De nouvelles technologies
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De nouvelles technologies au service du cœur et des vaisseaux Avec la participation de : SOMMAIRE Explorer et restaurer les vaisseaux………………………………………………… p. 2 Réparer : les progrès de la chirurgie cardiaque…………………. p. 3 Remplacer : cellules souches et biomatériaux………………………. p. 5 Témoignages………………………………………………… Les réponses à vos questions …………………………… Pour en savoir plus ………………………………………... Glossaire…………………………………………………….. p. 7 p. 8 p.14 p.14 > Dr Pierre Dos santos Cardiologue, service de cardiologie de l’hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux. > Dr Jean-Philippe Guibaud Chirurgien cardiaque, hôpital du Haut-Lévêque CHU de Bordeaux. > Dr Thierry Couffinhal Cardiologue, service de cardiologie de l’hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux. > Pr Laurence Bordenave Directrice de l’unité Inserm 577 « Biomatériaux et réparation tissulaire » Bordeaux. > Ces propos ont été recueillis à l’occasion d’un débat organisé par la Fondation Recherche Médicale 1 dans le cadre de ses Journées , le 19 septembre 2003, à l’Université Victor Ségalen de Bordeaux. Ce débat était animé par Laurent Romejko, journaliste de France 2. > Ce dossier est également disponible sur le site web de la Fondation Recherche Médicale www.frm.org > Les termes avec astérisque (*) sont définis ou explicités dans le glossaire ou dans la rubrique Pour en savoir plus en page 14. > Dossier publié le 15 novembre 2003. 1 Du 9 au 23 septembre 2003, la Fondation Recherche Médicale organisait 7 débats grand public dans 6 villes de France (Paris, Rennes, Bordeaux, ClermontFerrand, Nice, Grenoble). Le public a pu y rencontrer médecins et chercheurs, leur poser des questions et dialoguer avec eux. F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 1 Explorer et restaurer les vaisseaux Docteur Pierre Dos Santos Cardiologue à l'hôpital Haut-Lévêque de Bordeaux Chef d'équipe à l'unité 441 de l'Inserm. L'athérosclérose* est la première cause de mortalité en France. L’athérosclérose est connue par ses conséquences : l'infarctus du myocarde, l'angine de poitrine, l'insuffisance cardiaque ou la mort subite cardiaque. C'est un véritable problème de santé publique. Environ 120 000 infarctus par an en France et plus de 40 000 morts. Le premier problème que le cardiologue rencontre est celui du dépistage. Le cardiologue se trouve d'un seul coup confronté à un patient qui se plaint de douleurs dans la poitrine. Lorsqu'un patient a mal dans la poitrine, le médecin ou le cardiologue se demande si la douleur est liée à une coronaropathie*. Il doit toujours faire le pari qu'une maladie fréquente est présente. Si l'on parie sur quelque chose de fréqent, on a plus de chances de le trouver ! Et il est très important de détecter une maladie potentiellement mortelle pour prendre les mesures qui s'imposent. Une fois la maladie détectée, des stratégies thérapeutiques très efficaces pour diminuer de façon importante la mortalité de nos patients et améliorer leur pronostic et leur qualité de vie sont mises en œuvre. La douleur dans la poitrine est un symptôme très fréquent, tout le monde en a fait un jour l'expérience. Le médecin ou le cardiologue ne mettent pas en œuvre des examens invasifs, coûteux, dangereux et traumatisants pour le patient, pour simplement détecter la maladie. Cette maladie doit pouvoir être détectée par des examens non invasifs comme l'épreuve d'effort : on met le patient sur un vélo ou sur un tapis roulant. Il faut un effort qui augmente les besoins du cœur en sang. Si le patient a des rétrécissements sur ses artères coronaires, ceux-ci empêcheront une perfusion normale du cœur et des manifestations apparaîtront, éventuellement sous la forme d'une douleur, mais surtout de modifications de son électrocardiogramme (ECG). On peut alors affirmer que le malade a une probabilité de 80 à 90% d'avoir une coronaropathie*. d'autres examens plus récents et moins connus sont utilisés : l'échographie de stress, la scintigraphie myocardique au thallium. A la suite de cet examen, on peut proposer la stratégie thérapeutique la mieux adaptée. Dans l'immense majorité des cas, pour être sûr de proposer le meilleur traitement possible, il faut voir les vaisseaux coronariens, évaluer leur taille, le nombre de rétrécissements, leur localisation et leur longueur, si c’est un seul vaisseau ou plusieurs qui sont atteints. Ces questions sont déterminantes pour le choix du meilleur traitement. Actuellement, on utilise la coronarographie*. C’est un examen invasif pratiqué sous anesthésie locale. On ponctionne une artère au niveau de la jambe ou du bras, puis on monte des sondes jusqu'au départ des artères coronaires. Enfin, on injecte des produits de contraste qui permettent de visualiser les artères coronaires. Cet examen nécessite une hospitalisation de quarante-huit heures et permet de proposer le traitement le plus adapté : médicaments, dilatation des rétrécissements, chirurgie. Actuellement, la cardiologie est en train de changer : la qualité de l'imagerie cardiaque non invasive est en progrès grâce à l'IRM* et au scanner. Le scanner est un examen connu, qui se fait en ambulatoire* avec une perfusion veineuse. ce n'est pas douloureux et l'examen dure dix minutes. Le cœur, avec le départ de l'aorte, les artères coronaires qui partent et vont perfuser le cœur, l'existence de rétrécissements se distinguent bien sur les images obtenues grâce à cet appareil. Par coronarographie, quand on monte un cathéter au départ des artères coronaires – technique invasive, douloureuse et coûteuse – on voit ces mêmes rétrécissements. > Les stratégies thérapeutiques Il y a trois sortes de stratégies thérapeutiques : les médicaments, les techniques chirurgicales (le pontage aorto-coronarien) et l'angioplastie. L'angioplastie est un acte qui commence comme une coronarographie* : on fait monter un cathéter au départ de l'artère coronaire, mais au lieu d’injecter un produit iodé pour voir l'artère avec les rayons X, on fait glisser dans cette artère des petits ballonnets qui sont des tubes qui se gonflent et se dégonflent. Ces ballonnets mesurent 3 millimètres de diamètre et 2 centimètres de long. On gonfle ces ballons pour F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 2 écraser le rétrécissement et idéalement le faire disparaître. Cette technique, très efficace dans l'immédiat, présente un gros problème : dans pratiquement 40 % des cas, le rétrécissement qu'on a dilaté et qu'on a fait disparaître a tendance à se reformer de manière relativement rapide, en général en moins de six mois. La recherche en cardiologie s’efforce donc de prévenir ce phénomène. Un grand nombre de médicaments ont été essayés. Certains avec de très