PASSÉe À DeUX DoIGtS De LA FAILLIte, L`eNtrePrISe HIGH

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PASSÉe À DeUX DoIGtS De LA FAILLIte, L`eNtrePrISe HIGH
DOSSIER
COMMENT
LOGITECH
REDEVIENT
COOL
PASSÉe À DeUX DoIGtS De LA FAILLIte, L’eNtrePrISe HIGH-tecH
AMÉrIcANo-SUISSe eSt eN PLeINe reNAISSANce. NoN SeULeMeNt eLLe retroUVe LeS cHIFFreS NoIrS, MAIS SoN NoUVeAU
ceo, BrAcKeN DArreLL, LUI reDeSSINe UN FUtUr.
crÉDIBLe? Notre eNQUÊte De L’ePFL À LA SILIcoN VALLeY.
FABrIce DeLAYe
36
BILAN
30 octoBre 2013
w w w. b i l a n .c h
bilan
37
DOSSIER
HIGH-tecH
CAS D’ÉCOLE:
LA RÉSURRECTION
PAR LE DESIGN
C
’ ’ ’ survie.
L’histoire d’une entreprise
qui évolue dans un cimetière
de marques. Passé les tours
d’Oracle, qui gardent l’entrée
dans la Silicon Valley depuis San Francisco,
on ne compte plus les sièges sociaux qui ont
disparu. Compaq, Motorola, BlackBerry,
Netscape ou Sun Microsystems… En attendant, peut-être, demain Dell, HP ou Yahoo!
Et Logitech?
Au siège de Newark, sur la rive est de la
baie, l’entreprise affiche à la fois les signes
de la crise presque fatale qu’elle vient de
traverser mais aussi ceux de sa renaissance. Ici, comme à Morges en Suisse, un
immeuble entier a été abandonné. Trois
restructurations en quatre ans et plus
d’un millier de places de travail supprimées ne vont pas sans stigmates. Pourtant,
comme on l’a constaté une semaine plus
tôt au Daniel Borel Innovation Center de
l’EPFL, qui concentre désormais toute
l’activité helvétique du groupe, les derniers
produits exposés, le packaging renouvelé,
l’ambiance même annoncent une nouvelle
Logitech.
Plus épurés, plus colorés, plus design en
résumé, les speakers sans fil UE Boom ou
les élégants claviers folios pour tablettes
aux couleurs vives expriment l’entreprise
qu’est en train de devenir Logitech. Le bureau de son nouveau CEO, Bracken Darrell,
aussi.
Il y a quelques semaines, cet Américain
âgé de 50 ans, passé par General Electric,
Procter & Gamble et Whirlpool, a décidé de
sortir définitivement de son cube de verre.
38
BILAN
Son bureau est désormais autour d’une
grande table partagée par l’ensemble du
C-Level, le niveau des directeurs. Installé
dans un large couloir où n’importe qui peut
venir le voir, le CEO explique comment il
entend redonner à Logitech l’esprit d’une
start-up rapide et conquérante. Alors que
l’équipe précédente était concentrée sur
la construction d’une multinationale, le
contraste est évidemment saisissant. La
question reste de savoir si redevenir une
start-up avec des produits cool suffit pour
relancer une boîte de 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires qui vient de voir le
spectre de la faillite.
Logitech revient de loin, en effet. Les
résultats du trimestre clos en juin et de celui achevé en septembre ont mis fin à une
série de pertes depuis 2008. Bien sûr, deux
trimestres positifs ne font pas encore le
printemps d’une boîte. Mais comme nous
l’a expliqué à Lausanne le fondateur de
l’entreprise, Daniel Borel, avec ce mélange
unique d’analyses business et d’émotions
qui est sa marque de fabrique: «Nous sortons d’un cauchemar.»
Le cauchemar de «Bobo»
Pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui chez Logitech, il faut d’abord
se replonger dans cette crise et dénouer
l’écheveau qui la confond avec celle déclenchée par la faillite de Lehman Brothers.
2008 est une année clé pour Logitech. Ses
ventes de souris passent le cap symbolique du milliard vendues. En début d’année, Guerrino De Luca, son CEO à succès depuis dix ans, prend la présidence
du conseil d’administration tandis que
son fondateur Daniel Borel, «Bobo», se
contentera désormais du rôle en retrait de
simple administrateur.
Ils confient la direction opérationnelle
de la boîte à Gerald Quindlen. Daniel Borel
a bien un petit doute parce que ce manager vient de Kodak, une entreprise qui a
raté le virage numérique. Mais en même
temps, il a l’expérience des grandes organisations. Et c’est bien l’avenir que voit alors
le conseil d’administration pour Logitech:
une entreprise qui doit passer de deux à
cinq milliards de chiffre d’affaires. Rien ne
se déroulera comme prévu. Et en quatre ans
l’action perdra 80% de sa valeur.
D’abord avec la crise qui commence à
fin 2008, les distributeurs se protègent.
Typiquement alors que ceux-ci achètent
entre douze et treize semaines d’inventaire d’avance, ils les diminuent du jour au
lendemain à six semaines. «C’est comme
un train qui s’arrête, explique Daniel Borel.
