MARS 2 WINTER`S BONE - Debra Granik - 1h 40`
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MARS 2 WINTER`S BONE - Debra Granik - 1h 40`
MARS 2 WINTER’S BONE - Debra Granik - 1h 40’ - USA Jennifer Lawrence, John Hawkes, Kevin Breznahan, Dale Dickey Une histoire méritante que celle d’une ado habitée par la volonté de protéger sa famille et conserver leur maison hypothéquée, sauf qu’au-delà du fait divers, il y a l’Amérique. Celle profonde des descendants de pionniers qui se réunissent au son des chants « country » grattant leur banjo, qui vendent leur bétail aux enchères, s’épient et se jalousent le fusil à la main ou qui, seule trace d’évolution, subsistent par le trafic de méthadone. Adaptation d’un roman situé dans la communauté Ozark du sud du Missouri, entre vent, pluie, bois, étangs, jardins devenus décharges d’une misère affichée, le récit illustre le sens atavique tout autant de la solidarité que de la vengeance, hommes et nature intrinsèquement liés par la violence. Mêlant ces décors bruts à leurs habitants et aux acteurs, l’obstination de l’héroïne aux obstacles et à l’émotion, la réalisatrice, dans une confusion entre fiction et réalité construit caméra à l’épaule, un univers de lutte contre l’adversité où le rêve américain est demeuré un simple cauchemar de survie. Ayant fait moisson de récompenses aux festivals de Sundance et Deauville, le film représentatif du cinéma indépendant nous offre une image inhabituelle et noire d’USA qui n’ont rien à envier aux campagnes européennes les plus déshéritées, hors Internet, Hollywood … UNE PURE AFFAIRE - Alexandre Coffre - 1h 28’ - France François Damiens, Pascale Arbillot, Laurent Laffite, Gilles Cohen, Didier Flamand Insignifiant au regard de sa famille, transparent aux yeux de ses collègues, frustré par la banalité de son quotidien, déçu par sa propre lâcheté, un quadragénaire est soudainement transfiguré par la magie blanche de la poudre. Et chacun, consciemment ou non, de l’admirer, d’en faire un héros et de participer à cette métamorphose. Evidemment les quiproquos, les problèmes vont s’immiscer dans cette comédie plus sociale qu’elle n’en a l’air, politiquement incorrecte, moralement cynique et franchement jubilatoire. Cette adaptation espiègle d’une nouvelle anglaise, premier film d’Alexandre Coffre joue sur la crise, la proximité et l’identification au personnage principal avec une tendresse que François Damiens et les autres acteurs illustrent avec nuance, le tout pour nous faire profiter des joies licites des écrans noirs. SALE TEMPS POUR LES PECHEURS - Alvaro Brechner - 1h 44’ Uruguay/Espagne Gary Piquer, Jouko Ahola, Antonella Costa, César Troncoso Au plus profond d’une campagne uruguayenne un organisateur de combats propose une prime à qui triomphera de son champion ringard. Une lutte sans merci de la misère humaine, menée par l’impresario et son catcheur, masses de chair et d’illusion, d’hommes sans repères ni racines, englués dans l’alcool et les tripots, pour dépasser un quotidien pathétique. Espérances vaines prodiguées entre désir et escroquerie, la déchéance dépassant le challenge pour atteindre le partage de l’humanité. Adaptation d’une nouvelle de l’écrivain J C Onetti, ce film crée par ses images nocturnes sa propre atmosphère, un misérabilisme poétique de bout du monde, une joute christique au son de « Lili Marlène » contredit par le « Funiculi, funicula » chanté par l’acteur Gary Piquer, en équilibre parfait et perpétuel entre rêves et réalité. LE VOLEUR DE LUMIERE - Aktan Arym Kubat - 1h 16’ - Khirgistan /Allemagne/France/Pays Bas Aktan Arym Kubat, Taalaikan Abazova, Askat Sulaimanov, Asan Amanov Au plus profond de l’Asie centrale et du Kirghizstan, un petit homme perché sur les poteaux illumine son village d’humanité face à l’invasion d’un progrès douteux. Libre et généreux, il virevolte entre futur et traditions affrontant les autorités et la corruption afférente. Métaphore d’une société en mutation et de la main mise du pouvoir politique, ce film rare et doublement lumineux, illustre