Observations Passage sur le fonds d`autrui : variations sur un même

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Observations Passage sur le fonds d`autrui : variations sur un même
1740 – 2005/1
JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES
Que celle-ci est d'ordre public et doit être soulevée d'office par le tribunal;
Que les demandeurs sur reconvention ne justifient pas avoir accompli la formalité légale;
Que, par conséquent, cette demande doit être déclarée non recevable;
La demande principale étant déclarée non fondée, les demandeurs sur reconvention ne justifient pas d'un préjudice, en tout cas pas dans les termes énoncés dans
leurs conclusions (voy. supra), sans qu'il soit besoin d'examiner s'il y a ou non
abus de droit.
Ils ne plaident pas, par ailleurs, le caractère téméraire et vexatoire de l'action.
La demande incidente telle que formulée doit être déclarée non fondée.
Dispositif conforme aux motifs.
Siég. : M. D. Rubens. Greffier : Mme F. Bastien.
Plaid. : M es F. Bierlaire (loco M. Feltz) et N. Deprez.
J.L.M.B. 04/512
Observations
Passage sur le fonds d’autrui : variations sur un
même thème
1. Les faits à l’origine de la décision annotée dénotent un certain classicisme en
matière de passage sur le fonds d’autrui : une obstruction à l’accès d’un terrain
conduit à l’invocation des deux solutions habituelles dans ce type de litige, la
servitude du fait de l’homme et la servitude légale d’enclave. Les demandeurs
sollicitent, en effet, la démolition du garage construit par leurs voisins sur le
chemin leur permettant d’accéder, depuis le terrain où est érigée leur habitation,
à une parcelle «en nature de prairie». Le titre de propriété des demandeurs ne
contient aucune disposition spécifique quant à l’accès à la prairie pourtant
séparée de la parcelle principale par la voie ferrée. En revanche, l’acte d’achat
des défendeurs contient la clause suivante : «Il est conditionné ce qui suit entre
parties : Les époux V… (…) sont propriétaires de la parcelle cadastrée (…)
enclavée dans les biens objets de la présente vente. En conséquence et conformément aux dispositions des articles 682 et suivants du code civil, lesdits époux
auront le droit de passage sur les parcelles présentement vendues sub un. Ces
conditions seront obligatoires même à l’égard des héritiers et ayant droit des
parties».
Le juge de paix examine si un droit de passage existe au profit des demandeurs,
dans un premier temps, en vertu d’une servitude conventionnelle, dans un
second temps, en raison de l’état d’enclave de la prairie. Les défendeurs postulent, quant à eux, la suppression du droit de passage quelle qu’en soit la nature.
2. La décision annotée contient diverses questions s’entremêlant les unes aux
autres et créant ainsi un certain imbroglio qu’il convient de détricoter afin
d’éclaircir le débat. En premier lieu, nous évoquerons l’interprétation des
clauses attributives de passage quant à la nature personnelle ou réelle du droit
conféré. Ensuite, quelques lignes seront consacrées à la servitude conventionnelle de passage et, notamment, à la preuve de son existence par le biais d’un
titre récognitif; nous aborderons dans la foulée l’influence de la théorie de
l’abus de droit sur l’exigence de respect d’un droit réel de servitude. Nous
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poursuivrons notre commentaire en examinant la possibilité de supprimer une
servitude du fait de l’homme sur la base de l’article 710bis du code civil, transition opportune pour le sujet suivant : la mention marginale des actions tendant à
l’anéantissement des droits résultant d’actes soumis à transcription. Enfin, la
servitude légale d’enclave, envisagée sous les angles de la formation et de
l’extinction, constituera le dernier thème de la présente note.
1. Servitude conventionnelle de passage ?
3. Quant à l’existence d’une servitude conventionnelle de passage, le débat se
focalise sur la clause contenue dans l’acte d’achat des défendeurs en vertu de
laquelle un droit de passage sur leur fonds est accordé aux demandeurs. Précisons que les défendeurs ont acquis leur bien de tiers et non des demandeurs. Au
terme d’un raisonnement que nous allons développer, le juge de paix estime
que ce droit ne constitue pas une servitude conventionnelle de passage.
a. Droit personnel ou réel
4. Dans un premier temps, le magistrat doute que la clause litigieuse soit génératrice d’un droit réel de passage. La notion de servitude telle que définie par les
articles 637 et 686 du code civil constitue la clé de voûte de la décision cantonale sur ce point. Ces deux dispositions définissent la servitude comme un
service de fonds à fonds, et non de personne à personne. Le juge de paix réalise
une interprétation littérale de ces articles et estime que la clause contenue dans
l’acte d’achat des défendeurs «personnalise» le droit de passage. Dans cette
perspective, cette clause ne constitue, pour lui, rien de plus qu’un rappel de
l’état d’enclave du terrain des demandeurs.
