De nouvelles technologies

Transcription

De nouvelles technologies
De nouvelles technologies
au service du cœur et des vaisseaux
Avec la participation de :
SOMMAIRE
Explorer et restaurer
les vaisseaux………………………………………………… p. 2
Réparer :
les progrès de la chirurgie cardiaque………………….
p. 3
Remplacer :
cellules souches et biomatériaux……………………….
p. 5
Témoignages…………………………………………………
Les réponses à vos questions ……………………………
Pour en savoir plus ………………………………………...
Glossaire……………………………………………………..
p. 7
p. 8
p.14
p.14
> Dr Pierre Dos santos
Cardiologue, service de cardiologie de l’hôpital du
Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux.
> Dr Jean-Philippe Guibaud
Chirurgien cardiaque, hôpital du Haut-Lévêque
CHU de Bordeaux.
> Dr Thierry Couffinhal
Cardiologue, service de cardiologie de l’hôpital du
Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux.
> Pr Laurence Bordenave
Directrice de l’unité Inserm 577 « Biomatériaux et
réparation tissulaire » Bordeaux.
> Ces propos ont été recueillis à l’occasion d’un débat organisé par la Fondation Recherche Médicale
1
dans le cadre de ses Journées , le 19 septembre 2003, à l’Université Victor Ségalen de Bordeaux. Ce
débat était animé par Laurent Romejko, journaliste de France 2.
> Ce dossier est également disponible sur le site web de la Fondation Recherche Médicale
www.frm.org
> Les termes avec astérisque (*) sont définis ou explicités dans le glossaire ou dans la rubrique Pour
en savoir plus en page 14.
> Dossier publié le 15 novembre 2003.
1
Du 9 au 23 septembre 2003, la Fondation Recherche Médicale organisait 7
débats grand public dans 6 villes de France (Paris, Rennes, Bordeaux, ClermontFerrand, Nice, Grenoble). Le public a pu y rencontrer médecins et chercheurs,
leur poser des questions et dialoguer avec eux.
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1
Explorer et restaurer
les vaisseaux
Docteur Pierre Dos Santos
Cardiologue à l'hôpital Haut-Lévêque de Bordeaux
Chef d'équipe à l'unité 441 de l'Inserm.
L'athérosclérose* est la première cause de
mortalité en France. L’athérosclérose est
connue par ses conséquences : l'infarctus du
myocarde, l'angine de poitrine, l'insuffisance
cardiaque ou la mort subite cardiaque. C'est un
véritable problème de santé publique. Environ
120 000 infarctus par an en France et plus de
40 000 morts.
Le premier problème que le cardiologue
rencontre est celui du dépistage. Le cardiologue
se trouve d'un seul coup confronté à un patient
qui se plaint de douleurs dans la poitrine.
Lorsqu'un patient a mal dans la poitrine, le
médecin ou le cardiologue se demande si la
douleur est liée à une coronaropathie*. Il doit
toujours faire le pari qu'une maladie fréquente
est présente. Si l'on parie sur quelque chose de
fréqent, on a plus de chances de le trouver ! Et il
est très important de détecter une maladie
potentiellement mortelle pour prendre les
mesures qui s'imposent.
Une fois la maladie détectée, des stratégies
thérapeutiques très efficaces pour diminuer de
façon importante la mortalité de nos patients et
améliorer leur pronostic et leur qualité de vie
sont mises en œuvre.
La douleur dans la poitrine est un symptôme
très fréquent, tout le monde en a fait un jour
l'expérience. Le médecin ou le cardiologue ne
mettent pas en œuvre des examens invasifs,
coûteux, dangereux et traumatisants pour le
patient, pour simplement détecter la maladie.
Cette maladie doit pouvoir être détectée par des
examens non invasifs comme l'épreuve d'effort :
on met le patient sur un vélo ou sur un tapis
roulant. Il faut un effort qui augmente les
besoins du cœur en sang. Si le patient a des
rétrécissements sur ses artères coronaires,
ceux-ci empêcheront une perfusion normale du
cœur et des manifestations apparaîtront,
éventuellement sous la forme d'une douleur,
mais surtout de modifications de son
électrocardiogramme (ECG). On peut alors
affirmer que le malade a une probabilité de 80 à
90% d'avoir une coronaropathie*.
d'autres examens plus récents et moins connus
sont utilisés : l'échographie de stress, la
scintigraphie myocardique au thallium. A la suite
de cet examen, on peut proposer la stratégie
thérapeutique la mieux adaptée. Dans
l'immense majorité des cas, pour être sûr de
proposer le meilleur traitement possible, il faut
voir les vaisseaux coronariens, évaluer leur
taille, le nombre de rétrécissements, leur
localisation et leur longueur, si c’est un seul
vaisseau ou plusieurs qui sont atteints. Ces
questions sont déterminantes pour le choix du
meilleur traitement.
Actuellement, on utilise la coronarographie*.
C’est un examen invasif pratiqué sous
anesthésie locale. On ponctionne une artère au
niveau de la jambe ou du bras, puis on monte
des sondes jusqu'au départ des artères
coronaires. Enfin, on injecte des produits de
contraste qui permettent de visualiser les
artères coronaires. Cet examen nécessite une
hospitalisation de quarante-huit heures et
permet de proposer le traitement le plus adapté
: médicaments, dilatation des rétrécissements,
chirurgie. Actuellement, la cardiologie est en
train de changer : la qualité de l'imagerie
cardiaque non invasive est en progrès grâce à
l'IRM* et au scanner.
Le scanner est un examen connu, qui se fait en
ambulatoire* avec une perfusion veineuse. ce
n'est pas douloureux et l'examen dure dix
minutes. Le cœur, avec le départ de l'aorte, les
artères coronaires qui partent et vont perfuser le
cœur, l'existence de rétrécissements se
distinguent bien sur les images obtenues grâce
à cet appareil. Par coronarographie, quand on
monte un cathéter au départ des artères
coronaires – technique invasive, douloureuse et
coûteuse – on voit ces mêmes rétrécissements.
> Les stratégies thérapeutiques
Il y a trois sortes de stratégies thérapeutiques :
les médicaments, les techniques chirurgicales
(le pontage aorto-coronarien) et l'angioplastie.
L'angioplastie est un acte qui commence
comme une coronarographie* : on fait monter un
cathéter au départ de l'artère coronaire, mais au
lieu d’injecter un produit iodé pour voir l'artère
avec les rayons X, on fait glisser dans cette
artère des petits ballonnets qui sont des tubes
qui se gonflent et se dégonflent. Ces ballonnets
mesurent 3 millimètres de diamètre et 2
centimètres de long. On gonfle ces ballons pour
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écraser le rétrécissement et idéalement le faire
disparaître.
Cette technique, très efficace dans l'immédiat,
présente un gros problème : dans pratiquement
40 % des cas, le rétrécissement qu'on a dilaté et
qu'on a fait disparaître a tendance à se reformer
de manière relativement rapide, en général en
moins de six mois. La recherche en cardiologie
s’efforce donc de prévenir ce phénomène. Un
grand nombre de médicaments ont été essayés.