bons résultats en recherche expérimentale sur l’animal, mais pas jamais quand ils sont appliqués chez l'homme. Le grand progrès est venu du développement des prothèses endocoronaires ou les stents, qui sont des fils métalliques fins, tressés en forme de tubes, qui servent de tuteur à l'artère. On dilate au ballon, on place ce tuteur pour éviter que le rétrécissement ne se reforme et on réduit à peu près par deux la récidive de ce rétrécissement. La dernière étape a été de rendre ces stents intelligents. alors que c'était des prothèses passives, on les a rendues actives. Grâce à des processus physico-chimiques sophistiqués, on a pu fixer sur ces prothèses des molécules qui ont une action thérapeutique et qui vont pouvoir prévenir la formation du rétrécissement. On observe qu’une re-sténose* se forme dans 5% seulement des cas au lieu de 30 à 40% auparavant. le problème n'est donc pas totalement résolu, mais en tout cas il est en voie de résolution. L’enjeu est d'arriver à convaincre les pouvoirs publics de l'intérêt de ces techniques, qui vont nécessiter évidemment un coût en équipement, mais dont on attend des bénéfices humains et financiers. Si ces techniques sont efficaces, les malades iront mieux, consommeront moins de médicaments, auront moins d'examens, seront moins souvent hospitalisés. Si on arrive à démontrer que le rapport coût/bénéfice est largement favorable aux patients et à la société, il est évident que ces techniques sont promises à un grand avenir et pour une grande partie de la population. Réparer : les progrès de la chirurgie cardiaque Docteur Jean-Philippe Guibaud Praticien hospitalier à l'hôpital cardiologique HautLévêque. > Les indications de la solution chirurgicale La chirurgie n'est pas la solution prépondérante mais reste importante car l'amélioration des stents et des gestes de plus en plus « osés » au sein des coronaires font reculer la revascularisation coronaire dite classique et chirurgicale. Le nombre de pontages diminue aussi progressivement. La solution chirurgicale est chargée de complications qui, malgré leur diminution constante au cours des années, restent importantes. D'où l'idée d'essayer de limiter les effets collatéraux de ces réparations chirurgicales. On sait que les pontages artériels constituent actuellement la meilleure technique de revascularisation. Si les stents actifs couverts sont très efficaces, nous avons seulement un recul de trois ans sur cette technique. Pour les pontages coronaires, le recul est de quinze ou vingt ans. Dans la chirurgie de revascularisation coronaire, pour limiter toutes ces complications hémorragiques, infectieuses, neurologiques, voire esthétiques, on a essayé de raccourcir tout simplement ces incisions. Au lieu de pratiquer une grande sternotomie*, on a tenté de limiter l’ouverture pour certaines indications chirurgicales, en particulier pour certains remplacements (valvulaire, aortique, ou mitral). En effet, une ouverture limitée diminue les pertes sanguines, les douleurs et les complications respiratoires. Des études tendent à prouver ces avantages. > Les techniques d’intervention robotisées Autre solution visant à diminuer encore les effets secondaires, les chirurgiens utilisent des appareils qui permettent de limiter les incisions en introduisant des outils et une caméra dans le thorax du patient. Aujourd’hui, le chirurgien est toujours au contact du patient. Il est habillé stérilement, mais il contrôle son geste sur un moniteur et ce sont de longues pinces qui, à l'intérieur du thorax, vont effectuer la réparation. Pour les remplacements de la valve mitrale et certaines cardiopathies congénitales comme la fermeture de communication inter-auriculaire, cette technique F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 3 est envisagée. Quand on effectue ces réparations avec une colonne vidéoscopique, on pratique une incision de 4 à 5 cm pour passer les instruments avec un automate. On franchit une étape grâce à un robot composé de bras articulés, d'une unité de commande et d'une console sur laquelle le chirurgien travaille et contrôle son intervention à l'aide d'une caméra. Au moyen de poignées particulières, il commande à ces bras articulés et leur fait effectuer les gestes qu'il souhaite faire, par l'intermédiaire de pores qui sont de petits orifices, dans le but de diminuer les abords chirurgicaux. Effectuer ces interventions de revascularisation coronaire par l'intermédiaire de ces robots et sans circulation extracorporelle ne se fait qu’en Allemagne et sur quelques opérations à cœur battant. C'est évidemment très limité. Il n'existe que quelques unités en France - un peu plus en Allemagne - qui pratiquent ce type de revascularisations qui ne concernent qu'un seul vaisseau. D’autres technologies apparaissent. En particulier, le traitement de la fibrillation auriculaire, qui se fait par voie endovasculaire, se fait aujourd’hui beaucoup plus rapidement et permet d'éviter les incisions que l'on était obligé de faire auparavant. Des techniques à partir de radiofréquence ou d'ultrasons, nous permettent de traiter la fibrillation auriculaire avec des chances de succès raisonnables. En matière d'insuffisance cardiaque, des recherches sont faites sur les assistances circulatoires et même sur le cœur artificiel. Dans le même ordre d'idées, une technique pour réparer les anévrismes de l'aorte abdominale ou thoracique se développe actuellement. Il s'agit, après un court abord au niveau de l'aine, de monter un dispositif, avec une prothèse, un peu comme les stents en cardiologie, mais pour des pathologies qui se situeraient au niveau de l'aorte thoracique et abdominale. L'avantage est plus tangible : le fait de pouvoir aller poser une prothèse à l'intérieur de l'aorte sans effectuer une thoracotomie, sans faire d'ouverture importante avec des risques de saignement importants, constitue une avancée vraiment sensible. Le problème, c'est le matériel implanté - encore perfectible - et le fait qu'il faut aussi sélectionner les patients qui sont susceptibles d’être traités par ces techniques, avec le maximum d’avantages. Remplacer : cellules souches, biomatériaux. > Les types de techniques Les prothèses mécaniques à double ailette enrobées de pyrolyte de carbone sont utilisées de façon plus courante : elles offrent en effet le meilleur profil hémodynamique et finalement la meilleure tolérance. Les prothèses biologiques ont le mérite de ne pas obliger le patient à utiliser des anticoagulants. Certaines de ces prothèses sont plus efficaces, en particulier celles qui sont constituées de péricarde de veau. Il y a aussi, depuis quelques années, des prothèses sans armature, provenant du cochon qui diminuent énormément les contraintes mécaniques, ce qui peut faire espérer une