à la loi. Ils établissent eux-mêmes leur programme d’activités qu’ils exécutent sans ingérence ni du législatif ni de l’exécutif. Section II. La Cour des Comptes Toutefois, l’Assemblée Nationale peut demander à la Cour d’effectuer une enquête complémentaire conformément aux dispositions pertinentes de l’art. 3. C’est ici que la Cour doit sauvegarder jalousement son indépendance en évitant que l’Assemblée Nationale ne recoure excessivement aux dispositifs de l’art. 2 parce qu’un recours démesuré risquerait d’empiéter sur la bonne exécution de son propre programme. § I. Considérations générales De l’indépendance de la Cour vis-à-vis du pouvoir exécutif La nouvelle Cour des Comptes n’est pas une juridiction pénale. C’est ce qui la différencie avec celle qui a fonctionné du 31 février 1982 au 22 juillet 1996. L’indépendance de la Cour vis-à-vis du pouvoir exécutif se remarque dans la procédure de la nomination des membres de la Cour. En effet, l’art. 41 de la loi no1/002 du 31 mars 2004 portant création, mission, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes dispose que le Président, le Vice-président, le Commissaire du Droit et son adjoint et les autres membres de la Cour sont nommés par Décret sur proposition du Bureau de l’Assemblée Nationale approuvés par la majorité des deux tiers de l’Assemblée Nationale. Leur mandat est de six ans. Une fois approuvés par l’Assemblée Nationale, les magistrats de la Cour n’ont pas besoin de faire allégeance au gouvernement pour conserver leurs postes ou pour exercer pleinement leur mission. Cette nouvelle Cour juge les comptes et non les gestionnaires de ces comptes. Lorsque l’examen des comptes révèle des faits susceptibles de constituer des fautes administratives, pénales ou de gestion, le Président de la Cour saisit sans délai l’autorité compétente pour en assurer la poursuite disciplinaire, pénale ou civile. La compétence la Cour des Comptes couvre la gestion financière des services publics, c'est-à-dire l’emploi des deniers de 60 Loi no1/002 du 31 mars 2004. 49 Une fois encore nommés, leur carrière est gérée à la Cour et cela leur garantit de ne pas être instrumentalisés par l’exécutif. De l’indépendance de la cour vis-à-vis du pouvoir judiciaire La Cour des Comptes n’est pas l’émanation du pouvoir judiciaire. Elle est différente de celle de 1989 qui faisait partie intégrante du corps judiciaire. L’art. 1 de la loi n°1/002 du 31 mars 200461 stipule que « il est créé une Cour des Comptes rattachée à l’Assemblée Nationale dont les missions, l’organisation et le fonctionnement sont régis par la présente loi ». Cette loi créant la Cour montre que celle de 2004 est créée auprès de l’Assemblée Nationale. Cette disposition a été ainsi voulue par le législateur pour faire échapper la Cour à une quelconque subordination du pouvoir judiciaire. Bien plus, alors que les arrêts de la Cour des Comptes de 1989 étaient portés au niveau de la Cour Suprême pour cassation, le recours en appel formés contre les arrêts de l’actuelle Cour des Comptes sont portés devant la chambre d’appel de la même Cour62. Le recours en révision contre les arrêts définitifs rendus par chacune des chambres permanentes qui ne sont plus susceptibles d’appel et contre les arrêts définitifs de la chambre d’appel est porté devant la Cour siégeant toutes chambre réunies (art 98 et 99 de la loi). Donc, l’indépendance de la Cour des Comptes vis-à-vis du pouvoir judiciaire est totale. Elle concourt à la transparence dans la gestion de la chose publique et à la promotion de la bonne gouvernance économique par l’analyse des comptes des comptables publics. L’actuelle Cour des Comptes respecte le critère de juge des comptes des comptables publics et non de personne. Elle doit s’en référer au juge compétent chaque fois qu’elle constate des fautes de gestion dans le chef des gestionnaires des crédits publics. En effet, aux termes de l’art. 67 de la loi précitée, « lorsque l’examen des comptes révèle des faits susceptibles de constituer des fautes administratives, pénales ou de gestion, le Président de la Cour saisit sans délai l’autorité compétente pour en assurer la poursuite disciplinaire, pénale ou civile ». Section III. L’Inspection Générale de l’Etat L’Inspection Générale de l’Etat (IGE) est parmi les institutions dont dispose le Burundi qui, directement ou indirectement, est amenée à lutter contre le phénomène de corruption. Elle est instituée par le décret n°100/277 du 27 septembre 2006 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de l’Inspection Générale de l’Etat. Elle a une mission permanente d’inspection, de contrôle du fonctionnement et de la gestion des services publics, des institutions de l’Etat et des organismes publics et entreprises ou associations privées soumis à son contrôle64. Les services publics, institutions de l’Etat et organismes publics et privés soumis au contrôle de l’IGE sont précisés à l’art. 4 du même décret et comprend: les services de la superstructure gouvernementale, les services centraux des départements ministériels, les services déconcentrés, les administrations personnalisées, les collectivités décentralisées, les projets publics de développement ; toutes les institutions de l’Etat ; tous les établissements publics nationaux et locaux ; toutes les sociétés à participation publique. La mission de l’IGE s’exerce également à l’égard de toute personne morale constituée sous forme d’établissement ou d’association et bénéficiant des concours financiers, avals ou garanties de l’Etat et des autres personnes morales publiques. La mission de l’IGE s’exerce également partout où l’intérêt du Trésor public est en jeu ; notamment