Certains avec de très bons résultats en
recherche expérimentale sur l’animal, mais pas
jamais quand ils sont appliqués chez l'homme.
Le grand progrès est venu du développement
des prothèses endocoronaires ou les stents, qui
sont des fils métalliques fins, tressés en forme
de tubes, qui servent de tuteur à l'artère. On
dilate au ballon, on place ce tuteur pour éviter
que le rétrécissement ne se reforme et on réduit
à peu près par deux la récidive de ce
rétrécissement.
La dernière étape a été de rendre ces stents
intelligents. alors que c'était des prothèses
passives, on les a rendues actives. Grâce à des
processus physico-chimiques sophistiqués, on a
pu fixer sur ces prothèses des molécules qui ont
une action thérapeutique et qui vont pouvoir
prévenir la formation du rétrécissement. On
observe qu’une re-sténose* se forme dans 5%
seulement des cas au lieu de 30 à 40%
auparavant. le problème n'est donc pas
totalement résolu, mais en tout cas il est en voie
de résolution.
L’enjeu est d'arriver à convaincre les pouvoirs
publics de l'intérêt de ces techniques, qui vont
nécessiter évidemment un coût en équipement,
mais dont on attend des bénéfices humains et
financiers. Si ces techniques sont efficaces, les
malades iront mieux, consommeront moins de
médicaments, auront moins d'examens, seront
moins souvent hospitalisés. Si on arrive à
démontrer que le rapport coût/bénéfice est
largement favorable aux patients et à la société,
il est évident que ces techniques sont promises
à un grand avenir et pour une grande partie de
la population.
Réparer : les progrès
de la chirurgie cardiaque
Docteur Jean-Philippe Guibaud
Praticien hospitalier à l'hôpital cardiologique HautLévêque.
> Les indications de la solution chirurgicale
La chirurgie n'est pas la solution prépondérante
mais reste importante car l'amélioration des
stents et des gestes de plus en plus « osés » au
sein des coronaires font reculer la
revascularisation coronaire dite classique et
chirurgicale. Le nombre de pontages diminue
aussi progressivement. La solution chirurgicale
est chargée de complications qui, malgré leur
diminution constante au cours des années,
restent importantes. D'où l'idée d'essayer de
limiter les effets collatéraux de ces réparations
chirurgicales.
On sait que les pontages artériels constituent
actuellement la meilleure technique de
revascularisation. Si les stents actifs couverts
sont très efficaces, nous avons seulement un
recul de trois ans sur cette technique. Pour les
pontages coronaires, le recul est de quinze ou
vingt ans. Dans la chirurgie de revascularisation
coronaire, pour limiter toutes ces complications
hémorragiques, infectieuses, neurologiques,
voire esthétiques, on a essayé de raccourcir tout
simplement ces incisions. Au lieu de pratiquer
une grande sternotomie*, on a tenté de limiter
l’ouverture pour certaines indications
chirurgicales, en particulier pour certains
remplacements (valvulaire, aortique, ou mitral).
En effet, une ouverture limitée diminue les
pertes sanguines, les douleurs et les
complications respiratoires. Des études tendent
à prouver ces avantages.
> Les techniques d’intervention robotisées
Autre solution visant à diminuer encore les
effets secondaires, les chirurgiens utilisent des
appareils qui permettent de limiter les incisions
en introduisant des outils et une caméra dans le
thorax du patient.
Aujourd’hui, le chirurgien est toujours au contact
du patient. Il est habillé stérilement, mais il
contrôle son geste sur un moniteur et ce sont de
longues pinces qui, à l'intérieur du thorax, vont
effectuer la réparation. Pour les remplacements
de la valve mitrale et certaines cardiopathies
congénitales comme la fermeture de
communication inter-auriculaire, cette technique
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est envisagée. Quand on effectue ces
réparations avec une colonne vidéoscopique, on
pratique une incision de 4 à 5 cm pour passer
les instruments avec un automate. On franchit
une étape grâce à un robot composé de bras
articulés, d'une unité de commande et d'une
console sur laquelle le chirurgien travaille et
contrôle son intervention à l'aide d'une caméra.
Au moyen de poignées particulières, il
commande à ces bras articulés et leur fait
effectuer les gestes qu'il souhaite faire, par
l'intermédiaire de pores qui sont de petits
orifices, dans le but de diminuer les abords
chirurgicaux. Effectuer ces interventions de
revascularisation coronaire par l'intermédiaire de
ces robots et sans circulation extracorporelle ne
se fait qu’en Allemagne et sur quelques
opérations à cœur battant. C'est évidemment
très limité. Il n'existe que quelques unités en
France - un peu plus en Allemagne - qui
pratiquent ce type de revascularisations qui ne
concernent qu'un seul vaisseau.
D’autres technologies apparaissent. En
particulier, le traitement de la fibrillation
auriculaire, qui se fait par voie endovasculaire,
se fait aujourd’hui beaucoup plus rapidement et
permet d'éviter les incisions que l'on était obligé
de faire auparavant. Des techniques à partir de
radiofréquence ou d'ultrasons, nous permettent
de traiter la fibrillation auriculaire avec des
chances de succès raisonnables. En matière
d'insuffisance cardiaque, des recherches sont
faites sur les assistances circulatoires et même
sur le cœur artificiel.
Dans le même ordre d'idées, une technique
pour réparer les anévrismes de l'aorte
abdominale ou thoracique se développe
actuellement. Il s'agit, après un court abord au
niveau de l'aine, de monter un dispositif, avec
une prothèse, un peu comme les stents en
cardiologie, mais pour des pathologies qui se
situeraient au niveau de l'aorte thoracique et
abdominale. L'avantage est plus tangible : le fait
de pouvoir aller poser une prothèse à l'intérieur
de l'aorte sans effectuer une thoracotomie, sans
faire d'ouverture importante avec des risques de
saignement importants, constitue une avancée
vraiment sensible. Le problème, c'est le matériel
implanté - encore perfectible - et le fait qu'il faut
aussi sélectionner les patients qui sont
susceptibles d’être traités par ces techniques,
avec le maximum d’avantages.
Remplacer :
cellules souches, biomatériaux.
> Les types de techniques
Les prothèses mécaniques à double ailette
enrobées de pyrolyte de carbone sont utilisées
de façon plus courante : elles offrent en effet le
meilleur profil hémodynamique et finalement la
meilleure tolérance. Les prothèses biologiques
ont le mérite de ne pas obliger le patient à
utiliser des anticoagulants. Certaines de ces
prothèses sont plus efficaces, en particulier
celles qui sont constituées de péricarde de
veau. Il y a aussi, depuis quelques années, des
prothèses sans armature, provenant du cochon
qui diminuent énormément les contraintes
mécaniques, ce qui peut faire espérer une
longévité plus grande.