longévité plus grande. Pour terminer, citons une de nos études menée à Bordeaux sur les « filets » pour lutter contre la dilatation du ventricule et du cœur (qui est un des témoins de l'insuffisance cardiaque) : le principe est de mettre un filet de contention qui évite la dilatation et améliore légèrement la fonction ventriculaire. Docteur Thierry Couffinhal Cardiologue, service de cardiologie de l’hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux. Le « remplacement » est envisagé lorsqu'on ne peut plus rien faire sur une artère qui se bouche. Avec plusieurs rétrécissements, il est impossible de dilater les artères, de faire des pontages. On se retrouve dans une situation où le cœur fonctionne bien au repos. Dès que le patient fait un effort, le cœur consomme plus d'oxygène mais les vaisseaux n'arrivent pas à lui amener cet oxygène. Car ils sont de mauvaise qualité et on ne peut ni les dilater ni les ponter. Actuellement, la population vieillissant, on a de plus en plus de maladies des vaisseaux. Autre cas où un remplacement est « envisagé » : après un gros infarctus du myocarde. L'artère se bouche et une partie du cœur meurt. Le tissu lésé est remplacée par une fibrose (un tissu fibreux et dense qui ne sait plus se contracter). Si l'infarctus est important, le reste du cœur sain n'arrive pas à compenser et l’on est dans l'insuffisance cardiaque. Les nouveaux médicaments très performants et les nouvelles techniques de chirurgie, très performantes également, sont souvent lourdes et ne peuvent pas s'appliquer à tous. F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 4 > Les solutions de la recherche Quelques chercheurs dans le monde sont en train de faire « pousser » des vaisseaux dans leurs boîtes de culture. La grande révolution du début des années 1990 est l'angiogenèse* thérapeutique : le principe théorique serait de donner des médicaments ou des molécules qui font pousser de nouvelles artères qui viendraient remplacer les mauvaises artères. En quelques années, les chercheurs ont trouvé une dizaine de molécules qui font pousser les vaisseaux. Ces molécules ont immédiatement été testées chez l'animal et les premiers essais ont commencé chez l'homme, mais comment va-t-on utiliser ces molécules qui existent dans le corps et qui font pousser naturellement les vaisseaux à certains moments de la vie, notamment lors de l'embryogenèse, lorsque le fœtus se développe ? Comment faire pour que ces molécules restent plus longtemps dans les tissus et dans le cœur notamment ? On a pensé à utiliser la thérapie génique : au lieu de la molécule elle-même. On va utiliser le gène qui va coder la molécule, car le gène, une fois entré dans la cellule, va y rester assez longtemps et va pouvoir faire fabriquer à la cellule la molécule qui fera repousser le vaisseau. Dans les années 1995, c’était révolutionnaire. Depuis, de nombreux essais de thérapie génique à visée angiogénique ont été réalisés : on introduit un gène qui code une molécule qui va faire pousser les vaisseaux. Ces études sont en cours, elles sont longues, délicates et présentent un problème d’éthique. Mais cette thérapie génique où on introduit un gène médicament ne doit pas être confondue avec une thérapie génique où l'on remplace un bout du génome. En 1997, une équipe de chercheurs a trouvé que dans le corps humain normal existaient des cellules capables de se transformer en d'autres cellules. Ils ont cultivé ces jeunes cellules dans une boîte, avec des inducteurs, et ont montré qu’elles pouvaient devenir des cellules de vaisseaux ou de cœur. On espère mettre ces cellules dans le cœur et faire en sorte qu’elles se transforment et créent de nouveaux vaisseaux. Une autre application possible concerne les malades qui ont un gros infarctus et dont les cellules du cœur ont disparu. Les nouvelles cellules vont pouvoir remplacer les cellules mortes du cœur. On espère que ces nouvelles cellules se transformeront en cellules cardiaques. L’utilisation des biomatériaux Professeur Laurence Bordenave Directrice de l’unité Inserm 577 « Biomatériaux et réparation tissulaire » Bordeaux. Qu'est-ce qu'un biomatériau ? Les biomatériaux sont en pleine expansion dans leurs diverses applications et leurs modifications. Cette notion est en réalité très ancienne. On a retrouvé chez des momies égyptiennes des traces d'utilisation de biomatériaux ; les gladiateurs également voyaient leurs plaies réparées par des fils de soie. Au fil des années, l'utilisation des biomatériaux s'est précisée. Après la seconde guerre mondiale, la communauté scientifique internationale a entrepris des travaux de recherche précis sur un biomatériau. A partir de 1985, la communauté internationale les a définis comme des matériaux non vivants, utilisés pour faire du diagnostic et aider également en thérapeutique. Il existe plus d’un millier de variétés, comme par exemple, l'abaisse-langue utilisé dans l’examen de la gorge et qui est un matériau non vivant pour faire un diagnostic. Dans cette grande variété de biomatériaux, certains sont d'origine naturelle, comme le corail qui comble des pertes de substance osseuse, ou d'origine artificielle. La biocompatibilité* est une propriété essentielle à prendre en compte car le matériau, au contact d'un tissu vivant, doit être accepté et intégré par ce dernier. L'idéal est que le biomatériau soit tellement bien accepté qu'au fil du temps, il disparaisse pour laisser la place à du tissu nouvellement formé. Le corail, par exemple, a une structure microporeuse, un peu comme une éponge, et lorsque ce type de matériau est implanté pour combler un manque dans un os, on espère que l'os se reformera petit à petit et colonisera les pores du corail pour que l'os nouvellement formé prenne la place et que le corail se dégrade petit à petit. > L'utilisation de biomatériaux pour remplacer des artères bouchées Actuellement, on utilise des valves artificielles pour remplacer les valves endommagées et on sait que certains biomatériaux au contact du sang ont des propriétés meilleures que d'autres. Une équipe marseillaise avait envisagé, il y a une quinzaine d’années, la mise au point d’un cœur artificiel. Notre unité de recherche avait testé la biocompatibilité de ces matériaux F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 5 carbonés. Mais ce cœur artificiel n'a pas débouché sur une concrétisation clinique. En matière de biomatériaux, dans le domaine de la chirurgie vasculaire, les chirurgiens, lorsqu'ils n'ont pas la possibilité d'avoir un greffon veineux ou artériel de bonne qualité pour remplacer une artère de jambe, utilisent les biomatériaux. Ceux que les chirurgiens utilisent dans le remplacement des vaisseaux sont de deux ordres : > Les biomatériaux utilisés dans le domaine de l'industrie