Cette interprétation littérale des articles 637 et 686 du code civil – et la conclusion à laquelle elle aboutit – nous paraît critiquable à la lumière de l’arrêt
prononcé par la Cour de cassation le 28 janvier 20001. Dans cet arrêt, la Cour
indique expressément que les articles précités ne doivent pas être pris dans leur
sens littéral dans la mesure où le service foncier profite toujours à des personnes. La servitude suppose un service en rapport direct et immédiat avec l’usage
et l’exploitation d’un fonds, même si ce service a uniquement pour effet
d’accroître la commodité de cet usage et de cette exploitation, procurant ainsi au
fonds une plus-value2. Ce qu’entendent interdire les articles 637 et 686 du code
civil consiste donc en l’établissement de servitudes qui appartiendraient au
propriétaire d’un héritage sans être de nature à profiter au fonds lui-même par
un accroissement de son utilité propre3. In casu, le service litigieux est en
rapport direct et immédiat avec l’usage et l’exploitation du fonds des demandeurs : sans ce service, ce dernier aurait été inutilisable à l’époque de la rédaction de la clause en raison de son état d’enclave – état d’ailleurs non contesté.
Le magistrat aurait donc pu, selon nous, reconnaître au passage litigieux un
caractère réel sans violer les articles 637 et 686 du code civil.
5. Dans une décision ultérieure, la Cour de cassation précisera que le juge du
fond dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si une
clause conférant un droit de passage génère un droit réel ou un droit de créance4.
___________
1. Cass., 28 janvier 2000, Rev. not. b., 2000, p. 226, note J. SACE.
2. Voy. également Cass., 16 mai 1952, Pas., 1952, I, 597, note H AYOIT DE TERMICOURT; Cass., 21 octobre
1965, Pas., 1966, I, 236.
3. Voy. J. H ANSENNE, Les Biens, Précis, tome II, Edition Collection scientifique de la Faculté de droit de
Liège, 1996, n° 1101 et 1103.
4. Voy. Cass., 21 septembre 2001, Larcier cass., 2001, p. 297.
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L’affaire à l’origine de cette précision présente une similitude avec celle soumise au juge de paix de Fontaine-l’Evêque en ce qu’un droit de passage était
accordé en raison de l’état d’enclave du «fonds dominant». Cependant, ce droit
était accordé à une seule personne, expressément nommée dans l’acte constitutif. Le juge saisi au fond, soit le tribunal de première instance de Namur, entreprit alors de rechercher la commune intention des parties lors de la signature de
l’acte, en se référant notamment aux projets de compromis de vente liant les
mêmes parties à propos d’autres terrains. Il y était indiqué que le bénéficiaire du
droit de passage litigieux y renoncerait lors de l’acquisition projetée des parcelles voisines du terrain enclavé, l’acquisition entraînant, en effet, la cessation de
l’état d’enclave. Le tribunal en déduisit que la clause créant la prétendue servitude de passage n’avait été rédigée que pour répondre à une situation temporaire
d’enclave engendrée par la nécessaire et volontaire dissociation des actes de
vente et conclut à l’existence d’un droit de passage personnel. La Cour de
cassation a estimé que, sur la base de ces constatations, le tribunal avait pu
qualifier le droit litigieux de personnel, sans violer la notion légale de servitude.
6. Dans l’espèce commentée, nous aurions reconnu sans détour l’existence d’un
droit réel, et non personnel, de passage. Le simple fait que la clause figurant
dans l’acte d’achat des défendeurs indique le nom du bénéficiaire du droit n’est
pas suffisant pour conclure à un avantage purement personnel. Il ne faut, en
effet, pas perdre de vue la finale de la clause selon laquelle «ces conditions
seront obligatoires même à l’égard des héritiers et ayants droit des parties».
Ainsi, pourra bénéficier ou devra respecter le droit conféré tout ayant droit, tant
du propriétaire du fonds dominant que de celui du fonds servant, sans distinction
sur sa nature universelle ou particulière. Cette absence de distinction plaide en
faveur du caractère réel du droit – et de l’obligation – en cause. En effet, les
parties ont manifestement entendu assurer le respect du passage accordé par tout
ayant droit, y compris à titre particulier. Qualifier ce passage de personnel
annihilerait cette volonté en raison du principe de relativité des conventions. Il
est, en effet, en principe exclu en droit belge qu’une convention puisse générer
des droits et obligations dans le chef de personnes n’y ayant pas souscrit. Si,
toujours en retenant un caractère personnel, sous l’angle du droit, l’obstacle de
la relativité peut être enjambé par l’entremise d’une stipulation pour autrui5,
sous l’angle de l’obligation, il paraît en revanche infranchissable6. Le nouvel
acquéreur du fonds assujetti, ayant cause à titre particulier donc, pourrait avec
succès, en vertu de l’article 1165 du code civil, dénier à son voisin le droit de
passer sur sa propriété eu égard à la nature personnelle de ce droit. Cette difficulté serait en revanche balayée en reconnaissant une nature réelle au droit et à
l’obligation en jeu. L’obligation réelle constitue, en effet, une exception au
principe de la relativité des effets internes d’un contrat7. A supposer que les
formalités publicitaires requises par l’article premier de la loi hypothécaire aient
été accomplies, le nouvel acquéreur du terrain grevé sera contraint de laisser
passer sur celui-ci le titulaire du droit réel. En l’espèce, l’intention expresse des
parties, justifiée par l’état d’enclave du terrain bénéficiaire, de rendre les conditions, et donc le passage, obligatoires à tout ayant droit, nous incite à reconnaître
un caractère réel au droit attribué.