Tout à coup vos commandes tombent
à zéro.» Face à cette situation, Gerald
Quindlen prend le parti de mettre l’entreprise aux abris. Dès janvier 2009, il annonce une première restructuration avec
une coupe de 650 places de travail.
Malheureusement, la crise financière
aveugle la direction de Logitech sur la véritable nature des problèmes. Ils ne sont pas
seulement conjoncturels mais structurels.
Beaucoup plus graves, donc. Cette erreur
fondamentale d’analyse va en entraîner
bien d’autres. A commencer par le fait qu’il
faudra deux restructurations supplémentaires (soit au total une réduction de 25%
des 7200 places de travail à fin 2007) avec
ce que cela suppose de démobilisation des
employés et de déceptions du côté d’un
actionnariat encore largement fragmenté
(plus de 50% de particuliers suisses) qui
vont voir ce management régulièrement
se dédire.
Rétrospectivement, tant Daniel Borel
que Guerrino De Luca considèrent aujourd’hui que trois erreurs monumentales
vont se produire dans cette période. La première sur laquelle insiste particulièrement
le fondateur de l’entreprise est que la restructuration menée par Gerald Quindlen
30 octoBre 2013
PHOTOS: DR
a conduit subrepticement à un recentrage
sur les Etats-Unis. «C’est très subtil, mais
dans une structure qui met en place les processus de contrôle d’une grande entreprise,
progressivement, le pouvoir se concentre
pour finir par se couper de la réalité du
terrain. On s’enferme dans des bureaux de
verre avec ses projections de vente positives. Et on accepte des résultats même
mitigés puisqu’il y a l’explication de la crise.
On devient out of touch.»
Lors de l’été 2009, cet aveuglement va
conduire à une acquisition qui aurait pu
être fatale à Logitech si l’entreprise n’avait
pas eu la prudence depuis ses origines de
constituer un bas de laine. A la fin juin, la
perte opérationnelle trimestrielle atteint
32,9 millions de dollars contre un bénéfice
de 29,7 millions un an auparavant. Gerald
Quindlen annonce un retour aux chiffres
noirs pour le trimestre suivant. Il ne se produira pas. Mais surtout à la tête de ce groupe
sans dettes et doté de 567,4 millions de dollars en cash, il poursuit le rêve de la grande
entreprise Logitech.
Alors que son prédécesseur Guerrino De
Luca s’était contenté de petites acquisitions stratégiques, il annonce en novembre
2009 le rachat de LifeSize, une entreprise
qui vient de prendre 10% du marché de la
vidéoconférence haute définition grâce à
une technologie qui en divise les prix par
cinq. Payée 405 millions de dollars, soit 4,5
fois ses ventes sur douze mois, LifeSize sera
finalement réévaluée pour la moitié de sa
valeur trois ans plus tard.
Et il y a pire. Dès le milieu des années
2000, Guerrino De Luca a l’intuition que le
savoir-faire de Logitech peut s’appliquer à
un autre écran qui équipe les consommateurs. Il ne croit alors pas au mobile, trop
petit, mais à la télévision, point d’entrée de
la future maison numérique. Cette analyse
va aboutir à l’aventure tragique de Google
TV. Elle coûtera 100 millions à Logitech sans
générer le moindre revenu.
Sur le papier l’idée semble pourtant
tellement bonne que Daniel Borel clame
alors dans une interview en une du Matin:
«Logitech invente la TV numérique.»
Encore aujourd’hui Guerrino De Luca
confesse que si c’était à refaire, il ferait
w w w. b i l a n .c h
Guerrino De Luca et Bracken Darrell, le président du conseil et le CEO, fonctionnent en tandem.
probablement la même erreur tant cette
technologie qui transforme une TV en point
d’accès à tous les contenus internet était
séduisante. «On pensait créer une plateforme pour la maison qui serait enrichie
par tous nos accessoires venus du PC. Tout
le monde trouvait ça génial.»
Comme souvent avec les bonnes
idées, le problème viendra de l’exécution. Normalement le projet aurait dû voir
Google apporter le contenu, Logitech, les
périphériques, et un troisième partenaire
créer la box, le petit ordinateur connecté
à la fois au web et à l’écran. Faute de troisième partenaire, ce sont les ingénieurs
de Logitech qui se chargent de développer cette box et l’entreprise de la produire.
Certain du succès, Logitech investit dans
une ruineuse campagne publicitaire et surtout constitue un stock de 50 millions de
box qui apparaîtront vite trop chers, qui
plus est sur un marché qui n’a pas été testé.
La tempête parfaite
Au mois de mars 2011, tous ces éléments se
rassemblent pour former ce que Guerrino
De Luca appelle la tempête parfaite. Alors
que le trimestre précédent avait marqué
une progression encourageante, le conseil
d’administration prend en pleine face le
mur de la réalité. Il doit se résoudre à l’humiliation d’un profit warning. «Vous vous
réveillez soudain avec des projections de
vente qui sont fausses, dans un univers
où vous êtes out of touch – vous ne voyez
plus les clients et, ce qui est encore plus
impressionnant, out of control alors que le
management est obsédé par des contrôles
qui ont fait exploser vos frais opérationnels,
se remémore Daniel Borel. Enfin, vous êtes
out of product, avec un management qui
n’a jamais autant parlé d’innovations tout
en réalisant si peu. L’horreur.»