textile, par exemple le polyester, le Dacron. C’est une matière qui est parfaitement extensible, d'un diamètre assez important, censé remplacer l'extrémité inférieure de l'aorte avec sa bifurcation qui va normalement remplacer les deux artères qui naissent de l'aorte. Les industriels savent fabriquer des prothèses vasculaires de diamètres différents, petit ou gros, de façon à s'adapter aux besoins de l'artère à remplacer. Ce type de matériau doit s'adapter au courant sanguin qui est à forte pression dans les artères et avoir des propriétés mécaniques essentielles. En outre, au contact de ce biomatériau, il ne faut pas que le sang coagule. La biocompatibilité nécessite que les matériaux aient des propriétés mécaniques et des propriétés superficielles adéquates pour la relation sang-biomatériau. L'organisme humain est fait de telle façon que lorsqu'on interpose un corps étranger, il réagit. Lorsque l'on remplace une artère obstruée par un biomatériau, le sang a tendance à coaguler à son contact. Les patients doivent donc absorber régulièrement des anticoagulants pour fluidifier le plus possible le sang. Pour terminer, une approche intéressante. Des chercheurs en Autriche ont essayé de “ mimer la nature ”. Ils ont observé que la lumière interne de nos vaisseaux, la face directement en contact avec le sang circulant, était bordée par une couche de cellules qui ont la capacité en permanence d'éviter qu'un caillot gigantesque ne se forme dans nos artères. Ce sont des cellules intelligentes qui élaborent un très grand nombre de substances et maintiennent le sang à l'état fluide. L'idée de nos collègues autrichiens a donc été de tenter de mimer et de reproduire en laboratoire une structure identique et, pour améliorer l'acceptation par l'organisme de ces prothèses en plastique, d'ensemencer des cellules du patient que l'on pourrait prendre à partir d'un tout petit fragment veineux, d'obtenir un grand nombre de ces cellules en laboratoire, de les déposer sur la face interne de la prothèse et d'implanter l'ensemble chez le patient. Ce sont des prothèses artificielles hybrides, constituées d'une composante artificielle qui est la prothèse elle-même et d'une composante naturelle qui sont les propres cellules du patient repiquées sur la prothèse. Le sang qui circule à l'intérieur de la prothèse n'a pas d’autre contact qu'avec les propres cellules du patient. Ces prothèses vasculaires artificielles hybrides sont la voie de l'avenir. > La deuxième sorte de biomatériaux utilisés en chirurgie vasculaire est à base de Téflon® ou encore le Gore-Tex® dont le toucher est complètement différent. Il s'agit encore de matières plastiques qui sont des polymères. Le Téflon est connu pour une application complètement différente : dans la composition des vêtements, vêtements de ski par exemple, ils sont hydrophobes et tiennent chaud lorsque la température est basse. Mais il faut noter que plus le calibre de ces matériaux est petit, plus il y a un risque de complications. Lorsque l'on remplace des vaisseaux qui font moins de 5 mm de diamètre interne, c'est le risque d'obstruction au bout de quelques années qui est la principale complication. F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 6 Témoignages Pierre Bracco - « J'ai une malformation cardiaque de naissance. J’ai été opéré la première fois par le professeur Fontan en 1967 et réopéré trois fois ensuite (deux fois en 1977 et une fois en 1990). J'ai été maintenu sous médicaments dans le service du docteur Dos Santos et du professeur Choussat, qui m'ont suivi pendant longtemps, jusqu'en novembre 2001. En 2001, le professeur Roques et le docteur Guibaud ont pu me faire une greffe cardiaque. J'ai une nouvelle vie maintenant, je vais bien, j'ai des médicaments bien sûr, mais je ne suis plus fatigué, je n'ai plus de souci, j'ai des projets : je vais être président d'une association et je vais ouvrir mon entreprise ». Dr Jean-Philippe Guibaud - La transplantation cardiaque reste le traitement curatif de l'insuffisance cardiaque. Docteur Pierre Dos Santos - Effectivement, quand on voit Pierre Bracco comme ça, c'est impressionnant : il ne vivait plus, il ne pouvait plus marcher, il était au lit toute la journée, tout lui était un effort insurmontable, il a évidemment complètement changé. Malheureusement, il faut mettre un bémol à la transplantation parce que nous, médecins, quand on juge une technique, on dit qu'on la juge dans l’intention de traitement. On se demande si, sur cent patients sélectionnés, il faut les transplanter. On suppute combien seront toujours en vie, deux, trois, quatre, cinq ans après. Malheureusement, il y en a beaucoup qui vont mourir, parce qu'on ne les aura pas transplantés. Le problème est qu'il faut attendre le donneur compatible avec le receveur pendant des mois, parfois des années. A Bordeaux, on est entre neuf et douze mois d'attente en moyenne. Pour Pierre Bracco, cela a été beaucoup plus long. Je ne veux pas vous faire peur, mais s'il y avait un seul chiffre à retenir au niveau de l'insuffisance cardiaque, il y a 50 % des patients qui meurent entre la deuxième et la troisième année qui en suit le diagnostic. Donc vous voyez ce que représente un an d'attente chez des gens qui ont 50 % de mortalité à deux ans ! F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 7 Les réponses à vos questions « Pourquoi l'exercice physique est-il efficace pour préserver le cœur, notamment après un infarctus ? » L'exercice physique est efficace essentiellement pour deux raisons. D'abord, il va favoriser le développement des vaisseaux cardiaques : on a un cœur qui manque de perfusion et qui n'a pas assez d'apport sanguin, quand on fait de l'exercice physique, on stimule justement le développement de ces collatéralités et on améliore la perfusion qui est altérée. La deuxième grande vertu de l'exercice physique, c'est d'améliorer les muscles périphériques. Les muscles périphériques, c'est-à-dire les muscles des jambes, des bras, tous les muscles finalement, sont mieux vascularisés. Or, que fait le cœur ? Il éjecte du sang dans les vaisseaux périphériques. Il va donc faire cette éjection contre la résistance à l'écoulement qu'il y a dans ces vaisseaux. Et plus cette résistance à l'écoulement est faible, plus le cœur pourra éjecter le sang au prix d'un travail faible, donc avec des besoins faibles. Donc, de bons muscles, de bons vaisseaux périphériques, c'est moins de travail pour le cœur, vous pourrez donc avoir une activité physique plus efficace, en sollicitant moins votre myocarde. « Les fruits et légumes, le poisson, les oméga 3 ont-ils un réel rôle de prévention dans les maladies cardiaques ? Existe-t-il des médicaments qui réduisent le risque d'infarctus du myocarde ? » Dr Thierry Couffinhal - Au