___________
5. Pour autant que les conditions de ce mécanisme juridique soient rencontrées. Voy., sur ces conditions, S.
BAR, "Les effets internes du contrat", in Les obligations – Commentaire pratique, Kluwer, 2002, II. 1. 7,
p. 54 et suivantes. Si le juge de paix de Fontaine-l’Evêque avait clairement tranché en faveur d’un droit
personnel, il aurait dû vérifier ces conditions. En effet, la clause litigieuse est reprise dans l’acte de vente
signé par les défendeurs et un tiers, non par les époux V. bénéficiaires désignés du droit de passage.
6. Voy. S. BAR, ibid., p. 99.
7. Voy. J. HANSENNE, Introduction au droit privé, Story-scientia, 1990, p. 160.
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7. Observons enfin de manière générale que, même si les circonstances de fait
permettent de conclure à un droit personnel de passage conféré par convention
ou par un engagement unilatéral, encore faut-il que celui qui s’oblige établisse
une cause d’extinction de son obligation selon les règles de droit commun pour
en être délié.
b. Titre récognitif
8. Abandonnant étrangement, sans trancher, le débat concernant la nature réelle
ou personnelle du droit conféré aux demandeurs par la clause litigieuse, le juge
de paix examine ensuite si cette clause peut être assimilée au titre récognitif de
l’article 695 du code civil.
9. Pour rappel, s’agissant d’une servitude discontinue, une servitude de passage
ne peut s’acquérir ni par prescription ni par destination du père de famille8. Une
telle servitude ne peut être constituée que par titre en vertu de l’article 691 du
code civil. Comme l’indique le juge de paix de Fontaine-l’Evêque, le terme
«titre» contenu dans cette disposition s’entend dans le sens d’«acte juridique»,
negotium. Encore faut-il prouver cet acte juridique. Dans l’hypothèse de servitudes qui ne peuvent s’acquérir par prescription, l’article 695 du code civil offre
la possibilité au propriétaire du fonds dominant d’établir l’existence de la
servitude par le biais d’un titre récognitif émané du propriétaire du fonds servant. Le titre récognitif peut consister en un aveu, écrit ou oral, judiciaire ou
extrajudiciaire, pour autant qu’il implique la volonté de reconnaître l’existence
de la servitude9.
10. Dans l’espèce commentée, le titre récognitif consisterait en la clause relative au passage reprise dans l’acte d’achat du terrain des défendeurs. Dans un
jugement du 4 septembre 1990, le tribunal civil de Liège estime que la clause
par laquelle les acheteurs reconnaissent que le fonds acquis est grevé d’un droit
de passage, ne vaut pas titre récognitif. Cette clause aurait pour unique but de
satisfaire à l’obligation d’information du vendeur, sanctionnée par une garantie
d’éviction en vertu de l’article 162610 du code civil. Nous ne partageons pas
cette analyse. De deux choses l’une : soit la clause en question traduit la volonté
du nouvel acquéreur du terrain grevé de reconnaître l’existence d’une servitude11, soit la clause constitue la première reconnaissance écrite émanant du
vendeur de l’existence d’un droit de passage accordé sur son héritage au profit
d’un autre. Dans les deux cas, souvent difficile à distinguer l’un de l’autre, il
sera permis de conclure à l’existence d’une servitude12. En effet, le titre réco___________
8. Par ailleurs, le cas exceptionnel de l’article 694 du code civil ne trouve pas non plus à s’appliquer ici,
ses conditions n’étant pas remplies.
9. Voy. Cass., 1er mars 1990, Pas., 1990, I, 761.
10. Notons que l’article 1638 du code civil concerne lui, justement, le défaut de déclaration par le vendeur
des servitudes non-apparentes.
