Marie-Hélène Bernard Musée d`Ethnographie de Genève

Transcription

Marie-Hélène Bernard Musée d`Ethnographie de Genève
http://www.reseau-asie.com
Enseignants, Chercheurs, Experts sur l’Asie et le Pacifique
Scholars, Professors and Experts on Asia and the Pacific
LA VOCALITÉ CHEZ LES COMPOSITEURS CHINOIS CONTEMPORAINS
THE USE OF VOICE BY NEW CHINESE COMPOSERS
Marie-Hélène Bernard
Musée d'Ethnographie de Genève
Thématique C : Patrimoine culturel : Enjeux et métamorphoses
Theme C : Cultural Heritage: Issues and Metamorphoses
Atelier C 01: La parole musicale
Workshop C 01: The musical talk
4ème Congrès du Réseau Asie & Pacifique
4th Congress of the Asia & Pacific Network
14-16 sept. 2011, Paris, France
École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville
Centre de conférences du Ministère des Affaires étrangères et européennes
© 2011 – Marie-Hélène Bernard
Protection des documents / Document use rights
Les utilisateurs du site http://www.reseau-asie.com s'engagent à respecter les règles de propriété
intellectuelle des divers contenus proposés sur le site (loi n°92.597 du 1er juillet 1992, JO du 3 juillet). En
ème
particulier, tous les textes, sons, cartes ou images du 4
Congrès, sont soumis aux lois du droit d’auteur. Leur
utilisation, autorisée pour un usage non commercial, requiert cependant la mention des sources complètes et
celle des nom et prénom de l'auteur.
The users of the website http://www.reseau-asie.com are allowed to download and copy the materials of
th
textual and multimedia information (sound, image, text, etc.) in the Web site, in particular documents of the 4
Congress, for their own personal, non-commercial use, or for classroom use, subject to the condition that any use
should be accompanied by an acknowledgement of the source, citing the uniform resource locator (URL) of the
page, name & first name of the authors (Title of the material, © author, URL).
Responsabilité des auteurs / Responsability of the authors
Les idées et opinions exprimées dans les documents engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Any opinions expressed are those of the authors and do.not involve the responsibility of the Congress'
Organization Committee.
LA VOCALITÉ CHEZ LES COMPOSITEURS CHINOIS CONTEMPORAINS
Marie-Hélène Bernard
Musée d'Ethnographie de Genève
Introduction
Les livres les plus récents consacrés à l’histoire de la musique du XXe siècle comportent
souvent une page ou deux consacrées aux compositeurs chinois. Il a fallu attendre les années
90 pour que celles-ci puissent s’écrire ; jusque là, parmi les compositeurs asiatiques connus au
niveau international, on comptait surtout le japonais Tôru Takemitsu et le coréen Isang Yun.
C’est en quelques années qu’une génération de compositeurs brillants, tous originaires de
Chine continentale, est apparue sur la scène internationale. Pour mesurer la vitesse de ce
changement, on peut évoquer Tan Dun qui, en 1976, entendit pour la première fois de sa vie, à
l’âge de dix-neuf ans, un orchestre occidental et à qui, trente ans plus tard, fut commandé l’un
des opéras les plus coûteux qu’ait jamais produits le Metropolitan de New York. La
Révolution culturelle a été paradoxalement l’épisode qui a permis la naissance de cet univers
musical radicalement nouveau. Pendant toute cette période, les conservatoires furent fermés,
leurs enseignants persécutés, envoyés en prison ou en camp de rééducation. L’opéra
révolutionnaire avait envahi le pays entier : huit pièces seulement étaient autorisées, mais leur
énorme diffusion exigeait de nombreux musiciens. La pratique d’un instrument était donc la
voie royale pour échapper au repiquage du riz, devenu le quotidien de toute une génération,
envoyée à la campagne pour se faire rééduquer selon les directives du président Mao. Presque
tous ceux qui deviendront par la suite compositeurs commencèrent donc leur carrière en
accompagnant l’opéra révolutionnaire. Les plus entreprenants d’entre eux ne se contentaient
pas de jouer d’un instrument : ils dirigeaient et écrivaient des arrangements, se forgeant ainsi
une précieuse oreille d’orchestrateur. En 1978, le Conservatoire de Pékin recruta de nouveau,
et des dizaines de milliers de candidats postulèrent pour les quelques places disponibles. Les
heureux élus, dont beaucoup se feront connaître à l’étranger, étudièrent d’arrache-pied pour
s’emparer des techniques de composition occidentales. Par rapport au contexte culturel et
politique chinois, la première moitié des années 1980 relevait d’un miracle fragile, permettant
aux artistes de se mélanger et de débattre passionnément. Dans ce climat bouillonnant, les
jeunes compositeurs tentèrent de se forger un langage différent de celui de leurs aînés et
revendiquèrent surtout de s’exprimer de façon personnelle, refusant d’être « au service des
masses », ce qui avait été le rôle assigné aux compositeurs pendant l’époque maoïste. La voix
occupera une place spécifique dans les œuvres de cette « nouvelle vague » qui s’est dispersée
aux quatre coins du monde.
