Etude - Free

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Etude - Free
Bonne nuit, les petits
L’histoire du "marchand de sable" et du "Sandmann"
Il y a beaucoup de points communs entre Das Sandmännchen, l’émission
toujours diffusée en Allemagne et « Bonne nuit les petits », l’émission diffusée à
diverses reprises entre 1962 et 1997 à la télévision française. A la fin des deux
émissions, un personnage nommé « marchand de sable » (ou Sandmann) jette
une poignée de sable dans les yeux des enfants pour les aider à s’endormir. Dans
les deux cas, cette émission, diffusée entre 18 h et 20 h, a une vocation
pédagogique: essayer de faire passer la pilule amère du coucher auprès des toutpetits.
Même s'il y a une petite différence néanmoins pour les épisodes de « Bonne nuit les
petits » tournés en 1995 (le marchand de sable allume l’étoile des enfants avant de
lancer son sable),
il s’avère en fait que les points communs entre les émissions
françaises et allemandes ne sont pas fortuits. Le créateur de « Bonne nuit les petits »,
Claude Laydu, a pu suivre en 1960 lors d’un tournage en RDA quelques épisodes du
Sandmännchen et, de retour en France, il a lancé l’émission bien connue des petits
Français.
Origines
En Allemagne, il semble que Sandmann ait été un métier au Moyen-âge. Les
marchands de sable récoltaient et faisaient commerce du sable et s’en servaient pour
récurer parquets et chaudrons. C’était un métier éreintant et les marchands de sable
n’avaient le soir aucune peine à s’endormir, d’ou peut-être l’origine de la légende. Il y a
d’autre part deux antécédents littéraires. D’abord, un conte de E.T.A. Hoffmann Der
Sandmann, une histoire fantastique mettant en scène un personnage excessivement
inquiétant qui va traumatiser le héros au cours de son enfance et finalement causer sa
perte. Il y a également un conte de Hans Christian Andersen où le marchand de sable,
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appelé Ole Kukøje (c’est-à-dire Ole, le fermeur d’yeux), verse du lait sucré dans les
yeux des enfants pour les endormir.
En France, on trouve des explications plus terre à terre: lorsqu’on est fatigué, les yeux
piquent comme lorsqu’on reçoit du sable dans les yeux. D’autre part, les secrétions
qu’on trouve au coin des yeux le matin ressemblent à des grains de sable.
Début des émissions
En Allemagne, il y a eu du temps de la division de l’Allemagne deux Sandmännchen
totalement indépendants. Depuis la réunification allemande, seul le Sandmännchen de
l’Est subsiste. A l’ouest, la tranche horaire a été récupérée par la publicité.
Au départ, Ilse Obrig a développé pendant les années 50 une émission radiophonique
intitulée Abendlied (Chant du soir) diffusée sur l’émetteur de Berlin-Est. Au début de
l’année 1959, Ilse Obrig qui travaillait désormais à la radio de Berlin-Ouest (SFB) a eu
l’idée de créer une émission de télévision. Avec Johanna Schüppel, elle a développé la
marionnette du Sandmann. Mais avant que la première émission (une version simplifiée
avec une simple marionnette) ne soit diffusée sur l’émetteur libre de Berlin-Ouest le 1er
décembre 1959, l’émetteur de Berlin-Est DFF a diffusé sa propre émission Unser
Sandmännchen le 22 novembre 1959. Il semblerait que les créateurs de l’Est aient eu
vent des projets de l’émetteur de l’Ouest et aient cherché à les prendre de vitesse. A
l’Ouest, l’émission Sandmännchen est diffusée sur les programmes NDR, SFB et HR à
partir du le 22 octobre 1962.
En France, Claude Laydu, après avoir vu le Sandmännchen de l’Est lors d’un tournage
en 1960, va travailler à la création d’une émission dès son retour en France. Deux
émissions pilotes sont produites fin 1961 et la RTF commande 12 émissions pour noël
1962.
Le marchand de sable est-allemand
La création de l’émission est-allemande fut décidée par le directeur Walter Heynowski.
En l’espace de seulement deux semaines, la marionnette fut créée par Gerhardt
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Behrendt, les décors et les très nombreux véhicules par Harald Serowski. Le studio de
production se trouvait jusqu’à la réunification à Berlin-Mahlsdorf. La première série fut
retravaillée et le marchand de sable reçut son apparence définitive pendant l’été 1960. Il
y eut ensuite de nombreux épisodes avec des contenus très variés (scènes de la vie
quotidienne, voyages dans des pays souvent socialistes et même dans l’espace…). Il y
a eu aussi des scènes plus politiques avec la visite du marchand de sable auprès de
l’armée populaire, des gardes-frontière et des jeunes pionniers.
