Le Bulletin d`André Noël SYNTHESE HEBDOMADAIRE

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Le Bulletin d`André Noël SYNTHESE HEBDOMADAIRE
Le Bulletin d'André Noël
SYNT HE SE H EB DOMA DAI RE
d e s p r o bl è m e s p o li ti q u e s f r a n ç ais e t i n t e r n a t i o n a u x
Nouvelle série
Depuis 1949
« M ieu x va ut ê tr e infor m é d’ un e r éa li té s i d ép lais a nt e s oi t - e ll e qu’ êtr e d upe d es appar enc es don t on vou dr ai t la par er »
N°2239
Maisons-Alfort, semaine du 23 au 29 mai 2011
LA PRESSE SAVAIT QUE DSK N’ÉTAIT PAS UN SIMPLE « SÉDUCTEUR »
Les journalistes savaient tout des mœurs sexuelles de DSK et sur sa violence. Ils n’ont rien dit. C’est l’aspect le
plus évident de cette complicité non pas entre deux mondes car le politique et le journalistique, à un certain niveau,
n’en font qu’un. Le silence sur les frasques de Dominique Strauss-Kahn fut observé, officiellement, au nom du
« respect de la vie privée », argument que nous évoquerons un peu plus loin à propos d’Anne Sinclair.
BILLET
DESIR ET RÉALITÉ
Recenser toutes les sottises qui ont pu être accumulées par les amis socialistes de DSK serait à la fois trop long et trop fastidieux ! On a
beaucoup glosé sur les réactions sexistes et
machistes des uns et des autres. Harlem Désir,
n° 2 du PS, n’a pas abondé dans ce registre
mais ça ne vaut guère mieux. N’a-t-il pas souhaité sur LCI que le président de la République
« fasse en sorte, comme il l'a fait pour d'autres
Français, que Dominique Strauss-Kahn puisse
organiser sa défense d'une façon décente» aux
Etats-Unis ? Or, de l’avis de tous les spécialistes, en France comme aux USA, DSK, parce
qu’il en a les moyens, a pris les meilleurs avocats du pays....et donc les plus chers. Si coûteuse est sa défense qu’elle frise en réalité
l’« indécence » et qu’elle entend réduire a quia
par tous les moyens sa malheureuse victime.
Que pourrait faire de plus Nicolas Sarkozy ? On
voit bien ce que suggère Harlem Désir : qu’il intervienne comme il l’a fait pour Florence Cassez ou nos otages. Désir le bien-nommé prend
ses désirs français pour la réalité américaine.
Si Sarkozy agissait dans le sens qu’il préconise, le sentiment anti-français, latent aux USA,
serait porté à son paroxysme » et cette intervention ne pourrait qu’enfoncer davantage DSK !
Avec des amis comme Désir, DSK n’a pas besoin d’ennemis ! Même Obama ne peut rien faire
car, là-bas, contrairement à la France, la justice
n’est pas aux ordres. Institution indépendante de
l’Etat, elle exerce librement son pouvoir, les magistrats étant élus par le peuple et non pas nommés par l’autorité de l’exécutif.
G.B.
Au moins, après nous les avoir dissimulés, ils auraient pu s’abstenir de feindre la surprise quand le scandale a éclaté. A les écouter, à la radio ou à la télévision, ils en tombaient de leur chaise ;
ils n’en revenaient pas ! Prenons le cas de Jean-Michel Apathie,
qui sévit sur RTL et à la télévision au Grand Journal de Canal +,
et Claude Askolovitch (Europe 1, le Journal du Dimanche). Tous
deux étaient présents le 5 février 2007 sur Paris Première dans
une émission de Thierry Ardisson quand Tristane Banon, jeune
journaliste, a raconté son « interview » avec DSK qui l’a reçue
dans un appartement vide qui n’était pas le sien .
Elle raconte : « Je suis arrivée là-bas, j'avais un col roulé noir,
ça fait peut-être triper les mecs un col roulé noir mais faut arrêter, et après surtout c'est que ça s'est très très mal fini, parce
qu'on a fini par se battre, donc ça s'est fini très très violemment,
puisque je lui ai dit clairement... non, non, on s'est battu au sol,
pas qu'une paire de baffes, moi j'ai donné des coups de pieds, il a
dégrafé mon soutien-gorge, il a essayé d'ouvrir mon jean ». Et de
préciser qu’il était comme « un chimpanzé en rut »…
A chaque fois que la jeune femme disait « Dominique StraussKahn », un « bip » masquait ce nom aux téléspectateurs… mais
pas aux journalistes présents sur le plateau !