On peut gloser naturellement à l’infini sur les raisons pour lesquelles Logitech
n’a pas vu ce qui allait arriver. Ni Daniel
Borel ni Guerrino De Luca ne s’exonèrent
de leurs responsabilités. Deux remarques
qu’ils font sont cependant fondamentales
pour comprendre non seulement pourquoi
l’entreprise est sortie de la piste et, surtout,
pourquoi elle en a tiré les leçons et revient
plus forte aujourd’hui, tant tout ce qui ne
tue pas rend plus fort.
Tout d’abord, comme l’explique Daniel
Borel, «le succès est une drogue qui vous
endort». Or, de 1998 à 2008, le succès
de Logitech est proprement renversant.
Devant un café sur la terrasse de l’Hôtel
Costes à Paris, le héros de cette épopée,
Guerrino De Luca, la résume à un chiffre:
40 trimestres consécutifs de croissance du
chiffre d’affaires et des bénéfices. CEO de
l’entreprise de 1998 à 2008, le manager
italien venu d’Apple où il était vice-président du marketing mondial est bien «le
mari idéal pour sa fille Logitech» qu’annonce alors Daniel Borel dans Bilan. Sous sa
conduite, le chiffre d’affaires passe de 400
millions à 2,1 milliards de dollars. Le bénéfice est multiplié par 20. L’action s’apprécie
de 1300%. Oh, il y a bien parfois quelques
accidents de parcours comme le profit warning surprise de juillet 2003 qui retire 30%
bilan
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DOSSIER
HIGH-tecH
à l’action. Mais celle-ci repart de plus belle.
Cependant, ce succès à une raison fondamentale qui est extérieure à Logitech.
Boostées par la vague internet qui pousse
les ménages à s’équiper, les ventes de PC et
des périphériques qui les personnalisent
explosent. Or l’histoire de Logitech est si intimement liée à celle du PC qu’elle n’a plus
le recul nécessaire sur ce marché. Comme
le remarque Guerrino De Luca: «Une société fonctionne avec des principes très
simples et le principe de retour immédiat
est celui qui convainc le plus de gens. Il est
ainsi très difficile pour une organisation de
comprendre que ce qui marche extraordinairement bien pourrait un jour ne plus
marcher.» Or, depuis 1981, le PC a effectivement été une vache à lait pour Logitech.
Née de la rencontre en 1976 sur les
bancs de Stanford de deux étudiants, le
Suisse Daniel Borel et l’Italien Pierluigi
Zappacosta, Logitech s’impose dès sa création en 1981 avec une innovation qui doit
beaucoup aux microtechniciens de l’EPFL:
la souris. Essentiel à l’interface graphique
qui est la substance même du PC, cet objet, enrichi progressivement de claviers, de
speakers, etc., contribue à rendre l’ordinateur personnel encore plus personnel.
Certes, le parcours de Logitech sur ce
marché ne sera pas un long fleuve tranquille. En 1986 Daniel Borel doit, pour rester concurrentiel, prendre le chemin de
Taïwan afin de produire une souris pour
Apple. Et, en 1992-1993, la chute par trois
du prix des PC le force à supprimer 1000
postes, essentiellement en Irlande et à
Taïwan, pour partir produire en Chine
continentale. Mais outre que ces incidents
ont permis à Logitech de se retrouver pionnière en Asie, avec tout ce que cela suppose
de liens, notamment culturels, en définitive l’entreprise, partie de rien, que remet
Daniel Borel à Guerrino De Luca en 1998,
n’aura connu en tout et pour tout que trois
trimestres de perte.
Cohérent avec ce qui a fait le succès de
la boîte, le CEO italien le démultipliera avec
en particulier le rachat de Connectix pour
20 millions de dollars, qui servira de base à
un business de 500 millions par an dans les
webcams, ou celui de LabTec, pilier d’une
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BILAN
activité de 400 millions dans les périphériques audio. Pourquoi changer ce qui a
toujours si bien marché et, qui plus est,
constitue l’essentiel de votre savoir-faire?
L’effondrement du PC
Cette question, la bourse va la poser dès
2007, avant même que la crise n’explose.
Le lendemain de la présentation des résultats annuels de l’exercice 2006-2007, l’action chute de 8%. Les investisseurs n’ont
pas manqué un chiffre: la baisse de 32%
des ventes de webcams. Eux perçoivent
ce produit comme le moteur des ventes de
Logitech. Ils ont raison. Le trimestre suivant, la chute des ventes de webcams s’accélère de 38%.
