WEEK-END
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WEEK-END
Katsura Funakoshi 舟越桂 17 mars au 30 avril 2016 Vernissage le jeudi 17 mars de 18h à 21h Galerie Claude Bernard 7/9 rue des Beaux-Arts 75006 Paris Tél. : 01 43 26 97 07 www.claude-bernard.com WEEK-END VENDRE DI 15 AV RIL 2016 NU M ÉRO 10 4 5 Le Kunstmuseum Basel inaugure son extension p.2 P.4 DISPARITION DU PHOTOGRAPHE MALICK SIDIBÉ P.5 LE MUSÉE DU QUAI BRANLY VA PRENDRE LE NOM « JACQUES CHIRAC » 2 euros WWW.LEQUOTIDIENDELART.COM Colloque international L’irR ESPONSA BI LIT É de l’Artiste Mercredi 27 et jeudi 28 avril 2016 Entrée libre Palais des Beaux-Arts 13, quai Malaquais Paris 6 Informations et inscriptions beauxartsparis.com/colloque En partenariat avec France Culture et le Quotidien de l’Art Avec le soutien de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres (PSL), d’Artistik Rezo et de l’Hôtel du Danube Alberto Sorbelli Confessions 2014 BEAUX-ARTS DE PARIS Ministère de la Culture et de la Communication PAGE 02 ÉDITO LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 Le Kunstmuseum Basel inaugure son extension PA R PH I L I PPE R É GN I E R Quand on dit « Bâle » dans le milieu de l’art, on pense immédiatement à la foire Art Basel qui se déroule tous les ans au mois de juin. La manifestation, qui a créé des boutures à Miami Beach et à Hongkong, est aujourd’hui sans conteste la référence des salons d’art. Il est loin le temps où, en 1970, elle fut créée par trois marchands bâlois, dont une autre référence, immortalisée par sa Fondation, Ernst Beyeler. Mais Bâle ne se réduit pas à sa foire, et cette ville de moins de 170 000 habitants peut aussi s’enorgueillir d’héberger l’un des principaux musées d’art d’Europe, le Kunstmuseum Basel. Et cet engagement n’est pas récent. Le noyau de sa collection remonte à 1661 lorsque le conseil et l’université de la ville ont acquis le Cabinet Amerbach, un ensemble comprenant notamment une centaine d’œuvres d’Hans Holbein le Jeune. Bâle ouvrit alors le premier musée public d’Europe et l’un des premiers au monde. Ces peintures sont aujourd’hui toujours visibles dans l’institution qui inaugure ce week-end son nouveau bâtiment conçu par les architectes bâlois Christ & Gantenbein. Son édifice principal, datant de 1936, vient également de bénéficier d’une rénovation partielle. Un passage souterrain relit dorénavant les deux architectures. La construction LE NOUVEAU BÂTIMENT d’une extension était devenue indispensable pour ce musée qui ne DISPOSE disposait pas d’espaces pour les expositions temporaires. Chacune AUJOURD’HUI d’entre elles nécessitait de décrocher en partie la collection permanente DE SALLES d’art moderne, et les espaces lourdement cloisonnés n’offraient SPÉCIALEMENT aucune souplesse pour la scénographie. Le nouveau bâtiment dispose DÉVOLUES AUX EXPOSITIONS, aujourd’hui de salles spécialement dévolues aux expositions, inaugurées INAUGURÉES avec « Sculpture on the move » conçue par le directeur de l’institution, AVEC « SCULPTURE Bernhard Mendes Bürgi. Cette même construction a aussi permis de ON THE MOVE » redéployer les collections d’après-guerre. Bâle s’était dotée en 1980 du CONÇUE PAR LE premier musée d’Europe dédié uniquement à l’art contemporain. Ce DIRECTEUR DE L’INSTITUTION , dernier est désormais consacré à l’art depuis 1990, avec des œuvres BERNHARD de Miriam Cahn, Pierre Huyghe, Douglas Gordon, Tacita Dean… La MENDES BÜRGI nouvelle extension du Kunstmuseum se concentre quant à elle sur l’art des années 1950 à 1990, avec un bel ensemble d’art américain, de l’expressionnisme abstrait à Bruce Nauman, actant le basculement de la capitale de l’art de Paris à New York. Dans le bâtiment principal, les collections d’art ancien et d’art moderne ont également été redéployées. Les salles de la fin du XIXe siècle ont malheureusement perdu les dépôts de la collection Staechelin, dont Nafea, de Gauguin, vendue pour 