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Mariana Saad
Cabanis,
comprendre l’homme
pour changer le monde
Préface de Jackie Pigeaud
PARIS
CLASSIQUES GARNIER
2016
Mariana Saad est docteur en philosophie (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
Ancienne attachée à l’ambassade de France à Londres, elle a été lauréate de la fondation
Singer-Polignac, du ministère des Affaires étrangères et du Wellcome Trust. Elle a
enseigné aux universités de Londres et de Sussex et a publié de nombreuses études
sur Cabanis, l’Idéologie et l’histoire de la médecine (1750-1830).
© 2016. Classiques Garnier, Paris.
Reproduction et traduction, même partielles, interdites.
Tous droits réservés pour tous les pays.
ISBN 978-2-406-05803-8 (livre broché)
ISBN 978-2-406-05804-5 (livre relié)
ISSN 2117-3508
INTRODUCTION
Idéologie, médecine, anthropologie
« Nous entrons ici dans une carrière toute nouvelle1 » : c’est par
cette formule, dont l’esprit révolutionnaire n’échappera pas au lecteur,
que Pierre Jean Georges Cabanis présente son projet philosophique
dans la préface de son œuvre la plus importante et la plus connue,
Rapports du physique et du moral de l’homme. Publié en 1802, cet ouvrage
marque l’achèvement d’un travail dont l’auteur avait commencé à
rendre publiques les premières étapes six ans plus tôt, aux séances de
la Classe des sciences morales et politiques de l’Institut. À en croire le
journal espagnol Mercurio histórico y político, la lecture de son premier
mémoire lors de la séance spéciale du 15 germinal an IV (4 avril 1796)
n’a pas soulevé, auprès de ses collègues, « tous les applaudissements
qu’il mérit!ait"2 ». Mais très vite le caractère exceptionnel de l’œuvre est
reconnu et, en 1803, The Monthly Magazine de Londres assure que les
Rapports ont établi la réputation d’homme de génie de Cabanis3. Entre
1
2
3
Pierre Jean Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, Genève, Slatkine
reprints, réimpression de l’édition de Paris, 1844, p. 47-48. Dorénavant, le titre abrégé
pour cet ouvrage est : Rapports.
Mercurio de España, Madrid, Imprenta Real, Avril 1796, p. 367 : « Cabanis leyó una Memoria,
en la qual exâmina, si las necessidades Morales de los hombres, asi como sus necessidades
Fisicas, dependen de su organizacion. Esta obra es muy instructiva, pero son muy pocos
los que estan familiarizados con el asunto que trata, y son muchas las circunstancias
que distraen la atencion en un gran concurso para que pudiese recibir los aplausos que
merece. » Je traduis : « Cabanis a lu un Mémoire, dans lequel il examine si les besoins
moraux de l’homme, ainsi que ses besoins physiques, dépendent de son organisation. Cette
œuvre est très instructive, mais rares sont ceux qui connaissent le sujet dont il traite et
nombreuses sont les circonstances qui distraient l’attention dans une grande assemblée
pour qu’il puisse recevoir les applaudissements qu’il mérite. » Remarquons cependant,
pour être totalement exacte, qu’il s’agit d’une deuxième lecture, la première ayant eu
lieu le 7 ou le 27 pluviôse an IV (27 janvier ou 16 février 1796, la date indiquée dans les
Mémoires de L’institut différant de celle rapportée sur les procès-verbaux des séances).
The Monthly Magazine, vol. XVI, part ii for 1803, p. 645, à propos de la réédition à Paris
de Du degré de certitude de la médecine : « This work, which was the first production of Dr
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CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
temps, le « fils adoptif » de Mme Helvétius, respecté et choyé par ceux
qui le rencontraient dans le salon de sa bienfaitrice, était passé du statut
de jeune médecin philosophe d’un talent prometteur à celui de chef,
avec son ami Destutt de Tracy, d’une nouvelle école philosophique,
l’Idéologie.
Depuis de nombreuses années, dans mes travaux académiques, j’ai
mis en lumière la nature de cette originalité qui a suscité un grand
intérêt parmi ses contemporains. Pour Cabanis la médecine constitue
un champ d’expérimentation pour un matérialisme novateur, s’appuyant
sur l’affirmation d’un principe vital, et dont il interroge constamment
les conséquences. Depuis la première publication des Rapports, les
opinions divergent sur la nature de ce matérialisme pour savoir dans
quelle mesure il est radical et absolu, si l’on peut le confondre avec un
monisme ou bien s’il s’agit d’un dualisme. J’ai donc choisi de centrer
ma recherche sur les fondements épistémologiques de sa pensée, analyse
qui n’avait encore jamais été menée de manière systématique. L’œuvre
de Cabanis constitue un ensemble complexe, qui concerne autant la
médecine que la politique et la philosophie. Elle puise constamment à
la tradition et à l’histoire, et s’organise autour d’une ambition commune
aux philosophes des Lumières qui trouve dans la Révolution française
un nouvel horizon : comprendre l’homme pour transformer le monde.
CABANIS AVANT L’IDÉOLOGIE
On sait que Destutt de Tracy et Cabanis se sont rencontrés avant
la Révolution. Jeune noble de lointaine ascendance écossaise, Destutt
servait alors dans le prestigieux régiment de son oncle par alliance, le
Duc de Penthièvre. Rallié aux idées libérales, comme beaucoup dans
son milieu, Destutt fréquentait le salon de Mme Helvétius, veuve du
Cabanis, obtained for him a distinguished place among the French professional writers,
while his subsequent one “Sur les Rapports du Physique & du Moral de l’Homme ” !…"
fixed his reputation as a man of genius. » Je traduis : « Cette œuvre, qui a été la première
production du Dr Cabanis, lui a valu une place éminente parmi les écrivains français
professionnels, tandis que son œuvre suivante “Sur les Rapports du Physique & du Moral
de l’Homme” !…" a établi de façon définitive sa réputation d’homme de génie. »
INTRODUCTION
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philosophe et fermier général qui, en se retirant à Auteuil, y avait créé
un salon dont la longue histoire et l’importance pour la philosophie et
la politique sont très bien connues1. Établi vers 1772, ce salon se maintiendra jusqu’à la mort de Mme Helvétius en 18002. S’y sont retrouvés,
au cours de ces trente années, les plus grands noms des Lumières, de
Turgot à Condorcet, les démocrates américains Franklin et Jefferson, et
ceux qui vont participer de près aux grands bouleversements à venir en
France : Volney, Sieyès, Garat. Cabanis y occupait une place essentielle.
Il y avait été amené par le poète Roucher et par Turgot, ami de son père,
en 1778, alors qu’âgé de 21 ans il poursuivait ses études de médecine
auprès de Dubreuil, qui jouissait alors d’un grand prestige. Très vite,
Mme Helvétius, voyant en lui une réincarnation de son fils disparu, le
fit venir près d’elle et il s’établit dans un petit pavillon du jardin de la
propriété. Il faut souligner que Cabanis continua à y vivre même après
son mariage et qu’il garda l’usufruit de la maison jusqu’à sa mort,
suivant la volonté exprimée par Mme Helvétius dans son testament.