en matière de la régularité des liquidations des impositions faites par l’administration des impôts65. L’IGE peut également effectuer des contrôles auprès des entreprises et associations privées présentant un caractère stratégique pour l’Etat à condition que ces contrôles ne soient pas incompatibles avec les lois qui les créent66. Section IV. La Brigade Spéciale Anti-corruption La Brigade Spéciale Anti-corruption est l’une des institutions à caractère public qui luttent contre la corruption. Elle est instituée par les deux textes qui sont la loi no 1/37 du 28 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption et la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes. Dès le départ, une dichotomie s’observe. En effet, nous lisons à l’art. 3 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 qu’il est mis en place un cadre institutionnel composé d’une Brigade Spéciale Anticorruption et d’une Cour Anti-corruption. De même, nous lisons à l’art. 1 de la loi no 1/37 du 28 décembre 2006 qu’il est créé une Brigade Spéciale Anti-corruption. Finalement, entre les deux textes, lequel institue la Brigade Spéciale Anti-corruption ? L’IGE est un organe de contrôle de l’Etat à compétence nationale, jouissant d’une préséance sur tous les autres organes de contrôle, d’inspection ou de vérification à caractère administratif63. 61 Loi portant création, missions, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes. 62 Art.100 de la loi no 1/002 du 31 mars 2004 portant création, missions, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes. 63 Art. 2 du même décret. 64 Art. 3 du même décret. 65 Art. 7 du décret no 100/277 du 27 septembre 2006 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de l’IGE. 66 Art. 6 du même décret. 50 § I. Création et missions de la Brigade Spéciale Anti-corruption Le siège de la matière se trouve aux arts. 1 à 3 de la loi no 1/37 du 28 décembre 2006 67 et aux arts. 5 à 10 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006. Aux termes de l’article 1 de la loi no 1/37 du 28 décembre 2006, il est créé une Brigade Spéciale Anti-corruption. La Brigade Spéciale Anti-corruption est une police à compétence restreinte opérant sur toute l’étendue de la République. La Brigade Spéciale Anticorruption dispose de la compétence exclusive pour procéder à la recherche des auteurs présumés coupables des infractions de corruption et des infractions connexes. A en croire l’art. 2 de la loi précitée, la Brigade Spéciale Anticorruption a une mission globale de moralisation de la vie publique, de dissuasion en matière de corruption et des infractions connexes ainsi que leur répression. Elle se saisit d’office des affaires qui ne font pas objet de poursuites judiciaires avant de saisir le Procureur Général près la Cour Anti-corruption. Selon toujours la même disposition, la Brigade Spéciale Anticorruption coopère avec les organismes nationaux, étrangers et internationaux de lutte contre la corruption. La Brigade Spéciale Anti-corruption travaille avec les organismes étrangers dans le but de lutter efficacement contre la corruption. constatées par le Procureur Général près la Cour Anti-corruption, un rapport est dressé et transmis aux chefs hiérarchiques de l’officier défaillant. Le Procureur Général est informé de la suite réservé au dossier. La Brigade Spéciale Anti-corruption est en outre organisée en un commissariat général dirigé par un commissaire général et en commissariats régionaux dirigés par des commissaires régionaux69. Le commissariat général, quant à lui, comprend une direction chargée des questions administratives et juridiques et une direction chargée des questions financières et logistiques70. Dans l’exercice de sa fonction, le Commissaire Général de la Brigade Spéciale Anti-corruption, chef hiérarchique des officiers de la Brigade, a le pouvoir d’autoriser à un officier sous ses ordres à mener des investigations et des recherches71. Après la confection du dossier, le Commissaire Général saisit le Procureur Général près la Cour Anti-corruption des faits susceptibles de constituer des infractions de corruption et des infractions connexes72. L’option prise est de confier la responsabilité de la répression de la corruption à la police. Mais l’expérience internationale a démontré l’inefficacité de cette option pour faire baisser la corruption, car la police elle-même devient souvent corrompue73. Ce qui est confirmé dans le cas du Burundi au regard des perceptions qu’ont les populations du niveau de corruption au sein des corps de police74. Dans le cadre de leurs missions, les officiers de la Brigade Spéciale Anti-corruption sont investis des pouvoirs d’officier de police judiciaire tel que cela ressort de l’art. 6 de la loi no 1/12 du 18 Avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes. § II. Organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anticorruption La Brigade Spéciale Anti-corruption est une administration personnalisée disposant d’un patrimoine et jouissant d’une autonomie de gestion68. La Brigade Spéciale Anti-corruption est placée sous la tutelle du Ministère ayant la bonne gouvernance dans ses attributions. Or, dans le cadre de la coordination des activités de la Brigade Spéciale Anti-corruption, le Procureur Général près la Cour Anticorruption est habilité à blâmer un officier de la Brigade Spéciale Anti-corruption en cas de défaillance. Cette sanction est aussi réservée aux chefs hiérarchiques de l’officier sanctionné. Ainsi, une double hiérarchie s’observe : l’autorité administrative et l’autorité fonctionnelle. Il est inconcevable que le Procureur Général près la Cour Anti-corruption contrôle les activités de la Brigade Spéciale Anti-corruption alors que le processus de recrutement, de notation, d’avancement des grades et de promotion lui échappe. En effet, aux termes de l’art. 19, al. 2 de la loi no 1/37 du 28 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption, pour des fautes graves 67 Loi portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption. 