Tests cliniques et examens complémentaires utilisés en
Transcription
Tests cliniques et examens complémentaires utilisés en
l, ---~ -----_._-----------~---------- Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, n° 5, pp. 216-225 © Masson, CONDUITE À TENIR DEVANT. .. Paris, 1995 Tests cliniques et examens complémentaires utilisés en traumatologie sportive pour déterminer la période de reprise du sport T. HUREL (1), O. ROUILLON (2) (1) M CMK, stagiaire de l'école de Cadres Bois-Larris, B.P. 12, F 60260 Lamorlaye. (2) Médecin du sport. Loisir ou profession, le sport met le muscle à rude épreuve et des accidents musculaires peuvent survenir. La blessure musculaire est souvent vécue par le sportif comme un véritable drame car celle-ci peut, notamment dans les cas graves, l'éloigner plusieurs semaines voire plusieurs mois des terrains. Pressé par le sportif, les dirigeants et l'entraîneur de l'équipe, le kinésithérapeute doit mener ses soins de manière à ce que l'interruption du sport soit la plus brève possible, mais sans exposer son patient à la récidive par une mauvaise appréciation de l'importance de la lésion et un non-respect du délai de cicatrisation. Après avoir précisé les principaux accidents musculaires rencontrés en traumatologie sportive et leur traitement, nous regroupons dans ce rapport de recherches, les différents tests cliniques et résultats d'examens complémentaires permettant au thérapeute de cerner plus précisément la période autorisant la reprise dirigée du sport et limiter le risque de récidive. Ces différents éléments établissent le bilan lésionnel musculaire et sont applicables à tous les muscles, mais dans un souci d'illustration, nous avons choisi l'exemple de l'atteinte des ischio-jambiers chez le footballeur. Introduction La traumatologie sportive est spécifique au sport pratiqué, et selon celui-ci, la prépondéTirés à part: T. HUREL, à l'adresse ci-dessus. rance est osseuse ou articulaire. Mais quelle que soit l'activité sportive, le muscle est la structure toujours sollicitée et le siège de lésions tant au niveau des membres supérieur et inférieur que du tronc (7). De nombreux auteurs ont démembré la traumatologie sportive des parties molles, Genet y (4) propose une classification basée sur la clinique, la thermographie et l'échographie. Nous avons repris ici la classification d'Andrivet (1) qui décrit ces lésions comme les degrés croissants d'un même phénomène. C'est une classification essentiellement clinique qui différencie les accidents avec ou sans lésion anatomique, ayant une origine intrinsèque ou extrinsèque. Le traitement de ces pathologies est basé le plus fréquemment sur la rééducation. Aussi la qualité et la précocité du traitement sont-elles primordiales pour que le patient reprenne rapidement son activité sportive au niveau qui était le sien avant la lésion. Cette dernière peut, sans un traitement adapté, hypothéquer l'avenir sportif du patient. Les traumatismes liés à une cause intrinsèque Ces pathologies correspondent aux différents degrés d'un même phénomène; contraction exagérée lors d'un geste en porte-à-faux, d'un rattrapage d'équilibre, d'un changement de direction, d'une accélération ou d'un arrêt brutal. L'accident survient le plus souvent au niveau des muscles polyarticulaires mis en tension Ann. Kinésithér., brutalement sur un segment de membre en asynchronisme articulaire (2). Le muscle crée lui-même sa lésion en contraction, c'est le cas du droit antérieur lors du shoot où les deux fonctions de ce muscle sont mises à contribution simultanément. Le muscle peut également « s'autoléser » en élongation, c'est l'exemple des· ischio-jambiers à la fin du shoot ou lors du tacle au football. Ces lésions localisées à l'ensemble de l'appareil musculaire touchent plus particulièrement la jonction myo-tendineuse. Cette région très mal vascularisée (5) constitue le point de faiblesse du muscle chez l'adulte. Chez l'enfant, ce point de faiblesse se situe au niveau de l'insertion du tendon sur l'os (en thèse). Les facteurs favorisants sont le froid, le manque ou l'insuffisance d'échauffement, la mauvaise préparation physique, un geste technique mal effectué, l'utilisation d'un matériel inadapté, l'âge (après 35 ans), les foyers infectieux, le non-respect des règles hygiéno-diététiques et le déséquilibre agonistes-antagonistes (8, 9). La gravité de l'accident musculaire est fonction de l'atteinte ou du respect de la structure anatomique du muscle. Le diagnostic médical doit faire cette distinction, nous