avec finesse l’énergie de peuples menacés résistant par la force de leurs coutumes, acteurs et villageois mêlés comme la fiction et la réalité, le passé et l’avenir. AVANT L’AUBE - Raphaël Jacoulot - 1h 44’ - France Jean Pierre Bacri, Vincent Rottiers, Ludmila Mikaël, Sylvie Testud Dans un hôtel de luxe la disparition d’un client révèle une double histoire de famille au travers de l’évolution des personnages impliqués : le directeur de l’établissement, son fils aspirant gendarme, un stagiaire en réinsertion. En même temps qu’un père conscient de son impuissance à se faire aimer par son propre enfant se projette sur un jeune homme, celui-ci cherche une protection, et cette demande conjointe qui sauve l’un pour condamner l’autre, fait se frôler deux mondes dans l’espoir dérisoire d’un rapprochement. Symboliquement la route est sinueuse pour le prolétaire de la vallée qui rêve d’atteindre les sommets, et le bourgeois initiateur de la manipulation. Chaque acteur, Bacri bougon coincé dans ses certitudes et Vincent Rottiers taiseux prisonnier de ses complexes, incarne et dépasse l’intrigue policière au profit de la complexité familiale, quant à Sylvie Testud elle trouble à souhait ce jeu d’apparences. Un film noir sur fond blanc entre neige et nuit, héritage de Simenon et de Chabrol. SANS IDENTITE - Jaume Collet-Serra - 1h 50’ - France/Angleterre/ Canada /Allemagne/Japon/USA Liam Neeson, Diane Kruger, January Jones, Aidan Quinn, Frank Langella A son arrivée à Berlin, un éminent biologiste invité à un congrès de recherches dédiées au maïs, suite à un accident, perd sa mémoire et successivement son identité et sa femme. De poursuites effrénées dans les rues de la ville, de rencontres en assassinats, le mystère s’épaissit, la Stasi réapparait, les courses folles reprennent, les consciences implosent les corps explosent et la vérité émerge… Pure action et subtile machination pour l’adaptation du roman de Didier van Cauwelaert « Hors de moi », avec un Liam Neeson qui lui, ne s’essouffle jamais. FASTER - George Tillman Jr - 1h 38’ - USA Dwayne Johnson, Billy Bob Thornton, Oliver Jackson-Cohen, Carla Gugino Un homme sort de prison décidé à venger son frère assassiné lors d’un braquage, un professionnel est engagé pour le supprimer, un flic à la veille de sa retraite s’en mêle. Conducteur, tueur et looser, gros bras et grands cœurs traversent un périple californien où les cadrages des plans, la stylisation des images, l’efficacité des poursuites, l’analyse des personnages, le casting des acteurs Dwayne Johnson, Billy Bob Thornton et Oliver Jackson-Cohen font référence à tous les codes du genre avec humour. En surajoutant à ces clichés classiques une forme moderne et le tour est joué pour produire un pur film d’action typiquement américain. LA PERMISSION DE MINUIT - Delphine Gleize - 1h 50’ - France Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Quentin Challal, Caroline Proust Un adolescent est interdit de lumière, son médecin s’investit pour le sauver, l’un a soif d’existence et d’avenir et l’autre s’en prive, le quotidien doit les délier pour que leur vie continue. Sous ce prétexte, la maladie des « enfants de la lune » nous est exposée avec émotion et précision. Le titre du film nous emporte vers la liberté, celle de pouvoir ou non dépasser les handicaps, la maladie et la mort pour les soignants comme pour les soignés et les acteurs accompagnent ce difficile parcours avec talent faisant rayonner la maladie de l’ombre. NEVER LET ME GO - Mark Romanek - 1h 43’- Grande Bretagne Carey Mulligan, Andrew Garfield, Keira Knightley Depuis les années 50 un collège anglais abrite des enfants préparés à un exceptionnel destin, d’accompagnateurs et porteurs de vie par le don de leur corps. Ils grandissent et devinent ce lien exceptionnel à l’humanité qui les régit et les condamne, cherchant à y échapper par l’amour qui résiste à toute manipulation. Ce roman à succès de Kazuo Ishiguro place la science fiction dans un passé proche, pour poser la question de l’essence humaine. Son