sujet des fruits et légumes, une étude française récente montre qu'effectivement la consommation de fruits et de légumes réduit de façon considérable la survenue d'une maladie cardiovasculaire et la survenue de plaques d’athéromes, c'est-à-dire de cette maladie des artères. On ne sait pas complètement pourquoi, mais on sait que la consommation de cinq fruits et légumes par jour fait baisser le taux de « mauvais cholestérol » et augmenter le taux de bon cholestérol, fluidifie le sang, baisse l'inflammation des artères. En fait, les fruits et légumes agissent à plusieurs niveaux : au niveau du métabolisme, sur les sucres et la survenue du diabète. Cette consommation diminue les facteurs de risques cardiovasculaires et leur survenue. Il n'y a pas de doute sur le fait qu'une alimentation équilibrée qui comporte beaucoup de fruits, de légumes et de poisson fait baisser de façon considérable la survenue des maladies cardiovasculaires. On sait que dans le sud de la France et de l'Europe, on consomme beaucoup plus de fruits et légumes, moins de viande que dans le nord, et que le taux de maladies cardiovasculaires, le taux d'infarctus, le taux d'angines de poitrine est moindre dans le sud de la France et dans le sud de l'Europe. Il faut consommer du poisson au moins deux fois par semaine et cinq fruits et légumes par jour, pour avoir un effet protecteur. « Y a-t-il un lien entre le diabète et les maladies du cœur, et pourquoi ? » Le lien entre le diabète et les maladies cardiaques est un lien effectif. Cela fait une dizaine d'années qu'on s'est rendu compte que le diabète provoquait énormément d'infarctus du myocarde et de maladies des artères. Le lien est assez complexe au niveau biologique. Le diabète, c'est le fait d'avoir un taux de glucose dans le sang plus élevé que la normale. Normalement on a un gramme de glucose dans le sang, à peu près en permanence, un peu plus après les repas. La personne diabétique a un taux de glucose dans le sang qui est beaucoup plus élevé, en permanence au-delà de 1,3 g, et notamment à jeun. Ce glucose se dépose sur les cellules des vaisseaux et perturbe le bon fonctionnement de ces cellules qui se mettent à produire des facteurs de croissance, des hormones un peu anormales, ce qui va accélérer la maladie du vaisseau et le fait que le vaisseau va se boucher. En plus, le taux élevé de glucose dans le sang entraîne une coagulation plus importante du sang qui aura tendance à former des caillots et des bouchons. Donc, la maladie des artères et la maladie du sang induite par ce taux de glucose élevé font que les patients qui ont un diabète ont beaucoup plus souvent des maladies cardiovasculaires. « Je suis atteinte d'hypertension artérielle et j'ai fait, il y a quelques mois, une hypertension assez élevée qui a entraîné un oedème cérébral. Je voudrais savoir si à la suite de cela, je risque un infarctus ? En particulier, il m'a été donné en urgence du Loxen®. Or, j'ai lu, il y a très peu de temps, dans la revue “ Prescrire ”, que le Loxen® était dangereux et qu'il pouvait notamment provoquer un infarctus. Je voudrais donc F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 8 savoir si, en cas de problème, je peux continuer à prendre ce médicament. » Vous avez une hypertension artérielle maligne, étant donné la complication dont vous avez fait l'expérience, qui est effectivement une complication grave. Il est clair qu'avec une hypertension artérielle comme celle-là, il faut absolument que vous ayez un bilan cardiaque, épreuve d'effort et échographie cardiaque, parce que l'existence d'une hypertension artérielle augmente la probabilité d'avoir un problème au cœur. Donc tout hypertendu doit faire attention à son cœur, il doit d'autant plus faire attention que l'hypertension artérielle est une maladie qui se traite, et quand on traite une hypertension artérielle, on diminue les complications cardiaques. Pour en revenir au problème du Loxen®, effectivement, c'est un médicament qui, dans certaines conditions (certaines formes d'angor qu'on appelle l'angor instable, à la phase aiguë d'un infarctus du myocarde), doit inciter à la précaution. Mais dans le cadre d'une hypertension artérielle maligne, où le problème est le problème de l'hypertension artérielle maligne (et non pas un problème cardiaque aigu), le Loxen® par voie intraveineuse est un traitement adapté à la situation en aigu. Si vous n'avez pas de problème d'angine de poitrine ni problème d'artère coronaire aigu, il n'y a pas d'inconvénient à ce que vous soyez sous Loxen®, à mon avis. « Je voudrais poser une question au sujet de la prise régulière des statines pour lutter contre le cholestérol. Je prends régulièrement des statines, et j'ai régulièrement des crampes qui sont très gênantes, y a-t-il un traitement pour lutter contre ces crampes ? » Je pense que si vous avez des crampes sous statines, il faut aller faire une prise de sang, parce que les statines ont effectivement parfois un effet toxique qui peut s'exprimer sur les muscles, pour donner ce que l'on appelle des myolyses, qui peuvent s'exprimer sous la forme de sensation de courbatures ou de crampes. Si vos courbatures ou vos crampes sont en rapport avec ce phénomène, on peut le diagnostiquer facilement sur une prise de sang en dosant ce qu'on appelle les CPK, les créatines phosphokinases. Si ces CPK sont élevées, je vous conseille d'aller voir votre médecin ou votre cardiologue pour en discuter avec lui… Des crampes, dans certaines conditions, peuvent justifier que ce traitement soit arrêté. Les statines sont des médicaments qui agissent sur le cholestérol. Ils sont maintenant employés pratiquement systématiquement chez tout patient ayant un problème d'artère coronaire, même si le cholestérol est normal. Il faut savoir que ce médicament fait partie des rares médicaments capables de stabiliser l'évolution de l'athérome, et donc de diminuer la fréquence de survenue des événements cardiaques chez les patients coronariens. Les médicaments, chez les angineux ou chez ceux qui ont des infarctus du myocarde, sont les dérivés nitrés, les calcium-bloqueurs, le Loxen®, les bêtabloquants, les agonistes calciques etc. Il faut savoir que ces médicaments n'ont pratiquement pas d'effet sur le pronostic de la maladie, à de rares situations près. En revanche, il y a des médicaments qui n'agissent pas sur les symptômes, comme les statines, l'aspirine, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, mais qui agissent au niveau des plaques d'athérome et ralentissent, voire stabilisent l'évolution de la maladie. On ne connaît pas, à l'heure actuelle, de médicament capable de faire régresser significativement ces plaques. « Je voudrais savoir ce qu'est un infarctus massif ? Mon mari est décédé au mois de mars d'un infarctus