68 Art. 4 de la loi no 1/27 du 3 août 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption. L’autonomie de gestion consolide l’indépendance matérielle et financière de cette brigade. 69 Art. 6 de la même loi. 70 Art. 9 de la loi no 1/27 du 3 août 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption. 71 Art. 7 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes. 72 Art. 18 de la loi no 1/27 du 3 août 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption. 73 Ibidem. 74 Les dix premières institutions les plus corrompues selon les personnes des ménages sont dans l’ordre, le fisc, la cours des comptes et le parlement (41%), la justice officielle (36%), l’inspection générale de l’état et les partis politiques (33%), les douanes et le gouvernement (32%), la police nationale (29%) et les autorités locales (21%). Pour les fonctionnaires, ce sont les douanes et le fisc (88%), la police nationale (82%), les partis politiques (81%), la justice officielle (80%), le Gouvernement (76%), le Parlement (70%), les autorités locales (66%), la Cour des Comptes (59%) et l’Inspection Générale de l’Etat (52%). Pour les entrepreneurs, ce sont aussi les douanes (91%), suivies de la police nationale (89%), le fisc et la justice officielle (84%), le Gouvernement (81%), les partis politiques (78%), le Parlement (77%), la Cour des Comptes, l’Inspection Générale de l’état (61%) et les autorités locales (57%). Les responsables des ONG ont indexé dans l’ordre, la police nationale (94%), les douanes (92%), le fisc (91%), les partis politiques (90%), le gouvernement (87%), le parlement et la justice officielle (85%), la cour des comptes (84%), l’inspection générale de l’état (81%), les autorités locales (79%). Pour plus de détails, voir : Ministère à la Présidence Chargé de la Bonne Gouvernance, de la Privatisation, de l’Inspection Générale de l’Etat et de l’Administration Locale, Rapport de l’étude diagnostique sur la gouvernance et la corruption au Burundi, mai 2008, p. 34. 51 Chapitre II. Des relations fonctionnelles entre les institutions de lutte contre la corruption et les infractions connexes Section I. Relations fonctionnelles entre la Cour Anticorruption et les autres institutions Nous pouvons dire qu’une relation fonctionnelle existe entre les différentes institutions de lutte contre la corruption. A cet effet, la Cour Anti-corruption reçoit les dossiers provenant de la Brigade Spéciale Anti-corruption comme on l’a déjà souligné. Il reçoit aussi les dossiers provenant de la Cour des Comptes ou de toute autre institution des finances publiques comme l’IGE ainsi que les rapports d’audit contenant des infractions prévues par la loi n°1/12 du 18/04/2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes. La Cour Anti-corruption reçoit aussi des dénonciations ou des plaintes provenant des institutions privées comme l’OLUCOME75, l’OAG76 et l’ABUCO77. Après avoir constaté les infractions de corruption ou assimilées, ces institutions en question rassemblent tous les documents qui peuvent servir de preuve et les transmettent à la juridiction compétente. Ensuite, le Procureur Général près la Cour Anticorruption exerce les poursuites devant cette dernière. Il peut aussi déléguer ses fonctions aux substituts généraux. Section II. Relations fonctionnelles entre l’Inspection Générale de l’Etat et la Cour des Comptes La relation entre l’Inspection Générale de l’Etat et la Cour des Comptes est fonctionnelle. Ces deux institutions sont toutes mises en place pour lutter contre la corruption et les malversations économiques et financières. Elles effectuent des missions apparemment identiques. Il n’y a pas de différences fondamentales entre ces deux institutions. La seule différence se remarque au niveau de leur statut juridique. L’IGE est un organe du pouvoir exécutif alors que la Cour des Comptes est une émanation du pouvoir législatif. Donc, la première institution conseille le Gouvernement quand la seconde conseille le Parlement. Actuellement, l’IGE est rattachée à la Présidence de la République, l’Inspection a tout pouvoir d’enquête et de contrôle sur la gestion des recettes et dépenses des administrations de l’Etat et des collectivités publiques ainsi que tous les éléments de leur patrimoine. A cet effet, elle procède aux inspections et enquêtes nécessaires. Ses rapports peuvent être rendus publics par le Président de la République. Elle coordonne l’action des inspections ministérielles. Chapitre III. Analyse critique de la loi anticorruption Sur le plan de la forme, la loi est peu soignée et souffre d’une lourdeur rédactionnelle qui rend mal aisée sa consultation. Un texte de nature pénale, comme la loi anti-corruption, se doit d’être précis. Malheureusement, ce n’est pas le cas. A plusieurs endroits, le texte donne l’impression d’une rédaction qui a été faite dans la précipitation, car des expressions hors usage dans le droit burundais sont souvent utilisées. Section I. Manque de précision § I. Manque de précision dans les textes Le manque de précision du texte risque par ailleurs de créer des ambiguïtés dans l’interprétation de la loi. A titre d’exemple (on ne saurait ici être exhaustif), la loi anti-corruption parle à plusieurs reprises de « tout organisme bancaire », sans que l’on puisse faire