Comme un poisson dans l`eau
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Comme un poisson dans l`eau
UNE JOURNÉE AVEC 28 29 ILS SONT UNE QUINZAINE à exercer le métier de soigneur à Nausicaa, un immense aquarium consacré à la découverte de l’environnement marin. Parmi eux, Ludwig Coulier, chef des sections tropicale et mer ouverte. Son métier : veiller au bien-être des animaux. Une surveillance de tous les instants. © Fabrice Dimier pour l’INRS Comme un poisson dans l’eau 7 h 30 Les soigneurs de Nausicaa, un aquarium accueillant pas moins de 36 000 animaux sur 5 000 m2 d’exposition et situé à Boulogne-surMer dans le Pas-de-Calais, se réunissent pour le brief matinal. Ludwig Coulier prend connaissance de son planning. Au programme d’aujourd’hui : le nettoyage de trois aquariums situés dans l’espace des « îles ». Il doit agir avant l’arrivée des visiteurs, prévue pour 9 h 30. Muni de clés d’accès, il pénètre dans l’une des galeries techniques, autrement dit les « coulisses ». Le premier bassin abrite trois requins tapis. Ludwig commence par retirer un panneau de protection sur lequel on peut lire « danger de morsure ». « Ces panneaux, tout en empêchant que certains animaux ne sautent au-dehors, sont porteurs d’indications visant à préciser le risque éventuel et les coordonnées téléphoniques des personnes à prévenir en cas d’accident. » Les galeries techniques sont systématiquement équipées d’un téléphone. Ludwig saisit une perche équipée d’une brosse et commence à nettoyer la vitre donnant sur la salle d’exposition. « L’eau, très éclairée et chauffée à 26 °C pour recréer des conditions proches des milieux tropicaux, favorise le développement d’algues. » Il remet en place les décors et vérifie la température. Sa brosse, à la fois légère et légèrement coudée pour s’adapter à la disposition des aquariums, réduit les contraintes physiques. Autre séance de nettoyage dans le bassin des murènes, puis retour du côté de l’exposition. Ludwig se tient face aux aquariums. « Le matin est un moment privilégié pour observer le comportement des animaux et déceler d’éventuels problèmes de santé ou de cohabitation entre espèces. » 8 h 52 Dans le local de plongée, Ludwig enfile sa combinaison de plongée et se saisit d’un détendeur rallongé, un tuyau flexible de plusieurs mètres de long. « Dans les bassins peu profonds, Cédric Duval travail & sécurité – n° 765 – octobre 2015 © Fabrice Dimier pour l’INRS Sous la surveillance d’un autre soigneur qui vérifie que tout se passe bien, Ludwig Coulier nettoie les vitres en s’aidant d’une ventouse comme surface d’appui. Le langage des signes de plongée permet aux deux hommes de communiquer. © Fabrice Dimier pour l’INRS UNE JOURNÉE AVEC de nourriture et absorbe les compléments alimentaires indispensables, préalablement glissés sous la peau de plusieurs poissons. Toutes les portions ingurgitées par les animaux sont renseignées dans un registre. « On peut ainsi suivre de près le régime et l’état de santé de nos pensionnaires. » Ludwig se rend en réserve. Si 60 aquariums sont visibles du public, plus de 300 autres bassins accueillent des animaux en quarantaine, en transit ou en développement, dans les sous-sols du centre. Avant de descendre, il prévient : « Didier, je descends nourrir les raies aigles. » Son collègue passera vérifier que tout se passe bien. Pour nourrir les raies, Ludwig recourt à une technique baptisée « target training ». Il introduit dans l’eau une cible, c’est-à-dire un objet – ici un panneau recouvert d’une croix blanche – que l’animal reconnaît et associe à la présence de nourriture. « Ces animaux sont si craintifs qu’il est indispensable d‘établir un tel climat de confiance. Pour y parvenir, cela nous a pris quatre mois. » Des compléments alimentaires sont ajoutés dans la nourriture des animaux du parc, essentiellement constituée de poissons, d’algues, de krill et de coquillages. © Fabrice Dimier pour l’INRS 14 h 15 je ne porte pas de