Les voyageurs québécois en Floride

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Les voyageurs québécois en Floride
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Les voyageurs
québécois
en Floride :
EXPERTS
BIENVENUS
Parce que les autres associations du genre desservaient mal les retraités et voyageurs
d’expression française, Jules Goyette a fondé, en janvier dernier, l’Association francophone Canada-Floride,qu’il préside maintenant. Les «snowbirds» francophones du
Québec,de l’Ontario et des Maritimes ont maintenant un organisme sur lequel ils peuvent compter, peu importent leurs pépins! Ne leur manque peut-être que les services
de davantage d’experts chevronnés au fait des lois floridiennes.
Caroline Fortin et Yves Bonneau
Photos : Sonia Jam
OBJECTIF CONSEILLER
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Objectif Conseiller
Quelle était votre occupation
avant de prendre votre retraite, M. Goyette?
Oiseaux migrateurs
Je travaillais dans le domaine du marketing,
pour des multinationales établies au Canada. Mais vint un
moment où il n’y avait plus de défis, et moi c’est ce que
j’aime dans la vie alors… Ça fait dix ans que j’ai pris ma
retraite et je ne m’ennuie pas du tout!
en voie de prolifération
Jules Goyette
Comment en êtes-vous venu à fonder
l’Association francophone Canada-Floride?
OC
Quand j’ai pris ma retraite, il fallait que je bouge, que
je fasse quelque chose. Pendant quatre ans, j’ai œuvré pour
une association de retraités canadienne-anglaise établie
en Ontario. Les services offerts étaient pauvres, et il n’y
avait pratiquement rien pour les francophones. J’ai quand
même développé divers moyens de rendre service aux
membres de cette association : j’étais un peu une personneressource qu’on appelait pour régler les petits et gros problèmes. Mais j’ai démissionné au mois de janvier dernier.
Des professionnels que je connaissais – des avocats, des
notaires, des comptables, des fiscalistes – et moi avons
décidé de fonder une association pour les retraités et voyageurs francophones qui, comme nous, passent une partie
de leur année en Floride. Ce genre d’organismes n’existait
pas et nous voulions fournir des services aux francophones
spécifiquement. Vous savez, il y a cinq millions de Canadiens qui passent de quatre à six mois par année en
Floride. De ce nombre, il y a 150 000 francophones. C’est
beaucoup. Et, comme aux États-Unis chaque État a ses
lois et que nul n’est censé ignorer la loi…, bénéficier d’une
aide éclairée peut faire toute la différence. Il y a toutes
sortes de situations qui peuvent arriver! Le but de l’association est donc de protéger, d’informer et de regrouper.
JG
OC
Quels genres de services offrez-vous?
JG D’abord, nous travaillons en collaboration avec les hôpitaux de la Floride, la Régie de l’assurance-maladie du Québec, la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ),
etc. Nous disposons aussi d’avocats qui peuvent répondre à
toutes les questions relatives à l’immigration, à la succession,
à l’achat et la vente de maison, aux hypothèques, etc. En
d’autres mots, nous avons établi des partenariats avec différents experts et nous nous chargeons de mettre nos membres
en contact avec eux, selon leurs besoins. Car nous ne répondons pas nous-mêmes aux demandes des membres. Nous
allons plutôt diriger ceux-ci vers un de nos spécialistes.
La question du testament, par exemple, suscite beaucoup de demandes. En Floride, le testament doit être offi-
Chaque année, ils sont plus de 150 000 Québécois
à s’envoler vers le Sud pendant cinq ou six mois
pour éviter nos rudes hivers.
AU CANADA :
Âge moyen des «oiseaux migrateurs» : 66 ans.
Moyenne du revenu : 41 260 $.
Retombées économiques engendrées par les
voyageurs en Floride: 1,3 milliard en 1996.
Faites l’équation...
cialisé par le biais de la Probate Court (tribunal successoral).
Chaque comté en Floride a sa cour, donc il peut s’écouler beaucoup de temps avant de passer devant le juge qui
fera l’homologation du testament. Un des problèmes, c’est
que les testaments des Québécois sont rédigés en français.
Les faire traduire par un traducteur juridique coûterait
entre 500 et 700 dollars chacun. Et il est loin d’être certain qu’un juge en Floride l’acceptera... la succession peut
alors coûter cher. Pourtant, une personne peut avoir un
testament américain pour ses biens de la Floride et un
canadien pour ses biens du Québec. Mais il y a des procédures à suivre et il faut les connaître.
