La Petite Mer des oubliés

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La Petite Mer des oubliés
Dossier de presse - La Petite Mer des Oubliés
Contact : Justine Flandin - 04 91 91 13 08 - [email protected]
La Petite Mer
l'étang de Berre
paradoxe méditerranéen
des oubliés
Photographies de Franck Pourcel
Texte de Jean-Louis Fabiani
Contributions originales de chercheurs en sciences humaines
UNE MANIFESTATION DE JUIN 2006 A JANVIER 2007
DESCRIPTIF DE L’EVENEMENT
L'association l'Œil anthropologique a pour vocation de tisser des liens entre la photographie et les
sciences humaines.
Elle organise en ce sens, de juin 2006 à janvier 2007, une manifestation culturelle La Petite Mer des oubliés
qui verra la réalisation de cinq expositions différentes des photographies prises sur le territoire de l'étang de
Berre par Franck Pourcel.
Les expositions prennent place aux Archives départementales d'Aix-en-Provence, au centre d'Art
contemporain intercommunal d'Istres, au musée Ziem de Martigues, à l'abbaye de Montmajour à Arles et
sur Internet (www.lapetitemerdesoubliés.com).
Ces cinq étapes permettent de développer cinq thématiques en les abordant à la fois par le biais de la
photographie contemporaine et des sciences sociales. Des contributions originales de chercheurs sont en
effet proposées au public et reprises dans le catalogue. L'idée est de donner à voir et à comprendre ce
territoire qu'une très forte industrialisation a modelé et abîmé. Franck Pourcel sillonne l'étang depuis dix ans
et restitue ici son travail de photographe et d'anthropologue. Son approche photographique questionne les
rapports qu'entretient l'homme et son environnement.
Un catalogue est réalisé à cette occasion par les Éditions Le Bec en l'air, ainsi qu'un ouvrage écrit par
Jean-Louis Fabiani (directeur d’études à l'EHESS) avec les photographies de Franck Pourcel. Les deux
seront disponibles à partir du 15 juin 2006.
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SOMMAIRE
Note d'intention de Franck Pourcel .............................................................................................................................3
Présentation .................................................................................................................................................................4
Les expositions ............................................................................................................................................................5
- Image/Images
- Habitats
- Luttes
- Gestes du travail
- Paradoxes
Haut-lieu ou non lieu - texte de Jean-Louis Fabiani ..................................................................................................6
Biographie de Franck Pourcel ....................................................................................................................................9
Biographie de Jean-Louis Fabiani .............................................................................................................................9
Historique du projet......................................................................................................................................................10
Renseignements utiles ...............................................................................................................................................11
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"Dans l’esprit des gens de passage depuis l’autoroute ou sur les routes et voies de chemin de fer qui arborent l’étang de
Berre, mais aussi à l’atterrissage à Marignane, ou depuis les villes extérieures, l’homme n’existe plus sur ce territoire. Il
n’est plus à sa place, il a été oublié. Les baignades ne se pratiquent plus, le chasseur prend son gibier au supermarché
de la zone commerciale, les cabanons sont en ruines et ont laissé place aux puissantes cuves de pétroles, le pêcheur
n’est plus dans sa barque... L’homme s’est laissé engloutir par ces kilomètres de tuyaux métalliques et la fumée qui sort
des cheminées, mêlée aux douces ondulations d’une eau poussée par le vent vers la mer donnent au spectateur la
nostalgie d’un passé révolu. Les machines technologiques et industrielles ont dépassé la présence humaine, par les
balais incessants des avions, et tous les signes d’apocalypse renforcent ces absences. Le vide est partout. Le
déséquilibre du milieu est flagrant, donnant ce fort sentiment de désorientation et cette vision de cohabitations
incohérentes : salins, culture maraîchère, centres commerciaux, plages, criques, industrie… L’étang rencontre une
poétique bien différente de celle d’antan peinte par Ziem, narrée par Pelletan.
