de Campagnes - Confédération Paysanne

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Campagnes solidaires
Mensuel de la Confédération paysanne
N° 305 avril 2015 – 5,50 € – ISSN 945863
Dossier
Fermes-usines : l’industrialisation
de l’agriculture s’accélère
• Porc Sortir des crises structurelles
• Des produits fermiers dans les épiceries sociales
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Envie de paysans ? Sommaire
Allez à la Ferme à Paris !
Dossier
Dans le cadre de la campagne Envie de paysans !, la
Confédération paysanne et ses collectifs partenaires
organisent la deuxième édition de la Ferme à Paris, les
10 et 11 avril.
Place Stalingrad, dans le XIXe arrondissement, la fête
battra son plein durant deux jours. Le programme est
riche, autour des deux grands thèmes structurants
(agriculture et climat, le vendredi, et industrialisation
de l’agriculture, le samedi) : marché paysan, ateliers et
activités pour les grands et les petits (mini-ferme aux
animaux…), musique, théâtre (« Nourrir l’Humanité
c’est un métier », cf. CS n° 304), cinéma, conférences
gesticulées et autres débats… Il y en aura pour toutes
et tous, sans temps mort.
Tout le programme sur : www.enviedepaysans.fr
Fermes-usines contre agriculture paysanne
Mines de plombs
4 Vie syndicale
5 ECVC Plus jeunes, plus nombreux, plus radicaux
Actualité
6 Les produits fermiers dans les politiques publiques
7 Des produits fermiers dans les épiceries sociales
et solidaires
8 Élevage De l’industrie des productions animales
9 Finances Spéculation criminelle
9 Lait 1 000 vaches : la Conf’ ne lâche pas !
10 Finances Loin de l’économie locale, la face cachée
du Crédit agricole
11 Biodiversité Une loi pour offrir la biodiversité aux marchés
financiers
12 Porc Sortir des crises structurelles
Points de vue
13 Les beaux parleurs ne sont pas les payeurs
Social
14 Lot-et-Garonne « Une main-d’œuvre qui arrive rapidement,
toujours disponible le dimanche »
Initiative
16 Pays Basque « Beaucoup de paysans se sentent comme
à la maison, en confiance, à EHLG »
Agriculture paysanne
18 Pays Basque Les pigeons de Kanderatzea
19 Pays Basque Le tourteau et l’huile de Nouste Ekilili
Terrain
20 Limousin Le collectif 1 000 voix-Novissen Creuse en lutte
contre les usines à viande
Culture
21 Sivens Un barrage contre la démocratie
22 Annonces
Envie de paysans !
24 L’agriculture paysanne s'invite dans les grandes écoles
2 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux
de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable
est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
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On l’ouvre
Restons fermes !
U
Mikel Hiribarren,
paysan au Pays Basque,
secrétaire national
de la Confédération paysanne
Mensuel édité par :
l’association Média Pays
104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet
Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03
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Abonnements : 01 43 62 82 82
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Laurent Pinatel
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Christian Boisgontier
Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle
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Benoît Ducasse
Maquette : Pierre Rauzy
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Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin
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Jo Bourgeais, Michel Curade,
Véronique Daniel, Florine Hamelin,
Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud,
Geneviève Savigny, Véronique Léon
Impression : Chevillon
26, boulevard Kennedy
BP 136 – 89101 Sens Cedex
CPPAP n° 1116 G 88580
N° 305 avril 2015
Dépôt légal : à parution
Bouclage : 25 mars 2015
« Un peuple qui danse et qui chante au pied de Pyrénées » : c’était l’image qu’avait rapportée
Voltaire d’un voyage en Pays Basque. L’histoire n’aura pas retenu que les musiques et les danses
étaient originales, ou que les chants étaient en euskara, langue basque qui n’a aucune parenté
de structure avec les langues latines environnantes.
Les Pyrénées plongent là dans l’océan, et par leur ligne de crête séparent les Basques de France
au nord et ceux d’Espagne au sud. Une montagne et des coteaux, un climat doux, un pays
d’élevage et de transhumance, avec beaucoup de fermes petites et moyennes dispersées dans
les vallées ou regroupées dans les villages. Les femmes et les hommes ont toujours été très
attachés à leur terre, à leur culture et à leur pays.
Dans les années soixante, quand les villes prospéraient ailleurs et attiraient tous les bras
des campagnes, ici des filles ou des fils sont restés à la terre. Et Jean Pitrau, paysan de Tardets,
comme Bernard Lambert dans l’Ouest, a été la figure militante de cette époque, œuvrant avec
ses amis à la défense de l’agriculture de montagne et à l’amélioration des conditions de vie
de toutes les fermes éparpillées dans la campagne.
Bien sûr, ici comme partout, les dernières décennies ont transformé les élevages et les vallées,
les façons de travailler et les modes de vie. Et la tâche est aussi rude qu’ailleurs quand il s’agit
de convaincre les paysans d’abord, la population et les élus ensuite, du fait que notre agriculture
n’a pas d’autre issue que celle de rester paysanne.
On retrouve dans toutes les filières et sur tous les territoires la même tendance
à l’industrialisation de l’agriculture, avec l’essentiel des soutiens publics captés par une minorité
qui brasse des volumes et qui par ce fait aussi peut se satisfaire de prix bas à la vente, avec
en prime la complaisance des pouvoirs qui leur réduisent les coûts sociaux ou
environnementaux.
Mais il n’y a pas de fatalité. Depuis dix ans maintenant, Michel Berhocoirigoin et beaucoup
de militants basques, paysans et citoyens, sont mobilisés autour de EHLG, l’association
de la chambre alternative, pour reprendre la main sur l’avenir de l’agriculture et du pastoralisme
en Pays Basque (1). Ni les multiples entraves administratives et politiques, ni les procès
en tribunaux n’auront suffi à empêcher l’élan populaire de cette initiative. Et tout le monde est
unanime aujourd’hui pour reconnaître la pertinence de la démarche et de l’engagement d’EHLG.
Il n’y a pas deux agricultures possibles pour un même pays : la Conf’ l’avait réaffirmé au
congrès de Nevers en 2013. L’une est prédatrice de l’autre.
Or c’est l’agriculture paysanne qui assume à la fois la fonction de production et les services
d’intérêt général, qui répond à la demande croissante de la société par ses modes de conduites
de fermes et d’élevage. Nous le confirmerons au congrès des 22 et 23 avril à Saint-Jean-Piedde-Port, au Pays Basque : il n’y a pas d’autre avenir pour nos campagnes que l’agriculture
paysanne. Restons fermes ! Atxik (2) !
(1) cf.p.16-17.
(2) “Ne lâchons rien !” (prononcer « atchic »)
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Vie syndicale
Sivens :
la raison doit l’emporter, tout en retenues !
VrTH : recours et moratoire
Malgré la décision du conseil général du Tarn, votant le 6 mars pour la
par mutation génétique artificielle (VrTH) comme des OGM
construction d’un barrage plus petit que le projet initial, la Confédération
cachés, des organisations de la société civile n’ont cessé d’in-
paysanne a rappelé qu’elle souhaite l’abandon de tout ouvrage sur le site
terpeller, depuis 2010, les ministres de l’Environnement et
actuel. Elle se prononce pour la réalisation de retenues collinaires de
de l’Agriculture afin qu’ils appliquent la réglementation en
tailles adaptées au soutien du Tescou et aux besoins des fermes situées
matière d’évaluation, de suivi et d’information qui concerne
en coteaux.
les OGM.
La Conf’, dans un communiqué du 5 mars, argumentait : « L’agriculture a
Considérant les plantes rendues tolérantes aux herbicides
Faudra-t-il attendre que toutes les plantes cultivées et sauvage de la famille des choux soient définitivement tolérantes
besoin d’eau qu’il est nécessaire d’apporter parfois sur certains
territoires sous forme d’irrigation. L’eau est un bien public à préserver, il
est donc important de s’interroger sur les conditions de son utilisation.
Les prélèvements doivent se faire à un niveau compatible avec le
aux herbicides, avec les risques d’augmentation des quantités d’herbicides utilisés, les risques sanitaires et environnementaux qui vont avec, pour que le gouvernement prenne
les mesures qui s’imposent ? (…)
fonctionnement des écosystèmes et doivent servir à sécuriser des
Face à la prolifération de ces cultures et en l’absence de
productions créatrices de richesses, d’emplois et répondant à la
réponse du Premier Ministre à leur demande de moratoire
souveraineté alimentaire. L’irrigation ne doit pas être le moyen d’une
sur la vente et la culture des colzas TH en 2015, neuf orga-
course au rendement, d’autant plus lorsqu’elle est subventionnée par des
nisations – dont la Confédération paysanne – lancent un
fonds publics (…). Enfin, la qualité de l’eau restituée à l’environnement
recours juridique, démarche soutenue par de nombreux
doit être prise en compte (nitrates et pesticides). La monoculture de maïs
scientifiques et responsables politiques.
ne satisfait pas à ces conditions. »
(communiqué du 19/3)
Agriculture climato-intelligente :
le leurre et l’argent du leurre
Aides à la bio :
2014 rattrapée, et après ?
A l’occasion de la 3ème Conférence scientifique mondiale sur l’agriculture climato-intelligente – à Montpellier du 16 au 18 mars –
Attac France et la Confédération paysanne ont publié un rapport
qui dénonce les dispositifs donnant la priorité aux biotechnologies et à la finance carbone plutôt qu’aux savoir-faire et pratiques des paysans et paysannes. Soulignant combien ces projets – auxquels s’associent des firmes telles Monsanto, Syngenta
ou Yara, le leader mondial de l’engrais – ne répondent pas aux exigences de la lutte contre les dérèglements climatiques pas plus
qu’ils ne peuvent relever le défi de la crise alimentaire, les deux
organisations demandent au gouvernement français qu’il se retire
immédiatement de cette alliance internationale.
(communiqué du 16/3)
Il aura fallu l’annonce d’une manifestation nationale
de l’ensemble des paysans bio pour que le ministère trouve,
ce 17 mars, le moyen de remplir ses engagements de soutien
à l’agriculture biologique. La Confédération paysanne
qui comme le Modef avait fortement critiqué l’annonce,
le 11 mars, de diminution de 25 % des aides au maintien,
apprécie ce revirement du ministère mais s’inquiète de voir
cette situation se reproduire.
Le ministre annonce que l’enveloppe va continuer d’augmenter,
mais les efforts sont à concrétiser : avec 300 000 hectares
de plus prévus pour cette année, ce sont 150 millions d’euros
au minimum qui seront nécessaires pour maintenir les aides.
Pour la suite, il est à craindre que les financements annoncés
(160 millions en moyenne entre 2015 et 2020) ne suffisent pas
à maintenir ces aides sur des surfaces en augmentation
constante.
La situation est d’autant plus critique que certaines régions
ne souhaitent plus activer l’aide au maintien sur leur territoire,
ou sur une partie seulement. De plus, le plafonnement des
aides à la conversion n’a pas été activé par le gouvernement.
Il est donc impossible d’assurer aux paysans un montant stable
de leurs aides dans les années à venir.
Cette situation d’incertitude n’est pas cohérente avec
les objectifs affichés de développement de l’agriculture
biologique. On ne peut accepter le recours à des enveloppes
exceptionnelles comme outil politique, les paysans bio ont
besoin de plus de clarté pour s’approprier des pratiques
agroécologiques dignes de ce nom.
(communiqué du 17/3)
Accords de libre-échange :
nous ne jouons plus !
Suite à la fuite d’un document du Secrétariat général
aux Affaires européennes, il apparaît clairement que
le gouvernement n’a pas l’intention de remettre en cause
le mécanisme d’arbitrage des différends investisseur/État
(ISDS), au cœur des accords de libre-échange, de type Tafta.
Il apparaît désormais manifeste que les négociations de
ces accords commerciaux internationaux ne peuvent exister
que dans l’opacité.
C’est pourquoi, après avoir joué le jeu et participé depuis six
mois aux réunions du Comité de suivi stratégique (CSS)
des négociations de ces accords, mis en place par le secrétaire
d’État au Commerce extérieur, la Confédération paysanne,
les Amis de la Terre, Attac et l’Union syndicale Solidaires ont
annoncé le 17 mars leur retrait de ce comité et d’un processus
de « parodie de démocratie ».
(communiqué du 17/3)
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Vie syndicale
Plus jeunes, plus nombreux, plus radicaux
Les représentants
des organisations
de la Coordination européenne
Via campesina (ECVC) se sont
réunis en assemblée générale,
début mars à Bruxelles.
Le réseau compte aujourd’hui
26 organisations. Deux
nouvelles, de l’Est de l’Europe,
ont présenté leur candidature
pour les rejoindre.
Plus jeunes
C’est une assemblée générale
dynamisante que nous avons
vécue ces 2 et 3 mars à Bruxelles.
En plaçant la rencontre politique
annuelle de notre organisation
européenne au centre d’un programme très chargé (1), nous avons
pu rassembler une assistance nombreuse, jeune et largement féminine, rassurante sur l’avenir du
mouvement.
Le comité de coordination s’est
également rajeuni en intégrant
trois nouveaux membres : Paula
Gioia, de l’organisation Abl en
Allemagne, très active dans le
groupe jeune européen et à l’international, ainsi que Jyoti Fernandez et Adam Payne, tous
deux issus du Land Workers
Alliance, un membre récent qui
dynamise l’agriculture britannique, étouffée par la National
Farmers Union (la « Fnsea »
locale, NDLR).
Plus nombreux
En 2014, ECVC avait initié un
processus de décentralisation de
pilotage des dossiers, afin de faire
face aux faibles moyens humains
et financiers de l’organisation.
Les résultats sont inégaux, mais
plus d’organisations et de paysannes se sentent responsables de
porter nos luttes communes sur
le terrain et auprès des institutions européennes et internationales.
Le processus de renforcement
des organisations paysannes en
Europe, initié dans le forum Nyeleni-Europe en 2011, à Krems en
Autriche, porte progressivement
ses fruits. Une organisation pay-
Les jeunes d’ECVC se sont réunis la veille de l’assemblée générale du réseau d’organisations paysannes européennes, l’occasion de montrer un bel enthousiasme pour
construire et faire vivre en Europe une agriculture paysanne au service de la souveraineté alimentaire.
sanne géorgienne, Elkana, présente à Krems, a ainsi été reçue
comme candidate à l’adhésion. La
Latvian Farmers Union, de Lituanie, nous a également rejoints
comme candidate.
Le renforcement à l’Est reste un
grand enjeu. Ramona, au nom
d’Ecoruralis organisation roumaine membre d’ECVC, qui porte
ce dossier, a invité tous les participants de l’AG à un futur rassemblement Nyeleni-Europe en
Roumanie, à l’horizon 2016. À
cette fin, des forums nationaux
devraient être organisés dans
chaque pays autour de la souveraineté alimentaire. Un défi pour
la Confédération paysanne qui
peine à « remonter à la base » ce
concept fédérateur des luttes paysannes.
Plus radicaux
Si en France l’accaparement de
l’agroécologie par notre ministre
Stéphane Le Foll nous a quelque
peu dégoûtés de ce concept, en
Europe, pour de nombreux participants, le choix est clair de
défendre l’agroécologie comme
chemin concret pour gagner la
souveraineté alimentaire. C’est
dans les champs, et avec la société,
qu’on gagnera la bataille pour
défendre les paysans, mais aussi
la planète. Ce qui faisait écrire
dans le communiqué de presse à
la suite de la conférence « Changement climatique, les voies paysannes » (2) organisée par ECVC :
« En 2015, ECVC dénoncera les
fausses solutions au changement
climatique que représentent
“l’agriculture intelligente” et “l’économie verte”. Nous disons haut et
fort : ce sont les paysans qui, grâce
à l’agro-écologie, constituent la
solution à la crise climatique. Tel
est le message que nous porterons à la 21ème Conférence Climat
à Paris, en décembre prochain. Et
c’est pour cette raison que nous
poursuivrons notre lutte contre
les accords de libre-échange bilatéraux négociés par la Commission
européenne, à l’instar du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP
ou Tafta) ». n
Geneviève Savigny,
paysanne en Haute-Provence,
comité de coordination d’ECVC
(1) Le programme a vu se succéder : l’assemblée des jeunes, le samedi et dimanche, la rencontre des femmes le dimanche, l’AG proprement dite du dimanche soir au mardi, une
conférence publique le mercredi et une rencontre d’agro-écologie en fin de semaine.
(2) La conférence devait avoir lieu au Parlement européen avec le soutien de Lidia Senra
(GUE, ex-membre du CC d’ECVC), José Bové
(EELV) et Eric Andrieu (S & D). Elle s’est finalement tenue dans un autre lieu pour des raisons de sécurité renforcée dans les bâtiments
publics de la « forteresse Europe ».
Le site d’ECVC : www.eurovia.org
Le ruraleur
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Le ruraleur
Le bien-être
inestimable
À propos de la « malbouffe »
ou de la modification du vivant,
nous, paysans, avons été « lanceurs d’alerte ». Mais cela peut
aussi être le fait d’autres
citoyens.
Intéressons-nous au cas du lanceur d’alerte des LuxLeaks,
Antoine Deltour. Ce citoyen
français travaillait au Luxembourg dans l’une des quatre
sociétés se partageant au niveau
mondial la majeure partie des
audits de commissaires aux
comptes des sociétés grandes et
moyennes. Il a révélé la teneur
des rescrits fiscaux, sorte d’équivalents secrets aux « retours
sur marge arrière » qu’impose
la grande distribution à ses fournisseurs. Ces arrangements avec
l’État luxembourgeois pour n’y
payer que très peu d’impôts se
sont évidemment faits au détriment de tous les contribuables
des autres pays dans lesquels
travaillent aussi ces sociétés.
Subissant une plainte de la part
du Luxembourg, Antoine Deltour a exprimé sa motivation:
« Dans notre société, il est considéré comme suspect d’agir selon
sa conscience, surtout si cela va
à l’encontre de nos intérêts individuels. Les défenseurs de l’ordre
établi ne comprennent pas la
démarche des lanceurs d’alerte…
Nous sommes donc des milliards
de lanceurs d’alerte potentiels,
car agir selon sa conscience
apporte un bien-être inestimable. »
La commissaire européenne à
la Concurrence utilise les informations de Luxleaks pour enquêter sur le cas de 22 pays européens et peut-être arriver à la
transparence sur les rescrits fiscaux à compter de 2016. Le Parlement européen veut aussi
enquêter. Les transnationales
manœuvrent ouvertement
contre.
Agir selon sa conscience : il
était complètement fou cet
Antoine Deltour ! Raison de
plus pour le soutenir !
PS : Pour violation du secret des
affaires et pour blanchiment (!)
A. Deltour risque jusqu’à 5 ans de prison et 1 250 000 euros d’amende, hors
dommages et intérêts éventuels. On
peut exprimer sa solidarité en signant
la pétition de soutien sur
https ://support-antoine.org
23 mars 2015
Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
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Écobrèves
Produits laitiers :
des amendes
pour entente illicite
L’Autorité de la concurrence a
annoncé qu’elle infligeait une
amende totale de 192,7 millions d’euros à dix laiteries accusées d’entente sur les prix de
2006 à 2012. Les concurrents
s’entendaient sur les hausses à
appliquer aux grandes surfaces
(selon les produits) pour les
marques distributeurs. Le montant des amendes paraît un peu
fantaisiste, variant selon « les
capacités financières des entreprises ». Yoplait est même
exempté pour… avoir dévoilé le
pot au lait! En revanche Lactalis écope d’une sanction – majorée par la taille du groupe – de
60,4 millions d’euros cumulés,
mais le groupe a annoncé qu’il
faisait appel. Les règles de la
concurrence révèlent tout de
même quelques bizarreries.
Certes les entreprises impliquées
« représentent plus de 90 % du
marché concerné » selon l’institution, mais elles négocient
avec des centrales d’achat dont
quatre d’entre elles concentrent
93 % des achats… Une certitude : les producteurs et les
consommateurs font les frais
de ces magouilles.
Les fermes-usines :
pas un problème
A la publication (bien médiatisée) de la carte nationale des
fermes-usines par la Confédération paysanne (cf. p. II-III), la
chambre d’agriculture de Charente – à majorité Coordination
rurale – a cru nécessaire de
prendre le contre-pied en affirmant qu’elle « ne s’opposait
pas aux modèles agricoles à
grande échelle (…) Une exploitation n’est ni un service public
ni une œuvre de charité. Sa mission est de générer des profits ».