300 millions de dollars au Qatar. Nina Zimmer, directrice adjointe du musée, a alors conçu un nouvel accrochage commençant par le XVIIIe siècle français, en intégrant l’art suisse, notamment Hodler et Böcklin, tandis que la salle des impressionnistes a été enrichie par de nouveaux prêts de collections privées. « L’histoire est racontée d’une autre manière », insiste la conservatrice, ce que pourra découvrir le public ce week-end, puisque l’institution ouvre gratuitement ses portes les 17 et 18 avril. Kunstmuseum Basel, nouveau bâtiment. Photo : Philippe Régnier. Exclusively on view at Jan Hoet. Photo Dirk Pauwels. Courtesy S.M.A.K., Ghent art brussels Cabinet d’Amis: The Accidental Collection of Jan Hoet Organised by EASYFAIRS Thu 21 April – Sun 24 April Tour & Taxis, Hôtel de la Poste An exhibition of works from the private collection of Jan Hoet. Curated by Katerina Gregos Exhibition scenography by Richard Venlet Artists include: Joseph Beuys, Michaël Borremans, James Lee Byars, Marcel Broodthaers, Cai Guo-Qiang, Thierry De Cordier, Raoul De Keyser, Jessica Diamond, Marlene Dumas, Jimmie Durham, Rodney Graham, David Hammons, Kris Martin, Mario Merz, Marisa Merz, Cady Noland, Panamarenko, Richard Prince, Royden Rabinowitch, Luc Tuymans, among others. The exhibition is made possible through the generous sponsorship of Anglo Belge Special Risks and Stibbe. Book your ticket online and get 20% discount www.artbrussels.com Follow us #artbrussels BRÈVES PAGE 04 LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 LA FOIRE DESIGN MIAMI/ BASEL DÉVOILE SES EXPOSANTS 2016 DISPARITION DU PHOTOGRAPHE MALIEN MALICK SIDIBÉ > Malick Sidibé est décédé hier après-midi à Bamako des suites d’un diabète. Né en 1935 à Soloba, il étudie à l’École des Artisans Soudanais de Bamako, puis ouvre son studio photo en 1958 dans le quartier de Bagadadji. Très vite, il devient une figure incontournable de la vie cultuelle de la capitale du Mali. Il se fera une spécialité des soirées, mariages, photographiant la jeunesse qui découvre la musique venue d’Europe et des États-Unis, notamment sur les pistes de danse. Ses images sans mises en scène racontent une époque festive et insouciante. Défendu par André Magnin, son travail a été exposé dans les plus grandes institutions mondiales. Il a reçu le Lion d’or de la Biennale de Venise en 2007. > La foire Design Miami/ Basel comprendra cette année les galeries Friedman Benda (New York), Carpenters Workshop (Paris, Londres, New York), Alain Marcelpoil (Paris), Kreo (Paris, Londres), VIVID (Rotterdam), Feldt (Copenhague, Berlin), Colombari (Milan), ALL (Los Angeles, Pékin), Heritage (Moscou), Jousse Entreprise (Paris), Laffanour/Galerie Downtown (Paris), Maniera (Bruxelles), Nilufar (Milan) et Patrick Parrish (New York). La 3e édition de Design at Large, curatée par Martina Mondadori (Cabana Magazine), présentera trois pièces monumentales de Jean Prouvé chez Patrick Seguin (Paris, Londres), de Kengo Kuma chez Philippe Gravier (Paris) et de Ron Arad chez Revolution Pavilions (New York). La deuxième édition de Design Curio réunira les projets de Giustini Stagetti | Galleria O. Roma (Rome), de Roehrs & Boetsch (Zürich), et de Dansk Møbelkunst (Copenhague, Paris). http://basel2016.designmiami.com LE FUTUR MUSÉE D’ART ET DE DESIGN MODERNE ET CONTEMPORAIN LIBANAIS PRÉSÉLECTIONNE SES ARCHITECTES Premier festival photographique de Lagos (Nigeria). © D. R. ART BASEL LÈVE 1 MILLION DE DOLLARS POUR DES PROJETS ARTISTIQUES > Art Basel a réussi à lever 1 million de dollars afin de soutenir 37 projets artistiques à buts non lucratifs dans le monde, a annoncé la foire, qui se tiendra à Bâle du 16 au 19 juin 2016. La « Crowdfunding Initiative » a été lancée en septembre 2014. Elle permet d’aider, grâce à la récolte de « micro-donations », des projets en Chine, en Angleterre, aux États-Unis… Parmi eux figurent des programmes explorant l’art de