Ilseraitfauxdecroirequelemanagement
nevoitpascessignesavant-coureursdel’effondrementdumarchédesPC.L’acquisition
de LifeSize de même que l’aventure Google
TV sont fondamentalement des réponses
stratégiques qui préparent l’après-PC. Mais
ils détournent aussi les forces de Logitech,
d’une part de son cœur de métier et, de
l’autre, du grand virage vers l’internet mobile que prépare simultanément l’arrivée
des smartphones et des tablettes et où s’imposent déjà de nouveaux fabricants de périphériques comme Beats ou GoPro. Ce n’est
donc pas par hasard que ces deux domaines
sont au cœur du turnaround qu’effectue
DANS LES CHIFFRES NOIRS
Après une perte de 228 millions de dollars sur
l’exercice 2012-2013 (clos au 31 mars), les
résultats de Logitech commencent à
s’améliorer. Le trimestre achevé fin
septembre enregistre un bénéfice net de
17 millions. L’action s’est envolée le jour
même de 10%, malgré la baisse que ce
montant représente par rapport à la même
période en 2012. Les investisseurs constatent
que non seulement ce résultat est meilleur
qu’attendu, mais que Logitech résiste à
l’effondrement des Pc (en baisse de 16%
quand la baisse des revenus de l’entreprise
n’a été que de 3%) et que les produits audio
tirent la croissance avec un doublement des
ventes de speakers Bluetooth.
maintenant Bracken Darrell pour remettre
Logitech en piste.
Avant d’en arriver là, l’effondrement du
marché des PC, additionné aux erreurs de
la période Gerald Quindlen, a cependant
conduit Logitech aux soins intensifs à partir du printemps 2011. Daniel Borel sort
alors de sa retraite pour, comme il le dit,
«se mettre au chevet de son enfant». En
juillet, Guerrino De Luca reprend le poste
de CEO ad interim pour d’une part prendre
les mesures d’urgence que sa crédibilité
autorise et, d’autre part, se mettre en quête
de la perle à même de construire la nouvelle Logitech. Il annonce un nouveau plan
d’économies de 80 millions, qui inclut la
suppression de 45 emplois dans le sanctuaire suisse. Il met définitivement fin à
l’aventure Google TV et entreprend une
réduction de la gamme de produits par catégories parce qu’ils se cannibalisent. En
Europe, où Logitech souffre particulièrement, Marcel Stolk, le Néerlandais qui dirigeait les ventes au début de la décennie,
revient mettre de l’ordre dans les relations
avec les distributeurs.
A Newark, Guerrino De Luca enregistre
une première satisfaction. Les candidatures de gros calibre de la Silicon Valley au
poste de CEO s’entassent sur son bureau.
Il décide pourtant de partir très loin du
secteur high-tech et de la Californie pour
chercher son successeur. Il atterrira finalement à Lugano, où réside depuis quatre
ans un Américain transformé par l’Europe
depuis qu’il a dirigé Braun et actuellement
en charge de la branche EMEA du groupe
Whirlpool. Observations unanimes tant de
Daniel Borel à Lausanne que de Guerrino
De Luca à Paris: «Dans la vie, il faut parfois
mieux avoir de la chance que d’être intelligent. Nous, nous avons trouvé Bracken.»
LedémarragedunouveauCEOs’effectue
en binôme d’avril à décembre 2012 jusqu’à
ce que l’Italien reprenne la présidence et
l’Américain, seul, la direction exécutive. Ce
début n’est cependant qu’à moitié convaincant. Certes, Logitech a désormais identifié
ses problèmes et reconnu ses erreurs. Mais
l’entreprise continue de saigner. Le ratage
du lancement de Windows 8 à fin 2012 a
fait s’effondrer les derniers espoirs de sta30 octoBre 2013
lOGiTEch cOMPTE SUR DES PRODUiTS PlUS bEaUX POUR RElancER SES acTiViTÉS
Les ventes du haut-parleurs
Bluetooth UE Boom ont
doublé au dernier trimestre.
Le fondateur Daniel
Borel est sorti de sa
retraite pour aider
au redressement de
l’entreprise.
Management.
Bracken Darrell partage
son bureau avec la
responsable des RH
Karen Drosky et le CFO
Vincent Pilette.
Ci-contre le designer
Alastair Curtis.
PHOTOS: FRANÇOIS WAVRE/REZO, DR
La future coque pour
smartphone avec
batterie intégrée.
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bilan
41
DOSSIER
HIGH-tecH
bilisation du marché des PC. L’exercice clos
à fin mars 2013 enregistre une perte sans
précédent de 228 millions de dollars (dont
216 à cause de la revalorisation de LifeSize).
Le tournant de la guidance
Deux mois plus tard, l’entreprise va pourtant envoyer le premier signe que le pire
est sans doute passé. Lors de sa conférence
avec les analystes financiers, elle redonne
pour la première fois des perspectives à
trois ans – la guidance dans le jargon de la
bourse – alors que, depuis 2009, elle n’osait
même plus s’aventurer sur le terrain du trimestre à venir. Tous ne la croiront pas forcément (lire l’interview d’Andreas Müller),
mais l’information ne va pas passer inaperçue aux yeux d’un jeune financier appelé
à jouer un rôle crucial dans la renaissance
de Logitech.
