EVECHE DU PUY-EN-VELAY Le Puy, le 4 Mars

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EVECHE DU PUY-EN-VELAY Le Puy, le 4 Mars
 EVECHE DU PUY‐EN‐VELAY Le Puy, le 4 Mars 1938. A L'AUTEUR Cher Monsieur, Pour célébrer dignement Notre‐dame de la Chaigne, il fallait une plume alerte et érudite, un cœur dévot et fidèle. La Vierge a trouvé en vous ce trésor. Votre récit est clair et bien documenté. Il est écrit avec un accent qui ne peut tromper sur vos sentiments de confiance et de filial amour envers la noble Dame de Blesle. Vos compatriotes vous sauront gré d'avoir ainsi chanté les gloires de leur Reine et Mère. Je fais donc des vœux pour que cette monographie se répande dans tous les foyers de cette région, qu'elle maintienne et intensifie la dévotion envers la Vierge Marie, si précieuse pour le salut des âmes, dans ce cher et noble pays Bleslois. NORBERT, Evêque du Puy‐en‐Velay. NOTRE‐DAME DE LA CHAIGNE ET SA CHAPELLE La Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne se trouve tout près de la ville de Blesle, sur la rive droite du ruisseau de Voirèze à cote du cimetière. Les grands arbres qui l'abritent empêchent les bruits du monde vivant d'arriver jusqu'à elle, à peine y perçoit‐on le doux murmure de l'eau qui passe et le léger bruissement des feuilles, qui s’entre choquent, agitées par le vent. Il n'est point de lieu plus calme, plus propice à la prière et au recueillement. On aurait vite compté les paroissiens de Blesle qui, une fois ou l’autre, n’ont point franchi le seuil de ce sanctuaire ; ils y sont tous venus, les uns plus souvent, d'autres plus rarement ; ils y sont tous venus implorer le secours de la Vierge bénie, à laquelle ils confient quelques‐unes de leurs joies, mais toutes leurs peines, elle est leur grande consolatrice, leur dernière ressource, leur suprême refuge. Que de confidences elle a reçues, que de tristesses elle a consolées, que d’espoirs elle a fait renaître, que de grâces elle a répandues ! Notre‐dame de la Chaigne est la grande bienfaitrice de Blesle. C'est l'histoire de Notre‐dame de la Chaigne et de sa Chapelle que nous nous proposons d'écrire. Nous disons l'histoire, et non point la légende, car notre récit prendra pour seules bases des documents dune authenticité indéniable. LE TEMOIGNAGE DE JACQUES BRANCHE C’est en l'année 1638 que fut construite la chapelle de Notre‐dame de la Chaigne, dont nous allons fêter le troisième centenaire. En 1651, donc treize ans plus tard, Jacques Branche, prieur mage de Pebrac, publiait son ouvrage : « La vie des Saincts et Sainctes de l’Auvergne et du Velay ». Pebrac, on le sait, est proche de Langeac, c’était avant la Révolution, le siège d'une abbaye renommée de l’ordre de Saint Augustin. Jacques Branche est un auteur sérieux, ce qu'il a écrit il l'a fait après de longues et minutieuses enquêtes. Il était venu à Blesle tout comme il était allé à Laurie. Mais à Blesle, il a eu ce privilège D’avoir à relater des faits tout récents i1 a pu entendre de nombreux témoins, dont il a fidèlement reproduit les déclarations. Nous pouvons donc prendre pour base son témoignage, que nous vérifierons du reste a la lumière de nombreux documents. Voici le récit de Jacques Branche: « On voit, dit‐il, le cimetière des pestiférés de Blesle dans une petite plaine, couverte de bonne grâce de divers arbres et ramages tout contre le ruisseau de Voirèze, au bas du faux bourg de la ville, qui était autrefois le lieu de toutes les insolences qui se commettaient par les habitants de la ville (1). Au‐dessus du portail était une image de Notre‐
dame, gravée dans une pierre en façon de niche, tenant son petit Jésus au bras gauche ; il y avait ordinairement de l'eau bénite, un aspersoir attaché avec une chaîne et une petite agrafe de fer contre la muraille pour y afficher les chandelles qu'on offrait de tout temps à la Sainte Vierge en priant pour les trépassés. Ces dévotions étaient agréables à Dieu jusqu'à ce point que quelques personnes malades, se sentant inspirées d'y dresser leurs voeux, recouvraient la santé. Suit l'énumération de plusieurs miracles. C'est d'abord Marguerite Dumas, veuve de Jacques Celorum, tisserand du lieu d'Anliac, paroisse de Talizat, qui, depuis onze ans, était retenue alitée à Blesle par la paralysie de tout son corps, sans espoir d'en voir jamais la fin. Dieu lui inspira dans la nuit du 8 mars 1638 de se traîner le lendemain jusqu'à la statue de Notre‐dame de la Chaigne, ce qu'elle fit, aux prix des plus vives fatigues. « Ayant présenté ses vœux à la Sainte Vierge, mêlés de ses larmes, elle se sentit subitement libre de ses membres et ses forces si bien remises, que, se levant sur pied, elle s'en retourna subitement à sa maison et de là en avant marcha si légèrement que jamais, au rand étonnement de tout le monde. Elle fit sa déclaration en présence de Messire Pierre Auber, Curé