11. Pour deux exemples, voy. Cass., 16 janvier 1976, Pas., 1976, I, 554, et Civ. Namur, 31 mai 1990, cette
revue, 1991, p. 681. Ce dernier jugement est approuvé par J. HANSENNE dans sa note sous Cass., 28
janvier 1999, cette revue, 2000, p. 885 mais point par J. KOKELENBERG, T H. V AN SINAY, H. VUYE,
"Overzicht van rechtspraak (1989-1994) – Zakenrecht”, T.P.R., 1995-2, p. 647. Cependant, la critique
de J. K OKELENBERG et consorts est réalisée par référence à la décision du tribunal civil de Liège du 4
septembre 1990, évoquée dans le corps du texte. Outre la raison indiquée dans le texte qui ne nous
permet pas d’approuver cette décision, celle-ci contient par ailleurs une référence erronée à l’article
1337 du code civil. Cette disposition régit l’acte récognitif, mode de preuve désuet et oublié, qui n’a de
commun avec le titre récognitif de l’article 695 du code civil que le nom. Voy., sur l’acte récognitif, D.
MOUGENOT, "Droit des obligations, La preuve", Rép. not., Larcier, Bruxelles, 2002, p. 238 et suivantes.
12. Sous réserve, bien entendu, de l’appréciation préalable du caractère réel ou personnel du passage
octroyé.
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gnitif peut émaner non seulement de l’actuel propriétaire du fonds assujetti mais
également d’un précédent propriétaire13. Cependant, dans la seconde hypothèse,
se pose la question de l’opposabilité de cette servitude, par essence non encore
transcrite, au nouvel acquéreur du fonds asservi. En principe, en vertu de
l’article premier de la loi hypothécaire, l’opposabilité d’un droit réel est subordonnée à la transcription de son acte constitutif dans les registres de la conservation des hypothèques. Toutefois, seuls les tiers de bonne foi, ignorant
l’existence du droit non transcrit, peuvent se prévaloir d’un défaut de transcription et dès lors de l’inopposabilité de ce droit à leur égard. Or, n’est pas de
bonne foi l’acquéreur du fonds servant dans l’acte d’achat duquel figure une
clause l’informant de l’existence d’un droit de passage sur sa propriété au profit
d’un héritage voisin.
11. Le juge de paix de Fontaine-l’Evêque refuse d’assimiler la clause litigieuse à
un titre récognitif, estimant qu’elle contient un simple rappel de l’état d’enclave
du fonds des demandeurs et qu’elle renvoie aux articles 682 et suivants du code
civil dans le but d’attirer l’attention du nouvel acquéreur sur les conséquences
de cette situation. Dès lors, selon le juge, il n’est pas démontré que les défendeurs auraient reconnu l’existence d’une quelconque servitude conventionnelle
de passage qui rendrait par ailleurs inutile la référence à l’article 682 du code
civil. Pourtant, selon nous, rien n’empêche de constituer une servitude de
passage en raison de l’état d’enclave du fonds dominant, elle n’en demeure pas
moins une servitude conventionnelle. Nous l’évoquerons dans quelques lignes,
la majorité des auteurs considèrent en effet que, même si la justification du droit
de passage consiste dans le désenclavement du fonds dominant, dès qu’il existe
un accord entre parties, il ne peut s’agir que d’une servitude du fait de l’homme.
La servitude légale ne peut, en effet, plus être constituée que par jugement. En
outre, il ressort du jugement que les défendeurs reconnaissent l’existence passée
d’un droit de passage sur leur fonds au profit des demandeurs. Il paraît donc
difficile d’exclure l’existence d’un titre récognitif dans ce contexte.
12. Bien que la décision commentée n’en dise mot et que son examen requerrait
de conséquents développements, nous ne pouvons résister à la tentation
d’évoquer une alliance intéressante révélée par un récent arrêt de la Cour de
cassation française 14 : la stipulation de servitude pour autrui. L’espèce soumise
au juge de paix de Fontaine-l’Evêque aurait pu nous permettre une légère
digression sur ce sujet intrigant mais il nous faudra patienter encore afin de ne
pas excéder les limites du cadre imposé à la présente contribution.
c. Abus de droit
L’ensemble de ces éléments permettait de conclure, selon nous, à l’existence
d’une servitude conventionnelle de passage. Les défendeurs, propriétaires du
fonds servant, devaient dès lors, en vertu de l’article 701 du code civil, respecter
ce droit réel et s’abstenir de tout acte diminuant son usage ou le rendant plus
incommode. La construction d’une annexe à leur habitation sur l’assiette du
passage constituait donc une violation flagrante des devoirs précités, violation
que les titulaires de la servitude entendent faire cesser par la démolition de
l’obstacle ainsi créé. Dans pareille hypothèse, surgit immanquablement l’abus
___________
13. Voy. J.P. Tournai, 15 novembre 2000, Rev. dr. rur ., 2001, p. 74. En doctrine, voy. J. KOKELENBERG,
TH. V AN SINAY, H. VUYE, op.cit., T.P.R., 1995-2, p. 646, et "Overzicht van rechtspraak (2001-2)",
T.P.R., 2001-2, p. 1104.