adaptation nous prive de réflexion au profit d’une minutieuse et lente description de leur environnement, de leur innocence face à la réalité, sans insuffler ni peur, ni révolte, ni même grand intérêt. LE ROMAN DE MA FEMME - Djasmed Usmonov - 1h 40’ - France Olivier Gourmet, Léa Seydoux, Maruf Pulodzoda Dans une petite ville de province, une jeune bourgeoise déclare la disparition de son mari et fait appel à un ami avocat pour l’entourer dans cette épreuve. Les soupçons, les secrets tissent une toile où s’entremêlent les suicides et les remords d’un veuf éploré et d’une femme fatale pris à leurs propres pièges. Le problème est qu’ils nous y emprisonnent tout autant. Dommage que quitter le Tadjikistan ait conduit le réalisateur de « L’ange de l’épaule droite » à troquer ses racines et son réalisme pour un hermétisme littéraire compassé « à la française », les deux cultures y perdent leur âme. CORRESPONDANCES - Laurence Petit-Jouvet - 58’ - France/Mali Documentaire Un travail d’ateliers de création audiovisuelle entre la France et le Mali donne naissance à des lettres imaginaires où des femmes s’expriment sur leur quotidien et leurs rêves. Les images de Montreuil montrées à Bamako leur font écho, en toute liberté exprimant la condition de femme africaine, émigrée ou non, face au présent et aux traditions. Ces doubles visions et dialogues parallèles illustrent une société multiculturelle qui ne trouve pas d’échange dans une altérité entravée par la discrimination raciale: les racines s’exportent comme refuge, la modernité se conquiert sur place, la société évolue sur sa terre et régresse à l’étranger. Preuve en est, ce film qui a trouvé une distribution sur de nombreuses chaines TV africaines n’en a encore aucune en France. 9 LA LIGNE DROITE WE WANT SEX - Nigel Cole - 1h 53’ - Grande Bretagne Sally Hawkins, Bob Hoskins, Miranda Richardson, Geraldine James Elles sont 183 parmi les 55000 employés de la plus grande usine Ford d’Angleterre à Dagenham et nous ne savons rien d’elles. Et pourtant en 1968, c’est cette « armée de jupons » qui a bataillé pour obtenir l’égalité salariale. Menée par des ouvrières contre leur chef d’atelier, leurs représentants syndicaux, leurs compagnons jusqu’au patronat américain cette lutte naïve, sincère et apolitique, révolte basique contre l’injustice sera également résolue par une femme, Barbara Castle secrétaire d’Etat à l’emploi au gouvernement travailliste. Etouffant dans leurs ateliers surchauffés, courant à la sortie des écoles, partageant les mêmes fins de mois difficiles et les rêves d’une vie meilleure, jeunes et vieilles, elles se sont arrimées à leurs banderoles pour vaincre l’oppression et défier l’ordre établi du pouvoir masculin. Loin de tout militantisme féministe c’est avec leur cœur et par leur solidarité que ces ménagères et mères de famille parties d’une simple grève sur la réévaluation de leur travail ont obtenu la promulgation de la première loi contre la discrimination des sexes et des salaires. Nigel Cole le réalisateur de « Calendar girls » en orchestrant leur combat avec humour, tendresse et respect nous renvoie à nos privilèges actuels, et sachant que cette égalité n’est pas plus acquise que vraiment admise, courons tous voir cette joyeuse comédie sociale. JIMMY RIVIERE - Teddy Lussi-Modeste - 1h 30’ - France Guillaume Gouix, Hafsia Herzi, Béatrice Dalle, Serge Riaboukine Jimmy Rivière c’est le simple nom d’un jeune rebelle et ce film son parcours initiatique, pour trouver sa voie, échapper à ses démons, et s’affranchir du regard des autres parmi les siens, car « Jimmy Rivière » est prisonnier de sa communauté, celle des gens du voyage qui a été dénoncée tout l’été dernier et l’est depuis toujours. Tournée avant cette action politique, l’histoire décrit l’homme entravé et libéré par son milieu culturel. Ni les sectes, ni la boxe, ni la violence, ni l’alcool ne peuvent le sauver de la haine qu’il porte en lui, seuls la parole et l’amour des femmes traceront la route intérieure qui le mènera à la paix. Alliant la fiction