C’était pourtant là une information énorme concernant un
homme politique en vue ! Qu’ils n’aient pas réagi tout de suite, à la rigueur on peut le comprendre – quoiqu’il s’agisse d’une tentative de viol – mais la révélation aurait nécessité au
moins une enquête ultérieure pour savoir ce qu’il en était réellement ! Mais rien, ils n’ont rien fait, rien dit ! Peut-être
parce que, connaissant l’individu, ils n’avaient pas besoin de
vérification pour savoir qu’elle ne mentait pas ?
Un an plus tard, deux journalistes, Christophe Deloire et
Christophe Dubois, dans leur « Sexus politicus » (Ed. AlbinMichel) ont eu le courage d’évoquer cet épisode, non sans
mal ont-ils expliqué « ....C'est même la première et unique
fois dans ma carrière que cela se produit: le conseiller en
communication de Dominique Strauss-Kahn devance nos
sollicitations. Ramzi Khiroun a eu vent de notre projet de livre et s'en inquiète. Par qui? Comment? Je n'en sais rien.
Mais de manière très claire, il veut nous rencontrer afin de
savoir ce que nous savons, histoire de nous mettre une ami-
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cale pression et de jouer éventuellement les démineurs. Ce ne sera que le début d'une succession de mises en garde. » Et encore : « Ce qui les inquiétait, c'est qu'ils pressentaient, à juste titre, que nous allions être les premiers à
écrire noir sur blanc des faits qui se susurraient dans les rédactions, mais que personne n'avait osé écrire, que
nous allions révéler l'existence de notes blanches des RG concernant Dominique Strauss-Kahn et, surtout, que
nous allions évoquer le cas d'une jeune journaliste agressée sexuellement par DSK. Reste que ces pressions n'ont
pas abouti, parce que nous étions certains de ce que nous avancions. D'ailleurs, en dépit des menaces répétées de
l'entourage de DSK, nous n'avons pas été poursuivis. »
A la question : « Dominique Strauss-Kahn, selon-vous, bénéficiait-il d'une certaine complaisance médiatique ? »
Christophe Deloire répond « De manière très factuelle, nous avons constaté, lorsque le livre est sorti, et alors que
nous avons bénéficié d'une très grande couverture médiatique, des bonnes feuilles ayant été publiées, que les infos
concernant Dominique Strauss-Kahn n'ont jamais fait l'objet d'une seule ligne dans les médias. Cela confinait à
l'omerta » (Le Figaro 23/5/2011).
Revenons à Jean-Michel Apathie et Claude Askolovitch qui nous ont expliqué, eux aussi, qu’ils étaient plus qu’étonnés qu’on accusât DSK de viol car, s’il était un « séducteur », il n’était nullement violent. Or, n’avaient-ils pas entendu de la bouche d’une de ses victimes (mais il y en a d’autres, telle Aurélie Filippetti, député socialiste) qu’il pouvait se muer en « chimpanzé en rut » si ses avances étaient refusées ? Tristane Banon a ajouté : « Quand on se battait,
je lui avait dit le mot "viol" pour lui faire peur, mais ça ne lui a pas fait peur ... » Donc leur stupeur était feinte et ils
savaient de quoi DSK était capable.
Pourquoi la jeune femme n’a-t-elle pas porté plainte, me direz-vous ? Parce que sa mère, élue socialiste amie
de DSK, l’en a dissuadée. Tristane Banon songeait à le faire maintenant, ayant plus de chance d’être crue
après l’épisode new-yorkais. Si elle n’a pas encore porté plainte à ce jour, c’est de peur, dit-on, d’être
« instrumentalisée » par la justice américaine et donc de… nuire au célèbre inculpé !
On notera que, curieusement, la vidéo où il y a quinze jours encore on pouvait voir Tristane Banon narrer la
tentative de viol dont elle fut l’objet, a été retirée du site Paris Première et interdite sur les autres. Par qui ?
S’il y a bien un « complot » quelque part, c’est en faveur de DSK et il continue !