la performance dans le monde arabe ou l’extension du premier festival de photo à Lagos, au Nigeria. La Ghetto Biennale (Port-au-Prince, Haïti), The Land Foundation (Chiang Mai, Thaïlande), le musée MOCAD de Détroit, aux États-Unis, ou encore le SOMA de Mexico ont pu bénéficier de cet apport pour réaliser des projets. www.artbasel.com/crowdfunding > L’Association for the Promotion and Exhibition of the Arts in Lebanon (APEAL) a sélectionné 13 architectes parmi 66 candidats d’origine libanaise provenant de 16 pays afin de construire un nouveau musée dédié à l’art et au design moderne et contemporain libanais. Le lauréat sera annoncé à l’automne 2016, et la livraison du bâtiment prévue en 2020. Il sera construit sur le site du musée national et de l’université Saint-Joseph, à Beyrouth. Présidé par Lord Peter Palumbo (président du Pritzker Prize), le jury réunira notamment Julia Peyton-Jones et Hans Ulrich Obrist (Serpentine Gallery), Rodolphe el-Khoury (urbaniste, professeur à l’University of Toronto), Lamia Joreige (artiste) et Farès el-Dahdah (architecte, professeur à la Rice University, Houston). Il devait aussi compter Zaha Hadid, avant sa disparition brutale. Dans les mois à venir, devraient être révélés le nom officiel de l’institution et l’identité de son directeur. http://www.amuseuminthemaking.com Vue de Beyrouth. © 2015 A Museum in the Making. Photos : Roger Moukarzel. /… PAGE 05 BRÈVES LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 Pablo Picasso, Couple à l’oiseau, 1969, huile sur toile, 130 x 162 cm, Anthax Collection Marx, Prêt de longue durée à la Fondation Beyeler, Riehen/Bâle. © 2016, Succession Picasso / ProLitteris, Zürich. L’ANTHAX COLLECTION MARX CONSENT UN IMPORTANT DÉPÔT À LA FONDATION BEYELER LE MUSÉE DU QUAI BRANLY VA PRENDRE LE NOM « JACQUES CHIRAC » > Stéphane Martin, président du musée du quai Branly, l’avait laissé entendre dans le Quotidien de l’Art du 7 mars 2016. À l’occasion de ses dix ans, le musée du quai Branly va changer de nom et s’appeler « Musée du quai Branly Jacques Chirac », en hommage à l’ancien président de la République, à l’origine de la création, en 2006, de cette institution. Stéphane Martin en a fait la proposition, après avoir consulté la famille de l’ancien chef de l’État, qui ne souhaite cependant pas « personnaliser » ce choix en abrégeant son nom à « Musée Jacques Chirac ». La demande a été transmise aux deux ministères de tutelle, Culture et Recherche. Le décret officialisant le changement pourrait intervenir pour l’inauguration, le 20 juin, de l’exposition « Jacques Chirac ou le dialogue des cultures », qui se tiendra jusqu’au 9 octobre. « Ce sera une grande première, française et peut-être internationale, qu’un musée reçoive un nom du vivant de son créateur », a dit un porte-parole du musée. > Treize œuvres de l’Anthax Collection Marx vont faire l’objet d’un prêt de longue durée à la Fondation Beyeler, à Riehen, près de Bâle, résultat d’une négociation entamée en 2013. Le lot comporte principalement des peintures de Pablo Picasso, mais aussi des sculptures d’Alberto Giacometti et de Constantin Brancusi. Du 1er mai au 14 août, 9 toiles de Pablo Picasso issues de cette collection privée seront montrées aux côtés d’une sélection d’une dizaine d’autres créations du peintre espagnol conservées dans la collection permanente de la Fondation Beyeler, dotée au total de 34 œuvres de l’artiste. La ville de Riehen, où se trouve la fondation, se situe à proximité immédiate du lieu de naissance du docteur Erich Marx, collectionneur qui, par ce geste, a souhaité marquer ses liens privilégiés avec la région. http://www.quaibranly.fr http://www.fondationbeyeler.ch/fr/Home Toutes les enchères en un seul endroit COUP DE CŒUR Propos recueillis par Roxana Azimi PAGE 06 LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 « Lily Hibberd explore les origines de la captation de la lumière » Dans