Les Inrocks - Association des Cinémas du Centre

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La Colline
aux coquelicots
de Goro Miyazaki
V
Une chronique sentimentale élégiaque du fils Miyazaki,
qui s’émancipe de l’influence paternelle.
enu tardivement à la
réalisation, Goro Miyazaki,
fils du grand Hayao Miyazaki,
affirme graduellement sa
singularité esthétique. Certes,
le paternel est crédité du
scénario et de “l’organisation” (sic) du film.
Certes, le fils ne dévie pas de la ligne claire
du studio Ghibli familial mais il y a eu
un glissement. Tous les films d’Hayao
sont des contes ; le premier film de Goro,
Les Contes de Terremer, ne dérogeait pas à
la règle. Dans son deuxième long métrage,
plus une once de fantastique : c’est une
chronique socio-historico-sentimentale.
Tiré d’une BD des années 60, le film
amorce une révolution souterraine chez
Ghibli. Jusque-là, que ce soit chez Miyazaki
ou chez son associé Takahata, la dimension
sentimentale – extrafamiliale – était zappée
(hormis dans le très platonique Porco
Rosso). Comme chez Tintin et Astérix,
le monde restait asexué. Ça a commencé
à bouger avec la précédente production
Ghibli, Arrietty d’Hiromasa Yonebayashi, déjà
chapeautée par Hayao Miyazaki. Cependant
l’amour y restait un idéal impossible.
Dans La Colline aux coquelicots, on est
encore très loin de l’orgie sadienne, ou
même du simple baiser, mais Goro Miyazaki
amorce une relation amoureuse entre
lycéens qui change complètement la donne.
D’autre part, le film décrit une période
charnière de la société nipponne,
les années 60, et les bouleversements
sociaux qui les marquèrent, au Japon
comme ailleurs. Le film est situé
dans un quartier précis de Yokohama,
entre la colline (aux coquelicots)
où vit Umi, la jeune héroïne, et son lycée
où elle fréquente Shun, jeune activiste
qui milite contre le modernisme aveugle
(c’est la touche Miyazaki). Conception
proche d’Ozu, corroborée par le rituel
familier et domestique des repas
(le poisson qu’il faut acheter, le riz chaud
et les œufs au plat, etc.), préparés par
la jeune héroïne dans la pension de famille
où elle vit avec sa mère et ses sœurs.
Comme chez Ozu, le plaisir simple
(“le goût du saké”) est transcendé par
l’élégie, ici le souvenir du père, marin
disparu pendant la guerre, en mémoire
duquel Umi hisse chaque jour des
pavillons sur un mât visible par les navires
sillonnant la baie. Dispositif qui ressemble
beaucoup à celui de Ponyo sur la falaise
(dernière réalisation de Miyazaki père),
la maison d’où on aperçoit le bateau
du père toujours absent, contrepoint
fantôme de l’action. Mais Goro Miyazaki,
lui, s’en tient strictement au réel. Il fait
de cette charmante geste lycéenne, où
le studio Ghibli s’aventure enfin dans la vie
séculière, une chronique très humaine.
Vincent Ostria
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11.01.2012 les inrockuptibles

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