verrons que l'orientation du traitement kinésithérapique en dépend. LES ACCIDENTS MUSCULAIRES SANS LÉSION ANATOMIQUE La contracture : il s'agit d'une contraction musculaire permanente, involontaire liée à un travail excessif du muscle. Elle correspond à un engorgement du muscle en déchets métaboliques, notamment l'acide lactique. Elle se traduit par une sensation désagréable plus qu'une douleur, d'apparition progressive et perturbe la coordination motrice. En raison de l'appréhension engendrée par la contracture, le sportif voit son geste perdre en fluidité, rapidité et adresse. La palpation met en évidence une région sensible et indurée, l'étirement et la contraction du muscle lésé sont désagréablement ressentis par le patient. 1995, t. 22, nO 5 217 L'élongation : elle survient quand un muscle atteint ses limites d'élasticité sans les dépasser. La douleur est vive, soudaine, mais n'entraîne pas d'impotence fonctionnelle majeure immédiate. En effet, la poursuite de l'activité sportive reste possible mais au prix d'une gêne douloureuse croissante, d'une diminution des performances et d'une probable aggravation de la lésion initiale. Les signes cliniques sont superposables à ceux de la contracture et le diagnostic différentiel se fait grâce à l'interrogatoire qui précise les circonstances d'apparition de la gêne douloureuse. Les crampes et les courbatures n'entrent pas dans le cadre de ce mémoire car ces manifestations traduisent une simple fatigue musculaire. Elles ne nécessitent pas de traitement et le seul repos sportif permet leur disparition en deux à quatre jours. Cependant pour éliminer plus rapidement et prévenir cette fatigue, le sportif doit réaliser une activité douce (footing, vélo, sans entraîner d'essoufflement majeur), associée à une hyperhydratation. Ce « décrassage musculaire » est effectué soit aussitôt après la compétition, soit le lendemain matin. Une diététique équilibrée, une hydratation suffisante et une préparation physique de qualité préviennent l'apparition de ces troubles. La contracture et l'élongation sont relativement bénignes, mais elles font le lit de pathologies plus graves avec atteinte anatomique de la structure musculaire. Le thérapeute de terrain devra donc arrêter le sportif pendant le match ou la compétition avant que celui-ci ne se blesse plus gravement. LES ACCIDENTS MUSCULAIRES AVEC LÉSION ANATOMIQUE La déchirure musculaire ou claquage: c'est une atteinte systématisée d'une quantité variable de fibres musculaires, l'armature aponévrotique (périmysium, endomysium, épimysium) n'étant pas lésée. 218 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 5 La douleur est vive, intense, l'impotence fonctionnelle est immédiate, majeure, exacerbée par toute tentative de mobilisation. La palpation révèle une zone douloureuse, parfois une solution de continuité si le muscle est superficiel. Le saignement est constant et immédiat mais sa traduction clinique est parfois tardive. Ainsi l'hématome, l'ecchymose, recherchés localement ou à distance, peuvent apparaître 24 à 48 heures après le traumatisme (7). La rupture musculaire Elle peut être complète ou incomplète. Lorsqu'il s'agit d'une rupture incomplète, de nombreuses fibres sont rompues, l'atteinte est multifasciculaire lésant la structure conjonctive du muscle. Si la rupture est complète, toutes les fibres sont rompues. Dans ces deux cas, l'étendue des dégâts anatomiques entraîne un saignement massif. La douleur est brutale stoppant immédiatement la course ou le geste du sportif; ce dernier ayant parfois la sensation de recevoir un « coup de poignard ». L'impotence fonctionnelle est immédiate et majeure. La palpation est douloureuse, objective l'hématome et la solution de continuité musculaire. Toute mobilisation active ou passive du segment lésé est très douloureuse et le plus souvent impossible. La désinsertion musculaire Complète ou incomplète, elle est à rapprocher, sur le plan anatomo-pathologique, de la rupture. Seule la localisation change, il s'agit de l'atteinte élective de la jonction musculo-aponévrotique. Celle-ci résulte le plus souvent d'un conflit entre un chef mono-articulaire et le chef polyarticulaire sur lequel il s'insère par l'intermédiaire de cette zone myo-tendineuse. L'atteinte la plus classique étant celle du jumeau interne ou tennis leg (6). Les signes classiques sont ceux de la rupture musculaire. Les traumatismes liés à une cause extrinsèque Certains sports (collectifs, de combat) sont caractérisés par l'intensité des chocs, contacts