massif ; il n'avait aucun traitement auparavant et avait une vie saine. » On croit souvent que l'infarctus du myocarde est un processus qui survient chez des malades chroniques, qui ont une longue évolution de leur maladie. Il faut absolument se débarrasser de cette idée reçue. Une fois sur deux chez l'homme, dans 40 % des cas chez la femme, la première douleur dans la vie du patient, c'est un infarctus. Un infarctus, ce n'est pas une artère coronaire qui se rétrécit, c'est une artère coronaire qui se bouche. Donc, le cœur, non seulement ne reçoit pas assez de sang pour satisfaire à ses besoins, mais il n'en reçoit même plus du tout. Et lorsqu'une cellule ne reçoit plus le matériel qu'il lui faut pour fabriquer de l'énergie, c'est-à-dire de l'oxygène, du glucose et des acides gras, elle meurt. C'est cela, l'infarctus du myocarde ; c'est la mort d'une partie du muscle cardiaque, secondaire du fait qu'un vaisseau s'est bouché. L'infarctus massif, c'est la mort d'une grosse partie du cœur. Si un vaisseau se bouche près de son extrémité, il y a peu de tissu myocardique qui souffre et qui meurt. Si le vaisseau se bouche proche de son départ, tout le tissu musculaire qui est en aval de ce bouchon va potentiellement mourir. Donc F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 9 un infarctus massif, c'est en général un bouchon proximal sur une artère principale du cœur, et effectivement c'est très souvent un événement mortel. « Quelles sont les causes et les remèdes de l'arythmie ? A quoi cela correspond-il quand, lors d'un choc électrique, on applique 300 joules pour régulariser le cœur ? Peut-on espérer qu'un jour, on puisse fabriquer un pacemaker qui pourrait complètement réguler l'activité électrique du cœur ? » L'arythmie, la fibrillation auriculaire, c'est une oreillette qui ne bat plus de façon cohérente avec les autres cavités du ventricule. Les causes principales en sont les cardiopathies ischémiques et les cardiopathies valvulaires. Souvent à l'occasion d'une dilatation ou d'une souffrance tissulaire, ces cavités ne battent plus de façon synchrone. Il y a d'abord le traitement médicamenteux, la Cordarone, que l'on peut donner. A partir d'un certain niveau de dilatation, cela n'est plus efficace. On est alors obligé d'envisager ce que l'on appelle des fulgurations qui sont effectuées par voie endocavitaire. On ne peut pas proposer une indication chirurgicale de cure de fibrillation auriculaire simplement pour la fibrillation auriculaire. On a des techniques qui sont peut-être un peu longues, mais qui sont beaucoup moins lourdes que d'effectuer un geste chirurgical. On ne va faire cette cure de fibrillation auriculaire chirurgicale que si on a un autre geste associé : soit un remplacement valvulaire, soit un pontage coronaire. Le principe consiste à découper un peu cette oreillette, parce qu'il y a une certaine quantité de tissu et surtout un certain diamètre d'oreillette. Lorsque l'oreillette devient trop distendue, on ne peut plus récupérer le rythme sinusal. Le fait de scinder, de couper cette oreillette, selon un diagramme bien précis, permet de récupérer une activité sinusale, dans 70 % des cas seulement. L'activité sinusale, c'est une activité normale, c'est-à-dire la contraction coordonnée des auricules avec les ventricules. Des défibrillateurs sont proposés pour les troubles du rythme ventriculaire. Pour ce qui est des troubles du rythme auriculaire, je passe la parole. Dr Pierre Dos Santos - Quand on est rythmologue, on traite deux problèmes : soit le cœur est trop lent, soit trop rapide. Quand on parle d'arythmie, de fibrillation auriculaire, on parle donc d'un cœur trop rapide. Il peut être trop rapide et irrégulier, ou trop rapide et régulier. Lorsqu'il est trop rapide et irrégulier, c'est la fibrillation auriculaire dont on a parlé tout à l'heure. Il y a des médicaments, et il y a des techniques où l'on monte des sondes pour aller faire un peu la même chose que ce que l'on fait avec la chirurgie, mais c'est peut -être plus délicat à réaliser. Quand le cœur est trop lent, il faut remplacer la commande du rythme cardiaque qui est trop lente par une pile ou un stimulateur. Normalement, le cœur fonctionne parce qu'il y a, dans une partie du cœur qu'on appelle le nœud sinusal, un petit îlot de cellules qui, toutes les secondes, envoient une décharge électrique qui se propage au muscle. Quand cette décharge arrive au muscle, il se contracte. Donc, toutes les secondes, il y a une petite décharge, et toutes les secondes, le cœur se contracte. Il se contracte à peu près soixante fois par minute. S'il est trop lent et que la commande sinusale est trop lente, ce sera trente fois par minute au lieu de soixante fois. Si l'influx est bloqué (parce que quelque chose l'empêche de passer), comme un câble électrique que l'on aurait coupé et qui ne laisse plus passer l'électricité, on remplace cette commande déficiente par une pile que l'on place en général sous la clavicule gauche, immédiatement sous la peau ; cette pile est connectée à des câbles que l'on appelle des sondes, que l'on va passer dans les veines pour les amener dans l'oreillette ou dans le ventricule, ou dans les deux. Cette pile et ces sondes vont remplacer la commande électrique déficiente chez le patient. Ces piles permettent maintenant de retrouver une qualité de contraction et une qualité de stimulation et d'activation cardiaque pratiquement aussi bonnes qu'une commande normale. Leur défaut, – qui l'est de moins en moins – c'est qu'elles ont une durée de vie limitée, entre sept et dix ans, il faut remplacer cette pile. Mais remplacer une pile, c'est beaucoup moins traumatisant et beaucoup plus facile que lorsqu'on la met la première fois ! Et c'est sous anesthésie locale. « Un malade a eu un pontage en 1998. Malheureusement, ce pontage s'est bouché, et à cette époque, il n'a pas été possible de ré-intervenir sur cette thrombose. Maintenant, avec les techniques nouvelles, serait-il possible de faire quelque chose ? » Malheureusement, il y a encore ce type de cas. Il est toujours très difficile de discuter d'un cas clinique : pour proposer un traitement, il faut voir les vaisseaux, et il faudrait donc que nous voyions les vaisseaux de ce patient, pour confirmer qu'effectivement, rien n'est possible. Mais je confirme que malheureusement, la F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 10 thrombose d'un pontage aorto-coronarien est encore une impasse thérapeutique. Il n'y a pas grand-chose que l'on puisse faire, à part réopérer ce patient. On peut éventuellement essayer de déboucher ce pontage par une dilatation au ballonnet, mais on sait très bien que statistiquement, quand on débouche un pontage, il se rebouche pratiquement toujours dans les semaines qui