MARTINEZ Carole

Transcription

MARTINEZ Carole
Carole MARTINEZ
Le cœur cousu
Eléments biographiques
Carole Martinez est née en 1966. Ancienne comédienne, Carole Martinez
devient professeur de français dans un collège d'Issy-les-Moulineaux. Elle profite
d'un congé parental en 2005 pour se lancer dans l'écriture. Elle désire écrire
'quelque chose qui soit entre le conte et le roman.' Puisant dans les légendes de
sa tradition familiale espagnole, elle brode à partir des histoires que sa grandmère lui racontait. Ce premier roman est un succès et il reçoit de nombreux prix :
le prix Ouest-France Étonnants Voyageurs et le prix Renaudot des lycéens en
2007.
Eléments bibliographiques
Le cri du livre, Pocket, 1998
Le coeur cousu, Gallimard, 2007
Article de presse
Article de Ouest-France paru le lundi 28 mai 2007, dans
l’édition de Saint-Malo
Le coeur cousu de Carole Martinez
Carole Martinez, 41 ans, a remporté hier à Saint-Malo le troisième prix OuestFrance Étonnants Voyageurs pour Le coeur cousu. Le souffle lyrique et la force
poétique de ce premier roman aux allures de conte ont séduit les dix jeunes jurés.
Au bout du quai, en pleine bourrasque, surgit soudain la silhouette d'une jeune
femme. Elle court entre les flaques, agitant au-dessus d'elle un parapluie
retourné par le vent. Entre les gouttes, Carole Martinez pleure de toutes ses
larmes. Émue car elle vient d'apprendre que son Coeur cousu est le lauréat 2007
du prix Ouest-France Étonnants Voyageurs. Elle se précipite sur le trois-mâts le
Belem et tombe dans les bras des jeunes qui viennent de délibérer pendant deux
heures pour désigner son livre et qui, maintenant, émus eux aussi,
l'applaudissent à tout rompre. « Merci, merci. Vous vous rendez compte. C'est
mon premier roman, c'est mon premier salon, c'est mon premier prix ». Bonheur
total, surprise sincère. Elle n'en revient pas, cette ancienne comédienne devenue
professeure de français d'un collège d'Issy-les-Moulineaux. Depuis le début, elle
vit un conte de fée. Il y a deux ans, elle prend un congé parental pour écrire.
Écrire « quelque chose qui soit entre le conte et le roman ». Elle a envie d'aller
puiser au fond d'elle-même, dans les légendes de sa tradition familiale
espagnole. Elle va « broder » à partir des histoires que sa grand-mère lui
racontait. « Concierge boulevard de Montparnasse, cette petite bonne femme
rabougrie se transfigurait soudain dans sa loge minuscule quand elle me parlait
des ancêtres. Elle prenait pour moi une dimension incroyable ». Car ce monde
des ascendants andalous est un monde de sortilèges. Mi-magiciennes misorcières, les femmes se transmettent des pouvoirs surnaturels : comme celui de
guérir ou de communiquer avec les défunts. Carole est issue de cette lignée. «
Petite, je voulais posséder les secrets de ma grand-mère. J'avais des terreurs
nocturnes où je voyais apparaître des femmes. Un jour, ma grand-mère m'a dit :
« Oui, tu as le don de voir les morts et de leur parler » ». Ce que voit Carole, c'est
Frasquita « une arrière-arrière-grand-mère », héroïne de la famille qui va devenir
la trame du Coeur cousu. « La légende veut qu'elle ait été perdue au jeu par son
mari. En me racontant cela, ma grand-mère me disait « les hommes sont des
salauds ». Je voulais en savoir plus, sans fouiller dans les archives, mais en
fouillant au fond de moi, par l'écriture ». Cela donne un magnifique roman,
succession de contes et de personnages incroyables : Frasquita couturière de
génie. Son mari, amoureux d'un coq, jouant son épouse au combat. Frasquita
jetée sur les routes avec ses quatre enfants dans l'Espagne miséreuse de la fin du
XIXe siècle. Les jeunes jurés se sont dits fascinés par la tournure magique,
violente et amoureuse du récit. Carole Martinez s'étonne elle-même de ce
miracle : de cette écriture qui l'a emportée « en haute mer ». Des deux premières
parties jetées dans la boîte aux lettres de Gallimard, de la réponse positive de
l'éditeur « alors que je trouvais que je n'avais aucun style »… Puis, aujourd'hui, la
féerie du prix. Ces jeunes gens qui lui disent : « Vous écrivez comme Frasquita
coud, avec la même minutie. Vous rendez hommage à l'art... Votre livre est
sensuel, il est à goûter avec tous les sens ». Et elle, Carole - entre rire et larmes qui dit : « Merci, merci encore. Cela me donne tellement de force pour continuer
».
Article critique
Article de Anne Crignon paru dans le magazine Le
Nouvel Observatoire le 22/05/2008
L'inconnue aux 8 prix
Sorti dans l'indifférence générale en janvier 2007, Le Coeur cousu ne cesse de gagner des
lecteurs par le bouche-à-oreille. Portrait et explications
On était à l'automne 2006. Carole Martinez se trouvait devant l'école primaire de
ses enfants sur un boulevard parisien, quand son portable a sonné. C'était
Gallimard. Deux mois auparavant, elle avait déposé à l'accueil de la célèbre
enseigne un manuscrit alors inachevé, et voici que Jean-Marie Laclavetine, qui
serait bientôt son éditeur, la rappelait. Et c'est ainsi que l'on vit la jeune femme
tel un somnambule gagner le porche le plus proche et recueillir en titubant les
premiers éloges. «Vous êtes une merveilleuse conteuse, entendit-elle. Ecrivezmoi la suite.»