physiques ce qui fait que la contusion ou « béquille » est une pathologie extrêmement fréquente (7). Il s'agit d'un coup porté sur un muscle généralement en pleine contraction réalisant ainsi l'écrasement des fibres musculaires contre le squelette osseux. La gravité de la lésion est variable, elle va de la simple rupture de quelques fibres à la véritable dilacération du muscle, le saignement est de règle. C'est donc un claquage musculaire aggravé d'une contusion, l'accumulation de ces traumatismes en fait une lésion grave à ne pas négliger malgré sa fausse réputation de bénignité. L'arrêt de l'activité sur le terrain de sport doit être la règle de conduite dans la majorité des cas. La douleur est vive, soudaine, l'impotence fonctionnelle est immédiate mais variable en fonction de l'intensité du coup. La palpation est douloureuse et permet de discerner un hématome plus ou moins précoce. Le traitement est celui de la déchirure. Le traitement kinésithérapique Nous n'envisageons dans ce rapport que le traitement par la rééducation (9) en décrivant succinctement ses différentes étapes. Bien que rarement indiqué, le traitement pourra être orthopédique (immobilisation plâtrée) ou chirurgical dans les lésions les plus graves (rupture, désinsertion). Dans ces deux cas, la rééducation différée dans un premier temps, achèvera le traitement. LA PREMIÈRE PHASE DE REPOS ET D' ANT ALGIE Son orientation thérapeutique dépend du diagnostic établi par le médecin. En présence d'un accident musculaire sans lésion anatomique réelle, les techniques vasodilatatrices et hyperhémiantes sont indiquées car elles facilitent la récupération et le drainage musculaire. Le massage, la chaleur sous toutes ses formes, l'arrêt du sport, la physiothérapie (ondes courtes, basse et haute fréquence ...) sont les bases du traitement. Ann. Kinésithér., Si le diagnostic médical met en évidence la TABLEAU 1. - Différentes lésion anatomique, les techniques ci-dessus sont Reprise 3e 4' 3' 2' musculaire fication Intensi54 4semaine à14e 77e 2e au 6e à2jour 18e à lOà semame semaine Période 3e 4e 5e jour 23jours Modelage nement lOe jour Antalgie 35 jours 2e 1" à proscrire légère pendant Période à 10 jours car elles d'entraî- jour 15 7 jours jours Contusion Déchirure Rupture Élongation favorisent le saignement.Repos La rééducation doit au contraire lutter contre l'hématome pour en diminuer l'étendue et limiter ainsi le risque de fibrose ou d'adhérence secondaire. Pour cela, elle doit être précoce débutant sur le terrain même et basée sur l'utilisation du bandage compressif, de la cryothérapie et le respect de la nonsollicitation du muscle lésé (mise en décharge pour le membre inférieur). Les ondes courtes pulsées sont utilisées car elles n'entraînent pas d'élévation de la température et favorisent les échanges ioniques. LA DEUXIÈME PHASE DE « MODELAGE MUSCULAIRE » Elle fait appel aux anti-inflammatoires, à la massothérapie (défibrosante, décontracturante et circulatoire), aux contractions et étirements musculaires doux, « à sec» ou en balnéothérapIe. La physiothérapie anti-inflammatoire et antalgique est développée au travers de l'utilisation des ionisations (Célestène, Percutalgine ...), des courants de basse fréquence, des ondes courtes pulsées, des ultrasons. LA TROISIÈME PHASE D'INTENSIFICATION des sollicitations musculaires reprend les techniques de la phase précédente. Les techniques à visée antalgique sont progressivement interrompues alors que le renforcement musculaire, les étirements sont intensifiés et associés à la proprioception en décharge puis en charge. La durée de chaque période varie selon la gravité de la lésion et le tableau ci-dessous proposé par Ferret (9) récapitule le découpage de la rééducation (tableau 1). Au terme de ces trois périodes, le muscle est-il apte à subir les contraintes plus intenses de la dernière phase de la rééducation? Celle-ci correspond à la réadaptation sportive du patient pendant laquelle il reprend progressi- 1995, t. 22, phases du traitement nO 5 219 et leur durée. vement ses gestes sportifs sur le terrain, accompagné et dirigé par le kinésithérapeute. Mais l'impatience, fréquente chez le sportif, va l'inciter à tester sa lésion « pour voir si ça tient », ainsi le ré éducateur n'est plus absolument maître de la progression du réentraînement à l'effort. Il semble donc indispensable que le sportif ait parfaitement récupéré avant d'entamer cette dernière étape. Or, l'évolution de la cicatrisation varie selon les sujets et la gravité de la lésion, c'est