au documentaire, la mise en scène dépeint l’extérieur par ses rites : visages en souffrance et caravanes rutilantes, éclaire les situations par les sentiments : sexualité et révolte, bouscule les acteurs jusqu’à leurs limites : contre-champs et Gros Plans surexposés, donnant ainsi sa véracité au récit qui devient universel. Le réalisateur « voyageur » de Grenoble, ancien élève de la Fémis, riche de sa double appartenance s’érige, avec talent, en contre-exemple de Brice Hortefeux et autres… POURSUITE - Marina Déak - 1h 32’ - France Marina Déak, Yann Guillemot, Renaud Dehesdin, Paul Cahen, Aurélien Recoing Un couple s’est défait, un autre se refait, un enfant s’adapte, une grandmère s’incruste, une femme cherche à s’épanouir en toute liberté affrontant une société dont les mœurs évoluent plus vite que ses fondements, structures et jugements. Pour nous démontrer ce décalage, la réalisatrice déstructure les modes de récit alternant fiction, interviews, intermèdes, sketches, chansons en une tentative de modernité n’aboutissant qu’au même déséquilibre. Un premier film sans moyens qui à trop vouloir prouver subit la même sanction que son héroïne, ne pas trouver sa vraie place. DHARNA GUNS (La succession Starkov) - F.J Ossang - 1h 33’ - France Guy Mc Knight, Elvire, Lionel Tua, Diogo Doria, Stéphane Ferrara, Patrick Bauchau. Une troublante scène de ski nautique ouvre ce film où images en noir et blanc et musique psychédélique se rejoignent en un poème onirique. Cette pure création plastique mêle Arthaud, Lovecraft et Murnau à l’esthétique des années 70 en usant de tous les clichés du genre : atmosphère fantastique, situations mystérieuses, voix blanches, contre jour et silhouettes en ombres chinoises, personnages christique, hitlérien, ou grande faucheuse, œilleton ouvrant et fermant l’objectif sur les cartons explicatifs du muet… Un conte métaphysique, réservé aux seuls amateurs de réincarnation et de cinéma d’art et d’essai, qu’une souscription sur Internet a permis de financer pour au final être présenté au Festival de Venise. A CIEL OUVERT - Inès Compan - 1h 34’-France Documentaire Deux communautés indigènes du Nord de l’Argentine tentent d’éveiller l’attention de leur gouvernement sur les injustices dont elles sont victimes. D’un dérisoire blocus de route pour couvrir d’un toit une école à la réouverture d’une mine d’argent à ciel ouvert , la lutte est celle de David contre Goliath, sauf que le combat ne se fait plus à mains nues mais à coups de dollars ou de pesos. L’oubli de l’existence même d’une population et l’appropriation de ses terres, nées de la conquête espagnole se heurtent elles aussi à l’émergence d’une conscience à laquelle participe ce documentaire au discours juste et aux images somptueuses. Faire cohabiter traditions et modernité est l’avenir même de la terre et de l’humanité, ces exemples en sont la preuve. VENTS DE SABLE, FEMMES DE ROC - Nathalie Borgers - 1h 30’ Niger/Belgique Documentaire Dans le désert du Niger le peuple nomade des Toubous, selon des règles séculaires laisse l’élevage des chameaux aux hommes et l’entretien du foyer aux femmes. Elles quittent leur campement, traversent le Sahara vont vendre leurs ânes et chèvres, ramasser les dattes et reviennent avec les provisions de fruits et de sel pour assurer le ravitaillement de l’année. Dommage que ce voyage rituel entre soleil et sables, périple de complicité féminine privilégie les dunes et reste aussi elliptique sur des traditions culturelles, racines d’une force et d’une liberté qui demeurent inexpliquées. 