La Fnsea n’ose pas afficher clairement sa position quand la
Coordination rurale n’hésite
pas à faire de la surenchère !
Bonjour la collaboration entre
syndicats minoritaires…
Écobrèves
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Actualité
Les produits fermiers
dans les politiques publiques
Dans le cadre de la campagne
« Nouvelle Pac, nouveaux
horizons » (1), un colloque sur
la place des produits fermiers
dans les politiques publiques
s’est déroulé les 4 et 5 mars
à Chaumont (Haute-Marne).
O
rganisé par la Confédération paysanne, l’événement réunissait paysans,
techniciens, élus et autres acteurs
associatifs afin d’échanger autour
des produits de nos fermes et des
enjeux de société qui s’y rattachent.
Près de 80 personnes ont fait le
déplacement, parfois de loin, pour
s’informer, témoigner ou partager
leurs interrogations dans un cadre
convivial propice à l’échange et
aux rencontres.
Le colloque intervenait conjointement à la mission parlementaire
sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et
agroalimentaires, dont la rapporteure, Brigitte Allain députée et
ancienne porte-parole nationale
de la Confédération paysanne,
était présente à Chaumont.
Trois thèmes principaux
Trois principales thématiques
ont structuré ces deux jours,
autour de tables rondes avec des
témoignages pointus, et dans des
ateliers davantage destinés à
l’échange d’expériences et au travail collectif.
La problématique des outils de
transformation, et plus particulièrement des abattoirs, a été abordée en focalisant sur la pertinence
d’outils de proximité pour la structuration des territoires.
Celle de la restauration collective a été l’occasion de présenter des exemples d’organisations de producteurs fermiers
fournissant des collectivités. Elle
a aussi montré les limites inhérentes à l’organisation actuelle
du système de restauration collective.
6 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
Ateliers, tables rondes, débats… 2 jours de travail productif lors du colloque « Quelle
place pour les produits fermiers dans les politiques publiques ? », à Chaumont, les 4
et 5 mars.
Enfin, la politique alimentaire a
été débattue avec la mise en avant
du principe de solidarité et de l’accès à une alimentation de qualité
pour tous (cf.p.7).
Parmi ces thématiques, celle des
abattoirs de proximité a reçu une
écoute particulière des participants. Certains ont pu dresser un
état des lieux de la situation
actuelle et identifier des pistes
potentielles de travail au cours de
l’atelier dédié.
Plusieurs constats ont été dressés, notamment que la garantie
de qualité des produits fermiers
passe par un abattage de qualité
(réduction du stress et du transport, bonnes pratiques), que l’application des normes est parfois
inadaptée, que la création d’un
abattoir de proximité doit
répondre à une demande spécifique d’un territoire et nécessite
une grande rigueur, ou encore que
les compétences professionnelles
des parties prenantes sont parfois
à renforcer par des actions de formation (éleveurs, personnel
d’abattoirs, boucher).
Pour répondre à cet état de fait,
des actions concrètes ont été proposées, comme par exemple développer un guide méthodologique
pour la création d’un abattoir de
proximité, créer un guide des
bonnes pratiques d’abattage ou
encore - pourquoi pas ? - limiter
à 150 kilomètres le transport d’animaux vivants.
Bonne surprise, puisque c’est
dans ce sens que travaille notre
réseau actuellement, avec le montage en cours d’un projet bénéficiant de financements ministériels (2) et réunissant de nombreux
partenaires sur la thématique des
abattoirs de proximité. Ce projet
porté par la Fadear devrait concerner les régions Rhône-Alpes,
Champagne-Ardenne, Limousin
et Midi-Pyrénées, ainsi que
d’autres associations de producteurs fermiers proches de nous.
Comme quoi, ce genre d’événement sert aussi bien à faire part des
problématiques auxquelles nous
sommes confrontés qu’à nous
conforter dans les actions que nous
menons déjà et à les renforcer par
des expériences de terrain. n
Julien Bailly, animateur
de l’Association régionale pour
le développement de l’emploi agricole
et rural (Ardear) de Rhônes-Alpes
(1) www.enviedepaysans.fr
(2) Par le compte d’affectation spéciale
« développement agricole et rural » (Casdar).
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Actualité
Des produits fermiers dans les épiceries
sociales et solidaires
L’initiative Uniterres met
en place une coopération entre
les structures d’aide
alimentaire et l’agriculture
locale.
a réflexion sur la mise en
place d’Uniterres, programme
visant à l’introduction de produits fermiers au sein des épiceries sociales et solidaires, est née
d’un constat alarmant: des paysans
en situation de précarité fréquentent ces épiceries. Face à l’augmentation des inégalités sociales
de santé liées à l’insécurité alimentaire des populations précaires
et aux difficultés économiques auxquelles font face de nombreux agriculteurs, le programme vise à
mettre en place une coopération
en circuits courts entre les structures d’aide alimentaire et l’agriculture locale. Cela se traduit par
l’approvisionnement des épiceries
en fruits et légumes frais, par les
agriculteurs en difficulté.
Le programme vise quatre grands
objectifs :
• améliorer l’alimentation des
populations bénéficiaires de l’aide
alimentaire, par un approvisionnement régulier en fruits et
légumes frais ;
• promouvoir des habitudes alimentaires favorables à la santé ;
• renforcer le lien social entre
consommateur et producteur ;
L
• soutenir le développement de
l’agriculture paysanne locale.
Une contractualisation est signée
entre les producteurs et les épiceries sur une période d’un an. Les
prix sont fixés en accord entre les
agriculteurs et l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes). Un
accompagnement des paysans a
été mis en place, mais il gagnera
à être amélioré grâce à une
meilleure connaissance du terrain. Des diagnostics de territoire
devraient aussi aider.
Informer et accompagner
Au niveau des épiceries, l’action
logistique est assurée par l’Andes,
en partenariat avec d’anciens agriculteurs qui font la tournée des
producteurs et livrent ensuite les
épiceries. Le plus gros travail a
été d’intégrer ces nouveaux produits frais sur les étals, et donc de
réussir à les vendre. Ce qui passe
par l’information des bénéficiaires
sur l’utilisation de ces produits.
Pour cela, des ateliers cuisine, des
visites chez les producteurs, des
ateliers parents/enfants ont été
mis en place. Leur développement
est en cours. Il serait également
intéressant de mettre en place des
modules de sensibilisation et de
connaissance des circuits courts et
des produits paysans.
Des acteurs de l’initiative Uniterres à Arbanats, en Gironde.
Une des difficultés qu’il a fallu
surmonter a été de gérer les précommandes sur une année. La
consommation de ces produits
était faible avant la mise en place
de cette initiative, il était donc difficile de savoir à l’avance quelle
quantité allait être vendue.
Le premier bilan de cette initiative est plutôt positif. Elle a permis de mobiliser 20 à 30 paysans
par région, certains pour lesquels
l’intérêt est financier, les autres
pour lesquels il était de s’engager
dans une démarche sociale. L’initiative qui a démarré en PoitouCharentes a essaimé. Elle est
actuellement lancée dans plusieurs autres régions : Aquitaine,
Midi-Pyrénées, Pays-de-la-Loire
et Bretagne.
L’initiative montre également
qu’il est possible d’orienter les
politiques d’aide alimentaire vers
un soutien à l’agriculture paysanne, et donc aux produits fermiers, plutôt qu’à l’agriculture
industrielle. S’engager dans ces
démarches, c’est aller vers plus de
soutien au type d’agriculture que
l’on défend. n
Florine Hamelin,
paysanne en devenir en Normandie
NB : Article écrit à partir des interventions de
Matthieu Duboys de Labarre au colloque sur
les produits fermiers, en Haute-Marne, les 4 et
5 mars.
Écobrèves
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Écobrèves
AIM, feuilleton
à rebondissements
En redressement judiciaire
depuis le 6 janvier, AIM (Abattoir Industriel de la Manche)
est au régime douche froide.
Cet abattoir dont le principal
actionnaire est la coopérative
Cap 50 (groupement porcin)
emploie plus de 350 salariés à
Sainte-Cécile (50). Dans un premier temps, une offre de reprise
(de l’activité mais pas de tout
le personnel) a été formulée
par le groupe Declomesnil,
appuyé par Sofiprotéol. Las, les
salariés se sont mis en grève
pour protester contre les licenciements, et ils accusent Cap 50
d’avoir délibérément fait perdre
22 millions d’euros à AIM. En
rapport ou non avec cette accusation (démontrée), Declomesnil/Sofiprotéol se sont
désistés, prétextant « le blocage
du site »… Suite à cela, le tribunal de commerce de Coutances, après plusieurs reports,
a fixé au 27 mars sa décision.
En effet, à défaut de repreneur
les salariés proposent une
reprise en Scop, qui maintiendrait 200 à 250 emplois. 8 millions d’euros sont déjà trouvés
auprès de divers partenaires,
dont 500000 euros par les salariés qui comptent aussi sur un
coup de pouce du ministère.
Le tribunal juge le projet digne
d’intérêt. Lorsque vous lirez ces
lignes, le verdict sera rendu…
Une convention
de la MSA avec la Poste
La MSA et la Poste ont signé
une convention de partenariat
au cours du Salon de l’Agriculture. Celle-ci concrétise les
nouvelles fonctions que la
Poste entend assurer en milieu
rural : « l’objectif est d’apporter des solutions à l’isolement
rural et géographique ». Ainsi le
facteur pourra apporter des
médicaments, assurer du lien
social, donner des informations
sur les droits sociaux… Pas sûr
que cette interprétation du
service public relève de la compétence des facteurs…
Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 7
Écobrèves
Vers un contrat
aléas climatiques
Depuis le début des années
2000, le Fonds national d’indemnité pour perte de récolte
a été abandonné au profit d’assurances volontaires privées.
De ce fait, seules 30 % des surfaces de grandes cultures et
20 % des vignes sont couvertes
par une assurance multirisque.
Les assureurs ont élaboré
ensemble les bases d’un contrat
socle a minima pour permettre
au maximum d’agriculteurs
d’avoir une couverture « coup
dur » qui pourra être complétée par des garanties optionnelles. La formule devrait être
proposée à l’automne pour la
récolte 2016. Les pouvoirs
publics poussent à la roue, d’autant que des aides européennes
sont accessibles. Les producteurs sont récalcitrants à de
nouvelles charges, les assureurs
méfiants compte tenu d’une
rentabilité aléatoire. Groupama,
très engagé sur ce créneau,
entend néanmoins pousser les
pions. Il n’en reste pas moins
que, sauf assurance obligatoire
(modeste prélèvement sur
livraisons?), les plus vulnérables
resteront au bord de la route.
Agriculture
et réchauffement
climatique
Quelques mois avant la grande
conférence de l’ONU sur le sujet,
en décembre près de Paris, le
réchauffement climatique est à
l’ordre du jour. Selon le Centre
d’étude de la pollution atmosphérique, l’agriculture rejette
18 % des gaz à effet de serre
(GES). Le méthane, produit des
élevages, contribue fortement
au réchauffement. D’après
Catherine Picon-Cochard (Inra
Clermont), les élevages intensifs affichent un mauvais bilan
carbone. En revanche, les élevages herbagers extensifs sont
plus vertueux: les animaux ingèrent moins d’aliments concentrés et les prairies jouent leur
rôle de puits de carbone. Une
analyse que ne partagent pas
tous les « chercheurs », mais
qui plaide en faveur de l’agriculture paysanne.
Écobrèves
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Actualité
Élevage
De l’industrie des productions animales
Directrice de recherche à l’Inra,
Jocelyne Porcher intervenait
lors d’une conférence
(« L’agriculture refroidit
la planète ? ») organisée
le 24 février par
la Confédération paysanne lors
du Salon de l’Agriculture 2015,
dans le cadre de la campagne
Envie de paysans ! (1)
«
La situation de l’élevage
dans les pays industrialisés
est particulièrement critique et, toutes choses égales par
ailleurs, il n’est pas excessif de
considérer l’élevage comme
une activité en
voie de disparition. L’élevage
est mis en accusation d’un
point de vue
environnemental. Il serait responsable d’une
partie importante des émissions de gaz à
effet de serre.
Responsable de
la diminution
des ressources
en eau. Responsable de la réduction des terres
agricoles. Il serait la cause d’une
perte de biodiversité végétale et
animale. La cause de nombreuses
maladies dans les pays développés. La cause enfin de la souffrance des animaux d’élevage.
Haro sur le baudet ! L’élevage n’a
plus qu’à disparaître.
Cette disparition est inscrite dans
la dynamique de l’industrialisation de l’élevage depuis le
XIXe siècle. La prise en main par
les industriels et les scientifiques
de cette époque, au moment où
s’est développé le capitalisme
industriel, a transformé l’élevage en
« productions animales », via la
zootechnie, autodécrite comme
« la science de l’exploitation des
8 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
machines animales ». Le but du travail avec les animaux n’a plus été
de produire de la nourriture et de
l’énergie motrice, mais de faire du
profit.
Ainsi le terme d’« élevage industriel » est un non-sens sémantique, un oxymore. L’élevage,
contrairement aux productions
animales, est un rapport de travail
aux animaux fondé sur une rationalité, qui n’est pas économique
mais relationnelle. Depuis le début
des processus domesticatoires,
nous vivons avec des animaux,
non pas pour en tirer profit et
bénéfices, mais d’abord parce que
la vie ensemble est plus facile et
souhaitable pour nous et pour les
animaux que si nous vivions séparés. Vivre ensemble, c’est travailler
ensemble et, grâce aux revenus
du travail, pouvoir pérenniser nos
relations.
Il n’y a donc pas d’« élevage
industriel », mais une industrie des
productions animales, c’est-à-dire
la pensée industrielle appliquée à
nos relations aux animaux. Un
non-sens environnemental, économique, social et, ce qui apparaît le plus clairement à nos concitoyens aujourd’hui, un non-sens
moral.
D’un point de vue économique
et moral, il faut souligner que ces
systèmes industriels qui prétendent s’inscrire dans la modernité,
l’efficacité et la performance sont
de fait considérés par certains
comme archaïques. Ils sont en voie
d’être remplacés par ce que l’on
peut regarder comme le stade
ultime des productions animales :
la production de matières animales
sans les animaux, via par exemple
la production de viandes in vitro
et les biotechnologies végétales.
Les productions animales restent polluantes, lourdes, violentes
envers les humains et les animaux.
Ce qu’affichent ne pas être les biotechnologies
qui prétendent
produire des
aliments sains,
non pollués,
non destructeurs pour les
animaux.
Ce qui est
important pour
nous tous, c’est
de ne pas jeter
le bébé avec
l’eau du bain,
c’est-à-dire
l’élevage avec
les productions
animales.
L’élevage n’est
pas une forme parmi d’autres de
nos relations aux animaux, il en
est la matrice. C’est-à-dire que si
l’élevage, en tant que rapport de
travail aux animaux de ferme,
venait à disparaître, il ne fait aucun
doute que toutes les relations de
travail aux animaux seraient
condamnées.
Le plus important lorsqu’on
pense à construire une autre agriculture est de prendre acte que
l’élevage est une composante
essentielle de cette agriculture,
mais qu’il est aussi bien plus que
cela car il porte en lui une part de
notre avenir avec les animaux
domestiques. » n
(1) www.enviedepaysans.fr
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Actualité
Finances Spéculation criminelle
Il y a deux ans, sous la pression d’Oxfam-France, les principales banques françaises s’engageaient à
réduire ou stopper leurs activités spéculatives sur les matières premières agricoles. En février 2015,
l’ONG publiait un rapport pour faire le point sur ces engagements.
L
es émeutes de la faim de 2008
à 2010, liées à la flambée des
prix alimentaires dans les pays
les plus pauvres, déclenchent un
travail d’expertise de l’ONG OxfamFrance sur l’implication des grandes
banques françaises. La Banque
Mondiale reconnaît alors que « les
activités des fonds indiciels (1) ont
joué un rôle clé dans la flambée des
prix alimentaires en 2008 ».
Quatre banques françaises sont
ainsi identifiées. Elles proposaient
à leurs clients des outils financiers
destinés à spéculer sur les matières
premières agricoles. Au 1er janvier
2013, BNP Paribas totalisait
1,419 milliard d’euros sur ces
fonds spéculatifs. Le groupe
Natixis (Banque populaire et
Caisse d’épargne) en possédait
pour 620 millions d’euros, la
Société Générale, 467 millions et
le Crédit Agricole 77 millions.
En avril 2013, Oxfam lance la
campagne «La faim leur profite
bien». Soucieuses de leur image, les
banques s’engagent à réduire leurs
activités sur ces marchés, en fermant
un certain nombre de fonds indiciels, voire à cesser toute activité spéculative sur les matières premières
agricoles. Parallèlement, le candidat Hollande s’était engagé à mettre
fin aux produits financiers toxiques
qui enrichissent les spéculateurs.
Mais ce n’est qu’a minima que
des parlementaires obtiennent de
l’autorité des marchés financiers
un plafond du nombre de
contrats et la communication des
positions prises. Près d’un an et
demi après, ces mesures législatives ne sont toujours pas mises
en œuvre.
Oxfam renouvelle son étude en
août 2014 et la publie en
février 2015. Elle révèle que trois
groupes bancaires proposent toujours à leurs clients des outils
permettant de spéculer sur les
produits agricoles : BNP Paribas
(au total 1,318 milliards d’euros :
des fonds ont été fermés mais
d’autres, non identifiés en 2013,
ont été repérés, signifiant l’opacité des activités bancaires), la
Société Générale (avec de nouveaux fonds découverts, elle totalise 1,359 milliards d’euros de
fonds spéculatifs sur l’alimentation), Natixis (qui a augmenté
son fonds de 43 %).
Seul le Crédit Agricole (selon les
informations disponibles) ne possède plus ces fonds. Mais il refuse
de s’engager formellement à cesser toute activité spéculative sur
les matières premières agricoles
dans le long terme.
Oxfam rappelle qu’entre 2012
et 2014, 800 millions de personnes souffraient toujours de la
faim, que ce fléau n’est pas un
problème de disponibilité mais
d’accessibilité des produits alimentaires pour les plus vulnérables. Quand les ménages des
pays développés ne consacrent
plus que 15 % de leur revenu pour
leur alimentation, les plus pauvres
y dépensent 75 % de leur faible
budget. Quels mots faudra-t-il utiliser pour faire comprendre à ces
banques que la spéculation tue? n
Christian Boisgontier
(1) Les fonds indiciels contiennent un panier
de matières premières indexées sur l’évolution
des prix des contrats à terme, sans obligation
de vente, augmentant la demande de façon
artificielle.
En France et dans 90 pays
Oxfam France est une association de solidarité internationale qui agit sur
les causes de la pauvreté et des injustices en menant notamment des campagnes de mobilisation citoyenne et de pression sur les décideurs politiques.
Elle est l’affilié français d’Oxfam, un réseau international de 17 ONG présentes dans plus de 90 pays.
www.oxfamfrance.org
Lait 1 000 vaches : la Conf’ ne lâche pas !
L
e 17 mars, la Confédération
paysanne de Basse-Normandie a bloqué le principal accès
de l’entreprise Délicelait, à Moyon,
près de Saint-Lô (Manche), dont
le groupe coopératif Agrial est l’un
des actionnaires.
C’est là qu’arrive le lait de la
ferme-usine des 1 000 vaches,
dans la Somme (à 315 km !). Et
là qu’on trouve une tour de
séchage pour transformer le lait
en poudre, destinée en bonne partie à l’export et aux industries
agroalimentaires. La tour est financée par une augmentation des
parts sociales des producteurs
Agrial de 4 à 7 %.
Conséquence : à Moyon, la
ferme-usine des 1 000 vaches
«profite d’infrastructures financées d’abord pour absorber d’éventuelles augmentations de volume
des producteurs Agrial », commente Guy Bessin, porte-parole
régional de la Confédération
paysanne Et d’ajouter : «avec
Agrial, Délicelait est responsable
d’un lait “lowcost” et de la mort des
paysans.»
Le syndicat dénonce les fermesusines comme celle des
1 000 vaches et les processus d’industrialisation de l’agriculture.