Pour terminer, citons une de nos études menée
à Bordeaux sur les « filets » pour lutter contre la
dilatation du ventricule et du cœur (qui est un
des témoins de l'insuffisance cardiaque) : le
principe est de mettre un filet de contention qui
évite la dilatation et améliore légèrement la
fonction ventriculaire.
Docteur Thierry Couffinhal
Cardiologue, service de cardiologie de l’hôpital du
Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux.
Le « remplacement » est envisagé lorsqu'on ne
peut plus rien faire sur une artère qui se bouche.
Avec plusieurs rétrécissements, il est impossible
de dilater les artères, de faire des pontages. On
se retrouve dans une situation où le cœur
fonctionne bien au repos. Dès que le patient fait
un effort, le cœur consomme plus d'oxygène
mais les vaisseaux n'arrivent pas à lui amener
cet oxygène. Car ils sont de mauvaise qualité et
on ne peut ni les dilater ni les ponter.
Actuellement, la population vieillissant, on a de
plus en plus de maladies des vaisseaux.
Autre cas où un remplacement est
« envisagé » : après un gros infarctus du
myocarde. L'artère se bouche et une partie du
cœur meurt. Le tissu lésé est remplacée par une
fibrose (un tissu fibreux et dense qui ne sait plus
se contracter). Si l'infarctus est important, le
reste du cœur sain n'arrive pas à compenser et
l’on est dans l'insuffisance cardiaque. Les
nouveaux médicaments très performants et les
nouvelles techniques de chirurgie, très
performantes également, sont souvent lourdes
et ne peuvent pas s'appliquer à tous.
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> Les solutions de la recherche
Quelques chercheurs dans le monde sont en
train de faire « pousser » des vaisseaux dans
leurs boîtes de culture. La grande révolution du
début des années 1990 est l'angiogenèse*
thérapeutique : le principe théorique serait de
donner des médicaments ou des molécules qui
font pousser de nouvelles artères qui
viendraient remplacer les mauvaises artères.
En quelques années, les chercheurs ont trouvé
une dizaine de molécules qui font pousser les
vaisseaux. Ces molécules ont immédiatement
été testées chez l'animal et les premiers essais
ont commencé chez l'homme, mais comment
va-t-on utiliser ces molécules qui existent dans
le corps et qui font pousser naturellement les
vaisseaux à certains moments de la vie,
notamment lors de l'embryogenèse, lorsque le
fœtus se développe ? Comment faire pour que
ces molécules restent plus longtemps dans les
tissus et dans le cœur notamment ? On a pensé
à utiliser la thérapie génique : au lieu de la
molécule elle-même. On va utiliser le gène qui
va coder la molécule, car le gène, une fois entré
dans la cellule, va y rester assez longtemps et
va pouvoir faire fabriquer à la cellule la molécule
qui fera repousser le vaisseau. Dans les années
1995, c’était révolutionnaire. Depuis, de
nombreux essais de thérapie génique à visée
angiogénique ont été réalisés : on introduit un
gène qui code une molécule qui va faire pousser
les vaisseaux. Ces études sont en cours, elles
sont longues, délicates et présentent un
problème d’éthique. Mais cette thérapie génique
où on introduit un gène médicament ne doit pas
être confondue avec une thérapie génique où
l'on remplace un bout du génome.
En 1997, une équipe de chercheurs a trouvé
que dans le corps humain normal existaient des
cellules capables de se transformer en d'autres
cellules. Ils ont cultivé ces jeunes cellules dans
une boîte, avec des inducteurs, et ont montré
qu’elles pouvaient devenir des cellules de
vaisseaux ou de cœur. On espère mettre ces
cellules dans le cœur et faire en sorte qu’elles
se transforment et créent de nouveaux
vaisseaux. Une autre application possible
concerne les malades qui ont un gros infarctus
et dont les cellules du cœur ont disparu. Les
nouvelles cellules vont pouvoir remplacer les
cellules mortes du cœur. On espère que ces
nouvelles cellules se transformeront en cellules
cardiaques.
L’utilisation des biomatériaux
Professeur Laurence Bordenave
Directrice de l’unité Inserm 577 « Biomatériaux et
réparation tissulaire » Bordeaux.
Qu'est-ce qu'un biomatériau ? Les biomatériaux
sont en pleine expansion dans leurs diverses
applications et leurs modifications. Cette notion
est en réalité très ancienne. On a retrouvé chez
des momies égyptiennes des traces d'utilisation
de biomatériaux ; les gladiateurs également
voyaient leurs plaies réparées par des fils de
soie. Au fil des années, l'utilisation des
biomatériaux s'est précisée.
Après la seconde guerre mondiale, la
communauté scientifique internationale a
entrepris des travaux de recherche précis sur un
biomatériau. A partir de 1985, la communauté
internationale les a définis comme des
matériaux non vivants, utilisés pour faire du
diagnostic et aider également en thérapeutique.
Il existe plus d’un millier de variétés, comme par
exemple, l'abaisse-langue utilisé dans l’examen
de la gorge et qui est un matériau non vivant
pour faire un diagnostic. Dans cette grande
variété de biomatériaux, certains sont d'origine
naturelle, comme le corail qui comble des pertes
de substance osseuse, ou d'origine artificielle.
La biocompatibilité* est une propriété essentielle
à prendre en compte car le matériau, au contact
d'un tissu vivant, doit être accepté et intégré par
ce dernier. L'idéal est que le biomatériau soit
tellement bien accepté qu'au fil du temps, il
disparaisse pour laisser la place à du tissu
nouvellement formé. Le corail, par exemple, a
une structure microporeuse, un peu comme une
éponge, et lorsque ce type de matériau est
implanté pour combler un manque dans un os,
on espère que l'os se reformera petit à petit et
colonisera les pores du corail pour que l'os
nouvellement formé prenne la place et que le
corail se dégrade petit à petit.
> L'utilisation de biomatériaux pour
remplacer des artères bouchées
Actuellement, on utilise des valves artificielles
pour remplacer les valves endommagées et on
sait que certains biomatériaux au contact du
sang ont des propriétés meilleures que d'autres.
Une équipe marseillaise avait envisagé, il y a
une quinzaine d’années, la mise au point d’un
cœur artificiel. Notre unité de recherche avait
testé la biocompatibilité de ces matériaux
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carbonés. Mais ce cœur artificiel n'a pas
débouché sur une concrétisation clinique.
En matière de biomatériaux, dans le domaine de
la chirurgie vasculaire, les chirurgiens, lorsqu'ils
n'ont pas la possibilité d'avoir un greffon veineux
ou artériel de bonne qualité pour remplacer une
artère de jambe, utilisent les biomatériaux. Ceux
que les chirurgiens utilisent dans le
remplacement des vaisseaux sont de deux
ordres :
> Les biomatériaux utilisés dans le domaine de
l'industrie textile, par exemple le polyester, le
Dacron. C’est une matière qui est parfaitement
extensible, d'un diamètre assez important,
censé remplacer l'extrémité inférieure de l'aorte
avec sa bifurcation qui va normalement
remplacer les deux artères qui naissent de
l'aorte.
