Prescription d`une chaussure thérapeutique sur mesure

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Prescription d`une chaussure thérapeutique sur mesure
Prescription d’une chaussure thérapeutique sur mesure
Alain GOLDCHER, Médecin podologiste
131 avenue du Centenaire 94210 La Varenne St Hilaire
Praticien Attaché Consultant en podologie
- Service de rhumatologie du Prof Pierre Bourgeois G.H. Pitié-Salpêtrière de Paris 13e
- Directeur d’enseignement du diplôme interuniversitaire de podologie de Paris V et VI
La chaussure thérapeutique sur mesure bénéficie depuis quelques années d’un cahier des
charges innovant et ouvert. Son efficacité dépend du savoir-faire du podo-orthésiste, du désir
esthétique du patient et de la compétence du prescripteur. Seule une bonne coopération entre
ces trois intervenants garantit la réussite du traitement. Le patient doit accepter que sa
chaussure devienne un traitement plus qu’un vêtement et que sa pathologie entraîne certaines
contraintes. Le podo-orthésiste doit tenir compte des souhaits de son client mais aussi des
exigences du prescripteur. L’ordonnance médicale, indispensable pour la prise en charge, doit
s’accompagner de toute précision utile au professionnel, en terme de finalité fonctionnelle et
de conseils techniques. Notre présentation vise à faciliter cette prescription idéale.
1. Réflexions sur le nouveau cahier des charges
La podo-orthèse se justifie si l’un des deux pieds ne peut pas être chaussé en série, mais la
prescription se fait par paire, les chaussures de compensation et de complément n’existant
plus. Elle doit être adaptée à la pathologie, à l’autonomie et aux handicaps du patient. Le cahier
des charges est passé de 10 pages au TIPS, avec près de 100 références, à 2 pages et 11
références en 1996. Une dernière simplification à l’extrême, a aboutit à 2 types de chaussures :
classe A et B.
Avantages
¾ Prescription apparemment simplifiée pour le médecin.
¾ Facturation simplifiée pour le podo-orthésiste et grande liberté dans les matériaux et
les techniques (privilège de la seule finalité thérapeutique).
¾ Contrôle de prise en charge simplifiée pour le patient et le service d’appareillage.
Inconvénients
Pour éviter tout litige, le prescripteur ne peut plus se contenter d’inscrire « bon pour une paire
de chaussure orthopédique » sur l’ordonnance. Il doit préciser classe A ou B.
La prise en charge à 2 tarifs peut sembler injuste aux podo-orthésistes qui perdent sur la
facturation de certains types de pied pathologique par rapport à l’ancienne nomenclature. En
fait, le système forfaitaire doit être jugé en globalité car s’il y a perte sur certains pieds, il y a
gain sur d’autres.
L’expérience montre que le patient subit les principales conséquences néfastes de ce système.
Tous les compléments non prescrits risquent de ne pas être incorporés dans la chaussure :
peausserie souple et résistante, contrefort rigide, capitonnage, crochets, etc. Plusieurs de ces
éléments augmentent le temps de fabrication et le prix de revient de la chaussure (pour un
même tarif forfaitaire de prise en charge).
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2. Connaître les indications médicales et la nomenclature
Sur le plan médico-légal, un médicament ne peut être prescrit que pour une indication
médicale pour laquelle il a reçu une Autorisation de Mise sur le Marché. Dans le même esprit,
une chaussure sur mesure ne peut être prescrite que pour une indication médicale qui a été
validée par un groupe d’experts. Toutes les pathologies concernées ayant été retenues, il
convient de les connaître pour rédiger une ordonnance conforme aux textes réglementaires.
Classe A
Bénéficiant du tarif de prise en charge le plus bas, elle correspond à une chaussure de
conception simple, souvent à tige basse, pour 4 groupes de pathologies.
1. Désorganisation métatarsophalangienne enraidie : hallux valgus, hallux rigidus, orteil en
griffe, quintus varus, luxation métatarsophalangienne… toute clinodactylie ou camptodactylie
gênant le chaussage ordinaire.
2. Trouble volumétrique : œdème quel que soit l’origine, lymphœdème, malformation,
malposition, exostose volumineuse d’hallux valgus ou rigidus, pathologie inflammatoire,
métabolique, infectieuse ou tumorale.
3. Amputation au niveau transmétatarsien ou plus proximal, quelle qu’en soit l’étiologie.
4. Inégalité de longueur des membres inférieurs : différence de longueur des pieds égale ou
supérieure à 13 mm, compensation de différence de hauteur égale ou supérieure à 20 mm.
Classe B
Cette classe bénéficie d’un tarif de prise en charge supérieur à la classe A et correspond à une
chaussure thérapeutique plus complexe à réaliser et souvent à tige haute.
5. désaxation complexe stato-dynamique
- effondrement complet et irréductible de la colonne médiale : rupture du tendon tibial
postérieur, pied valgus important, luxation de l’articulation médiotarsienne ou tarsométatarsienne (ostéoarthropathie neurogène).
- équin fixé nécessitant une compensation égale ou supérieure à 20 mm
- varus équin non réductible
- talus non réductible.
6. paralysie surtout avec pied tombant pour lutter contre un steppage.
7. instabilité du tarse et de la cheville, avec ou sans hyperlaxité (corps étranger, arthro- ou
chondropathie, séquelle traumatique ou chirurgicale) justifiant une contention rigide à la
marche dans un but antalgique ou de prévention d’entorses à répétition.