de Saint‐Martin de Blesle, Messire Jacques Planât, Prêtre, Docteur en Théologie, commis pour la direction de cette dévotion, et plusieurs gens de qualité qui avaient vu la patiente dans son infirmité et la voyaient alors dans le bon état de sa santé ». Messire Jacques Planât, prêtre originaire du Basborie, fut, lui‐même, grâce à l'intercession de Notre‐dame de la Chaigne, l'objet d'un miracle rapporté par Jacques Branche. L'Abbé Planât prêchait une mission à Saint‐Ilpize, il tomba dans une cave très profonde et se démit la rotule de la jambe droite, il en résulta de l'enflure qui gagna la jambe et la cuisse et lui causa des douleurs insupportables, il fut transporté à Blesle, les médecins craignaient de graves complications. Un jour qu'il faisait oraison dans son lit de souffrances, la Sainte Vierge lui fit comprendre qu'elle désirait être honorée dans le lieu de la Chaigne « à l'égal des insolences qu'on y avait autrefois commises ». Il résolut de se faire transporter à la Chaigne pendant neuf jours consécutifs, ce qui fut fait. Le neuvième jour, il se sentit entièrement guéri « avec le secours qu'il reçut de la Sainte Protectrice ». Un an après, étant à Paris, les mêmes douleurs le reprirent ; il revint à Blesle en l'an 1638 « non sans bien pâtir ». Il dit la messe en l'honneur de la Sainte Vierge dans la Chapelle nouvellement édifiée pour accomplir le vœu qu'il avait fait « et à l'instant il perdit toutes ses douleurs qui ne lui sont plus revenues, ainsi qu'il l'a signé et juré ». Jean Valet, âgé de 22 ans, « déposa en présence de Notaire et témoins » qu'il souffrait depuis quatorze mois d'un mal terrible au second doigt de la main droite, les médecins avaient coupé la première phalange et s'apprêtaient à lui couper le doigt tout entier par peur de la gangrène, une neuvaine à Notre‐dame de la Chaigne fit disparaître le mal, le 8 mars 1638. La déclaration fut signée le l’août 1639, en présence d'Aubert, curé, de Cellier, Laurens et Chardon, qui signèrent. Ces trois derniers étaient des hebdomadiers de Saint‐Pierre. Le 27 mai 1642, Jean Aurus, de la paroisse d'Auriac, déclara que son fils, âgé de neuf ans, avait « les pieds tournés devant derrière » ce qui l'empêchait de marcher, il conduisit son enfant à Notre‐dame de la Chaigne, en l'année 1638, et celui‐ci reçut le redressement avec l'usage de ses pieds, en suite d'un grand cliquetis de ses os, qui fut entendu de la plupart de ceux qui étaient dans la Chapelle. Le fait est attesté par Aubert, Cellier et Planât avec JosephAurus. L'an 1642, en présence des Magistrats de la Ville et de témoins, Antoine Sazy et Antoinette Verdier, son épouse, de Rocheconstant, paroisse de Lorlanges, certifièrent devant le Saint Sacrement exposé dans la Chapelle Saint‐Jean de l'Eglise Saint‐Martin, qu'ils avaient un fils de neuf ans atteint de folie, que les médecins déclaraient incurable, après deux visites à la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne, leur enfant recouvra la raison. Vincent Doucet et Jeanne Labignon, son épouse, de Planzols, paroisse de Léotoing, avaient un enfant complètement difforme. Ils le vouèrent à Notre‐dame de la Chaigne, qui lui rendit « la fraîcheur de son teint avec l'ordre proportionné de ses membres ». Ils négligèrent de s'acquitter de leur vœu, leur enfant revint à son premier état, mais ayant par la suite satisfait à ce vœu, « Dieu remit la santé à leur enfant ». (1) Certains ont cru pouvoir donner au mot Chaigne le sens de « lamentations », et ils en ont conclu que ce nom avait été donné au terroir de la Chaigne, parce qu'il était voisin du cimetière des pestiférés devant lequel on allait pleurer. Cette assertion fantaisiste est formellement contredite par ce qu'écrit Jacques Branche. Denise Coudert, de la paroisse d'Auriac, avait une fille âgée de six ans, qui fut prise « d'une douleur de ventre et de jambe » qui la priva de mouvement pendant cinq mois, ne sachant plus que faire, la mère fit le vœu de se rendre à la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne, et immédiatement sa fille fut guérie « faveur qui obligea la mère et la fille de s'en aller au plus tôt se rendre quittes de leur vœu et déclarer cette vérité ». « Toutes ces merveilles, conclut Jacques Branche, sont tirées» de l'information faite sur ce sujet dans la ville de Blesle en divers» temps ». Jacques Branche dit que le premier des miracles qu'il relate (la guérison de la paralytique Marguerite Dumas, veuve Celorum) miracle solennel, mit le courage dans le cœur de tous les habitants de contribuer à la bâtisse de ce Saint Oratoire (Chapelle de la Chaigne) qu'on voit à présent, tenant pour assuré que la Mère de Dieu voulait y être servie par les gens de ce pays, et les bienfaits et les aumônes y furent si fréquents que dans peu de mois on y eut posé le couvert, l'autel fut dressé à la porte de dessous