À la date de son élection à l’Institut (décembre 17953), Cabanis, porté
par le très puissant réseau d’Auteuil, jouissait déjà d’un certain prestige
et d’une sorte de célébrité malheureuse, car il avait été le médecin de
Mirabeau à la fin de la vie de celui-ci. Comme il le raconte dans le livre
qu’il consacre à cet évènement, c’est à Versailles, le 15 juillet 1789, alors
qu’il est venu informer ses amis députés de ce qui se passait à Paris, que
Volney et Garat le présentent au grand homme. Il ne dit pas, en revanche,
qu’il va rapidement rejoindre le célèbre atelier où, avec d’autres jeunes
hommes talentueux, il rédigera les discours du tribun4. Cette première
1
2
3
4
Malgré son style démodé, la meilleure somme documentaire reste celle d’Antoine Guillois,
Le Salon de Madame Helvétius, Cabanis et les Idéologues, Paris, Calmann Lévy, 1894. On peut
voir également : éd. Jean-Paul de Lagrave, Marie-Thérèse Inguenaud, Madame Helvétius et
la société d’Auteuil, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, et Guy de la Prade, L’illustre société
d’Auteuil 1772-1830 ou la fascination de la liberté, préface de Guy Chaussinand-Nogaret,
Paris, éditions François Sorlot, Fernand Lanore, 1989.
Depuis l’ouvrage de A. Guillois il est d’usage de considérer que le Salon a survécu à sa
créatrice, sous des formes différentes : les réunions du tridi et la seconde société d’Auteuil.
Cabanis est élu membre résident le 24 frimaire an IV (15 décembre 1795). Il occupe une
place que Garat avait laissée vacante. En effet, ce dernier avait été élu deux fois, c’est-à-dire
par deux instances, le gouvernement et les membres électeurs de l’Institut.
On sait, par la veuve de Cabanis, qu’il fut, en particulier, chargé de rédiger l’ensemble
des discours sur l’éducation. Cabanis les publiera, après la mort de Mirabeau, sous le
titre Travail Sur L’éducation Publique : Trouvé Dans Les Papiers De Mirabeau L’ainé, Paris,
Imprimerie nationale, 1791. Ce texte fut rangé par Mme Cabanis dans les Œuvres complètes
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CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
expérience de l’écriture politique lui sera très profitable après la mort
de Mirabeau, car il est alors accusé d’avoir empoisonné cet homme si
populaire que les Jacobins ne se résignent pas à voir disparaître (avant
que l’ouverture de l’armoire de fer ne détruise le mythe1). Pour faire
face à une situation clairement menaçante, Cabanis publie, immédiatement après le décès de son patient, le Journal de la maladie et de la mort
d’Honoré-Gabriel-Victor Riquetti Mirabeau, où il accumule les preuves
de son innocence et de son dévouement pour « l’homme extraordinaire
que la France entière pleure avec moi2. » Le rôle qu’il a joué dans ce
moment historique le fit connaître du public et, au cours de l’année
1791, les périodiques ont régulièrement mentionné son nom, toujours
en tant qu’ami et médecin du grand homme. Il devient même un des
personnages principaux de Mirabeau sur son lit de mort, pièce représentée
au Théâtre de Monsieur ce même printemps.
Cet épisode ne doit pas faire oublier le véritable succès d’estime rencontré lors de la publication, en 1790, d’une première brochure, Observations
sur les Hôpitaux. Cerutti écrit à un membre du Salon d’Auteuil qui lui
a fait parvenir l’ouvrage que « Mr Cabanis !…" méritera d’être regardé
comme l’élève de la philosophie autant que celui de Mr du Breuil !sic"3. »
Ce premier livre révèle l’ambition du jeune Cabanis de contribuer à un
1
2
3
publiées entre 1823 et 1825, avec une note très claire indiquant que son mari en était
l’auteur.
En novembre 1792, a lieu un des épisodes les plus célèbres de la Révolution, la découverte,
au Palais des Tuileries, d’une « armoire de fer » où Louis XVI gardait des documents
secrets. Ceci entraînera la condamnation à mort du Roi. On y trouve, en particulier, un
ensemble de lettres de Mirabeau où il assure le souverain de son soutien.
Voir mon étude : “Medicine, law, and literature : Pierre Georges Cabanis’ Journal de la
maladie et la mort de Mirabeau », Medizinische Schreibweisen, éd. Nicolas Pethes, et Sandra
Pott, « Spectrum Literaturwissenschaft » series, Tübingen, Niemeyer Verlag, 2008,
p. 227-244, où j’analyse ce texte très particulier. Je mets en évidence l’usage que fait
Cabanis du genre théâtral. Il bâtit son récit suivant les règles de la tragédie. Par ailleurs,
dès la fin du mois de mai 1791 (Mirabeau meurt le 2 avril), on représente sur la scène
du Théâtre de Monsieur un drame de Pujoulx Mirabeau sur son lit de mort qui, d’après le
compte rendu qu’en fait L’esprit des journaux (Juillet 1791, p. 287), insiste sur les aspects
tragiques de la mort du tribun. Luigi Cherubini compose, pour cette œuvre, trois chœurs
qui accompagnent la représentation.
Cette lettre inédite de Cerutti, datée du 17 mars 1790, et destinée à Lefebvre (ou Lefèvre)
de la Roche, un autre habitué du Salon de Mme Helvétius, traduit bien cette bienveillance
générale à l’égard de Cabanis dans ce milieu d’hommes politiques et de philosophes
éclairés : « Elle !cette brochure" contient des observations utiles et sages, présentée (sic)
d’une manière naturelle et réfléchie. !…" », BNF, Ms. Français 12763 f. 53 (MF 8238).
INTRODUCTION
23
débat qui agite alors les médecins et ceux en charge de la gestion du
royaume. La question de la réorganisation des hôpitaux s’est imposée
comme un problème majeur dès avant la Révolution, avec l’incendie du
grand hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu en 1772. Elle avait été remise au
premier plan par la création, en décembre 1785, d’une commission des
hôpitaux à l’Académie des sciences1. L’intérêt qu’elle suscite ne s’éteint
pas avec l’agitation révolutionnaire, loin de là et, en ce début d’année
1790, la Constituante se dote d’un Comité de mendicité présidé par La
Rochefoucauld-Liancourt qui a justement en charge l’amélioration des
hôpitaux. Le sujet est si important que le médecin Guillotin obtient
la création d’un Comité concurrent, « de salubrité publique », à la fin
de la même année2.
Mais ce qui rend Observations sur les Hôpitaux remarquable, c’est que
Cabanis fait de la réforme des hôpitaux, réclamée par tous les esprits
éclairés, une question essentiellement politique et morale. Il faut comparer
cet ouvrage avec les idées défendues en 1786 par Dupont de Nemours
dans Idées sur les secours à donner aux pauvres malades dans une grande
ville, ou par le grand chirurgien Tenon dans Mémoires sur les hôpitaux de
Paris en 1788. Il faut le comparer aussi avec les rapports, éminemment
factuels, que rendent les différents comités de la Constituante. Pour
tous ces auteurs il s’agit d’établir un tableau des mauvais fonctionnements comme des initiatives heureuses, voire d’y inclure des réflexions
sur les coûts, et de trouver des moyens de soulager les maux de cette
humanité souffrante et démunie dont les hospices sont le seul refuge.
