Reportage ( PDF 560Ko ) - Architecture Hospitalière
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MEDICO-SOCIAL 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page51 Centre Hospitalier d’Antibes : un nouvel EHPAD pour mieux répondre aux enjeux sanitaires et médico-sociaux de son territoire En 2006, dans le cadre de l’élaboration de son nouveau projet médical et de son projet d’établissement pour les années 2007-2012, le Centre hospitalier d’Antibes avait mis en évidence la nécessité d’apporter rapidement et de façon significative des réponses aux problématiques de prise en charge des personnes âgées. Un nombre important et croissant de patients dans ses services de court séjour, notamment de médecine, était en attente de placement du fait de l’absence ou de l’insuffisance de solution d’aval. De plus un manque important de places en secteur public et agréées à l’aide sociale sur le secteur littoral et plus particulièrement Antibes était dénoncé et s’avérait prioritaire en terme d’aménagement de l’offre d’hébergement gériatrique. C’est dans ce contexte que le CH d’Antibes avait lancé une opération de construction d’un nouvel EHPAD. Baptisé « Les Balcons de la Fontonne », ce nouvel établissement a ouvert en mai 2013. Il compte 125 lits répartis en 115 chambres individuelles et 5 chambres doubles. Le nouvel EHPAD a coûté 17 millions d’euros, financé par la ville d'Antibes Juan-les-Pins, le Conseil Général Alpes-Maritimes et le CNSA. Présentation avec Monique Thenadey, directeur des affaires économiques et travaux du CH d’Antibes 52 Comment est organisée la filière gériatrique du Centre Hospitalier d’Antibes ? Monique Thenadey : Notre filière gériatrique se compose d’un EHPAD de 86 lits, d’une Unité de Soins Longue Durée (USLD) de 20 places, d’une unité Alzheimer de 14 places et de 5 places d’accueil temporaire. Ces structures complètent la prise en charge gériatrique proposée par le Centre Hospitalier. Ce dernier comprend une équipe mobile de gériatrie, des lits dédiés au service d’urgences, une unité de court séjour gériatrique, une consultation mémoire, un service de soin polyvalent à orientation gériatrique de vingt-quatre places ainsi qu’un autre EHPAD de 77 places situé en centre-ville. D’autre part, nous entretenons un partenariat privilégié avec une structure d’accueil de jour spécialisé dans la maladie d’Alzheimer, gérée par le Centre Communal d’Action Social (CCAS), ainsi qu’avec le service de soins palliatifs de l’hôpital. 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page52 Architecture hospitalière - numéro 10 - CH Antibes Dans quel contexte s’est inscrite cette opération autour du nouvel EHPAD ? M.T : Dès 2006, nous avons mis en évidence la nécessité d’apporter des réponses rapides et significatives aux problématiques de prise en charge des personnes âgées et dépendantes, dans le cadre de l’élaboration du projet médical et du projet d’établissement de la période 2007-2012. Nous avions entre autres noté un nombre important de patients en attente de placement dans les services de court séjour, une insuffisance de lits dans les établissements en aval de notre structure, et un engorgement croissant du parcours de soin gériatrique. Ce constat était partagé par le Conseil Général des Alpes-Maritimes qui a développé un schéma gérontologique pour la période 2006-2010 dans lequel nous nous sommes inscrits et avons participé à la création de 2000 places supplémentaires prévue par ce plan. Le plan « Solidarité grand âge », effectif au niveau national entre les années 2007 et 2012, et une récente acquisition foncière, nous avait également conforté dans notre volonté de nous inscrire sur ce schéma local de renforcement de la prise en charge gériatrique. Ainsi, nous avons pu développer ce projet de création d’une structure dédiée aux personnes âgées et dépendantes. Au sein de votre établissement, quels ont été les acteurs associés aux différentes réflexions autour de ce projet de nouvel EHPAD ? M.T : La direction du centre hospitalier a notamment collaboré avec les médecins, cadres de santé et les équipes soignantes. Ces professionnels ont pu nous faire part de leur expérience, notamment vis-à-vis du fonctionnement de l’EHPAD existant en centre-ville, et des besoins quotidiens des personnes âgées. Cela nous a particulièrement aidé à développer le programme que nous devions développer pour le concours d’architecture. Nous avons également échangé avec tous nos partenaires institutionnels pour ce type de projet au sein d’un hôpital : le médecin du travail, pour les conditions de travail du personnel, le médecin hygiéniste, concernant le respect des procédures d’hygiène ou encore les représentants du personnel. Ce