14. Voy. Cass. fr., 12 janvier 2005, D.S., 2005, p. 2061, note J.-F. QUIEVY.
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de droit, chevalier blanc tant apprécié des plaideurs en position délicate. Afin
que cet argument soit décisif, le droit objet de l’abus, en l’espèce le droit de
solliciter la démolition des ouvrages ne respectant pas la servitude de passage,
doit être exercé sans intérêt raisonnable et suffisant. Tel est le cas lorsque le
préjudice causé à un tiers par l’exercice d’un droit est sans proportion avec
l’avantage recherché ou obtenu par son titulaire. Selon la Cour de cassation, le
juge doit tenir compte, dans l’appréciation des intérêts en présence, de toutes les
circonstances de la cause15. En l’espèce, à la lecture de la décision annotée, le
passage est totalement obstrué par les constructions érigées par le propriétaire
du fonds servant. L’exercice de la servitude est, par conséquent, devenu impossible. Cependant, le réseau autonome de voies lentes, en abrégé Ravel, permet,
dès 2001, aux demandeurs d’accéder à leur prairie sans difficulté. L’accès par
cette voie n’occasionne aucun détour dans la mesure où son entrée est contiguë
à celle du chemin auparavant emprunté sur la propriété voisine. Dans ce
contexte, la démolition de l’annexe érigée par les défendeurs sur l’assiette de la
servitude de passage impliquerait dans le chef de ces derniers un inconvénient
manifestement disproportionné par rapport à l’avantage retiré par les demandeurs. Toutefois, l’exception d’abus de droit ne peut être invoquée avec succès
par celui qui a agit délibérément sans se soucier du droit qu’il devait respecter,
commettant ainsi une faute16. Dans le litige qui nous occupe, aurait éventuellement pu être déniée aux défendeurs la possibilité de se prévaloir de l’abus de
droit afin d’empêcher la démolition de leurs constructions pour avoir créé
délibérément la situation d’empiètement.
d. Inutilité de la servitude
14. Si la servitude avait été qualifiée de conventionnelle, précisons encore le
sort qu’aurait pu recevoir une demande de suppression de cette servitude sur le
fondement de l’article 710bis du code civil. En vertu de cette disposition, le juge
peut supprimer une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
La jurisprudence interprète très largement cette notion d’utilité. Il suffit que le
passage puisse présenter une utilité future ou même potentielle, économique ou
de simple agrément, pour être maintenu. L’existence d’une autre voie d’accès au
fonds dominant n’implique, en principe, pas une perte totale d’utilité, la servitude pouvant constituer un simple agrément17. Notons toutefois que dans les cas
où, comme en l’espèce, le passage a été accordé afin de désenclaver le fonds
dominant, certains magistrats recourent au critère de l’intention des parties pour
considérer que le désenclavement permet la suppression du droit de passage18.
Cette solution est cependant critiquée par P. LECOCQ19. Dans un premier temps,
l’auteur considère que l’argument consistant à apprécier la perte de toute utilité
en fonction de l’intention des parties dans le titre constitutif de la servitude n’est
pas dénué d’intérêt. En effet, les conventions constitutives de servitudes
n’échappent pas à l’article 1134 du code civil en vertu duquel la convention est
___________
15. Voy. Cass., 17 mai 2002, Pas., 2002, I, 1169 ; Rev. not . b., 2003, p. 86; Cass., 14 novembre 1997,
Pas., 1997, I, 1191. Pour un exemple de demande non abusive de démolition d’ouvrages empiétant sur
l’assiette d’une servitude, voy. Civ. Nivelles, 29 septembre 1995, Amen., 1996/1, p. 37. Pour des décisions concluant, par contre, à un abus de droit, voy. Civ. Liège, 3 juin 1996, confirmé par Cass., 14
novembre 1997, Pas., 1997, I, 1191 ; Mons, 10 septembre 2003, R.G.D.C., 2004, p. 464.
16. Voy. Cass., 14 novembre 1997, op. cit.
17. Voy. S. BOUFFLETTE, Chronique du droit à l’usage des juges de paix et de police, Les servitudes,
cahier 43, 2004, p. 17.
18. Voy. S. BOUFFLETTE, ibidem, p. 18, n° 38, et références citées.
19. Voy. P. LECOCQ, note sous Civ. Bruges, 3 octobre 1997, J.J.P., 1999, p. 227.
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JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES
la loi des parties. Dès lors, lorsque deux propriétaires décident de créer une
servitude pour un temps donné ou tant que le fonds dominant est enclavé, la
suppression du passage à l’arrivée du terme ou à la cessation de l’état d’enclave
s’explique par le respect de la volonté des parties. Encore faut-il que les parties
aient convenu expressément et sans ambiguïté que la servitude conventionnelle
s’éteindrait lors de la disparition de l’état d’enclave. En dehors de cette hypothèse spécifique, P. LECOCQ qualifie de spécieux l’argument consistant à invoquer l’intention originaire présumée des parties – désenclaver un terrain – afin
de déduire la perte de toute utilité de la servitude lors de la création d’un second
accès au fonds dominant. Selon cet auteur, l’intention complète des parties est
de désenclaver un fonds au moyen d’une servitude conventionnelle, plutôt qu’au
moyen d’une servitude légale. Le choix du mécanisme n’est en effet pas anodin,
ces deux institutions étant soumises à des régimes différents.
e. Suppression et publicité immobilière
15. Dans un souci de cohérence, nous aborderons sans attendre l’exigence de
publicité relative à la demande de suppression de la servitude conventionnelle
de passage, demande formulée en l’espèce reconventionnellement par les
propriétaires du fonds servant.