Coincé un jour de juin dernier à l’aéroport de San Francisco, Vincent Pilette,
cherche, comme il le fait régulièrement,
des actions qui ont chuté mais qui ont le
potentiel de remonter. Ce jour-là, Logitech
retient son attention pour un investissement potentiel. «Le conseil avait pris les
décisions difficiles et l’entreprise affirmait
des perspectives modestes», expliquet-il aujourd’hui, crayon en main devant un
grand tableau blanc du siège de Newark.
Pour les années 2014 à 2016, l’entreprise
planifie, en effet, une croissance de son
chiffre d’affaires de 2%, une amélioration
raisonnable de sa marge opérationnelle de
1% (à 35%), des dépenses opérationnelles
stables entre 630 et 640 millions de dollars. Avec cela, son bénéfice passerait de
50 millions pour l’année en cours close le
31 mars prochain à 90 millions la suivante
et finalement 150 millions pour l’exercice
2015-2016. «Quand j’ai vu ça, j’ai fait mes
calculs pour découvrir que l’action avait un
vrai potentiel de hausse, poursuit Vincent
Pilette. Par exemple, si on applique le ratio
moyen de 15 fois les bénéfices de la période
2002-2008, le bénéfice 2016 met l’action à
20 dollars alors qu’elle se négocie entre 7 et
9 dollars aujourd’hui. Mais naturellement,
il y avait beaucoup de si.»
Après avoir passé quatorze ans chez HP
dont cinq à s’occuper du turnaround finan-
42
BILAN
cier de la division software et hardware, le
premier job de CFO de Vincent Pilette l’a
spécialisé dans ces situations de redressement. Sous sa houlette, l’action d’Electronics For Imaging (EFI) est passée de 7 à 35
dollars. Le hasard faisant bien les choses,
il est sondé quelques semaines après avoir
évalué le titre Logitech par un chasseur de
têtes à la recherche d’un directeur financier
pour l’entreprise américano-suisse. Le financier d’origine bruxelloise n’est pas vraiment intéressé, mais c’est une occasion en
or d’en apprendre plus sur cette entreprise
avant éventuellement d’acheter l’action.
Rendez-vous est donc pris avec Bracken
Darrell. Et là c’est le choc qui va provoquer
sa démission d’EFI et lui faire accepter le
poste de CFO de Logitech.
Sur une table, Vincent Pilette dispose divers emballages de produits Logitech. D’un
côté les boîtes vert et blanc classiques, de
l’autre les nouvelles, noires et sobres des
derniers produits. «Je m’étais concentré
sur les chiffres, mais côté produits j’avais
gardé l’image du Logitech de mes 18 ans.»
Comprenez ringards pour ce manager de
41 ans biberonné par les innovations de la
Silicon Valley. «Je m’apercevais qu’en réalité l’entreprise a tout un pipeline de nouveaux produits cool.»
Au fur et à mesure de son entretien avec
Bracken Darrell, le modèle financier de
Logitech se met alors à tourner dans sa tête.
Il s’aperçoit d’abord que les résultats de
l’entreprise ne sont pas si mauvais qu’apparemment. «Ils sont présentés selon les
normes comptables US GAAP qui incluent
tous les éléments non récurrents comme
les coûts des restructurations. Si on les présentait selon des normes européennes, on
verrait qu’en réalité Logitech a dégagé 123
millions de dollars au cours des douze derniers mois. Cela signifie que, du point de
vue opérationnel, la situation est saine.»
Depuis son engagement début septembre,
il a aussi découvert un potentiel d’économie sur les dépenses d’infrastructures. «La
première réaction a été de réduire les dépenses en personnel pour faire descendre
les coûts opérationnels de 42 à 32%. C’est
ce qu’on fait dans l’urgence. Mais il y a encore d’autres économies à réaliser afin de
descendre les dépenses opérationnelles,
potentiellement jusqu’à 25%.»
Admettons,maisonneredevientpasune
boîte cool en rognant sur les dépenses. Or,
dans un univers qui vient de voir le marché
du PC s’effondrer de plus de 10% par an, la
dépendance de Logitech de l’ordre de 75% à
ce marché est un gros point d’interrogation
sur sa croissance. «C’est le point principal», reprend Vincent Pilette sur le tableau
mural où il aligne les chiffres de son raisonnement. «Dans sa guidance, l’entreprise a
planifié une baisse de 10% des ventes liées
au PC. Personnellement, je pense que c’est
exagéré, parce que ce marché va se stabiliser. Toutefois, comme il est difficile de
prévoir quand, retenons cette hypothèse
pessimiste. Ce qui est important alors, c’est
la part que va prendre la nouvelle Logitech
sur les marchés en croissance.» La réponse
est au cœur de la stratégie de réorienter
l’entreprise vers la mobilité avec des périphériques pour tablettes et smartphones.
Ce marché-là croît, lui, au rythme de 20%
par an. Il pourrait représenter jusqu’à 50%
des revenus de l’entreprise à terme. Mais
comment le saisir alors que Logitech n’est
rien dans le monde du mobile?