bouteille sur le dos. Celle-ci est reliée à mon détendeur depuis l’extérieur du bassin, ce qui facilite mes déplacements. » Toutes les plongées se font sous la surveillance d’un autre soigneur. Simon vérifie que tout se passe bien tandis que Ludwig pénètre dans le bassin Seychelles, où un requin zèbre se déplace. Il nettoie les vitres en s’aidant d’une ventouse comme surface d’appui. Le langage des signes de plongée permet aux soigneurs de communiquer. Conformément à la réglementation, les bouteilles d’air sont contrôlées tous les deux ans. Nouvelle plongée, bouteille sur le dos cette fois, dans un grand bassin à ciel ouvert, baptisé « le lagon ». De retour dans le bureau des soigneurs, Ludwig renseigne ses plongées sur une fiche de sécurité. Les requins sont nourris à l’aide d’une perche pour éviter toute morsure. Quand l’un des squales mord, Ludwig tire sur un fil pour libérer le poisson et éviter d’être déséquilibré. 10 h 45 n TITULAIRE d’un BTS C’est l’heure du nourrissage. En cuisine, Ludwig sort du réfrigérateur des harengs, des capelans, des algues, des moules et du krill. La nourriture est préalablement congelée pour tuer les éventuels parasites. Équipé d’un gant en cotte de mailles sur sa main gauche, recouvert d’un gant en latex, il hache certains poissons en morceaux et retire également les têtes pour favoriser la digestion. « On ne nourrit jamais les animaux lors de plongées pour ne pas qu’ils associent notre présence à l’acte de manger. » Les requins tapis et les murènes sont nourris individuellement à la pince pour éviter toute morsure. Il s’agit aussi de s’assurer que chacun avale une quantité suffisante REPÈRES en aquaculture, Ludwig Coulier commence sa carrière en Irlande dans un élevage de saumons et de homards. Il rejoint Nausicaa en tant que soigneur en 1998, à l’occasion de l’extension de l’aquarium. En tant que plongeur professionnel, il est également classe 1 mention B. Après une rapide pause déjeuner, c’est au tour des requins situés dans le bassin « Mer ouverte ». d’être nourris. L’opération constitue une attraction à laquelle de nombreux visiteurs sont venus assister. Muni d’un micro-casque, Ludwig interpelle le public : « Bienvenue à Nausicaa. Dans ce bassin contenant 1 million de litres d’eau de mer, se trouvent une tortue, des carangues, trois requins taureaux de 200 kg pour 3 m de long, un requin gris et un requin nourrice… » Il a écrit lui-même l’essentiel de son discours. « Je souhaite faire passer des messages, notamment lutter contre certaines idées reçues. Les requins ne sont pas des animaux agressifs, à la différence des poissons clowns qui cherchent à protéger leur territoire. » Là encore, le travail se fait en binôme. Un autre soigneur l’accompagne. Pour nourrir les requins, Ludwig dispose d’une longue perche pourvue à son extrémité d’une pince à laquelle il accroche des poissons. Quand l’un des requins commence à mordre, il tire sur un fil pour libérer la nourriture. Ce système limite les risques d’être déséquilibré et de tomber dans l’eau. L’après-midi se poursuit par le nourrissage des animaux du lagon puis à nouveau des raies aigles en réserve. Ludwig en profite pour faire des mesures de la qualité de l’eau : taux d’oxygène, température, pH et salinité. « On est bons. » 16 h 30 Ludwig enfile des lunettes de protection et des gants afin d’effectuer plusieurs boutures de coraux. Certains sont susceptibles de rejeter des substances urticantes. Plus de 70 espèces sont cultivées ici, ce qui fait du centre Nausicaa l’un des principaux éleveurs de coraux en Europe. La journée se termine par un tour d’observation. Ludwig en profite pour suspendre un œuf de requin tapis collecté la veille, de façon qu’il soit bien en contact avec l’eau de mer. « Impossible de savoir si cet œuf a été fécondé, il faudra attendre plusieurs jours avant d’être fixés. Dans tous les cas, il n’éclora pas avant plusieurs mois. » n travail & sécurité – n° 765 – octobre 2015