Les industriels savent fabriquer des prothèses
vasculaires de diamètres différents, petit ou
gros, de façon à s'adapter aux besoins de
l'artère à remplacer. Ce type de matériau doit
s'adapter au courant sanguin qui est à forte
pression dans les artères et avoir des propriétés
mécaniques essentielles. En outre, au contact
de ce biomatériau, il ne faut pas que le sang
coagule. La biocompatibilité nécessite que les
matériaux aient des propriétés mécaniques et
des propriétés superficielles adéquates pour la
relation sang-biomatériau. L'organisme humain
est fait de telle façon que lorsqu'on interpose un
corps étranger, il réagit. Lorsque l'on remplace
une artère obstruée par un biomatériau, le sang
a tendance à coaguler à son contact. Les
patients doivent donc absorber régulièrement
des anticoagulants pour fluidifier le plus possible
le sang.
Pour terminer, une approche intéressante. Des
chercheurs en Autriche ont essayé de “ mimer la
nature ”. Ils ont observé que la lumière interne
de nos vaisseaux, la face directement en
contact avec le sang circulant, était bordée par
une couche de cellules qui ont la capacité en
permanence d'éviter qu'un caillot gigantesque
ne se forme dans nos artères. Ce sont des
cellules intelligentes qui élaborent un très grand
nombre de substances et maintiennent le sang
à l'état fluide. L'idée de nos collègues
autrichiens a donc été de tenter de mimer et de
reproduire en laboratoire une structure identique
et, pour améliorer l'acceptation par l'organisme
de ces prothèses en plastique, d'ensemencer
des cellules du patient que l'on pourrait prendre
à partir d'un tout petit fragment veineux,
d'obtenir un grand nombre de ces cellules en
laboratoire, de les déposer sur la face interne de
la prothèse et d'implanter l'ensemble chez le
patient. Ce sont des prothèses artificielles
hybrides, constituées d'une composante
artificielle qui est la prothèse elle-même et d'une
composante naturelle qui sont les propres
cellules du patient repiquées sur la prothèse. Le
sang qui circule à l'intérieur de la prothèse n'a
pas d’autre contact qu'avec les propres cellules
du patient. Ces prothèses vasculaires
artificielles hybrides sont la voie de l'avenir.
> La deuxième sorte de biomatériaux utilisés en
chirurgie vasculaire est à base de Téflon® ou
encore le Gore-Tex® dont le toucher est
complètement différent. Il s'agit encore de
matières plastiques qui sont des polymères. Le
Téflon est connu pour une application
complètement différente : dans la composition
des vêtements, vêtements de ski par exemple,
ils sont hydrophobes et tiennent chaud lorsque
la température est basse. Mais il faut noter que
plus le calibre de ces matériaux est petit, plus il
y a un risque de complications. Lorsque l'on
remplace des vaisseaux qui font moins de 5 mm
de diamètre interne, c'est le risque d'obstruction
au bout de quelques années qui est la principale
complication.
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Témoignages
Pierre Bracco - « J'ai une malformation
cardiaque de naissance. J’ai été opéré la
première fois par le professeur Fontan en 1967
et réopéré trois fois ensuite (deux fois en 1977
et une fois en 1990). J'ai été maintenu sous
médicaments dans le service du docteur Dos
Santos et du professeur Choussat, qui m'ont
suivi pendant longtemps, jusqu'en novembre
2001. En 2001, le professeur Roques et le
docteur Guibaud ont pu me faire une greffe
cardiaque. J'ai une nouvelle vie maintenant, je
vais bien, j'ai des médicaments bien sûr, mais je
ne suis plus fatigué, je n'ai plus de souci, j'ai des
projets : je vais être président d'une association
et je vais ouvrir mon entreprise ».
Dr Jean-Philippe Guibaud - La transplantation
cardiaque reste le traitement curatif de
l'insuffisance cardiaque.
Docteur Pierre Dos Santos - Effectivement,
quand on voit Pierre Bracco comme ça, c'est
impressionnant : il ne vivait plus, il ne pouvait
plus marcher, il était au lit toute la journée, tout
lui était un effort insurmontable, il a évidemment
complètement changé. Malheureusement, il faut
mettre un bémol à la transplantation parce que
nous, médecins, quand on juge une technique,
on dit qu'on la juge dans l’intention de
traitement. On se demande si, sur cent patients
sélectionnés, il faut les transplanter. On suppute
combien seront toujours en vie, deux, trois,
quatre, cinq ans après. Malheureusement, il y
en a beaucoup qui vont mourir, parce qu'on ne
les aura pas transplantés.
Le problème est qu'il faut attendre le donneur
compatible avec le receveur pendant des mois,
parfois des années. A Bordeaux, on est entre
neuf et douze mois d'attente en moyenne. Pour
Pierre Bracco, cela a été beaucoup plus long. Je
ne veux pas vous faire peur, mais s'il y avait un
seul chiffre à retenir au niveau de l'insuffisance
cardiaque, il y a 50 % des patients qui meurent
entre la deuxième et la troisième année qui en
suit le diagnostic. Donc vous voyez ce que
représente un an d'attente chez des gens qui
ont 50 % de mortalité à deux ans !
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Les réponses à vos questions
« Pourquoi l'exercice physique est-il efficace
pour préserver le cœur, notamment après un
infarctus ? »
L'exercice physique est efficace essentiellement
pour deux raisons. D'abord, il va favoriser le
développement des vaisseaux cardiaques : on a
un cœur qui manque de perfusion et qui n'a pas
assez d'apport sanguin, quand on fait de
l'exercice physique, on stimule justement le
développement de ces collatéralités et on
améliore la perfusion qui est altérée. La
deuxième grande vertu de l'exercice physique,
c'est d'améliorer les muscles périphériques. Les
muscles périphériques, c'est-à-dire les muscles
des jambes, des bras, tous les muscles
finalement, sont mieux vascularisés. Or, que fait
le cœur ? Il éjecte du sang dans les vaisseaux
périphériques. Il va donc faire cette éjection
contre la résistance à l'écoulement qu'il y a dans
ces vaisseaux. Et plus cette résistance à
l'écoulement est faible, plus le cœur pourra
éjecter le sang au prix d'un travail faible, donc
avec des besoins faibles. Donc, de bons
muscles, de bons vaisseaux périphériques, c'est
moins de travail pour le cœur, vous pourrez
donc avoir une activité physique plus efficace,
en sollicitant moins votre myocarde.