Par exemple, il y a aussi une loi américaine qui dit qu’un
citoyen non américain n’a pas le droit de demeurer plus de
183 jours aux États-Unis dans une année. La loi canadienne stipule que nous n’avons pas le droit de quitter le
pays plus que six mois moins un jour pour bénéficier, entre
autres, de l’assurance-santé. Chaque Canadien résidant
temporairement aux États-Unis doit quant à lui remplir
le formulaire 8840 s’il y passe plus de 31 jours dans une
JUILLET-AOÛT 2001
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les assurances voyages. Il y a aussi la cotisation annuelle
des membres. Le but, ce n’est pas de faire de l’argent, mais
de faire profiter les membres des services que nous offrons.
«
OC Vos membres sont-ils dispersés
à la grandeur de la province?
JG Ils proviennent du Québec, de l’Ontario et du
Nouveau-Brunswick, mais la majorité viennent du
Québec, c’est évident.
Dans trois à cinq
ans, on devrait
avoir entre 40 et
50 000 membres!
Profil
»
• JULES GOYETTE
• Président de l’Association francophone
Canada-Floride
• Bénévole émérite
année. Il faut ensuite l’envoyer à l’impôt américain avant
le 15 juin de chaque année pour prouver qu’on est citoyen
canadien. Car, même si nous sommes des visiteurs, nous
avons des privilèges et des droits, mais pas tous les droits.
OC Combien l’Association compte-t-elle
de membres?
JG D’abord, avant de démarrer l’Association, j’ai fait des
sondages en Floride. J’ai parlé devant des groupes de
250 personnes, j’ai fait des conférences pour sonder le terrain, voir s’il y avait un intérêt pour une association francophone qui répondrait à leurs besoins et questions. Les
intéressés étaient invités à laisser leurs coordonnées. Alors,
actuellement, nous avons 750 membres. Dans trois à cinq
ans, nous devrions en avoir 40 000 ou 50 000. Nous
allons également élargir nos services : il y aura des cartes
de crédit faites pour les gens de l’Association, ainsi que des
cartes de réduction. Donc, le 20 $ demandé pour l’adhésion sera rentable!
OC
Vous faites tout ça bénévolement?
JG
Bien sûr! C’est un organisme à but non lucratif.
OC
Comment faites-vous pour vous financer?
Par les commandites, surtout. Nous avons aussi des
ententes sur différents services que nous offrons, comme
JG
OC Comment communiquez-vous
avec tout votre monde, alors?
JG Nous avons un conseil d’administration et des superviseurs de secteurs, tous des bénévoles. Si nos membres
veulent nous joindre, nous avons un numéro de téléphone
sans frais et, bientôt, un site Web sera à leur disposition.
Sur ce site, nous mettrons des hyperliens vers beaucoup
d’autres compagnies ou services. Il y aura aussi un journal d’information qui paraîtra quatre fois par année. Nous
pouvons aussi donner certaines informations par courrier
électronique ou par la poste, aux membres comme aux
non-membres.
Y a-t-il un point de ralliement en Floride
où les gens peuvent se rencontrer?
OC
Pour le moment, l’Association est encore virtuelle.
Mais le numéro sans frais est fonctionnel du Canada et de
la Floride. Il y a 1 200 parcs de maisons mobiles en Floride, plus les condos, c’est donc difficile de se donner rendez-vous! Des gens de l’Association iront bientôt rencontrer les présidents des conseils d’administration de ces parcs
et ceux des clubs sociaux et organiseront des réunions d’information pour aller chercher le plus de membres possible.
JG
OC Quels sont les différents besoins
des membres de votre association?
JG Comme les lois sont différentes, il y en a beaucoup.
Ouverture de comptes, hypothèques, testaments, assurances,
aide lors d’un accident automobile.
À cet égard, je suis accrédité à la SAAQ, ce qui fait que je
peux appeler moi-même pour mes membres lorsqu’il y a un
accident de la route afin de faire ouvrir le dossier. Ça fait dix
ans que je vais en Floride chaque année, alors je commence à
connaître beaucoup de gens! Je connais des présidents de
banque, le consul du Canada, M. Villeneuve, etc. Cela a ses
avantages! Ce matin, par exemple, je parlais à un comptable
qui pratique en Floride et qui va bientôt se joindre à nous.
Nous avons ainsi des partenariats avec différents professionnels qui sont en mesure d’offrir des services en Floride et au
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Québec, et nos membres utilisent leurs services. Entre autres,
ceux de notre avocat et conseiller juridique, David Altro. Il
nous faut des professionnels qui connaissent les lois, les règlements, les subtilités des deux endroits.
Avez-vous des exemples de mésaventures
que vous avez contribué à résoudre?
OC
Plusieurs! La première qui me vient à l’esprit est cette
dame seule à qui je disais toujours de faire son testament.
Elle avait une maison au Québec, une sur la Côte d’Azur,
une au Costa Rica et une en Floride. C’est une Française
qui avait sa citoyenneté canadienne. Elle avait une nièce
et deux frères, l’un de 85, l’autre de 86 ans. Eh bien, malgré mes conseils répétés, elle est décédée sans testament!