l'image de Notre‐dame, d'où l'on entrait dans le cimetière, et toute la chapelle au dehors de la place, afin que Dieu y fut honoré en la personne de sa Sainte Mère, au lieu qui avait servi jusqu'alors à tous les libertinages et insolences de la ville. Et Dieu goûtant le plaisir de cette bonne œuvre, y a fait depuis un grand nombre de miracles ». Tel est le récit de Jacques Branche, venu à Blesle quand la Chapelle était à peine sortie de terre. Les miracles qu'il relate étaient alors tout récents ; il a vu et interrogé les témoins, consulté le registre où étaient dûment, et parfois par‐devant notaire, consignés les faits surnaturels qu'il relate. Quelle est la valeur de son témoignage ? Pour le juger, nous le confronterons avec les documents contemporains des faits relatés par le prieur mage de Pébrac ; un certain nombre de ces documents sont parvenus jusqu'à nous. LES AUTRES DOCUMENTS CONTEMPORAINS Voici, tout d'abord, la minute d'un acte reçu par Tondut, notaire, à Blesle, le 20 juin 1639, et qui se trouve dans nos archives. Dans cet acte, Noble et Révérende Dame Suzanne de Villeneuve, Abbesse du Couvent et Monastère Saint‐Pierre de Blesle, Messires Martial Bilhard, Curé de Saint‐Pierre, Pierre Aubert, Curé de Saint‐Martin, Guillaume Tranchant jeune, prêtre de Blesle, et Gabriel Tournemolle, Jean des Bordes et Jean Laurent, consuls de la ville de Blesle, signent un compromis dans la salle abbatiale pour élire des arbitres afin de trancher le différend qui les divisait au sujet de la direction « de la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne, nouvellement construite et érigés par les habitants de ladite ville ». Les parties conviennent que le sieur Blanc (sans doute Gaspard Blanc, seigneur du Bos) et la femme de Guillaume Dulac continueront à recevoir les offrandes, à charge d'en rendre compte. Ce texte est formel quant à l'époque où fut construite la Chapelle, c'était avant le 20 juin 1639. Le 11 avril 1641, devant le même Tondut, notaire, à Blesle, comparut la même « Noble et Révérende Dame Suzanne de Villeneuve, Abbesse du Couvent et Monastère Saint‐Pierre de Blesle tant pour elle que pour ses successeurs ». Elle déclara qu'elle avait donné verbalement cy devant les fonds pour construire une Chapelle de nouveau érigée (1) à l'honneur de la Glorieuse Vierge Marie et donné pouvoir de l'édifier, ce qui a été fait par ses soins et diligences au terroir appelé de la Chaigne, proche de la dite ville de Blesle, lequel tenement de la Chaigne est de sa censive et directe. L'Abbesse déclara doter cette Chapelle d'une rente annuelle et perpétuelle de six setiers de seigle, mesure de Blesle (972 litres, mesure actuelle) au profit du chapelain qui serait tenu d'y dire la messe les jours de Pâques, Noël et la Toussaint, le jeudi de la fête du Saint Sacrement, les jours de l'Ascension et de la Pentecôte et des sept principales fêtes de Notre‐dame, les Dimanches de l'Avent, les jours de la fête de Saint Joseph et de celle de Sainte Suzanne. L'Abbesse désignait Guillaume Tranchant jeune, hebdomadier de son Eglise conventuelle, comme chapelain de la Chaigne. Ces deux actes diffèrent, on le voit, sur plusieurs points (dans l'un il est dit que la Chapelle a été édifiée par les habitants, dans l'autre, qu'elle le fut par l'Abbesse), mais ils concordent sur ce fait que nous retiendrons : la récente érection de la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne, et aussi celui‐ci, qu'il y avait conflit entre l'Abbesse et le Curé de Saint‐Martin au sujet de la direction de laChapelle. L'Abbesse, en effet, prétendait qu'elle en était la patronne exclusive, le Curé de Saint‐Martin disait, au contraire, que cette Chapelle, ayant été érigée sur le territoire de sa paroisse, il en était de droit le chapelain. Il s'ensuivit un long procès, que trancha définitivement le Parlement de Paris au profit du Curé de Saint‐Martin par arrêt du 25 janvier 1642 (Archives Nationales X113 184, minute, X436, enregistrement). Cet arrêt confirmait la sentence de la sénéchaussée d'Auvergne à Riom, du 9 mars 1640. Nous possédons une copie des conclusions déposées par l'Abbesse de Blesle à l'appui du pourvoi qu'elle avait introduit devant le Parlement de Paris contre la sentence .de la Sénéchaussée d'Auvergne. La nature du papier, l'écriture, l'encre qui a été employée pour l'écrire permettent d'affirmer que cette copie est contemporaine du procès, donc de 1640. Nous en tirerons ces quelques lignes qui contiennent l'exposé des faits : Au commencement de l'année 1638, l'appelante (c'est‐à‐dire l'Abbesse), ayant été informée qu'en un lieu dépendant de son abbaye, il y avait une image de la Vierge, devant laquelle quantité de personnes allaient faire leurs dévotions, attirées par quelques miracles et effets extraordinaires et surnaturels, qui faisaient connaître que Dieu et la Vierge y