Comme ses contemporains, Cabanis attaque les institutions trop grandes,
mal gérées, où l’hygiène est inexistante et où les malades s’entassent.
Comme beaucoup, il prend parti pour les petits hospices, plus à même
de lutter contre les infections. Il aborde, surtout, des thèmes qui sont
1
2
Sur cette question, voir en particulier Ferdinand-Dreyfus, Un philanthrope d’autrefois, La
Rochefoucauld Liancourt (1747-1827), Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1903, et plus récemment,
mais sans qu’ils ajoutent beaucoup d’informations nouvelles : Louis S. Greenbaum,
« Jean-Sylvain Bailly, the Baron de Breteuil and the Four new hospitals of Paris », Clio
Medica, vol. 8, 1973, ainsi que du même auteur : « The Commercial Treaty of Humanity.
La tournée des hôpitaux anglais par Jacques Tenon en 1787 », Revue d’histoire des sciences,
t. 24, no 4, 1971, et enfin Pascale Mafarette-Dayries, « L’académie royale des sciences et
les grandes commissions d’enquête et d’expertise à la fin de l’ancien régime », Annales
historiques de la Révolution française, no 320, 2000.
Ferdinand-Dreyfus consacre le chapitre iv de son remarquable Un philanthrope d’autrefois,
La Rochefoucauld Liancourt (1747-1827), op. cit., au travail du Comité.
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CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
absents des textes cités plus haut. Il établit ainsi un lien direct entre
mauvaises lois et inégalités sociales, entre pauvreté et maladie, ce qui
lui permet d’insister sur l’obligation faite au nouveau régime de bien
s’occuper des malades pauvres. Il souligne encore la nécessité de faire
de l’hôpital un lieu de formation pour le jeune médecin, en instituant
l’enseignement au pied du lit du malade aussi bien que les journaux
d’hôpitaux, sur le modèle légué par Hippocrate. Cela est d’autant plus
remarquable que, dans son édition originale, ce texte occupe à peine
quarante pages. Dans le compte-rendu qu’il lui consacre dans le Mercure
de France, Chamfort met clairement en avant l’originalité des idées de
Cabanis sur une question déjà tant de fois abordée :
Également versé dans la médecine et dans plusieurs parties de l’économie
politique, M. Cabanis paraît avoir étudié l’homme sous tous les rapports ; et
les considérations morales auxquelles il ramène tout, par lesquelles il éclaire
ou décide la plupart des questions que présente son sujet, jettent sur cet écrit
un intérêt qu’on n’avait pas droit d’en attendre1.
Autant le signaler tout de suite, pour mieux nous en démarquer :
d’aucuns n’y verront peut-être que les éloges d’un ami, puisque Chamfort
faisait partie, lui aussi, des habitués du Salon d’Auteuil et de « l’Atelier »
de Mirabeau2. Certes, Cabanis est parvenu à s’imposer dans des cercles
plus larges, comme auprès de Mirabeau, par exemple, grâce au soutien
des amis qu’il s’est fait auprès de Mme Helvétius. Mais sans négliger cet
aspect, dont l’importance est indéniable, le compte-rendu de Chamfort
mérite d’autant plus d’être retenu qu’il identifie et souligne l’originalité
de la brochure et qu’il annonce l’œuvre à venir3. Il resitue Observations
sur les hôpitaux dans le contexte des projets de réforme qui se succèdent
depuis 1772, pour mettre en lumière l’apport de Cabanis au débat qui
agite alors la Constituante : non seulement sa défense des petits hospices plus faciles à gérer, mais aussi la manière dont il lie la création de
ces structures aux « progrès de la médecine » et de son enseignement.
1
2
3
Mercure de France, 17 juillet 1790, p. 121-126.
Voir A. Guillois, op. cit., p. 38-39 et p. 76 en particulier, ou encore Sergio Moravia, Il
tramonto dell’Illuminismo : Filosofia e politica nella società francese. (1770-1810), Bari, Laterza,
1986, p. 98-102.
Sergio Moravia semble l’avoir bien perçu en reprenant presque à l’identique, en italien,
le texte de l’article de Chamfort dans le passage où il traite de cet ouvrage de Cabanis,
op. cit., p. 98-102.
INTRODUCTION
25
Chamfort a aussi le grand mérite de présenter Cabanis sous le double
aspect de médecin et de moraliste, versé « dans plusieurs parties de
l’économie politique ». Il est le premier à donner la clé de la réflexion
de Cabanis sur l’avenir de l’institution hospitalière : cette alliance du
savoir médical et du politique. Était-il au courant d’un projet, d’une
ambition intellectuelle qui ne se réalisera que quelques années plus
tard ? Sans plus nous avancer, nous nous bornerons à rappeler qu’il se
trouvait alors presque en permanence à Auteuil1. La formule qu’il utilise
à propos de la vision complexe proposée par son ami est particulièrement
troublante : il « paraît avoir étudié l’homme sous tous les rapports2 », sans
oublier « les considérations morales auxquelles il ramène tout ». Cela
rappelle étonnamment l’expression que Cabanis utilise, sept ans plus
tard, dans le premier mémoire lu à l’Institut, et qu’il reprendra en 1802
pour donner un titre à son ouvrage le plus ambitieux qui est, comme
nous l’avons déjà signalé, Rapports du physique et du moral de l’homme.
L’intérêt suscité par ce texte et le respect dont il est visiblement entouré
mènent Cabanis à siéger, auprès d’Auguste Thouret, à la Commission
des Hôpitaux de Paris, à partir de 1791 et jusqu’en 17933. Comme le
montrent les comptes rendus des séances, Cabanis s’y est montré très
actif et a élaboré nombre de rapports sur l’état des hôpitaux qu’il a visités
dans le cadre de ses fonctions4. Avec la chute des Girondins s’ouvre une
période troublée pour les membres du Salon d’Auteuil. Cela explique
le délai de dix ans avant la publication de Quelques principes et quelques
vues sur les secours publics, ouvrage où il fait le bilan de son expérience à
la Commission.
Cabanis ne publie rien entre 1791 et la fin de 1795, date à laquelle
il fait paraître sa Note sur l’opinion de Mr. Œlsner et Soemmering, et du
citoyen Sue, touchant le supplice de la guillotine5. Pendant la Terreur, il vit
le plus discrètement à Auteuil, essayant d’aider ceux de ses amis qui se
1
2
3
4
5
Voir A. Guillois, op. cit., p. 39.
Je souligne.
Les comptes rendus des séances se trouvent aux Archives de l’Assistance Publique-Hôpitaux
de Paris.
Cf. note précédente.