Pourtant, ces hommes et ces femmes vivent encore sur l’étang et les histoires voguent encore. Ainsi, il n'est pas
étonnant de croiser sur les marchés ces “hommes de l’autre époque”, aux épaules larges, aux mains lourdes et lacérées
par les filets, ou d’apercevoir perdu dans une immensité industrielle, un nuage d’oiseaux accompagnant les derniers
“bateaux ivres” dont l’ivresse est justement de se trouver sur cette “petite mer” pour “fuir” le temps et l’espace surchargés
d’une époque moderne. Il n’est pas étonnant non plus d’apercevoir des dizaines de voiles de kite surf ou de planches à
voile balayant la plage du Jaï entre Marignane et La Mède ou d’entendre les vrombissements des moteurs surpuissants
Offshore dans le port de Saint-Chamas. La vie y est partout, aux pieds de la ville nouvelle de Vitrolles, aux pieds de la
raffinerie de Total la Mède, le long du canal du Rove.
On pourrait penser que l’homme n’est plus à sa place dans cet univers et pourtant, tous les univers se côtoient dans une
opposition volontaire qui semblerait oppressante pour tout individu extérieur à ce monde. Il semble surprenant de
constater avec quelle fascination, "l’homme est capable de faire abstraction d’un univers d’apocalypse". Le lieu semble
garder sa poétique et son enthousiasme.
La photographie joue du plein et du vide, de l’accumulation et du manque, du désordre et du construit, du neuf et de la
friche, du bon et du déchet. Dualité des choses, dualité des apparences. La dichotomie prend une place prépondérante,
car tout se regarde en double ou avec son contraire. Tous les points de vue qu’on peut prendre sur l’étang ne suffisent
pas à constituer un paysage. Ils sont réduits au statut de fragments. En permanence, le regardeur est conduit à un
travail de cadrage et de recadrage. C’est la raison pour laquelle il a été préféré dans ses formes de représentation, une
séparation des éléments thématiques en cinq parties depuis l’Est et le lien urbain avec Marseille, jusqu’à l’ouest et le lien
proche de la Camargue avec Arles.
Ainsi le parti pris de l’écriture photographique est à plusieurs niveaux, une combinaison entre l’ethnologie et la poésie,
conduit vers ce double regard.
Elle traduit non pas la vision commune, mais le sentiment individuel obtenu au travers des récits, des atmosphères, de
l’émotion perçue au contact des personnes photographiées dans cet environnement si particulier où la désillusion est
parfois profonde.
À travers ce travail photographique et le travail sociologique mené par Jean-Louis Fabiani et d’autres chercheurs lors
des manifestations d’expositions, il ne sera question que de la connaissance ou de la re-connaissance des hommes et
des femmes oubliés sur ce territoire de la petite mer."
Franck Pourcel
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" Créé par la remontée des eaux qui a suivi la dernière grande glaciation, l'étang de Berre avec
ses quatre-vingts kilomètres de littoral est la plus vaste mer intérieure d'Europe.
e
Environné de sites archéologiques qui attestent une présence humaine dès le 8 millénaire
avant notre ère, l'étang possède un triple intérêt au plan humain, écologique et économique.
Situé dans une zone fortement urbanisée, ses rives réunissent 210 000 habitants qui vivent
dans les dix communes qui l’entourent. Quels rapports unissent ces habitants à cet espace qui
reste méconnu ?
Entre anthropologie et sociologie, l'exposition, proposée par les associations L’Œil
anthropologique et le Factotum nous révèle, avec l'acuité du regard du photographe Franck
POURCEL, les mille et une richesses de ce site.
Ardent défenseur du patrimoine, le Conseil général est fier, en tant que partenaire principal, de
présenter aux Archives départementales d'Aix-en-Provence cet autre " côté " de la
Méditerranée, qui voyagera dans toute la Provence puisque cinq expositions sont prévues au
Centre d'art contemporain d'Istres, au musée Ziem à Martigues et à l'abbaye Montmajour
d'Arles, ainsi qu’une exposition virtuelle sur le site internet www.lapetitemerdesoublies.com.
Grâce à ce projet, tous les amoureux de la Méditerranée et du patrimoine, que je sais
nombreux, n'oublieront pas que l'étang de Berre est bien une mer, une mer qu’il faut préserver
des pressions qui la menacent, une mer entourée de paysages magnifiques.