la distinction entre la banque publique de la banque privée, alors que manifestement, par endroits, cette dernière n’est en principe pas concernée. Ce manque de rigueur sur le plan rédactionnel est de nature à déboucher sur de possibles abus de droit ou de pouvoir. Aussi, dans la mise en pratique de la loi, le juge risque d’être paralysé du fait des télescopages prévisibles avec d’autres dispositions du code pénal78 en vigueur car il aura du mal à faire la distinction entre ce qui relève de la loi anti-corruption et du code pénal. § II. Manque de précision dans la protection des dénonciateurs L’art. 13, 2° de la loi n°1/12 du 18 avril 200679 stipule que « quiconque aura contribué à la dénonciation des infractions prévues par la présente loi, sans avoir pris part à la commission de ces infractions, aura droit à une prime de cent milles à trois cent mille francs qui sont payés par le condamné au cas où l’infraction dénoncée n’a pas entraîné la confiscation de ses biens ». Ceci est un non-sens juridique : un condamné qui offre une prime à celui qui l’a dénoncé ? Bien plus, pour passer du statut de prévenu à celui de condamné, un laps de temps relativement long doit s’écouler. Donc, le versement de la prime ne sera qu’ultérieur ce qui risque de produire un effet psychologique négatif sur l’éventuel dénonciateur. En effet, ce dernier n’encaisse pas le fruit de la dénonciation dans la fraîcheur des faits. De surcroît, la loi parle dans sa section III de la « protection » des dénonciateurs et des témoins, mais elle ne contient aucune disposition qui indique comment ces personnes doivent être protégées. Comme la Cour des Comptes jouit d’une grande indépendance par rapport à l’IGE, les missions de cette dernière peuvent être effectuées par la Cour des Comptes. Ceci permettra d’éviter les chevauchements des missions des deux institutions et de réduire les dépenses de fonctionnement. § III. Manque de précision sur les immunités 75 Organisation de Lutte contre la Corruption et les Malversations économiques. 76 Observatoire de l’Action Gouvernementale. 77 Association Burundaise des Consommateurs. 78 Art. 420 à 446 de la loi no 1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal. 79 Loi portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes. L’article 24 de la loi sous analyse dispose que « sous la supervision du Procureur Général de la République, le Ministère Public près la Cour Anti-corruption recherche à charge des 52 personnes qui ne bénéficient pas du privilège de juridiction prévues par les articles… ». Cet article est muet quant aux infractions commises par les personnes qui bénéficient du privilège de juridiction par rapport à la Cour Anti-corruption. On se demande alors pourquoi une Cour pour les « petits poissons » seulement. En tout cas, c’est ce à quoi aboutit le texte, même si on peut présumer que ce n’était pas l’intention des rédacteurs. Section II. Mélanges de compétences L’intitulé de la loi anti-corruption est inapproprié parce qu’il mélange deux notions différentes, la prévention et la répression, soumises en principes à des compétences différentes. Il revient, en effet, à la police ou à d’autres structures publiques ou privées de prévenir, tandis que la répression est de la compétence du juge. Cette confusion de l’intitulé de la loi se traduit dans son contenu qui est confus : la loi mélange, dans son contenu, l’organisation judiciaire avec ce qui est de l’application de la loi proprement dite. Une telle confusion va embrouiller le juge et sera du « pain béni » pour les avocats de la défense qui n’auront pas du mal à jouer à cette confusion. La conséquence sera que le but recherché par la loi ne sera pas nécessairement atteint. Ce qui est le plus inquiétant, c’est que cette loi, dans sa mise en œuvre pratique, risque de paralyser l’action du juge, du fait des télescopages prévisibles avec d’autres dispositions du code pénal en vigueur. Le juge aura alors du mal à savoir ce qui relève de la loi anticorruption et ce qui relève du code pénal. Comme on l’a signalé dans les développements précédents, le problème majeur concerne les personnes jouissant du privilège de juridiction. Nous savons que les hautes autorités de la République sont jugées par la Haute Cour de Justice conformément à l’art. 234 de la Constitution du Burundi qui stipule que : « La Haute Cour de Justice est compétente pour juger le Président de la République pour la haute trahison, le Président de l’Assemblé Nationale, le Président du Sénat, les Vice-présidents de la République pour crimes et délits commis au cours de leur mandat ». Ce qui est étonnant, c’est que théoriquement parlant cette Haute Cour de Justice existe conformément à l’article 243 de la Constitution qui dispose que la « la Haute Cour de Justice est composée de la Cour Suprême et de la Cour Constitutionnelle réunies. Elle est présidée par le Président de la Cour Suprême, le Ministère Public est représenté par le Procureur Général de la République ». Aux termes de cet article, nous constatons que la Cour devrait être fonctionnelle puisque sa composition est opérationnelle. Section III. La persistance de l’impunité des crimes économiques : conséquence des faiblesses du dispositif juridique Des cas de délit ou de crimes bien connus sont restés impunis. L’action du Parquet Général près la Cour Anti-corruption accuse une triple limite. D’abord, elle est limitée lorsque les délinquants prennent le large vers l’étranger. Selon les propos du Procureur Général près la Cour Anti-corruption, le mandat d’arrêt international est inopérant sans convention de coopération judiciaire et, sur ce point, le Burundi est un