Ce texte a naturellement attiré l’attention de nombreux commentateurs. Citons l’article
du médecin Jacques Chazaud « Cabanis devant la guillotine » in Histoire des Sciences
Médicales, 1er trimestre 1998, vol. 32, no 1, p. 69-73, et l’édition de Yannick Beaubatie
avec des illustrations d’Henri Cueco, Note sur le supplice de la guillotine, Périgueux, éditions
Fanlac, 2002.
26
CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
retrouvent proscrits, recherchés ou sous les verrous1. Le plus important
d’entre eux, pour Cabanis, est probablement Condorcet, dont il est devenu
très proche et dont il épousera plus tard la belle-sœur, Charlotte de
Grouchy. Cabanis lui trouve un asile à Paris, et c’est lui aussi qui fournit
le poison avec lequel Condorcet mettra fin à ses jours2. Dans un discours
qu’il prononce quelques années plus tard aux Cinq-Cents « En offrant
au conseil, un ouvrage posthume de Condorcet, sur l’arithmétique3 »,
il rend hommage à son ami disparu.
La chute de Robespierre signifie, pour les familiers d’Auteuil, un
retour au pouvoir. Pendant la Terreur, Sieyès avait été pour ainsi dire
le seul à avoir échappé au danger. Tout en siégeant à la Convention il
avait su, lui aussi, se rendre discret4. Après Thermidor, il se borne à
reprendre la parole dans les assemblées pour retrouver son ancienne
influence. Mais d’autres, comme Ginguené, Garat ou Daunou accèdent
encore une fois à des responsabilités de gouvernement. Parmi les actions
de ce groupe destinées à avoir une grande répercussion, il faut retenir la
création de l’École normale de l’an III, malgré son échec, puisqu’elle a
du fermer au bout de quelques semaines. Les idées brassées autour de cet
événement et les enjeux politiques y attenant ont joué, indirectement,
un rôle majeur dans l’élaboration de l’œuvre philosophique de Cabanis.
Les débats qui ont amené, par le décret du 9 brumaire an III
(30 octobre 1794), à la création de l’École normale ont été retracés et
analysés de façon remarquable par Paul Dupuis, à la fin du xixe siècle5.
Il rappelle que Sieyès et Daunou avaient présenté, en 1793, un projet
1
2
3
4
5
Ce fut en effet le cas pour Volney, Chamfort, Daunou, Malesherbes, La Roche, Destutt
de Tracy… D’autres, comme Sieyès, ne seront pas inquiétés.
Cet épisode, bien connu, est raconté de façon détaillée par A. Guillois. op. cit., p. 92-100.
Séance du 26 vendémiaire an VII !17 octobre 1798".
On ne se lasse pas de répéter sa célèbre réponse à la question « qu’avez-vous fait pendant
la Terreur ? » : « J’ai vécu », rapportée par Minguet dans sa « Notice historique sur la vie
et les travaux de M. le comte Sieyès », Notices et mémoires historiques, Paris, Paulin, 1845,
t. 1, p. 15.
L’érudition et la finesse d’analyse de Paul Dupuis font que son étude « L’école normale de
l’an III », publiée dans Centenaire de l’École normale (1795-1895), Paris, Hachette, 1895,
reste incontournable cent vingt ans après sa publication. On pourra aussi consulter : Pierre
Macherey, « L’Idéologie avant l’Idéologie : l’École normale de l’an III », in L’institution de la
raison. La révolution culturelle des Idéologues, éd. François Azouvi, Paris, EHESS-Vrin, 1992,
41-49 ; ainsi que : Dominique Julia, « L’École normale de l’an III et “l’art d’enseigner” : les
séances de débats », La Révolution française, Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution
française !En ligne", 4, 2013.
INTRODUCTION
27
de réforme de l’Instruction publique, alors que Garat était Ministre
de l’Intérieur. Quinze mois plus tard, celui-ci reprend les mêmes idées
pour la création de l’École normale. Celle-ci avait été conçue pour former les maîtres, mais Garat glisse vers un projet nettement plus ambitieux, un établissement qui rassemble les meilleurs spécialistes autour
d’une philosophie commune : l’analyse telle qu’elle avait été définie
par Condillac. Un contenu politique déterminant y préside, sur lequel
il faut s’arrêter. Pour Garat, Paul Dupuis le souligne, cette École doit
contribuer à « finir » la Révolution, c’est-à-dire parachever, au moyen
de la meilleure éducation, l’œuvre entreprise en 1789. Garat est on ne
peut plus clair dans le discours qu’il rédige pour Lakanal :
L’analyse doit !…" devenir l’organe universel de toutes les connaissances
humaines !…" l’analyse appliquée à tous les genres d’idées, dans toutes les
écoles, détruira l’inégalité des lumières, plus fatale encore et plus humiliante
!que l’inégalité des richesses". L’analyse est donc essentiellement un instrument
indispensable dans une grande démocratie1.
On a l’habitude de faire de l’École de l’an III un lieu d’expression
de l’Idéologie, entièrement tenu par les futurs partisans de Destutt de
Tracy (tout à coup très nombreux). Il faut bien constater, cependant,
que dans la douzaine de professeurs, mis à part Garat, le seul autre
habitué d’Auteuil associé au projet est Volney, chargé des leçons sur
l’histoire. Dans son souci d’étendre l’analyse à toutes les disciplines,
Garat, en tant que commissaire à l’Instruction publique, avait chargé
Cabanis de s’occuper de l’application de l’analyse à la médecine. Ce
dernier en tirera un ouvrage, publié seulement en 1804, Coup d’œil
sur les révolutions et la réforme de la médecine. La préface peut induire en
erreur, car elle peut faire penser que Garat avait demandé à Cabanis
d’assurer un cours à l’École normale. Certains l’ont cru2, mais les faits
montrent qu’il lui a plutôt demandé de rédiger un livre destiné à la
formation des futurs médecins.
1
2
Sur l’histoire de ce texte, et comment Lakanal pendant un temps s’en est arrogé la paternité, voir Procès Verbaux du Comité d’Instruction Publique, Paris, Imprimerie nationale, 1894,
t. 5, Introd., p. xix, n. 1, et Paul Dupuis, Centenaire de l’École normale (1795-1895), op. cit.,
ch. iii.
A. Guillois est le premier à suggérer que Cabanis aurait été en charge d’un cours sur
l’hygiène. D’autres, en lisant un peu vite la préface de Coup d’œil, parleront d’histoire de
la médecine.
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CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
L’IDÉOLOGIE, LA MÉDECINE, L’ANTHROPOLOGIE
C’est ainsi que Cabanis présente à l’Institut en pluviôse an IV son
premier mémoire, intitulé Considérations générales sur l’étude de l’homme,
et sur les rapports de son organisation physique avec ses facultés intellectuelles et
morales. Deux autres mémoires suivront assez rapidement, Histoire physiologique des sensations le 7 thermidor (25 juillet 1796) et la Suite de l’histoire
physiologique des sensations dès le 7 fructidor (24 août 1796). Dans ces textes,
destinés à devenir les trois premières parties de Rapports du physique et
du moral de l’homme, Cabanis présente son projet philosophique. Il suit
le chemin tracé par les empiristes anglais et leurs successeurs français
et trace une généalogie de sa démarche, qui va d’Hippocrate et Aristote
jusqu’à Locke et Condillac, sans oublier Bacon, Hobbes et Helvétius.