Cette mer est également vivante dans le cœur de ses riverains et des visiteurs qui en la (re)
découvrant sauront l’apprécier et l’aimer. "
Jean-Noël Guérini
Sénateur-Président du Conseil général des Bouches-du-Rhône
CINQ EXPOSITIONS DE JUIN 2006 A JANVIER 2007
Archives départementales
Aix-en-Provence
Image/Images
du 17 juin au 17 septembre 2006
Vernissage le 16 juin 2006 à 18h30
Centre d'Art contemporain intercommunal
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Istres
Habitat et modes de vie
du 6 juillet au 3 septembre 2006
Vernissage le 6 juillet 2006 à 17h00
Rencontre avec l'auteur le 20 juillet à 18h30
Abbaye de Montmajour
Arles
Gestes du travail
du 9 septembre au 15 octobre 2006
Vernissage le 9 septembre dès 14h00
Rencontre avec les auteurs le jour du vernissage
Musée Ziem
Martigues
Luttes
du 14 septembre 2006 au 7 janvier 2007
Vernissage le 21 septembre à 18h30
Rencontre avec les auteurs le 16 septembre
Internet
Paradoxes
www.lapetitemerdesoublies.com
Inauguration le 9 septembre à 16h à l'abbaye de Montmajour
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Dans le cadre de Temps de Pose qui accueille ETAPE BOUCHES-DU-RHONE de Raymond Depardon.
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1/ Image / Images
Archives départementales d'Aix-en-Provence
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Auteurs : Paul Allard (historien au DESMID ) et Pierrick Cézanne-Bert (chercheur au CESSA )
Mise en perspective d'images de baignade et de nautisme sur la mer de Berre et de deux analyses des
représentations de l'étang présentes dans la presse régionale depuis le début du siècle et dans la littérature.
Les analyses soulignent l'évolution du regard porté sur ce territoire avant et après son industrialisation, et
depuis les prises de conscience environnementalistes. Les photographies de Franck Pourcel témoignent
que cet étang, à l’apparence déshumanisée, reste un lieu de vie et de plaisirs.
2/ Habitat et modes de vie
Centre d'Art contemporain intercommunal d'Istres
Auteurs : Sophie Bertran de Balanda (urbaniste à la ville de Martigues) et Najoua Dhib –Proréol (anthropologue)
Les types d'habitat sur le territoire de l'étang sont multiples : villages anciens, cabanons, villes nouvelles,
logements industriels, caravanings, etc. L'exposition présente à travers un diaporama et une sélection
d'images un regard sur les façons d’habiter l’étang. Un éclairage particulier est porté par les auteurs sur
l'habitat industriel de Lavéra.
3/ Gestes du travail
Abbaye de Montmajour à Arles
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Auteur : Jacques Garnier (économiste au LEST )
Pêche, industrie pétrochimique, salins, agriculture figurent parmi les activités traitées ici par Franck Pourcel.
L'homme et sa gestuelle dans le monde du travail, son rapport aux machines et au territoire. Jacques
Garnier retrace l'évolution de l'industrialisation et ses conséquences sur l'emploi et l'économie.
L'abbaye accueille également des images et le diaporama extraits de l'exposition précédente Habitat et
Modes de vie ainsi que, le jour du vernissage, la présentation de l'exposition virtuelle Paradoxes.
4/ Luttes
Musée Ziem à Martigues
Auteur : Aurélien Allouche (sociologue au DESMID)
Conflits sociaux, engagements pour l'environnement, combat contre l'exclusion au travers de plusieurs
séries. Le photographe souligne à quel point la population est, sur ce territoire, engagée dans des luttes
citoyennes, avec pour métaphore les spectaculaires joutes provençales (rite et sport ancestral), véritables
combats marins.
5/ Paradoxes
Internet www.lapetitemerdesoublies.com
Auteurs : Tobias Girard (anthropologue) et Stéphane Castel (sociologue au CESSA)
Parce que ce territoire offre des visions d'un paradoxe déconcertant : baigneurs et usines, pécheurs et
pétroliers, des paysages désolés, déshumanisés et des espaces naturels protégés, cette exposition virtuelle
souligne ces paradoxes par des images en couleurs. Comment la population peut vivre sur une zone où le
« risque zéro » n'existe pas est l’autre paradoxe souligné par cette exposition.
Toutes les images exposées (à l'exception de celles sur les paradoxes) sont des tirages argentiques sur papier baryté.
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DESMID : Dynamique Ecologique et Sociale en Milieu Deltaïque
CESSA : Centre d'Etudes en Sciences Sociales Appliquées
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LEST : Laboratoire d'Economie et Sociologie du Travail
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HAUT-LIEU OU NON LIEU
JEAN-LOUIS FABIANI
"L’étang de Berre ne compte pas au nombre des hauts lieux touristiquesde la Provence. La plupart des voyageurs en ont
pourtant un aperçu lorsqu’ils arrivent dans la région, même si cet espace reste souvent non situé, voire innommable.
