Kubotan – une arme

Transcription

Kubotan – une arme
Chers membres de proTELL,
Chères lectrices et chers lecteurs,
Kubotan – une arme ?
Le kubotan est un bâton métallique
d’environ 13 cm de longueur (image).
Il est avant tout utilisé dans des arts
martiaux asiatiques pour l’autodéfense.
Le kubotan classique peut aussi être
utilisé comme presse de nerf. Selon l’Office central des armes
de l’Office fédéral de la police fedpol, il était classé comme
« appareil destiné à blesser des personnes, tels les coups
de poing américains, les matraques simples ou à ressort,
les étoiles à lancer et les frondes » selon l’article 4, alinéa
1, lettre d de la loi suisse sur les armes (LArm). Le kubotan
n’est toutefois pas cité à l’article 4 de la LArm, lequel définit
le terme « armes ». La brochure fédérale sur la LArm n’en dit
aussi que peu. Le kubotan sert aussi de porte clé (image) ou
également de stylo robuste.
Le kubotan comme porte clé, une arme !
Une porteuse de kubotan l’ignorait. Elle l’avait reçu en cadeau 23 ans plus tôt à la fin d’un cours d’auto défense de
l’organisation « Jeunesse et Sport », en guise de porte clé.
Elle s’était déjà déplacée plusieurs fois en avion avec cet objet,
sans rencontrer de problème. Il ne lui vint donc pas à l’idée
de devoir se soucier de son porte clé comme d’une « arme
qualifiée ». La LArm qui devrait soit disant l’interdire était
entrée en vigueur le 1.1.1999.
La porteuse de l’objet fut retenue avec son kubotan en été
2014 dans un contrôle de sécurité de l’aéroport de Kloten. Le
ministère public compétent l’accusa : « de violation intentionnelle » de la LArm selon l’article 4, alinéa 1, lettre d
LArm (qualification du kubotan comme arme) et l’article
27, alinéa 1 LArm (port d’arme dans un lieu public sans
autorisation de port d’arme correspondante). « L’accusée
a fait cela bien que, en Suisse, le kubotan ne doive pas
être porté en public sans autorisation correspondante, ce
qu’elle savait, ou tout au moins elle en a pris le risque ».
Elle fut condamnée à une peine pécuniaire avec sursis à un
taux de 20 jours, à une amende ainsi qu’à la prise en charge
des frais de procédure. Pour des raisons de coût, elle laissa
passer le délai de recours sans en faire usage.
Le kubotan en tant que stylo n’est pas une arme !
Le propriétaire d’une armurerie de St-Gall importa des USA
24 kubotans sous forme de stylos. L’administration fédérale
des douanes le dénonça pour infraction à la LArm. Le kubotan est une arme au sens de l’article 4, alinéa 1, lettre d
LArm.
L’importateur se justifia en disant qu’il avait commandé des
« Tactical Pens », des stylos techniques et non pas des kubotans. Le ministère public de St-Gall constata à cet effet : « Selon le bulletin de livraison, l’importeur avait commandé
24 Tactical Pens aux USA. Les recherches ont indiqué qu’il
ne s’agissait sans aucun doute en l’occurrence pas de kubotans et ainsi pas d’armes au sens de la LArm. L’Office
central des armes confirma que seuls des kubotans classiques tombaient sous le coup de la LArm. Les kubotans
ne sont pas des objets contondants, la plupart du temps
sous forme de porte clé qui peut aussi être utilisé comme
presse de nerf. Ils n’ont pas de double fonction ».
Le ministère public du Canton de St-Gall a donc suspendu
la procédure. Il motiva la décision de suspension ainsi : Des
« Tactical Pens » peuvent aussi être utilisés comme presse
de nerf, toutefois également comme des stylos « normaux ». En raison de cette double fonction, les Tactical
Pens ne sont pas classés comme des armes, pour autant
qu’ils ne soient pas importés sous la dénomination de kubotan et/ou vendus plus loin ».
Tout est-il clair ?
Ici, l’« esprit bureaucratique » a une nouvelle fois provoqué
fortement et de manière très différenciée un fou rire. Est-ce
qu’un petit bâton métallique d’environ 13 cm, servant de
porte clé ou de stylo, est plus ou moins dangereux ? Le stylo
a gagné !
Cette interprétation de la LArm inefficace sur le plan de la
sécurité ne fait pas seulement défaut à nous, de proTELL.
Le kubotan n’est pas concrètement interdit par la LArm.
Le législateur laisse aussi une marge d’interprétation pour
l’application de la LArm. Il n’est cependant pas pensé à une
interprétation aussi extensive.
L’interprétation des 24 kubotans comme stylos par le ministère public de St-Gall mérite de la reconnaissance.
Dans la vie de tous les jours, il y a un grand nombre d’objets
bien plus dangereux qu’un kubotan sous la forme d’un porte
clé ou d’un stylo (couteaux de cuisine et autres couteaux,
des outils pour couper et à percussion, etc.). Les citoyennes
et les citoyens montrent plus de sens des responsabilités dans
leur maniement que de nombreux « gens bien-pensants »
et bureaucrates. Sans cela, nous aurions avec tous les objets
potentiellement dangereux de la vie journalière bien plus de
violence ou de meurtres.
Du bon sens est aussi demandé pour juger des objets potentiellement dangereux.
Willy Pfund, ancien Conseiller national
Président