singleton. L’Interpol peut seulement renseigner, mais elle ne peut pas arrêter un fugitif en l’absence d’une convention d’extradition. Signalons que le Burundi ne dispose de convention de coopération judiciaire qu’avec le Rwanda et la République Démocratique du Congo dans le cadre de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs, CEPGL en sigle80, et avec la Tanzanie81. Ces conventions n’ont pas encore été ratifiées. De plus, comme constaté plus haut, certaines personnalités échappent à la répression de la Cour Anti-corruption du fait qu’elles jouissent du privilège de juridiction. Ceci prouve à suffisance que, comme l’a fait constater le Président de l’OLUCOME, « les institutions chargées de réprimer les actes de corruption prennent le taureau par les jambes au lieu de le prendre par les cornes »82. Chapitre IV : Quelques propositions de stratégies et d’actions anti-corruption Le modèle des dragons asiatiques83 est souvent cité parmi les principaux succès dans la lutte anti-corruption. Ces succès sont dus en grande partie à l’action énergique des commissions ou agences indépendantes de lutte contre la corruption. Dans chacun des cas, en sus du grand soutien public et politique, ces commissions ont bénéficié d’importants moyens leur permettant de renforcer leurs capacités de prévention, de recherche et de répression. Suivant ces modèles, l’approche de lutte contre la corruption qui donne les meilleurs résultats s’appuie concomitamment sur trois piliers : la sensibilisation combinée à la formation, la prévention et la répression84. En plus des expériences d’autres pays, les spécificités (politiques, socio-économiques, culturels, etc.) propres à chaque pays doivent être intégrées dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique anti-corruption. Pour réussir tout plan anti-corruption suppose une nécessaire pré-condition, un big-bang initial, la volonté politique de laquelle découle l’élaboration d’un plan cohérent et déterminé de lutte anti-corruption. Ledit plan de lutte anti-corruption peut être structuré autour de trois axes stratégiques : sensibilisation, prévention et répression. Ces axes sont en interaction permanente et dynamique. 80 Convention judiciaire entre la République du Burundi, la République rwandaise et la République du Zaïre adoptée le 21 juin 1975. Le même jour, un protocole à cette convention judiciaire a été adopté. Il s’agit de l’entraide journalière en matière pénale entre les Etats membres de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs. 81 Convention d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République Unie de Tanzanie et la République du Burundi adoptée le 27 avril 1988. 82 RUFYIRI, G., « Contribution à la bonne gouvernance économique locale à travers la lutte contre la corruption » in Renouveau du Burundi no 7232 du 21 mars 2008, p 16. 83 Il s’agit de Hong Kong, Singapour, Taiwan et la Malaisie. 84 « Comme les trois pieds d’un tabouret, chaque pied est nécessaire, et aucun d’eux n’est suffisant à lui tout seul dans le long terme », voir le rapport réalisé par Salvatore Schiavo-Campo, Nathan Associates Inc. , USAID, mai 2006. 53 Section I. Sensibiliser, former et éduquer contre la corruption professionnalisation des associations de la société civile et des médias dans certains domaines techniques et éthiques. La sensibilisation est la première manifestation de la volonté politique de lancer et de poursuivre la lutte contre la corruption. Il s’agit de campagnes nationales destinées à toute la population ou à des publics ciblés (leaders politiques, fonctionnaires, opérateurs économiques, société civile, médias, etc.) qui visent la sensibilisation sur le concept de la corruption, ses méfaits et ses conséquences ainsi que les mesures adoptées pour la combattre. Cette campagne peut être menée en utilisant plusieurs supports : les affiches, la radio, la télévision, le théâtre, le cinéma, etc. Sa crédibilité exige l’implication, en premier temps des autorités à tous les niveaux, mais elle peut être confiée à des services spécifiques. Pour accroître son impact, la sensibilisation doit impliquer le plus grand nombre d’acteurs possibles comprenant la société civile, les médias, les églises, etc. Ces derniers temps, certaines associations et médias ont démontré une certaine capacité d’organiser de telles campagnes. La dénonciation des faits de corruption et des corrupteurs est un aspect cardinal dans la lutte contre la corruption. Elle joue à la fois un rôle préventif et dissuasif. Elle peut être l’œuvre des pouvoirs publics mais surtout des structures de contre-pouvoirs en particulier, la société civile et les médias. L’association de la population dans ce processus est capitale. A cet égard, il est nécessaire de prévoir des mécanismes de dénonciation anonyme (téléphone vert, boîtes de dénonciation, etc.) permettant aux dénonciateurs d’agir et de s’exprimer en toute sécurité. L’autre face de la sensibilisation, ce sont les formations qui ne devraient pas se limiter à la corruption mais agrandir les horizons du public cible sur les droits de l’homme, les principes de bonne gouvernance, etc. Des publics spécifiques, notamment les élèves, les étudiants et les commerçants pourraient être ciblés, en vue d’assurer la durabilité de la lutte anti-corruption. Dans le domaine de l’éducation, l’objectif est de sensibiliser les futurs cadres à la bonne gestion de la chose publique et à la promotion de l’intégrité. Dans cette perspective, des programmes d’éducation civique devraient intégrer des leçons consacrées à la gouvernance et particulièrement aux questions relatives à la lutte contre la corruption. L’objectif