« Les fruits et légumes, le poisson, les
oméga 3 ont-ils un réel rôle de prévention
dans les maladies cardiaques ? Existe-t-il
des médicaments qui réduisent le risque
d'infarctus du myocarde ? »
Dr Thierry Couffinhal - Au sujet des fruits et
légumes, une étude française récente montre
qu'effectivement la consommation de fruits et de
légumes réduit de façon considérable la
survenue d'une maladie cardiovasculaire et la
survenue de plaques d’athéromes, c'est-à-dire
de cette maladie des artères. On ne sait pas
complètement pourquoi, mais on sait que la
consommation de cinq fruits et légumes par jour
fait baisser le taux de « mauvais cholestérol » et
augmenter le taux de bon cholestérol, fluidifie le
sang, baisse l'inflammation des artères. En fait,
les fruits et légumes agissent à plusieurs
niveaux : au niveau du métabolisme, sur les
sucres et la survenue du diabète. Cette
consommation diminue les facteurs de risques
cardiovasculaires et leur survenue. Il n'y a pas
de doute sur le fait qu'une alimentation
équilibrée qui comporte beaucoup de fruits, de
légumes et de poisson fait baisser de façon
considérable la survenue des maladies
cardiovasculaires. On sait que dans le sud de la
France et de l'Europe, on consomme beaucoup
plus de fruits et légumes, moins de viande que
dans le nord, et que le taux de maladies
cardiovasculaires, le taux d'infarctus, le taux
d'angines de poitrine est moindre dans le sud de
la France et dans le sud de l'Europe. Il faut
consommer du poisson au moins deux fois par
semaine et cinq fruits et légumes par jour, pour
avoir un effet protecteur.
« Y a-t-il un lien entre le diabète et les
maladies du cœur, et pourquoi ? »
Le lien entre le diabète et les maladies
cardiaques est un lien effectif. Cela fait une
dizaine d'années qu'on s'est rendu compte que
le diabète provoquait énormément d'infarctus du
myocarde et de maladies des artères. Le lien
est assez complexe au niveau biologique. Le
diabète, c'est le fait d'avoir un taux de glucose
dans le sang plus élevé que la normale.
Normalement on a un gramme de glucose dans
le sang, à peu près en permanence, un peu plus
après les repas. La personne diabétique a un
taux de glucose dans le sang qui est beaucoup
plus élevé, en permanence au-delà de 1,3 g, et
notamment à jeun. Ce glucose se dépose sur
les cellules des vaisseaux et perturbe le bon
fonctionnement de ces cellules qui se mettent à
produire des facteurs de croissance, des
hormones un peu anormales, ce qui va
accélérer la maladie du vaisseau et le fait que le
vaisseau va se boucher. En plus, le taux élevé
de glucose dans le sang entraîne une
coagulation plus importante du sang qui aura
tendance à former des caillots et des bouchons.
Donc, la maladie des artères et la maladie du
sang induite par ce taux de glucose élevé font
que les patients qui ont un diabète ont
beaucoup plus souvent des maladies
cardiovasculaires.
« Je suis atteinte d'hypertension artérielle et
j'ai fait, il y a quelques mois, une
hypertension assez élevée qui a entraîné un
oedème cérébral. Je voudrais savoir si à la
suite de cela, je risque un infarctus ? En
particulier, il m'a été donné en urgence du
Loxen®. Or, j'ai lu, il y a très peu de temps,
dans la revue “ Prescrire ”, que le Loxen®
était dangereux et qu'il pouvait notamment
provoquer un infarctus. Je voudrais donc
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savoir si, en cas de problème, je peux
continuer à prendre ce médicament. »
Vous avez une hypertension artérielle maligne,
étant donné la complication dont vous avez fait
l'expérience, qui est effectivement une
complication grave. Il est clair qu'avec une
hypertension artérielle comme celle-là, il faut
absolument que vous ayez un bilan cardiaque,
épreuve d'effort et échographie cardiaque, parce
que l'existence d'une hypertension artérielle
augmente la probabilité d'avoir un problème au
cœur. Donc tout hypertendu doit faire attention à
son cœur, il doit d'autant plus faire attention que
l'hypertension artérielle est une maladie qui se
traite, et quand on traite une hypertension
artérielle, on diminue les complications
cardiaques.
Pour en revenir au problème du Loxen®,
effectivement, c'est un médicament qui, dans
certaines conditions (certaines formes d'angor
qu'on appelle l'angor instable, à la phase aiguë
d'un infarctus du myocarde), doit inciter à la
précaution. Mais dans le cadre d'une
hypertension artérielle maligne, où le problème
est le problème de l'hypertension artérielle
maligne (et non pas un problème cardiaque
aigu), le Loxen® par voie intraveineuse est un
traitement adapté à la situation en aigu. Si vous
n'avez pas de problème d'angine de poitrine ni
problème d'artère coronaire aigu, il n'y a pas
d'inconvénient à ce que vous soyez sous
Loxen®, à mon avis.
« Je voudrais poser une question au sujet de
la prise régulière des statines pour lutter
contre le cholestérol. Je prends
régulièrement des statines, et j'ai
régulièrement des crampes qui sont très
gênantes, y a-t-il un traitement pour lutter
contre ces crampes ? »
Je pense que si vous avez des crampes sous
statines, il faut aller faire une prise de sang,
parce que les statines ont effectivement parfois
un effet toxique qui peut s'exprimer sur les
muscles, pour donner ce que l'on appelle des
myolyses, qui peuvent s'exprimer sous la forme
de sensation de courbatures ou de crampes. Si
vos courbatures ou vos crampes sont en rapport
avec ce phénomène, on peut le diagnostiquer
facilement sur une prise de sang en dosant ce
qu'on appelle les CPK, les créatines
phosphokinases. Si ces CPK sont élevées, je
vous conseille d'aller voir votre médecin ou votre
cardiologue pour en discuter avec lui…
Des crampes, dans certaines conditions,
peuvent justifier que ce traitement soit arrêté.
Les statines sont des médicaments qui agissent
sur le cholestérol. Ils sont maintenant employés
pratiquement systématiquement chez tout
patient ayant un problème d'artère coronaire,
même si le cholestérol est normal. Il faut savoir
que ce médicament fait partie des rares
médicaments capables de stabiliser l'évolution
de l'athérome, et donc de diminuer la fréquence
de survenue des événements cardiaques chez
les patients coronariens. Les médicaments,
chez les angineux ou chez ceux qui ont des
infarctus du myocarde, sont les dérivés nitrés,
les calcium-bloqueurs, le Loxen®, les
bêtabloquants, les agonistes calciques etc. Il
faut savoir que ces médicaments n'ont
pratiquement pas d'effet sur le pronostic de la
maladie, à de rares situations près. En
revanche, il y a des médicaments qui n'agissent
pas sur les symptômes, comme les statines,
l'aspirine, les inhibiteurs de l'enzyme de
conversion, mais qui agissent au niveau des
plaques d'athérome et ralentissent, voire
stabilisent l'évolution de la maladie. On ne
connaît pas, à l'heure actuelle, de médicament
capable de faire régresser significativement ces
plaques.