Des éloges, Le Coeur cousu allait en recueillir bien d'autres, et pour cause. Qui
ouvre régulièrement un premier roman français sait que la fibre
autobiographique est majoritaire, et le miracle rare. Bien au-dessus de la mêlée,
Carole Martinez a un talent fou. Un style qui ensorcelle dès les premières pages,
et une héroïne entraînée par son destin baroque au fin fond de l'Espagne du
début du XIXe siècle. L'histoire est celle de Frasquita Carasco, jouée et perdue par
son mari lors d'un combat de coqs. Chassée du village après cet adultère forcé, la
voici sur les routes d'Andalousie, tirant une charrette à bras où s'entassent ses
quatre enfants en bas âge. C'est le temps des premiers soulèvements paysans, et
Frasquita va croiser ces guérilleros assoiffés de justice sociale. Grâce à un don
quasi miraculeux pour la couture, elle s'improvise chirurgien au coeur des
combats, jusqu'à recoudre à la perfection le visage déchiré d'un jeune chef de
bande. Passé inaperçu lors de sa sortie en janvier 2007, Le Coeur cousu a
tranquillement fait du chemin. On approche aujourd'hui les 20 000 exemplaires
vendus. Or, trois mois après sa parution, son auteur n'y croyait plus. «Comme
rien ne se passait, je me suis dit : «Il est foutu, ton livre, de toute façon il est
mauvais.» Je n'ai pas un tempérament dépressif, mais là j'étais vraiment
déprimée.»
C'est alors qu'une rumeur flatteuse est montée. A la librairie l'Attrape-Coeur, à
Paris, une habituée est venue conseiller aux libraires de lire, et de toute urgence,
ce «truc exceptionnel». Puis une autre, quelques jours plus tard, a poussé la
porte, avec la même ferveur. «On a adoré, explique l'une des libraires, et on l'a
mis dans les mains de tous les gens qui nous demandaient conseil. Depuis, il est
toujours en pile sur nos tables. Depuis cinq ans que la librairie existe, c'est notre
coup de coeur, et notre meilleure vente.»
Portée par ce bouche-à-oreille, Carole Martinez, de librairies en festivals, a fait
son tour de France et subi le bizutage suprême quand, lors d'une séance de
dédicace à la Foire du Livre de Saint-Louis, elle s'est retrouvée placée aux côtés
de Luc Ferry. «Les gens posaient leur sac sur mes livres, faisaient leur chèque en
me demandant un stylo...» Ca ne l'a pas empêchée de gagner discrètement, un à
un, tous les prix des lecteurs, notamment le prix des lycéens de Monaco, l'Ulysse
du premier roman, le Renaudot des lycéens, le prix Emmanuel-Roblès mené par
Edmonde Charles-Roux et même celui, très convoité, des Etonnants Voyageurs
de Saint-Malo, décerné par un jury fasciné par cet étonnant voyage au coeur
d'une Espagne aride et superstitieuse. Enfin réveillée, la critique associe dès lors
Le Coeur cousu au réalisme magique des Cent Ans de solitude de Gabriel Garcia
Marquez. Carole Martinez n'en revient toujours pas, et s'en excuserait presque.
Car la grande fille qui, ce jour-là, passe les portes du journal pour répondre à
notre invitation est un détonnant mélange de doute et de vitalité. Directe, dotée
du charme fatal de ceux qui gardent intact leur naturel, Carole Martinez reçoit
avec une émotion embarrassée les éloges de plusieurs journalistes maison, et pas
des moins exigeants, bluffés par son roman. Car au fond le succès, elle n'y a
jamais cru. «La couverture Gallimard, c'était un rêve. Mais ensuite, ça ne pouvait
pas marcher. Je me sens programmée pour l'échec.»
Puis elle retrace avec simplicité une enfance parisienne non dénuée de poésie.
Son père, fou de brocante, pouvait décider une année de collectionner les
pendules, transformant l'appartement familial en annexe du Salon des
Antiquaires. Sa grand-mère venue d'Espagne était concierge boulevard du
Montparnasse et racontait à l'enfant des histoires délicieusement effrayantes,
nourries de vieilles superstitions. «Elle avait une dimension de conteuse
extraordinaire, elle repoussait les murs, raconte sa petite-fille. L'écriture ne lui
était pas accessible, elle appartenait à une classe sociale qui n'y a pas droit, mais
ses histoires étaient vraiment merveilleuses, pleines de mysticisme et de
fantastique.»
A 20 ans à peine, Carole se croit faite pour le théâtre, monte une troupe,
renonce, bifurque vers l'enseignement du français. Ce sera, par choix, dans un
établissement sensible de banlieue («magnifique humainement») où elle mûrit le
projet d'un roman-fleuve puisant dans la légende familiale. Car la Frasquita
Carasco qui embrase ce roman picaresque, la femme trahie par son mari pour
une histoire de coq était son arrière-arrière-grand-mère. Une affaire qui a
marqué son enfance : «Une nuit, des voisines sont venues l'avertir que son mari
l'avait jouée. Alors, pour ne pas payer la dette, elle a fui jusqu'en Algérie. Je la
trouvais admirable mais je la voyais comme une victime.» Deux siècles plus tard,
sa descendante lui a brodé un destin sur mesure. «Je voulais qu'elle soit
davantage responsable de sa propre vie. Le Coeur cousu est un roman des
origines : je n'avais plus qu'à pousser la porte de mon bureau et tout cet univers
était là.»
Adaptation
Préparation d’une adaptation en théâtre de marionnettes par la Compagnie
ARNICA
http://compagnie.arnica.free.fr/pdf/Le%20Coeur%20cousu.pdf