cette rubrique, nous demandons à un collectionneur de nous dévoiler son tout dernier coup de cœur. Cette semaine, Jean Mairet nous évoque son intérêt pour le travail de Lily Hibberd. Lilly Hibberd, Le passage de Vénus. Courtesy Galerie de Roussan, Paris. « Toujours déstabilisé, hypnotisé ou pris de vertige par les installations de James Turrell, les monochromes noirs sur papier de Richard Serra et ceux d’Yves Klein (à condition qu’ils soient présentés sans vitre de protection), mais aussi par les grands miroirs paraboliques d’Anish Kapoor, je ne pouvais qu’être littéralement aimanté par Le passage de Vénus de Lily Hibberd. C’est en décembre 2015 que je découvrais ses œuvres à la galerie de Roussan [à Paris] et au musée des arts et métiers à Paris. Dans cette exposition intitulée “FIRST LIGHT - un voyage dans la lumière”, l’artiste australienne explorait les origines de la captation de la lumière. Au côté de documents et matériels historiques d’observation astronomique de la collection du musée, en collaboration avec des scientifiques de différents pays, Lily Hibberd mettait en scène ses vidéos, des miroirs et plexiglas peints à l’huile, à l’encre, avec des pigments photo luminescents et un matériau d’un noir dense et profond. Le Passage de Vénus, tout en les alternant, est une synthèse des sensations éprouvées face à chacune des œuvres évoquées plus haut. Il s’agit d’un miroir parabolique de 40 cm de diamètre recouvert en son centre, sur 20 cm de diamètre, de pigments photo luminescents. Sur cette surface pigmentée est intégrée une pastille ronde de 2 cm enduite du matériau… ultra-noir, qui ne réfléchit pas la lumière. Les pigments photo luminescents annulent la parabole du miroir qu’ils recouvrent, créent l’illusion d’un disque luminescent perçu comme étant un espace infini, percé d’un vide abyssal créé par la pastille d’ultra-noir, l’ensemble cerné par une couronne en miroir. L’actualité d’Anish Kapoor s’assurant dorénavant l’exclusivité d’un noir absolu m’a rappelé le texte du physicien Étienne Klein dans le catalogue de l’exposition de Lily Hibberd. Nous éclairant sur notre perception de la nuit, Étienne Klein cite Arthur Rimbaud dans Les premières communions : “La nuit vient, noir pirate aux cieux d’or débarquant”. Lily Hibberd, l’artiste férue de science, aurait-elle damé le pion au grand Anish Kapoor ? » Jean Mairet. Photo : R. W. MONTROUGE Par Pedro Morais PAGE 07 LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 Benjamin Efrati : Rêves acérés Benjamin Efrati renoue avec l’esprit des avant-gardes, à la fois à travers la dimension conflictuelle – en s’attaquant à l’héritage du Surréalisme – et en réactivant un esprit de bande underground avec le collectif Miracle, mélangeant fanzines, musique ou bande dessinée érotique. Ses conférences performances font côtoyer la philosophie analytique et le karaoké, le Manifeste Xénoféministe et le marquis de Sade : la pensée devient narration et la rationalité est mise à l’épreuve du corps. Benjamin Efrati a participé au Salon de Montrouge en 2014, et livrera une performance avec le collectif Miracle aujourd’hui, vendredi 15 avril, au Festival Exit de la Maison des Arts de Créteil. Benjamin Efrati, Chercheur Aveugle, vidéo HD, 5 minutes, 2013, japonais sous-titré français. MALGRÉ L’ABSENCE DE GROUPES D’ARTISTES VA -T-EN-GUERRE DERRIÈRE DES MANIFESTES DOGMATIQUES, LE TEMPS DE L A PACIFICATION ESTHÉTIQUE ET DU PLURALISME DÉSENGAGÉ PARAÎT RÉVOLU Le discours dominant, depuis quelques décennies, veut que le temps ne soit plus aux avant-gardes. Pourtant, il est à nouveau possible d’identifier des positions marquées et conflictuelles en lien avec les débats dans le champ anthropologique ou philosophique (du réalisme spéculatif à l’anthropocène, en passant par la métaphysique des objets, l’accélérationnisme ou les métaphysiques cannibales). Malgré l’absence de groupes d’artistes va-ten-guerre derrière