« Je voudrais savoir ce qu'est un infarctus
massif ? Mon mari est décédé au mois de
mars d'un infarctus massif ; il n'avait aucun
traitement auparavant et avait une vie
saine. »
On croit souvent que l'infarctus du myocarde est
un processus qui survient chez des malades
chroniques, qui ont une longue évolution de leur
maladie. Il faut absolument se débarrasser de
cette idée reçue. Une fois sur deux chez
l'homme, dans 40 % des cas chez la femme, la
première douleur dans la vie du patient, c'est un
infarctus. Un infarctus, ce n'est pas une artère
coronaire qui se rétrécit, c'est une artère
coronaire qui se bouche. Donc, le cœur, non
seulement ne reçoit pas assez de sang pour
satisfaire à ses besoins, mais il n'en reçoit
même plus du tout. Et lorsqu'une cellule ne
reçoit plus le matériel qu'il lui faut pour fabriquer
de l'énergie, c'est-à-dire de l'oxygène, du
glucose et des acides gras, elle meurt. C'est
cela, l'infarctus du myocarde ; c'est la mort d'une
partie du muscle cardiaque, secondaire du fait
qu'un vaisseau s'est bouché. L'infarctus massif,
c'est la mort d'une grosse partie du cœur. Si un
vaisseau se bouche près de son extrémité, il y a
peu de tissu myocardique qui souffre et qui
meurt. Si le vaisseau se bouche proche de son
départ, tout le tissu musculaire qui est en aval
de ce bouchon va potentiellement mourir. Donc
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un infarctus massif, c'est en général un bouchon
proximal sur une artère principale du cœur, et
effectivement c'est très souvent un événement
mortel.
« Quelles sont les causes et les remèdes de
l'arythmie ? A quoi cela correspond-il quand,
lors d'un choc électrique, on applique 300
joules pour régulariser le cœur ? Peut-on
espérer qu'un jour, on puisse fabriquer un
pacemaker qui pourrait complètement
réguler l'activité électrique du cœur ? »
L'arythmie, la fibrillation auriculaire, c'est une
oreillette qui ne bat plus de façon cohérente
avec les autres cavités du ventricule. Les
causes principales en sont les cardiopathies
ischémiques et les cardiopathies valvulaires.
Souvent à l'occasion d'une dilatation ou d'une
souffrance tissulaire, ces cavités ne battent plus
de façon synchrone. Il y a d'abord le traitement
médicamenteux, la Cordarone, que l'on peut
donner. A partir d'un certain niveau de dilatation,
cela n'est plus efficace. On est alors obligé
d'envisager ce que l'on appelle des fulgurations
qui sont effectuées par voie endocavitaire. On
ne peut pas proposer une indication chirurgicale
de cure de fibrillation auriculaire simplement
pour la fibrillation auriculaire. On a des
techniques qui sont peut-être un peu longues,
mais qui sont beaucoup moins lourdes que
d'effectuer un geste chirurgical. On ne va faire
cette cure de fibrillation auriculaire chirurgicale
que si on a un autre geste associé : soit un
remplacement valvulaire, soit un pontage
coronaire. Le principe consiste à découper un
peu cette oreillette, parce qu'il y a une certaine
quantité de tissu et surtout un certain diamètre
d'oreillette. Lorsque l'oreillette devient trop
distendue, on ne peut plus récupérer le rythme
sinusal. Le fait de scinder, de couper cette
oreillette, selon un diagramme bien précis,
permet de récupérer une activité sinusale, dans
70 % des cas seulement. L'activité sinusale,
c'est une activité normale, c'est-à-dire la
contraction coordonnée des auricules avec les
ventricules. Des défibrillateurs sont proposés
pour les troubles du rythme ventriculaire. Pour
ce qui est des troubles du rythme auriculaire, je
passe la parole.
Dr Pierre Dos Santos - Quand on est
rythmologue, on traite deux problèmes : soit le
cœur est trop lent, soit trop rapide. Quand on
parle d'arythmie, de fibrillation auriculaire, on
parle donc d'un cœur trop rapide. Il peut être
trop rapide et irrégulier, ou trop rapide et
régulier. Lorsqu'il est trop rapide et irrégulier,
c'est la fibrillation auriculaire dont on a parlé tout
à l'heure. Il y a des médicaments, et il y a des
techniques où l'on monte des sondes pour aller
faire un peu la même chose que ce que l'on fait
avec la chirurgie, mais c'est peut -être plus
délicat à réaliser. Quand le cœur est trop lent, il
faut remplacer la commande du rythme
cardiaque qui est trop lente par une pile ou un
stimulateur.
Normalement, le cœur fonctionne parce qu'il y a,
dans une partie du cœur qu'on appelle le nœud
sinusal, un petit îlot de cellules qui, toutes les
secondes, envoient une décharge électrique qui
se propage au muscle. Quand cette décharge
arrive au muscle, il se contracte. Donc, toutes
les secondes, il y a une petite décharge, et
toutes les secondes, le cœur se contracte. Il se
contracte à peu près soixante fois par minute.
S'il est trop lent et que la commande sinusale
est trop lente, ce sera trente fois par minute au
lieu de soixante fois. Si l'influx est bloqué (parce
que quelque chose l'empêche de passer),
comme un câble électrique que l'on aurait coupé
et qui ne laisse plus passer l'électricité, on
remplace cette commande déficiente par une
pile que l'on place en général sous la clavicule
gauche, immédiatement sous la peau ; cette pile
est connectée à des câbles que l'on appelle des
sondes, que l'on va passer dans les veines pour
les amener dans l'oreillette ou dans le
ventricule, ou dans les deux. Cette pile et ces
sondes vont remplacer la commande électrique
déficiente chez le patient. Ces piles permettent
maintenant de retrouver une qualité de
contraction et une qualité de stimulation et
d'activation cardiaque pratiquement aussi
bonnes qu'une commande normale. Leur défaut,
– qui l'est de moins en moins – c'est qu'elles ont
une durée de vie limitée, entre sept et dix ans, il
faut remplacer cette pile. Mais remplacer une
pile, c'est beaucoup moins traumatisant et
beaucoup plus facile que lorsqu'on la met la
première fois ! Et c'est sous anesthésie locale.
« Un malade a eu un pontage en 1998.
Malheureusement, ce pontage s'est bouché,
et à cette époque, il n'a pas été possible de
ré-intervenir sur cette thrombose.
Maintenant, avec les techniques nouvelles,
serait-il possible de faire quelque chose ? »
Malheureusement, il y a encore ce type de cas.
Il est toujours très difficile de discuter d'un cas
clinique : pour proposer un traitement, il faut voir
les vaisseaux, et il faudrait donc que nous
voyions les vaisseaux de ce patient, pour
confirmer qu'effectivement, rien n'est possible.