Un notaire de Montréal et moi avons tout de même réussi
à liquider ses avoirs, mais cela a pris quatre ans.
Il y a aussi ce monsieur de 67 ans qui visitait Los
Angeles. Il n’est pas membre de l’Association, mais il
m’avait vu à la télévision à une émission avec Louise
Deschâtelets en Floride. Le monsieur ne parle pas anglais
du tout. Il décide d’aller se baigner à la plage à Santa
Monica, il laisse toutes ses affaires, permis, cartes d’identité, etc., à l’hôtel. Au sortir de l’eau, dégouttant, il se
penche pour mettre son survêtement. Deux policiers qui
marchaient par là le voient et l’accusent aussitôt d’avoir
uriné sur la plage. Il s’est retrouvé directement en prison!
Évidemment, il ne comprenait pas ce qui se passait. Quand
il est allé en cour, on lui a affecté un avocat qui ne parlait
qu’anglais. Finalement, on lui a trouvé un interprète. Le
juge a reporté la cause à quinze jours plus tard, mais lui
devait retourner au Canada, car il allait au Brésil après.
Alors il voit l’émission de Louise Deschâtelets et il me
retrouve. J’ai appelé l’ambassade du Canada à Los Angeles
pour leur expliquer la situation, la cause a été annulée.
Souvent, des visiteurs sont impliqués dans des accidents
de voiture. Nous suggérons aux voyageurs canadiens de
toujours rester dans la voie du centre quand ils roulent sur
les autoroutes. Je me rappelle d’un cas où une dame s’est
fait lancer une bouteille sur sa voiture. Elle m’a appelé peu
après, tout énervée. Je lui ai expliqué comment faire pour
aller chercher son rapport de police et faire ouvrir son dossier auprès des assurances. C’est simple, mais, quand une
personne ne sait pas quoi ni comment faire, la situation
peut devenir stressante.
JG
Pour ceux qui habitent plusieurs mois en Floride
et qui veulent passer des ordres à leur courtier ou
modifier leur portefeuille, la loi a été amendée…
OC
JG
Un client peut maintenant faire appel à son courtier au
Québec en demeurant en Floride. S’il veut acheter des
actions sur place, alors il doit traiter avec un courtier de la
Floride, à moins que son courtier du Québec ait un bureau
en Floride et qu’il soit accrédité par la commission des
valeurs de l’État. Même chose avec l’hypothèque : si le
client en a pris une en Floride, il ne peut demander qu’on
prélève les versements dans un compte ouvert au Québec.
Même si c’est avec la Banque de Montréal en Floride ou
la NatBank.
En matière de finances personnelles,
quels sont les besoins de vos membres?
OC
L’assurance voyage fait partie des produits les plus
demandés. Par contre, il existe un produit peu utilisé, et
c’est l’assurance-vie. Il me semble que les courtiers ne travaillent pas assez là-dessus. C’est quand même un moyen
formidable d’échapper à l’impôt pour la succession. Mais
c’est mal compris parce que c’est mal expliqué. Selon moi,
on ne devrait jamais vendre un produit, mais se vendre soimême. Inspirer la confiance aux gens d’abord, puis saisir
leurs besoins et ensuite proposer des produits et les expliquer dans les mots du client. C’est important, car, même
si le courtier livre un exposé détaillé, concis et clair, s’il
ne s’adapte pas à son interlocuteur, le message ne passera
tout simplement pas.
JG
Est-ce que vous vous faites courtiser
par des experts, certains vont-ils faire
des représentations en Floride?
OC
JG Bien sûr, à l’occasion. Je n’ai rien contre ça! Il faut
cependant que ce soient des professionnels, on n’accepte
pas n’importe qui! Les candidats doivent aussi connaître
la législation de la Floride. Ceux qui sont intéressés à offrir
leurs services à nos membres n’ont qu’à m’appeler et nous
nous rencontrerons. Que ce soit pour venir parler de leurs
services durant ou après nos conférences ou pour rencontrer des clients potentiels. Ensuite, rien ne les empêche de
traiter avec leurs clients au téléphone. Présentement, nous
faisons affaire avec une trentaine de professionnels, mais
nous n’avons pas beaucoup de fiscalistes.
Encore hier, notamment, je rencontrais un courtier d’assurances qui a des bureaux à Chicoutimi, à Québec et à
Montréal, et avec qui nous allons faire affaire. Ce courtier a
décidé de donner des glucomètres aux membres de
l’Association qui décideront de s’assurer avec lui. Nous
savons que, normalement, les diabétiques sont très difficiles
à assurer... Son approche est donc très intéressante.
Oui, parce que avant, on ne pouvait pas faire ça.
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