16 HA HA HA - Hong Sangsoo - 1h 56’ - Corée du Sud Kim Sangkyung, Moon Sori, Yu Junsang, Ye Jiwon,Kim Kangwoo,Kim Gyuri Deux amis échangent les souvenirs de leur séjour réciproque dans une petite ville de bord de mer. Entrecoupées de photos N&B, les scénettes contant leurs meilleurs moments s’enchaînent enjouées et alcoolisées. Drague, rapports maternels, amoureux et amicaux dessinent un portrait de trentenaires irresponsables et joyeux. Les images souvent tournées en plans séquences s’harmonisent avec les décors, les couleurs des tenues des actrices et répondent à la poésie des mots, la liberté des sentiments, la mémoire de Eric Rohmer évadé en Corée. REVENGE - Susanne Bier -1h 53’- Danemark Mikael Persbrandt, Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen, Markus Rygaard) En Afrique un médecin suédois sauve des vies dans un camp de réfugiés, en Europe, son fils se lie d’amitié avec un collégien en deuil de sa mère. L’aridité de la savane aux dunes nordiques, les conditions de vie, privilèges des uns s’opposent aux risques et difficultés des autres, plaies corporelles contre blessures affectives et les exemples de tolérance, modèles d’éducation, gestes d’apaisement se heurtent aux fantasmes d’ados ou d’adultes aigris abusant de leur pouvoir. D’une culture à l’autre, du virtuel d’Internet à la réalité du sang, la démonstration doublée d’une interrogation sur la violence, la vengeance et le pardon, la confusion entre force ou faiblesse, se donne les moyens de son ambition, par la construction du scénario, l’alternance de ses images, et le choix d’acteurs talentueux. Après « Brothers » et « After the wedding » tous deux « remakés » par Jim Sheridan et Michael Caton-Jones, Suzanne Bier continue de chercher au-delà des apparences les failles de notre humanité, par un cinéma à la fois accessible et exigeant. ROUTE IRISH - Ken Loach - 1h 49’ - Grande Bretagne Mark Womack, Andréa Lowe, John Bishop, Trevor Williams, Geoff Bell La guerre d’Irak est une entreprise internationale à laquelle participent les britanniques de par les décisions de leur gouvernement, combattre est un métier qui rapporte plus aux civils contractés par des agences indépendantes qu’aux soldats, d’autant que jusqu’en 2009 une loi d’immunité les protégeait des exactions commises sur le terrain. Cette privatisation autorise tous les aveuglements liés au gain, tous les abus causés par la peur, tous les débordements engendrés par la violence. Des images de Liverpool à la Route Irish de Bagdad, du retour d’un cercueil à la quête de vérité, des embuscades, meurtres de civils, tortures à la prise de conscience, au remords jusqu’à l’improbable réinsertion dans un monde de paix de ces « cow boys » mercenaires, tout accuse Bush, Blair, Rumfield et Cie. Pour dénoncer cette corruption Ken Loach et Paul Laherty son scénariste complice ont bâti un récit d’amitié et de responsabilité unissant,l’action au regard politique. MA PART DU GATEAU - Cédric Klapisch - 1h 49’ - France Karin Viard, Gilles Lellouche, Audrey Lamy, JP Martins, Zinédine Soualem La rencontre improbable d’un trader et d’une ouvrière mise au chômage par ses tractations financières donne lieu à une comédie sociale où les mondes de chacun se heurtent frontalement. Mais si le prolétariat a toujours combattu le patronat leur lutte devient celle du réel contre le virtuel, incarnés par Gilles Lellouche guerrier déshumanisé et Karine Viard victime purement humaine. De la bourse londonienne aux usines fermées de Dunkerque, d’un loft à une cité ouvrière entre un homme sans amour et une femme abusée ce film, binaire sous toutes ses formes, des personnages, leurs origines, leur environnement, oppose les libertés de la vie au pouvoir de l’argent, la banalité à la beauté, le collectif à l’individualité, les situations à leurs rebondissements jusqu’à une fin ambiguë entre solidarité et solitude. Cédric Klapisch maître incontesté des films choraux d’Espagne en Russie jusqu’à Paris, s’engage dans la stricte dualité, satire et drame, pochade illusoire ou dénonciation lucide, nous proposant de rire ou pleurer de cet état de notre société et/ou de s’en divertir doublement, mais est-ce si simple ? L’ETRANGE AFFAIRE ANGELICA - Manoel de Oliveira - 1h 35’ - Portugal Ricardo Trêpa, Pilar Lopez de Ayala, Leonor Silveira, Luis Miguel Cintra Un photographe, chargé de faire l’ultime portrait d’une jeune mariée soudainement décédée, la surprend à sourire, et Oliveira, par ce clin d’œil de nous entrainer dans son univers onirique où présent et