Mais je confirme que malheureusement, la
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thrombose d'un pontage aorto-coronarien est
encore une impasse thérapeutique. Il n'y a pas
grand-chose que l'on puisse faire, à part
réopérer ce patient. On peut éventuellement
essayer de déboucher ce pontage par une
dilatation au ballonnet, mais on sait très bien
que statistiquement, quand on débouche un
pontage, il se rebouche pratiquement toujours
dans les semaines qui suivent, et donc on sera
intervenu et on aura fait prendre des risques au
patient pour rien. Donc, si ce patient continue à
avoir non pas une vie normale, mais une vie
agréable et acceptable grâce aux médicaments,
si la qualité de la contraction de son cœur est
bonne, peut-être qu'effectivement, le traitement
médicamenteux est la meilleure thérapeutique
possible pour lui. Il y aura peut-être une solution
à ce type de problème dans quelques années,
grâce aux thérapeutiques d'angiogenèse (faire
repousser le vaisseau), mais elles ne sont pas
encore disponibles. D'autre part, la repousse
des vaisseaux est un phénomène qui se produit
naturellement. Donc, si la personne a une vie
saine et fait régulièrement de l'exercice, on ne
peut pas exclure que paradoxalement, les
symptômes s'améliorent au lieu de s'aggraver.
« Peut-on récupérer une activité physique
normale après un triple pontage, y compris
une activité sexuelle ? »
Oui, j'ai notamment parmi mes patients, des
personnes qui ont eu trois ponts et qui courent
le marathon. Pour l'activité sexuelle, dans
l'immense majorité des cas, le but des
techniques de revascularisation, c'est de donner
au patient la possibilité de retrouver une vie
normale. Donc, dans une vie normale, il y a de
l'activité sexuelle. Une façon de le savoir,
souvent, c'est de faire une épreuve d'effort.
« Quelle est la durée de vie d'un pontage ? »
Cela dépend su type de pontage, parce
qu'actuellement il y en a deux grands types.
Cela dépend aussi du type du greffon. Soit c'est
un greffon artériel, soit c'est un greffon veineux.
Pour un greffon artériel, des études sont
actuellement en cours, on estime qu'il peut durer
plus de vingt ans. Il y a une congruence entre le
tissu qui est ponté, c'est-à-dire une artère
coronaire, et le greffon qui est une artère
mammaire ou une artère radiale. Il y a une sorte
de congruence fonctionnelle, qui fait que le
greffon n'a à s'adapter ni au régime circulatoire
ni au régime hémodynamique. Mais jusqu'à
récemment, on faisait des pontages avec des
greffons veineux saphènes parce que c'était
plus facile à prélever, et on a estimé que c'était
des greffons de bonne qualité. Le problème,
c'est qu'un greffon veineux saphène travaille
dans un régime de pression veineux, et non
dans un régime de pression artérielle. Donc il va
falloir que ce greffon s'adapte, mais l'adaptation
se fait aux dépens de la qualité : le greffon va
s'altérer, c'est ce qui le rend beaucoup plus
vulnérable. On estime actuellement que les
greffons veineux saphènes tiennent une
quinzaine d'années. Mais cette valeur est
comme une courbe de Gauss : c'est une
moyenne. Il y a des gens qui ont été réopérés à
plus de vingt ans, par exemple pour changer
une valve, et qui avaient des greffons veineux
saphènes qui étaient comme si on les avait
opérés la veille. En revanche, il y a des gens
que l'on a été obligé de reprendre quelques
mois plus tard ou quelques années plus tard,
parce que le greffon était bouché comme s'il
avait eu une maladie athéromateuse*. Il faut
aussi parler de l'importance de la maîtrise des
facteurs de risques : quelqu'un qui est ponté, qui
continue à fumer, qui ne traite pas son
hypertension, qui ne surveille pas son
cholestérol, qui n'a pas d'activité, rebouchera
plus facilement son pontage que quelqu'un qui
va prendre sa maladie en charge et qui arrêtera
toute exposition aux facteurs de risques.
« Peut-on parler des effets secondaires de la
ciclosporine* sur un greffé, au niveau des
reins en particulier ? Où en sont les cellules
souches ? Au niveau du don d'organes,
personnellement, j'y crois de moins en
moins. Je voudrais savoir où en est le cœur
artificiel, s'il y a une autre solution ? »
Vous avez tous entendu parler du phénomène
de rejet : tout organisme vivant est organisé
pour reconnaître ce qui lui appartient et ce qui
vient de l'extérieur. Chaque fois que quelque
chose vient de l'extérieur, que ce soit du
matériel artificiel ou du matériel biologique,
virus, bactéries ou transplantation d'organes, cet
organisme ressent le caractère étranger de ce
qui l'a pénétré et fait tout pour le rejeter. Quand
on introduit un organe étranger qui vient de
quelqu'un d'autre, l'organe d'un donneur, dans
l'organe d'un receveur, le receveur met en route
tout une batterie de réactions
immunobiologiques qui vont tendre à rejeter cet
organe étranger. La difficulté de la
transplantation est précisément de maîtriser ce
problème de rejet. La transplantation a été un
problème résolu du point de vue technique bien
avant qu'il n'ait été résolu du point de vue
immunologique, jusqu'à l'avènement de la
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ciclosporine. La ciclosporine fait partie de ces
médicaments qui sont utilisés pour bloquer,
diminuer, inhiber cette réaction de l'organisme à
l'introduction d'un organisme étranger. Mais la
ciclosporine a des effets toxiques : au niveau du
rein, une insuffisance rénale peut se
développer. On peut aussi aller jusqu'à faire une
transplantation rénale à un patient qui a déjà eu
une transplantation cardiaque !
Thierry Couffinhal - Le cœur artificiel est un
système qui serait totalement implantable : à la
place du cœur du malade, on remet un cœur
complètement artificiel. Les complications et les
problèmes sont nombreux. Tout d'abord, trouver
un revêtement à l'intérieur de cette machine qui
puisse être biocompatible, qui ne déclenche pas
la formation de caillots. On est obligé d'avoir des
anticoagulants, et même en ayant des
anticoagulants, il y a formation de caillots. Il y a
aussi un problème d'énergie : cette machine, il
faut la faire marcher. Or, actuellement, les
systèmes développés ont toujours des
autonomies très limitées et les matériels
proposés très chers… D'un autre côté, les
assistances circulatoires sont des systèmes que
l'on met en parallèle voire en série sur le cœur,
mais ne le remplacent pas complètement. On
s'en sert quotidiennement pour pallier des
défaillances. Ce sont des systèmes qui peuvent
rester implantés plusieurs semaines, voire
plusieurs mois. Ce sont des “ ponts à la
transplantation ” : les gens qui ont ces systèmes
d'assistance circulatoire sont à l'hôpital en
attendant d'avoir un cœur.
Docteur Pierre Dos Santos - Pour vous donner
une idée de la quantité d'énergie qu'il faut,
sachez que le cœur brasse à peu près 7 000
litres de sang par jour.