des manifestes dogmatiques, le temps de la pacification esthétique et du pluralisme désengagé paraît révolu. C’est la question que se pose Olivier Quintyn dans l’ouvrage Valences de l’avant-garde (Questions Théoriques, 2015), où il examine les ressources de la notion d’avant-garde en lien avec sa capacité à être un laboratoire de critique sociale débordant le champ esthétique. L’artiste Benjamin Efrati s’était approprié la pensée de l’économiste Frédéric Lordon sur la notion de valeur dans l’une de ses conférences performances en 2012 – avant que celui-ci ne devienne l’un des maîtres à penser du mouvement « Nuit Debout » place de la République. Il est vrai que l’artiste, titulaire d’une formation de philosophie à Lyon avant de faire les beauxarts à Paris, n’hésite pas à se confronter aux avant-gardes historiques (son concept de « significatogenèse » s’attaque à l’héritage surréaliste) et réactive un esprit de bande (le collectif Miracle, dont il est cofondateur) basé sur un modèle d’autogestion résolument underground. Genevois, il a été marqué par la dynamique d’un lieu expérimental mythique, L’Usine, et s’investit alors /… PAGE 08 MONTROUGE LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 dans la musique (il a créé le label Narwhal Recordings et joue actuellement dans Rhodes Tennis Court) et la bande dessinée. « J’ai suivi l’exemple de Joann Sfar, dont je suis fan, croyant qu’il fallait faire des études de philo pour devenir dessinateur, se souvient-il. Ensuite, j’ai mené une recherche en philo des sciences sur l’interprétation psychanalytique du rêve, et l’idéologie sous-jacente, dont la propagande s’est faite par le mouvement Surréaliste. Plutôt qu’une logique du désir comme expression d’une frustration inconsciente, ayant toujours des visées (complexe d’Œdipe par exemple), il faut envisager le rêve comme un cadre d’expérimentation d’idées avec une fonction de simulation, d’entraînement ». Benjamin Efrati réalise alors une comédie musicale improvisée et des conférences performées qui mettent le discours rationnel à l’épreuve du corps et de l’absurde. « Le rêve a une vertu adaptative : un corps qui s’entraîne fait spontanément ce dont il a envie. Nous avons besoin d’une fiction pour percevoir notre vie comme réelle, la signification se génère dans l’œil du spectateur, elle n’existe pas en soi ». Pour les performances, il s’approprie la figure de l’ellipse chez Marx accompagné d’une contorsionniste, analyse les accointances du neuroSUITE DE LA PAGE 07 BEN JA MIN E FR ATI : RÊ VE S A CÉ R É S Benjamin Efrati, Contraceptive Deceiver, tourné à Genève, Suisse, 2015. marketing avec le marché de l’art, tout en employant des photos et des dessins arbitraires. « Du moment où il est impossible de rendre compte du monde à la façon de la théologie ou de la psychanalyse, on ne peut qu’archiver le réel, à l’intérieur du libre jeu des déterminismes qui nous façonnent ». Le plus troublant dans la démarche de Benjamin Efrati, c’est sa capacité à concilier la précision de sa réflexion avec du catch d’improvisation, voulant garder un côté amateur et potache. Cela peut prendre la forme d’une BD érotique sur le dieu Pan ou sur Diogène, d’une présentation en japonais phonétique apprise de mémoire, ou d’un film d’animation pour enfants. Dans ce dernier, Dieu est un crocodile qui cherche la cruauté, inspiré de Lautréamont et de Sade, faisant suite à une longue recherche de l’artiste sur l’influence d’Artaud dans le buto, une danse japonaise. « Il est fascinant de voir comment voyage un paysage d’idées, la façon dont les cultures fabriquent l’exotisme pour justifier leur propre nécessité. Tandis que les Surréalistes parlaient de liberté émancipatrice dans l’automatisme, la question de la cruauté pour Artaud est la description d’une nécessité, pas d’un choix. L’important est alors de pouvoir identifier ses propres déterminismes, de hacker notre sensibilité