1 La voix, au plus près de l’expression
On Taoism, de Tan Dun 譚盾 (1957-) et Mong Dong, de Qu Xiaosong 瞿小松 (1952-),
ont été les « manifestes » de ce mouvement. Elles ont toutes deux été chantées par les
compositeurs eux-mêmes, alors qu’ils n’avaient pas de formation spécifique de chanteur.
Cette prise en charge vocale de l’œuvre par le créateur lui-même, inusitée dans la production
contemporaine occidentale, est très symbolique du désir d’expression qui régnait à l’époque
où elles ont été créées ; c’était en quelque sorte une manière de « prendre la parole », dans son
sens le plus fort.
On Taoism, pièce pour voix, clarinette basse, contrebasson et orchestre, créée en 1985,
fut composée par Tan Dun en une semaine, sans plan préconçu, comme « un enfant se
C 01 : La parole musicale
La vocalité chez les compositeurs chinois contemporains
Marie-Hélène Bernard / 2
chantant à lui-même »1 : s’appuyant sur les concepts taoïstes du « non-agir », le compositeur
cherchait à faire naître sa musique d’un seul souffle. Le début de la pièce est marqué par un
long solo vocal – un deep song pour reprendre les termes de Tan Dun 2 – pratiquement
toujours interprété par le compositeur lui-même. Cette ligne très fluide et non mesurée a
recours uniquement à des onomatopées et est notée graphiquement avec des outils que le
compositeur avait développés durant la Révolution culturelle en tentant de transcrire des
chants de paysans du Hunan.
Mong Dong, pièce pour basse et ensemble de chambre composée en 1984, marqua peutêtre encore plus les esprits que la pièce de Tan Dun. Pour l’écrire, Qu Xiaosong improvisa
d’abord avant de noter ce qu’il avait enregistré durant ces séquences spontanées 3. La pièce
commence, comme dans l’œuvre de Tan Dun, par un solo mêlant voix chantée et voix parlée.
La partie vocale, est écrite avec une notation solfégique conventionnelle et combine des mots
empruntés à des dialectes de la Chine du Sud (y compris un mot d’injure) et des phonèmes
relevant d’un langage imaginaire. Qu Xiaosong décida de remplacer le baryton prévu pour la
création, qui ne trouvait pas le style désiré par le compositeur ; il renouvela ensuite
fréquemment l’expérience4.
Une troisième pièce, Fan I, écrite plus tardivement en 1991 par Mo Wuping 莫五平
(1958-1993), est portée par la même puissance d’expression ; composée non pas en Chine,
mais en France dans des conditions matérielles difficiles, elle commence aussi par un solo
vocal interprété par le compositeur de manière remarquable5. Dans le dispositif indiqué par le
compositeur, la voix est située en arrière des instruments, à l’inverse opposé de la mise en
avant que Tan Dun préconise dans On Taoism. Ce positionnement spatial reflète la volonté du
compositeur d’exprimer, au-delà de sa souffrance personnelle, celle de tous les gens
ordinaires. La pièce commence par un simple motif d’appel proche du cri, sur une
onomatopée chantée en glissando, précédée par une note appogiature impliquant un grand
saut d’intervalle très expressif. Ce type d’appel vocal rappelle ceux que se lancent les paysans
dans certaines régions de Chine du Sud6 d’un versant à l’autre de la montagne.
Dans les trois cas, ce n’est donc pas par le signifiant que passe le désir d’expression,
mais dans le choix fait par le compositeur de porter jusqu’au bout sa musique devant le public,
en effaçant la frontière qui s’est établie dans la tradition occidentale entre le compositeur et
son interprète. Mais Il faut noter que cette pratique s’est prolongée ultérieurement, parfois
d’ailleurs pour des raisons pratiques7.