voulaient être servis, elle fit recueillir quelques aumônes et charités, qui y avaient déjà été faites, avec lesquels, et ce qu'elle adjoignit du sien, elle fit construire une chapelle et un autel et fit acheter toutes sortes. L'Abbesse ajoute qu'elle renta la chapelle de trois setiers de seigle, on a vu que le 11 avril 1641, elle porta cette rente à six setiers et qu'elle commit des prêtres de son église conventuelle pour dire des messes de dévotion et quelques‐uns des plus zélés habitants de la ville pour recevoir les offrandes. Pendant quatorze ou quinze mois, cet ordre établi dura au vu et au su de tout le monde, l'Evêque de Saint‐Flour fit faire la bénédiction de la chapelle par son Grand Vicaire. (1) « De nouveau érigée » dans le langage de l'époque signifiait « nouvellement érigée » (de novo). Dans un article récemment paru dans l'Almanach de l'Union, sur Notre‐dame de la Chaigne, l'auteur fait de l'exégèse sur ces trois mots, et aussi sur ceux‐ci : l'Abbesse ayant été récemment informée des miracles qui s'opéraient à la Chaigne. Et il en conclut : que la Chapelle, édifiée en 1638, remplaçait une Chapelle probablement démolie, et qu'à son arrivée à Blesle l'Abbesse ne vit pas de Chapelle. L'auteur présume donc que l'Abbesse vint à Blesle peu de temps avant la reconstruction de la Chapelle. Or, Suzanne de Villeneuve de la Berlière était déjà religieuse du Monastère quand elle fut nommée coadjutrice de Louise de Précor de Montjournal (11 juillet 1617), à qui elle succéda, au décès de cette dernière (10 juin1620). Donc, en 1638, il y avait déjà longtemps qu'elle habitait Blesle. Enfin, tous les textes démontrent qu'avant 1638, il n'y avait pas de Chapelle à la Chaigne, mais une seule image placée sur le portail du cimetière. d'ornements nécessaires pour y célébrer la messe ». Au début de juin 1639, l'Abbesse désigna Guillaume Tranchant jeune, comme chapelain, et cette nomination fut ratifiée par l'Evêque de Saint‐Flour. Le 24 juin 1639, au moment où Tranchant s'apprêtait à dire la messe dans la Chapelle, Pierre Aubert, Curé de Saint‐Martin, accompagné de quelques uns de ses paroissiens, s'empara des ornements, mit Tranchant à la porte de la Chapelle et prétendit être le maître en ce lieu. L'Evêque de Saint‐Flour prit parti contre l'Abbesse et Tranchant en faveur du curé de Saint‐
Martin. Pierre Aubert, on l'a vu, eut gain de cause et resta le seul administrateur de la Chapelle. L'Evêque de Saint‐Flour, disait l'Abbesse, était irrité contre elle, parce que deux ou trois ans seulement auparavant, par arrêt contradictoire du Grand Conseil, elle avait été déclarée exempte de sa Juridiction et pour cela disposé à la choquer en tout ce qu'il pourrait. Laissons de côté ces querelles; qui n'ont pas beaucoup d'intérêt pour nous, et continuons l'étude des textes intéressant plus spécialement la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne. Nous possédons une copie du procès‐verbal de la bénédiction de la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne, copie contemporaine de l'original, et faite sur les titres trouvés chez Messire Bonnafos, Chanoine de Saint‐Flour, après son décès ; en voici l'analyse : Le 8 juin 1638, la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne fut bénite par Messire Jean Gibrat, Archiprêtre, Chanoine de l'Eglise Cathédrale de Saint‐Flour, Vicaire Général de Monseigneur de Noail‐les, Evêque de ce diocèse, assisté de Messires Germain Bonnafos et François Jacquier, tous deux Chanoines de ladite Cathédrale. Et ce fut Gabriel Valetz, prêtre hebdomadier de l'Eglise abbatiale de Saint‐Pierre de Blesle, curé de Saint Etienne sur Blesle, agissant pour lui, pour le Corps commun de la Ville, les officiers de Monseigneur le Duc de Vendôme, et pour la communauté des prêtres de Blesle, qui requit cette bénédiction de la Chapelle afin que la dévotion du peuple y fut entretenue et augmentée, vu la diversité des miracles qui y sont opérés tous les jours par les intercessions de la Sainte Vierge. Cette Chapelle fut trouvée close en partie de murailles et en partie de planches, blanchie en dedans et « dûment accommodée ». Sur la porte, une image de pierre de la Vierge, et un petit cimetière au derrière pour enterrer ceux qui décéderaient en temps de maladie contagieuse, et plusieurs matériaux au devant pour parfaire et agrandir la dite Chapelle, et un autel au dedans en bois de noyer avec un marbre au milieu. Ledit acte fait le huitième juin 1638, signé Gibrat et Bonnafos, greffier et autres. Nous possédons encore une copie authentique signée de Monseigneur Charles de Noailles, Evêque de Saint‐Flour, contresignée par Béraud (Chancelier de l'Evêché) et munie du sceau de l'Evêque, c'est la copie du règlement fait par l'Evêque de Saint‐Flour pour la Chapelle de Notre‐