et de modifier le résultat de nos capteurs sensoriels », conclut-il. COMMENT ET POURQUOI BIOHACKER VOTRE CONSEILLER POLE EMPLOI ?, le 15 avril à 17 heures, avec le collectif MIRACLE : conférences du site Droguistes, lancement du fanzine Mystère#7 et concert de Rhodes Tennis Court, Festival Exit, Maison des Arts de Créteil, 1 Place Salvador Allende, 94000 Créteil, tél. 01 45 13 19 19, www.maccreteil.com/fr/mac/event/338/Home-cinema-Festival-Exit BENJAMIN EFRATI RÉALISE UNE COMÉDIE MUSICALE IMPROVISÉE ET DES CONFÉRENCES PERFORMÉES QUI METTENT LE DISCOURS RATIONNEL À L’ÉPREUVE DU CORPS ET DE L’ABSURDE Benjamin Efrati, Fumeur Actif, vidéo-performance, 1 minute, 2012. PAGE 09 CHRONIQUE POLITIQUE CULTURELLE LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 Patrimoine PA R GU I L L A U M E C E R U TTI [email protected] — GUILLAUME CERUTTI, Guillaume Cerutti propose une chronique consacrée aux politiques culturelles sous la forme d’un abécédaire. spécialiste des politiques culturelles — On considère habituellement que la politique culturelle repose sur trois grands piliers : le patrimoine, la création, et la transmission, ce dernier concept regroupant de manière un peu hétéroclite les enseignements artistiques spécialisés et les actions de démocratisation culturelle. Au sein de la politique en faveur de la création, la plus grosse partie des efforts publics porte sur le spectacle vivant, un secteur politiquement et médiatiquement sensible (surtout pour un gouvernement de gauche), dont les moyens qui lui sont alloués sont en général préservés d’année en année. Au sein de la thématique « transmission », l’éducation artistique fait également l’objet d’une attention particulière, et est devenue depuis une décennie LA priorité affirmée des ministres de la Culture successifs. Si bien que le patrimoine – et plus précisément les monuments historiques – fait un peu figure de parent pauvre ou de variable d’ajustement de la politique culturelle au cours des dernières années. Cette réalité se mesure d’abord à l’aune de l’état général des monuments historiques en France, et des moyens financiers qui leur sont attribués par les collectivités publiques. Le dernier rapport sur l’état du patrimoine monumental date de 2007. À cette époque, 41 % des monuments LE DERNIER étaient en mauvais état ou en situation de péril, contre 32 % RAPPORT SUR cinq ans plus tôt. Il paraît évident que, presque dix ans plus tard, L’ÉTAT DU la situation n’aura fait qu’empirer puisque dans l’intervalle le PATRIMOINE nombre de monuments protégés a augmenté d’environ 2 000 MONUMENTAL DATE DE 2007. unités, pour atteindre aujourd’hui un total d’environ 44 000, À CETTE ÉPOQUE, alors que les crédits budgétaires de restauration et d’entretien 41 % DES affectés par l’État ont stagné autour de 300 millions d’euros par MONUMENTS an, et qu’un tassement se fait plus récemment sentir du côté des ÉTAIENT EN collectivités locales. Le retard pris depuis une décennie est donc MAUVAIS ÉTAT OU EN SITUATION DE considérable. On peut en constater l’ampleur partout sur notre PÉRIL, CONTRE territoire et dans nos cités, à commencer par Paris où l’état de 32 % CINQ ANS certains monuments insignes est un crève-cœur. Cette situation PLUS TÔT. IL PARAÎT justifiera un effort exceptionnel de rattrapage au cours des ÉVIDENT QUE, prochaines années pour éviter de plonger le patrimoine construit PRESQUE DIX ANS PLUS TARD, L A dans une situation de délabrement ou d’abandon indigne de SITUATION N’AURA l’histoire et de l’image de notre pays. FAIT QU’EMPIRER Une deuxième preuve du malaise a été fournie à l’occasion de la présentation par le ministère de la Culture du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (loi dite LCAP), qui est encore en discussion au Parlement et devrait être adopté bientôt. Au sein de ce texte fleuve figuraient des dispositions inquiétantes pour le patrimoine, notamment celle visant