Toujours dans ce désir de rupture expressive, ces compositeurs ont dynamité la
démarcation entre instrumentistes et chanteurs. Dans sa pièce Mong Dong, Qu Xiaosong,
précurseur de cette tendance, demandait ainsi aux musiciens d’intervenir aussi vocalement, ce
qui fit naître certaines résistances dans la fosse d’orchestre. Lors de la création de Mong Dong
à Pékin, les instrumentistes de l’orchestre du Conservatoire Central refusèrent d’exécuter les
passages où ils étaient censés crier ou parler, arguant du fait qu’ils étaient des musiciens et
non des chanteurs8. Le compositeur demanda finalement à des amis de les remplacer. Tan Dun
suivit aussi assez tôt cette voie et nombre de ses œuvres demandent aux instrumentistes de
1
Frank KOUWENHOVEN, « Madly singing in the Mountains, Mainland China’s New Music (2) », in Chime, n°3,
Leiden, printemps 1991, p. 49.
2
Voir « Portrait de Tan Dun », programme de la Cité de la Musique, Paris, 2001, p. 12.
3
Entretien avec le compositeur, janvier 2004.
4
. Ibid.
5
Mo Wuping était passionné par le travail de collectage.
6
En particulier ceux du peuple Dong, un peuple du Sud de la Chine qui pratique le chant avec un talent
remarquable.
7
Ainsi lors de la création de Complainte par Wen Deqing 温德青(1956-), compositeur ayant résidé
longtemps en Suisse, ou celle de Dawn on steppe par Xu Shuya 许舒亚 (1961-), installé en France.
8
Entretien avec le compositeur, janvier 2004.
C 01 : La parole musicale
La vocalité chez les compositeurs chinois contemporains
Marie-Hélène Bernard / 3
s’investir vocalement. Sa force de communication lui permet de balayer les réticences des
musiciens d’orchestre occidentaux, pas forcément très enclins à ce genre de pratiques, comme
on pouvait le constater lors de son concert Portrait, à la Cité de la Musique en 2001 où il
réussit à faire « donner » joyeusement de la voix aux membres de l’Orchestre National de
Lyon. Dans sa pratique de chef d’orchestre, durant les répétitions, il demande d’ailleurs
fréquemment aux instrumentistes qu’il dirige de visualiser yeux fermés le son qu’ils auront à
produire et de chanter préalablement ce qu’ils ont à jouer.
De nombreux autres compositeurs ont demandé aussi aux instrumentistes d’intervenir
vocalement dans leurs pièces9, aussi bien pour chanter que pour lancer des interjections, des
cris, chuchoter, siffler ou jouer avec la sonorisation du souffle. Cette originalité dans
l’approche vocale est devenue l’un des marqueurs forts de la « nouvelle vague » chinoise.
2 La voix, résonance de la tradition
Dans ce recours à la voix, il y a des sources de résonance différentes, dont des traces de
la modernité occidentale. Ainsi le début de Mong Dong, avec sa vocalise très libre dans une
sorte de « pré langage », amplifiée par la résonance du piano, fait penser au début de la pièce
de George Crumb10, Ancient Voices of Children (1970) et Qu Xiaosong avait d’ailleurs été
critiqué pour ces raisons en Chine.
Il y a aussi la résonance de la langue elle-même, puisqu’il est vrai que parler en chinois
 du fait des quatre tons de la langue  revient quelque peu à chanter. Toutes sortes de
pratiques entre le parlé et le chanté étaient d’ailleurs associées à l’art poétique classique,
intégrant un jeu sur le timbre, les inflexions mélodiques ou le rythme11. Au début du XXe
siècle, l’abandon pour écrire du chinois classique et son remplacement par le baihua 白话, la
langue parlée, ont réduit ce lien fort entre poésie et musique. Les compositeurs actuels n’ont
d’ailleurs pas beaucoup exploité cette direction.
On trouve par contre nombre de traces des traditions vocales chinoises, tout
particulièrement de l’opéra de Pékin, auquel l’opéra révolutionnaire, malgré la volonté
maoïste d’éradiquer la tradition, avait beaucoup emprunté. Certains compositeurs avaient pu
découvrir aussi d’autres traditions vocales quand ils étaient « en poste » dans des provinces
lointaines ou durant leur cursus au conservatoire qui exigeait un travail de terrain à la fin de
chaque année scolaire. Ces différentes empreintes peuvent se mélanger, comme dans l’une des
pièces de Chen Qigang 陳其鋼 (1955-), le Poème lyrique II, créée en 1991. Tout petit, celuici avait assisté avec son père à nombre de représentations d’opéra de Pékin et avait même
appris les rudiments du métier d’acteur. Il aurait pu interpréter lui-même la partie chantée,
mais un peu gêné par une certaine timidité, il préféra12, après quelques hésitations, la confier
au baryton Shi Kelong 时可龙, créateur de nombreuses œuvres chinoises. Deux styles vocaux
traditionnels coexistent dans la ligne vocale celui de l’opéra de Pékin et le genre pingtan 評彈
beaucoup moins connu, développé dans le Sud13, qui oscille entre l’art du conte et celui du
chant, découvert par le compositeur quand il accompagnait l’opéra révolutionnaire. En
l’espace de quelques mesures peuvent donc se mélanger des sédiments de mémoire bien
distincts. Notons que le Poème lyrique II est l’une des rares pièces qui s’appuie sur un texte,
9
Citons Inscriptions on Bone et Drama de Guo Wenjing, He Yi de Qin Wenchen, la Symphonie n°4 de
Zhu Jian-Er, Chinese Folk Dance Suite de Chen Yi.