Pour les passagers du chemin de fer, l’approche des raffineries donne le signal du moment où l’on commence à
assembler ses affaires avant la descente : c’est à la fois, contradictoirement, une balise urbaine et la négation de toute
urbanité. La chaîne de l’Estaque dresse presque aussitôt une barrière entre la métropole et le plan d’eau. La ville est un
autre monde.
Le grand déversoir
À l’atterrissage à Marignane, l’étang produit souvent chez celui qui le découvre un sentiment puissant de désorientation
(Tu crois que c’est la mer ? Un étang n’est pas si grand). Quand vient l’approche finale, entrent dans le champ de vision
des cohabitations incohérentes, qui donnent lieu à un assemblage ininterprétable : salins en déshérence, cultures
maraîchères hors sol, centres commerciaux aux enseignes trivialement aguicheuses (comme partout ailleurs près des
aéroports), plages et criques, églises romanes (comme dans les circuits de visite), mais surtout appareil industriel
pétrochimique dont l’inquiétante étrangeté confère sans doute au lieu son unité et sa lisibilité : synclinal, l’étang est un
vaste déversoir où l’énergie est fabriquée, distribuée et quelquefois perdue. La déprise et l’emprise se superposent en
ces lieux. Le vide y est partout, dans les friches et dans les interstices. On n’en finit pas de faire le compte des
désaffections et des désaffectations : ancienne poudrerie, anciens hangars, et surtout, anciennes plages, anciens
poissons, anciens pêcheurs, ancienne vie. Des cartes postales pas si anciennes montrent la foule des baigneurs et
l’évidence du plaisir populaire. L’endroit appelle le braconnage social et les pratiques clandestines. L’étang est comme
un gigantesque lieu de deal. Ce vide ouvre à toute une gamme de possibles ludiques, rarement exploités : qu’on pense
à toutes ces friches ou à ces villégiatures dérisoires qu’on découvre au détour du chemin et où l’on imagine en pure
perte des déjeuners sur l’herbe ou des parties de campagne, écho fictionnel du rêve d’Alfred Saurel qui voyait se profiler
l’organisation " sur toutes les voies ferrées du Midi, de trains de plaisir à destination de cette humide fille d’Amphitrite"
(c’est ainsi qu’il nommait Martigues).
Les figures du risque
Ce vide est simultanément occupé, jusqu’à l’asphyxie, par l’emprise massive de toutes les activités industrielles. Les
vapocraqueurs et les turbines ne cessent d’y rejeter les résidus de l’énorme production d’énergie : ceux-ci s’ajoutent à
tout ce que le dispositif synclinal dirige jusqu’aux entrailles de la mer intérieure (phosphates, nitrates, etc.). L’étang est à
la fois un lieu de la perdition et de la déperdition, surtout lorsque l’anticyclone pèse comme un couvercle, aux heures les
plus léthales de l’été. Le risque industriel est ici figuré de manière colorée et diverse, dans une combinaison à la fois
oppressante et joyeuse de signaux d’apocalypse. Tout est exposé, tout est explosable. Il arrive même que le riverain
puisse assister de sa terrasse à un accident industriel majeur (comme en novembre 1992, à la raffinerie de la Mède). On
est ici au plus loin de la menace invisible, et partant plus anxiogène, que constitue le nucléaire : il n’y a pas d’énergie
propre sur les rives de l’étang, en dépit de toutes les mesures de « reconquête ». Le processus de fabrication de la
puissance sature l’espace de signaux de fumée. Les municipalités demandent aux habitants de se munir de sparadrap
pour obturer les orifices des maisons en cas de catastrophe. Mais à l’aube où eu lieu l’accident de la Mède, personne n’a
pensé à ce dérisoire pansement : tout le monde est allé au balcon pour voir un feu d’artifice tourner en cauchemar.
L’étanchéité des espaces et des dispositifs constitue la question centrale. La zone est caractérisée par l’accumulation de
conteneurs, de cuves, de citernes. L’étanchéité est toujours en question.
Qualification et déqualification
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Une telle description de l’étang est à la fois précise et inexacte. Elle ne dissimule rien des fumées grasses, de la violence
faite à l’espace et de la réalité oppressante de la pollution. Mais elle conforte à trop bon compte l’anti-industrialisme
dominant de nos sensibilités culturelles. On n’imagine pas une poétique du polypropylène.