LA COMPLICITÉ POLITIQUE DES JOURNALISTES AVEC DSK
Ce que les Français savaient ou tout au moins soupçonnaient quant à la complicité entre la classe politique et la caste journalistique installée, a été crûment confirmé à l’occasion de l’affaire DSK sur un autre aspect. Une autre
complicité que nul n’évoque, omission plus que significative !
Nous avons appris, depuis qu’a éclaté l’affaire, qu’au mois d’avril dernier DSK a fait la tournée des journaux et
des journalistes pour leur demander de soutenir sa candidature. A cette fin, il déjeuna tour à tour avec les responsables de la rédaction du Nouvel Observateur, de Libération, de Marianne, et il sollicita des entretiens individuels
avec des journalistes amis du Monde et sans doute avec quelques autres. Il leur a dit tout à fait clairement qu’il était
candidat, exposant les points forts et les points faibles de sa candidature, dénigrant François Hollande qui refusait de
s’effacer devant lui, avant de leur préciser que Martine Aubry avait renoncé et que Ségolène Royal allait, le 16 mai,
rendre public son ralliement. Il évoqua ensuite son « atterrissage » en France, c’est-à-dire sa candidature officielle
aux primaires entre le 28 juin et le 13 juillet. Le calendrier était fin prêt. Bien entendu, dans la presse, ceux qui n’ont
pas participé à ces agapes furent informés par ceux qui les avaient partagées de la détermination de celui qui était encore le directeur général du FMI.
Or, que disaient nos bons journalistes à leurs lecteurs ? Le contraire de la vérité. Ils continuaient à expliquer que
DSK balançait encore, que Martine Aubry n’avait toujours pas renoncé et qu’il faudrait encore attendre pour savoir
ce qu’il en était. Mêmes propos de la part des amis de DSK, ceux du PS, alors que l’organigramme de campagne –
mobilisant 30 personnes – était élaboré et qu’ils discutaient déjà avec l’homme de Washington du futur gouvernement. Ces journalistes ont donc menti à leurs lecteurs. Ils auraient pu ne rien écrire, mais ils ont choisi délibérément
de les mener en bateau à l’unisson de l’équipe de DSK. Ils se sont intégrés ainsi à sa campagne en respectant son
calendrier, étant, de fait, au service du candidat socialiste potentiel et non de leurs lecteurs.
DSK, à la fin du déjeuner avec les rédactions, leur demanda : « Ne dites rien sinon je devrais quitter le FMI immédiatement. » Consigne qu’ils suivirent scrupuleusement... Ainsi la carrière de cet homme leur importait davantage
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que le respect de leurs lecteurs et du « droit à l’information » objective qu’ils ne cessent pourtant d’invoquer. Qui
pourrait contester que ces journalistes se sont comportés comme des militants ? N’est-ce pas d’ailleurs ce que DSK
attendait d’eux ? Ne le leur a-t-il pas dit explicitement ?
Il y avait également une menace indirecte à leur encontre. En effet, ayant expliqué que François Hollande aurait dû
se retirer devant lui et puisqu’il ne l’avait pas fait, il se serait exclamé : « Il n’aura rien » dans [mon] futur gouvernement, sa « carrière politique est finie ». Façon de dire à son auditoire journalistique que ceux qui ne le soutiendraient
pas – ou dévoileraient trop tôt sa candidature – auraient du souci à se faire pour leur avenir, il n’hésiterait pas à user
de représailles à leur endroit. Or, à l’époque, ces journalistes étaient persuadés qu’ils avaient devant eux le futur
président de la République : ils ont donc obéi. Maintenant que l’homme est à terre, qu’il ne peut plus leur nuire, ils
se sentent subitement le courage de rendre public ce qu’ils auraient dû écrire il y a un mois et même en rajoutent
parfois pour l’accabler. Telle est notre caste journalistique qui ne vaut pas mieux que la classe politique avec laquelle
elle vit notoirement en concubinage.
ANNE SINCLAIR, ÉPOUSE VRAIMENT « ADMIRABLE »
DANS L’ÉPREUVE. VRAIMENT ?
De la presse dite « people » – du genre Voici, Gala... – au Figaro, on nous dessine le portrait d’une femme admirable, Anne Sinclair, qui défend jusqu’à l’héroïsme un époux dans l’adversité, mettant son temps, sa notoriété et… son
argent au service de cet individu. Et d’admirer la profondeur d’un amour qui la pousse à agir ainsi. Mais nul n’ose
s’interroger sur sa responsabilité, au moins partielle, dans la déchéance de son mari qui l’a conduit à être enfermé
dans une « prison » dorée new-yorkaise.