10
Celui-ci était venu donner des cours au Conservatoire de Pékin dans les années 80.
11
Voir François PICARD, La musique chinoise, Paris, Minerve, 1991, p. 92-96.
12
Entretien avec le compositeur, mars 2002.
13
Précisément à Suzhou.
C 01 : La parole musicale
La vocalité chez les compositeurs chinois contemporains
Marie-Hélène Bernard / 4
en l’occurrence les vers d’un poème de Su Shi 蘇軾 (1037-1101).
Xu Shuya utilise aussi différents matériaux vocaux comme dans Récit sur la vieille
route14, où il exploite la déclamation traditionnelle, la récitation, liée à la rythmique de la
poésie classique chinoise, le chant proprement lyrique occidental et le chant traditionnel
chinois. Dans Dawn on Steppe 15 , Xu Shuya s’inspire de la technique vocale des bergers
chanteurs mongols, nommée Muge 牧哥,étudiée lors d’un voyage en Mongolie Intérieure.
Son émotion première devant ce type de chant datait de ses années de lycée durant lesquelles
les adolescents s’enflammaient pour un chanteur de variété fort populaire, nommé Hu
Songhua 胡松华16, qui faisant feu de tout bois, avait su glisser dans l’un de ses albums, entre
une ligne de flûte bien « chinoise » et des nappes de synthétiseurs sirupeuses un peu de ce
chant étranger à la tradition han. Pour que le passage à l’écrit n’édulcore pas la diversité des
couleurs vocales, Xu Shuya utilise toutes les ressources des notations musicales développées
en Occident durant ces dernières décennies, écrivant le plus précisément possible les glissandi,
les micro-intervalles, les notes appoggiatures, les différents types de vibratos, tout en essayant
d’échapper au carcan des mesures. Il est aussi fait usage seulement d’onomatopées (des sons
« vides », selon la conception chinoise) qui jouent un rôle important dans la structuration de la
ligne vocale.
Wen Deqing s’est aussi beaucoup consacré à la voix, puisant dans les techniques
traditionnelles de déclamation ou dans les techniques vocales de l’opéra de Pékin, en utilisant
par exemple les exercices pratiqués par les chanteurs sur la base de glissandi montants sur la
voyelle «i». Il a assuré la création de Complainte 17 , mais pense que d’autres chanteurs
peuvent tout aussi bien l’interpréter :
Un chanteur de l’opéra de Pékin n’est pas nécessairement le plus à même d’y
parvenir, j’ai déjà eu l’occasion de le vérifier […] Il me faut une voix de contreténor, tel type de glissando, la connaissance des quatre tons du chinois et de quelques
caractéristiques du style d’opéra de Pékin, et une bonne dose d’enthousiasme18.
Dans Wu, il juxtapose la déclamation traditionnelle chinoise et la technique suisse du
yodel. Enfin, dans Kung-fu 功夫(1998), il demande au percussionniste d’imiter les cris que ce
sport martial utilise pour relâcher l’énergie.
Les compositeurs installés aux États-Unis semblent avoir été moins inspirés par les
techniques vocales traditionnelles, à part dans le domaine de l’opéra où, comme Tan Dun, ils
font beaucoup appel à la tradition de l’opéra de Pékin. On remarque d’ailleurs que
contrairement à leurs homologues européens, ils composent beaucoup pour chœur, un genre
très prisé du côté américain, qui appelle à une certaine « sagesse » vocale. Si l’on veut
retrouver aux États-Unis la richesse de la vocalité chinoise, c’est plutôt du coté de
l’improvisation qu’il faut se tourner, comme dans le jubilatoire China Collage19 enregistré par
la chanteuse Liu Sola et la joueuse de pipa Wu Man.
Si l’on se tourne du côté de la Chine, Guo Wenjing a toujours été passionné par les
traditions vocales de sa région natale, le Sichuan, où les bateliers du Yangzi ont de très beaux
chants de travail appelés haozi 号子. Mais se trouvant dépourvu de tout talent vocal, il n’a
jamais chanté aucune de ses œuvres. Dans Inscriptions on Bone20, Guo Wenjing développe
14
Pièce pour voix et bande (1995).