Personne n’a pensé à écrire la geste des travailleurs de l’étang. Il faut dire qu’à la différence de la mine ou de la
sidérurgie, l’industrie pétrolière n’a pas suscité d’imagerie littéraire ou cinématographique propre à qualifier socialement
les lieux de production (Toni, de Jean Renoir, dans lequel est furtivement évoquée l’odeur du pétrole, ne constitue pas
vraiment une exception) : l’ami du peuple ne voit pas dans l’opérateur qui travaille au coeur de la raffinerie un symbole
adéquat de la classe ouvrière.
Michel Peraldi remarque à juste titre que les pourtours de
l’étang de Berre offrent "toutes les cartes postales, tous
les lieux communs de la Provence visitée" (vestiges
galloromains, églises romanes, petits ports de pêche,
villages perchés, avant-goût de Camargue, etc.). Pourtant,
tous les points de vue qu’on peut prendre sur l’étang ne
suffisent pas à constituer un paysage. La présence
massive des activités industrielles introduit des
discontinuités qui rendent impossible la perception unitaire
d’un espace cohérent. Les vues qui s’apparentent le plus
à des types touristiques immédiatement reconnaissables
et assignables sans équivoque à une méditerranéité
hédoniste et généreuse se trouvent oblitérées par le
surgissement d’un épais nuage de fumée ou par l’éclat
inquiétant des cuves de pétrole.
Les points de vue possibles sont ainsi réduits au statut de fragments : le plaisir esthétique qu’on peut retirer de la
contemplation des lieux est toujours miné par la nécessité d’obturer une partie du champ de vision pour ne pas voir ce
qui constitue pourtant l’élément le plus puissant du spectacle de l’étang.
Le regardeur est ainsi conduit à un travail permanent de cadrage et de recadrage. Il suffit de changer de focale pour
passer de la crique délicieuse où s’élancent des véliplanchistes à l’usine pétrochimique où sont concentrées les matières
dangereuses. C’est évidemment d’un tout autre étang que parle Charles Maurras, quand il en fait la première des trente
beautés de Martigues, l’étang "qui le matin blanchit et le soir bleuit". Un bon nombre des beautés identifiées de
Martigues sont d’ailleurs liées à l’étang (la cabriole des mulets, l’anguille qui se mange entre deux chandelles, les
pêches de nuit, les ponts, les joutes, la poutargue, la marmaille qui nage entre les quais). L’étang, source de vie, est le
lieu de la sociabilité provençale par excellence. Loin d’être le territoire discontinu d’une périphérie urbaine qui ne se
laisse pas appréhender, il est, dans les textes de Maurras, producteur d’ordre et de cohérence, dans le domaine du
paysage comme dans celui de la société. C’est aussi un autre étang qu’a inventé le peintre Ziem, lorsque, dans sa quête
"d’émanations salines", il l’a constitué comme un lieu pictural à partir d’une série de comparaisons et de transpositions
avec d’autres figures de l’Orient méditerranéen. Il écrit en 1860 à Théodore Rousseau : "Ce pays est encore vierge et
antique comme ses habitants, tous pêcheurs, le paysage ne cède en rien aux beautés de la Grèce… C’est la vraie et
franche nature, comme nous l’aimons partout, mais ici rien n’est encore envahi". Bien qu’il ait écrit ses textes avant la
grande transformation industrielle, Maurras est sensible à l’existence de changements paysagers induits par l’activité
humaine. Mais ceux-ci sont en quelque sorte neutralisés par le caractère inaltérable de la vraie beauté de Martigues et
de l’étang de Berre. Il écrit à propos des changements : "Je ne crois pas que la main de l’homme enlaidisse facilement la
nature… On a beau faire, on a beau dire, on ne gâtera pas les trente beautés… Il n’est pas question de justifier les pots
de moutarde géants plantés au versant des Alpilles, ni les bouteilles d’encre monumentales qui, non loin d’Aix, insulte à
l’ombre athénienne de la Sainte-Victoire de Marius. Ce qui est laid est laid, fût-il fait de main d’homme ! Mais dans un
beau pays, dans un pays bien configuré et bien peint, je mets en doute l’importance de ces saletés éphémères ; à peine
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reconnues, elles sont rejetées par l’esprit et même par l’oeil, qui ne demande qu’à en faire abstraction dans ses