pourquoi les auteurs ne proposent que des délais concernant la reprise sportive. Pour Benezis (2), la rupture permet la reprise progressive du sport entre le quatrième et le huitième mois. LA QUATRIÈME PHASE DE REPRISE DU SPORT (RÉADAPTATION SPORTIVE) Les exercices de la phase précédente sont poursuivis pour achever le renforcement musculaire sur un mode isométrique et dynamique. L'extensibilité est travaillée par le stretching, la proprioception est sollicitée par l'utilisation des plans instables, des sauts et des jeux avec ballons. Parallèlement, le kinésithérapeute établit un programme précis, progressif, basé sur des exercices en rapport avec le sport pratiqué qui seront effectués sur le terrain même. Il s'agit de 220 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 5 réintégrer le muscle lésé dans la fonction en rétablissant la synchronisation agonistes-antagonistes par l'affinement de la proprioception. Voici un exemple de programme utilisé pour un footballeur. Les durées de chaque séquence ne sont données qu'à titre indicatif, elles sont augmentées progressivement au cours des séances en fonction de la tolérance et de la récupération d'une séance à l'autre. Le principe suprême est l'absence de douleur du segment lésé lors de l'exercice et après celui-ci. L'échauffement dure environ 25 mn, il est constitué par un footing de 10 mn, des jonglages avec ballons et des étirements. Au début de la réadaptation ces exercices constituent à eux seuls les premières séances. S'ils sont bien tolérés l'étape suivante est ajoutée. Le travail foncier est abordé en premier, le sportif travaille l'endurance par des footings de 30 mn et plus à une allure imposée. Les mouvements cycliques, tels que le travail dosé et contrôlé sur bicyclette ergométrique sont recommandés. Les dominantes vivacité et vitesse sont abordées progressivement, puis en fin de programme le footballeur reprend ses gestes spécifiques : dribles, sauts, frappes au but, accélérations, décélérations, courses avec changements de direction, tacles. Lorsque l'ensemble de ces exercices est réalisé sans aucune gêne, le joueur réintègre le groupe pour s'entraîner collectivement et se préparer à la reprise de la compétition. Les différents tests cliniques LA PALP ATION MUSCULAIRE NON DOULOUREUSE Elle est effectuée sur un muscle relâché, avec la pulpe des doigts, par des mouvements alternatifs dans l'axe des fibres et perpendiculairement à celui-ci. Superficielle ou profonde selon la localisation de la lésion, elle doit être indolore, elle objective éventuellement une zone cicatricielle fibreuse ou une encoche. Ces deux signes traduisent une cicatrisation de mauvaise qualité ii \. et sont synonymes de fragilité, incitant à la prudence lors de la décision de la reprise d'activité sportive. L'ÉTIREMENT MUSCULAIRE NON DOULOUREUX L'étirement (8) paSSIf Ce test place le muscle en position d'insuffisance fonctionnelle passive, il en explore la mobilité longitudinale. Cette dernière correspond à la capacité du muscle à se laisser allonger, sollicitant ainsi le glissement des filaments d'actine par rapport à ceux de myosine. La mobilité transversale est également testée en sollicitant le glissement des différentes aponévroses les unes sur les autres. Une restriction des amplitudes articulaires est parfois observée, elle peut correspondre à une douleur, à une cicatrice fibreuse ou à une adhérence. Ces deux dernières complications exposent le sportif à la récidive et limitent ses performances. Étirement par le contracté-relâché L'indolence est également de règle, cette technique va solliciter l'ensemble du muscle, c'est-à-dire le complexe musculo-tendino-aponévrotique. Pour Andrivet (1), la contraction musculaire violente et le risque de lésion surviennent en deux situations : - le blocage lors d'un changement de direction, d'un arrêt brutal, d'une accélération ou d'un changement de rythme; - la position d'allongement du muscle où celui-ci est en étirement inframaximal et contracté pour protéger l'articulation avant que le mouvement n'atteigne l'amplitude articulaire extrême. Cette dernière situation est reproduite par la technique du contracté-relâché. Elle recrée une tension intramusculaire maximale testant ainsi la solidité des sites d'accrochages musculotendineux et musculo-aponévrotiques. Le contracté-relâché évalue également les capacités des muscle à s'autoprotéger, avant que celui-ci ne se lèse par étirement excessif. Ann. Kinésithér., 1995, t. 22. nO 5 221 Une tension intense est ressentie