Il paraît donc emboîter le pas à Garat qui, dans le Discours préliminaire1
du projet d’établissement des écoles normales, fait de Bacon et de Locke
les pères de l’analyse. Il affirme à plusieurs reprises son admiration pour
Condillac et il indique clairement que sa démarche s’appuie sur la vérité
première de l’empirisme, à savoir que les sensations se trouvent à l’origine
de toutes nos connaissances. Pour Cabanis, l’Institut doit appliquer les
règles de l’analyse à l’ensemble des connaissances humaines. Il en ressort
un but politique, objet du présent ouvrage : « l’affranchissement du
genre humain ». En cela aussi, il coïncide avec Garat.
On trouve chez Cabanis des ambitions nouvelles et grandes. D’une
part, il défend l’analyse non seulement comme méthode démocratique,
mais aussi comme seul mode de s’élever à des vérités certaines dans la
morale et la métaphysique, marquées jusqu’alors par des querelles vaines
qui n’engendrent qu’opinions et incertitudes. D’autre part, comme le
suggère la place accordée à Hippocrate dans l’histoire de l’empirisme,
Cabanis entend intégrer la médecine à l’analyse. Il s’agit en effet pour
lui de repenser nos moyens d’acquisition des connaissances à partir
des données de la physiologie, pour déterminer ce que l’on pourrait
appeler l’étendue de notre puissance sur le monde. Conscient de ce que
1
Réimpression de l’Ancien Moniteur depuis la réunion des États-Généraux jusqu’au Consulat (Mai
1789 – Novembre 1799), Paris, Au bureau central, 1842, t. 22, p. 348.
INTRODUCTION
29
sa proposition peut avoir de surprenant pour ses collègues, il use d’un
subterfuge rhétorique assez simple pour les persuader qu’ils adhérent
depuis longtemps à cette vue :
Dans la classification des différentes parties de la science, l’Institut offre
avec raison à côté les unes des autres, et sous un titre générique, celles qui
s’occupent spécialement d’objets de philosophie et de morale. Mais il est aisé
de sentir que la connaissance physique de l’homme en est la base commune ;
et que c’est le point d’où elles doivent toutes partir pour ne pas élever un
vain échafaudage étranger aux lois éternelles de la nature. !…" L’Institut
national semble avoir voulu consacrer en quelque sorte cette vérité d’une
manière plus particulière, en appelant des physiologistes dans la section de
l’analyse des idées !…"1.
C’est dans cette association du savoir médical, de l’analyse et d’un
projet politique que réside, évidemment, la très grande originalité
de Cabanis. Loin de développer des évidences, comme il fait semblant de le croire dans ce passage, il s’est efforcé de penser dans leur
ensemble les conséquences d’un choix philosophique radical. Comme
on le verra dans la suite de ce livre, il a puisé à de nombreuses traditions. On peut ainsi dire que, reprenant nombre de conceptions de
la médecine vitaliste de Bordeu, par exemple, il est proche d’autres
médecins contemporains. Ou bien encore souligner qu’il est fidèle à la
mécanique newtonienne comme tous les savants de son temps. Mais
l’étude de ces ressemblances révèle surtout, comme on pourra s’en
rendre compte, à quel point Cabanis occupe une place à part et dans
l’histoire de la médecine et dans celle de la philosophie. Le réduire à
la simple figure d’un médecin politique, soucieux de réformes, c’est
donc escamoter des aspects essentiels de sa personnalité et de son
œuvre. C’est pourquoi dans ce livre, j’ai tenu à analyser l’ensemble
des composantes de son œuvre.
Alors qu’il ne tarit pas d’éloges pour « la raison lumineuse et la
méthode parfaite de Condillac2 », Cabanis marque cependant ses distances, dès le premier mémoire. Condillac, fait-il remarquer, a « manqué de connaissances physiologiques » et a commis, ainsi, une erreur
importante :
1
2
Mémoires de l’Institut National des Sciences et des Arts, Sciences morales et politiques, Paris,
Baudoin, t. I, p. 40-41.
P. J. G. Cabanis, op. cit., p. 63.
30
CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
!ayant mieux connu l’économie animale" n’aurait-il pas senti que l’âme, telle
qu’il l’envisage, est une faculté, mais non pas un être ; et que, si c’est un
être, à ce titre elle ne saurait avoir plusieurs des qualités qu’il lui attribue1 ?
Cabanis met en cause un des points essentiels de la théorie de la
connaissance de Condillac : « L’homme n’est rien qu’autant qu’il a
acquis2. » Il ne critique évidemment pas l’idée que nos connaissances
dérivent de nos sensations, mais en revanche, il n’accepte pas que la
sensibilité soit réduite à une faculté. Pour Condillac, en effet, les facultés
de l’âme sont « toutes les facultés qui sont enveloppées dans la faculté
de penser3 ». L’âme et la faculté de sentir ne sont alors qu’une seule et
même chose. Une faculté, ou une qualité comme dit ailleurs Condillac4,
n’a aucune réalité matérielle, et c’est cela que Cabanis va contester.
Dès le premier mémoire, il affirme avec force un matérialisme radical,
dont certaines des formules sont bien connues : « le moral n’est que le
physique » ou encore « le cerveau !…" fait organiquement la sécrétion
de la pensée. » L’identité entre le physique et le moral qu’il postule
constitue une nouveauté absolue, en franche opposition avec ce que la
tradition philosophique et médicale considérait comme établi. Pour la
postérité, Cabanis a été et demeure le fondateur de la psycho-physiologie. Quarante ans après sa mort, les nouveaux éditeurs des Rapports
du physique et du moral de l’homme, le médecin Laurent Cerise en 1843
et l’érudit Louis Peisse en 1844, se réfèrent tous les deux à « ce livre
célèbre » qui a marqué la naissance d’une doctrine nouvelle5.
Sans renoncer au schéma hérité du mécanisme, qui s’impose encore
avec force dans la médecine de l’époque, Cabanis réussit à l’infléchir dans
une perspective clairement newtonienne6. Ceci lui permet de proposer
1
2
3
4
5
6
Ibid., p. 77.
Condillac, Étienne Bonnot de, Œuvres complètes de Condillac, Paris, Lecointe et Durey,
1821-1822, t. 3, p. 309. C’est le titre du dernier paragraphe du Traité des sensations (4e
partie, ch. ix, § 3).
Condillac, Étienne Bonnot de, De la logique, Œuvres complètes de Condillac, op. cit., t. 15,
p. 362.