« A terme, la production ne sera plus
faite par les paysans », se désole
Yves Sauvaget, responsable de la
commission nationale « lait de
vache ».
La disparition des quotas laitiers
au 1er avril participe de cette sinistre
évolution (cf. CS n° 304). n
Écobrèves
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Écobrèves
Des drones
sur les champs
Les drones ont le vent en
poupe (même s’il n’y a sans
doute pas de poupe sur un
drone). Ils se multiplient à
grande vitesse : 100 000 vendus en France en 2014. En agriculture, de multiples usages
sont explorés : pour surveiller
les cultures ou le bétail, ajuster les dosages d’engrais, et
même voir ce qui se passe chez
le voisin… Vous n’en avez peutêtre pas encore vu, mais selon
une société de services spécialisée, 100 000 hectares ont
été survolés en 2014 en
France. Groupama a déjà
annoncé qu’il assurerait (tous
risques ?) les engins, et les utiliserait pour observer les
dégâts d’intempéries, par
exemple. Pour l’agriculteur
moderne, plus besoin de
bottes !
Finistère :
6 paysans en examen
Suite aux incendies de la MSA
et du centre des impôts de
Morlaix, en septembre 2014
(2,5 millions de dégâts), le
tribunal de Brest a finalement
mis en examen 6 agriculteurs
sur la base de « constatation
sur du matériel agricole ». Ils
ont été présentés le 5 mars au
juge d’instruction qui a décidé
de les laisser partir libres, alors
que le parquet souhaitait un
placement sous contrôle judiciaire. Le président de la
Fdsea, Thierry Merret, s’est
félicité de leur libération tout
en dénonçant « des interpellations dignes du grand banditisme ». Selon les avocats de
la défense, c’est « une mise en
examen un peu fourre-tout.
Aucun élément ne met en
cause personnellement les
suspects ». Peut-être que c’est
exprès, il n’y a pas de leaders
en Bretagne, c’est pas comme
à la Conf’ !
Jo Bourgeais
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Actualité
Finances Loin de l’économie locale,
la face cachée du Crédit agricole
Troisième banque française, le Crédit
agricole est bien arrimé dans le paysage
d’une finance mondialisée et sans
grands scrupules, loin des principes
mutualistes et « du bon sens près de
chez vous ».
L
e Crédit agricole est la troisième
banque française, derrière BNP Paribas et la Société générale. Les agriculteurs connaissent bien cette « banque
coopérative qui s’engage près de chez vous »
et « dynamise l’économie locale ». Derrière
ces séduisants slogans, la banque mutualiste abrite un autre visage, un peu moins
sympathique. C’est ce que révèle le Livre
noir des banques, écrit conjointement par
des journalistes du média indépendant en
ligne Bastamag.net et des économistes de
l’association altermondialiste Attac. Les
conséquences négatives des activités financières des grandes banques françaises y
sont détaillées. Si le « casier judiciaire » du
Crédit agricole en la matière n’est pas le plus
lourd, il est loin d’être vierge.
En 2008 et 2010, des émeutes de la faim
secouent des pays d’Afrique et d’Asie. Les
fonds spéculatifs indexés sur le prix des
matières premières agricoles (blé, maïs,
soja, café, élevage…) sont pointés du doigt
pour avoir provoqué artificiellement une
hausse des cours. Au niveau mondial, plus
de 600 milliards de dollars sont alors investis dans des titres adossés aux matières premières, principalement aux États-Unis.
Mais les financiers français ne sont pas en
reste, et la banque d’affaires du Crédit agricole participe à la curée. Suite aux pressions
de l’organisation Oxfam (1), la banque ferme
ses fonds polémiques, d’une valeur de
77 millions d’euros. Elle est la seule à le faire.
BNP Paribas, Natixis (BPCE) et Société
générale poursuivent leurs activités spéculatives sur les produits agricoles.
Sur un autre dossier, celui du réchauffement climatique, le Crédit agricole a encore
de nombreux progrès à accomplir. À cause de ses investissements dans le pétrole, le gaz
et le charbon, la banque
mutualiste est, en France, la
plus polluante : chaque euro
qui lui est confié produit plus
d’1 kg de CO2 par an, pointe
une étude du cabinet de
conseil en développement
durable Utopies. Le Crédit
agricole est aussi accusé d’apporter son soutien financier
à une forme d’exploitation
du charbon particulièrement
destructrice et polluante : le
« mountain top removal », littéralement « suppression
des cimes de montagnes ».
Pour accéder plus facilement aux gisements de
charbon et limiter les
dépenses de main-d’œuvre,
cette technique consiste à
évider à coups d’explosifs
les sommets des collines. Ce qui provoque
pollutions de l’eau, déchets et poussières
toxiques. Aux États-Unis, le Crédit agricole
a financé à hauteur d’un demi milliard
d’euros deux sociétés recourant à cette
technique controversée, Arch Coal et Alpha
Natural Ressources.
Sous la menace
de lourdes amendes
En matière de fraudes et de manipulations,
le Crédit agricole fait face à deux affaires en
cours. En France, elle est accusée par l’Autorité de la concurrence, avec les autres
banques de détail, d’entente illégale sur le
coût de commissions qu’elle faisait payer sur
les chèques. Elle risque une amende de
103,8 millions d’euros. Au niveau européen, la banque est confrontée à une enquête
de la Commission européenne pour avoir
participé à la manipulation des taux du marché monétaire interbancaires (appelé Euribor et Libor), qui a des conséquences sur le
niveau des taux d’intérêts pratiqués par les
banques auprès de leurs clients. En 2013,
la Société générale a été condamnée pour des
faits similaires à 450 millions d’euros et la
banque allemande Deutsche Bank à 725 millions. « Le Groupe Crédit Agricole a refusé de
reconnaître son implication dans les manipulations alléguées », se défend son directeur
général Jean-Paul Chifflet. Enfin, il y a trois
ans, la banque demeurait la troisième banque
française la plus présente dans les paradis
fiscaux, avec 104 filiales des Bahamas à la
Suisse en passant par le Luxembourg ou
Singapour, selon le décompte du CCFD
Terres solidaires. L’évasion fiscale que permettent ces territoires opaques, coûte chaque
année entre 60 et 80 milliards d’euros. Autant
d’argent qui ne finance probablement pas
l’économie locale. n
Ivan du Roy, journaliste à Basta !
(www.bastamag.net)
(1) Présente dans plus de 90 pays, Oxfam est une organisation internationale de développement qui « mobilise le
pouvoir citoyen contre la pauvreté » –
www.oxfamfrance.org
Une douzaine de chercheurs et de journalistes d’Attac et de Basta ! ont passé au peigne
fin rapports des ONG (spécialisées dans l’environnement, la finance, la lutte contre la
corruption ou les paradis fiscaux…), travaux d’universitaires, d’analystes, d’anciens banquiers et de la Cour des Comptes. Résultat : "Le Livre noir des banques", paru en février.
Riche, et implacable.
Le Livre noir des banques, Editions Les Liens qui Libèrent, 2015, 372 pages, 21,50 euros.
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Actualité
Biodiversité Une loi pour offrir la biodiversité
aux marchés financiers
Le projet de loi biodiversité débattu en mars en première lecture à l’Assemblée nationale se montre impuissant face
à la biopiraterie.
L
a diversité de la vie est insupportable
parce qu’elle se reproduit gratuitement. Comment enrichir les riches si
aucun argent n’est utilisé pour produire
les biens essentiels que nous offre la nature?
En 1992, la Convention sur la diversité
biologique (CDB (1)) a mis fin à ce scandale
en faisant rentrer la biodiversité dans le
marché. Si les peuples indigènes qui vivent
de leur immersion au sein de la biodiversité sauvage sont les plus menacés, les pay-
çaise : impuissant face la biopiraterie, il la
renforce au contraire avec le nouveau marché de la « compensation ».
Il serait pourtant simple de conditionner
toute autorisation de mise en marché, tout
brevet ou COV, à l’indication des ressources
génétiques utilisées afin de vérifier que le
partage des avantages a été respecté. Mais
la loi biodiversité préfère s’appuyer sur les
déclarations spontanées de l’industrie sans
se donner aucun moyen de les contrôler.
moine commun » librement accessible,
l’Inra relance les collectes de semences et
de savoirs paysans concernant ces nouveaux caractères. L’industrie n’a plus qu’à
identifier quelques séquences génétiques
associées à ces caractères pour les breveter
et interdire ainsi aux paysans qui ont donné
leurs semences de continuer à les cultiver.
Suite à l’interpellation de l’Inra par la
Confédération paysanne lors du dernier
Salon de l’Agriculture, de nombreux députés ont proposé que la loi biodiversité interdise ces brevets sur les
« traits natifs ». Mais pour la ministre
de l’Écologie, la France serait
impuissante face aux lois européennes et « on devrait au contraire
encourager les paysans à déposer des
brevets concernant leurs pratiques ».
Espérons que ses conseillers lui
expliqueront avant la deuxième lecture de la loi que les paysans partagent leurs semences et n’utilisent
pas les outils de séquençage génétique destinés à les breveter.
Les mêmes députés ont voulu
interdire les colzas et tournesols
mutés qui détruisent la biodiversité
en disséminant leurs gènes de tolérance aux herbicides : là encore, la
Le 2 mars, la Confédération paysanne manifestait au Salon de l’Agriculture pour demander que la loi sur la biodiver- ministre a préféré reporter le débat.
sité interdise les brevets sur les gènes ou séquences de gènes naturellement présents dans les graines sélectionnées
Enfin, au lieu d’interdire les
depuis des générations par les agriculteurs.
atteintes irréversibles à la biodisans qui cultivent et élèvent la biodiversité La farce du partage des avantages a encore versité, la loi propose de les « compenvégétale, animale, des micro-organismes de beaux jours à vivre !
ser ». Comme si une mare aux canards
des sols et des transformations fermières
Privées de tout accès au marché réservé en Camargue pouvait « compenser » la
sont aussi la cible des marchés.
par le catalogue aux seules semences confis- destruction d’une zone humide à NotreLa promesse du partage des avantages fut quées par un COV ou hybrides F1, les Dame-des-Landes. La Caisse des Dépôts
le miroir aux alouettes chargé de faire accep- semences paysannes sont enfermées dans vend déjà pour cela des « actifs natuter les brevets sur la vie. Mais, depuis 1992, les banques de gènes où elles constituent rels ». Ce nouveau marché va accorder un
seules quelques miettes ont été partagées le réservoir de ressources génétiques de droit à détruire la biodiversité en un
tandis que les brevets et autres COV (2) des l’industrie. Mais ce vieux réservoir ne se endroit en échange de sa « restauration »
industries pharmaceutiques, chimiques, renouvelle plus. L’industrie a aujourd’hui ailleurs.
agroalimentaires et semencières ont pillé les besoin de nouveaux caractères génétiques
La biodiversité n’est pas un produit finansavoirs populaires et confisqué les soins d’adaptation aux changements climatiques cier, il est temps que les paysans et les
des plantes, des animaux et des hommes, et de résistances aux nouveaux pathogènes citoyens se réapproprient la gestion colles semences et les animaux reproducteurs. devenus eux-mêmes résistants à ses pesti- lective des communs naturels et cultivés ! n
Pour redorer le blason de la CDB terni par cides, caractères que les plantes dévelopGuy Kastler
20 ans d’inefficacité, le protocole de Nagoya pent dans les champs d’aujourd’hui où les
promet de l’appliquer pour de bon depuis « systèmes semenciers paysans informels » (1) La Convention sur la diversité biologique (CDB) est un
traité international adopté lors du sommet de la Terre à Rio
octobre 2014. Le projet de loi biodiversité les sélectionnent.
de Janeiro en 1992.
débattu en mars en première lecture à l’AsEstimant que tout ce qui pousse dans les (2) Certificat d’Obtention Végétale, droit de propriété
semblée nationale est sa déclinaison fran- champs des paysans appartient au « patri- industrielle spécifique aux semences.
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Actualité
Porc Sortir des crises structurelles
La filière porcine est à nouveau en crise. Le 12 mars, la Confédération paysanne adressait une lettre ouverte à Stéphane Le Foll,
pour réclamer la « fin de la stratégie de l’exportation à tout prix » et « un plan stratégique de reconquête de la valeur ajoutée,
des marchés intérieurs, des marchés d’exportation rémunérateurs ».
« Monsieur le ministre,
La crise dans la filière porcine est plus structurelle que conjoncturelle. Cette filière n’installe plus depuis longtemps car le niveau
nécessaire de capitaux à apporter dissuade les volontés de reprise.
Elle ne rémunère plus ses producteurs, ne modernise pas ses
outils de production et de transformation, et la concentration excessive fait baisser la production. Pourtant, les défis de valeur ajoutée, de qualité, les exigences sanitaires et environnementales de
la société sont toujours là… mais le mirage de l’export continue
à être prôné comme objectif de développement de la filière !
L’embargo russe a bon dos car apparemment d’autres marchés
export ont compensé. Par contre, il
détourne notre attention des responsabilités des tenants de la filière
dans la situation actuelle des éleveurs.
Une filière bien gérée devrait être
solide et capable de faire face à des
situations comme celle-là. Ne pas
s’être préparé à un aléa géopolitique
de ce type était une faute grave, d’autant que la Russie est coutumière du
fait.
Nous soutenons bien sûr les mesures
de crise qui viennent d’être prises en
faveur des producteurs : étalement/exonération partielle des cotisations sociales, prises en charge des
intérêts, etc. Elles sont nécessaires à
très court terme mais insuffisantes
pour donner des perspectives
durables aux éleveurs.
En revanche, nous sommes plus
que dubitatifs sur l’intérêt des aides
au stockage privé qui peuvent certes
maintenir a minima les cours en ce
moment mais qui les feront chuter au
moment du déstockage si aucune
mesure structurelle n’est mise en place
en parallèle.
Pour maintenir les emplois en production porcine à long terme,
particulièrement sur les petites et moyennes structures qui en sont
les plus pourvoyeuses, nous demandons :
• à court terme, des aides directes aux producteurs en ciblant
les élevages familiaux de moins de 200 truies. L’emploi à la production mérite autant d’être soutenu que l’emploi à l’abattage-transformation. La stratégie du maintien du potentiel de production
en le concentrant pour maintenir les emplois dans les industries
agroalimentaires montre aujourd’hui ses limites. On aura sacrifié
des producteurs sans sauver les salariés de l’agroalimentaire.
• La fin de la stratégie de l’export à tout prix. Comment être compétitifs face à des pays qui sont autonomes en protéines ?
• Un plan stratégique de reconquête de la valeur ajoutée, des
marchés intérieurs, des marchés export rémunérateurs. Monsieur
12 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
le Ministre, quel bilan faites-vous de votre plan lancé en 2013 ?
Cette réorientation vitale nous paraît impossible tant qu’il n’y
aura pas eu une réorganisation au niveau de l’aval : à la sortie de
l’élevage, le porc français est compétitif mais il perd cette compétitivité aux moments de l’abattage et de la transformation (1). Comment se fait-il que les grandes et moyennes surfaces arrivent à s’entendre pour acheter ensemble et que les abatteurs-transformateurs
ne soient pas en mesure de faire de même pour vendre et ainsi
avoir plus de poids dans le rapport de force ? Au contraire, ils sont
dans une stratégie suicidaire d’alignement des prix par le bas. Pourquoi nos transformateurs n’adaptent pas rapidement leur offre à
la demande, en termes de produits,
de gammes comme le font d’autres
pays européens ? La filière doit être
capable de se pencher collectivement
sur son avenir, et d’abord de faire son
autocritique.
Nous appelons à passer d’une gestion à court terme et au petit bonheur
la chance du coût de revient à une
stratégie à moyen et long terme de
création de revenu par le prix. Le
revenu des producteurs et l’emploi des
salariés ne doivent pas être les seules
variables d’ajustement de toute la
filière.
Il existe deux manières de réagir :
• celle que l’on subit depuis trop
longtemps et qui montre ses limites :
attendre la crise aiguë, que la restructuration se fasse par la baisse anarchique du nombre de producteurs et
des outils d’abattage, tout en réclamant l’intervention des pouvoirs
publics pour aider les plus gros, assimilés à tort aux plus compétitifs ;
• celle que nous appelons de nos
vœux : anticiper et éviter les crises,
en se dotant d’outils de régulation
de la production et des marchés.
Rappelons que l’attribution d’aides publiques ne peut se faire
sans conditions et sans contreparties de la filière elle-même, en
termes d’organisation ou de modes de production plus vertueux
au niveau social et environnemental.
Aussi, Monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir quelle
est votre vision de la filière porcine dans dix ans, votre « engagement » contre l’industrialisation et votre stratégie pour atteindre
cette ambition ? » n
Laurent Leray,
secrétaire national en charge du Pôle Élevage
et Pierre Brosseau,
responsable de la commission nationale « porc »
(1) Cette perte de compétitivité est aussi en partie due au manque d’harmonisation sociale
européenne.
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Dossier
Fermes-usines contre agriculture paysanne
Fermes-usines et grands projets inutiles
envahissent le territoire. Sous prétexte
d’emplois, de développement économique,
voire même de lutte contre le réchauffement climatique, une agriculture prédatrice
des terres agricoles fertiles se propage.
Encouragée par la Pac et plus encore par
le gouvernement français, la course au productivisme s’accélère.
Produire plus, inonder le « marché »,
exporter et déverser nos excédents dans
les pays du Sud, à des prix inférieurs aux
coûts de la production locale… Peu
importe ! La production agricole considérée comme « matière première » n’est
plus la source essentielle du revenu de ces
usines. Comme le prône Sofiprotéol (groupe
Avril), jamais loin de la construction de
ces projets, « il faut tout exploiter ! », profiter de toutes les opportunités en faisant
le plain d’aides publiques : agrocarburants,
méthanisation, recherche génétique, production d’aliments du bétail à base de
tourteaux de colza et de tournesol…
Propriétaire ou actionnaire d’entreprises
de l’amont à l’aval des filières d’oléoprotéagineux, d’élevage de volailles, de porcs
ou de vaches, Sofiprotéol a tout intérêt à
développer une production à bas prix sans
souci de sa qualité. « Il
faut nourrir les pauvres
et développer l’export » souligne
le ministre de
l’Agriculture
Stéphane Le Foll, répétant quasiment les
propos de Xavier Beulin, le président de la
Fnsea et président du groupe SofiprotéolAvril !
Ce développement présenté comme
« moderne, compétitif et performant » qui
happe des paysans fatigués, endettés, à
qui l’on fait croire qu’ils vont avoir « une
vie meilleure » est destructeur de l’agriculture de qualité.
À la Confédération paysanne, nous sommes
convaincus que nous pouvons nourrir tout
le monde dans le respect de la terre et de
la vie. Le projet d’agriculture paysanne ne
concerne pas seulement des petites fermes
en circuit court. Utiliser des compétences agronomiques qui permettent
de respecter la terre qui nous nourrit sans l’épuiser, en partager les
ressources, se regrouper pour
alléger le travail, pour acheter
du matériel, pour
commercialiser,
s’organiser pour que la ferme soit transmissible, c’est possible !
Réfléchir aux investissements, utiliser le
territoire au mieux pour être autonome,
envisager la distribution pour réduire les
émissions de gaz à effets de serre, ne pas
produire plus que ce dont nous avons
besoin, respecter la vie autant dans sa biodiversité animale et végétale que par la production d’aliments qui permettront une
meilleure santé des populations, vivre de
son travail, en être fier et heureux, c’est possible aussi, et c’est le projet que défend la
Confédération paysanne.
Annie Sic,
paysanne dans les Alpes-Maritimes
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Dossier
Industrialisation La carte d’une dérive destructrice
Pourtant loin d’être exhaustive, la carte des fermes-usines lancée par la Confédération paysanne à la veille du Salon
de l’Agriculture fin février, a fait l’effet d’une bombe. Il suffit d’y jeter un œil pour comprendre que le cas des 1000 vaches
est loin d’être isolé. Sur tout le territoire, des usines à poulets, à vaches, à porcs, à tomates... sont en projet ou déjà
en fonctionnement. Il est désormais impossible de l’ignorer, tout comme l’évolution de la réglementation qui les favorise.