Pièce pour voix d’homme, luth pipa, cithare zheng et trois groupes d’instruments occidentaux (1996).
16
Entretien avec le compositeur, mai 2001.
17
Pièce pour un récitant de l’opéra de Pékin et trois percussionnistes (1994).
18
Nicolas DONIN, « Compositeurs chinois en Europe : entretiens avec Chen Qigang et Wen De-Qing », in
La route de soi Circuit, volume 12, n°3, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2002, p. 33.
19
LIU Sola et WU Man, 1995, CD China Collage, Disk Union R-55B0281.
20
Pièce déjà évoquée.
C 01 : La parole musicale
La vocalité chez les compositeurs chinois contemporains
Marie-Hélène Bernard / 5
15
une ligne vocale impressionnante, introduisant de nombreux glissandi (en particulier dans
l’extrême-grave), l’usage de syllabes répétées en accélérant progressivement, de jeux avec les
lèvres ou la mâchoire inférieure… En avançant dans sa carrière, Guo Wenjing va de plus en
plus se consacrer à l’opéra et travailler avec des chanteurs chinois traditionnels issus de
l’opéra de Pékin ou de l’opéra classique kunqu 昆曲.
Conclusion
Malgré des œuvres éclatantes comme Mong Dong ou On Taoism, la voix n’a néanmoins
pas été le médium le plus exploré par les compositeurs chinois. Si l’on étudie attentivement
leurs différents catalogues, on se rend compte que les pièces faisant appel à la voix ne sont
pas finalement pas si nombreuses 21 et que l’attrait vers un univers purement instrumental
semble très fort. On peut aussi s’étonner que ceux-ci restent généralement cantonnés à l’opéra
de Pékin et qu’ils ne se soient pas plus nourris de la multiplicité des voix chinoises. Il est
difficile de faire la part entre la méconnaissance, la difficulté à transcrire ces techniques dans
le cadre de la notation occidentale et celle de trouver des interprètes susceptibles de les
incarner. Il reste néanmoins que la vocalité a été souvent pour eux un moyen de trouver une
manière originale de s’exprimer, et ceci généralement sans que cela passe par l’intérmédiaire
de mots. Ce choix ne nous paraît pas forcément lié à une forme d’autocensure, mais plutôt au
désir de retrouver dans son sens premier le plaisir et l’énergie du geste vocal.
Sélection discographique
CHEN Qigang, Poème Lyrique II (Shi Kelong, voix, Ensemble instrumental de Ville d’Avray
dirigé par Jean-Louis Petit), MFA (REM n°311223).
LIU Sola, WU Man, China Collage (Liu Sola, voix, Wu Man, pipa), Disk Union R55B0281.
MO Wuping, Fan I (Nieuw Ensemble dirigé par Ed Spanjaard), ZEBRA 001.
QU Xiaosong, Mong Dong, in CD First Contemporary Chinese Composers Festival 1986
(Michael Rippon, voix, Hong Kong Philharmonic Orchestra dirigé par Kenneth
Schermerhorn), Marco Polo (8223915).
TAN Dun, On Taoism (Tan Dun, voix, BBC Scottish Symphony Orchestra dirigé par Tan Dun),
Koch Schwann (3-1298-2).
WEN Deqing, Complainte (Wen Deqing, récitant, CIP dirigé par Giorgio Bernasconi), CD
Wen : portrait, Stradivarius B0000019B8.
Sélection bibliographique
BERNARD, Marie-Hélène, « R.R.R - Les compositeurs chinois », in Filigrane, n°5,
Sampzon, Éditions DELATOUR, France, 2007, p. 23-43.
KOUWENHOVEN, Frank,
« Out of the Desert, Mainland China’s New Music (1) » in Chime, n°2, Leiden, automne
1990, p. 58-93.
« Madly singing in the Mountains, Mainland China’s New Music (2) » in Chime, n°3,
Leiden, printemps 1991, p. 42-75.
« The Age of Pluralism, Mainland China’s New Music (3) », in Chime, n°5, Leiden,
printemps1992, p. 76-134.
RESTAGNO, Enzo, « Il linguaggio contemporaneo », in PICARD, François, Enzo
RESTAGNO, La musica cinese, Turin, E.D.T, 1998, p. 105-220.
21
Si l’on met de côté la production d’opéras.
C 01 : La parole musicale
La vocalité chez les compositeurs chinois contemporains
Marie-Hélène Bernard / 6

Documents pareils