Logitech 2.0
La réponse de Bracken Darrell cingle: «Je ne
suis pas venu ici pour une simple histoire
de redressement, mais pour au moins dix
ans, pour construire la nouvelle Logitech.»
La voix basse, genre Leonard Cohen, ce
manager qu’on sent discipliné mais qui,
comme l’avait averti Daniel Borel, agit aussi
avec un surprenant flegme, déroule son
message de confiance. C’est son rôle, bien
sûr, mais à travers les mots-clés qu’il répète – start-up, mobilité, vitesse, design
– la solidité et la cohérence de sa stratégie se dévoilent progressivement. Surtout,
elle est déjà habitée par des produits, sinon
encore tout à fait appuyée sur des chiffres.
Par-dessus tout, elle est cool: «Nous ne
voulons pas nous contenter de redevenir
profitables, nous voulons redevenir une
entreprise excitante.»
Cela commence avec ce bureau sorti de
sa boîte de verre et qui sert d’exemple afin
d’abolir les «cubicles» et autres barrières.
30 octoBre 2013
lOGiTEch, lEaDER MOnDial DES inTERFacES hOMME-MachinE
32 ANS D'INNOVATIONS DANS LES SOURIS
Depuis 1981, Logitech a construit son succès passé en réinventant
son produit phare, la souris d'ordinateur.
Aujourd'hui c'est toute l'entreprise qui doit se réinventer.
1981
1982
L'ACTION LOGITECH D'UNE CRISE À L'AUTRE
En 1995, Logitech sort de deux années difficiles. Elle ne va alors plus
afficher que des trimestres positifs jusqu'en mars 2011 qui ne vont cesser
de soutenir le cours de l'action. Le rebond de l'entreprise sera-t-il
maintenant de nature à faire repartir l'action.
action logitech
50 francs suisses
35
25
introduction de la première
souris P4 Mouse
15
10
5
2
1985
0
la c7 devient la première
souris destinée au marché
grand public
1995 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13
Résultats nets
250 millions de dollars
200
150
100
50
0
-50
-100
-150
-200
-250
1991
Première souris sans fil:
Mousman cordless
1995
2001
Première souris optique:
Trachman Marble Trackball
1996
100 millions
de souris vendues
1999
Sortie de la souris wingman
Gaming pour les joueurs
2003
500 millions
de souris vendues
2004
Première souris laser
MX 1000 laser cordless
2006
700 millions
de souris vendues
2008
logitech V550 nano pour
le marché des notebook,
La barre du milliard
de souris est passée
02
03
chiffre d’affaires
04
05
06
07
08
09
10
2,5 milliards de dollars
2,0
1,5
1,0
0,5
0
-0,5
-1,0
-1,5
-2,0
-2,5
11
12
2013
ORIGINES DES REVENUS DE LOGITECH
Logitech reste très
dépendante de ses marchés
traditionnels liés au PC.
Toutefois, la catégorie
accessoires pour tablettes
connaît une croissance
fulgurante (+175% en 2012),
de même que les périphériques audio sans fil (24%).
Souris
claviers
accessoires audio
webcams
accessoires jeux
accessoires pour tablettes
Télécommandes universelles
autres (sous-traitance)
8,7%
3,4%
24,8%
5,7%
6,8%
8,5%
19,4%
16%
334
2012
Première souris tactile
Touch M600
2013
Un milliard et demi
de souris vendues
millions de dollars. Logitech s'est toujours montrée prudente dans
la gestion de ses réserves de cash. L'entreprise avait ainsi encore
334 millions de dollars en réserve à la fin de l'exercice 2012 en dépit
de l'acquisition surpayée de LifeSize et des investissements perdus
dans l'aventure Google TV. Elle a ainsi été en mesure de financer
des rachats d'actions et de verser un dividende pour récompenser
la fidélité de ses actionnaires.
Source: Logitech, SWX
w w w. b i l a n .c h
bilan
43
DOSSIER
HIGH-tecH
Comme chez Jawbone ou Google, Logitech
veut retrouver l’esprit d’équipe d’une startup et surtout pas celui d’une grande entreprise qui lui a fait tant de tort. Cela passe
aussi par la suppression des échelons hiérarchiques après que la dernière restructuration a supprimé 25% de l’encadrement. «Les gens n’avaient pas démérité,
mais pour rester en contact avec le réel
il est essentiel que les managers produits
et marchés me rapportent directement»,
affirme le CEO.
Si ce côté start-up participe à la vitesse
qu’entend redonner Bracken Darrell à
Logitech, l’aspect structurel n’est pas le plus
important pour lui. «L’essentiel est que les
consommateurs se remettent à aimer nos
produits.» Pour y parvenir, il s’y prend de
deux manières. «Sur le marché en décroissance des PC, il s’agit de maximiser la profitabilité de chaque produit.» Cela passe
non seulement par la réduction des coûts
mais aussi par la suppression de certaines
catégories bon marché comme dans le cas
des télécommandes. Et en attendant la stabilisation du marché, Logitech profite de la
crise pour augmenter ses parts.