du fait de la rotation, de l'allongement qui n'est pas maximal et de la contraction qui s'y ajoute par appui sur le pied et maintien actif de la rotation. LA CONTRACTION MUSCULAIRE CONTRARIÉE INDOLORE FIG. 1 FIG.2 FIG. 1. - Étirement en rotation interne. FIG. 2. - Étirement en rotation externe. Principe du contracté-relâché : Premier temps : le kinésithérapeute place le muscle en position d'étirement inframaximal. Second temps : contraction pendant 6 secondes du muscle étiré. Troisième temps: relâchement du muscle puis étirement par le thérapeute pendant la période réfractaire de détente musculaire (Kabat). L'école française de stretching affine cette technique par l'adjonction d'une rotation du membre pour solliciter davantage les expansions aponévrotiques. Lorsque le patient aura réintégré son équipe, il utilisera seul ces techniques enseignées par le kinésithérapeute et réalisera seul son propre programme de stretching, élément indispensable pour la prévention des accidents musculotendineux. ,. 1 ISOMÉTRIQUE Ce test évalue la propriété contractile du muscle en explorant la force et l'indolence de la contraction. Sur le plan anatomopathologique, c'est la solidité et la qualité de la cicatrice musculaire qui sont ainsi examinées. Les bilans successifs objectivent une capacité croissante de la cicatrice à subir des tensions de plus en plus intenses. Le break-test, bien que subjectif, est très utilisé en pratique courante car il permet un examen comparatif droite/gauche, en appréciant rapidement l'indolence de la contraction. Le système poids-poulie permet de quantifier la force musculaire développée. Le thérapeute la détermine par la méthode « essai-erreur » et le patient apprécie prudemment les limites de ses capacités de mise en charge. Stretching des ischio-jambiers (fig. 1 et 2) (8) permet également d'obtenir une valeur chiffrée, précise et comparative dans le temps. Son principe d'utilisation est le même que le système poids-poulie, avec cependant l'avantage d'une lecture directe de la résistance. Les deux derniers tests sont comparatifs droite/gauche, mais l'indolence, plus que la force reste le critère majeur. En effet, il n'existe pas de valeur seuil de la force musculaire pouvant être considérée comme critère de reprise du sport. - Placer le pied sur une table, relever la pointe vers soi, tourner le pied en dedans (rotation interne), puis en dehors (rotation externe) lentement. - Garder la jambe d'appui tendue et les hanches face à la table. - Chercher à étendre le genou avec la pointe de pied relevée et la jambe en rotation interne, puis procéder à l'étirement: tirer les fesses vers l'arrière en gardant le dos droit. L'appareillage isocinétique asservi utilisé généralement sur un mode dynamique permet la mesure de la force musculaire isométrique en réglant la vitesse sur zéro. Le kinésithérapeute n'a plus de charges additionnelles à manipuler, cette technique évite les imprécisions de la méthode « essai-erreur ». L'appareil adapte instantanément la résistance à l'effort développé par le patient, tout risque de surcharge est ainsi évité. Le dynamomètre 222 Ann. Kin ésithér. , 1995, t. 22, n° 5 Lorsque ces appareils sont reliés à un système informatique, la résistance maximale isométrique est calculée très précisément à différentes amplitudes articulaires. La précision de ces chiffres, l'absence de fatigue engendrée par la répétition des essais permettent un suivi extrêmement rigoureux de l'évolution de la récupération musculaire. Nm Pic de couple (5) LES TESTS ISOCINÉTIQUES Cet appareillage présente l'énorme avantage pour le praticien de pouvoir pratiquer le bilan isométrique et le bilan dynamique de la force musculaire. Les appareils isocinétiques asservis fonctionnent sur le principe action = réaction sur un mode dynamique où la machine adapte la résistance qu'elle oppose au patient de telle façon que la vitesse angulaire du mouvement reste constante (13). Le thérapeute détermine une vitesse angulaire et la résistance opposée par l'appareil n'est asservie à l'effort développé par le sujet que si celle-ci atteint la vitesse présélectionnée, en deçà de celle-ci la résistance disparaît. L'appareil mesure un moment de force ou couple de force en Newton/mètre (Nm), chaque valeur de couple de force correspond à une position angulaire de l'articulation, la valeur maximale est appelée pic de couple (fig. 3) (3). La vitesse du mouvement peut être réglée entre 0 et 300 degrés par seconde, il est intéressant de pouvoir comparer les pics de couple