projet a d’ailleurs, pour chacune de ses phases, été soumis à l’approbation de la Commission Médicale d’Etablissement (CME), du Comité Technique d’Etablissement (CTE), du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), du Conseil de surveillance. Quels sont les atouts majeurs de ce nouvel EHPAD ? M.T : Tout d’abord, le parti architectural que nous a proposé le groupement BBG-COTEBA, retenu dans le cadre du concours de maîtrise d’œuvre ; le projet se démarquait de la vision préconçue que nous pouvions avoir d’un hôpital ou d’une maison de retraite pour se rapprocher d’une résidence. Cet aspect est un atout supplémentaire aux yeux des résidents qui n’ont pas l’impression d’être admis dans un hôpital ou tout autre institution. Pour autant, cette architecture ne remet nullement en question la qualité des soins apportés aux résidents. La chambre a également été conçue pour permettre au résident de s’approprier son lieu de vie et s’éloigne d’une chambre d’hospitalisation traditionnelle. Outre la forme du bâtiment, son orientation Nord-Sud nous a également séduit car elle offre des paysages époustouflants, notamment la mer, l’arrière-pays et le Fort Carré d’Antibes. Ce projet a donc su s’inscrire dans son environnement de la plus belle des manières et a également permis un travail de composition important pour les espaces extérieurs, et notamment les jardins. L’intérieur du bâtiment n’est cependant pas dépourvu de points forts. Par sa conception qui allie habilement les éléments de lieu de vie, de prise en charge de la personne âgée et d’administration des soins, cet intérieur offre une bonne qualité de vie aux résidents. Ce projet nous a également conquis car chaque détail est pensé pour favoriser le lien avec la famille et l’entourage du résident, ce qui accompagne notre inscription sur le quartier La Fontonne d’Antibes offrant ainsi une bonne accessibilité et nous permettant d’être particulièrement bien desservi par les transports en commun. Aussi, nous avons insisté pour que des lieux de rencontres privilégiés soient aménagés afin que le lien avec la famille ou l’entourage du résident soit encouragé et maintenu autant que possible, dans un cadre familier, intimiste et non pas démesuré ou trop institutionnalisé. L’une des particularités majeures de la décoration intérieure reste la reproduction sur des pans de mur entier de photos prises par la maîtrise d’œuvre représentant des quartiers et vues emblématiques de la ville d’Antibes. Cette opération s’inscrit-elle dans une démarche de développement durable ? M.T : Avec notre démarche environnementale, nous souhaitions une conception du bâtiment visant à maîtriser les économies d'énergie, à faciliter la maintenance du futur équipement et des locaux et de réduire le coût de ces derniers. Dans la démarche HQE, le bâtiment est étudié au travers de 14 cibles, dont certaines définies comme étant prioritaires, telles que la gestion de l'énergie, l’entretien et la maintenance ou encore la qualité de l'air et de l'eau. Les autres cibles seront traitées de manière à respecter la réglementation en vigueur. À ce titre, le projet bénéficie d'une conception bioclimatique et met l'accent sur des points comme : la limitation des besoins en chauffage, la conception architecturale du bâtiment ayant pour objectif la compacité, l’isolation performante et la garantie d’un coefficient Ubât performant pour ce bâtiment. À cela s’ajoutent le double vitrage à isolation renforcée, la toiture végétalisée R+1, la solarisation du bâtiment, la limitation des besoins en rafraîchissement, le principe constructif compact du bâtiment (qui procure une inertie thermique lourde), la gestion des déchets d'activité (avec la mise en place d’une collecte sélective et l’intégration de ces déchets au circuit général du Centre Hospitalier). Et bien d’autres éléments, tout aussi important, qui participent à la haute qualité environnementale de cette nouvelle structure. Quels sont les éléments qui concourent à améliorer l’accueil et la prise en charge des résidents ? M.T : Nos locaux sont spacieux et adaptés à la prise en charge de personnes dépendantes, notamment en ce qui concerne les installations sanitaires. Les chambres disposent de zones personnalisables et des rangements qui permettent au résident de recréer le cadre de son domicile qui le réconforte et facilite l’appropriation de son espace privé. Nous avons apporté un soin particulier au choix du mobilier qui, tout en étant ergonomique, est constitué d’éléments aux coloris doux et chaleureux, variant selon l’orientation des chambres, qui constituent également des points de repère pour les résidents. 