dame de la Chaigne, en date du 22 juillet 1639. L'ordonnance épiscopale constate que l'Evêque a appris avec beaucoup de consolation que la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne « était fréquentée d'un grand concours de peuple, à raison des faveurs extraordinaires que Dieu départ à ceux qui s'y rendent avec dévotion ». Ce règlement répartit la distribution des offrandes et des messes entre les prêtres de Blesle, et règle l'emploi des sommes recueillies dans les troncs. L'Evêque nomme Pierre Aubert, curé de Saint‐Martin, comme administrateur de la Chapelle. Il n'avait d'autre but du reste que de donner l'appui épiscopal à Aubert dans son procès avec l'Abbesse, et c'est pour cela seulement qu'il fit ce règlement. Enfin, on lit dans le procès‐verbal d'adjudication des biens ecclésiastiques déclarés nationaux, dressé au district de Brioude le 14 avril 1791, qu'un jardin au lieu de la Chaigne adjugé à Berthuy, touchait du devant la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne et son cimetière, du midi, Joseph Segret Lompré, de l'ouest. Bec du Treuil, et de bise le béal du moulin de La Chaud. Il y avait donc à Blesle, en plus du cimetière de Saint‐Pierre et de Saint‐Martin, attenant à chacune de ces deux églises, un troisième cimetière dans lequel on enterrait les personnes qui mouraient en temps de peste, on sait combien nombreuses furent ces épidémies terribles qui décimaient la population. La dernière peste dont nous avons trouvé la trace à Blesle est celle de 1586. Un compte des fermiers de la seigneurie de Blesle daté du 21 octobre 1586, relate que l'un des fermiers, Martin, notaire, est mort à Blesle le 5 octobre 1586 « de la contagion de peste », nous possédons l'original de ce compte où il est dit que Françoise Doniol, veuve Martin, céda aux coassenceurs de son mari les droits de ce dernier dans le bail de la Seigneurie. Les registres de catholicité de Saint‐Pierre et de Saint‐ Martin, à peu près complets pour le XVIIe siècle et complets pour le XVIIIe, ne font aucune mention de peste à Blesle. Tous les défunts ont été enterrés dans les églises ou dans les cimetières de Saint‐Pierre et de Saint‐Martin, pendant le cours de ces deux siècles. Le cimetière, dit des pestiférés, se trouvait au terroir de la Chaigne, et c'est le nom du terroir qui fut donné à la Chapelle. Le portail du cimetière se trouvait à la place où fut érigé l'autel de la Chapelle. Au‐dessus de ce portail et dans une niche, se trouvait une petite statue de pierre qui était l'objet d'une grande vénération depuis de longues années. Un procès‐verbal daté du 13 janvier 1677, et dont nous possédons l'original, indique qu'à pareille date il était d'usage « que le clergé, les magistrats, les habitants et le peuple de Blesle, ayant été convoqués selon la coutume et la même manière de tout temps pratiquée dans l'église primitive et principale Saint‐Pierre de Blesle, au son des cloches des églises de la ville, se rendissent avec les consuls de l'année, revêtus de leur robe consulaire, à la Chaigne, pour satisfaire un vœu depuis de longues années fait par les dits citoyens de la ville, au sujet de divers et épouvantables tremblements de terre, lesquels, par leur, 3 véhémentes secousses menaçaient la dite ville d'une entière ruine et submersion ». Dans le registre de François Bilhard, Curé de Saint‐Pierre de Blesle, de 1647 à 1633, et dont le manuscrit est en la possession de Monsieur Joseph Burin des Roziers, dans ce registre, il est dit que le 6 janvier 1663, vers 7 heures du soir, il y eut un tremblement de terre, moins fort cependant que celui du 13 janvier (l'année est laissée en blanc). Jour octave des Rois, à raison duquel l'on fit une procession à Notre‐dame de la Chaigne. CONCLUSION Si la dévotion à Notre‐dame de la Chaigne était en faveur à Blesle avant 1638, combien dut‐
elle se développer encore après le miracle de la paralytique (la veuve Celorum) ! C'est ce miracle qui détermina les paroissiens de Blesle à bâtir en cet endroit une Chapelle. Commencée au début de mars 1638, les travaux étaient assez avancés pour que le 8 juin de la même année, l'Evêque de Saint‐Flour ait pu déléguer son Vicaire Général pour la bénir, et cette délégation de l'Evêque diocésain, n'est‐elle pas une preuve que ce dernier fut informé des faits extraordinaires qui s'étaient produits en ce lieu et dont il reconnaissait ainsi la réalité ? Jacques Branche, parlant de ces faits, qu'il n'hésite point à les qualifier de miracles, voit donc son récit confirmé en tous points par les documents que nous avons analysés. Sans doute, ces documents ne relatent point par le détail les faits extraordinaires rapportés les uns après les autres par le prieur mage de Pébrac, mais ils sont unanimes à constater qu'il y eut vers l'an 1638, dans ce lieu de la Chaigne, nombre de faits miraculeux dus à l'intercession de la Sainte Vierge. Nous croyons donc qu'on doit adhérer sans réserve