Condillac, Étienne Bonnot de, Traité des animaux, Œuvres complètes, op. cit., t. 3, p. 421 :
« !…" comment le goût, qui n’est que l’art de bien voir, de bien entendre, etc., ne serait-il
pas une qualité acquise ? »
P. J. G. Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, édition du Dr Cerise, Paris,
Fortin, Masson et Cie, 1843, Introd., p. xi ; et l’édition de L. Peisse, Paris, J.-B. Baillière,
1844, Notice historique et philosophique, p. viii.
Cf. infra, p. 60 sqq.
INTRODUCTION
31
une conception matérialiste de la sensibilité, qu’il compare à un fluide.
Cabanis combine la notion d’organisation, à laquelle le montpelliérain
Bordeu accordait la première place, avec l’idée d’un principe vital (nié
par Bordeu), faisant ainsi de l’interdépendance des organes un élément
essentiel de sa conception de l’homme. Il rejoint même, par ce biais,
certains médecins dits mécanistes des époques précédentes. Sa démarche
permet de comprendre la complexité des imaginaires médicaux, et
montre que la frontière entre mécanisme et vitalisme est moins rigoureuse qu’on ne l’a souvent avancé. Elle jette aussi une lumière nouvelle
sur l’importance de la mécanique newtonienne dans la médecine du
dix-huitième siècle. Le caractère matérialiste du vitalisme de Cabanis
devient ainsi évident, alors que s’éclaire sa conception de la sensibilité.
L’image qui associe cette dernière à un fluide est riche en conséquences
épistémologiques. Elle permet à Cabanis d’affirmer l’existence d’une
sensibilité sans sensation, ce qui constitue une démarche encore inédite.
La vie intérieure devient ainsi l’objet d’un regard tout à fait nouveau,
où l’influence des circonstances se combine de manière systématique
avec le fonctionnement interne des organes et du système nerveux. Sa
conception du pathologique aboutit nécessairement à une nouvelle
approche des affections de l’esprit et à un autre regard sur la place du
fou dans la société. Dès lors que la sensibilité devient un fluide, dont
la répartition harmonieuse ou déséquilibrée régit la vie intérieure,
Cabanis peut proposer une étiologie de la folie à partir de la notion
d’engorgement. Ce n’est pas notre objet d’examiner ici la postérité de
Cabanis, mais il convient de souligner que son approche des troubles de
l’esprit a clairement influencé les travaux de Freud, près d’un siècle plus
tard. Le premier texte de celui-ci, resté inédit de son vivant, Esquisse d’une
psychologie scientifique1, trouve sa source dans la démarche inaugurée par
Cabanis dans les Rapports du physique et du moral. Cabanis est d’ailleurs
nommément cité dans les Études sur l’hystérie de Freud et Breuer2.
Dans les douze mémoires qui forment les Rapports, Cabanis se
propose de réexaminer, à la lumière de sa physiologie matérialiste,
1
2
Cet ouvrage, dont le titre original est Entwurf einer Psychologie, fut rédigé en 1895-1896.
Resté inachevé, il ne sera connu et publié qu’après la mort de Freud. La première édition
allemande date de 1950.
J’ai déjà signalé cette présence riche de conséquences dans « La mélancolie entre le cerveau
et les circonstances. Cabanis et la nouvelle science de l’homme », Gesnerus Swiss Journal
of the History of Medicine and Sciences, vol. 63, 2006, p. 113-126.
32
CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
l’ensemble des connaissances médicales. Il annonce à ses collègues qu’il
s’agit ainsi d’élaborer « la science de l’homme1 », ou comme il l’écrit
à partir de 1802, « ce que les Allemands appellent l’Anthropologie2 ».
L’utilisation que Cabanis fait de ces expressions peut surprendre, car,
comme il l’a fait pour l’analyse, il s’empare d’une discipline qui est
aussi une méthode, pour la transformer à partir du premier principe qui
doit, d’après lui, guider tout raisonnement : le physique est le moral3.
Pour Cabanis, étudier l’homme, sain ou malade, c’est comprendre de
quelle manière se forment ses idées et ses penchants et jusqu’à quel
point l’environnement, les conditions de vie influent sur eux. Il reprend
ainsi la perspective hippocratique toujours attentive aux circonstances.
Comme je l’ai signalé ailleurs, pour lui, « la connaissance du physique
donne les règles de fonctionnement de l’intelligence et les lois de la
morale4 ». Il n’est pas difficile de percevoir la portée d’une telle prise
de position.
Les similitudes entre ce programme et celui que présente, quelques
semaines plus tard, Destutt de Tracy sont frappantes. Fin avril 1796,
Destutt lit à l’Institut une série de mémoires et propose le néologisme
Idéologie pour désigner l’analyse de la faculté de pensée ou science des
idées5. Des quatre mémoires initiaux, il nous reste le bref compte rendu
fait par Talleyrand concernant les deux premiers, et le texte publié par
Destutt, dix-huit mois plus tard, sous le titre Mémoire sur la faculté de
penser. Comme Garat, comme Cabanis, Destutt se place dans la continuité
de Locke et de Condillac qui, dit-il, ont admirablement démontré « que
les perceptions de notre sensibilité, c’est-à-dire nos sensations, sont la
source de toutes nos idées6. » Dans le Mémoire sur la faculté de penser,
Destutt donne de nombreuses définitions de l’Idéologie. La plus précise
se trouve au tout début du texte :
1
2
3
4
5
6
P. J. G. Cabanis, Rapports, op. cit., p. 62.
Ibid.
Pour un traitement plus détaillé de cette question voir mon article : « La médecine
constitutive de la nouvelle science de l’homme : Cabanis », Annales historiques de la
Révolution française, 2000, 320, p. 55-64.
Ibid. p. 60.
Voir A. L. C. Destutt de Tracy, « Mémoire sur la faculté de penser », Mémoires de l’Institut
national des sciences et des arts, pour l’an IV de la République, tome premier, Baudouin, thermidor
an VI, !juillet-août 1798", p. 324.
Ibid., p. 289.
INTRODUCTION
33
!…" l’examen de la manière dont nous les percevons !les sensations ou idées" et
les combinons, peut seul nous apprendre en quoi consiste notre connaissance,
sur quoi elle s’étend, quelles en sont les limites, et quelle méthode nous devons
suivre dans la recherche des vérités de tout genre1.
Destutt souligne que son œuvre commence là où celle de Condillac
s’arrête. Il renoue avec la philosophie et la physique épicuriennes. Alors
que l’empirisme ou le sensualisme de Condillac s’accompagne toujours d’un refus du matérialisme, Destutt prend clairement parti pour
celui-ci2. Par ailleurs, il entend élaborer un savoir aussi exact que la
science mathématique3 dont l’objet est non plus les nombres mais « la
génération de nos idées ». Il est particulièrement attaché à la méthode
des mathématiciens qui leur permet d’avancer, tous ensemble, de certitude en certitude. On voit qu’il partage avec Cabanis un même souci
de soustraire les sciences morales et la philosophie aux controverses
sans fin. Tous les deux cherchent à asseoir les conditions de réalisation
du but que la Révolution s’est fixé dans les Déclarations des Droits de
l’Homme de 1789, 1793, c’est-à-dire le bonheur :
!…" et puisque l’unique but de tous nos travaux est la solution de cet immense
problème, les facultés d’une espèce d’êtres animés étant connues, trouver tous
les moyens de bonheur dont ces êtres sont susceptibles, examinons d’abord
soigneusement les données du problème, et tirons-en ensuite des conséquences
rigoureuses, sans sauter aucun intermédiaire4.