Mais le ministre de l’Agriculture ne voit pas tout à fait les choses de la même manière. Pour lui, il y a certes quelques projets
qui posent problèmes, mais il salue les regroupements d’agriculteurs même si leurs usines font disparaître l’emploi paysan
et que les savoir-faire sont niés au profit des multinationales.
Abbeville (80)
L’agrobusiness est en effet au cœur du problème. Dans la plupart des cas, de grands
Élevage de 1 000 vaches laitières et 750 génisses,
adossé à un méthaniseur de 0,6 MW.
groupes tiennent la barre de ces projets : Michel Ramery aux 1000 vaches, la pieuvre AvrilSofiprotéol de Xavier Beulin, Intermarché par la SVA Jean Rozé, etc. Est-ce là l’agriculture
Loueuse (60)
de demain ?
Projet d’extension d’un élevage porcin à 3 000 places.
Charente-Maritime Vent debout contre
une usine à tomates
Trébrivan (22)
Brécey (50)
25 hectares de serres chauffées pour
tomates hors sol. 50 tonnes de tomates
produites par jour, 9000 tonnes par an.
A Échillais, la mobilisation monte contre
Maternité industrielle de 900 truies
un projet d’hyper-incinérateur construit
pour 23 000 porcelets par an.
Bréhan (56)
par Vinci et porté par le Syndicat interÉlevage de 280 vaches laitières avec quatre robots de traite et
communautaire du littoral (SIL). Ce monstre de plus de 20 000 m2
deux
robots de fonctionnement (racleur et affourragement).
et haut de 41 mètres viendrait remplacer deux incinérateurs, à Échillais
et Oléron, et valoriserait « jusqu’à 94 % des déchets entrants ». Le 12 novembre
dernier, le SIL a signé un protocole d’accord pour fournir de la chaleur via un système de cogénération aux jardiniers charentais (1), une société qui pourrait créer
Monts (3 7)
jusqu’à 25 hectares de serres de tomates hors sol. « Cet hyper-inci420 vaches lai
nérateur est un effet d’aubaine pour cette société, note
Missé (79)
1300 chèv res
Jérôme Blauth de la Confédération paysanne. 17 hectares Extension d’un poulailler de 91 000 volailles à 350 000 volailles.
ont déjà été acquis sans passage en Safer, il y a une opaLuzay (79)
cité terrible ! »
Coussay- les
Projet
de
maternité
de
1000
truies
pour
25
000
porcelets
par an.
Situées à une dizaine de kilomètres de l’esProjet d’e ng
tuaire de la Charente, ces serres pourraient
Poiroux (85)
avoir des répercussions environnemen- Maternité industrielle de 900 truies pour 23 000 porcelets par an
Pamproux (79)
tales et économiques. « Un hectare de
Élevage de 600 000 poul ett
serres de tomates en hydroponie relâche 8 tonnes de nitrates purs dans
700
millions d’œufs com me
Échillais (17)
l’eau », souligne Jérôme Blauth. Multipliez par 25 et imaginez des algues 25 ha de serres, 50 tonnes de tomates
vertes en plein cœur d’un département touristique… « Sans compter produites par jour, 9 000 tonnes par an.
que nous sommes sur une zone conchylicole majeure. Le Bassin Marennes
Oléron est en proie à une crève massive de coquillages, huîtres, moules
et coquilles Saint-Jacques ». 9 000 tonnes de tomates grappes
Lapouyade (33)
et cerises seraient produites chaque année dans ces serres.
Alors que cet aliment est à forte valeur ajoutée pour les 8 ha de serres chauffées de tomates pour une production
annuelle de 4 000 tonnes.
maraîchers, la Confédération paysanne de Charente-Maritime
redoute des ventes de tomates en grande distribution à des
Saint-Symphorien (33)
prix défiant toute concurrence, et fragilisant les petites
Projet d’extension d’un élevage 11 00
Parentis (40)
exploitations.
d’épandage
nécessaires seraient d’e
10
ha
de
serres,
production
de
« Dans ces serres surchauffées, le coût de la chaleur c’est 30 %
5 000 tonnes de tomates hors sol par an.
du coût de production d’une tomate, ajoute Jérôme
Lannepax (32)
Blauth. Ce projet ne peut être pérenne que s’il bénéficie de subventions. » Entre 80 et 100 millions d’euros Élevage de 725 000 poulets par an, 115 000 poulets en permanence.
d’argent public sont engagés dans ce projet d’hyperinSouraïde (64)
cinérateur et de serres à tomates pétrochimiques. Un large front
Saint-Élix-Theux (32)
4500 brebis laitières
associatif et citoyen, dont la Conf’ 17 est partie prenante,
Élevage de 725 000 po ule
plaide pour la mise en place d’une politique zéro déchets ren- et 700 chèvres en hors-sol.
Espelette (64)
dant l’incinérateur actuel suffisant et compromettant de fait la viabilité de l’usine
3 000 brebis laitières et 300 Chèvres.
à tomates. Une zone à défendre s’est également installée sur le site du projet d’hyperincinérateur depuis le 31 décembre dernier. La décision d’expulsion du tribunal administratif
le 12 janvier 2015 renforce la mobilisation et la vigilance des opposants.
SC
(1) Outre un ingénieur industriel, les porteurs du projet de serres sont une entreprise régionale de BTP, la société hollandaise A + G Van Den Bosch, et un producteur de
noisettes.
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Somme Où en est le projet des 1 000 vaches ?
)
.
0)
es.
es
et
Malgré quelques éclaircies début 2015 (investitures aux cantonales très défavorables pour les pro 1 000 vaches, un début de rectitude retrouvée par la préfecture qui a refusé un permis de construire modificatif aux promoteurs du projet, audience prochaine au tribunal administratif sur le fond du dossier, etc.), le paysage s’assombrit à nouveau du côté d’Abbeville…
Heuringhem (62)
En effet, nous avons constaté début mars un certain nombre d’éléments inquiétants qui laisProjet d’engraissement de 4 500 porcs par an.
sent présager un nouveau traitement de faveur de la part de la préfecture pour l’usine des
1 000 vaches. Épandages sauvages, camions d’équarrissage très régulièrement sur site, mouvements d’animaux importants, taux important de cellules dans le lait collecté, dimension des camions
de lait et occupation de l’espace qui laisse penser qu’il y aurait plus de 500 vaches sur site…
Doullens (80)
S’ajoute à cela que la préfecture vient de décaler la première réunion du groupe de suivi élus/rive250 000 poules pondeuses,
objectif de 400 millions d’œufs par an. rains au mois d’avril.
Six mois après le démarrage de l’exploitation et malgré ces signaux
Landifay (02)
alarmants, la préfecture reste sourde à la demande de transparence
Projet d’engraissement de 1 500 taurillons à Landifay.
des opposants. Sans compter que planent des rumeurs de demande
d’autorisation d’exploiter pour 899 vaches (seuil qui ne déclencherait
pas automatiquement une nouvelle enquête publique) dans
les prochaines semaines…
Vitry-le-François (51)
Projet d’extension d’un élevage porcin à 15 600 places de porcs
De quoi rehausser le niveau d’inquiétude et de vigilance à
1 100 truies reproductrices/30 000 porcs engraissés par an.
son maximum pour la Confédération paysanne et Novissen.
Si la préfecture n’assure pas la transSteinseltz (67)
parence minimum sur le projet, alors
Passer d’un élevage de 800 000 poulettes à l’année
(306 000 poulettes en permanence) à un élevage de 1,5 million les opposants s’en chargeront.
Arcis-sur-Aube (10)
Centre d’engraissement de 2000 taurillons.
de poulettes par an (692 000 poulettes en permanence).
Pierre-Alain Prévost
Somme Bientôt un poulailler géant ?
Un élevage de 250 000 poules pondeuses se prépare à 40 kilo(3 7)
mètres de la ferme-usine des 1 000 vaches. Situé à Beauval, le projet
hes laitières, 260 génisses, 210 taurillons,
prévoit deux bâtiments de trois étages avec « un niveau pour vivre »,
hèv res, soit 2200 animaux au total.
« un autre pour se nourrir » et « un troisième pour pondre ». Soit 9 poules
au mètre carré. Production ? 70 millions d’œufs par an. « C’est surtout la taille
de l’élevage qui nous choque, souligne Vincent Chombart, de la Confédération payy- les-Bois (86)
sanne de la Somme. Il y a aussi la question prophylactique : en cas de maladie, on assasd’e ngraissement de 1 200 taurillons.
sine 250 000 poules d’un coup ! »
Ce mode de production fleurit en Allemagne et aux Pays-Bas, et se veut deux
oul ettes, plus de 600 000 poules pondeuses
fois moins cher qu’en bio. Le propriétaire des lieux, Pascal Lemaire, est déjà à
om mercialisés par an, soit 1,2 million de volailles.
la tête d’un poulailler bio de 18 000 poules, d’une
Saint-Didier-d’Aussiat (01)
Projet d’engraissement de 1000 jeunes bovins. usine de conditionnement d’œufs et d’une usine d’aliments pour volailles. Il envisage la création de
six emplois sur place et une vingtaine en aval. Côté financement, la Banque
Courtine (23)
publique d’investissement et trois fonds picards auraient mis sept millions
Centre d’engraissement de 1000 taurillons sur le plateau
d’euros sur la table. « Il y a là un énorme capital aux mains d’un seul indide Millevaches (1400 jeunes bovins par an).
vidu, alors que l’on pourrait faire vivre plusieurs exploitations », souligne
Vincent Chombart. L’instruction du dossier à la préfecture serait toujours
SC
en cours.
11 000 places de porcs. Les surfaces
nt d’environ 1 000 hectares.
L’industrialisation de l’agriculture est déjà là !
L’agriculture n’est pas seulement industrialisée par des investisseurs façon
Ramery, elle s’industrialise aussi par les
Rullac-Saint-Cirq (12)
«
voies
naturelles
».
Des
exploitations en place depuis longEngraissement de 120 000 agneaux par an.
temps ne ratent aucune occasion de s’agrandir et atteignent
aujourd’hui des dimensions folles. C’est le modèle soutenu par
32)
Fdsea/Ja : on installe le fils sur la ferme du voisin et quand on part à la
po ulets par an, 115 000 poulets en permanence.
retraite, on rassemble tout ! C’est ainsi que la moyenne des exploitations
de Haute-Marne dépasse maintenant les 180 hectares. Quelques « fermes »
cultivent plus de 1 000 hectares, bien plus entre 500 et 1000, beaucoup dans
les 200 à 300, et de moins en moins vivent avec moins de 100 hectares.
De nombreuses fermes laitières sont équipées de robots de traite pour des troupeaux qui
atteignent et dépassent fréquemment les 200 vaches. Près de moi, une ferme compte environ 1 700 têtes de bovins, laitiers et allaitants,
répartis sur plusieurs sites pour avoir l’air moins gros, mais avec tout de même un hangar d’un demi-hectare… Le pire, c’est que ça ne nous
Hippolyte Babouillard, Haute-Marne
choque plus !
Grillon (84)
Élevage de 850 000 poulets par an, 125 000 poulets en permanence.
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Dossier
Isère Les déboires de Boulieu
Imaginé dès 1957, le domaine de
Boulieu, en Isère, est un projet
pharaonique pour l’époque, avec ses
800 vaches laitières. C’est l’histoire de
la mutation de l’agriculture paysanne
vers l’agro-industrie, avec son lot de
misères, de tricheries, de perte
génétique et de qualité alimentaire
T
out commence un soir de Noël, en
Savoie. Édouard Rebotton passe la
veillée chez ses beaux-parents, paysans
avec 8 vaches laitières. L’une d’entre elles
vêle; le veau est mort. Consternation. Rebotton, alors fleuriste à Chambéry, se dit qu’il n’est
pas possible que le sort d’une famille de paysans soit lié à la vie ou à la mort d’un veau.
Il a 25 ans et voyage de par le monde
pour implanter le système Interflora. Il
cherche quel pourrait être le bon niveau
d’étable qui remédierait à la catastrophe de
sa belle-famille. Nous sommes à l’aube de
la Ve République et du développement de
la mécanisation agricole, de la spécialisation, avec la pétrochimie et, en corollaire,
le massif exode rural.
Rebotton arrête son projet sur 800 vaches,
7 à 800 hectares et 40 travailleurs spécialisés. Il trouve le foncier : 3 fermes en vente
de 400, 300 et 70 hectares, contiguës en
Nord-Isère. Au cours de ses voyages, il fait
la connaissance de la race Holstein canadienne, de haut niveau génétique laitier.
Un premier lot de 20 vaches et deux taureaux arrive par avion en 1960, suivi par une
vague de 400 génisses pleines, arrivées
au Havre par bateau deux ans plus tard.
Quatre ans après, le domaine de Boulieu est
en vitesse de croisière : bâtiments et équipements modernes, cultures ray-grass maïs,
vaches à l’étable, soutien technique par le
Herd-book Holstein, travailleurs compétents,
le tout dirigé par Rebotton et son beau-frère,
François Ravier. Des démonstrations de la
firme John Deere et de nombreuses visites
rythment la vie de la ferme « modèle ».
Mais deux imprévus surviennent : la sécheresse de l’été 1976, suivie d’un automne
1977 très très pluvieux. L’approvisionnement en fourrage, en qualité et quantité, est
mauvais. D’où des difficultés techniques,
puis financières, pour l’entreprise. Elle ne s’en
relèvera pas.
François Ravier reprend sa part de foncier
où il conduit sa propre production de
céréales et viande bovine. Rebotton périclite,
ses 400 hectares à la merci du Crédit Agricole et des autres créanciers. Les rats (John
Deere, Herd-book Holstein) ont quitté le
navire : ils n’avaient plus besoin de la tête
de pont Boulieu pour réaliser leurs progressions techniques et commerciales.
De faillite en saisie, Rebotton perd tout,
même son commerce de fleurs. Sa femme
reprend un travail d’infirmière pour faire
bouillir la marmite. Ils décéderont à six mois
d’intervalle, en 1997.
La faillite Rebotton est reprise par une
fabrique belge d’aliments du bétail qui se
plantera aussi. Puis viendra Claude Mercier,
éleveur et producteur de fromages à Albertville (Savoie), aux amitiés politiques locales
fortes et aux pratiques dénoncées par la
Confédération paysanne. 1,2 million de litres
de lait produits annuellement à Boulieu –
dont 50 % illégalement (1) –, à base de ray
grass-maïs-soja, prennent la route de la
Savoie pour devenir… du beaufort AOC.
Mercier sentira l’orage se rapprocher et vendra sa laiterie. A ce jour cependant, 400
vaches produisent toujours chacune 6 à
7 000 litres de lait par an à Boulieu. Ce n’est
plus illégal pour Mercier depuis ce 1er avril
et la fin des quotas laitiers. n
Jean Moly, paysan retraité en Isère
(1) Par défaut de déclaration de mutation foncière à laquelle
était lié un versement de litrage à la réserve nationale.
Bouches-du-Rhône
La déconfiture de 1 000 hectares de pêchers
La fin des années quatre-vingt-dix est
marquée par des mobilisations très
fortes de la Confédération paysanne
contre une immense usine végétale en
Provence.
E
n France, des mégafermes n’existent
pas seulement dans l’élevage. Rappelons l’affaire Comte, dans les Bouchesdu-Rhône. En 1999, cette société compte
1 700 hectares de vergers, dont 1 000 hectares de pêches industrielles situés autour
de Saint-Martin-de-Crau. La Confédération
paysanne manifeste sur ces terres, avec des
slogans comme « Trois cents fermes valent
mieux qu’une grande », ou encore « Trop
d’arbres à noyaux attirent les pépins ».
Comte est à l’époque le plus grand arboriculteur de France. En dépit de nombreux traitements avec des pesticides, sa production
est labellisée « Agriculture raisonnée ». Sans
permis préalable, l’entrepreneur laboure même
des dizaines d’hectares de Crau sèche, une
steppe avec une faune et une flore uniques.
Il installe aussi à Saint-Martin une station
géante de conditionnement robotisée…
Des centaines d’ouvriers venant du Maroc
et de Tunisie, en majorité sous contrat saisonnier OMI, travaillent sur ses terres, dans
des conditions lamentables. A l’été 2005, la
rumeur de difficultés financières de l’entreprise se répand. Par peur de ne pas percevoir les arriérés et autres retards de paiement,
les travailleurs se mettent en grève. On
apprend également qu’une partie des vergers implantés dans la Crau sèche a attrapé
la sharka, une maladie virale très grave.
A l’automne 2005, les sociétés de Comte
sont placées en redressement judiciaire. Un
an plus tard, le patron des « forçats de la
Crau » est relaxé par le tribunal de Tarascon. Mais il doit abandonner ses 1 000 hectares de pêches. Il revient à la Safer de procéder à la redistribution des terres. Un autre
arboriculteur, déjà propriétaire de centaines
d’hectares, achète les vergers en pleine pro-
IV \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
ductivité. Une partie est transformée en
prairie naturelle pour le foin de Crau, et
pour les arbres malades – cerise sur le
gâteau – un sauveur public, la CDC Biodiversité (1), paie grassement au propriétaire ces
arbres sans valeur. Elle compte en effet
réhabiliter l’écosystème unique de la Crau
dans le cadre d’une opération de compensation de biodiversité. Si reconvertir ces
terres souillées en pâturage pour des moutons est sûrement une bonne solution, permettre que cette réhabilitation autorise à
polluer ailleurs est scandaleux.
L’affaire Comte est désormais une vieille
histoire. Mais il existe toujours dans les
Bouches-du-Rhône des agromanagers avec
des centaines, voire des milliers d’hectares,
qui profitent de la bienveillance et de l’admiration d’une partie des pouvoirs publics
et juridiques. n
Peter Gerber,paysan dans les Bouches-du-Rhône
(1) Filiale de la Caisse des dépôts et consignations
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Page V
Dossier
Champagne
Le baron allemand de la volaille y a perdu ses plumes
Une exploitation régnant à elle seule
sur 14 % de la production française
d’œufs ! C’est le projet démentiel
d’un industriel au début des années
quatre-vingt-dix, stoppé dans son élan
par les actions de la Conf’.
Photo : Alain Basson
Mai 1993 : sur la marche Pohlmann – Bruxelles
Photo : Alain Basson
F
in 1991, la population de Fère-Champenoise, dans la Marne, apprend qu’un
industriel allemand dénommé Pohlmann veut installer aux alentours des bâtiments pour 5,6 millions de poules pondeuses ! Les premières réactions sont plutôt
favorables, les élus locaux mettant en avant
les créations d’emplois (350 annoncés) et
les délégués Fdsea l’écoulement des céréales
et la fumure bon marché des fientes. Des
adhérents de la Confédération paysanne,
d’associations environnementales et de
consommateurs ressentent le besoin d’en
savoir plus sur le comportement de Pohlmann en Allemagne. Grâce aux liens tissés
au sein de la Coordination paysanne européenne entre la Conf’ et son homologue
allemand AbL, on en sait plus sur les élevages
de cet industriel : surconcentration, forte
mortalité des animaux, pollutions, conditions de travail déplorables pour les employés,
nuisances pour les riverains. D’où les fréquentes condamnations de celui surnommé
dans son pays le « baron de la volaille ».
La projection en Champagne d’un documentaire sur ces réalités attire 250 personnes en février 1992. Un Comité d’opposition au projet Pohlmann (COPP) se crée
et lance une pétition qui fait croître le
nombre d’opposants. Dès janvier 1992, la
Confédération paysanne appelle au refus du
projet et réunit son comité national sur
place, en avril. Les bureaux de Pohlmann à
Fère-Champenoise sont vidés et leurs
Mai 1993 : sur la marche Pohlmann – Bruxelles
façades décorées de plumes. Des plumes qui
le même jour voleront dans bon nombre de
DDA (1) de France. Car l’enjeu n’est pas seulement régional : si le « baron » installe ses
5,6 millions de poules, il régnera à lui seul
sur 14 % de la production française d’œufs,
menaçant la survie économique de milliers
de petits et moyens ateliers sur tout le territoire. Conséquence de cette journée d’action: perquisitions, gardes à vue, inculpations.
L’instruction se termine finalement par un
non-lieu général.