16. Pour rappel, l’article 3 de la loi hypothécaire stipule qu’aucune demande
tendant à l’anéantissement de droits résultant d’actes soumis à transcription ne
sera reçue en justice avant d’avoir été mentionnée en marge de la transcription
du titre dont l’anéantissement est postulé. Il est unanimement admis que cette
exigence concerne tant les demandes initiales que les demandes incidentes ou
reconventionnelles, formulées à titre principal ou subsidiaire20.
La sanction du défaut de mention marginale consiste, selon une doctrine désormais unanime, en une fin de non-procéder21 : le juge surseoit à statuer dans
l’attente de l’accomplissement de la formalité. Dans l’affaire commentée, le
magistrat s’est prononcé sur l’existence, ou plutôt l’inexistence, de la servitude
conventionnelle invoquée par les demandeurs avant d’aborder cette question de
publicité. Subsiste-t-il dès lors un intérêt à soulever le défaut de mention marginale de la demande reconventionnelle ? Est-il utile d’exiger une régularisation
publicitaire alors qu’il est déjà certain que la demande de suppression de la
servitude est devenue sans objet dans la mesure où le juge a rejeté l’existence de
toute servitude conventionnelle ? Sans certitude toutefois, nous pensons que le
juge de paix de Fontaine-l’Evêque a perçu le problème qu’il a solutionné en
déclarant la demande reconventionnelle irrecevable22.
17. Par ailleurs, les demandeurs sur reconvention étaient-ils tenus de satisfaire
au prescrit de l’article 3 de la loi hypothécaire ? En marge de quel acte constitutif de servitude auraient-ils dû mentionner leur demande de suppression ? Il
___________
20. Voy. S. J ACMAIN, "Portée de l’article 3, alinéa premier, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851",
note sous Cass., 20 avril 2001, R.G.D.C., 2003, p. 442; J.-L. LEDOUX, "Chronique de jurisprudence –
La publicité foncière (1994-2001)", J.T., 2002, p. 781; N. VERHEYDEN-JEANMART, P H. C OPPENS et C.
MOSTIN, op. cit., p. 215. Cette formalité peut d’ailleurs être réalisée pour la première fois en degré
d’appel, voy. Liège, 9 février 2005, publiée ci-avant p. 1708.
21. Voy. S. J ACMAIN, ibidem, p. 444; N. VERHEYDEN-JEANMART, P H. C OPPENS et C. MOSTIN, op. cit., p.
213; J.-L. LEDOUX, "Chronique de jurisprudence – Les sûretés réelles et la publicité foncière (19871993)", J.T., 1994, p. 326.
22. Dans une décision ultérieure prononcée le 9 décembre 2004, le juge de paix de Fontaine-l’Evêque a
opportunément soulevé la fin de non-procéder avant d’entamer l’examen des demandes qui lui étaient
soumises, voy. J.P. Fontaine-l’Evêque, 9 décembre 2004, publiée ci-après p. 1750 (Som.).
JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES
2005/1 - 1747
existait auparavant une controverse quant à l’obligation de réaliser la mention
d’une demande en justice concernant un acte non transcrit. Trois solutions
divisaient la doctrine. Certains considéraient que la mention marginale était
exclue à défaut d’acte transcrit. D’autres estimaient que la mention devait être
réalisée même si l’acte concerné par la demande en annulation n’avait pas été
effectivement transcrit pour autant qu’il ait été susceptible de l’être car satisfaisant aux formes requises par l’article 2 de la loi hypothécaire23. Enfin, d’aucuns
préconisaient la mention de l’action dès que l’acte dont l’annulation était poursuivie avait pour objet un des droits visés par l’article premier de la loi hypothécaire. La Cour de cassation a tranché la question dans un arrêt prononcé le 6
septembre 1991 24 qui concernait un simple acte de vente sous seing privé, sans
reconnaissance en justice ou devant notaire. La Cour suprême approuve la
décision entreprise en vertu de laquelle la demande de résiliation de cet acte
sous seing privé ne devait pas satisfaire à la publicité prévue par l’article 3 de la
loi hypothécaire. La mention de l’action tendant à l’annulation ou la révocation
de droits résultant d’actes soumis à transcription est depuis uniquement requise
lorsque l’acte a effectivement été transcrit ou était susceptible de l’être. Dès lors,
en présence d’un acte respectant une des formes visées par l’article 2 de la loi
hypothécaire mais qui n’a pas été transcrit, l’action tendant à l’anéantissement
du droit constaté par cet acte devra faire l’objet d’une certaine publicité : point
d’une mention marginale à défaut d’une transcription mais une mention dans le
corps des registres de la conservation des hypothèques25.