ultime de la sensibilisation-formation serait de percer l’opacité qui protège les faits de corruption et les corrupteurs et ainsi mettre les corrupteurs à nu. Il s’agit aussi de changer progressivement les mentalités et transformer les éléments culturels qui font le lit aux pratiques corruptives. Il s’agit ensuite de jouer sur les rapports de force en déstabilisant les corrupteurs, en perturbant leur quiétude pour qu’ils n’en imposent plus sur les dénonciateurs de la corruption et sur ceux qu’ils rançonnent. Les campagnes pourraient être rehaussées par des aspects symboliques notamment la mise en exergue de modèles de lutte contre la corruption, l’attribution de récompenses à des personnes ou des organisations qui se seraient distinguées dans la lutte anticorruption ou ayant fait preuve d’intégrité dans d’autres secteurs. La sensibilisation pourrait puiser dans la réserve culturelle burundaise pour utiliser, en guise de supports, des dictons et des pratiques ayant un contenu montrant à quel point cette pratique est dévalorisante. Section II. Prévenir la corruption et dissuader ses éventuels auteurs La documentation des faits de corruption et leur publication sont importantes dans le processus de dissuasion et de prévention. Cette démarche vise à faire la lumière sur les faits dont l’anonymat et l’opacité profitent à leurs auteurs et les renforcent. Cette démarche aurait au moins un double objectif : sensibiliser et mobiliser mais aussi troubler la quiétude des fautifs. Evidemment, la réalisation de telles recherches exige une certaine C’est dans ce cadre que des mécanismes, encourageant la dénonciation spécialement à l’égard des personnes impliquées dans des pactes corruptifs, peuvent être initiés. L’encouragement de la dénonciation suppose l’introduction de mesures d’incitations sélectives pour le dénonciateur, dès lors qu’il accepte de coopérer en dénonçant le pacte. Par incitations sélectives, il faut comprendre des gratifications substantielles à l’égard du dénonciateur et des circonstances aggravantes pour les récalcitrants. L’accroissement de l’efficacité et de la transparence de l’administration publique et des services publics est essentiel dans la prévention de la corruption. On sait que ce sont les situations de monopoles, les pouvoirs discrétionnaires et les lenteurs dans les services qui encouragent la corruption. Au Burundi, chaque ministère ou administration dispose habituellement d’une inspection générale sensée évaluer les performances et les dysfonctionnements des services concernés85. Malheureusement, ces mécanismes semblent embourbés dans une routine complaisante qui ne leur permet pas d’avoir ni l’indépendance ni les moyens nécessaires pour jouer convenablement leur rôle. Dans certains cas, l’audit extérieur de services exposés à la corruption peut être plus approprié. Section III. Mettre fin à l’impunité: organiser la répression de la corruption Ce sentiment résume l’opinion générale que l’impunité des corrompus est la principale cause de l’augmentation de la corruption et son extension à tous les secteurs. Sa réduction passe donc nécessairement par la mise en place d’un plan cohérent comprenant un dispositif légal et réglementaire efficace86. Jusqu’à présent, les initiatives prises de lutte contre la corruption sont décloisonnées et ne s’intègrent pas dans un tout cohérent. En plus, certaines lois ont été adoptées au forceps et n’ont pas fait l’objet de consultations suffisantes. On prônerait le durcissement des sanctions pour qu’elles soient exemplaires, sévères, dissuasives. En la matière, l’expérience internationale a montré que la rapidité et la prévisibilité des sanctions est beaucoup plus efficace que leur sévérité87. 85 On peut citer l’Inspection générale de l’Education, la santé publique, la Police et la Justice. 86 TALAHITE Fatiha, Les enjeux de l’évaluation et de la lutte contre corruption, la Communication à la Table-ronde « Corruption, autopsie d’un fléau », Alger, 14 décembre 2006. 87 Lire Combattre la corruption et restaurer la responsabilité au Burundi, Salvatore Schiavo-Campo, Nathan Associates Inc., USAID, mai 2006. 54 Le Burundi est en train de monter un dispositif légal et réglementaire de documentation et de répression de la corruption. Mais celui-ci fait l’objet de nombreuses critiques. Les rôles de la Cour des Comptes, de l’Inspection Générale de l’Etat, de la Cour et la Brigade anti-corruption nécessitent d’être clarifiés en vue d’accroître leur efficacité, éviter les chevauchements et lever les ambiguïtés qui y subsisteraient. 210 à 220 de la Constitution disposent que le Conseil Supérieur de la Magistrature joue un rôle purement consultatif. Comme mentionné ci-dessus, il est majoritairement composé des membres choisis par le Gouvernement et présidé par le Président de la République ou par le Ministre ayant la justice dans ses attributions. Outre la répression pénale, le recours à des mécanismes non judiciaires peut aider dans cette lutte de longue haleine. On peut penser à la stigmatisation des corrupteurs et des corrompus à travers la médiatisation des procès et des verdicts rendus ainsi que la constitution et la publication des listes des auteurs de la corruption. L’affichage public des listes, leur diffusion à travers les média pourraient jeter l’opprobre sur les délinquants et servir comme un dispositif de dissuasion. La loi anti-corruption s’est beaucoup plus attachée à alourdir les peines, qu’à apporter une réponse à la question essentielle qui préoccupe tout le monde : l’impunité des crimes de corruption et autres malversations économiques. Dans cette panoplie, les sanctions administratives pourraient