à une vitesse précise et prédéterminée pour établir la différence de force entre le côté lésé et le côté sain. Cette confrontation est effectuée à des vitesses variables : 60, 120, 240 degrés/seconde sont les plus utilisées, les plus lentes nécessitant un effort intense. Le paramètre vitesse permet le contrôle de l'évolution de la récupération musculaire mais aussi d'adapter le traitement et le bilan en utilisant des vitesses ordinairement rencontrées dans la pratique sportive du patient ou proche de la fonction spécifique du muscle lésé. Les appareils à filin permettent l'évaluation musculaire de certains mouvements fonctionnels et parfois du geste traumatisant (s'il est simple) DegrèSj 105 0 _ ~ extension Temps (5) Flexion FIG. 3. - Aspect du tracé obtenu pour l'exploration de la flexion-extension du genou. avec cependant l'inconvénient des compensations qui rendent impossible la comparaison droite/gauche. L'isocinétisme permet le calcul et l'étude des ratios, il s'agit de comparer les pics de couple des agonistes et des antagonistes à différentes vitesses. En effet, Andrivet a montré que le déséquilibre entre ces deux groupes musculaires est source d'accidents musculo-tendineux. Des mesures statistiques montrent que le ratio normal entre les ischio-jambiers et le quadriceps est de 69 % à 180 %/s (11), mais c'est la comparaison droite/gauche qui reste le meilleur guide pour le traitement (10). En effet, selon le sport pratiqué ces ratios changent et l'objectif de la rééducation doit être de retrouver la valeur calculée du côté sain. Les logiciels des appareils isocinétiques calculent des valeurs numériques spécifiques autorisant par la répétition des bilans un suivi précis de l'évolution de la récupération de la force musculaire. Le travail moyen développé : effectué sur 3 à 5 répétitions (chaque répétition correspond à 20 contractions), cette valeur est égale à l'aire de la surface (s) comprise entre les axes du repère et la courbe. Elle traduit la capacité du muscle à travailler plus ou moins fort pendant toute l'amplitude du mouvement. Une Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, n° 5 petite surface correspond à une faiblesse musculaire dans un secteur articulaire plus ou moins étendu. Le pic de couple maximum (Nm) : calculé à une vitesse déterminée, c'est le couple de force maximum enregistré lors de l'ensemble des répétitions effectuées. car avant musculaire 223 ce délai; hématome et structure ont la même échogénéicité. Apport de l'échographie : - Réalisation d'un bilan exact des lésions précisant leur siège, leur étendue. - Recherche des éléments de gravité: volume lésionnel, rupture aponévrotique, atteinte vasLe pic de couple moyen (Nm) : c'est la culaire. moyenne des pics de couple maximum enregis- Participation à la thérapeutique : ponction trée pendant 3 répétitions successives. Sa valeur guidée sous échographie des hématomes récents est proche de celle du pic de couple maximal, ou enkystés. une différence significative entre ces valeurs - Surveillance de la régression ou non des traduit une fatigabilité musculaire. lésions, de l'apparition d'un granulome cicatriD'une manière générale, la courbe isocinéticiel, de calcifications. que est de forme elliptique, présentant un - Détermination plus précise du moment arrondi harmonieux avec un pic de couple bien idéal de la reprise sportive par le suivi de marqué. Par comparaison au côté sain, toute l'évolution de la cicatrisation. zone de méplat traduit une esquive, une diminuLa gêne douloureuse et motrice persiste tion de la force développée dans le secteur parfois alors qu'il n'y a plus de signes échograarticulaire correspondant (14, 15). phiques, il y a donc nécessité d'associer l'échographie au bilan clinique. La prise en charge de la lésion musculaire nécessite donc une parfaite Les examens complémentaires cohésion de l'équipe soignante ; médecin, kinésithérapeute. Ce dernier doit utiliser le compte rendu écho graphique pour orienter son traiteL'ÉCHOGRAPHIE (12, 16) ment et mieux appréhender la date de reprise du sport. Devenue un examen simple, fiable, peu En fait, le seul inconvénient de l'échographie coûteux, non traumatisant et reproductible, est d'être un examen « échographiste dépenl'échographie permet un diagnostic lésionnel sur le plan de la qualité des renseignedant précis. Elle permet la mise en route du ments »,obtenus. traitement adapté en fonction des lésions découvertes et d'en surveiller l'évolution. La clinique de la lésion musculaire est souvent LA