Dans tous les épisodes, après l’arrivée du marchand de sable par des moyens très
variés (plus de 400 véhicules), un écran de télévision apparaît. Un zoom sur cet écran
lance ensuite l’histoire proprement dite (Abendgruß). Après cette histoire, le marchand
de sable jette une poignée de sable aux enfants avant de les saluer de la main.
Les histoires ont mis en scène de nombreux personnages dont certains ont acquis la
renommée : Herr Fuchs (le renard), Frau Elster (la pie), Mauz und Hoppel (un chat et un
lapin), Borstel und Frau Igel (deux hérissons), Putzi (un écureuil), Onkel Uhu (un hibou),
Meister Schwarzrock (un corbeau), Hugo (un blaireau)…
La chanson à l’arrivée du marchand de sable est toujours la même:
Sandmann, lieber Sandmann,
es ist noch nicht so weit,
wir sehen erst den Abendgruß,
ehe jedes Kind ins Bettchen muss,
du hast gewiss noch Zeit.
(Cher marchand de sable,
ce n’est pas encore l’heure,
regardons d’abord le chant du soir,
avant que tous les enfants aillent se coucher,
tu as sûrement encore le temps)
Après l’histoire, la même mélodie revient avec le texte:
Kinder, liebe Kinder,
es hat mir Spaß gemacht,
nun schnell ins Bett und schlaft recht schön,
dann will auch ich zur Ruhe gehn.
Ich wünsch euch Gute Nacht.
Chers enfants,
Cela m’a fait plaisir,
Allez, vite au lit et dormez bien,
alors moi aussi, j’irai me reposer
Je vous souhaite une bonne nuit.
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Cette chanson a été composée en une soirée par Wolfgang Richter.
Le marchand de sable ouest-allemand
C’est Herbert K. Schulz qui développa le personnage et qui produisit jusqu’en 1985
environ 80 épisodes du « marchand de sable » et environ 1500 histoires (Abendgruß).
Le marchand de sable arrivait sur un nuage ou une machine volante dont la carrosserie
orange ressemblait à la Porsche 908. Dans les histoires, il y avait par exemple Piggeldy
et Frederick (deux cochons). Une compagnie de marionnettes d’Augsbourg (Augsburger
Puppenkiste), l’artiste Janosch et l’écrivain James Krüss produisirent des histoires pour
le « marchand de sable ».
La chanson du « marchand de sable » était un peu plus longue :
Kommt ein Wölkchen angeflogen,
schwebt herbei ganz sacht,
und der Mond am Himmel droben hält derweil schon Wacht.
Abend will es wieder werden, alles geht zur Ruh.
Und die Kinder auf der Erde machen bald die Äuglein zu.
Doch zuvor, von fern und nah ruft's: das Sandmännchen ist da!
Un nuage arrive,
il s’approche tout doucement,
et la lune là-haut dans le ciel monte déjà la garde.
Le soir tombe à nouveau, tout le monde va se reposer.
Et sur terre, les enfants vont bientôt fermer les yeux.
Mais avant, on entend partout s’écrier : le marchand de sable est là!
Pour lancer l’histoire, le marchand de sable disait :
Nun liebe Kinder gebt fein Acht,
ich hab euch etwas mitgebracht.
Maintenant, chers enfants, soyez attentifs,
Je vous ai apporté quelque chose.
Son salut était très court :
Auf Wiedersehn und schlaft recht schön.
Au revoir et dormez bien.
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En Autriche, on utilisa le même personnage (appelé Betthupferl), mais au lieu de la
chanson du « marchand de sable », on utilisa le premier mouvement de la sonate pour
piano de Wolfgang Amadeus Mozart (KV 331).
Après la réunification allemande
Le marchand de sable est-allemand fut supprimé en 1990 suite à la réunification mais
devant les protestations des parents, il fut repris très vite. C’est une nouvelle société
(Sandmann Studio Trickfilm GmbH) qui le produit dans un nouveau studio à PotsdamBabelsberg. Le marchand de sable ouest-allemand disparut pour des raisons de coûts
financiers. De nouveaux personnages sont apparus dans les histoires (Kalli, Die drei
kleinen Spürnasen, Die obercoole Südpolgang, Ebb und Flo, Miffy et Der kleine König).
Aujourd’hui, on peut voir le marchand de sable sur les chaînes régionales MDR, RBB et
le Kinderkanal (KI.KA).