53 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page54 Architecture hospitalière - numéro 10 - CH Antibes Qu’en est-il de l’amélioration des conditions de travail du personnel ? M.T : Le personnel est particulièrement satisfait de pratiquer dans une architecture moderne, adaptée aux normes d’accessibilité pour personnes handicapées. Ce nouvel EHPAD offre un cadre agréable et des installations dédiées à la prise en charge optimale de personnes âgées et dépendantes. Ces installations facilitent et améliorent grandement leur exercice au quotidien et les conditions de prise en charge du résident. Le cadre esthétiquement très réussi apporte la même satisfaction aux résidents et au personnel qui n’est pas insensible aux paysages et à la conception du bureau d’architecture, notamment lors de la prise des repas, étant donné que la salle à manger commune offre une vue sur la mer et dispose d’une décoration recherchée. Outre le caractère esthétique de la structure, le personnel est également rassuré par le fait que ce bâtiment respecte parfaitement des normes de sécurité élevées, pour son bien-être comme pour celui du patient. Comment le chantier s’est-il déroulé ? M.T : Le chantier s’est déroulé sans difficulté particulière. Nous avons travaillé avec une entreprise générale, ce qui a facilité la mise en place de nos relations grâce à un interlocuteur unique. Nous avions également mis en place des réunions mensuelles regroupant la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage qui nous permettaient de faire régulièrement un point détaillé de l’évolution du chantier et de résoudre les éventuelles problématiques ou les points à traiter en priorité. Hormis la grande écoute dont a fait preuve la maîtrise d’oeuvre, nous avons également bénéficié de l’aide de la société ICADE qui, en tant qu’assistance à la maîtrise d’ouvrage, a su nous épauler tout au long de l’opération et a représenté un lien de qualité entre maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage. Nous avons particulièrement apprécié notre collaboration avec Jean-Michel Gomez et sa collaboratrice Véronique Toussaint, du groupe BBG Architectes Associés, grâce à leur professionnalisme, leurs qualités humaines et leur souci du détail dans la conception architecturale et même la décoration intérieure. Bien que tous nos collaborateurs se soient fortement impliqués dans ce projet, ces personnes se sont démarquées par leur enthousiasme à l’égard de ce dernier, qui les a particulièrement motivées. Comment la création de l’unité de soins palliatifs s’est-elle accordée avec la construction de ce nouvel EHPAD ? M.T : Il a toujours été prévu dans ce projet d’inclure la construction de ces deux bâtiments. Les dossiers ont cependant évolué différemment car tous deux font intervenir des interlocuteurs et des processus différents, ce qui a rendu impossible un lancement simultané de ces deux opérations. Néanmoins, la construction de l’Unité de Soins Palliatifs (USP) a rapidement rattrapé son retard et nous avons, finalement, pu faire évoluer de concert ces deux projets. Le député-maire d’Antibes, Jean Leonetti, étant l’initiateur de la loi relative aux droits des patients en fin de vie, nous avons développé une culture particulière vis-àvis des problématiques liées à ce type de structure. De plus, cette construction répondait à un besoin important au niveau de notre territoire. Nous sommes parvenus à mettre en place une structure intéressante, entièrement étudiée pour apporter des soins de qualité au patient tout en minimisant l’emprise de l’atmosphère hospitalière sur son quotidien. Nous avons, une fois de plus, porté une attention toute particulière aux locaux, aux décorations intérieures, au parti pris architectural et aux aménagements extérieurs. Les chambres de l’USP, même si elles restent des chambres de soins en raison des impératifs de qualité des soins et de prise en charge, n’en demeurent pas moins harmonieuses afin de ne pas heurter la sensibilité du patient et de lui apporter un cadre chaleureux et parfaitement adapté. Jusque dans notre projet médical, nous avons marqué notre volonté de proposer une réponse adaptée à l’accompagnement de fin de vie dans un cadre chaleureux et humanisé. Nous avons donc fait en sorte de rester particulièrement vigilants vis-à-vis des attentes qui nous étaient formulées auprès des architectes pour les aider à développer les réponses les plus adaptées dans la conception de cette structure. Pour l’élaboration de l’USP, nous nous sommes rapprochés du chef de service de soins palliatifs du centre hospitalier, ainsi que de son équipe. Comment définiriez-vous le confort en EHPAD ? M.T : Le confort en EHPAD résulte d’un compromis adapté entre la qualité de prise en charge et un environnement apaisant et