suivent, et donc on sera intervenu et on aura fait prendre des risques au patient pour rien. Donc, si ce patient continue à avoir non pas une vie normale, mais une vie agréable et acceptable grâce aux médicaments, si la qualité de la contraction de son cœur est bonne, peut-être qu'effectivement, le traitement médicamenteux est la meilleure thérapeutique possible pour lui. Il y aura peut-être une solution à ce type de problème dans quelques années, grâce aux thérapeutiques d'angiogenèse (faire repousser le vaisseau), mais elles ne sont pas encore disponibles. D'autre part, la repousse des vaisseaux est un phénomène qui se produit naturellement. Donc, si la personne a une vie saine et fait régulièrement de l'exercice, on ne peut pas exclure que paradoxalement, les symptômes s'améliorent au lieu de s'aggraver. « Peut-on récupérer une activité physique normale après un triple pontage, y compris une activité sexuelle ? » Oui, j'ai notamment parmi mes patients, des personnes qui ont eu trois ponts et qui courent le marathon. Pour l'activité sexuelle, dans l'immense majorité des cas, le but des techniques de revascularisation, c'est de donner au patient la possibilité de retrouver une vie normale. Donc, dans une vie normale, il y a de l'activité sexuelle. Une façon de le savoir, souvent, c'est de faire une épreuve d'effort. « Quelle est la durée de vie d'un pontage ? » Cela dépend su type de pontage, parce qu'actuellement il y en a deux grands types. Cela dépend aussi du type du greffon. Soit c'est un greffon artériel, soit c'est un greffon veineux. Pour un greffon artériel, des études sont actuellement en cours, on estime qu'il peut durer plus de vingt ans. Il y a une congruence entre le tissu qui est ponté, c'est-à-dire une artère coronaire, et le greffon qui est une artère mammaire ou une artère radiale. Il y a une sorte de congruence fonctionnelle, qui fait que le greffon n'a à s'adapter ni au régime circulatoire ni au régime hémodynamique. Mais jusqu'à récemment, on faisait des pontages avec des greffons veineux saphènes parce que c'était plus facile à prélever, et on a estimé que c'était des greffons de bonne qualité. Le problème, c'est qu'un greffon veineux saphène travaille dans un régime de pression veineux, et non dans un régime de pression artérielle. Donc il va falloir que ce greffon s'adapte, mais l'adaptation se fait aux dépens de la qualité : le greffon va s'altérer, c'est ce qui le rend beaucoup plus vulnérable. On estime actuellement que les greffons veineux saphènes tiennent une quinzaine d'années. Mais cette valeur est comme une courbe de Gauss : c'est une moyenne. Il y a des gens qui ont été réopérés à plus de vingt ans, par exemple pour changer une valve, et qui avaient des greffons veineux saphènes qui étaient comme si on les avait opérés la veille. En revanche, il y a des gens que l'on a été obligé de reprendre quelques mois plus tard ou quelques années plus tard, parce que le greffon était bouché comme s'il avait eu une maladie athéromateuse*. Il faut aussi parler de l'importance de la maîtrise des facteurs de risques : quelqu'un qui est ponté, qui continue à fumer, qui ne traite pas son hypertension, qui ne surveille pas son cholestérol, qui n'a pas d'activité, rebouchera plus facilement son pontage que quelqu'un qui va prendre sa maladie en charge et qui arrêtera toute exposition aux facteurs de risques. « Peut-on parler des effets secondaires de la ciclosporine* sur un greffé, au niveau des reins en particulier ? Où en sont les cellules souches ? Au niveau du don d'organes, personnellement, j'y crois de moins en moins. Je voudrais savoir où en est le cœur artificiel, s'il y a une autre solution ? » Vous avez tous entendu parler du phénomène de rejet : tout organisme vivant est organisé pour reconnaître ce qui lui appartient et ce qui vient de l'extérieur. Chaque fois que quelque chose vient de l'extérieur, que ce soit du matériel artificiel ou du matériel biologique, virus, bactéries ou transplantation d'organes, cet organisme ressent le caractère étranger de ce qui l'a pénétré et fait tout pour le rejeter. Quand on introduit un organe étranger qui vient de quelqu'un d'autre, l'organe d'un donneur, dans l'organe d'un receveur, le receveur met en route tout une batterie de réactions immunobiologiques qui vont tendre à rejeter cet organe étranger. La difficulté de la transplantation est précisément de maîtriser ce problème de rejet. La transplantation a été un problème résolu du point de vue technique bien avant qu'il n'ait été résolu du point de vue immunologique, jusqu'à l'avènement de la F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 11 ciclosporine. La ciclosporine fait partie de ces médicaments qui sont utilisés pour bloquer, diminuer, inhiber cette réaction de l'organisme à l'introduction d'un organisme étranger. Mais la ciclosporine a des effets toxiques : au niveau du rein, une insuffisance rénale peut se développer. On peut aussi aller jusqu'à faire une transplantation rénale à un patient qui a déjà eu une transplantation cardiaque ! Thierry Couffinhal - Le cœur artificiel est un système qui serait totalement implantable : à la place du cœur du malade, on remet un cœur complètement artificiel. Les complications et les problèmes sont nombreux. Tout d'abord, trouver un revêtement à l'intérieur de cette machine qui puisse être biocompatible, qui ne déclenche pas la formation de caillots. On est obligé d'avoir des anticoagulants, et même en ayant des anticoagulants, il y a formation de caillots. Il y a aussi un problème d'énergie : cette machine, il faut la faire marcher. Or, actuellement, les systèmes développés ont toujours des autonomies très limitées et les matériels proposés très chers… D'un autre côté, les assistances circulatoires sont des systèmes que l'on met en parallèle voire en série sur le cœur, mais ne le remplacent pas complètement. On s'en sert quotidiennement pour pallier des défaillances. Ce sont des systèmes qui peuvent rester implantés plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ce sont des “ ponts à la transplantation ” : les gens qui ont ces systèmes d'assistance circulatoire sont à l'hôpital en attendant d'avoir un cœur. Docteur Pierre Dos Santos - Pour vous donner une idée de la quantité d'énergie qu'il faut, sachez que le cœur brasse à peu près 7 000 litres de sang par jour. « J'ai lu dans un magazine qu'il y aurait une étude clinique portant sur 300 patients qui auraient été traités par greffe de myoblastes pour des infarctus graves. Que pensez-vous de cette technique ? Quelles sont ses limites et ses perspectives ? » Cette étude a été démarrée par un Français, le professeur Ménasché. Il a été le premier au monde à réaliser ce type d'intervention, il y a deux ou trois