Beaucoup d’Allemands de l’ouest s’irritent aujourd’hui que le « marchand de sable » de
l’est ait remplacé le leur. Pour les Allemands de l’Est, le « marchand de sable » a
toujours été un symbole de la RDA. Lorsque l’astronaute est-allemand Sigmund Jähn
partit dans l’espace en 1978, il emporta une marionnette du « marchand de sable ».
Depuis la réunification, il est devenu un vecteur de l’Ostalgie. Il y a maintenant de
nombreux produits dérivés (CD, cartes postales, yaourts).
L’émission française « Bonne nuit les petits »
En 1961, Claude Laydu élabore le projet de l’émission : deux enfants, Petit Louis et
Mirabelle, regardent la télévision et attendent l’arrivée d’Ulysse, la marchand de sable
qui est accompagné de plusieurs animaux. Ce concept trop onéreux doit être revu et il
ne reste finalement que Gros ours pour accompagner le marchand de sable. Les décors
de l’émission sont inspirés des HLM de Montrouge que Claude Laydu voyait tous les
soirs en rentrant chez lui. Le tournage s’avère difficile à cause du manque de moyens et
de temps. L’émission est diffusée à partir du 12 décembre 1962 mais sans grille ni
horaire fixe ce qui déclenche des drames dans les familles.
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L’émission devient de plus en plus célèbre et le public réclame de nouveaux épisodes.
Après 65 épisodes, la diffusion s’arrête en juillet 1963. L’émission est alors retravaillée,
une nouvelle équipe se met en place. Les nouvelles marionnettes s’appellent Nicolas,
Pimprenelle et Nounours. Les nouveaux épisodes sont diffusés à partir d’octobre 1963.
En 1964 apparaissent les neveux de Nounours Remi, Toto et Fanfan (RTF), Cornichon
puis Oscar (ORTF). En 1965 apparaît le chouette Julietta, puis en 1966 Dada et Pepita.
Nounours est maintenant une star qui présente le journal télévisé du 24 décembre 1963
avec Léon Zitrone. Succès également en Hollande et en Belgique. De nombreux
produits dérivés sont créés (disques, journal…). Les derniers épisodes sont tournés en
1969. En tout, 568 émissions ont été produites et diffusées 1500 fois entre 1962 et
1973. Le créneau de 19h55 est alors récupéré par un produit beaucoup plus rentable :
la publicité.
En 1974, une nouvelle série de 78 épisodes de 5 minutes est tournée pour être
programmée dans l’après-midi. L’histoire se déroule en montagne, dans la grotte aux
ours, Nounours, sa sœur Emilia et son neveu Oscar y tiennent les rôles principaux avec
quatre petites marmottes. Cette nouvelle série a connu un succès mitigé, peut-être à
cause de l’heure de diffusion et de l’absence de Pimprenelle et Nicolas.
Entre 1984 et 1989, diverses actions sont entreprises pour le retour de Nounours. En
1991, sortie des cassettes VHS de « Bonne nuit les petits », qui se vendent très bien.
Claude Laydu se remet au travail et en 1995, 189 nouvelles émissions en couleur sont
produites et diffusées jusqu’en 1997
En 2005-2006, « Bonne nuit les petits » sort en DVD mensuels.
A consulter pour en savoir plus
http://www.sandmann.de
http://www.bonnenuitlespetits.net/
Comparaison franco-allemande
Pour des raisons de commodité, les épisodes du Sandmännchen seront repérés par les
abréviations S01 à S20. Les épisodes de « Bonne nuit les petits » seront repérés par les
abréviations BN01 à BN23. J’ai constitué un corpus composé de 20 épisodes du
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Sandmännchen diffusés en 2005-2006 sur les chaînes RBB, MDR et Ki.Ka (Il s’agit
donc du Sandmännchen d’origine est-allemande) et de 23 épisodes de « Bonne nuit les
petits » réalisés en 1995 et édités sur une cassette VHS. Ces vidéos sont consultables
sur internet (http://deutsch.univartois.free.fr/bonne_sand.html).
- Le marchand de sable joue un rôle analogue dans le Sandmännchen et dans « Bonne
nuit les petits ». De même, les chansons ont une place importante dans les deux
émissions.
- D’autre part, on trouve dans les deux émissions des sujets qui concernent et
intéressent les petits enfants. Ainsi, l’hygiène bucco-dentaire est évoquée (BN7, BN8,
S5) , la difficulté des enfants à aller se coucher (BN5, S3) , les chamailleries entre frères
et sœurs (BN6, BN22), des sentiments comme la jalousie (BN8, S1), la pitié (S1, S8,
S9), l’intuition (S10), des renseignements sur les animaux (S4, S13), des contes (S3,
S6, S13), les autres peuples (S2, S8, S9), le père Noël (S4), l’école (BN2, BN23), les
farces (BN9, BN19, BN20), les bêtises (BN12), les caprices (BN13) et les maladies
(BN14, BN21). « Bonne nuit les petits » se cantonne sans doute davantage aux
problèmes concrets rencontrés par les enfants en essayant de leur apporter des
réponses alors que le Sandmännchen cherche davantage à ouvrir les yeux des enfants
sur le monde.