jugements". La beauté résiste ainsi aux développements du commerce et de l’industrie. Maurras les appelle d’ailleurs de
ses vœux. "Le monde n’est pas un musée", affirme-t-il pour condamner le faux esthétisme qui envisage de figer les
paysages en les mettant à l’abri des atteintes du temps. L’optimisme de Maurras est fondé sur la capacité qu’il prête au
regardeur de supprimer magiquement de son champ de vision tous les éléments qui ne satisfont pas au canon des
"trente beautés de Martigues". Il existe un génie du lieu qui a des propriétés en quelque sorte auto-nettoyantes. Les
saletés sont éphémères, l’étang est éternel. Force est de constater que nous n’avons pas cette capacité, et nous
admettons à l’unanimité le fait que le lieu a subi une très forte déqualification depuis que Ziem et Maurras en ont chanté
des louanges et en ont constitué, avec des moyens plastiques différents, des grilles de perception obligées. Pourtant, à
l’heure où l’étang blanchit, il arrive qu’un "c’est beau" échappe aux plus anti-industrialiste des regardeurs. C’est que
l’étang résiste toujours aux diverses dégradations qu’il a subies. C’est qu’il est toujours aussi possible de n’en retenir que
la puissance, d’en éprouver les multiplicités, d’en sélectionner les paradoxaux hauts-lieux, ou de montrer, à partir des
modes particuliers (et quelquefois hétérodoxes au regard de l’esthétique dominante) d’appropriation de l’espace, que
l’étang, indépendamment des directives institutionnelles et des plans d’ensemble, est chaque jour reconquis par
quelques uns de ses usagers, fût-ce au moyen de tactiques infinitésimales."
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BIOGRAPHIE DE FRANCK POURCEL
Franck POURCEL mène, depuis 1994, une réflexion générale sur les rapports que l’Homme entretient avec son
environnement direct. Il travaille en particulier sur la Provence et sur l’Afrique de l’Ouest. Lauréat du prix "Jeunes Artistes
Européens" en 1994, lauréat du prix Henri Matisse de l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne de la ville de Nice en
2001, il obtient une bourse de la D.R.A.C. P.A.C.A. en arts plastiques en 2000 et une bourse de la Mission du Patrimoine
Ethnologique en 2001, bourses du Ministère de la Culture et de la Communication.
Ses photographies ont fait l’objet de publications dans Le Monde, Le Monde Diplomatique, L’Humanité Hebdo et
diverses revues scientifiques comme Africa e Mediterraneo, Italia. Elles ont été exposées en France (Biennale de Bastia,
Arles, Marseille, Le mois de la photographie de Cherbourg…) et à l’étranger (Festival Photo Rio au Brésil, mois de la
photographie à Turnhout en Belgique, Centre Culturel Français de Saint-Louis de Sénégal lors d'une résidence et, entre
autres, au festival de Pirineos Sur en Espagne). Certaines font partie des collections de la Bibliothèque Nationale de
France, de l’Artothèque de Cherbourg, du Centre Méditerranéen de la photographie de Bastia, du Musée de Salon et de
la Crau, des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône à Marseille, du Muséon Arlaten à Arles ; d’autres
appartiennent à des collections privées.
Il partage également son temps de recherche photographique avec des activités pédagogiques (chargé de cours
d’analyse de l’image pour les BTS de l’Institut National d’Études Supérieures en Audio-Visuel,1999 et pour des écoles
primaires avec des projets de pratiques artistiques…). Intervenant à divers colloques autour de la photographie et
l’anthropologie (Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme à Aix-en-Provence ; Musée d’ethnologie de la Haute
Provence, Prieuré de Salagon à Mane) et du colloque autour de la photographie de reportage : "Images publiques,
regards singuliers" Université Claude Bernard Lyon 1, 1999 ; Café photographique "Les photographies ethno-poétiques Salon de Provence, 2001
BIBLIOGRAPHIE :
Stèles de Camargue, éditions Parenthèses, 2003.
Néoruraux, vivre autrement, Le bec en l’air éditions, 2004.
De mer, de pierre, de fer et de chair. Histoires du Port Autonome de Marseille éditions
Cheminements, 2006.