à créer un nouveau concept de « cité historique » pour remplacer les dispositifs des secteurs sauvegardés, une notion créée par André Malraux, et des zones de protection du patrimoine /… architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), un instrument inventé par Jack PAGE 10 CHRONIQUE POLITIQUE CULTURELLE LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 Lang. Dans le cadre du nouveau régime envisagé par le ministère de la Culture, le risque d’un affaiblissement de la protection du Par Guillaume patrimoine historique au plan local aurait été si fort qu’il a immédiatement Cerutti suscité une levée de boucliers de la part des associations de défense du patrimoine, mais également, de manière plus extraordinaire, de la part de très nombreux et importants élus. Cette mobilisation a été entendue, et les modifications salutaires introduites par le Sénat et confirmées par l’Assemblée nationale permettront in fine de préserver l’essentiel des dispositifs de protection existants. Mais le fait que le ministère de la Culture IL PARAÎT ÉVIDENT QUE L A POLITIQUE ait pu proposer un texte aussi éloigné de sa vocation de défenseur EN FAVEUR DU du patrimoine national interpelle, et est un autre révélateur du PATRIMOINE déclin de l’intérêt gouvernemental à l’égard de ces sujets. DEVRA ÊTRE Il paraît évident que la politique en faveur du patrimoine REMISE AU CENTRE devra être remise au centre de la politique culturelle, et on DE L A POLITIQUE CULTURELLE, ET espère que les candidats à la prochaine présidentielle sauront ON ESPÈRE QUE s’en emparer. Cela doit passer d’abord par une affirmation LES CANDIDATS politique forte, inscrivant la stratégie et l’effort financier de l’État À L A PROC HAINE dans un cadre pluriannuel. C’est à hauteur d’une participation PRÉSIDENTIELLE de 400 millions d’euros par an pendant les cinq prochaines SAURONT S’EN EMPARER. années que l’État devrait s’engager, montant que les spécialistes considèrent nécessaire à l’entretien correct des monuments historiques. D’autres pistes ont déjà été évoquées dans ces colonnes, telle la relance de la politique de décentralisation et l’extension aux monuments historiques du dispositif fiscal bénéficiant aux trésors nationaux. Il conviendra plus généralement de redéfinir les termes du pacte qui doit unir – pour la mise en œuvre de cette politique – l’État, les collectivités locales et les particuliers, ces derniers étant propriétaires de la moitié des monuments protégés en France. — SUITE DE LA PAGE 09 Votre abonnement mensuel 1 € le premier mois puis 19 euros les mois suivants* (*voir conditions sur le site) Votre abonnement annuel à partir de 155€/an Retrouvez toutes nos offres sur www.lequotidiendelart.com PAGE 11 CHRONIQUE ART ET ÉCON OMIE LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 Dublin, le goût des mots PA R C H R I ST OPH E R I OUX — CHRISTOPHE RIOUX EST PROFESSEUR EN ÉCONOMIE À LA SORBONNE À PARIS ET DANS PLUSIEURS GRANDES ÉCOLES. IL EST EXPERT DES INDUSTRIES CULTURELLES — Labélisée « City of Literature » en 2010 par l’Unesco, le moins que l’on puisse dire est que Dublin n’usurpe pas son titre de ville littéraire. Ainsi, chaque année, Leopold Bloom, le héros d’Ulysse de James Joyce, est célébré le 16 juin lors du « Bloomsday », manifestation de grande ampleur qui revisite les lieux où le personnage du roman s’est arrêté, au rythme d’une journée devenue mythique. De même, alors que dans l’enceinte de l’université de Trinity College se trouve le « Book of Kells », l’un des plus précieux livres d’Irlande et peut-être du monde, Dublin regorge de bibliothèques dignes du Nom de la Rose, abrite un Dublin Writers Museum et peut s’enorgueillir d’avoir donné naissance à quatre Prix Nobel de Littérature. Cité du livre par excellence, Dublin était donc l’endroit idéal pour créer un « Franco-Irish Literary Festival », qui fêtait cette année sa dix-septième édition, du 8 