aux dires de Jacques Branche, accepter comme vrais les événements merveilleux qu'il a consignés dans son livre et sous les réserves qu'impose en la matière l'Eglise Catholique, tant que les faits n'ont pas été légitimement définis par elle admettre que ces faits sont de l'ordre surnaturel et ne peuvent être attribués qu'à l'intercession de Celle que l'on vénère en ce lieu. LA CHAPELLE ET LA STATUE DE NOTRE‐DAME DE LA CHAIGNE Qu'est devenue la statue de pierre qui était avant 1638 dans une niche placée au‐dessus du portail du cimetière ? C'était une petite image de pierre, dit le procès‐verbal de bénédiction de la Chapelle. Cette statue qui avait été placée et mise dans la niche qui se trouve au‐dessus de la porte de la Chapelle, d'après le même procès‐verbal, était la primitive statue de Notre‐dame de la Chaigne. Elle fut sans doute trouvée trop petite, peut‐être aussi n'était‐elle pas assez décorative. Toujours est‐il qu'elle fut remplacée par une plus grande taillée dans de la lave du pays. Cette nouvelle statue est celle qui se trouve encore dans la niche qui est au‐dessus de la porte d'entrée de la Chapelle. La date de 1664, gravée sur son socle, et les armoiries de la famille Blanc du Bos sculptées au‐dessus de l'angle antérieur gauche de ce socle « écartelées aux 1 et 4 de sinople au cor d'or lié de même, aux 2 et 3 d'azur à la tour crénelés d'argent ajourée de sable », écu surmonté d'un heaume ; tout cela nous prouve que cette statue est due à la générosité de Gaspard Blanc, Seigneur du Bos, qui en fit don à la Chapelle en l'an 1664. La première statue n'existe plus, il est bien regrettable qu'ait disparu ce premier témoin des prodiges accomplis par Celle dont elle était « l'image ». La statue de 1664 a pris sa place et c'est elle qui reçoit les hommages et les prières des Bleslois. Du reste, la nouvelle image de Notre‐dame est la reproduction à peu près exacte de l'ancienne, telle que nous la dépeint Jacques Branche. C'est donc la statue qui se trouve au‐
dessus de la porte de la Chapelle qui est l'image véritable de Notre‐dame de la Chaigne. Il existe à l'intérieur du sanctuaire une petite statue de bois qui, il y a encore une dizaine d'années, était placée sur une tablette plaquée contre l'arc doubleau qui sépare le chœur de la nef, cette statue a été, de nos jours, placée sur l'autel. Cette statue de bois qui se trouve sur l'autel de la Chapelle était autrefois l'objet d'une grande vénération dans l'Eglise Saint‐ Martin. Sous la Terreur, quand on « brûla les Saints », Malpoint, sacristain de Saint‐Martin, dont on retrouve le nom dans plusieurs actes de catholicité de cette église, prit cette statue et l'emporta chez lui. La Révolution finie. Malpoint remit la statue à M. Bassier, Curé de Blesle, qui ne sachant où la mettre, la fit placer dans la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne. Ce récit nous a été fait par Marie Viscomte, veuve Pélissier, de Blesle, petite‐fille de Malpoint qui, bien souvent, lui avait « raconté cette histoire », qu'il y a tout lieu de croire authentique. Monsieur le Chanoine Lavialle, ancien curé de Bournoncle et originaire de Blesle, nous a dit que la figure et les mains de la Sainte Vierge et de l'Enfant Jésus étaient autrefois peintes en noir, et qu'un curé de Blesle, M. Cussinel, croyait M. Lavialle, leur avait rendu leur ton naturel. On ne saurait blâmer M. Cussinel ; la Vierge Marie, en effet, n'était pas une négresse. On sait que les anciennes Vierges noires vénérées en Auvergne et dans le Velay étaient à l'origine peintes en couleur chair et n'ont été noircies que longtemps après leur fabrication (1). D'après son costume, cette petite statue doit dater des premières années du XVIIe siècle, elle est donc antérieure à l'érection de la Chapelle. Quelques Bleslois, parmi les nouveaux venus, croient que cette statue est celle de Notre‐dame de la Chaigne, mais les autochtones, les Bleslois de vieille souche, ne s'y sont jamais trompés et à chacune de leurs visites à Notre‐dame, ils s'arrêtent sur le seuil, dirigent leurs regards vers la statue qui est au‐dessus de la porte et lui adressent leur prière, qu'ils vont ensuite continuer à l'intérieur de la Chapelle, en sortant, ils saluent pieusement Notre‐dame de la Chaigne, et, comme ils l'avaient commencée, c'est devant elle qu'ils achèvent leur prière, ne manquant jamais en partant de lui dire « au revoir ». La Chapelle de la Chaigne, œuvre du XVIIe siècle, n'a ni style ni valeur archéologique, elle n'en constitue pas moins pour les Bleslois un précieux souvenir. L'autel se trouve à l'ouest et l'entrée à l'est, contrairement à la règle suivie jusqu'au XVIe siècle, qui voulait que toutes les églises et chapelles fussent orientées, c'est‐à‐dire eussent leur choeur du côté de l'est. Le chœur de la Chapelle, qui occupe à peu près le tiers de la longueur de celle‐ci, est voûté d'arêtes très surbaissées. La nef est en plein cintre. Un petit clocheton surmonte le pignon au‐