chaleureux afin que le résident ne vive pas sa venue en EHPAD comme un événement négatif. De plus, ces structures doivent être proches des lieux de vie pour prévenir le sentiment d’isolement des résidents. Partenaire du Centre Hospitalier d’Antibes pour la construction de l’EHPAD Les Balcons de la Fontonne 55 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page55 « Un EHPAD résolument tourné vers la vil e » La maitrise d’œuvre a été confiée au cabinet BBG Architectes Associés à la Valette du Var et le bureau d’étude COTEBA GROUPE ARTELIA. Après un concours ayant recueilli plus de cinquante réponses de cabinets d’architectes, trois ont été retenus pour élaborer un projet architectural et une maquette de présentation. C’est à l’issue de cette procédure réglementaire que le projet BBG-COTEBA a été retenu. Le projet a consisté d’une part dans la création de cet EHPAD et à ses côtés, d’autre part, la construction d’une Unité de Soins Palliatifs. Plus de précisions avec Jean-Michel Gomez, architecte associé de l’agence BBG Architectes Associés 56 Comment définiriez-vous cette opération autour du nouvel EHPAD du Centre Hospitalier d’Antibes ? Jean-Michel Gomez : Cette opération était très intéressante car, bien que faisant partie du CH d’Antibes, ce nouvel EHPAD reste résolument tourné vers la ville. Pour cela, la direction de l’hôpital a choisi un terrain adossé à l’hôpital, au sein d’un quartier résidentiel. Ce lieu a beaucoup influencé notre conception et nous a poussé à nous éloigner du standard hospitalier pour retrouver une morphologie de bâtiment plus proche de celle de l’habitat. Nous avons donc imaginé un bâtiment morcelé en plusieurs entités d’échelle réduite, doté de multiples ouvertures dans différentes orientations, une architecture relativement ouverte et profonde avec une épaisseur de façade assez importante équipée de brise-vue qui exprime le caractère résidentiel de ce bâtiment, rendant ainsi efficiente l’idée très méditerranéenne du « voir sans être vu ». L’autre aspect important de cette opération était la conservation d’un espace réservé à la création d’un bâtiment de soins palliatifs ajouté ultérieurement de manière harmonieuse au cours de la conception du nouvel EHPAD. Notre bureau a également à cœur dans son travail de concevoir une architecture très rationnelle et d’user au mieux du budget dont nous disposons pour la création du bâtiment. Pour cela nous tentons de créer des structures simples, lisibles et relativement peu dispendieuses en terme de logique de construction. Nous concentrons donc nos efforts sur le traitement des matériaux en façade et la qualité des espaces intérieurs. Comme toujours pour les constructions hospitalières, nous composons avec des coûts de travaux modérés auxquels nous nous tenons, comme c’est le cas pour cet EHPAD du CH d’Antibes. Pour ce faire, nous avons conservé une écoute attentive du maître d’ouvrage et mis l’accent sur un niveau de prestation et d’élaboration des espaces très qualitatif. Ce bâtiment d’EHPAD est donc subdivisé pour s’apparenter à des volumes résidentiels et non à une construction hospitalière à laquelle aurait pu faire penser une barre de béton homogène. Cela étant, le bâtiment créé dispose de niveaux superposés et suffisamment identiques pour créer une structure porteuse très simple qui nous a permis de maîtriser les coûts de construction. 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page56 Architecture hospitalière - numéro 10 - CH Antibes Quels repères vous ont permis d’élaborer l’identité visuelle du bâtiment ? J-M.G : Encore une fois, notre idée de base était d’apporter à ce bâtiment l’aspect d’un véritable lieu de vie. Nous avons donc recherché une certaine filiation avec les résidences de la Côte d’Azur et d’Antibes, où l’architecture des années 60 /70 très prégnante se traduit par de beaux bâtiments pourvus de grands balcons filants et d’espaces semi extérieurs devant les logements, qui sont la marque d’un certain mode de vie. Pour être adapté, ce modèle a dû être réinterprété car, dans une résidence pour personnes âgées dépendantes, l’accès à des balcons ne se fait pas de manière toujours très libre. En effet, ces lieux peuvent entraîner des situations dangereuses pour des personnes parfois désorientées, et donc peuvent être source d’inquiétude pour le personnel. Nous avons donc retravaillé le bâtiment avec des balcons formant des coursives protectrices d’un point de vue thermique, faisant fonction de supports de panneaux ajourés, de brise-soleil, qui offrent une variété et une richesse visuelle aux façades. Ces panneaux sont également très efficaces pour brouiller la rythmique répétitive des chambres et jouer avec les ombres portées qui