au 10 avril, autour du thème « Les mots à la bouche », la gastronomie étant l’autre grande passion dublinoise et irlandaise. Citant en préambule de leur présentation du festival la formule d’Oscar Wilde selon laquelle « après un bon dîner, on n’en veut plus à personne, même à sa propre famille », Frédéric Rauser, conseiller de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Irlande, et Philippe Milloux, directeur et délégué général de l’Alliance Française de Dublin, ont proposé trois jours de débats, de lectures et de performances afin de répondre à la formule de l’écrivain irlandais. Conçu par Christine Weld, festival manager à l’Alliance Française de Dublin, comme un véritable menu avec « starters », « main course » et « dessert », le festival « Les mots à la bouche » donnait notamment la parole à des écrivains comme John Banville, Serge Joncour ou Noëlle Châtelet, qui a lu des passages de son livre À table ! accompagnée d’une projection de photographies et de la saxophoniste jazz Géraldine Laurent. Il se déroulait également dans des lieux emblématiques de Dublin, à l’instar des locaux de l’Alliance Française et du Dublin Castle, ainsi que dans le cadre imposant de la Résidence de France à Dublin, où Jean-Pierre Thébault, ambassadeur de France en Irlande, conviait les intervenants du festival à un dîner gastronomique exaltant les mets et les mots et rendait hommage aux relations unissant la littérature et les plaisirs de table. Enfin, à travers des performances culinaires et la diffusion d’extraits d’une série d’interviews de grands chefs français triplement étoilés réalisées par Industries Créatives Conseil (ICC), le dialogue entre littérature et gastronomie prenait tout son sens lorsque Marc Haeberlin, le chef de la mythique Auberge de l’Ill alsacienne, évoquait certaines recettes restées inchangées depuis cinquante ans, telle une « Madeleine » : on ne pouvait alors s’empêcher de penser à Marcel Proust lui-même, formant le vœu dans ses écrits que « le texte rende son jus ». Le Quotidien de l’Art -Agence de presse et d’édition de l’art - - 231, rue Saint Honoré – 75001 Paris - - ÉDITEUR Agence de presse et d’édition de l’art, Sarl au capital social de 17 250 euros. 231, rue Saint Honoré – 75001 Paris. - - RCS Paris B 533 871 331 - - CPPAP 0314 W 91298 - - ISSN 2275-4407 www.lequotidiendelart.com - - Un site internet hébergé par Serveur Express, 16/18 avenue de l’Europe, 78140 Vélizy, France, tél. : 01 58 64 26 80 PRINCIPAUX ACTIONNAIRES Patrick Bongers, Nicolas Ferrand, Guillaume Houzé, Jean-Claude Meyer - - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Nicolas Ferrand DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Philippe Régnier ([email protected]) RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE Roxana Azimi ([email protected]) MARCHÉ DE L’ART Alexandre Crochet ([email protected]) - - EXPOSITIONS, MUSÉES, PATRIMOINE Sarah Hugounenq ([email protected]) CONTRIBUTEURS Guillaume Cerutti, Pedro Morais, Christophe Rioux, Juliette Soulez - - CORRECTION Adrien Sourdin - - MAQUETTE Anne-Claire Méry - - DIRECTRICE COMMERCIALE Judith Zucca ([email protected]), tél. : 01 82 83 33 14 - - ABONNEMENTS [email protected], tél. : 01 82 83 33 13 IMPRIMEUR Point44, 94500 Champigny sur Marne - - CONCEPTION GRAPHIQUE Ariane Mendez - - SITE INTERNET Dévrig Viteau © ADAGP Paris 2015 pour les œuvres des adhérents - - UNE : Kunstmuseum Basel, nouveau bâtiment. © Kunstmuseum Basel. Photo : Stefano Graziani. PAGE 12 SOIRÉE Photographe : Luc Castel LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045 Remise du Prix Jean-François Prat 2016 au Palais de Tokyo le 13 avril Fabrice Hergott, Anne-Sophie de Gasquet et Frédéric Brière. Le Laureat Janis Avotinš. Marie-Aline Prat et Jean-Denis Bredin. Anne Consigny et Éric de Chassey. Laurent Dassault et Michel Rein. Arielle de Rothschild et Frédéric Naquet. Juliette Laffon et Daniel Templon.