Les deux amis se proposent donc de reprendre Condillac d’un point
de vue strictement matérialiste et, partageant les mêmes références, lient
leur recherche à un même idéal politique. Ils ne vont cependant pas s’y
prendre de la même manière. Destutt de Tracy se propose avant tout
d’étudier les opérations de l’intelligence, c’est-à-dire la façon dont nos
idées se composent entre elles. Cabanis, nous l’avons vu, s’interroge sur les
fonctions de la pensée à partir des données de la physiologie. Dès 1796,
Destutt signale cette différence à l’intérieur d’une démarche commune :
1
2
3
4
Ibid., p. 286.
Pour une analyse plus détaillée de cette question, voir mon article : « Cabanis, Destutt
de Tracy, Volney : science de l’homme et épicurisme », Dix-huitième Siècle, 2003, 35,
L’Épicurisme des Lumières, dir. Pierre-François Moreau et Anne Deneys-Tunney.
A. L. C. Destutt de Tracy, « Mémoire sur la faculté de penser », op. cit., p 288 par exemple.
Ibid., p. 288 ; je souligne.
34
CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
Il y a encore de belles recherches à faire sur les effets intérieurs de la sensibilité,
sous le rapport physiologique : le citoyen Cabanis s’en est occupé avec succès.
Mais ce n’est pas sous ce point de vue que nous la considérons en ce moment1.
Plus tard, il va affirmer avec plus de force encore ce lien étroit entre
leurs deux œuvres. En 1805, arrivé à un premier terme de son projet
de publication des Éléments d’Idéologie, il dédie le tome I de sa Logique
à Cabanis :
!…" le succès que j’ambitionne le plus, c’est que mon ouvrage puisse être
regardé comme une conséquence du vôtre, et que vous-même n’y voyiez
qu’un corollaire des principes que vous avez exposés. Un pareil résultat serait
extrêmement avantageux non seulement pour moi, mais pour la science ellemême, qui dès-lors se trouverait replacée sur ses véritables bases : car si je
mérite cet éloge, l’intention de Locke est remplie ; !…" l’histoire détaillée de
notre intelligence est enfin une proportion et une dépendance de la physique
humaine2.
Ainsi, fondateur de la psycho-physiologie pour les médecins, Cabanis
occupe également une place centrale dans la constitution de la science
idéologique. Comme Destutt, et plus encore que lui, il essaiera de
mettre en pratique ses convictions et jouera un rôle politique actif
sous le Directoire. Alors que Tracy, ancien député de la noblesse aux
États Généraux, va surtout s’efforcer, à partir de 1799, d’influencer les
réformes éducatives au Conseil de l’Instruction Publique, Cabanis est
élu, en 1798, député de la Seine au Conseil des Cinq-Cents3. Il y présentera de nombreux projets de réforme, « sur la nécessité de réunir en
un seul système commun, la législation des prisons et celle des secours
publics4 », sur la police médicale5, ou encore sur les écoles de médecine6.
Mais de son activité politique, c’est sûrement son appui à Bonaparte
lors du coup d’État du 19 brumaire que la postérité semble avoir retenu.
Proche de Sieyès, habitué d’Auteuil de longue date, ainsi que de Joseph
Bonaparte, il prendra une part très importante à cet évènement. C’est
lui qui rédige l’Adresse au peuple français, pour rallier la population
1
2
3
4
5
6
A. L. C. Destutt de Tracy, « Mémoire sur la faculté de penser », op. cit., p. 289, n. 1.
A. L. C. Destutt de Tracy, Éléments d’Idéologie, « La logique », Paris, 1805, p. viij.
Il est d’ailleurs réélu l’année suivante, 1er Prairial an VII (20 mai 1799).
Séance du 7 messidor an 6.
Séance du 4 messidor an 6.
Séance du 29 brumaire an 7.
INTRODUCTION
35
au nouveau régime. Son enthousiasme sera cependant de courte durée.
Il lui faudra reconnaître assez vite que le « Sauveur » de la République
n’a pas rempli le programme qu’on attendait de lui.
LIRE CABANIS
L’œuvre et la pensée de Cabanis ont gardé une certaine présence
dans l’histoire de la médecine ; on ne peut donc pas dire qu’elles soient
entièrement tombées dans l’oubli. Les rééditions de son œuvre aux
dix-neuvième et vingtième siècles, les références assez régulières aux
Idéologues, à l’Idéologie et plus précisément à Cabanis dans divers travaux
le montrent aisément. Ces études restent pourtant toujours partielles :
souvent contenues dans les limites d’un article isolé, elles n’abordent
qu’un aspect de l’œuvre, ou bien elles privilégient le biographique.
Suivant une tradition qui leur est propre, des médecins ont consacré des
ouvrages à la vie de Cabanis1. L’anthologie, plus rare, a également semblé
une manière intéressante de faire connaître des textes moins célèbres
que les Rapports2. En 1980, le canadien Martin Staum3 a consacré un
livre à Cabanis, intitulé Cabanis, Enlightenment and Medical Philosophy in
the French Revolution. Il a choisi de façon très originale de traiter de la
périphérie de l’œuvre ; il étudie les textes de la fin du xviiie siècle qui
entrent en résonnance avec les idées défendues par Cabanis et les groupes
avec lesquels il était en contact. Il s’agit d’une approche essentiellement
historique : M. Staum décrit la situation de la science médicale et celle
du débat philosophique en France entre 1788 et 1808, date de la mort de
Cabanis. Après s’être intéressé à sa formation intellectuelle, il rapporte
1
2
3
Tout dernièrement, le Pr. Pouliquen a publié Cabanis, un Idéologue de Mirabeau à Bonaparte,
Paris, Odile Jacob, 2013, faisant suite au livre du Dr Role, Georges Cabanis, le médecin de
Brumaire, Paris, F. Lanore, 1994, lequel faisait suite aux travaux du Dr C. Antoine Pierson
(1946), du Dr Helot (1938), du Dr Barbillon (1926), et du Dr Labrousse (1903). Pour une
liste complète de ces ouvrages, se reporter à la bibliographie générale.
G. Poyer, G. Cabanis, Paris, Louis Michaud, 1930 ; et plus récemment M. Gaille, Anthropologie
médicale et pensée politique : Cabanis, Paris, CNRS, 2013.
Martin Staum, Cabanis, Enlightenment and Medical Philosophy in the French Revolution,
Princeton, Princeton University Press, 1980.