dessus de la porte, et supporte une cloche, le clocheton se trouvait autrefois au‐dessus de l'arc doubleau qui sépare le chœur de la nef, il fut déplacé en 1903, la surcharge qu'il occasionnait menaçait de faire tomber la voûte. Lors des inondations du 1er octobre 1900, l'eau entourait la chapelle de tous côtés, il y avait une hauteur d'eau de plus d'un mètre cinquante centimètres tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, cela occasionna un tassement des fondations, les murs s'écartant, la voûte de la nef faillit s'effondrer. En 1903, Monsieur Chazot étant curé de Blesle, on dut refaire toute la partie supérieure de cette voûte et entourer l'extérieur des murs d'une ceinture de fer. Le chœur paraissait avoir moins souffert, mais avec le temps des lézardes se montrèrent, menaçant la voûte d'un effondrement prochain. Monsieur Notonier, qui était alors, curé de la paroisse, décida en 1924 de refaire cette voûte, comme la fabrique ne pouvait payer les frais de cette réparation. Monsieur le Curé fit faire une quête dans la paroisse. En quelques jours, les deux quêteuses avaient recueilli plus de six mille francs, on vit ainsi combien les habitants de Blesle tenaient à la Chapelle de la Chaigne, puisqu'ils mirent à la restaurer en 1924 le même zèle et la même générosité qu'avaient déployés leurs ancêtres en1638 pour la construire. Le chœur a été refait à neuf. (1) Voir sur ce sujet la communication faite par M. Louis Bréhier à l'Académie des Inscriptions et Belles‐Lettres (Compte rendu des séances de cette Académie 1935, p. 379) « A propos des Vierges Noires ». Pour expliquer ces visages noirs, dit M. Bréhier, on invoque généralement le « Cantique des Cantiques » (1, 4) : Nigra sum sed formosa... Cette explication trouvée après coup constitue un contresens iconographique. La Chapelle est aujourd'hui à l'abri de la ruine. Quant à la statue de pierre de 1664, elle est toujours à la même place. Pendant la Terreur, craignant qu'une main impie ne s'attaquât à elle pour la briser, quelques pieux habitants de la ville la descendirent de sa niche et l'enfouirent tout à côté, dans le béal, sous une grosse couche de sable. Malheureusement, la descente fut un peu précipitée, la statue tomba, et la tête se détacha du cou, la brisure fut heureusement nette et sans éclat. Après la Révolution, quand Monsieur Bassier, premier curé concordataire, rendit cette Chapelle au culte, on sortit la statue de son lit de sable et on la replaça dans sa niche ; on voit encore parfaitement la trace de la brisure du cou, qui a été réparée. Disons un mot du retable de l'autel. Le tableau est antérieur à 1704. Nous possédons en effet un traité signé de Comte, curé de Saint‐Martin, et de Chade, sculpteur, date du 11 juin 1704, par lequel Chade s'oblige à faire un « cadre en forme de cintre qui règne tout autour de la peinture, soutenu par deux pilastres dans lesquels il y aura quatorze bouquets, huit composés de fleurs et six autres de lauriers avec leurs fruits. Les deux pilastres auront une brodure (sic) d'or aux deux côtés. Au haut du cintre il y aura une couronne soutenue par deux anges, environ d'un pied et demi, le tout sera entièrement doré... etc. ». Le prix fait était de 80 livres et la livraison devait être faite le 1" septembre 1704, suit un reçu de 20 livres, acompte sur le prix ; il dut y avoir quelques modifications au devis, celui‐ci fut en effet réduit ; peut‐être le curé de Saint‐Martin était‐il trop pauvre pour payer pareille somme. Le retable fut bien exécuté, mais il est moins somptueux que ne l'annonçait le devis. Quant à la Chapelle elle‐même, elle fut vendue, comme bien national, au district de Brioude, le 27 février 1792. Voici la désignation donnée dans le procès‐verbal d'adjudication : « de suite il a été fait lecture de l'article suivant qui comprend la Chapelle appelée Notre‐dame de la Chany, y compris certain terrain qui dépend de la dite Chapelle, appelé le couderc de la Chany ; le tout réuni se confine du levant inclinant à bise par le béai du moulin, du midi le champ du sieur Joseph Segret, de nuit un jardin à chanvre de Guillaume Berthuis, qui a été national, le surplus par le béai du moulin du côté de bise ». Onze habitants de Blesle et deux Brivadois s'en rendirent adjudicataires pour le prix de 1.250 livres ; c'étaient : Vigière, Maire de Blesle, révolutionnaire farouche, au moins en paroles ; André Touchebœuf, le même qui acheta l'église Saint‐Martin ; Jean Prieur, homme de loi ; Bâtisse, praticien ; Pierre Avinain, Guillaume Bony aîné, André Ducher, Jean Roussel, Etienne Farraire, Joseph Servant, tous de Blesle ; Bec et Dalbine, bourgeois de Brioude et Dessarant, prêtre jureur, vicaire constitutionnel de Blesle. Frelupt, curé constitutionnel de Blesle, prit plus tard la place de son vicaire Dessarant, devenu curé de Lempdes. Quelle était l'intention de tous ces acquéreurs en achetant la Chapelle ? Voulaient‐ils la démolir et vendre les matériaux, comme le fit l'acquéreur de l'église Saint‐