BIOGRAPHIE DE JEAN-LOUIS FABIANI
Directeur d'études à l'EHESS et directeur de l'UMR (CNRS)Shadyc, il est actuellement Fellow au Wissenschaftskolleg
de Berlin. Participant à plusieurs comités scientifiques, il est entre autres : expert pour la sociologie à la DS7 du
ministère de la Recherche ; membre du conseil scientifique du Musée de l’Europe et de la Méditerranée ; membre du
conseil scientifique des appels d’offres "Concertation, décision, environnement" et "Environnement et prévention des
risques" du Ministère de l’Environnement et du développement durable. Il participe également aux comités de rédaction
suivants : Musées et cultures ; Sociologie et sociétés (Montréal 2000-2005) ; Sociologias (Porto Alegre) ; Enquête (19952001) ; Préfaces (1986-1990) et est membre de plusieurs associations professionnelles dont l'Association française des
sociologues, American Sociological Association, International Sociological Association, Société d’ethnologie française
(membre du Conseil).
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
Ouvrages :
- Les philosophes de la République, Paris, Editions de Minuit, 1988.
- Lire en prison. Une étude sociologique, Paris, BPI - Centre Georges Pompidou, 1995.
- L’Europe du Sud contemporaine avec Bernard Plossu, Marseille, Images en manoeuvres, 2000.
Direction d'ouvrage :
- La société vulnérable. Evaluer et maîtriser les risques, ouvrage collectif édité en collaboration avec Jacques Theys,
Paris, Presses de l'ENS, 1987.
- D’ailleurs et d’ici. Musiques à Marseille, hier et aujourd’hui, (.avec J. Cheyronnaud, S. Hureau, E. Pedler), Paris, Hall de
la Chanson, 2000.
- Le Goût de l'enquête. Pour Jean-Claude Passeron, Paris, L'Harmattan, 2001.
Il a déjà travaillé en collaboration avec le photographe Franck Pourcel :
- Beautés du Sud. Sur quelques formes provençales à l’épreuve des jugements de goût. Une ethnographie des
mobilisations esthétiques, rapport pour la mission du patrimoine ethnologique, octobre 2002.
- Haut lieu ou non lieu ? La Petite mer. Portraits de l'étang de Berre, Conservatoire du Littoral, mai 1996.
- Les cigales muent aussi dans l’espace symbolique, in Véronique Nahoum Grappe et Odile Vincent, Le goût des belles
choses, Paris, MSH, 2004. Colloque Michel Foucault , Metz, 2004.
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HISTORIQUE DU PROJET
LES DIFFERENTES COMMANDES PHOTOGRAPHIQUES
Depuis 1997, Franck Pourcel a répondu à six commandes publiques ou privéesconcernant l'étang de Berre. Elles lui ont
permis d'explorer différents aspectsde ce territoire :
- Le Ministère de l’Environnement en 1997
Il s’agit d’une étude comparée menée par A. Attané sur les pratiques quotidiennes de l'environnement dans deux villes
françaises, Martigues et Cherbourg, sous la direction de Jean-Louis Fabiani et de Jacques Caroux. Ce travail de
recherche sociologique intégrait la photographie comme outil : données visuelles mises en place pour un questionnaire
auprès des populations interrogées. Il a donné lieu à un rapport intitulé Les pratiques quotidiennes de l'environnement.
- Le Comité d’Entreprise BP Lavera SNC en 1999
Le Comité d'entreprise de BP Lavera a passé une commande portant sur la réalisation d’un travail photographique
intitulé : L’Aveyra / Lavéra, Le site industriel et urbain de Lavéra ayant pour objet : la restitution de l’état des lieux urbain
et industriel ; la place que prend l’homme dans ces espaces à travers les dynamiques sociales et industrielles et
l’appropriation et le marquage de l’espace. Ce travail photographique devait s’inscrire dans le cadre d’une recherche sur
les mutations sociales de Lavéra, menée par Najoua Dhib-Proreol pour sa thèse de doctorat en Anthropologie. Réalisé à
l’initiative de la Commission Culturelle du C.E., soutenu par les services de la Raffinerie, le Ministère de la Culture et de
la Communication, la D.R.A.C. P.A.C.A, le Conseil Général des Bouches-du-Rhône.
- Le Musée d’archéologie sous-marine d’Istres en 2001
Le musée d’archéologie sous-marine d’Istres par le biais du S.A.N. (Syndicat d'Agglomérations Nouvelles) a passé une
commande photographique sur les pêcheurs de la mer de Berre. Ce travail a été exposé en deux parties :
La pêche sur l’étang de Berre au Musée d’archéologie sous-marine d’Istres.