être d’une grande utilité. Elles peuvent être prises selon la gravité et comprendre un éventail de mesures comme la mutation, la dégradation et le licenciement. Ces mesures pourraient être corsées par la divulgation des noms des personnes sanctionnées. Dans le cadre de la petite corruption qui a lieu dans les administrations locales et sur les collines, on peut penser à un mécanisme culturel de sanction morale. La symbolique de l’exemple pourrait apporter une plus-value dans la lutte contre la corruption. Ainsi, au lieu de frapper les petits comme c’est souvent le cas, la volonté politique devrait se manifester à travers la capture de « gros poissons ». Cela constitue un signal fort d’une rupture avec la culture de l’impunité. Conclusion Indépendance de la magistrature Les magistrats de la Cour Anti-corruption et ceux du Parquet Général près cette Cour sont au bon vouloir de l’Exécutif. Dans ce contexte, comment parvenir à sauvegarder l’indépendance du juge qui doit résister aux promesses alléchantes comme aux mesures du pouvoir Exécutif ? Pour résoudre cette problématique, il ne suffit pas que la loi fondamentale reconnaisse à l’ensemble des cours et tribunaux un pouvoir au même titre que l’Exécutif et le Législatif. Il est surtout indispensable d’édicter des garanties légales de nature à mettre le magistrat à l’abri des sollicitations qui pourraient affecter son impartialité. La réhabilitation de la justice est une des conditions nécessaires au rétablissement et à la consolidation de la paix au Burundi. La meilleure façon d’assurer l’indépendance des magistrats en général, et ceux de la Cour Anti-corruption et du Parquet Général près cette Cour, en particulier, à l’égard du pouvoir Exécutif consisterait à mettre en place un organe indépendant destiné à s’interposer entre le magistrat et le Gouvernement pour des décisions importantes de sa carrière, celles concernant notamment son recrutement, son avancement et sa discipline. Dans plusieurs pays, cette fonction est dévolue au Conseil Supérieur de la Magistrature. Son indépendance dépend généralement de la composition de cette dernière, de sa liberté vis-à-vis du Gouvernement et de ses attributions. Or, les articles Le dispositif légal et institutionnel de lutte contre la corruption Sur ce plan, la faiblesse majeure de la loi anti-corruption est d’avoir perdu de vue cette enseignement de Montesquieu : « la cause de tous les relâchements vient de l’impunité des crimes,… » . Le problème de la prévention des délits se pose davantage sur le terrain de la certitude de la répression que sur celui de sa sévérité ; la certitude de la répression importe davantage que la gravité de la peine prévue. Pour éviter les télescopages et optimiser l’efficience du dispositif légal adopté, il aurait fallu faire des modifications en chaîne de la loi régissant la Cour Suprême, du code de l’organisation et de la compétence judiciaire, du code pénal, de la loi régissant la Cour des Comptes, du code de procédure pénale et de la loi instituant la Brigade Spéciale Anti-corruption. La modification de la loi portant organisation de la Cour Suprême aurait pour but d’éviter que la lutte anti-corruption ne soit qu’un dispositif pour attraper rien que de « petits poissons ». La modification du code de l’organisation et de la compétence judiciaire aurait pour but de préciser l’organisation et la compétence de la Cour Anti-corruption au sein de la hiérarchie des juridictions burundaises afin d’éviter des mélanges de compétence. La modification du code pénal et de la loi anti-corruption aurait pour but d’éviter des télescopages prévisibles entre les deux textes de lois et de permettre aux magistrats de distinguer ce qui relève de la loi générale et ce qui relève de la loi spéciale. Dans l’objectif d’assurer son efficacité dans la lutte contre les malversations économiques et financières, le législateur aurait dû élargir les compétences de la Cour des Comptes en intégrant, en plus du jugement des comptes produits par les comptables, le jugement des comptes des ministres, des fonctionnaires de l’Etat et des agents des collectivités locales et établissements publics qui ont commis des fautes ayant entraîné un préjudice pour la collectivité en cause, en instituant une Cour de discipline budgétaire et financière, une institution originale car c’est une juridiction de l’ordre administratif à caractère répressif qui complèterait et prolongerait l’action de la Cour Anti-corruption avec laquelle elle aurait des liens étroits, en intégrant les missions actuellement assignées à l’Inspection Générale de l’Etat. La modification du code de procédure pénale aurait pour but de préciser la procédure applicable devant la Cour Anti-corruption. La modification de la loi régissant la Brigade Spéciale Anticorruption aurait pour but de corriger la double hiérarchie des officiers de la Brigade Spéciale Anti-corruption. D’une manière générale, la mise en place d’un dispositif de répression efficace, nécessite de concevoir et adopter un plan précis, cohérent et harmonieux de lutte contre la corruption, revisiter le dispositif légal existant, en concertation avec tous les 55 secteurs concernés (public, privé, société civile, médias, etc.) et l’adapter en vue d’une efficacité optimale, élaborer et adopter un dispositif légal ou règlementaire comprenant des sanctions administratives à l’égard d’agents ou de fonctionnaires corrompus, poursuivre avec diligence et fermeté les responsables de la corruption dans les grands dossiers de corruption et ainsi donner le signal d’une rupture avec la culture de l’impunité, revoir et rendre transparentes les procédures de déclaration