THERMOGRAPHIE INFRA-ROUGE (5, 9) perverse et piège le praticien le plus expérimenté, l'échographie est donc un complément indispenIl s'agit de l'enregistrement de la température sable pour situer le moment optimum de la superficielle du corps humain à la recherche reprise d'activité. d'une hyperthermie (hématome) ou d'une hypoCet examen apprécie le volume lésionnel, thermie cutanée (hypovascularisation). Les résa gravité et la répétition des bilans permet sultats sont objectivés par des photos Polaroïd. de suivre l'évolution de la lésion jusqu'à sa Cette technique simple et peu onéreuse donne guérison. le reflet des réactions vasculaires lésionnelles En relation avec l'examen clinique du patient, mais ne permet pas de quantifier l'atteinte l'échographie recherche au sein du volume anatomique. De plus, elle reste généralement musculaire une image hétérogène qui rompt muette lors des atteintes bénignes (élongation, l'homogénéité de la structure musculaire située petite déchirure, légère contusion). entre deux fascias généralement bien dessinés. Il semble que la thermographie puisse aider Pour Zuinen (16), l'échographie n'a d'intérêt au bilan vasculaire de la lésion sans apporter qu'à partir du 3e ou 4e jour après le traumatisme, d'éléments supplémentaires concernant la re- 224 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, n° 5 prise d'activité sportive. En fait, cet examen est et sera de moins en moins utilisé, en raison du niveau de performance de l'échographie et de la possibilité d'exploration par I.R.M. L'IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE (I.R.M.) A l'heure actuelle, dans la pathologie musculaire « fraîche », l'I.R.M. ne doit intervenir que si l'échographie n'apporte pas tous les renseignements souhaités par le praticien. Par contre au stade de la recherche d'éventuelles complications, l'I.R.M. est plus performante que l'échographie en ce qui concerne la mise en évidence de nodules cicatriciels, de zones de fibrose, de cavités pseudo-kystiques ou d'hématome résiduel. En fait, il doit s'agir d'un examen de deuxième intention, respectant le protocole séquence Tl (morphologique), séquence T2 (tissulaire), avec injection éventuelle de gadolinium intraveineux. Dans le futur, il est possible que l'I.R.M. devienne un examen de prescription courante dans l'évaluation et la surveillance de la pathologie musculaire, surtout de localisation profonde. Place relative des différents éléments du bilan Conclusion Les domaines de la traumatologie musculaire et celui, bien particulier de la rééducation sportive, sont marqués par plusieurs ambiguïtés qui compliquent la réadaptation du sportif. Tout d'abord le problème des définitions lésionnelles, en effet, selon les auteurs, le même terme ne traduit pas nécessairement la même lésion. Pour certains, l'élongation signifie une simple atteinte anatomique alors que d'autres n'y voient qu'un simple étirement de la fibre musculaire. La même remarque est valable pour les lésions plus graves avec les conséquences que cela entraîne pour l'orientation et la durée du traitement. La deuxième ambiguïté est l'absence de critère absolu, et il n'y a que la répétition et la multiplicité des examens qui permettent de situer au mieux la période de reprise. Comme le sport, la rééducation musculaire est une affaire d'équipe et la cohésion médecinkinésithérapeute est d'une extrême importance pour éviter une reprise d'activité trop précoce. Il y a donc nécessité que cette rééducation soit confiée à des thérapeutes expérimentés, connaissant parfaitement la pathologie sportive, son traitement, mais également la psychologie particulière et spécifique du sportif. La décision de la reprise relève de la responsabilité médicale, en collaboration avec le kinésithérapeute. Une reprise trop précoce expose le sportif: Les tests cliniques sont indispensables et sont la base de toute décision médicale. C'est leur négativité qui attestera la reprise ou non de l'activité sportive. L'échographie appartient à part entière au bilan de reprise et doit être prescrite de façon systématique. Les tests isocinétiques sont d'un apport indéniable et permettent d'évaluer « le chemin qui reste à parcourir » en rééducation. Dans l'avenir, l'I.R.M. aura une place importante dans la recherche des séquelles, mais aussi pour la surveillance de la cicatrisation, surtout lors de lésions profondes moins accessibles à l'échographie. - à la récidive avec souvent fragilisation du muscle lésé et passage à la chronicité qui dans le cas d'un