Autre conséquence, plus intéressante : le
député local propose une loi prévoyant une
autorisation préfectorale pour des ateliers
hors-sol dépassant une certaine taille. La loi
est votée en juillet 1992 et valable un an. Le
décret fixe ce seuil à 300 000 poules. Pohlmann n’en continue pas moins à préparer ses
dossiers (enquête d’utilité publique, permis
de construire accordé en octobre 1992). Sur
le terrain, les opposants poursuivent leur travail d’information, incitant les agriculteurs à
refuser d’inclure leurs terres dans le plan
d’épandage. Mais ils craignent que Pohlmann
joue la montre en attendant la fin de la validité de la loi.
La Confédération paysanne décide alors
d’organiser en mai 1993 une marche baptisée Pohlmann-Bruxelles. Il s’agit d’interpeller
la Commission européenne pour aller vers
une limitation de la taille des ateliers, au
niveau européen cette fois. Le maintien de
la pression incite le Parlement français à
proroger de trois ans, le 11 juin 1993, la
validité de la loi sur la taille des élevages avicoles. Dans la foulée, le préfet de la Marne
oppose le 21 juin un refus au projet de Pohlmann qui jette l’éponge en France. La victoire est là, récompensant la mobilisation.
Certes, la Confédération paysanne n’a pas
gagné une limitation européenne de la taille
des ateliers, mais par la suite la mobilisation
citoyenne a permis de faire échec à des petits
Pohlmann français qui se sentaient pousser
des ailes en Champagne. Il y a vingt ans, les
gouvernants qui ne péroraient pas tant sur
l’agroécologie ont su mettre en place les
outils pour faire échec à un projet inutile et
dangereux. Ceux d’aujourd’hui seraient bien
inspirés d’en faire autant, qu’il s’agisse de
veaux, vaches, cochons ou couvées. n
Alain Basson, paysan dans la Marne,
et Laurent Cartier, paysan en Haute-Marne
(1) Directions départementales de l’agriculture
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Dossier
Vendée
De la ferme-usine des porcelets à Sofiprotéol-Avril
La Vendée, nouvelle terre d’accueil des
usines d’élevage porcin ? Pollutions de
l’eau, déni de démocratie,
financiarisation de l’agriculture… La
Confédération paysanne de Vendée
dénonce les dérives d’un projet aux
antipodes de l’agriculture paysanne.
À
Poiroux, dans l’arrière littoral des
Sables-d’Olonne, une maternitéusine de 890 truies et 23 000 porcelets s’apprête à voir le jour. Le permis de
construire pour le bâtiment de 4 621 m2 a
été accordé en juin 2014. « Une pelleteuse
est arrivée sur le terrain début mars », note
Michel Jolly, de la Confédération paysanne
Vendée. « Ce projet est-il démesuré ? On
sait que l’agriculture bouge, que les volumes
se regroupent et augmentent… 900 truies,
c’est assez courant en Bretagne. En Vendée,
c’est le premier projet de cette dimension,
avec combien de mains ? Lorsqu’on a découvert que ce projet était un montage de sociétés dans lesquelles on retrouvait peu d’agriculteurs, on a décidé de se mobiliser. »
Qui est derrière ce projet ? En 2009 se
constitue une société civile d’exploitation
agricole « Le village du bois ». Elle comprend
cinq actionnaires (1) dont une EARL et une
SARL en élevage porcin, une EARL spécialisée dans la culture de céréales, légumineuses et graines oléagineuses, une SARL
spécialisée dans la production d’électricité…
Mais aussi et surtout la SARL Kerloann qui
vise, selon ses statuts, à « faciliter et accompagner toute opération de transmission ou
de restructuration d’entreprises agricoles ».
Cette société est détenue en partie par Sanders Ouest, filiale du géant français de l’agroindustrie Sofiprotéol-Avril.
La Confédération paysanne est aussi interpellée par l’engagement de la SARL Kerloann dans un autre projet contesté très
similaire : celui d’une « ferme-usine aux
1 000 truies » à Trébrivan, dans les Côtesd’Armor. « Dans un cas comme dans l’autre,
ces projets ne créent que trois à quatre
emplois, relève Michel Jolly, qui redoute
que les paysans ne soient transformés en
ouvriers spécialisés sur des chaînes de production. Sur des schémas de 100 truies naisseurs engraisseurs, il faut compter normalement 1,5 personne. Dans le projet de
Poiroux, on aurait pu monter à 7 ou 8 emplois
minimum ! »
Dès le lancement du projet en 2009, plusieurs associations locales pointent les
risques de pollution (2). Située à 15
kilomètres de la
mer, à l’emplacement des sources
de la Vertonne, la
porcherie industrielle pourrait
affecter par ses
épandages les
marais et les
zones ostréicoles.
Outre les risques
d’algues vertes,
les associations
relèvent l’insuffisance des études
d’impacts et l’absence d’expertise
indépendante.
D’abord retoqué
par le préfet en
2010, le projet
connaît un rebondissement trois
ans plus tard : le
tribunal administratif enjoint le nouveau
préfet d’autoriser l’exploitation. « Aujourd’hui, toutes les communes alentour sont
contre ce projet, sauf le maire du Poiroux »,
indique Michel Jolly.
Le collectif d’opposants à la porcherie du
Poiroux (3), récemment rejoint par la Confédération paysanne et l’association Attac,
dénonce une attitude de « pompier pyromane » qui d’un côté a pour mission de
veiller à la qualité des eaux, et accorde de
l’autre cette autorisation d’exploitation.
« Les industriels agricoles ont de plus en plus
de mal à s’implanter en Bretagne qui est
saturée, ajoute le collectif. Ils déploient donc
leurs capitaux en Vendée qui va devenir une
terre de colonisation d’élevages industriels. »
Des unités d’engraissement industriel devraient en
toute logique s’implanter à proximité
de l’unité de naissage du Poiroux.
« Le porc aujourd’hui est en crise,
résume Michel
Jolly. Il n’y aucun
intérêt à faire des
usines à cochons
s u b ve nt i o n n é e s
tous les ans par le
contribuable. Le
consommateur
demande d’autres
produits dans son
assiette. Pourquoi
ne pas avoir du porc
en Vendée sur des
unités qui correspondent à la
demande, à savoir
des unités sur paille,
plus petites, pouvant faire marcher les industries autour, allant dans des points de collecte en vente directe ? » Un appel à mobilisation le 4 avril a été lancé (voir l’encadré).
Une votation citoyenne locale auprès des
personnes touchées par le projet est également envisagée. n
Sophie Chapelle
(1) l’EARL du Payré (85), l’EARL Gorioux (17), la SARL
Cecoger (79), la SARL Les étangs du Kevir (29) et la SARL
Kerloann (22).
(2) la Fève (Fédération écocitoyenne de Vendée), Terres et
Rivières et Avigen (Association de vigilance environnementale).
(3) www.porcherie-poiroux.fr
Appel à boycott des marques de Sofiprotéol-Avril
Lesieur, Matines et Puget. Voilà trois marques possédées par la multinationale française Sofiprotéol-Avril. Ce géant français de l’agro-industrie est la nouvelle cible de la campagne Requins
lancée en mars 2015 par l’association Attac-France. Via sa filiale Sanders, Sofiprotéol-Avril est
engagé avec d’autres partenaires dans la maternité porcine industrielle du Poiroux. Objectif de
la campagne : mettre la pression sur ce groupe pour qu’il se désengage du projet à Poiroux, mais
aussi de la maternité porcine industrielle à Trébrivan, dans les Côtes-d’Armor. Pour ce faire, des
autocollants appelant au boycott des marques de Sofiprotéol-Avril ont été créés. L’idée ? Les
coller sur des caddies de supermarché ou en tête de linéaire. Des actions de boycott devaient
avoir lieu partout en France le 4 avril prochain, le jour d’un rassemblement à Poiroux.
Plus d’infos sur www.lesrequins.org/2015
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Dossier
Quel lien y a-t-il entre
les œufs Matines,
les huiles Puget et
Lesieur, les tourteaux
de soja, le diester
et des fermes-usines
de porcelets ? Un groupe
français tentaculaire,
Sofiprotéol-Avril, dirigé par le président
de la Fnsea.
D
e l’alimentation humaine à la nutrition animale, en passant par les
semences, les énergies renouvelables et même la presse agricole (1), AvrilSofiproteol est partout. Avec 7 milliards
d’euros de chiffre d’affaires, 8 200 salariés,
77 sites de production en France, le groupe
est dirigé depuis quinze ans par Xavier Beulin, président de la Fnsea. Par le biais de son
fonds d’investissement Sofiprotéol, ce
groupe constitue le bras financier de l’agroindustrie française.
« L’intégration totale des filières », telle
est la doctrine officielle de Sofiprotéol-Avril.
Qui a par exemple progressivement mis la
main sur l’ensemble de la filière porcine à
travers ses filiales spécialisées dans la nutrition (Sunfeed), l’hygiène et la santé (Tecnofirm), la génétique (Adevia), jusqu’aux
abattoirs. Via ses filiales, elle apparaît dans
le montage sociétaire des maternités industrielles porcines en Vendée et Côtes-d’Armor (voir article ci-contre). SofiprotéolAvril se pose aussi en sauveur des industries
en crise, en déposant en février 2015 une
offre de reprise des abattoirs porcins AIM
en Normandie.
Mais revenons au cœur de métier originel
de Sofiprotéol, l’huile. Le groupe a construit
son empire sur un agrocarburant, le diester,
abondamment financé par des fonds publics.
Or, l’étape industrielle qui transforme le
grain de colza ou de tournesol en huile végétale, produit des quantités astronomiques
de tourteaux (2). En 2007, le groupe prend le
contrôle de Glon-Sanders, alors numéro un
en France de l’alimentation animale, et projette de substituer le très décrié soja génétiquement modifié par du colza.
Alliées de poids, les chambres d’agriculture font de la réclame pour le tourteau de
colza. L’Inra est aussi mis à contribution
pour rendre le colza digeste pour tous les
animaux. Un temps sera envisagé de profiter de la contractualisation pour obliger
l’éleveur, en échange de la collecte d’un
volume de lait garanti, à acheter à la coopérative tous les produits qu’elle peut lui
vendre… Alors que les exploitations laitières
s’agrandissent, de plus en plus passent de
l’herbe à une alimentation à base de colza.
Une vache ingérant en moyenne 3,5 kg de
tourteaux de colza par jour, les fermesusines sont de véritables aubaines pour le
diester.
Devinez les derniers investissements de
Sofiprotéol-Avril ? Ils concernent la méthanisation, notamment dans les sociétés Biogasyl et Fertigaz, au moment où le ministère de l’Agriculture envisage un grand plan
en la matière. Or, l’installation d’un méthaniseur n’est concevable que pour les grandes
exploitations. La boucle est bouclée. n
SC
(1) Campagnes Solidaires, rassurez-vous, a pour seule
source de financement le soutien de ses lecteurs ! Message
à faire passer…
(2) Pour 1 000 kg de ces graines qui donneront le diester,
on obtient 560 kg de tourteaux. Source : Cetiom.
Pour aller plus loin : l’enquête du site
d’informations Reporterre sur Sofiprotéol-Avril à découvrir sur
www.reporterre.net
La Ruralheureuse
« La pieuvre » Sofiprotéol-Avril,
acteur clé de l’industrialisation de l’agriculture
La Ruralheureuse
Moi, Marguerite,
je me sens vachement bien !
Je me prélasse dans la paille fraîche, entre
Diva et Coquette, mes copines d’étable.
Miron le chat m’observe de son air endormi.
Par moment je lèche le bloc de sel que
Christophe (mon maître et idole) a suspendu à ma portée.
Je rumine au rythme de mon bol alimentaire et je somnole au son des soupirs de
mes copines d’étable.
Bon, 2 fois par jour je dois bien me lever
pour aller me faire traire, mais il sait y faire,
mon héros ! Il m’offre en échange de mon
lait un gros bol de céréales, récoltées dans
ses champs avec amour. Et puis j’attends
avec impatience la montée en alpage, la senteur de l’herbe fraîche, le son joyeux des sonnailles, le soleil, la sensation d’être vivante.
En attendant je savoure la paix de l’hiver,
le silence, la vue des montagnes enneigées.
L’autre soir on a eu une réunion téléphonique avec les copines de « l’usine prolait ». Elles étaient dépitées !
C’est pas une vie de vache! Elles sont tenues
de « pisser » du lait sans se plaindre, et sans
joie. Point de petit nom affectueux, que
des numéros : entre 001 et 999, pas d’affinité, pas de câlins, on est là pour bosser, et
mourir jeunes.
On est loin des caresses de Christophe qui
nous interpelle affectueusement, chacune
par son nom.
Celui-là, c’est vraiment quelqu’un ! J’ai
entendu dire qu’il va aller manifester samedi
prochain à la grande ville avec ses copains
de la Confédération paysanne contre les
usines à bestiaux qu’ils honnissent ! Alors,
qui sait si je ne serai pas « sa » préférée,
moi, Mirabelle, auquel cas je marcherai en
tête, arborant fièrement ma barre de coupe
humide et puissante, armée d’une grosse
langue rugueuse, et mes gros yeux pleins
d’amour pour mon héros courageux, afin de
défendre la cause des vaches libres élevées
par des paysans responsables et dignes de
ce nom.
Véronique Léon
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Dossier
Refusons les fermes-usines,
battons-nous pour l’agriculture paysanne !
Des aliments à la chaîne, des animaux « machines », des paysans ouvriers spécialisés ; autant de dérives de l’agriculture
industrielle âprement combattues par la Confédération paysanne. Mais dénoncer ne suffira pas. L’urgence est aussi à la mise
en place sur les fermes de l’agriculture paysanne.
O
n nous annonçait l’usine de la
Somme comme une exception,
issue de la volonté farouche d’un
entrepreneur local de « moderniser » l’agriculture… Ça s’arrêterait là. Nul besoin de
faire du bruit, nul besoin de chercher plus
loin. Et puis, après de longs mois de
recherches et de travail, la Confédération
paysanne a sorti, la veille du Salon de l’Agriculture, la carte des fermes-usines.
Depuis, la « profession », le ministre, n’ont
de cesse de justifier : « oui, mais il y a des
paysans (?) derrière », « il faut se regrouper
pour être compétitif », « ça reste une exception ». Le bal des faux-culs bat son plein! Peu
importe si ce sont des exploitants agricoles
(désolé mais parler de « paysans » pour ce
type de projets, je peux pas), peu importe si
ce phénomène ne s’est pas encore vulgarisé.
La question est : a-t-on besoin d’usines ?
Les citoyens consommateurs accepterontils d’être roulés ainsi dans la farine ?
Non, bien évidemment non ! Sommesnous si peu sûrs de nous, des qualités de
notre agriculture, pour vouloir copier des
modèles industriels à bout de souffle venant
des États-Unis ?
L’agriculture française rayonne dans le
monde grâce à ses productions de qualité,
à la notoriété de ses AOC et autres IPG. La
valorisation de la diversité de nos terroirs
et territoires impulse depuis très longtemps
déjà l’excellence culinaire. Et l’on devrait
accepter des usines pour permettre à certains de se gaver encore plus d’argent public,
tant ces fermes ne tournent que parce leur
capacité à capter des primes est importante ?
Sérieux ? Mais on est en plein délire là !
Le cadre doit être posé, fixé, pesé ! Quelle
alimentation pour quelle agriculture ? Avec
combien de paysans ? Répartis où ?
Sans ce cadre-là, sans cette vision politique
à long terme, Emmanuel Besnier, PDG de
Lactalis, poursuivra son ascension dans la
hiérarchie des familles les plus fortunées de
France. Nous continuerons à voir des régions
entières se désertifier, perdre leurs paysans
et les services publics induits. Nous verrons
de plus en plus s’étendre des zones
« nitrate ». La machine à concentrer va
trouver là un nouvel essor.
Stéphane Le Foll au 67e Congrès de la Fnsea, à Troyes, en 2013. En février 2015, à deux jours de l’ouverture
du Salon de l’agriculture, le ministre affirmait dans une interview à l’AFP que l’on ne pouvait pas se passer de l’agriculture industrielle, avant de recevoir une délégation de la Fnsea et annoncer des mesures destinées à « alléger les normes environnementales ».
Des usines donc… Pour « fabriquer »,
« manufacturer » des aliments, « produire »
à la chaîne l’alimentation des citoyens. Des
usines avec des animaux « machines » et
des paysans ouvriers spécialisés. Ça va faire
rêver ça…
Faire rêver les citoyens qui, lors de chaque
crise de défiance (vache folle, lasagnes),
cherchent à identifier qui est leur producteur, à aller voir comment nous produisons
ce que nous leur proposons de manger.
Faire rêver les jeunes qui peu à peu se
détournent de notre métier, et vont pointer
à l’usine en se disant « paysan », assuré que
la crise des vocations est réglée. Faire rêver
Xavier Beulin et consorts, d’Avril à Sofiprotéol, qui vont injecter de l’argent dans ce
délire, et en tirer moult profits et bénéfices
en faisant des économies d’échelle. C’est-àdire en détruisant de l’emploi paysan.
Une nouvelle fois, il y a déficit de vision à
long terme, il y a erreur de diagnostic. On
préfère gérer les conséquences plutôt que
de s’attaquer aux causes.
De nombreux citoyens, déjà, se lèvent et
se mettent en marche pour arrêter cette
dérive industrielle de l’agriculture. De nombreuses réunions publiques se tiennent, des
salles pleines à craquer, pour s’informer et
lutter, se réapproprier la question alimentaire.
Nous devons, à la Confédération paysanne,
coordonner ces luttes, les éclairer de notre
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analyse, faire comprendre aux paysans
qu’une nouvelle fois, ce seront eux les premiers sacrifiés sur l’autel de l’appétit sans
fin des multinationales et des industriels
d’amont et d’aval qui viennent imposer leur
diktat dans nos fermes.
De nombreuses actions vont avoir lieu,
des actions citoyennes que nous accompagnerons. Mais en parallèle, il nous faut plus
que jamais nous battre pour que notre projet d’agriculture paysanne soit mis sur le
devant de la scène. Sans relâche, nous devons
porter au-devant des politiques, citoyens et
paysans, la seule issue possible pour s’attaquer enfin aux causes du mal.
Nous devons dénoncer le système dans
lequel on enferme les producteurs, nous
avons obligation de convaincre, de fédérer
et de mettre en place sur nos fermes l’agriculture paysanne. Il y a urgence à résister,
nous devons agir pour démonter cet envahissement de notre métier. Refusons, sereinement mais fermement, cette dérive.
La Confédération paysanne a posé le débat
et nul aujourd’hui ne peut ignorer le risque
imminent. Je trouve plutôt pathétique de
les voir, les uns ou les autres, tenter de justifier cette injustifiable dérive. Charge à
nous de continuer le combat et de le gagner.
Et c’est largement possible ! n
Laurent Pinatel,
porte-parole de la Confédération paysanne
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Points de vue
Les beaux parleurs ne sont pas les payeurs
Dans les campagnes, on entend
de beaux discours, bien libéraux.
Les beaux parleurs vantent le modèle
libéral que chaque jour, pourtant,
nous subissons. Par Claude Bâcle,
paysan dans l’Orne.
demie sans qu’aucune personne ne s’endorme, très rare en de telles circonstances.
Il affirme en gros: « Vous avez de la chance,
la production agricole a de l’avenir avec
l’augmentation de la demande mondiale.
Bien sûr, il y aura des crises, vous allez en
baver, beaucoup disparaîtront… ». Mais
avec un savant dosage de flatteries (« Vous
être de bons producteurs »), d’attaques
contre les « contraintes environnementales » et les « anti-tout », il réussit à se faire
applaudir pendant de longues minutes (de
trop longues minutes, à mon point de vue).
Il est contre la relocalisation de l’économie,
la production doit s’internationaliser. La
grève du lait en 2009 fut une véritable conne-
caractérisée par une production hors sol
bien intégrée dans la filière, avec une quantité produite et un coût régulier tout au long
de l’année, une productivité importante du
travail (un million de litres par actif !). Mais
pour quel résultat : trois fois plus de volume
de production par éleveur mais trois fois
a mode du moment: les discours très
moins de revenu que le producteur français!
libéraux diffusés par des économistes
Nous ne voulons pas devenir des tâchebeaux parleurs à la solde de l’agrobusiness.
rons de l’agroalimentaire et être la variable
Ils veulent nous faire croire que notre agriculd’ajustement de leurs profits. Ces discours
ture va nourrir le monde, alors que l’Europe,
sont relayés par les responsables de nos plus
à titre d’exemple, exportait en 2010 la progrosses coopératives agricoles, par des diriduction de 2,2 millions d’hectares de blé mais
geants de la Fnsea dont le président est à
importait l’équivalent de 17 millions d’hectares
la fois leader syndical et président d’un
de soja et 7 millions d’hectares d’autres oléagifonds d’investissement et d’un empire agroindustriel.