des biens des mandataires publics afin de permettre une vérification physique de la conformité. Cette procédure devrait également concerner les agents publics travaillant dans les secteurs les plus touchés par la corruption, introduire des clauses légales permettant une inspection du patrimoine des mandataires politiques et des agents œuvrant dans les secteurs les plus touchés sur base des signes extérieurs de richesse, initier des mécanismes permettant d’impliquer les citoyens, la société civile et le secteur privé dans les procédures de répression de la corruption (dénonciation, plaintes, documentation, parties civiles, etc.) La prévention et la sensibilisation La coopération entre les Etats pour la répression de la corruption ne consiste pas dans l’élaboration d’un droit international contre la corruption. Il s’agit avant tout de définir sur des bases communes les différents comportements, les sanctions applicables, les modes de poursuite et l’assistance entre les Etats pour la mise en œuvre des procédures. Sans volonté politique, la lutte contre la corruption est une illusion. L’Etat burundais a une convention d’entraide judicaire avec trois Etats seulement. Cela diminue sa capacité quant aux poursuites des personnes coupables de la corruption à l’extérieur du pays et quant aux recouvrements d’avoirs. A ce sujet, la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption est innovatrice. Celle-ci tient lieu, en effet, de traité d’extradition entre les Etats parties en cas de commission de toutes les infractions couvertes par la convention. L’article 15 stipule que « lorsque les Etats parties subordonnent l’extradition à l’existence d’un traité d’extradition émanant d’un Etat partie avec lequel il n’a pas signé un tel traité, il considère la convention comme la base juridique à invoquer pour toutes les infractions visées dans la convention ». Au niveau de la prévention et de la dissuasion, on pourra promouvoir et renforcer une coalition de la société civile et des médias contre la corruption qui pourrait s’impliquer concomitamment dans la sensibilisation et la dénonciation, promouvoir des coalitions dans les entités locales ou y implanter des antennes de la coalition nationale, renforcer les capacités de la société civile et des médias en matière de documentation et de recherche sur la corruption, prévoir des mécanismes légaux susceptibles de stimuler les dénonciateurs de la corruption, revoir le rôle des inspections générales et renforcer leur efficacité, réorganiser le cadre légal des institutions de lutte contre la corruption en y intégrant l’obligation de recours à des audits externes pour les services les plus exposés à la corruption, mettre en place l’Ombudsman selon les dispositions de la constitution burundaise, tout en veillant à définir son rôle en fonction de la mission lui assignée, et garantir son indépendance politique et matérielle, développer un plan visant l’amélioration des conditions de vie des agents publics, particulièrement, ceux qui sont fréquemment en contact avec la population, systématiser la transparence et l’équité dans les procédures de recrutement des agents publics et respecter scrupuleusement la loi sur la distinction entre les postes techniques et politiques, élaborer une réglementation sur les droits de propriété afin de réduire les matières et les opportunités de corruption, vulgariser l’information sur les procédures administratives et les droits et obligations des citoyens. Au niveau de la sensibilisation, les pouvoirs publics devront manifester une volonté politique à travers une croisade anticorruption s’inscrivant dans un plan global élaboré en concertation entre tous les acteurs concernés, lancer des campagnes de sensibilisation-formation sur le concept de corruption, ses méfaits, ses conséquences et les mesures appropriées pour la combattre, en vue de transformer les mentalités et mobiliser les citoyens contre ce fléau, introduire des leçons relatives à la lutte contre la corruption dans les programmes d’éducation civique, concevoir un programme fondé notamment sur les valeurs culturelles afin d’utiliser le socle culturel comme tremplin dans la lutte contre la corruption. La coopération entre les Etats pour la répression de la corruption 56 57 INDEX ANALYTIQUE (Les chiffes renvoient au numéro des décisions et les lettres aux chapitres) A Actions intentées après les délais Altérations des précédentes déclarations Amende Amnistie (Incidence d’une loi d’amnistie sur procédures en cours) Animus nocendi Arrestation immédiate Atteinte à l’ordre public Autorité de la chose jugée C Caractère administratif ou juridictionnel des actes de juge Caractère éventuel ou réel du préjudice Compétence et ordre hiérarchique des juridictions Complicité criminelle Concours d’infractions Concours idéal Concours réel Constitution suspendue Contrainte pas corps Corruption active Cumul des peines D I Inculpation Insertions ultérieures L Lésion de la confiance des hommes Liberté d’expression M Mauvaise interprétation de la loi P Personne physique Pouvoirs supplétifs des juges Préjudice Prescription de l’action publique Prévenu Privilège de juridiction Proportionnalité de la sanction au crime commis R Réparation du préjudice S Déclarations erronées Détournement de main d’œuvre et de deniers publics Servitude pénale Silence de la loi E T Élément moral Élément moral de l’infraction Eléments constitutifs de l’infraction Epreuve superstitieuse F Faits nouveaux en Instance d’appel Faux en écriture publique Trouble à l’ordre public U Unité d’intention V Vide juridique 58 BIBLIOGRAPHIE 1. 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