Martin ? Certainement non, ils ne se seraient pas mis à treize pour spéculer sur la revente d'un bâtiment de si minime importance, il est plus vraisemblable et certainement plus charitable de penser qu'ils voulurent sauver de la destruction la Chapelle vénérée. Suivant acte reçu par Segret, notaire à Blesle, le 26 brumaire an 4 (17 novembre 1795) deux âmes pieuses : Françoise‐Nathalène Delachaud, veuve de Joachim Jalbert, et Pierre Avinain, dit la Marre, achetèrent tous les droits revenant sur la Chapelle aux autres adjudicataires et devinrent ainsi les deux seuls propriétaires du sanctuaire de la Chaigne pour le prix de 2.050 livres. La veuve Jalbert et PierreAvinain, la Révolution finie, revendirent ou plutôt donnèrent la Chapelle de la Chaigne au curé de Blesle, Monsieur Bassier, pour le prix de deux cents francs. L'acte de vente fut reçu par Segret, notaire, le 9 mai 1806. C'est donc grâce à ces deux habitants de Blesle, la veuve Jalbert et Avinain que la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne nous a été conservée, leurs noms méritaient d'être sauvés de l'oubli pour cette bonne et pieuse action. Terminons enfin en rappelant qu'il existe dans les archives de la fabrique de Blesle un vieil et imposant registre sur lequel sont consignés, année par année, depuis 1737, les reinages et les offrandes que portent tous les ans les habitants de Blesle à Notre‐dame de la Chaigne au jour de sa fête, le 2 juillet ; cette fête était autrefois chômée, comme l'atteste un procès‐verbal du 3 septembre 1711, ou nous voyons « que M. le Juge et le peuple de Blesle, s'étant aperçus qu'un jour de la Visitation on travaillait sur un couvert, firent descendre les ouvriers ». Le cérémonial de la fête est toujours le même : le 1er juillet, à la tombée de la nuit, les paroissiens de Blesle arrivent devant la Chapelle, chacun portant un fagot de bois ; les fagots entassés, Monsieur le Curé, revêtu de la chape blanche, allume, puis bénit le feu de joie, et pendant que les flammes montent emportant vers Marie les prières de son peuple, on chante le Te Deum. La bénédiction du Saint‐Sacrement est ensuite donnée dans la Chapelle. En sortant, chacun a soin d'emporter un morceau de charbon du feu de joie, un tison ; ce tison est précieusement conservé ; placé dans la maison, il la défendra du tonnerre, mis dans le jardin, il préservera les légumes en éloignant les insectes nuisibles, placé dans une étable, il éloignera la maladie. Le lendemain, jour de la fête, on chante la messe à la Chaigne, et dans l'après‐midi, le Saint‐
Sacrement étant exposé sur l'autel, les Bleslois vont porter leurs offrandes à Notre‐dame de la Chaigne, les noms des donateurs sont inscrits sur le vieux registre, véritable répertoire des habitants de Blesle depuis 1737. Relatons, en terminant, cette pieuse coutume de nos prêtres qui, aussitôt après avoir jeté la pelletée de terre symbolique sur le cercueil de celui qui vient de quitter ce monde, vont réciter un De Profundis et trois Ave Maria avec l'invocation à Notre‐dame de la Chaigne dans le sanctuaire de la Chaigne. Le lieu du grand repos tout proche de la Chapelle n'est pas appelé, chez nous, le cimetière, mais bien « Notre‐dame », ce n'est pas à la terre que nous confions nos morts, c'est à la Vierge Marie, car c'est Elle qui continue à veiller de près sur nous, même après notre mort. Cette notice se termine à la veille des belles cérémonies qui, les 1er, 2 et 3 juillet 1938, vont commémorer le troisième centenaire de la construction de la Chapelle de Notre‐dame de la Chaigne. M. Martin étant curé doyen de Blesle. Elle n'a pas d'autre valeur que sa sincérité, d'autre prétention, que celle de faire connaître à mes compatriotes l'histoire du vieux Sanctuaire si pieusement vénéré par nos ancêtres et par nous‐mêmes. Lorsque nous avons un ennui, une peine, c'est à « la Bonne Vierge » que nous allons les confier, quand un danger nous menace, c'est dans sa Chapelle que nous allons nous réfugier, quand nous avons besoin d'un secours, c'est Elle que nous allons implorer ; lorsqu'un grand malheur nous frappe chacun a son tour et personne n'est épargné c'est Elle qui nous donne la force et le courage nécessaires pour porter notre croix, parfois nous entrons dans son Sanctuaire le désespoir au cœur, nous en sortons toujours réconfortée. Que la Vierge bénie de la Chaigne, Patronne de notre vieille cité, daigne nous continuer sa protection et nous combler de ses bienfaits, comme elle n'a cessé de le faire depuis trois cents ans, en faveur de ceux qui ont mis toute leur confiance en Elle. Gabriel SEGRET 1938