Leurs objectifs sont toujours l’augmentation des
volumes de productions pour
se positionner sur un marché
mondial de produits
basiques, hautement spéculatif, qui ne représente que
quelques pourcents de la production mondiale. Les cours
peuvent varier du simple au
double : les conséquences
sont dramatiques pour les
paysans. Ces gens-là ne peuvent plus se prétendre être les
défenseurs du monde paysan, mais bien des complices
de sa disparition.
À l’inverse, la Confédération paysanne dénonce l’industrialisation de l’agriculture ; la lutte contre la
ferme-usine des mille vaches
Élevage de poulets en Bretagne : la France exporte 30 % de sa production bas de gamme mais importe 40 % de ses besoins en est le symbole. L’exemple
d’une qualité supérieure.
de la volaille bretonne est
neux pour nourrir surtout ses élevages. Ces éco- rie. Les prairies, ce n’est pas assez produc- vraiment un désastre : la filière s’est tournomistes sont à la botte de l’agro-industrie et tif, il faut augmenter la productivité à l’hec- née vers la production de poulets bas de
de son commerce. Sous le prétexte de la sacro- tare et celle du travail. Il est contre le « frein » gamme (1,8 kg) pour l’export subvensainte compétitivité, ils poussent à la spéciali- environnemental, contre les adeptes de la tionné, au détriment du marché intérieur
sation des exploitations et à l’industrialisation décroissance comme il appelle les oppo- qui demande du poulet de 2,4 kg. Résulde la production, rendant les paysans com- sants au barrage de Sivens, alors que pen- tat : la France exporte 30 % de sa producplètement dépendants de l’agrofourniture. dant ce temps en Australie on fait des bar- tion bas de gamme mais importe 40 % de
Lors d’une assemblée générale de coopé- rages de 1 000 hectares pour irriguer les ses besoins d’une qualité supérieure. Un
rative, fin 2014, Vincent Chatellier, éco- terres. Les aides Pac diminueront à l’hectare, comble pour un pays réputé pour son excelnomiste de l’Inra, était de passage dans le mais avec la restructuration et l’agrandisse- lence gastronomique ! La production porPerche Ornais. Ayant lu son analyse de ment, elles augmenteront par exploitation. cine dont la profession, par le biais de ses
l’évolution de la filière laitière dans le jour- Il affirme que les aides Pac, « c’est diminuer groupements de producteurs, contrôle la
nal L’Express, avec un discours très pro- le budget alimentaire de nos concitoyens », commercialisation de 97 % de la producductiviste insensible à la disparition des alors qu’il consacre l’ensemble de son exposé tion est, elle, en crise quasi permanente.
fermes, j’ai décidé de m’y rendre. Je n’ai pas à la conquête des marchés mondiaux…
Devons-nous encore faire confiance à ces
été déçu. Pour un beau parleur, c’est vraiEn production laitière, il cite en exemple donneurs de leçons ? La réponse est
ment le top : un exposé d’une heure et le système danois pour son organisation « NON » ! n
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Social
« Une main-d’œuvre qui arrive
rapidement, toujours disponible
le dimanche »
Dans les exploitations fruitières et légumières intensives du Lot-et-Garonne,
les exploitants agricoles, souvent adhérents ou proches de la Coordination rurale,
font de l’emploi de travailleurs saisonniers migrants une variable d’ajustement
pour la compétitivité de leurs entreprises.
gère, le nombre de contrats OMI baisse
dans les années quatre-vingt. Mais lorsque
la Coordination rurale arrive à la tête de la
chambre d’agriculture départementale en
2001, « les agriculteurs, plus terre à terre
que presse-papiers, s’organisent pour obtenir
le pouvoir de négociation », relate le président de l’Asemaa.
Près d’un tiers des salariés
agricoles du Lot-et-Garonne
est de nationalité étrangère
Un accord passé par la chambre favorise le recours à des travailleurs polonais.
Les chiffres explosent : entre 2001 et 2007,
le nombre de Polonais passe de 92 à 982,
près de 3 000 « premières introductions »
sont accordées au total. En 2000,
30 employeurs signaient des « contrats
OMI », ils sont 312 en 2005. Aujourd’hui, près d’un tiers des salariés agricoles du département est de nationalité
étrangère.
L’embauche est d’autant plus facile qu’il
n’y a plus besoin d’autorisation de travail
pour les ressortissants communautaires.
Elle s’appuie sur des réseaux informels :
des travailleurs jouent le rôle d’intermédiaire pour répondre aux besoins de leurs
employeurs en faisant venir des parents
ou des amis. Les candidats sont nombreux : au chômage, même diplômés, ils
désirent s’installer en France, attirés par
la perspective d’un meilleur niveau de vie,
ou sont prêts à faire des allers-retours
chaque année pour toucher des salaires
français.
En apparence un système « gagnantgagnant » : niveau de salaire pour qualité de la main-d’œuvre, les intérêts se
rencontrent, la demande de travail s’accorde à une offre. En mai 2013, la Coordination rurale organise une manifestation contre l’augmentation des charges,
les complications administratives, et surtout « le harcèlement sur le terrain par
l’Inspection du travail », institution qui fait
l’objet d’une haine ouvertement affichée
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Photo : Nicolas César / La Croix
S
ur les hauteurs de Sainte-Livrade,
dans le Lot-et-Garonne, nous découvrons de larges surfaces de serres, des
bâtiments servant à entreposer le matériel
agricole, deux mobil-homes dernier cri
et plusieurs maisonnettes. Le bureau de
l’exploitant agricole est précédé par une
grande salle de réunion dans laquelle
résonnent des échos en polonais. Une
dizaine de jeunes ouvriers se retrouve là
après une longue journée de travail dans
les serres. Sur un mur, des panneaux affichent des documents, tous traduits en
langue polonaise.
Les travailleurs s’éclipsent quand arrive
le président de l’Association syndicale des
employeurs de main-d’œuvre agricole en
Aquitaine (Asemaa), 250 adhérents. Luimême embauche selon la saison entre vingt
et cinquante Polonais sur son exploitation
de fraises hors sol, qui devrait doubler son
volume d’ici 2016, passant de 200 à
400 tonnes de production. Il n’a presque
jamais travaillé avec des Français : « Les
demandeurs d’emploi – on ne peut même pas
les appeler comme ça, bref, les chômeurs – ne
veulent pas travailler dans l’agriculture. »
L’Asemaa est très proche de la Coordination rurale, principal syndicat du département. Les deux organisations insistent sur
l’emploi nécessaire d’une main-d’œuvre
rentable, « des gens qui ont faim et qui veulent travailler ».
Le recours à des travailleurs étrangers
pour les besoins agricoles du département
n’est pas un phénomène nouveau : Italiens
dans les années 1920, rapatriés indochinois
et algériens dans les années cinquante et
soixante, Espagnols, Portugais et Marocains venus par le biais des contrats d’introduction de l’Office des migrations internationales (OMI), aujourd’hui remplacée
par l’Office français de l’immigration et de
l’intégration (OFII).
Avec l’entrée de l’Espagne et du Portugal
dans l’Union européenne, et du fait de politiques migratoires nationales visant à limiter l’introduction de main-d’œuvre étran-
et promue par le syndicat. Le dossier
qu’elle publie à cette occasion mentionne
qu’« en agriculture, nous avons les salaires
les plus hauts d’Europe. Nos salariés le
savent, sont heureux, et reviennent chaque
année ».
Cette supposée convergence d’intérêts
masque les rapports d’exploitation que permet un modèle d’agriculture industrielle et
concurrentielle. Pour le président de l’Asemaa, qui loge ses employés polonais sur l’exploitation en ne retenant que les charges
d’eau et d’électricité, « c’est une bouffée
d’oxygène, cette main-d’œuvre qui arrive rapidement et qui est toujours disponible le
dimanche ».
D’après les témoignages recueillis, l’emploi sans contrat de travail est bien
répandu. S’il peut résulter d’un accord
tacite entre employeur et salarié, il prive
celui-ci de ses droits et de toute protection. Lorsqu’un contrat de travail existe,
les formes particulières proposées instaurent une relation biaisée, un pouvoir
s’instaure de fait sur le salarié. Ainsi, rien
n’empêche un employeur de signer plusieurs contrats saisonniers successifs, il y
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Social
Travailleuses polonaises dans une serre
de fraisiers en Lot-et-Garonne : en 2012,
environ 1 500 Polonais travaillaient dans
le département, notamment 700 dans
le secteur de la fraise.
est même encouragé en bénéficiant d’exonérations. Ces contrats peuvent être non
renouvelés, ou rompus aisément par l’employeur, puisqu’ils ne fixent pas précisément de date de terme.
`
Des travailleurs qui cotisent
sans pour autant bénéficier
de droits sociaux
Quant au contrat OFII, il est toujours
en vigueur même si les politiques migratoires nationales sont officiellement
orientées vers la fermeture des frontières
et l’arrêt de l’immigration du travail. En
2013, 600 Marocains étaient employés
en Lot-et-Garonne par le biais de ce dispositif. La régularité et la durée du séjour
sont étroitement liées au contrat de travail, qui ne peut excéder six mois afin
que la résidence principale reste établie
hors de France. Cela empêche les travailleurs de bénéficier de nombre de
droits sociaux (allocations chômage,
CMU…), alors qu’ils versent des cotisations de la même manière que les autres
salariés. À la fin du contrat, ils doivent
retourner au Maroc et pointer au bureau
de l’OFII s’ils veulent espérer revenir
l’année suivante. Cette possibilité dépend
uniquement de la décision de l’employeur, ce qui constitue un moyen de
pression considérable durant la période
travaillée en France.
Dans ce cadre, les abus ne peuvent être
qu’encouragés, d’autant plus que les dénonciations sont peu nombreuses. Quelques
affaires ont porté des employeurs devant
les tribunaux : ils ont été notamment
condamnés à verser à leurs salariés polonais et marocains le paiement d’heures
supplémentaires dues. En 2013, un intermédiaire portugais a été jugé par le tribunal correctionnel d’Agen pour avoir logé
des compatriotes dans des conditions
indignes, et retenu une part disproportionnée sur leur salaire qui lui était directement versé par l’agriculteur. Mais plusieurs fois, des travailleurs se sont rétractés
avant ou durant une audience, au vu de
ce qui pouvait leur en coûter. De plus, le
peu de poursuites engagées et le faible
écho médiatique détournent l’esprit des
consommateurs – statut qui remplace celui
de citoyen quand l’attention et l’intérêt
des personnes portent en priorité sur le
« pouvoir d’achat ». Encouragés par la
publicité et les pratiques de la grande distribution qui prônent des prix toujours
plus bas, masquent l’origine des produits
et les conditions sociales de production,
ceux-ci se sentent peu concernés dès lors
que les conséquences des abus en agriculture dépassent le cadre de leur santé personnelle.
En dix ans, le Lot-et-Garonne a perdu le
quart de ses exploitations agricoles, et le
quart de l’emploi dans ce secteur. La survie de quelques-uns et leurs bénéfices
(« nous, on gagne bien notre vie, on n’a pas
de problème ») passent par la concentration et l’agrandissement des exploitations,
la recherche de compétitivité par les prix
pour s’imposer sur un marché européen
voire mondial, et l’écrasement des coûts
de production. Le travail – perçu comme
une charge et non comme créateur de
valeur ajoutée – doit constituer une
variable d’ajustement. Contrairement à la
population locale, les saisonniers étrangers
venus vendre leur force de travail en France
acceptent les conditions qui leur sont
offertes parce qu’ils sont convaincus qu’il
s’agit là d’une période temporaire (« le
passage obligé par les champs avant la belle
vie en France », selon un témoignage
recueilli par un représentant syndical).
Ce modèle base sa force sur une convergence d’intérêts illusoire, qui rend toute
mobilisation individuelle et collective
impossible – alors que les spécificités du
secteur agricole, le statut de saisonnier et
celui d’étranger, constituent déjà des obstacles de poids.
Les Polonais continueront donc à ramasser les fraises de Sainte-Livrade-sur-Lot,
les Marocains les pommes de Port-SainteMarie. Si les frontières n’entravent plus la
circulation des fruits et légumes ni celle de
la main-d’œuvre, des barrières empêchent
toujours l’accès au droit pour les travailleurs
migrants saisonniers. n
Mikele Dumaz, mission « Travailleurs migrants
saisonniers » en Aquitaine, volontaire pour
la Confédération paysanne pour le programme
« Échanges et partenariats » en 2015
emi-cfd.com/echanges-partenariats
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Initiative
Pays Basque « Beaucoup de paysans se sentent
comme à la maison, en confiance, à EHLG »
Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG) a dix ans. Un de ses fondateurs, Michel Berhocoirigoin, a été jusqu’en janvier
le premier président de cette « chambre » au service de l’agriculture paysanne et du Pays Basque qui accueille ce mois d’avril
le congrès de la Confédération paysanne (1).
EHLG a fêté ses dix ans en janvier. Si tu
devais retenir deux ou trois
événements, lesquels seraient-ils ?
La création d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, le 15 janvier 2005, reste un jour de rêve.
Un de ceux qui ne se réalisent que très rarement. Si l’on se replace dans le contexte de
l’époque, avec la forte pression qui nous
entourait, avec les menaces qui planaient
déjà, avec l’incroyable affluence de ce jourlà, sans aucun artifice, ELB (le syndicat basque
membre de la Confédération paysanne,
NDLR) a donné naissance à EHLG à l’occasion d’une assemblée pleine d’émotion!
Je garde aussi en mémoire le 29 janvier
2009, jour du procès à Bayonne (voir encadré). Cette journée avait eu un énorme
écho, une foule impressionnante s’était
réunie, et moi je sentais un poids énorme
sur moi : je n’avais pas le droit de faire le
moindre faux pas par égard aux milliers de
personnes qui nous soutenaient, qu’ils
soient paysans ou non ; j’étais sans filet,
seul, à côté de tant de gens… Mais vu l’issue, je n’en garde que les bons souvenirs !
Le troisième fait que je retiens donne du sens
et de la valeur aux deux premiers cités, c’est
le travail quotidien d’EHLG: de plus en plus
de paysans, qu’ils soient d’ELB ou pas, utilisent nos services ou viennent aux animations
que nous organisons. Il en est de même de
la part des communautés de communes ou
d’autres organismes et collectivités.
territoires. Il ne veut pas de changements
structurels issus d’initiatives locales. Au lieu
de nous faire front comme un âne, pourquoi l’État ne nous a-t-il pas laissé le droit
à l’expérimentation, la possibilité d’imaginer une nouvelle formule de chambre d’agriculture, qui serait aussi profitable à d’autres
territoires, qui apporterait un renouveau
salutaire aux chambres officielles, toujours
plus bureaucratiques et éloignées des paysans ? Malheureusement, il est atteint de
maladie incurable à ce niveau.
EHLG est devenue une structure
conséquente. Qu’a-t-elle apporté aux
paysans ?
Oui, c’est une structure conséquente avec
15 équivalents temps plein et 750000 euros
de budget (cf. CS n° 277). Elle a apporté
de la proximité dans le quotidien des paysans, géographiquement, mais aussi professionnellement. Beaucoup de paysans se
sentent comme à la maison à EHLG, en
confiance, compris… C’est très important ! Nous faisons progresser certaines
idées, comme le fait que le respect de l’environnement et l’activité économique se
marient bien. Je rappelle que le premier
chantier sur lequel nous avons travaillé, il
y a presque dix ans, était celui de Natura
2000, en montrant comment l’économique
et l’environnement pouvaient être alliés.
Nous avons été les premiers à casser un
Aujourd’hui, l’existence d’EHLG s’est
normalisée (une convention sera même
signée cette année avec la chambre
d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques).
Pourtant les procès et les luttes sont
encore dans nos mémoires. La mise en
place de n’importe quelle alternative en
Pays Basque doit-elle inévitablement
passer par une situation de conflit ?
La position de l’État est incompréhensible… Il est effrayé par toute initiative qui
modifierait un tant soit peu le cadre qu’il a
fixé! L’État ne veut pas laisser au Pays Basque
le moindre espace dans lequel nous pourrions mettre en place des compétences ou
une quelconque organisation, et il ne veut
pas non plus que le Pays Basque puisse être
un modèle ou servir d’exemple pour d’autres
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tabou, alors que les positions démagogiques tenues par la chambre de Pau et certains élus étaient très dures contre ces
mesures.
Depuis de l’eau a coulé sous les ponts. Les
premières aides liées à Natura 2000
octroyées en Pays Basque l’ont été dans les
secteurs que nous avons animés. Nous
menons également un important travail de
développement de l’agriculture paysanne,
en montrant des exemples, en dispensant
des formations, en menant des expériences.
Le bras de fer est dur entre les modèles agricoles industriels et paysans. Nous savons
qui pousse dans quel sens. Nous faisons partie de ceux qui poussent, aux côtés d’autres,
en faveur de l’agriculture paysanne et
durable, en expliquant que la rotation vaut
mieux que la monoculture, qu’il faut faire
attention au niveau d’investissement, en
montrant comment aller vers l’autonomie,
les systèmes à l’herbe, la production de
protéines, etc. Nous sommes aussi partie
prenante d’une dizaine de démarches de
qualité : la viande Herriko, le blé panifiable
Herriko (cf. CS n° 301), la cerise d’Itxassou, l’huile fermière (cf.p.19), etc. Tout
cela a des conséquences positives pour
l’agriculture du Pays Basque.
Que manque-t-il encore à EHLG ?
Nous couvrons la plupart des secteurs agricoles. Volontairement, nous
10 ans d’existence, dont 5 de combat pour cette existence
Longtemps, les spécificités du Pays Basque ne trouvent que peu d’écho au sein de la chambre
d’agriculture des Pyrénées Atlantiques, à Pau. Une chambre propre au Pays Basque apparaît
comme une évidence. En janvier 2005, le syndicat agricole ELB, membre de la Confédération
paysanne, décide de le créer, au format associatif.
Dès les semaines suivantes se mettra en place la contre-offensive de l’État français qui était,
jusque-là, resté sourd face à cette revendication. Blocage de subventions, menaces auprès des
élu-e-s, annulation de conventions… et enfin en 2008, dépôt de plainte du préfet contre EHLG.
En janvier 2009, le tribunal de Bayonne rejette la plainte préfectorale et relaxe l’association.
Cette décision sera renouvelée en appel, à Pau, le 18 février 2010. Pendant tout ce temps, le
soutien à EHLG ne cesse de s’élargir et dépasse largement le territoire du Pays Basque.
Aujourd’hui, EHLG poursuit son travail auprès des paysan-ne-s du Pays Basque Nord. Mais si
Laborantxa Ganbara est, sans nul doute, une structure efficace et nécessaire, on peut encore
regretter le blocage de la France qui refuse, encore aujourd’hui, d’accorder une chambre
d’agriculture officielle, alors même que sa nécessité a été maintes fois démontrée par les
nombreuses actions de l’association Euskal Herriko Laborantxa Ganbara.
Site officiel de EHLG : www.ehlgbai.org
Source : www.batera.info
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Initiative
Le 26 mars 2009, le tribunal de grande instance de Bayonne relaxe EHLG et son
président, Michel Berhocoirigoin, accusés par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, représentant de l’État français, « d’usage illicite de l’appellation chambre
d’agriculture » et de mener une activité « dans des conditions créant la confusion avec une fonction publique de chambre d’agriculture départementale ».
n’agissons pas directement dans le
champ de l’agriculture biologique ou
de la production fermière, les associations BLE et Idoki faisant un travail
efficace dans ces domaines, dans l’esprit de l’agriculture paysanne. Plutôt
que de doubler le service, il vaut mieux
travailler en partenariat. Nous devons
encore renforcer quelques secteurs au
vu des sollicitations que nous avons,
en élevage par exemple, mais nous ne
sommes pas loin de notre régime de
croisière ! Enfin, nous devons veiller
à toujours respecter l’esprit et les
objectifs de départ.