8. trouble trophique en rapport avec une neuropathie, et/ou une artériopathie, et/ou une
maladie inflammatoire, en dehors du traitement d’une plaie.
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3. Définir la finalité thérapeutique adaptée
Toute chaussure doit protéger le pied vis-à-vis des agressions extérieures et faciliter la marche.
La chaussure orthopédique n’a évidemment aucune visée étiologique dans le traitement des
pathologies décrites précédemment ; sa prescription relève d’une action symptomatique : la
finalité thérapeutique. Il en existe quatre principales, qu’il convient de définir avec
précision (associations possibles) et de communiquer au podo-orthésiste.
¾ CHAUSSANT HORS NORME
Trouble volumétrique
Trouble trophique
Déformations
Désorganisation métatarsophalangienne
¾ COMPENSATION
Amputation
Inégalité de longueur (mb inf, pied)
Trouble statique fixé, non réductible
¾ STABILISATION, CONTENTION (en position la plus corrigée possible)
Paralysie
Trouble statique plus ou moins réductible
Désaxation
Instabilité de la cheville ou du tarse
¾ AIDE AU DÉROULEMENT
Raideur articulaire
Déficit des muscles extrinsèques
4. Mode de prescription
Une fois l’indication médicale et la finalité thérapeutique définis, le prescripteur doit s’assurer
que son patient ne peut pas bénéficier d’une chaussure de série adaptée ou d’une chaussure
thérapeutique de série (CHUT ou CHUP).
Pour certains spécialistes (rhumatologue, rééducateur fonctionnel, chirurgien orthopédiste) la
prescription peut se rédiger sur des volets Cerfa n°60-3876 (arrêté du 29/02/1984), ce qui évite
le contrôle administratif à priori. Le prescripteur doit inscrire tous les éléments utiles au podoorthésiste sur la première page et les justifications médicales sur la dernière. Pour les autres
médecins, la chaussure sur mesure se prescrit sur une ordonnance particulière, indépendante
d’autres produits, sur une ordonnance bizone pour le patient bénéficiant d’une prise en charge
à 100%.
Pour une efficacité optimale, le médecin doit inscrire sur l’ordonnance, ou sur une lettre jointe,
tous les détails indispensables à respecter et révélés par l’examen médical. En revanche, la
transmission du diagnostic n’est ni nécessaire ni suffisante. Rappelons que le podo-orthésiste
est un artisan, professionnel de santé, sans statut paramédical ou d’auxiliaire de santé ; mais, le
dialogue s’avère toujours constructif.
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5. Check-list de prescription
Pour faciliter une bonne coopération entre professionnels, nous proposons détailler les
données à préciser lors de la rédaction de l’ordonnance. Bien sur, seuls les éléments utiles
seront renseignés.
- Moulage du pied ou pas : il sera pris en charge par les organismes sociaux que s’il est
prescrit par le médecin. Il est fortement justifié pour la première mise, surtout en cas de pied
hors norme. Lorsqu’il n’est pas prescrit, le podo-orthésiste se sert d’une forme standard qu’il
adapte par différentes mesures autour du pied.
- La tige. Plusieurs précisions s’imposent :
¾ le matériau en particulier s’il existe une allergie connue (chrome de tannage, teinture, etc.)
ou une pathologie exigeant une chaussure ultra légère.
¾ la hauteur : basse, moyenne (bottine) ou haute. En cas de pied complexe, il est toujours
préférable de commencer par une bottine qui permet de rattraper certaines malfaçons.
¾ Le système de fermeture : lacet, glissoire, crochets, bande auto-adhésive : à préciser en
cas d’handicap manuel, coxal ou rachidien limitant ou interdisant la manipulation des
pieds.
¾ Les renforts (contrefort, ailette, bout dur) : parfois inutile (forte déformation irréductible
avec raideur articulaire) ou indispensable (instabilité, paralysie, déformation réductible,
arthropathie du tarse).
¾ Le capitonnage en regard de saillie osseuse ou de structure rigide de la chaussure :
indispensable en cas de trouble trophique pour prévenir une lésion cutanée par
frottement répété.
- La semelle. Le cuir n’est pas toujours souhaitable, notamment en cas de fonte du capiton
plantaire, de douleurs plantaires, d’arthrose du membre inférieur ou du rachis. La rigidité peut
s’imposer en cas de douleurs lors du déroulé du pas (hallux rigidus), en associant une aide au
déroulement (barre).
- Le talon. Certains symptômes influencent ses caractéristiques : talon compensé en cas de
trouble de l’équilibre ; hauteur adaptée à une brièveté musculo-tendineuse, une compensation
d’inégalité de longueur de membre inférieur, une métatarsalgie (hauteur minimum) ou une
talalgie (hauteur antalgique).
- L’orthèse plantaire. A préciser : réductibilité d’un trouble statique, contre-indication de la
mise en équin en cas de métatarsalgie ou d’hyperkératose sous capitométatarsienne, matériau
amortisseur plus ou moins épais pour compenser une fonte du capiton plantaire, etc.
Conclusion
La chaussure thérapeutique sur mesure a une place dans la prise en charge des pieds très
pathologiques mais sa réussite dépend d’une étroite collaboration entre le patient, le
prescripteur et le podo-orthésiste.

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