professionnel peut signifier un arrêt de sa carrière ou tout du moins perte du niveau antérieur à la lésion; - à l'accident articulaire, par déficit du contrôle musculaire en raison d'une douleur ou d'une appréhension perturbant la bonne coordination du geste. En étroite relation avec les tests cliniques et les examens complémentaires, l'isocinétisme permettra probablement dans l'avenir, d'affiner l'appréciation du stade réel de la cicatrisation musculaire. Ann. Kin ésithér., 1995, t. 22, Une orientation de recherche pourrait être la mise au point d'un protocole d'évaluation musculaire dans le but d'établir un véritable bilan fonctionnel du muscle lésé. Néanmoins, pour assurer un traitement de qualité, il sera toujours nécessaire de parfaitement encadrer le sportif lors de son retour sur le terrain. Références 1. ANDRIVET R. Accidents musculaires. ln Benassy J. Traumatologie sportive. Paris: Masson, 1976; 1-6. 2. BENEZIS C, SIMERAy J. Les désinsertions du jumeau interne. ln Benezis C, Simeray J. Muscles tendons et sport. Paris: Masson, 1985; 218-25. 3. BERAMOUDTR, ROCHCONGAR P, PIALOUXB, BRISSOTR, LOUVIGNEY. Étude de la courbe de fatigue du muscle quadriceps en isocinétisme. Ann Réadapt Méd Phys 1989; 32 : 317-25. 4. BRUNET-GUEDJE, GENETYJ. Pathologie traumatique du muscle chez le sportif. Apport de l'échographie et de la thermographie. Encycl Med Chir Paris Appareil locomoteur, l, 15151 A 10. nO 5 225 5. BRUNET-GUEDJE, GENETY J, MOYEN B, LERAT JL. Thermographie et pathologie musculaire. ln Benassy J. Traumatologie sportive. Paris : Masson, 1976; 1-6. 6. DANOWSKIR, CHANUSSOTJe. Traumatologie du sport. Paris : Masson, 1991. 7. DUREYA, BODEAA. Médecine du/ootbal!. Paris: Masson, 1982. 8. ESNAULTM. Footbal! et stretching. Clamecy: Chiron, 1986. 9. FERRETJM, BRUGEC, MATHIEUR. Les lésions musculaires récentes. Villeurbanne: Laboratoire Médicia, 1987. 10. FOSSIERE, MOLLARDR, PUJOLM. Évaluation isocinétique de l'insuffisance musculaire en fin de rééducation. ln Heuleu JN, Simon L. Muscle et rééducation. Paris: Masson, 1988 ; 142-51. 11. JULLYJL. Introduction à l'isocinétique. Sport Med 1991 ; 33 : 29-33. 12. LAURACJ, FELIX F. Échographie en pathologie musculaire et tendineuse. Paris: Masson, 1989. 13. NEIGER H. Renforcement neuro-musculaire isocinétique asservi. Kinésithér Sci 1989; 275 : 51-4. 14. ROUSSETY. Exemples de l'intérêt des tests isocinétiques pendant la rééducation du genou. Sport Med 1991; 35: 41-6. 15. ROUSSETY. Intérêts des tests isocinétiques d'évaluation musculaire dans la rééducation du genou. Sport Med 1990; 21 : 20-6. 16. ZUiNENC, VANDERUNDENDC, NABERDC. Échographie et accidents musculaires. ln Benassy J. Traumatologie sportive. Paris: Masson, 1976; 1-6. INFORMATIONS Annonce de congrès Salon RE-HA 95 Cette eXpOSItIOn présente les produits d'aide aux personnes handicapées et de soins pour personnes âgées. Elle est destinée à tous les professionnels des cliniques ou instituts spécialisés ainsi qu'aux personnes handicapées elles-mêmes .. Lieu: Parc des expositions de Düsseldorf (Allemagne). Dates : 25 au 28 octobre 1995. Renseignements: Promessa, 3, rue du Pont, 28700 Bleury. 8e Journée de Menucourt Samedi 14 octobre 1995 à La Châtaigneraie-Menucourt Les entorses récentes du genou rééducation? chirurgie? Journée coordonnée par le Docteur J.N. Heuleu, Médecin Directeur de La Châtaigneraie (MenucourtParis), présidée par le Professeur G. Saillant, les Docteurs J. Rodineau et Y. Demarais avec la participation de Messieurs Thierry Boyer, Pascal Christel, François Combelles, Yves Demarais, Dominique Folinais, Eric Fossier, Jacques Rodineau, Gérard Saillant, Yannick Reaux et l'équipe de La Châtaigneraie. Secrétariat d'organisation: tél. : 34.46.64.22. Communiqué Au sein de l'AP-HP, un groupe d'ergothérapeutes travaillant en gérontologie s'est formé. Dans les services, nous sommes minoritaires et nous retrouver régulièrement en tant que techniciens d'une même profession, nous permet de mettre en commun nos diverses expériences et d'élaborer des projets. Notre profession étant peu et mal connue au sein même des services de gérontologie, nous souhaitons vous présenter notre activité spécifique à travers une plaquette. Celle-ci ne concerne que le travail des ergothérapeutes en gérontologie, nous travaillons également dans d'autres domaines (neurologie, rhumatologie, psychiatrie ...). Pour plus de renseignements, vous pouvez contacter: Mmes Benteyn et Beurnier, ergothérapeutes, Hôpital Ste-Périne/RossinilChardon-Lagache, 75016 Paris. Tél. : 44.96.32.42.