- La première différence qui saute aux yeux, c’est la durée des deux émissions. Alors
que le Sandmännchen dure entre 4’44 et 5’37, « Bonne nuit les petits » dure entre 3’02
et 3’12, soit une différence de 2 minutes en moyenne. Cette différence de durée
explique aussi la structure de l’émission, différente dans les deux pays.
- Le Sandmännchen apparaît à chaque fois au début et à la fin de l’émission, soit
environ une minute. Puis une histoire autonome est lancée qui dure entre 3 et 4
minutes. Le marchand de sable allemand apparaît donc dans une histoire-cadre
(Rahmengeschichte) indépendante de l’histoire racontée. Parfois le Sandmann reste un
peu plus longtemps à l’écran (Voir S4, S9, S11, S13, S15). Cela permet, lorsque
l’histoire racontée est plus brève, de garder en gros le même format. Par contre, dans
« Bonne nuit les petits », il n’y a qu’une seule histoire avec un personnage, Nounours,
qui fait le lien entre le marchand de sable sur son nuage et les enfants, Pimprenelle et
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Nicolas, dans leur maison. A noter que dans l’émission française, Nounours vole
clairement la vedette au marchand de sable qui n’a qu’un rôle accessoire même si
Nounours l’appelle « patron ». Nounours se laisse souvent berner par les enfants, il
cherche aussi à les imiter.
- A part la chanson qu’il chante au début et à la fin, le Sandmännchen est muet. Par
contre, le marchand de sable français dialogue avec Nounours au début et à la fin de
chaque épisode.
- Les variations possibles apparaissent beaucoup plus limitées dans « Bonne nuit les
petits » et les épisodes sont plus monotones. Par contre, le Sandmännchen fait varier
les conditions d’arrivée du marchand de sable. Le Sandmann arrive ainsi en train (S1),
en bateau à voile (S2), en scooter (S3), en téléphérique (S4), en taxi (S5), en skis (S6),
en métro (S7), en traîneau (S8), en cheval volant (S9), en locomotive (S11), en luge
(S12), en diligence (S14), en kart (S20). La plupart du temps, il rencontre des enfants,
qui sont parfois originaires de pays étrangers: Japonais (S2), Esquimaux (S8), Orient
(S9). Parfois, il participe à la reconstitution d’un conte (Sterntaler S13, Musiciens de
Brême S3), il se livre à des manœuvres ferroviaires (S11) ou défend des dames sur le
point d’être dévalisées par des bandits (S14). Le plus souvent, il se rend dans une
maison où il regarde avec des enfants l’histoire sur un poste de TV. Parfois la scène se
passe dans la nature et les enfants sont remplacés par des animaux hérisson et coq
(S10), lézards et hérisson (S12), éléphant et cochon (S15), grenouille, hérisson, coq,
souris (S16), dinosaure et chenille (S17), licorne (S18). Le marchand de sable varie
également les histoires racontées. Il y a ainsi les aventures de Flo, Epp et Grete: une
petite fille, un chien et une oie (S1, S10, S14, S19), celles du petit roi (Kleiner König S3,
S7, S12), d’un petit garçon (Kalli: S4, S8), d’une petite fille (Lotte: S13, S16, S17, S18),
d’une souris (Miffi S9), de deux taupes (Paula et Paula S20). Parfois, c’est un vrai petit
garçon chez lui (S5, S6). Certaines histoires sont simplement l’occasion d’une chanson,
illustrée par des images fixes ou animées (S2, S11, S15).
Dans « Bonne nuit les petits », le marchand de sable et Nounours arrivent toujours dans
le même décor, ils disent quelques mots puis Nounours descend retrouver les enfants. Il
y tout de même quelques variations: ainsi, le téléphone sonne parfois sur le nuage.
C’est Nicolas qui appelle (BN7), Pimprenelle (BN12, BN13, BN21, BN22), Emilia, la
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sœur de Nounours (BN16) ou c’est Nounours qui appelle les enfants (BN8). Parfois, le
marchand de sable arrive seul; Nounours est déjà avec les enfants (BN10). Il arrive que
Nounours ne descende pas voir les enfants: il pêche dans le ciel (BN9), il explique sa
mission (BN17). Il y a aussi quelques épisodes avec Oscar, le neveu de Nounours
(BN10, BN11, BN12, BN13, BN14, BN15, BN16).