donne vie au bâtiment. Quelle est la place de la lumière naturelle dans ce bâtiment ? J-M.G : La lumière naturelle a une place fondamentale, ne serait-ce que d’un point de vue thermique. Ce bâtiment dispose des caractéristiques d’un bâtiment BBC ayant atteint les exigences de la réglementation RT2012 sans être certifié et l’apport de la lumière dans les chambres de résidants est assuré par d’importantes baies vitrées. Outre la qualité visuelle depuis les chambres, et sur l’aspect des façades, la lumière a également un rôle fondamental pour la qualité de vie. De même qu’elle joue un rôle crucial dans les espaces de regroupement et est présente dans l’ensemble des axes de communication du bâtiment par le biais de nombreuses trouées, baies vitrées, de nombreuses transparences sur les espaces verts et patios en rez-de-chaussée donnent aux résidents un sentiment d’ouverture et de respiration. Enfin une présence importante de la lumière naturelle facilite la lisibilité de l’espace et de l’orientation des usagers au sein du bâtiment. Comment avez-vous abordé la gestion des flux ? J-M.G : Nous avons une bonne connaissance de ce type de programme. Nous savons que ce genre d’opérations fait intervenir de nombreux flux et que nous devons éviter les contresens. Nous avons donc respecté une logique du quotidien dans les unités de vie, à la fois liée au parcours optimisé du personnel de santé et à la clarté des flux de circulation indispensable aux bonnes conditions d’accueil des résidents. La lisibilité, l’accès des visites et l’accueil des familles sont maintenus au centre du dispositif, depuis le hall principal jusque dans les unités d’hébergement. Nous avons marqué une nette séparation avec les flux logistiques qui aboutissent également vers la centralité des unités. Les points de montée à disposition des résidents leur permettent de demeurer dans les unités de vie des étages ou d’accéder facilement au rezde-chaussée et de participer à la vie de l’établissement. Quelle a été la particularité de l’opération autour de l’unité de soins palliatifs ? J-M.G : Cette opération est particulière car il s’agit d’une petite unité d’hébergement de douze chambres pour des malades en fin de vie qui, de ce fait, nécessitent un suivi particulier. Cette opération est d’autant plus intéressante que nous nous trouvons dans un domaine assez expérimental. Nous nous apercevons que la relation entre le personnel et le patient est totalement différente de celle que nous retrouvons dans les hôpitaux ou les unités d’EHPAD plus classiques. Nous constatons une approche beaucoup plus individuelle du patient, avec un tuteur, une personne de confiance. Cette relation particulière se traduit en termes d’espace par une volonté de disposer d’un nombre important de lieux de rencontre permettant au malade de quitter l’espace de sa chambre quand cela lui est possible, d’accueillir des visiteurs, ou de se sentir à l’aise en dehors de sa chambre. Ces espaces réservés ont fortement marqué notre travail sur le plan et l’architecture de cette unité car nous avons nettement affiché notre volonté de quitter l’univers médical pour se rapprocher d’un milieu plus domestique. Pour cela notamment, le bâtiment communique de manière assez intime avec un espace de végétation existant marqué par des chênes centenaires majestueux. Ce bâtiment est beaucoup moins épais qu’une structure hospitalière ou d’EHPAD classique, avec une unique rangée de chambres pour permettre une circulation très ouverte sur les espaces extérieurs. Nous avons notamment mis en place une petite gloriette permettant aux malades de venir se reposer sous les branches des chênes et profiter d’une relation très forte avec cette belle végétation. Il nous a paru important d’offrir la beauté et l’émotion de la nature comme point d’accroche à ces résidents et accompagnants qui traversent une épreuve difficile. Comment s’est déroulé le chantier ? J-M.G : Cette opération s’est déroulée de manière remarquable. Nous avons profité d’une période intéressante pour le secteur du BTP qui nous a apporté une bonne concurrence. Nous avons pu signer les marchés dans le respect des estimations, sans tensions liées au projet lui-même. Nous étions en entreprise générale avec la société Cari-Fayat. Nous avons rencontré une équipe de chantier à la fois très compétente et ouverte ce qui a grandement contribué au bon déroulement de l’opération. À la suite de 21 mois de chantier, nous avons pu livrer le bâtiment en avril 2013. Nous avons donc constaté très peu de dépassements liés à quelques travaux de réajustement et un délai respecté, à un mois et demi près. Tout cela pour aboutir à un bâtiment de grande qualité et d’un haut niveau de finition. Avez-vous rencontré des difficultés particulières, notamment durant la conception de ce projet ? J-M.G : Nous avons effectivement rencontré quelques difficultés. Le terrain était assez délicat d’un point géologique, comme c’est souvent le cas dans les Alpes-Maritimes. Nous avons donc un bâtiment aux fondations spéciales reposant sur des pieux de quinze à vingt mètres, ce qui a influencé le coût du bâtiment. Cela nous a néanmoins permis de créer un demi sous-sol qui accueille une soixantaine de places de parking. Hormis ces points, il s’agit d’un bâtiment relativement classique en matière de réalisation avec un gros œuvre assez courant qui n’a pas entraîné de difficultés majeures. 