Sa boulimie sexuelle et ses avances insistantes étaient depuis longtemps connues du Tout-Paris médiatique dont fait
partie Anne Sinclair. Comment aurait-elle pu l’ignorer ? Elle a été interrogée par L’Express sur ce sujet le 1er juin
2006. A la question « Souffrez-vous de la réputation de séducteur de votre mari ?» elle répondit : « Non, j'en suis
plutôt fière ! C'est important de séduire pour un homme politique. Tant que je le séduis et qu'il me séduit, cela me
suffit. » Le problème, évidemment, c’était qu’il ne se contentait pas de « séduire » son épouse et que la séduction
exercée sur d’autres femmes ne se réduisait pas à un amour courtois et platonique qui, déjà, eût été déplacé de la part
d’un homme marié… à sa troisième femme !
Elle l’aime et c’est ce qui expliquerait sa complaisance, si ce n’est sa complicité ? Peut-être ne l’aime-t-elle pas assez pour le sauver de lui-même. Car enfin, elle aurait pu lui dire, au nom de l’amour qu’elle lui porte, comme du
sien : « C’est moi ou les autres, tu m’es fidèle ou c’est fini entre nous ! », ce qu’une femme censée et aimante aurait
sans doute décidé en constatant qu’elle avait épousé un « chaud lapin ».
Un tel ultimatum l’aurait peut-être dissuadé de continuer à courir les jupons mais elle ne le lui a pas lancé ou, si elle
l’a fait, ce fut sans résultat et elle ne l’a pas quitté pour autant. DSK n’était pas riche, il doit sa fortune à son épouse ; elle avait donc là un moyen de pression supplémentaire…
En fermant les yeux sur ses incartades – voire en s’en déclarant « fière » – elle l’a indirectement encouragé à aller
toujours plus loin, jusqu’à la catastrophe finale. A moins qu’il ne s’agisse d’un couple « moderne » et que l’épouse
s’accorde les mêmes libertés que l’époux à l’égard des liens du mariage...On ne voit pas, toutefois, ni dans un cas ni
dans l’autre, en quoi elle serait admirable...
On nous laisse entendre que l’ancien directeur général du FMI ayant un tempérament de « séducteur », on ne saurait
le lui reprocher sauf, bien sûr, s’il se passait du consentement des « intéressées ». On touche là à la « morale »
commune de la classe politico-médiatique qui admet que l’on puisse être marié, tromper sa femme encore et toujours
et être considéré comme moralement irréprochable puisqu’il n’y a là aucun délit légalement punissable.
C’est ce que nous ressassent les hommes politiques et les journaux, même ceux de droite ! Après tout, DSK ne fait
« que » tromper sa femme et « trousser une servante » comme le dit l’un des maîtres à penser socialistes, JeanFrançois Kahn !
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Pourtant, on nous rebat les oreilles avec les « valeurs républicaines » auxquelles ces mêmes individus sacrifieraient avec
constance et dévotion. Or, la fidélité conjugale est bel et bien une valeur républicaine inscrite à l’article 212 du Code civil de la
République, lequel dispose que « les époux se doivent mutuellement fidélité ». Que depuis 1975 l’infidélité ne soit plus un délit et
qu’il n’ouvre plus droit à une réparation civile, n’ôte rien au principe affirmé dans la loi ! La « morale » de la classe politicomédiatique selon laquelle « tout est permis entre adultes consentants » n’est pas conforme à la morale républicaine dans le cas
d’un couple marié. L’infidélité conjugale – et a fortiori le libertinage- n’est donc pas seulement une violation de la loi morale religieuse, c’est aussi une transgression de la morale civique. C’est pourquoi, quand la presse invoque le caractère inviolable de la
« vie privée » de DSK, l’argument n’a guère de poids puisque l’engagement du mariage, impliquant le devoir de fidélité, est public. Au demeurant, quand des fonds publics ont été utilisés à des fins privées, comme Mitterrand le fit en entretenant sa maîtresse
et sa fille adultérine aux frais de la République, la presse s’est tue, quoique cela débordât la vie privée du président socialiste.