La pêche le long du chenal de Caronte au Centre Culturel Marcel Pagnol de Fos-sur-mer.
L’ensemble de ces travaux a été exposé au Centre Culturel Français de Saint-Louis de Sénégal et une résidence de
trois semaines a permis au photographe de réaliser un travail photographique sur Les pêcheurs de Getndart.
- Le GIPREB en 2004-2005
La commande photographique du G.I.P.R.E.B. (Groupement d’Intérêt Public pour la Réhabilitation de l’Étang de Berre)
a fait l’objet d’une recherche globale sur les pratiques de l’étang de Berre. Cette recherche a permis de prendre des
contacts à travers divers organismes, clubs associations, etc. en rencontrant tous les secteurs d'activité dont, entre
autres, la pêche, la chasse, l’industrie, l’agriculture, les salins du midi, le nautisme, l’aéroport, … La commande a été
administrée par le S.I.S.E.B. (Syndicat Intercommunal pour la Sauvegarde de l’Etang de Berre) et les services de la
municipalité de Berre l’étang. En cours de finition, elle permet ainsi de continuer la constitution d’un fonds
photographique et donne lieu à une exposition intitulée Rivages de la mer de Berre de quarante photographies noir et
blanc qui tourne depuis septembre 2005 dans les villes du pourtour de l'étang.
- ATD Quart-Monde en 2005-2006
Cette commande a pour but de suivre étape par étape le chantier de réparation et de remise à l'eau d'un bateau
abandonné - Les Cousins. Véritable travail contre l'exclusion mené à Vitrolles par l'association Les Volontaires de la
Manille, en collaboration avec ATD Quart-Monde.
- Le Comité d’Entreprise BP Lavera SNC en 2005-2006
Il s'agit de finaliser la commande de 1999 en approfondissant le travail photographique :
rendre compte des activités dans le secteur chimie de l'entreprise ;
mettre l'accent sur le travail des femmes dans cette industrie.
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Dossier de presse - La Petite Mer des Oubliés
Contact : Justine Flandin - 04 91 91 13 08 - [email protected]
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
Archives départementales
25, allée de Philadelphie
13100 Aix-en-Provence
Tél. : 04 42 52 81 90
[email protected]
Ouvert du lundi au samedi de 10h à 18h
((quartier Sextius Mirabeau)
sur l'esplanade accès par escalier av. G. Pompidou
ou par la rue de Grenade)
Entrée libre
Abbaye de Montmajour
Route de Fontvieille
13200 Arles
Tél. : 04 90 54 64 17
www.monum.fr
Ouvert : tous les jours de 9h à 19h
(au nord-est de Arles, direction Fontvieille)
Entrée : 6,5 e ; 4,5 e
Centre d'Art contemporain intercommunal d'Istres
2, rue Alphonse Daudet
13800 Istres
Tél. : 04 42 55 17 10
[email protected]
www.ouestprovence.fr
Ouvert : lundi, mercredi, jeudi et vendredi
De 10h à 12h et de 14h à 18h
Mardi et week-end : 14h à 18h
(au cœur d'Istres, à deux pas de la mairie)
Entrée libre
Musée Ziem
Bd du 14 juillet
13500 Martigues
Tél. : 04 42 41 39 60
Ouvert tous les jours sauf lundi et mardi de 14h30 à 18h30
(Quartier de Ferrières)
Entrée libre
LES PARTENAIRES
Partenaires institutionnels
Conseil Général des Bouches-du-Rhône
Conseil Régional PACA
Ville de Martigues
le Monum' Centre des Monuments Nationaux
Ouest Provence
et l'ensemble des lieux d'exposition
Ainsi que
Sud Plastification
Imprimerie Horizon
Et pour les médias
La Marseillaise
Le Ravi
Radio Grenouille
Accents
Le livre La Petite Mer des oubliés publié par les Éditions le Bec en l'air sera disponible en librairie à partir
du 15 juin. ISBN : 2-916073-11-6. Prix de vente : 32 euros
Le catalogue d'exposition ISBN 2-916073-20-5. Prix de vente : 5 euros.
Une proposition de l'Œil anthropologique - Conception et scénographie : le Factotum
Contacts : Franck Pourcel et Justine Flandin
11, bd National 13001 Marseille – T. 04 91 91 13 08 - 06 74 49 90 64
[email protected] et [email protected]
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