57 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page58 Architecture hospitalière - numéro 10 - CH Antibes Comment s’est effectué votre choix des matériaux ? J-M.G : Pour les intérieurs, nous avons largement opté pour des bois stratifiés mats au veinage perceptible pour renforcer l’aspect naturel des ambiances intérieures et non pas une trop grande sophistication. Ces bois sont utilisés dans les chambres, les axes de circulation avec de petits meubles et des étagères pour accueillir des objets personnels capables de créer un univers intimiste et chaleureux. Nous n’avons pas non plus hésité à laisser une partie des coursives en béton brut blanc pour conserver une certaine franchise au bâtiment qui ne cherche pas à masquer la manière dont il a été réalisé. Nous avons également travaillé sur les couleurs en essayant de les contenir dans une palette assez réduite tout en permettant aux usagers de les distinguer et en participant au système de signalétique qui rend le bâtiment riche et expressif. Quelles sont les particularités architecturales et organisationnelles que requière l’activité gériatrique ? J-M.G : Il existe deux aspects fondamentaux. Nous souhaitons retrouver à la fois des espaces clairs, lisibles et sécurisants car ils sont identifiables et repérables facilement par des résidents pouvant être rapidement désorientés. Une architecture ouverte et compréhensible notamment en matière de déplacement nous paraît donc fondamentale. Avoir des plans assez simples est également très important pour faciliter le travail quotidien du personnel soignant. Le deuxième aspect reste le fait que ces espaces demeurent des lieux de vie, ce qui implique un souci de bien être des usagers. Nous avons voulu mettre en place une architecture aimable et complaisante au bon sens du terme. Avec le temps qui passe je pense que ce qui compte le plus pour nous c’est de tenter de réaliser une architecture qui fait du bien aux personnes qui la vivent. Nous avons travaillé cet aspect par l’apport de la lumière, le choix des matériaux, le cadrage des vues, la couleur ou encore la diversité des espaces, de petites attentions qui rendent perceptible, je le pense, l’aménité avec laquelle nous abordons la conception. Cela se traduit aussi par une tentative prononcée de personnalisation des chambres des résidents pour leur permettre d’évoluer dans un cadre chaleureux et personnel. Sur cette opération d’Antibes, nous avons retravaillé l’espace individuel des chambres de 21 m2 en créant une entrée, faisant office d’espace d’accueil, et un espace de vie pour chaque chambre qui permette au résident de se sentir « chez soi ». Quelle est votre vision de l’EHPAD de demain ? J-M.G : Notre vision se retrouve dans les orientations que mes collaborateurs et moi-même insufflons aux projets auxquels nous participons. Aujourd’hui, la tendance est avant tout à la conception de structure importante comportant de nombreux lits, ce qui va quelque peu à l’encontre de nos aspirations à créer des espaces se rapprochant du cadre familial et domestique. Deux tendances lourdes plutôt contradictoires sont à l’œuvre aujourd’hui , celle d’une sécurité médicale de plus en plus forte qui pousse à la concentration des moyens dans des structures importantes, et celle de la recherche d’une relation intime et très personnalisée avec les résidents qui s’épanouit mieux dans la petite échelle. C’est ce paradoxe que les architectes (avec d’autres) doivent tenter de résoudre aujourd’hui. Nous devons donc nous concentrer sur le développement de la qualité des chambres et mettre en place une architecture qui pousse les usagers à se rapprocher des autres personnes présentes dans l’établissement. Nous sommes conscients que l’EHPAD de demain ne peut pas être un habitat à part entière, le bien-être du patient passe également par un sentiment de sécurité et un cadre différent de celui de leur foyer où ils sont parfois seuls. Il reste donc un travail très sain à poursuivre sur ces espaces de vie collective ou individuelle. 59