La conception aux Etats-Unis est autre que la nôtre, d’où la sévérité avec laquelle n’importe quel homme ou femme
politique qui trompe son conjoint est jugé. Il doit démissionner ou, si sa femme lui pardonne, se confondre en excuses
publiques. Ce n’est pas, comme on nous l’affirme, à cause d’un incorrigible « puritanisme », mais au nom d’un bon sens
que nous abandonnons en France. Si un homme qui a promis fidélité à sa femme la trompe, pourquoi ne tromperait-il
pas les électeurs ? Pourquoi ne renierait-il pas ses promesses électorales comme celles de son mariage ?
S’il ment à son épouse, il peut mentir à ses concitoyens, n’est-il pas vrai ? Comment lui faire confiance ? S’il est vrai
qu’il y a une vie publique et une vie privée, il y a un seul homme et, par conséquent, une seule conscience morale et si
celle-ci est faussée, elle l’est probablement pour tous les champs de son activité humaine.
CHRONIQUE DE LA FIN ANNONCÉE DE L’EURO ( suite)
La Grèce étant incapable d’emprunter sur les marchés de la dette à moyen ou à long terme, ses besoins sont principalement comblés par le FMI et les autres bailleurs de fonds. Par la voix de Caroline Atkinson, le FMI n'en a pas moins
prévenu jeudi dernier qu'il n'allait continuer d’aider la Grèce que s'il obtenait des « assurances » que le pays est en mesure de lui rembourser cet argent « Quand nous prêtons de l'argent, ce n'est pas moi qui le fais, ce sont tous les pays du
monde qui prêtent à la Grèce » a souligné Caroline Atkinson. « Nous ne prêtons jamais, et notre conseil d'administration ne nous laisse jamais prêter, quand nous n'avons pas l'assurance (...) qu'il n'y aura pas d'écart entre ce qu'un Etat
membre peut réunir comme financements et ses obligations. »
Le même jour, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, et premier ministre du Luxembourg, n'a pas fait mystère de ses craintes : il a avoué ses doutes que la Grèce puisse prouver au FMI
et à ses partenaires européens qu'elle aurait les moyens nécessaires pour faire face à ses obligations dans les douze
prochains mois. « Il y a des règles spécifiques au FMI et l'une de ces règles est que le FMI ne peut agir » pour débloquer une tranche de prêts « que lorsqu'il y a une garantie de refinancement pour les 12 mois suivants. Je doute que la
troïka (FMI-BCE-Commission européenne) arrive à la conclusion que tel est le cas. »
Et si le FMI ne verse pas l’argent, ce seront les pays de l’Union européenne qui devront payer à sa place pour assurer les échéances des Hellènes mais, comme l’a dit également Junker, de nombreux Etats, dont l’Allemagne, ne le
veulent pas et d’autres, la plupart, n’en ont pas les moyens.
Et alors ? Alors, ce serait, selon le gouverneur de la banque de France, Christian Noyer « le scénario de l’horreur » : l’explosion de la zone euro et la fin de la monnaie unique. Nous n’en sommes plus loin. On comprend d’autant mieux la déclaration mercredi de la commissaire européenne grecque, Maria Damanaki, qui a mis en garde contre
un risque de sortie de son pays de la zone monétaire s'il n'arrivait pas à faire les efforts nécessaires pour réduire son
énorme dette. « Le scénario d'un éloignement de la Grèce de l’euro est désormais sur la table », a-t-elle indiqué dans
un communiqué publié sur son site internet grec. « Je suis obligée de parler clairement », a-t-elle poursuivi, évoquant
ce « dilemme : soit nous tombons d'accord avec nos bailleurs de fonds sur un programme de durs sacrifices apportant
des résultats, en prenant nos responsabilités pour notre passé, soit nous retournons à la drachme. »
Bruxelles ne voulant pas de ce scénario et s’effrayant de ces propos « alarmistes », le président du Conseil européen,
Herman Van Rompuy, a prié les dirigeants européens de « tourner sept fois leur langue dans la bouche» avant de commenter les événements de la crise de la dette souveraine et de l’euro. Mais lui aussi devrait réfléchir à la possibilité d’une
sortie de la Grèce avant de décréter que la question ne doit même pas être évoquée…
P.R.
« L e B u ll e t in d e s A m is d e l' I n f o r m a t io n L i b r e »
Droit de reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, réservé pour tous pays
Directeur de la publication : Mme Vve André NOEL – Lettre d’information fondée en 1949 par André Noël (†1964), député
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