Si la demande d’anéantissement d’un acte juridique constaté dans un acte sous
seing privé n’est pas concernée par l’article 3 de la loi hypothécaire, a fortiori
l’action visant un acte juridique dépourvu d’instrumentum ne l’est pas non plus.
Dans l’espèce commentée, il existe, cependant, un acte transcrit qui contient,
selon notre interprétation, un titre récognitif de servitude : l’acte d’achat des
défendeurs. Il nous semble que la mention de la demande de suppression de la
servitude litigieuse aurait pu être réalisée en marge de cet acte.
2. Servitude légale de passage ?
18. Quant à la servitude légale de passage, il semble qu’elle ne puisse plus,
depuis l’intervention législative de 1978, être constituée que par jugement. La
plupart des auteurs26 considèrent, en effet, que le droit de passage en cas
d’enclave n’est pas automatique et doit être demandé en justice : le jugement
constitue ainsi l’unique mode de création d’une servitude légale fondée sur
l’article 682 du code civil. Il existe, cependant, un courant doctrinal minoritaire
selon lequel la servitude légale d’enclave pourrait se matérialiser tant par le biais
d’un règlement judiciaire que par celui d’un règlement amiable ou convention___________
23. Seuls sont admis à la transcription les actes authentiques, les jugements ainsi que les actes sous seing
privé reconnus en justice ou devant notaire.
24. Cass., 6 septembre 1991, J.T., 1992, p. 311.
25. Voy. J.-L. LEDOUX, op.cit., J.T., 1994, p. 327.
26. Voy. F. BAUDONCQ, "De notaris en erfdienstbaarheidswegen", Not. fisc., 2002, p. 175; N.
VERHEYDEN-JEANMART, P H. C OPPENS et C. MOSTIN, "Examen de jurisprudence (1989-1998) – Les
biens", R.C.J.B, 2000, p. 459; S. S NAET, "Het recht van uitweg", A.J.T., 1996-1997, dossier n°1, p. 6; J.
KOKELENBERG, TH. V AN SINAY, H. VUYE, op.cit., T.P.R., 1995-2, p. 678; F. D E KEERSMAECKER, "Het
recht van uitweg geïnnoveerd door de wet van 1 maart 1978", Jur. Falc., 1979-1980, p. 75; L.
LINDEMANS, Erfdienstbaarheden, A.P.R., 1958, p. 448, à l’origine de la modification législative de
1978.
1748 – 2005/1
JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES
nel27. Le juge de paix de Fontaine-l’Evêque semble s’être inspiré de cette
seconde opinion puisqu’il envisage la suppression d’un droit légal de passage
dont l’existence est reconnue par les défendeurs alors qu’aucun jugement
attributif d’une servitude légale d’enclave n’est mentionné dans la décision
annotée. Sans admettre implicitement qu’une servitude légale pour cause
d’enclave puisse être organisée conventionnellement, le magistrat n’aurait pu en
examiner l’extinction.
A la lecture des travaux préparatoires de la loi du 1er mars 1978 et des écrits de
L. LINDEMANS à l’origine de la modification législative, nous rejoignons
l’opinion majoritaire selon laquelle une servitude légale d’enclave peut uniquement être créée par jugement. L’existence d’une convention établissant une
servitude, même en raison de l’état d’enclave du fonds dominant, implique que
cette servitude est de nature conventionnelle28. Dans l’espèce commentée, les
demandeurs ne pouvaient donc pas se prévaloir d’un droit de passage légal à
défaut de jugement attributif29.
19. Ajoutons encore que si une servitude légale de passage avait effectivement
été attribuée par décision judiciaire aux demandeurs, la demande de suppression
de celle-ci aurait pu aboutir sur la base des constatations réalisées par le magistrat. Il ressort, en effet, du jugement que la prairie originairement enclavée était
devenue accessible par le réseau autonome de voies lentes. A l’origine, la
parcelle en nature de prairie était séparée de la parcelle principale des demandeurs par la voie ferrée, ce qui expliquait le passage par le fonds des défendeurs.
Par convention du 28 mars 2001, la S.N.C.B. a cédé l’assiette de la ligne de
chemin de fer à la Région wallonne par bail emphytéotique afin qu’elle soit
intégrée au Ravel. Le magistrat relève que ce réseau constitue le troisième
réseau de voies publiques de la Région wallonne, que l’accès au terrain litigieux
par cette voie de communication est aisé et que son entrée est contiguë à celle
du passage auparavant emprunté sur la propriété des défendeurs. Eu égard à la
destination du terrain litigieux et à l’usage qu’en font ses propriétaires, le
magistrat aurait pu conclure à la cessation de l’état d’enclave et, par conséquent,
à l’extinction de la servitude légale de passage, si tant est qu’elle ait existé.