« J'ai lu dans un magazine qu'il y aurait une
étude clinique portant sur 300 patients qui
auraient été traités par greffe de myoblastes
pour des infarctus graves. Que pensez-vous
de cette technique ? Quelles sont ses limites
et ses perspectives ? »
Cette étude a été démarrée par un Français, le
professeur Ménasché. Il a été le premier au
monde à réaliser ce type d'intervention, il y a
deux ou trois ans maintenant. Cette intervention
consiste à prendre des cellules immatures d'un
muscle périphérique au niveau de la cuisse,
plus jeunes que les cellules musculaires. On
cultive ces cellules par millions, on ouvre le
thorax du patient et on injecte ces cellules dans
la zone fibreuse du coeur, à différents endroits,
en comptant sur le fait qu'elles reformeront un
muscle, ce qui sera toujours mieux de toute
façon qu'une zone fibreuse qui ne se contracte
pas et qui gène finalement le cœur. Cette étude
représente une grosse avancée. Elle montre
qu'on peut cultiver des cellules et que l'on peut
les réinjecter dans le cœur. Mais on s'est aperçu
que les personnes chez qui on injectait ces
cellules faisaient des troubles du rythme, un peu
plus fréquemment que les autres. Ce n'est donc
pas toujours sans inconvénient. On s'est aperçu
également que l'on avait beau injecter des
millions de cellules, au bout de quelques jours, il
n'en restait plus que quelques centaines de
mille. Beaucoup de cellules mourraient dans le
cœur dès les premières heures. On s'aperçoit
aussi que ces cellules musculaires parviennent
dans le cœur à se rejoindre entre elles, mais
qu'elles n'arrivent pas à communiquer avec le
reste du cœur. C'est une grande voie d'avenir,
mais on n'y est pas encore arrivé.
« Une douleur dans la poitrine qui
disparaîtrait avec la prise d'aspirine pourraitelle être une douleur d'origine cardiaque ? »
A priori, c'est un très mauvais argument. La
douleur d'origine cardiaque est une douleur qui
heureusement est relativement bien décrite et
bien systématisée. C'est une douleur qui, en
général, prend toute la poitrine, ce n'est pas un
point de côté. Ça ne gratouille pas, ça ne
chatouille pas, ça serre, on le ressent comme un
poids. Le malade dit d'ailleurs souvent qu'il se
sent oppressé comme s'il était dans un étau.
Autre grande caractéristique : la plupart du
temps (pas toujours, évidemment), cette douleur
survient à l'effort, quand les besoins du cœur
augmentent, elle disparaît au repos. Enfin, elle a
souvent tendance à irradier vers les mâchoires,
vers le bras gauche. L'aspirine n'est pas un bon
critère, mais un très bon critère est la prise de
trinitrine, qui existe en petite bombe. Quand on
a cette douleur, et qu'on se met une giclée de
trinitrine sous la langue, si la douleur disparaît
en moins d'une minute, c'est hautement suspect
de pathologie coronarienne. Quand une douleur
a tous les critères que je viens de vous décrire,
le diagnostic de coronaropathie à une
probabilité supérieure à 90 %.
« Peut-on remédier aux douleurs dans la
zone du sternum après une intervention ? »
Souvent, ces douleurs résiduelles après
sternotomie* sont dues au fait que les “ fils
d'acier ” restent. Donc, il suffit d'aller effectuer
une ablation des fils d'acier : on reprend
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l'incision, on enlève ces fils d'acier, et neuf fois
sur dix, on arrive à résoudre ces douleurs. Si
vraiment les douleurs persistent, il faut
envisager un traitement à la douleur, un peu
plus spécialisé.
« Je voudrais connaître les risques d'une
coronarographie sur le système cérébral ? »
La coronarographie est un examen invasif. On
le propose pas à n'importe qui. On sélectionne
les patients pour lesquels cet examen sera
bénéfique, parce que l'on est déjà presque sûr
qu'ils ont la maladie. Les risques cérébraux sont
rares. Ils sont inférieurs à 0,1 %. Il s’agit d’un
risque de créer une embolie : on promène des
cathéters dans les vaisseaux, donc on risque de
détacher des fragments d'athéromes qui sont
collés sur les parois des artères. On risque
d'aller décoller de petits bouts de caillots qui
sont à l'intérieur du ventricule gauche, et ces
caillots peuvent migrer vers le cerveau et
provoquer un accident vasculaire cérébral
(AVC). Le risque global d'avoir un incident lors
d'une coronarographie est de 1 % si l'on
additionne tous les incidents, comme les
problèmes de saignement, d'hématome...
Il y a également un risque vital, on peut mourir
lors d'une coronarographie, mais c'est rare.
« Quelles sont les conséquences d'une
chimiothérapie pour le cœur s'il est déjà
touché ? »
Un bon nombre de chimiothérapies, assez
largement employées, notamment en
hématologie, ont une toxicité cardiaque. Elles
vont atteindre le muscle cardiaque, agir sur les
cellules du cœur, à l'intérieur de la mitochondrie,
et certains patients ont une qualité de la
contraction du cœur qui s'en trouve altérée. La
contraction cardiaque est plus faible, c'est-à-dire
que le cœur ne sera plus capable d'assurer un
débit sanguin normal. Tous les patients qui vont
subir une chimiothérapie ont un examen qu'on
appelle l'échographie cardiaque, destiné à
vérifier qu'il n'y a pas déjà une atteinte du cœur
qui pourrait être inconnue. Malheureusement,
des patients ont déjà une atteinte cardiaque qui
peut parfois contre-indiquer formellement le
traitement. Cela nécessitera simplement une
adaptation du traitement, une adaptation des
doses et un aménagement de la durée du
traitement. La toxicité de certaines
chimiothérapies anticancéreuses pour le
myocarde est effectivement un point sensible.
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Pour en savoir plus :
> Les biomatériaux
http://www.frm.org/informez/info_ressources_dossiers_article_sommaire.php?id=34
> Les maladies cardiovasculaires
http://www.frm.org/informez/info_ressources_dossiers_article_sommaire.php?id=15
> La première greffe de cellules musculaires dans le muscle cardiaque
http://www.frm.org/informez/info_dons_article.php?id=105
Glossaire :
> Ambulatoire : se dit d’un examen ou d’une intervention réalisé à l’hôpital, en quelques minutes ou quelques
heures ; ne nécessitant donc pas un séjour à l’hôpital.
> Angiogenèse : genèse des vaisseaux.
> Athérosclérose : dégénérescence fibreuse des parois des artères avec formation d’une plaque d’athérome*.
> Athérome : dépôt lipidiques au niveau des artères et pouvant les obstruer.
> Athéromateuse (maladie -) : maladie caractérisée par la formation d’une plaque d’athérome*.
> Biocompatibilité : capacité des matériaux à être « compatible » avec les tissus vivants. Cette propriété est
notamment très recherchée dans la fabrication des prothèses.
> Ciclosporine : substance pharmaceutique modulant la réponse immunitaire naturelle de l’organisme. Elle est
utilisée pour limiter les risques de rejet de greffe.
> Coronarographie : radiographie des artères coronaires.
> Coronaropathie : maladie des artères coronaires.
> IRM : imagerie par résonance magnétique.
> Re-sténose : re-diminution du diamètre d’un vaisseaux.
> Sternotomie : acte chirurgicale consistant en une incision ou une découpe du sternum.
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