imaginaire s’entremêlent aux superstitions et faux semblants. En de longs plans séquences il fige certains personnages dans des décors surannés, abuse de leurs attitudes compassées, transgresse la réalité et le temps mêlant couleur et Noir et Blanc pour jouer avec le fantastique. Une tentative par le négatif de la pellicule et le positif de l’image d’abolition de l’espace pour atteindre l’absolu, celui de l’homme et sa circonstance, de la matière et de l’anti matière. La liberté d’un centenaire de badiner avec l’éternité et le 7ème art. LEGITIME DEFENSE - Pierre Lacan - 1h 22’ - France Jean Paul Rouve, Claude Brasseur, Olivier Gourmet, Gilles Cohen Sous la menace de truands un fils recherche son père détective privé disparu, et découvre sa face cachée. Avec tous les codes du thriller, trafiquants, flics reconvertis, brigade des stups, poursuites nocturnes, chantages, soupçons… le récit se double d’une quête générationnelle entre dette, transmission et devoirs. Dans l’action et l’émotion, Jean Paul Rouve traverse avec distanciation ce polar noir du Nord, premier film et adaptation classique du roman « Terminus plage ». CONVICTION - Tony Goldwyn - 1h 46’ - USA Hilary Swank, Sam Rockwell, Minnie Driver, Melissa Leo, Peter Gallaguer Successivement soupçonné, accusé et condamné sans preuves d’un crime crapuleux, un présumé coupable crie son innocence en laquelle sa sœur seule croit aveuglément. Le parcours de sa lutte acharnée est reconstitué de flash back en flash back au travers d’une enfance sordide dans une Amérique profonde, entre les préjugés des policiers, et le partage de 18 ans de vie au nom d’une conviction intime. Hilary Swank et Sam Rockwell illustrent ce plaidoyer en bonne et dûe forme pour le « Projet Innocence » qui grâce aux nouvelles technologies et à l’ADN permet, la volonté et la patience aidant de rétablir la justice. Entre « Cold case » et « Les Experts » , un pur produit américain sans surprise. LES CHEMINS DE LA MEMOIRE - José Luis Penafuerte - 1h 32’ Belgique/Espagne Documentaire Aux 35 ans écoulés depuis la mort de Franco, il faut ajouter les 40 ans de sa dictature pour comprendre le poids d’une mémoire collective transmise par les vainqueurs aux dépens de leurs victimes et déterminer le présent d’une nation. L’horreur d’une guerre civile se propage avant tout par la délation, rarement idéologique, et toutes ses conséquences : mort, exil, prison, torture, peur et mutisme. Faire surgir la vérité des faits passe par la découverte actuelle des cadavres de 130 000 disparus enfouis dans des fosses communes à travers tout le pays. Ces squelettes déterrés et reconnus symbolisent la mise en lumière de la vérité, un soulagement pour les enfants, une découverte pour leurs petits enfants, tous victimes, les uns de la honte, les autres d’un silence porteur d’intolérance. Les archives alternent avec les interviews d’élèves d’un cours d’histoire, de participants aux fouilles, d’exilés anonymes, de déportés tel Georges Semprun, et se mêlent aux manifestations revanchardes des inconditionnels du franquisme et à une danse de lutte fratricide. Une réflexion urgente de portée universelle, car s’il est certain que l’homme ne changera jamais, l’espoir consiste à toujours lutter pour modifier la société, et la rendre capable de réguler ce mal inhérent. 23 CIRKUS COLUMBIA - Danis Tanovic - 1h 53’ - Bosnie Herzégovine Miki Manojlovic, Mira Furlan, Boris Ler, Jelena Stupljanin Après la chute du mur de Berlin et vingt ans d’absence un émigré yougoslave revient au pays les poches pleines, au volant d’une voiture américaine accompagné d’une très jeune femme et d’un chat noir. Et tout va basculer sous la chaleur de l’été… Le pouvoir, la brutalité, la paternité, l’amitié, la sexualité, l’amour tout s’embrouille dans ce village paisible où rôde la guerre. Comme précédemment dans « No man’s land » c’est par l’absurdité des situations et le décalage des sentiments que le réalisateur nous distancie de leur médiocrité ou cruauté. Mais on rit de tant d’humanité faussement naïve et on