Conclusion
20. La décision commentée recèle plusieurs difficultés, plus ou moins spécifiques au droit de passage, que le lecteur découvre une à une sans grande surprise,
telles de prévisibles poupées russes. La délicate question de l’interprétation des
clauses attributives de passage quant à la nature personnelle ou réelle du droit
conféré constitue le prélude à la problématique de l’assimilation de telles clauses à un titre récognitif d’une servitude conventionnelle. Le débat glisse ensuite
vers la servitude légale d’enclave et s’attarde un temps sur ses modes de création et d’extinction. Enfin, l’exigence de mention marginale de la demande de
___________
27. Voy. J. HANSENNE, Les biens, op.cit, p. 508, et M. BURTON, "Les servitudes", Rep. not., tome II,
Bruxelles, Larcier, 1990, p. 49 et 55.
28. Voy. S. S NAET, op. cit, p. 6. La même conclusion est majoritairement admise lorsque, postérieurement
à un jugement attributif d’une servitude légale de passage, les parties concernées en établissent ou en
modifient les modalités. Voy. F. B AUDONCQ, op. cit., p. 169, 180 et 187; S. SNAET, op. cit., p. 8 et 9; F.
DE KEERSMAECKER, op. cit., p. 75 et suivantes; L. LINDEMANS, op. cit., p. 450.
29. Notons que, pour contourner cet obstacle, le juge de paix de Fontaine-l’évêque aurait pu s’inspirer
d’une décision du juge de paix de Fexhe-Slins révélant la possibilité d’une demande implicite incidente
d’attribution d’une servitude légale : voy. J.P. Fexhe-Slins, 12 juin 1995, J.J.P., 1999, p. 240, note P.
LECOCQ.
JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES
2005/1 - 1749
suppression d’une servitude conventionnelle de passage représente l’ultime
matriochka du jugement prononcé par le juge de paix de Fontaine-l’Evêque.
Prévisibles, avons-nous écrit, mais certainement pas évidentes. Si nous ne
partageons pas la position adoptée par le magistrat de Fontaine-l’Evêque sur
certains points, nous reconnaissons volontiers, d’une part, que le pan de la
décision relatif à la servitude conventionnelle de passage repose sur une interprétation qui conserve par essence une certaine subjectivité et que, d’autre part,
d’éminents auteurs ont défendu la position retenue par ce juge quant au mode de
création de la servitude légale d’enclave.
Eviter toute ambiguïté – source de grandes désillusions – sur la nature et
l’étendue de leurs droits et obligations demeure donc le conseil principal à
donner aux particuliers concernés par un passage sur le fonds d’autrui, et aux
officiers ministériels chargés de traduire dans le verbe la volonté de ceux-ci.
SOPHIE BOUFFLETTE.
Avocat au barreau de Liège
Assistante à la Faculté de droit de l'U.Lg.
Sommaires*
Justice de paix de Fontaine-l'Evêque
26 août 2004
I. Servitudes - Passage – Usage – Abus de droit.
II. Servitudes - Passage – Interprétation du titre.
III. Propriété - Troubles de voisinage – Inconvénient excessif – Notion.
1. L'utilisation d'une servitude de passage de manière intensive, sans réelle
nécessité, et uniquement avec la volonté malsaine de porter tort à autrui,
notamment en s'immisçant dans sa vie privée, peut constituer un abus de droit.
2. Le titre d'une servitude de passage doit être adapté aux exigences de la vie
moderne sans cependant entraîner un préjudice concret au fonds servant. Dès
lors, un passage accordé à pied, avec brouette, peut être emprunté par un
piéton poussant un vélo ou une motocyclette au moteur arrêté, ou tout objet ne
dépassant pas le volume d'une brouette, pour autant qu'il soit insonore.
3. L'usage occasionnel par des enfants d'un ensemble constitué d'une balançoire, d'un toboggan et d'une plate-forme d'accès, lorsqu'ils sont présents à la
maison et que la météo le permet, n'est pas de nature à rompre l'équilibre entre
propriétaires voisins en imposant un trouble excédant la mesure des inconvénients normaux du voisinage.
J.L.M.B. 04/831
___________
* Toutes les décisions qui nous parviennent sont enregistrées sous une référence J.L.M.B. ../.... Nous vous
rappelons que celles qui sont citées dans les inédits et les sommaires peuvent être commandées in extenso au secrétariat de la rédaction (2,50 € de droit fixe par envoi et 0,50 € la page, majorés de 21% de
T.V.A. et des frais de port). Merci de préciser la référence de la J.L.M.B. reproduite sous chaque décision et le numéro de la revue qui la cite.