Du coup, l’innovation dans les périphériques pour PC est désormais concentrée
sur le marché B2B. La sortie d’une petite
souris tactile sans fil qui se glisse dans la
poche. Celle d’un haut-parleur pro pour
smartphone ou d’une webcam mobile et
sans fil pour vidéoconférence vient ainsi
enrichir une gamme destinée au secteur
dit «unified communications.» Des technologies comme Jabber de Cisco ou Lync
de Microsoft, qui permettent par exemple
de poursuivre depuis son ordinateur une
conversation commencée sur portable, séduisent actuellement les grands comptes
comme le CERN et les banques qui se débarrassent carrément de leurs téléphones
fixes. Logitech a décidé de monter dans
ce train.
A l’autre bout du spectre, l’entreprise a
conservé toute la puissance de sa marque
sur un marché en forte croissance: celui
des jeux sur PC qui, avec l’arrivée du jeu en
ligne, détrônent de plus en plus les consoles
pour grandir de 20 à 30% par an. «Il y a
désormais plus de gens qui regardent la
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BILAN
finale de League of Legends que les shows
TV les plus populaires aux Etats-Unis.
C’est comme le Super Bowl», souligne
Bracken Darrell. Pour servir cette clientèle exigeante, Logitech innove régulièrement avec, par exemple, une nouvelle souris sans fil pour hardcore gamers qui dure
250 heures, soit 20 fois plus que la normale.
Une fuite a aussi révélé récemment que
l’entreprise prépare un étui qui transforme
un écran de smartphone en miniconsole
de type Game Boy, avec tout ce que cela
suppose en termes de nouvelles apps pour
le jeu. Et ce produit révèle aussi l’approche
de l’entreprise dans le domaine prioritaire
de la mobilité.
C’est ici que le facteur cool va avoir le
plus d’importance, parce que le design et
la vitesse d’exécution sont au centre. On
peut déjà le constater avec les enceintes
musicales Boom dont une rupture de stock
pendant quarante jours souligne le premier succès. Sur le bureau où Mike Culver,
le responsable des marques de la division
mobile, dévoile un pipeline de produits
colorés et sympas, on découvre ainsi une
Logitech engagée dans la course aux objets iconiques. Y compris si certains n’ont
pas de contenus électroniques comme des
étuis pour tablettes mini sans clavier.
Mike Culver explique que cette offensive sur les tablettes depuis quelques mois
et dans les smartphones depuis quelques
LA MARQUE DES BÊTES DE SCÈNE
en 2008, Logitech a racheté Ultimate Ears,
une petite entreprise de Los Angeles
spécialisée depuis vingt ans dans les
dispositifs audio pour les musiciens et les
chanteurs. D’Alanis Morissette à ZZ Top,
70% de ceux qui se produisent sur scène
utilisent les oreillettes sur mesure de
l’entreprise. Depuis le début de l’année,
Logitech capitalise sur cette technologie avec
la marque Ue qui décline écouteurs et
speakers Bluetooth pour venir disputer ce
marché sur le terrain de la qualité et du design
à ses principaux concurrents qui misent, eux,
plutôt sur le marketing et les rétrocessions
aux distributeurs.
jours, avec une première coque qui aimante
un smartphone sur le tableau de bord d’une
voiture ou n’importe quel support métallique, a demandé énormément de travail
en amont. «Notre clavier ultrafin pour iPad
est devenu le produit le plus vendu de notre
gamme et de sa catégorie dans le monde.
Mais il nous a fallu plus d’un an pour le développer. C’est trop. Dans les PC, les cycles
de produits sont de deux ans. Ce n’est pas
trop grave si vous arrivez avec un peu de
retard. Mais dans la mobilité, les cycles sont
de six mois. Un mois de retard, c’est donc
un sixième de vos revenus potentiels qui
s’envole à jamais.»
Grâce à l’optimisation de la logistique et
de la production et à une approche modulaire qui réemploie les technologies dans
différents designs, le lancement des claviers pour iPad Mini a ainsi été ramené à
trois mois. Elle ne devrait pas dépasser un
mois pour le nouvel iPad 5. Naturellement,
la même logique s’applique aux tablettes
de l’univers Android-Samsung et surtout
aux smartphones, domaine dans lequel
Logitech a longtemps cru ne pas pouvoir
amener de valeur. Elle se prépare à le faire
avec Case Plus – des étuis et des coques
pour portables dotés d’une fonction supplémentaire telle que probablement une
batterie et bien d’autres choses. «Il y avait
un slide particulièrement intéressant dans
la dernière présentation de Tim Cook (le
patron d’Apple, ndlr), reprend Mike Culver.
Il pense maintenant que les tablettes et
les smartphones ne seront plus seulement
des lecteurs de contenus mais des outils
de création de contenus. Les accessoires
utiles pour cette création sont une énorme
opportunité pour Logitech.»