ans maintenant. Cette intervention consiste à prendre des cellules immatures d'un muscle périphérique au niveau de la cuisse, plus jeunes que les cellules musculaires. On cultive ces cellules par millions, on ouvre le thorax du patient et on injecte ces cellules dans la zone fibreuse du coeur, à différents endroits, en comptant sur le fait qu'elles reformeront un muscle, ce qui sera toujours mieux de toute façon qu'une zone fibreuse qui ne se contracte pas et qui gène finalement le cœur. Cette étude représente une grosse avancée. Elle montre qu'on peut cultiver des cellules et que l'on peut les réinjecter dans le cœur. Mais on s'est aperçu que les personnes chez qui on injectait ces cellules faisaient des troubles du rythme, un peu plus fréquemment que les autres. Ce n'est donc pas toujours sans inconvénient. On s'est aperçu également que l'on avait beau injecter des millions de cellules, au bout de quelques jours, il n'en restait plus que quelques centaines de mille. Beaucoup de cellules mourraient dans le cœur dès les premières heures. On s'aperçoit aussi que ces cellules musculaires parviennent dans le cœur à se rejoindre entre elles, mais qu'elles n'arrivent pas à communiquer avec le reste du cœur. C'est une grande voie d'avenir, mais on n'y est pas encore arrivé. « Une douleur dans la poitrine qui disparaîtrait avec la prise d'aspirine pourraitelle être une douleur d'origine cardiaque ? » A priori, c'est un très mauvais argument. La douleur d'origine cardiaque est une douleur qui heureusement est relativement bien décrite et bien systématisée. C'est une douleur qui, en général, prend toute la poitrine, ce n'est pas un point de côté. Ça ne gratouille pas, ça ne chatouille pas, ça serre, on le ressent comme un poids. Le malade dit d'ailleurs souvent qu'il se sent oppressé comme s'il était dans un étau. Autre grande caractéristique : la plupart du temps (pas toujours, évidemment), cette douleur survient à l'effort, quand les besoins du cœur augmentent, elle disparaît au repos. Enfin, elle a souvent tendance à irradier vers les mâchoires, vers le bras gauche. L'aspirine n'est pas un bon critère, mais un très bon critère est la prise de trinitrine, qui existe en petite bombe. Quand on a cette douleur, et qu'on se met une giclée de trinitrine sous la langue, si la douleur disparaît en moins d'une minute, c'est hautement suspect de pathologie coronarienne. Quand une douleur a tous les critères que je viens de vous décrire, le diagnostic de coronaropathie à une probabilité supérieure à 90 %. « Peut-on remédier aux douleurs dans la zone du sternum après une intervention ? » Souvent, ces douleurs résiduelles après sternotomie* sont dues au fait que les “ fils d'acier ” restent. Donc, il suffit d'aller effectuer une ablation des fils d'acier : on reprend F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 12 l'incision, on enlève ces fils d'acier, et neuf fois sur dix, on arrive à résoudre ces douleurs. Si vraiment les douleurs persistent, il faut envisager un traitement à la douleur, un peu plus spécialisé. « Je voudrais connaître les risques d'une coronarographie sur le système cérébral ? » La coronarographie est un examen invasif. On le propose pas à n'importe qui. On sélectionne les patients pour lesquels cet examen sera bénéfique, parce que l'on est déjà presque sûr qu'ils ont la maladie. Les risques cérébraux sont rares. Ils sont inférieurs à 0,1 %. Il s’agit d’un risque de créer une embolie : on promène des cathéters dans les vaisseaux, donc on risque de détacher des fragments d'athéromes qui sont collés sur les parois des artères. On risque d'aller décoller de petits bouts de caillots qui sont à l'intérieur du ventricule gauche, et ces caillots peuvent migrer vers le cerveau et provoquer un accident vasculaire cérébral (AVC). Le risque global d'avoir un incident lors d'une coronarographie est de 1 % si l'on additionne tous les incidents, comme les problèmes de saignement, d'hématome... Il y a également un risque vital, on peut mourir lors d'une coronarographie, mais c'est rare. « Quelles sont les conséquences d'une chimiothérapie pour le cœur s'il est déjà touché ? » Un bon nombre de chimiothérapies, assez largement employées, notamment en hématologie, ont une toxicité cardiaque. Elles vont atteindre le muscle cardiaque, agir sur les cellules du cœur, à l'intérieur de la mitochondrie, et certains patients ont une qualité de la contraction du cœur qui s'en trouve altérée. La contraction cardiaque est plus faible, c'est-à-dire que le cœur ne sera plus capable d'assurer un débit sanguin normal. Tous les patients qui vont subir une chimiothérapie ont un examen qu'on appelle l'échographie cardiaque, destiné à vérifier qu'il n'y a pas déjà une atteinte du cœur qui pourrait être inconnue. Malheureusement, des patients ont déjà une atteinte cardiaque qui peut parfois contre-indiquer formellement le traitement. Cela nécessitera simplement une adaptation du traitement, une adaptation des doses et un aménagement de la durée du traitement. La toxicité de certaines chimiothérapies anticancéreuses pour le myocarde est effectivement un point sensible. F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 13 Pour en savoir plus : > Les biomatériaux http://www.frm.org/informez/info_ressources_dossiers_article_sommaire.php?id=34 > Les maladies cardiovasculaires http://www.frm.org/informez/info_ressources_dossiers_article_sommaire.php?id=15 > La première greffe de cellules musculaires dans le muscle cardiaque http://www.frm.org/informez/info_dons_article.php?id=105 Glossaire : > Ambulatoire : se dit d’un examen ou d’une intervention réalisé à l’hôpital, en quelques minutes ou quelques heures ; ne nécessitant donc pas un séjour à l’hôpital. > Angiogenèse : genèse des vaisseaux. > Athérosclérose : dégénérescence fibreuse des parois des artères avec formation d’une plaque d’athérome*. > Athérome : dépôt lipidiques au niveau des artères et pouvant les obstruer. > Athéromateuse (maladie -) : maladie caractérisée par la formation d’une plaque d’athérome*. > Biocompatibilité : capacité des matériaux à être « compatible » avec les tissus vivants. Cette propriété est notamment très recherchée dans la fabrication des prothèses. > Ciclosporine : substance pharmaceutique modulant la réponse immunitaire naturelle de l’organisme. Elle est utilisée pour limiter les risques de rejet de greffe. > Coronarographie : radiographie des artères coronaires. > Coronaropathie : maladie des artères coronaires. > IRM : imagerie par résonance magnétique. > Re-sténose : re-diminution du diamètre d’un vaisseaux. > Sternotomie : acte chirurgicale consistant en une incision ou une découpe du sternum. F801 • De nouvelles technologie au service du cœur et des vaisseaux • www.frm.org 14