- Dans « Bonne nuit les petits », les épisodes s’enchaînent assez souvent. Ainsi les
histoires avec Oscar, le neveu de Nounours, se suivent (BN10 à BN16). Pimprenelle se
déguise en sorcière (BN19) et Nicolas se déguise en grand-père (BN20). Pimprenelle
perd une dent de lait (BN 7) et la souris est passée (BN8), Cela apporte davantage de
cohérence. Par contre, il y a souvent alternance entre les différentes histoires dans le
Sandmännchen, si bien que certains épisodes se terminent par une annonce du
programme du lendemain (Voir S10 à S20).
- On relève plus fréquemment une volonté éducative dans « Bonne nuit les petits » que
dans le « Sandmännchen ». Ainsi, le marchand de sable et Nounours donnent assez
souvent des conseils avant de partir: "Faîtes votre toilette! Brossez-vous bien les dents!
Embrassez bien vos parents! Allez vite vous coucher! Laissez-vous soigner! Soyez
courageux! Riez un bon coup!". Cela est plus rare dans les histoires du Sandmännchen.
Dans S3, on voit les difficultés du « petit roi » à aller se coucher. Dans S5, l’enfant se
brosse longuement les dents et une chanson évoque la chute des dents de lait que l’on
met dans un verre le soir; une « fée des dents » (Zahnfee) vient pendant la nuit apporter
de la poussière d’étoile.
- Il y a une volonté d’interactivité dans le Sandmännchen que l’on ne retrouve pas dans
« Bonne nuit les petits ». Un certain nombre d’épisodes commencent par un plan fixe
sur un dessin réalisé par un enfant qui est ainsi mis à l’honneur (Prénom et âge). Voir
par exemple S1, S2, S3, S5, S6.
- Dans « Bonne nuit les petits » il y a une volonté d’interpeller directement le jeune
téléspectateur que l’on ne trouve plus rarement dans le Sandmännchen. Le marchand
de sable et Nounours s’adressent directement aux enfants qui les regardent tandis que
le marchand de sable allemand s’occupe avant tout des enfants auxquels il rend visite.
- Globalement, « Bonne nuit les petits » a une apparence moins professionnelle que le
Sandmännchen. Ainsi, ce n’est qu'au sixième épisode avec l’ourson Oscar que celui-ci
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bénéficie d’un lit; jusque là, il couchait par terre. De même, il y a dans « Bonne nuit les
petits » un certain nombre de familiarités de langage ; ainsi Nounours « craque », il
dit : »Au pieu », il « se marre », Pimprenelle dit : »C’est la cata ».
Pour conclure, je dirais que ce ne sont pas ces ressemblances ou ces différences que je
retiendrai de cette étude. A mon sens, le point le plus intéressant, c’est qu’on retrouve la
même différence entre ces deux émissions enfantines d’une part, et les journaux
télévisés français et allemands d’autre part. Ainsi, dans « Bonne nuit les petits », le
marchand de sable et Nounours cherchent avant tout à établir une connivence avec les
enfants qui les regardent et le contenu de l’émission passe au second plan, ce qui en
explique la monotonie et les répétitions. Par contre, dans le « Sandmännchen », c’est
l’histoire (Abendgruß) qui est le plus important ; le marchand de sable, quant à lui, reste
totalement impassible et se contente d’introduire et de conclure l’histoire sans jamais se
départir de sa neutralité. De même, les présentateurs des JT français cherchent d’abord
à établir une complicité avec les adultes qui les regardent,
d’où les nombreuses
apostrophes : « Vous vous souvenez sans doute », « nous en parlions hier »… Les
sujets abordés entretiennent cette complicité. Par contre, les présentateurs (Sprecher ,
c’est-à-dire seulement porte-paroles) des journaux télévisés allemands - surtout ceux de
la Tagesschau, le JT de la première chaîne allemande - se gardent de toute familiarité
et conservent une distance avec les adultes qui les regardent. Les sujets, qui
s’enchaînent par ordre d’importance, sont ici l’essentiel. Comme l’explique Philippe
Viallon, dans sa thèse de doctorat, soutenue en 1990 à Metz, "Analyse contrastive des
JT français et allemand", le Journal Télévisé allemand est essentiellement de type
référentiel et le JT français est essentiellement de type phatique.
En tous cas, cela est sans aucun doute typique du rapport qu'entretiennent les médias
avec le public dans les deux pays.
Article publié dans la revue « Documents » 1/07 (Février 2007)