Comment vois-tu l’avenir
de l’agriculture basque ?
Le défi principal que nous avons est de
prouver qu’une agriculture avec des pay-
sans nombreux est possible aujourd’hui et
à long terme aussi. Si nous n’en sommes
pas capables, le résultat de toutes nos luttes
sera, au final, qu’il nous arrivera la même
chose qu’ailleurs mais avec un décalage de
20 ou 30 ans. Je pense qu’avec la force et
toutes les dynamiques de l’agriculture du
Pays Basque, au niveau syndical comme au
niveau économique ou du développement
agricole, nous pouvons préserver cette agriculture à laquelle nous aspirons pendant
encore longtemps. Je le répète, la clé est dans
le fait d’être nombreux : pour donner envie
de s’installer, pour conserver de la vie dans
tous nos coins de territoire, pour garder de
la solidarité, de la culture, du moral, pour
préserver notre environnement et nos beaux
paysages. Ce n’est pas gagné, mais je veux
croire que l’agriculture de demain est sur
ce chemin…
Après trente ans de syndicalisme (2)
et dix ans passés dans
le développement agricole, tu quittes
la présidence d’EHLG. Est-ce l’heure
de la retraite d’une vie militante riche
et sans doute éprouvante aussi ?
Une page se tourne, mais je ne pense pas
à la retraite. Je vais continuer d’être membre
du bureau d’EHLG encore un peu, après
on verra… En agriculture, toujours au service des mêmes objectifs, il y a de quoi faire,
même si c’est d’une autre façon… J’ai encore
des idées qui tournent dans la tête ! n
Propos recueillis par
Maritxu Lopepe, journaliste à Laborari,
hebdomadaire d’ELB, syndicat basque adhérent de
la Confédération paysanne
(1) Les 22 et 23 avril, à Garazi (Saint-Jean-Pied-de-Port).
(2) Michel Berhocoirigoin a été secrétaire général de la
Confédération paysanne dans les années 1990.
Une coprésidence en relais
Michel Berhocoirigoin (à droite) passe la main à Francis Poineau et Beñat Molimos
Le 20 février, deux coprésidents ont été choisis à la tête d’EHLG,
pour « alléger le travail » : « Nous touchons à beaucoup de
domaines et le temps est essentiel pour assurer les charges », rappellent les membres du bureau de l’association qui emploie
quinze salariés à ce jour.
Ce sont donc Francis Poineau et Beñat Milimos qui succèdent
à Michel Berhocoirigoin. Le premier, ancien secrétaire national
de la Confédération paysanne, est berger-fromager à Moncayole
et Larrau, membre du bureau et trésorier depuis 2005. Le second
est paysan à Bunus, membre du bureau depuis 2007.
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Agriculture paysanne
Pays Basque Les pigeons de Kanderatzea
Natxo Angulo est installé à la ferme Kanderatzea, près de Tardets, où il élève des pigeons dans de grandes volières.
Les pigeonneaux sont vendus dans des restaurants et directement aux consommateurs.
Peux-tu présenter ta ferme et nous
14 pigeonneaux par an ; en dessous de 11, commencé par le bouche à oreille. On a vite
raconter le début de ton activité ?
il vaut mieux changer de couple. On va trouvé des restaurateurs dans une démarche
Depuis trois ans, avec l’aide de ma com- commencer à sélectionner les meilleurs et d’approvisionnement local. Depuis bientôt
pagne, j’élève 160 couples de pigeons dans chercher à faire des échanges avec d’autres deux ans, nous faisons les marchés de Mauun bâtiment coupé en huit volières spa- éleveurs afin notamment d’éviter la consan- léon et d’Oloron, tous les 15 jours. Les
cieuses, de 10 m3 pour 20 couples. Les guinité.
clients viennent aussi directement à la
pigeons profitent de la lumière et de la Les pigeons demandent des soins
ferme.
température naturelles. Avant, nous étions particuliers ?
Avec sa viande tendre et fine, le pigeondéjà locataires de Kanderatzea, mais nous
Il faut s’en occuper tous les jours. Nous neau est un produit festif. Nous vendons
n’étions pas agriculteurs, nous nous occu- leur laissons à manger à volonté, une nour- le pigeonneau de 450-500 grammes à
pions juste de l’entretien du parc.
riture composée à 85 % de maïs garanti non 6,50 euros, à partir de 500 grammes à
Suite à un licenciement économique, OGM, 10 % de protéiniques (tourteau de 7 euros.
j’avais envie de changer de métier. Je soja ou luzerne) et de sels minéraux. Pour
connaissais le monde paysan
Vivez-vous à deux de cette
grâce à des amis agriculteurs et
activité ?
Idoki, en tant que consommaNon. Maitena travaille à l’exteur (1). Les méthodes d’élevage
térieur. Je ne suis encore que
des producteurs fermiers Idoki,
cotisant solidaire. Pour être
sur des fermes à taille humaine
reconnu chef d’exploitation, il
et dans le respect du bien-être
faudrait avoir 1 200 couples,
des animaux et de l’environ600 couples pour une deminement, me correspondaient.
SMI (3). On nous pousse à être
Un jour, en observant mes
des industriels. Il manque une
pigeons offerts par un pépé qui
reconnaissance des petits pron’arrivait plus à s’en occuper,
ducteurs. Niveau qualité et
j’ai eu l’idée de demander à
environnement, il vaut pourIdoki s’il existait des éleveurs
tant mieux plus de petits prode pigeonneaux parmi leurs
ducteurs qu’un gros. Aujourproducteurs. Je me suis alors
d’hui, mon salaire correspond
mis en relation avec l’unique
à un demi-Smic. On aimerait
éleveuse du réseau, Claudette
arriver à 300 couples d’ici
Damestoy. Elle m’a motivé pour
quelques années afin de dégame lancer et me fait encore parger un salaire correct, tout en
tager ses 30 années d’expérestant à taille humaine. Nous
rience. Idoki et l’Afog (2) m’ont Natxo Angulo : « On nous pousse à être des industriels. Il manque une reconnaissance allons développer l’élevage proégalement apporté des outils, des petits producteurs. »
gressivement, en fonction de
des formations. Sans leur aide,
la demande et du contexte écoje n’aurais pas été capable de me lancer. 20 couples, il faut 25 kg de maïs par nomique. En 2014, les ventes ont augsemaine. Nous sommes à la recherche de menté, nous nous sommes retrouvés en
Quelles sont les caractéristiques
2 ou 2,5 hectares de terres pour produire rupture en fin d’année.
de l’élevage ?
nos céréales, actuellement nous nous fourD’autres pourraient se lancer, dans la
Claudette m’a donné 20 couples pour nissons localement.
même démarche. Claudette a pris sa retraite
essayer. Au bout de deux mois, je suis passé
Il faut être rigoureux sur l’hygiène pour j’étais un temps le seul producteur de
à 160. Les couples se font pour toute leur éviter des maladies telles la salmonellose. pigeons au Pays Basque. Depuis, une autre
vie. Chacun a deux nids. La femelle pond Dès que l’on sort les petits, il faut changer éleveuse a aussi choisi cet élevage. À pluun ou deux œufs qui éclosent 18 jours les nids. Les adultes refont eux-mêmes leur sieurs, on peut s’aider, se conseiller. Je suis
plus tard. Au bout de 8 à 10 jours, elle va nid avec de la paille fraîche mélangée à prêt à partager mon expérience avec quelpondre dans un second nid. Les deux leur fiente. À travers des caillebotis, les qu’un qui voudrait se lancer, tout comme
parents se relaient pour couver les œufs et autres fientes tombent sur des bâches, net- Claudette l’a fait avec moi. n
nourrir les petits avec le lait de leur jabot. toyées chaque semaine.
Source : Maritxu Lopepe, dans Laborari (n° 1096),
Ils les nourrissent ainsi jusqu’à 20 -25 jours.
hebdomadaire d’ELB, syndicat basque adhérent
On tue les pigeonneaux à l’âge de Comment sont vendus les pigeons ?
de la Confédération paysanne
25-30 jours. On garde les couples environ
Dans notre salle d’abattage, nous tuons
(1) Association de producteurs fermiers du Pays Basque.
trois ou quatre ans, au-delà ils sont moins chaque année 2300-2400 pigeonneaux (2) Association de formation collective à la gestion.
productifs. Un couple produit environ pour les vendre prêts à cuire. La vente a (3) Surface minimum d’installation.
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Agriculture paysanne
Pays Basque Le tourteau et l’huile de Nouste Ekilili
Jean-Jacques Prebendé cultive du tournesol depuis sept ans après avoir abandonné le maïs semence. Le tourteau produit
nourrit ses vaches et une partie de l’huile fait carburer son tracteur. En 2014, lui et ses collègues de la coopérative Nouste
Ekilili ont lancé l’huile fermière alimentaire.
Peux-tu nous présenter
ta ferme ?
Elle se situe à Gabat, près de SaintPalais. Je dispose de 42 hectares
dont 11,5 ha de maïs et 4 ha de
tournesol. Le reste est constitué de
prairies. J’élève des vaches allaitantes : 47 mères et 30 génisses. Je
commercialise un tiers en vente
directe, qu’il s’agisse de veaux (au
total une quinzaine par an) ou de
vaches (huit par an). J’engraisse
toutes les vaches, que je les vende
en colis ou au négociant.
réalisé une étude de marché, en faisant le tour des collèges, des restaurants, des maisons de retraite…
En octobre, nous sommes passés
dans trois ou quatre collèges. Tout
le monde s’accorde à dire que notre
huile est très bonne, qu’elle a du
goût, car l’huile du commerce est
désodorisée chimiquement. Nous
avons signé le premier contrat avec
le lycée de Navarre (Saint-JeanPied-de-Port) qui nous prend 350
litres. Nous faisons aussi le tour de
certains magasins pour la vente aux
particuliers (2).
Comment t’es-tu mis à cultiver
du tournesol ?
Jusqu’en 2007, je produisais du
maïs semence. Cette année-là, nous
avions mené une lutte contre la
coopérative à cause du prix. J’avais
alors abandonné le maïs semence,
l’irrigation aussi. Des essais de colza
et de tournesol venaient de démarrer avec EHLG (1). La possibilité de
produire du tourteau pour les
vaches m’a incité à me lancer.
Que t’a apporté cette culture ?
J’ai du tourteau à la maison, même
si je dois encore en acheter un peu
car j’engraisse 12 à 15 vaches par
an. L’avantage du tourteau fermier
est qu’en plus, on sait comment il
est produit. Ceux qui vendent du
tourteau fermier le vendent à 300
euros la tonne, plus ou moins le prix
Jean-Jacques Prebendé : « Tout le monde s’accorde à dire que notre huile est du marché actuellement Les terres
très bonne, qu’elle a du goût, car l’huile du commerce est désodorisée chisont en meilleur état, je fais davanmiquement. »
tage de rotations. Je fertilise moins,
Est-ce une culture difficile à réussir ?
La récolte de tournesol génère pour deux le fumier et le lisier de la ferme me suffiPas plus que les autres. On fertilise moins tiers de tourteau et de l’huile pour un tiers. sent. Je fais moins de traitements. Le traque le maïs, le tournesol n’a pas besoin d’être Nous utilisons l’huile pour nos tracteurs, vail a beaucoup diminué en comparaison
irrigué, il entre dans une rotation. Il faut à 30 % de mélange avec le gasoil, dans au maïs semence, en particulier l’été.
garder le grain propre car nous ne pressons n’importe quel type de moteur.
Je conseille aux paysans de s’intéresser à
pas tout en même temps, puis surveiller le
Comme il y a beaucoup d’huile, nous cette culture, même si au début les voisins
pressage. Il y a bien moins de travail qu’en avons cherché des débouchés. Un contrat nous ont pris pour des fous. Ils avaient
maïs semence où il faut passer de nom- a été signé pour que les camions de ramas- entendu parler de la production de tourbreuses fois dans la parcelle.
sage du syndicat local de traitement des teau, mais pas de l’utilisation de l’huile
déchets ménagers utilisent notre huile, dans le tracteur. Aujourd’hui, ils voient
mélangée au gasoil. Deux bateaux de pêche que ça marche, qu’on peut vivre sans proLe tourteau est-il facile à utiliser ?
Une fois pressé, le produit est prêt à être de Ciboure utilisent aussi notre huile végé- duire de maïs semence. Jusqu’ici le cours
consommé par les vaches. Celles-ci le man- tale pure comme carburant, dans le cadre du maïs était haut. Il a baissé. La Pac oblige
gent aussi facilement que du tourteau d’un projet européen destiné à réduire l’em- aussi désormais à avoir au moins trois culacheté. Les éleveurs ovins ont remarqué que preinte carbone grâce à un approvision- tures. Peu à peu, les paysans viendront au
les brebis aiment beaucoup le tourteau fer- nement en filière courte. Nous avons aussi, colza et au tournesol. Certains nous demanmier (il a 28 % d’azote). Un copain béar- depuis le début, la volonté de produire de dent déjà comment il faut faire… n
nais cultive 12 hectares de tournesol et l’huile alimentaire fermière. C’est assez
Source : Maritxu Lopepe, dans Laborari (n° 1088),
vend toute la production de tourteaux aux compliqué car il faut beaucoup d’analyses,
hebdomadaire d’ELB, syndicat basque adhérent
les normes sont strictes, il a fallu réunir
éleveurs ovins du Pays Basque.
de la Confédération paysanne
beaucoup d’infos avant de commencer.
Nous avons mis en bouteilles d’un litre (1) Chambre d’agriculture alternative du Pays Basque,
Travailler en groupe, c’est justement
et en bidons de 5 litres notre première cf. p.16.
une de vos particularités…
Huile de tournesol vendue 4 euros par litre, l’huile de
Oui. Nous avons créé la coopérative récolte en 2014, en huiles de colza et de (2)
colza à 4,50 euros par litre. Pour les collectivités, le condiNouste Ekilili en 2009, nous sommes une tournesol. La coopérative a acheté la tionnement se fait par 5 litres : 2,50 euros par litre pour
vingtaine de paysans basques et du Béarn. machine qu’il faut pour cela. Nous avions l’huile de tournesol, 3 euros par litre pour le colza.
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Terrain
Limousin Le collectif 1 000 voix-Novissen Creuse
en lutte contre les usines à viande
En décembre 2014, un collectif citoyen
s’est constitué contre un projet
de centre d’engraissement
de 1 000 taurillons sur le plateau
de Millevaches, porté avec la société
Jean Rozé, filiale d’Intermarché.
L
ors du passage de la caravane des
convergences des luttes vers NotreDame-des-Landes, le 29 juin 2014 à
Peyrelevade, la Confédération paysanne
du Limousin alerte la population locale du
projet de construction d’un atelier d’engraissement de 1 000 veaux, à Saint-Martial-le-Vieux, sur le territoire du Parc naturel régional de Millevaches (PNR). Un
collectif citoyen démarre alors sa gestation.
Dans les années soixante-dix, les agriculteurs du plateau de Millevaches se spécialisent dans l’élevage des « broutards », jeunes
veaux de 7 ou 8 mois élevés sous la mère à
l’herbe des prairies. Ces veaux sont destinés
à être exportés en Italie. Ils y seront engraissés avec les céréales de la plaine du Pô, et
produiront des taurillons à la viande rosée,
viande qui n’est pas consommée en France.
L’élevage ovin diminue alors fortement, au
profit de ces broutards dont l’élevage de plus
en plus important, sur des fermes de plus
en plus grandes, transforme le paysage du
plateau en immenses prairies (nombreuses
bruyères ont été défrichées et sont rarissimes) pour faire uniquement du foin (alimentation 6/7 mois de l’année) ; les céréales
locales – seigle, avoine, blé noir qui nourrissaient les petits élevages – sont aban-
données. Mais l’exportation de ces veaux
vers l’Italie est en baisse, de façon inquiétante pour les éleveurs.
Sur le camp militaire en reconversion de
La Courtine, des éleveurs s’orientent vers
un centre d’engraissement de veaux issus
du territoire. Fin 2010, ils constituent une
société à actions simplifiées, la SAS Alliance
Millevaches, et s’associent avec un industriel de la grande distribution, SAS Jean
Rozé, qui s’engage à acheter les veaux. Le
projet, très gourmand en soutiens financiers
publics, inclut la production d’énergie, avec
panneaux photovoltaïques et méthaniseur.
Promouvoir
l’agriculture paysanne
En décembre 2014, le collectif d’opposants
au projet se constitue, avec comme objectif de promouvoir une agriculture paysanne, autonome, diversifiée et indépendante des lobbies agro-industriels, favorisant
la relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation.
Il se réfère à l’association Novissen (comme
« Nos villages se soucient de leur environnement ») qui lutte dans la Somme contre
l’usine des mille vaches. Le Collectif 1 000
Voix s’inscrit dans la fédération des luttes
contre l’implantation de fermes-usines et
autres grands projets inutiles qui conduisent
à la désertification des territoires ruraux (1).
Il exprime ses positions et arguments :
« Les industriels volent l’agriculture aux
paysans ! La description catastrophique du
contexte économique brossée par la SAS
renforce notre inquiétude quant au fiasco
financier qui s’annonce pour les éleveurs
de broutards. Les Italiens ont de grosses difficultés financières dues à l’augmentation
des coûts de production, et la concurrence
des élevages industriels des pays de l’Est et
du Brésil est redoutable, due à une maind’œuvre peu rémunérée, et des céréales produites sur place. L’incertitude des aides de
la Pac à l’engraissement et les futurs accords
Tafta accompagnent les éleveurs dans une
impasse. L’industrialisation de l’élevage pourrait conduire les éleveurs de broutards vers
les mêmes marchés saturés de par l’influence
de la grande distribution qui s’approvisionne
auprès des marchés les plus bas. »
Le plateau de Millevaches a une tradition de
résistance. De plus en plus de gens décident
de s’installer ici et veulent relever « le défi d’inventer ici une autre vie ». Le collectif veut
reprendre le slogan du Parc naturel régional
(PNR) (2) en proposant des alternatives à cette
industrialisation, afin de préserver la marque
PNR qui devrait garantir la qualité exceptionnelle du territoire et de ses produits.
La thématique sera discutée aux journées
d’été des Amis de la Confédération paysanne
(cf. encadré) et à la grande Fête de la montagne limousine (septembre 2015), initiée
par les habitants de Tarnac. n
#
« 1 000 voix – Novissen Creuse »
[email protected]
(1) avec le soutien d’EELV Limousin, MRJC Limousin,
Sources et rivières du Limousin, PCF 23, Attac 23/87,
AGRObio 19 et les Confédérations paysannes locales.
(2) « Une autre vie s’invente ici ».
#
Cet été dans le Limousin, les combats paysans se retrouveront dans les assiettes
des « Amis de la Conf’ ».
Notez la date : nous y reviendrons. Du 16 au
19 juillet, les journées d’été de l’association des
AmiEs de la Confédération paysanne se tiendront
sur le plateau des Millevaches, à Peyrelevade.
Au menu : les alternatives à l’industrialisation
de l’agriculture, un enjeu territorial, syndical et
citoyen au service du bien commun.
Sur le plateau, on débat et on réinvente la
démocratie pour vitaliser nos campagnes. Les
AmiEs y contribueront à l’heure de la spécialisation, de l’intensification et la financiarisation de l’agriculture par son « bras armé » : le
business agroalimentaire.
William Élie, Ami de la Confédération paysanne,
[email protected]
Journées d’été 2013 des AmiEs de la Confédération paysanne, à l’écocamping du Cun, sur le Larzac. D’un
plateau l’autre : les journées d’été 2015 se tiendront sur celui de Millevaches, du 16 au 19 juillet.
20 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
A
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Culture
Un barrage contre la démocratie
A
près la mort tragique de Rémi
Fraisse, les médias nationaux ont largement relayé le conflit autour du
projet de barrage de Sivens, faisant entendre
les points de vue à la fois des opposants et
des partisans du projet. Le livre de Ben
Lefetey apporte des clarifications bienvenues pour comprendre le « dossier » Sivens,
du point de vue de l’un des fers de lance
du Collectif Testet.