36
CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
fidèlement les opinions de ce dernier sur les différents points qui lui
semblent caractéristiques de la pensée révolutionnaire, en signalant
leurs filiations. Cette méthode, intéressante en elle-même, l’a pourtant
empêché de percevoir l’originalité des prises de position de Cabanis. Il a
vite fait de l’enfermer dans le groupe des néo-conservateurs, confondant
désir de « finir » la Révolution, c’est-à-dire la faire aboutir, avec la volonté
d’en finir avec elle. Dans la même période, l’historien Daniel Teysseire,
spécialiste reconnu de l’œuvre de Cabanis, a appliqué les tout nouveaux
programmes d’analyse textuelle par ordinateur aux Rapports et a consacré
une étude à la notion de vie1. Cette tentative originale ne s’est cependant
pas poursuivie et n’a connu, malheureusement, qu’une diffusion limitée.
Mon livre entend rendre compte de l’œuvre de Cabanis dans toute sa
complexité et mettre en lumière la cohérence de son propos. Je m’y suis
efforcée en combinant l’analyse philosophique, la recherche historique et
l’attention portée à l’évolution des idées et des pratiques médicales. Seule
cette approche multiple permet de saisir, entre autres, comment une
proposition qui peut sembler un lieu commun de l’époque est transformée par Cabanis en une idée originale, à la lumière d’un événement ou
à l’intérieur d’un débat philosophique particulier. Elle seule permettait
de comprendre la nature de son œuvre et la portée de son ambition.
On retrouvera ici les analyses défendues dans la thèse de doctorat que
j’ai consacrée à Cabanis il y a maintenant de nombreuses années2. Les
recherches que j’ai depuis menées m’ont confirmée dans ma conviction
que son œuvre éclaire d’une façon toute nouvelle les liens entre, d’une
part, les idéaux de progrès et d’égalité de la Révolution française et,
d’autre part, la pensée matérialiste. Il ne s’agit pas de dire seulement
que chez Cabanis médecine et politique se rejoignent, ce que lui-même
proclame dès la lecture de son premier mémoire à l’Institut, mais de
montrer, dans le détail, comment un certain idéal politique s’appuie
sur une doctrine médicale et une anthropologie bien particulières. C’est
sur sa conception de l’homme en tant qu’être sensible qu’il fonde l’idéal
démocratique, capable d’accorder au citoyen la place centrale dans une
société juste et équilibrée. Médecin, admirateur de l’École de Montpellier
1
2
Daniel Teysseire, De la vie dans « Les Rapports du physique et du moral de l’homme » de Cabanis,
Saint-Cloud, École normale supérieure de Saint-Cloud, 1982.
Santé et Maladie dans l’œuvre de P. J. G. Cabanis, thèse de Philosophie, Paris 1 PanthéonSorbonne, mars 1997.
INTRODUCTION
37
dans sa diversité, de Bordeu à Barthez, Cabanis élabore une conception
de la sensibilité et une forme de vitalisme qui lui sont propres. Elles lui
permettent de bâtir son idéal de société harmonieuse qui doit assurer
le bien-être, c’est-à-dire la santé physique et morale. Surgit ainsi le lien
intrinsèque entre les deux projets révolutionnaires d’instruction et de
santé publiques, mis en place dès l’Assemblée constituante de 1789. Il
fallait les associer étroitement pour sauvegarder le lien social, toujours
menacé de rupture. Cette approche permet de mieux comprendre la
structure du programme démocratique alors élaboré ayant pour but
l’amélioration de la condition humaine.
De plus, en affirmant l’existence d’une « sensibilité sans sensation »,
Cabanis transforme l’analyse empiriste d’une manière inédite tout en
se maintenant dans le cadre d’un matérialisme strict. Héritier d’une
médecine qui fait de la douleur, d’une sensation donc, le symptôme qui
révèle la maladie, il est amené à réviser entièrement le rôle du médecin.
De façon remarquable, il s’appuie sur la philosophie du langage élaborée
par Locke et Condillac pour établir une nouvelle théorie du signe pathologique et faire du médecin l’interprète du mal dont souffre son patient.
Cabanis a ainsi ouvert le champ à tout un renouveau du savoir médical
qui a pu aborder la relation entre symptôme et pathologie autrement,
en suivant les liens complexes qu’il étudie tout particulièrement dans
la dernière partie des Rapports.
Un des objets de ce livre est de montrer que l’Idéologie ne constitue
pas un simple héritage des Lumières, dont elle aurait marqué la fin.
Elle est bien cette pensée issue d’un moment absolument nouveau dans
l’histoire de l’humanité et d’une démarche philosophique radicalement
originale ; elle est surtout un programme pour les générations à venir.
Choisir de se consacrer à l’étude d’un tel auteur n’est possible que
si l’on a l’ambition d’être utile. Ce livre est destiné non seulement aux
spécialistes, mais aussi à toute personne intéressée à l’histoire de notre
modernité. Je souhaite qu’il soit, pour eux, l’occasion d’aborder enfin
une œuvre dont tant d’aspects étaient restés dans l’ombre.
L’idée de ce livre m’a été suggérée par Josiane Boulad-Ayoub qui m’avait
proposé, en 2002, de publier ma thèse sur Cabanis. Ma reconnaissance va également, pour leur aide et leurs encouragements, à Colin Jones et Ann Thomson.
TABLE DES MATIÈRES
préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
introduction
Idéologie, médecine, anthropologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Cabanis avant l’Idéologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
L’Idéologie, la médecine, l’anthropologie . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Lire Cabanis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
l’excès et le manque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Un travail d’interprète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
La sensibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Principe vital, irritabilité, sensations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
La sensibilité et le « fluide » : Cabanis et Mesmer . . . . . . . . . 58
Les circonstances et la loi de l’action-réaction
Crise, maladie, santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
la maladie est un langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
« Lire » le moral et le physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Le médecin et la lecture des signes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Cabanis et la clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
La médecine, œuvre de linguiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
Anthropologie linguistique et anthropologie médicale . . . . . . 101
Le rôle de l’intuition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
une logique médicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Causalité, probabilité, analogie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
308
CABANIS, COMPRENDRE L’HOMME POUR CHANGER LE MONDE
Le milieu, les circonstances, le climat . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Une géographie médicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Anatomie et pathologie : le cerveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
la place du fou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
« Les organes du sentiment »
Un regard physiologique sur la folie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
Sexualité I : les climats et la folie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
Sexualité II : la femme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
La femme, le génie, la mélancolie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
Autonomie et activité du cerveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
La société et la folie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
médecine et politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
Le rôle politique du médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
L’homme politique, médecin hippocratique . . . . . . . . . . . . . . 207
Le corps de la Nation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
La sensibilité du Corps social . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
Organisme et organisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Santé de la Nation et bonheur du Peuple . . . . . . . . . . . . . . . 227
Médecine, politique et « bonne éducation publique » . . . . . . . 233
la perfectibilité infinie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
La perfectibilité physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Les progrès dans la médecine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
La perfectibilité morale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
Une hygiène moderne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
Les effets du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
Le lien social . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
conclusion
Cabanis et les Droits de l’Homme,
Égalité des droits, Égalité des moyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271
TABLE DES MATIÈRES
309
bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
index nominum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
index rerum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301

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