s’éblouit de l’espoir des dernières images. SI TU MEURS JE TE TUE - Hiner Saleem - 1h 30’ - France Jonathan Zaccaï, Golshifteh Farahani, Mylène Demongeot D’un coup de rouge au comptoir d’un bistrot naît la fraternité amicale, d’une bande de réfugiés kurdes parisiens découle la solidarité, et de l’amour perdu d’une émigrée émane l’égalité, trois concepts réunis pour illustrer la liberté. C’est la main tendue vers l’autre, de la voisine de palier à l’inconnu, de la communauté traditionnelle à la découverte de l’autre, qui trace le parcours pluriel d’hommes et de femmes, au fil d’événements tragiques ou absurdes reflets de la comédie de la vie quand on lutte pour la rendre généreuse et humaine. De « Vodka Lemon » à cette fable parisienne Hiner Saleem continue de conter la tolérance, allons en profiter joyeusement. L’AGENCE - Georges Nolfi - 1h 47’ - USA Matt Damon, Emily Blunt, Anthony Mackie, John Slattery,Terence Stamp Coup du sort et coup de foudre réunis dans un thriller sentimental d’anticipation où le hasard se joue d’un jeune candidat aux élections, qui simultanément affronte son destin et la femme de sa vie. De courses effrénées en portes qui claquent, s’ouvrent et se ferment poussées par des individus chapeautés venus d’ailleurs, le hasard fait rimer humour avec amour, jusqu’au faux pas d’une morale existentielle puritaine. Cette adaptation d’une nouvelle de Philip K.Dick nous fait traverser New York de haut en bas et de long en large, la ville devenant graphiquement un personnage à part entière qui se surajoute à l’esthétique des costumes des protagonistes pour donner un climat ambivalent entre réel et virtuel à cette comédie romantique. LES YEUX DE SA MERE - Thierry Klifa - 1h 45’ - France Catherine Deneuve, Géraldine Pailhas, Nicolas Duvauchelle, Marina Foïs, Jean Marc Barr, Jean Baptiste Lafarge Quatre mères et deux enfants s’ignorent, se croisent et se retrouvent enchevêtrés dans les rapports de filiation, de transmission, d’irresponsabilité et de remords pour un film choral trépidant au casting brillant. Catherine Deneuve PPDA en jupon et Géraldine Pailhas danseuse étoile ont fait le choix de privilégier leur épanouissement professionnel, Nicolas Duvauchelle écrivain a lui trahi ses rêves, et chacun, un jour, de devoir affronter les douloureuses conséquences de ses choix. D’un plateau TV à une scène de spectacle et un ring de boxe, de Paris jusqu’aux rivages bretons, d’un personnage survolté à l’autre, l’amour est décliné sous toutes ses formes parentales, passionnelles et professionnelles. Une sur-accumulation mouvementée de secrets de famille, deuils, accident, désirs inassouvis rythme ce thriller sentimental, que le jeu des comédiens et de la caméra de Julien Hirsch, sauvent, à leur façon, du mélo. MA COMPAGNE DE NUIT - Isabelle Brocard - 1h 40’ - France Emmanuelle Béart, Hafzia Herzi, Laurent Grévill, Bruno Todeschini La mort aussi inéluctable qu’elle ait toujours été, est devenue interdite et traiter de son accompagnement reste une gageure. Bertrand Blier s’y est essayé par la provocation « Dans le bruit des glaçons », Anne Le Ny par la négation dans « Ceux qui restent », Jean Pierre Améris par la fuite « Dans c’est la vie » et chacun y a mêlé l’amour en contrepoint. Isabelle Brocard elle, introduit le corps en son inutile combat dans un face à face entre l’affection familiale impossible et la complicité passagère de femmes, chacune en devenir. Deux féminités, deux âges, deux mondes socioculturels s’agressent et se contrebalancent pour qu’une existence physique disparaisse mais qu’une autre naisse de cet échange d’énergies. Leurs luttes se confondent dans un parcours de souffrance d’un corps contre sa fin et d’une quête agressive de soi-même face à la vie. Emmanuelle Béart et Hafzia Herzi incarnent avec une même force ce couple vie/mort au-delà de l’émotion et de la sensiblerie des deuils au long de ce premier film inégal mais courageux. AGUA FRIA - Pàz Fabrega - 1h 23’ - Costa Rica /Mexique/France / Espagne Montserrat Fernandez, Lil Quesada