Le leadership par le design
Quoi qu’il en soit de ce futur, l’offensive
de Logitech dans l’univers de la mobilité a
des conséquences immédiates. En matière
de distribution, elle s’est ouverte pour la
première fois le canal des boutiques des
opérateurs télécoms avec un premier deal
avec l’américain Verizon qui en annonce
d’autres. Mais quand Mike Culver explique
que, désormais, il envoie ses équipes à la
chasse aux tendances à la Fashion Week
30 octoBre 2013
PHOTO: DR
de Paris et de New York, on comprend que
le point de passage obligé de la «coolitude»
de Logitech, c’est le design.
C’est la passion de Bracken Darrell. Il
n’a pas passé quatre ans chez Braun à fréquenter le responsable du design, Dieter
Rams, qui est le dieu de Jonathan Ive chez
Apple, pour rien. «Il faut cependant s’entendre sur ce que signifie design», reprend
Bracken Darrell qui a affiché les 10 principes de Dieter Rams à côté de son bureau.
«Fondamentalement, le design, c’est de
comprendre les utilisateurs à un niveau
qu’ils ne peuvent pas eux-mêmes exprimer. Mais le mot est très chargé. Il peut faire
croire que l’ingénierie compte moins que
l’esthétique. Rien n’est plus faux, je viens
de Braun pas de Gucci. Le design, c’est le
pont entre le talent de nos ingénieurs, par
exemple pour lisser le signal Bluetooth de
nos enceintes Boom, et le consommateur.»
Reste que pour que le message de l’importance du design soit clair, Bracken
Darrell vient de créer un poste de chief
design officer au plus haut niveau de l’entreprise. Rencontré à la cafétéria de l’EPFL,
le nouveau CDO, Alastair Curtis, a passé
seize ans chez Nokia où il a été responsable
du design de certains des best-sellers de la
marque comme le 3210. Consultant, entre
autres, pour Logitech depuis 2010, il rejoint
maintenant l’entreprise avec l’ambition de
créer une sorte de campus créatif pour diffuser une culture – il parle d’ADN – du design à tous les niveaux.
On peut naturellement se demander
pourquoi l’entreprise n’y a pas pensé avant.
Mais Guerrino De Luca rappelle que «tant
que Logitech restait autour du PC, elle pouvait faire plus élégant que le PC mais devait
tout de même rester cohérente avec une
machine en définitive assez monstrueuse».
Après Apple, avec la mobilité, le jeu change
complètement. «Le but, ce sont des objets iconiques», assène Bracken Darrell.
L’enceinte Bluetooth Boom qui met sous
le feu des projecteurs une petite marque
chérie par les stars de la musique, Ultimate
Ears, démontre que l’entreprise a recouvré
cette liberté d’oser. Cela n’élimine pas tous
les risques, mais c’est peut-être ce qui est
le plus cool.
w w w. b i l a n .c h
«la cOMMUnaUTÉ FinanciÈRE
EST TROP PESSiMiSTE SUR lOGiTEch»
analyste à la banque
cantonale de Zurich,
andreas Müller suit l’action
logitech depuis des années.
Pour lui, ça sent le rebond.
Quelles sont vos perspectives
pour l’action Logitech?
En mai dernier, l’entreprise a redonné des
perspectives derrière lesquelles il y avait
pas mal de substance. a cause des
déceptions passées, les analystes restent
extrêmement prudents. c’est exagéré.
l’objectif de marge opérationnel EbiT
à l’horizon 2016 est de 150 millions. Mais
le prix de l’action aujourd’hui reflète un
consensus à 100 millions. cela signifie
que même si logitech n’atteint pas ses
objectifs, il suffit qu’elle aille dans la bonne
direction pour que l’action remonte.
Comment jugez-vous la nouvelle
stratégie de l’entreprise?
les coûts ont été réduits, mais les
revenus ont baissé aussi. le plan financier
est prudent avec une croissance des
revenus de seulement 2% d’ici à 2016
à cause de la dépendance au Pc.
Mais ils font ce qui est nécessaire en se
débarrassant des produits cheap pour se
concentrer sur le haut de gamme.
Surtout, il commence à y avoir des
relais de croissance. les jeux sur Pc,
par exemple, représentent un marché
relativement de niche (550 millions de
dollars dans le monde) mais il connaît
une croissance de 30%/an depuis deux
ans. Ultimate Ears (UE) n’est pas qu’une
nouvelle marque. Elle souligne la sortie de
logitech de tous les produits audio avec
fil et des docking stations qui stagnent et
un pari sur bluetooth qui est un standard
universel. Or, le marché des enceintes
sans fil croît, lui, de 60%. c’est le genre
de stratégie de niche qui peut booster
la croissance.
Et en ce qui concerne la mobilité?
Malgré son retard au démarrage, logitech
a déjà réussi à faire un blockbuster avec
son clavier pour iPad qui est devenu un
business de 120 millions. 60% des
utilisateurs d’iPad achètent un clavier,
et la gamme s’élargit aux tablettes mini
et android. comme 90% des acheteurs
de ces produits les complètent avec
un périphérique, c’est très prometteur.
A quel prix voyez-vous l’action?
Dix à douze francs paraissent atteignables
à court terme.
bilan
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