Ce qu’on découvre, c’est un processus de
prise de décision publique entaché de
conflits d’intérêts multiples, de collusions
entre élus et milieux d’affaire, de passages
en force, de déni de transparence sur les
documents administratifs et de refus de
considérer les avis des commissions chargées de la protection de la nature et de
l’eau. Le rôle de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, notamment, paraît bien ambigu, qui à la fois étudie la nécessité d’un barrage et devient
quelques années plus tard le maître d’œuvre
d’un chantier lucratif…
#
L’auteur montre comment, tous les recours
juridiques ayant été tentés en vain pour
empêcher le démarrage des travaux, et face
à un sentiment immense de déni de justice, les opposants au projet ont décidé de
poursuivre la lutte en occupant la zone
promise à la destruction, créant ainsi une
nouvelle « zone à défendre ».
La question du modèle agricole est au
cœur du conflit de Sivens : débat sur la
répartition des aides publiques, sur les
modes de production, ainsi que sur la destination de la production. À côté des
quelques producteurs de maïs-semence
irrigué destiné à l’export qui profiteraient
du barrage, combien de paysans et de paysannes privés de soutien ? On ne s’étonnera
donc pas de trouver autour de ce conflit
une opposition frontale entre la Fnsea et
la Confédération paysanne !
Plus largement, l’étude du « cas » Sivens
appelle à une réflexion approfondie et propose des pistes de solutions intéressantes
sur la prise de décisions publiques autour
des projets
d’infrastructures
et les procédures de
concertation. Un
chemin
nécessaire
pour que
le scandale des
grands
projets
inutiles et imposés cesse. n
Morgan Ody, paysanne dans le Morbihan
Sivens, un barrage contre la démocratie, par
Ben Lefetey, préface de José Bové, éditions
Les Petits matins, 160 pages, 9,00 euros,
parution : 12 mars 2015
NB : Ben Lefetey est porte-parole du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet
www.collectif-testet.org
S’abonner à Campagnes solidaires,
c’est participer à l’émergence d’« autres mondes possibles »
Ou avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèque
à l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET
N° 305
Campagnes solidaires
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6 numéros : 22 €
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Annonces
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l’emploi, les recherches et propositions d’installation, et toute
autre demande à but non lucratif.
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(30 caractères par ligne).
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Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET
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partir de début septembre pour la
cueillette des châtaignes - Si possible sachant manier la débroussailleuse et la tronçonneuse - Durée
à déterminer (six mois max) 06 11 09 93 43
• Aveyron: Nous cherchons salarié
plein temps (durée 4 mois à partir du
15 avril) au sein d’une production
fermière (faible mécanisation) de
petits fruits et vaches allaitantes.
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et autonomie - 0674669413 - pascal. [email protected]
Demandes
• Sud - Exp. + de 20 ans en milieu
rural, agriculture en maraîchage
bio et activité équestre, je recherche
un emploi polyvalent : gîte, table
d’hôtes, camping à la ferme, relais
équestre, accueil tourisme en milieu
rural… - Étudie ttes propositions Régions : Midi-Pyrénées, Lozère,
Héraut - 06 73 04 86 10
• Toutes régions - Je suis à la
recherche d’un emploi saisonnier
en maraîchage à partir d’avril Exp., bonne humeur et motivé, je
peux me déplacer partout en
France à condition d’être logé ou
de pouvoir planter ma tente [email protected]
• Montagne - JH ch. poste de saisonnier pour cet été - Exp. travail
avec brebis, actuellement formation en chèvrerie en Belgique - Idéalement, poste en haute-montagne
où combiner la garde d’un petit
troupeau (chèvres, brebis ou mixte)
et pourquoi pas une activité de
vente et/ou service (chèvrerierefuge) - Suis accompagné d’un
chien de travail - Prêt à me déplacer partout en France [email protected]
+32479693471
• Toutes régions - Ch. emploi saisonnier pour une durée quelconque
(cueillette, plantation…) avec possibilité de logement sur place - Dispo
dès avril - Exp. dans ce type de travaux - [email protected]
• Toutes régions - Avec exp. travaux saisonniers en maraîchage et
récoltes en AB, ch. emploi dès maintenant et pour toute la “saison”
2015 - Autonomie pour logement [email protected] - 0685871699
• Sud - Ch. à travailler ou reprendre
une exploitation avicole de préférence - 67 ans, seul, en pleine forme,
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sur Cannes - 06 15 47 05 62
Association - installation
transmission
Offre
• Lot-et-Garonne (Nord) - Couple
retraité cède (vente ou locationvente) fermette 4 ha en bio depuis
1976 - Vocation cultures maraîchères,
petit élevage - Irrigation, bâtiments
opérationnels, maison confort avec
cinq chambres - 0618995638.
• Doubs - Ch. partenaires pour une
exploitation collective maraîchage
et élevage ovin en bio - Traction
asine, petits fruits, vergers, poules,
chèvres - Projet militant, écolo, pour
personnes expérimentées qui ont
envie d’aller au champ (1 km) en vélo
- 2,5 ha labourables, tunnels froids
+ pâtures, vergers et bois - Habitat
collectif sur place - 0381841250 [email protected]
• Ardèche - Cause retraite, loue expl.
Agri., 15 ha, alt. 800 m, en AB Actuellement petits fruits rouges,
châtaignes, divers - Dispos: lac collinaire, pompe et réseau pour 2,5 ha,
bâtiment agri. 250 m², train de ferme,
logement 55 m² - Conditions: tutorat et (ou) pré-installation souhaités,
culture en AB sur toutes les surfaces,
libre juillet 2016 - 0626451948 [email protected]
• Provence - Reprise de ferme en
maraîchage - 9 ha, environnement
préservé - près de Sisteron - Vente
directe - Terrains en location - Possible à plusieurs - 0492651839 (HR)
• Bourgogne, limite Centre - Agriculteur offre gratuitement corps de
ferme, avec 2 ha et un logement,
pour élevage ou maraîchage - Étudie toute proposition - 0632076973
- 0386454381
• Vendée - Ferme à transmettre , à
20 minutes de Nantes - Cession prévue en 2016 - Lait 365000 l., en
syst. herbager, 55 ha en 2 lots - Irrigation poss. - Agrandissement ou
exploitation d’un seul lot poss. Autres productions poss. (V. A, cultures, etc.) - Parrainage envisageable
- 0251419742
• Loire - Ch. associé y compris
couple, cause départ à la retraite Entre Lyon et St Étienne, la ferme est
un gaec à 3 associés, 50 ha en agri.
paysanne (chèvres, porcs, pondeuses,
volailles et miel), transfo. et vente
directe à la ferme, marchés, magasin collectifs et amap. 0477202311
- 06 99 51 36 31 - 06 58 71 32 05 [email protected]
• Allier - Ch. associé - Ferme bio
polyculture (50 ha culture) élevage
bovins laitiers (55 VL, 350 000 l.),
sans transfo. actuellement, deux
associés en gaec - 150 ha principalement groupés autour des bâtiments - Pour une reprise progres-
sive, avec un statut salarié pendant
la période de transition - Départ à
la retraite d’un associé prévu dans
5 ans - 06 67 44 82 22
• Aude - A transmettre petite propriété zone montagne, 4 ha, à personnes soucieuses de préserver les
ressources naturelles et étrangères
à spéculation foncière - Terres sur le
relief (2 ha 5 prés, 1 ha bois-landes)
+ habitation (115 m2 et garage
43 m2). - Peut intéresser projet agrotourisme/petit élevage/productions
céréales et transformation/horticulture/aménagement paysager/plaine
de jeux de plein air-espaces récréatifs… ou activités complémentaires
du voisinage qui sont : viticulture
bio, apiculture, viande bio, hébergement tourisme, maraîchage bio,
tourisme équestre, fourrage bio [email protected]
• Alpes-Maritimes - URGENT :
Reprise ferme bio ovin bovin lait,
transfo. from., poules pondeuses 1200 m alt., 80 brebis lait, 2 vaches,
400 poules - Vente circuit local Grande maison (288 m2), un bâtiment
annexe avec deux grandes pièces
(71 m2), une fromagerie (68 m2), une
bergerie neuve de 350 m2, salle de
traite et un grenier, 2 poulaillers,
52 ha de parcours primés dont 9 ha
en propriété + petite estive - Accès
par piste de 1,2 km - Ferme jusqu’alors occupée par un collectif de
4 à 7 personnes. -Endroit magnifique
et vallée dynamique - Aujourd’hui en
bail rural, foncier à la vente [email protected]
0493047065
• Côtes-d’Armor -Cédons ancien
corps de ferme en partie écorénové,
pouvant servir à projets vie collective, avec de la vente directe - Beaucoup de possibilités, réseau local
dynamique - Maison d’habitation
170 m2 (3 ch), plusieurs dépendances, dont studio aménagé indépendant, un hangar 80 m², box stabulation pour chevaux et rond de
longe, un labo de transf. 25 m2, et
un four à bois - 1 ha de terre, arbres
fruitiers, ruisseau, fontaine + champ
de 0,8 ha à 100 m de la maison Possibilité rajouter 10 ha à la vente,
certifié bio - Calme, à 5 minutes
d’une ville avec tous les services Prévoir qq travaux finitions [email protected]
• Lot-et-Garonne - A vendre petit
terrain en bio, en PPAM, coteau
sud - 8 000 m2 cultivés en plantes
pérennes - Poss. louer terres à la SCI,
en tout 4,5 ha dont 0,5 ha en bois
- Pas d’irrigation, mais poss. créer
petit lac - 17 000 €(tracteur vendu
avec) - [email protected]
• Creuse (Bas-Berry) - Ferme d’élevage à reprendre: 73 ha dont 40 %
de prairies naturelles avec bon parcellaire - Vastes bâtiments d’exploitation: 2 hangars à fourrage, 3 stabus libres + bâtiments traditionnels
en bon état - Maison d’habitation
100 m2 avec chauffage central bois,
grenier et potager - Pas de matériel
ni troupeau à reprendre, donc toute
liberté pour bâtir des projets - Le
propriétaire est un GFA familial - Les
sept sociétaires souhaitent vendre
370 K€- Projet agri. paysanne autonome exigé, si besoin avec plusieurs
porteurs, montage à discuter - Environnement préservé, développement
local à bâtir - 06 69 03 61 90 [email protected]
• Vaucluse - La Commune de Gargas, propriétaire d’une propriété agricole (17 ha d’un seul tenant) y crée
une ou deux expl. et réhabilite le
corps de ferme pour le logement des
agriculteurs et des logements sociaux
- Objectifs: activité agricole respectueuse de l’environnement, créer ou
maintenir les habitats « naturels »
participant au développement des
espèces animales et végétales présentes sur le site ou amenées à s’y
installer, réhabiliter les volumes habitables pour y accueillir une population permanente - Possibilité d’une
installation d’ici octobre 2015 avril 2016, avec terres + bâtiment
d’exploitation + logement - Place
pour 2 installations ou un projet collectif - Pas d’élevage - Candidatures
avant le 31/4 - Contact :
Mylène Maurel, 04 90 04 42 01 [email protected]
• Vosges - Petite ferme dans belle
vallée ch. un associé avec connaissances en élevage et/ou de maraîchage - Projet: activité maraîchère,
support pour de l’accueil sur la ferme,
principalement « social » - Qualité,
respect de la terre et de ceux qui l’habitent, partage des connaissances et
des savoir - faire - Début d’ici peu Si intéressés: [email protected]
• Vendée - Ch. candidat(e) à l’installation pour 2017, en prévision de
la fusion de deux exploitations (en
élevage et céréales bio): - une 140 ha
lait et céréales, 2.5 uth (2 associés
de 36 et 42 ans et un salarié à mitemps) - une 48 ha céréales, bœufs
et accueil à la ferme (2 uth, un départ
à la retraite en 2017 à remplacer) -
20 ans de luttes paysannes en Vendée
Malbouffe, pollution des sols et des nappes phréatiques, fermes
géantes, gaspillage de l’eau, OGM… L’agriculture intensive, productiviste, est au cœur de bien des polémiques actuelles. Dès les années
1970, des jeunes agriculteurs qui se concevaient d’abord comme des
travailleurs de la terre, ont lutté contre ces orientations d’industrialisation de l’agriculture et ont montré qu’une autre agriculture était
possible.
Pour faire entendre leur voix, ils ont rompu avec le syndicalisme corporatif et conservateur de la Fnsea et contribué à fonder l’actuelle
Confédération paysanne.
C’est le combat inlassable de quelques équipes militantes vendéennes
que retrace l’ouvrage de l’historien Jean-Marc Herreng « 20 ans de
luttes paysannes en Vendée ».
Afin que le livre puisse être édité, le Centre d’Histoire du Travail lance
une souscription-préachat: adressez votre chèque de 22 euros au Centre
d’Histoire du Travail avant le 20 avril en mentionnant « souscription
livre » au dos du chèque : 2 bis boulevard Léon-Bureau – 44200
Nantes – 02 40 08 22 04 – [email protected]
22 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015
Candidat(e) avec CPI (contrat pré-installation) d’un an - Niveau bac +2,
sensibilité à l’agriculture durable et
bio - [email protected] 0688440890
• Finistère - Ferme 23 ha brebis laitière tout herbe ch. associé pour
accroître le troupeau ou créer cheptel bovin - Atelier transfo. laitière
aux normes CE, vaches et brebis,
vente en circuit court - Stage de parrainage possible, égalité de capital
souhaité, partage du travail 06 75 96 31 20
[email protected]
• Bouches-du-Rhône - Apiculteur
depuis 10 a suite à conversion, j’envisage transmission à terme - Ma
petite exploitation arrive à une taille
honorable et ne demande qu’a se
développer - voir www.labeillevie.fr
- Souhait : faciliter l’installation
d’un(e) jeune apiculteur (trice) porteur de projet - Zone périurbaine
Aubagne-Marseille, bon réseau de
vente, divers et varié - Équipement
modeste mais très correct et beaux
emplacements pour une grosse centaine de ruches - Propose collaboration dès maintenant, allant jusqu’à une cession vers un terme et
une forme à négocier - [email protected] - 0689740944
• Haute-Marne (Sud) - Expl. polyculture-élevage à transmettre pour pratique agri. paysanne - Expl. herbagère 50 vaches allaitantes/céréales Système relativement autonome - Ch.
candidats pour éventuelle conversion
en AB ou pour développer atelier de
transf. - Transmission entre 70 et 94ha
de terres selon projet - Environnement paysan favorable: importante
Cuma et groupement de producteurs
en vente directe - 0686758965 [email protected]
Demandes
• Franche-Comté - Deux futurs paysans ch. ferme à transmettre, à louer
ou à vendre, pour projet culture et
transfo. de céréales (bière paysanne,
pain au levain) - 30 ha de Scop
nécessaires - Ch. également en Sud
52 et Est 21 - Étudions toutes propositions - [email protected] 06 52 85 82 95
• Aude - Couple apiculteurs en cours
d’installation (BPREA api) ch. maison d’habitation et lieu activité apicole (hangar, grange, dépendances)
- Étudions toute proposition - Prod.
miel, transfo., vente directe, au plus
proche de l’agri. Paysanne 04 68 31 74 36 - 06 42 13 16 71 [email protected]
• Drôme - Jeune couple exp. ch.
foncier pour s’installer en brebis
lait bio avec vente directe - Dans
le Crestois, Diois et dans les Baronnies, environ 30/50 ha de prés parcours terres pour y mettre à terme
80-100 brebis - La présence de bâtiments serait un plus - Envisageons
achat ou location - Éligible DJA 06 52 86 08 12 - 06 62 95 41 01 66 [email protected]
• Toutes régions - Jeune couple
formé (BTSA horti et BPREA maraîchage) et exp. ch. maison avec mini
1 ha de terrain irrigable, en location
ou vente à terme - Pour installation
individuelle en maraîchage, PPAM
et petit élevage, en agroécologie,
développer vente directe et liens sur
territoire - Étudie toute proposition
04 75 08 11 10
[email protected]
Animaux - Matériel
• Drôme - Vends beau mulet, 5 ans
- 04 75 27 73 38
Vacances
• Charente-Maritime - A louer, île
d’Oléron, maison (4 pers.) - Dans
village typique côte ouest, entre
plages et vignes: pêche à pied, produits locaux, commerces de proximité… Accueil personnalisé pour
les confédérés et Amis de la Conf’07 86 48 04 12
• Alpes-de-Haute-Provence - A louer
2 gîtes Accueil Paysan, un de 8 pers.,
un de 2/3 pers., dans fermes avec
vaches et brebis allaitantes - Découverte de la ferme et de la Haute-Provence - www.montragnedelure.com
- 0627859600
Divers
• Toutes régions - Paysan, retraité
fin 2014, dispo pour aide bénévole
chez éleveuse - Région et situation
indifférentes - 03 86 45 43 81 06 32 07 69 73
Des clics !
En prévision du Colloque sur l’agriculture de
montagne: «Installer et maintenir des paysans
en montagne, enjeux et perspectives» que la
Confédération paysanne de l’Ariège organise
les 5 et 6 novembre 2015, les paysans ariègeois organisent un concours photos.
Envoyez- nous vos plus belles photos d’agriculture de montagne de France et d’ailleurs,
nous les réunirons en une exposition mobile
de médiathèque en médiathèque à travers
le département. Les auteurs de nos trois
photos préférées seront invités au colloque
(transport, hébergement, repas).
La médiathèque partenaire «Des Vallées
d’Ax» propose à l’occasion de l’expo photos de mettre à disposition de ses lecteurs
des ouvrages traitant de l’agriculture de
montagne. Nous sommes à la recherche de
titres que vous conseilleriez et que la médiathèque achètera.
Merci pour votre participation, envoyez vos
photos à [email protected] avant le 31 juillet.
Plus de renseignements au 05 61 02 14 31
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www.enviedepaysans.fr
Pas de bonne bouffe sans paysans !
LE CRÉDIT MUTUEL,
PARTENAIRE DES
AGRICULTEURS
Fidèle à ses valeurs de solidarité et de proximité,
le Crédit Mutuel place ses clients au coeur de ses
préoccupations et de ses actions. Financements
souples, avances de trésorerie, gestion d’épargne,
assurance : le Crédit Mutuel s’engage à vos côtés.
CNCM – 88/90 rue Cardinet – 75017 Paris.
* Crédit Mutuel : banque de l’année 2014 en France selon le magazine international “the Banker” décembre 2014.
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L’agriculture paysanne s’invite dans les grandes écoles
Pas courant : des paysans dans les amphis et les couloirs de
Sciences Po ou de l’École normale supérieure. Un peu moins
rare mais pas si fréquent non plus dans ceux d’Agro Paris Tech.
Et exceptionnel la présence d’étudiants de ces trois « grandes
écoles » dans les locaux de la Confédération paysanne, à
Bagnolet.
C’est pourtant bien ce qui s’est passé du 16 au 21 mars, dans
le cadre de la campagne Envie de paysans ! Le menu était goûteux. Trois conférences d’abord qui ont rempli les amphithéâtres, autour de la souveraineté alimentaire, de la propriété intellectuelle dans les questions agricoles ou de l’avenir
de l’agriculture, avec la participation appréciée aux côtés des
paysans de l’économiste et agronome Aurélie Trouvé, de l’historien des sciences Frédéric Thomas ou de l’ancien rapporteur
spécial pour le droit de l’alimentation à l’ONU Olivier de
Schutter. Mais aussi un petit-déjeuner débat avec les journalistes du site Reporterre, une conférence gesticulée (« Rural
ou la convergence des rustres », d’Hervé Chaplais), des apéros paysans après chaque événement, beaucoup de discussions
et même de la musique avec de jeunes chanteurs plein de talent
et d’enthousiasme (Léopoldine, Tithaume, les Tripotes).
Les partenaires étudiants en sont sortis ravis. Pour eux, la
semaine sur l’agriculture paysanne a permis de renforcer et dynamiser les relations entre les associations des trois écoles en travaillant ensemble sur un thème concret, mais aussi et surtout
de faire avancer la connaissance des questions paysannes, par
l’intermédiaire d’une Conf’ jeune et dynamique que ce public
BD
motivé a appris à bien mieux connaître.
Photos : Yann Deva et Zoé Chalaux

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