Morua, Freddy Chavarria, Annette Villalobos A la veille du nouvel an, au bord du Pacifique, entre les hôtels à touristes et les campings sauvages se croisent une fillette désobéissante et une jeune femme dépressive. Les mensonges de l’une interfèrent sur les nondits de l’autre, deux monde sociaux se frôlent, promiscuité et solitude se côtoient au long des plages infestées de serpents, dans les tunnels et les trous de sables où s’amusent les enfants. Des gestes d’amour, des instants de beauté, des petits riens s’accumulent pour faire naître le doute ou la peur mais cette succession de moments sans connivence ni justification n’aboutit qu’à une vacuité démonstrative. Les paysages sont sublimes, et ce film un premier essai… WASTE LAND De la poubelle au musée - Lucy Walker - 1h 38’ - Brésil Vik Muniz, Tiao, Zumbi, Suelem, Isis, Irma, Valter, Magna Documentaire Vik Muniz artiste brésilien mondialement reconnu travaillant sur des compositions mêlant objets de consommation divers à la photographie, est contacté par une documentariste pour travailler sur l’une des plus grandes décharges d’ordures mondiales. Et ce qui ne devait être qu’un regard sur les déchets, cimetières de notre consommation, devient une véritable aventure réunissant au sens propre du terme l’art à l’humanité. Pas à pas nous découvrons avec lui les lieux, les travailleurs, leur organisation en coopérative, leur tâche, leurs conditions de vie, leurs espoirs. Selon son concept habituel, le plasticien travaille les clichés en les intégrant à des compositions préexistantes de peintres classiques. Une Pieta, Marat dans sa baignoire …vont donc se transformer en collaboration avec les protagonistes et leur propre ramassage d’ordures, avant d’être de nouveau photographiées, agrandies, vendues aux enchères pour une somme redistribuée à la coopérative pour créer une bibliothèque, aider une école, reloger, envisager l’avenir après la fermeture prévue du lieu. Trois années pour intégrer les valeurs marchandes aux valeurs humaines, l’art à la vie dans un échange inconditionnel de générosité, du créateur aux acteurs jusqu’au spectateur, offrant la reconnaissance des uns à la spéculation des autres comme un juste retour des choses. Nominé aux Oscars 2011 et déjà récompensé à Sundance, Berlin, Los Angeles, Dallas, Seattle, Durban, Vancouver… CUCHILLO DE PALO 108 - Renate Costa - 1h 31’ - Espagne/Paraguay Documentaire Une jeune paraguayenne recherche des années plus tard les causes de la mort de son oncle et découvre un tout autre personnage, celui d’un entraineur artistique homosexuel victime tout autant de la honte de ses proches que de la dictature de l’époque. De 1954 à 1989 Arturo Stroessner musela son pays, le dirigeant sous la menace, le silence et la torture. Sous le prétexte de deux meurtres, la répression des conduites sexuelles dites « déviantes » permit d’établir une liste de 108 suspects qui entraîna arrestations et sévices, ce chiffre signifiant encore « pédé » dans l’inconscient collectif. Partant de la famille pour atteindre l’universel, la réalisatrice revient sur les lieux, retrouve d’anciennes fréquentations, feuillète albums de photos et archives, interroge inlassablement son père muré dans ses certitudes. En vain, 35 ans d’interdits et d’absence de liberté ont laissé des traces indélébiles dans les comportements : peur et tabous perdurent dans les esprits, l’affection n’y change rien. PRECIOUS LIFE - Schlomi Eldar - 1h 30’ - Israël Documentaire Un bébé bulle de quatre mois a besoin d’un greffon. Ses parents et le donneur sont palestiniens, le médecin et le mécène sont israéliens, il devient donc le symbole des relations entre les deux pays. Les rechutes se mêlent aux bombardements comme les rémissions aux trêves, comme le conflit aux religions. Entre Tel Aviv et Gaza que tout oppose, les images de destruction alternent avec les sourires de l’enfant, illustrant les prises de position des uns et des autres. Une mise en parallèle exemplaire de l’entente possible et rêvée par certains entre deux peuples frères