hpv : où en sommes-nous - Crips Ile-de

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hpv : où en sommes-nous - Crips Ile-de
>> Lettre d'information n°108
HPV : OÙ EN SOMMES-NOUS ?
92e rencontre du Crips Île-de-France • 12 novembre 2015
>> Rencontre animée par Michel Bourrelly, directeur général du Crips
>> Janvier 2016
LES CARACTÉRISTIQUES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
DE L’INFECTION
>> Pr Isabelle Heard,
co-directrice du Centre national de référence du papillomavirus,
Institut Pasteur
Deux sortes de papillomavirus
Les papillomavirus sont une très grande famille dont certains sont oncogènes, c’est-à-dire
responsables de cancers : les numéros 16 et 18, qui sont en tout cas les plus oncogènes. D’autres
ne donnent jamais de cancer, en particulier les papillomavirus 6 et 11 qui sont les agents des
condylomes, des verrues génitales. Il y a donc deux sortes de papillomavirus dont certains sont
oncogènes, ce qui ne veut pas dire que si on est infecté par un virus oncogène, on développera
un cancer, heureusement.
Nous nous infectons tous par les papillomavirus dès le début de notre activité sexuelle. C’est
un proxy de l’activité sexuelle, d’une totale banalité. Bizarrement, quand on s’infecte, c’est le
plus souvent par le HPV 16, donc l’un des plus oncogènes. Mais comme on a heureusement
un bon système immunitaire, en un ou deux ans, on se débarrassera de notre papillomavirus
et l’infection disparaîtra. Le pic d’infection se situe ainsi vers l’âge de 15 ans, puis le taux baisse
avec l’âge. Dans certaines circonstances, l’infection persiste, d’autant plus avec des HPV
oncogènes. Une infection persistante qui va d’abord être productive (le col fabrique plein de
papillomavirus), et parfois entraîner la création de lésions précancéreuses qui surviennent
vers l’âge de 30-35 ans. Une quinzaine d’années s’écoule donc entre l’infection et la lésion
précancéreuse. Mais là encore, on peut très bien s’en débarrasser. Ou pas. Et dans certaines
circonstances, le cancer mettra encore quinze ans en moyenne à se développer.
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Ressources d’Information
et de Prévention sur le
VIH/SIDA, les IST, les
hépatites, l’éducation à la
vie affective et sexuelle, les
drogues, les dépendances
et les conduites à risque
chez les jeunes
Si vous avez ça en tête et si vous avez en tête que c’est une maladie extrêmement lente, vous
avez tout compris des papillomavirus.
Comment les attrape-t-on ?
Comment attrape-t-on les HPV ? Au début de l’activité sexuelle. Des cohortes américaines
montrent que le taux d’infection est maximum entre 20 et 25 ans et que, plus les femmes
vieillissent, plus ce taux diminue. Certaines études plus récentes ont montré qu’il y avait
réinfection par HPV chez les femmes aux alentours de la ménopause.
Cette infection est très fortement liée aux rapports sexuels parce qu’un an après le début de
l’activité sexuelle, un tiers des filles sont infectées par les papillomavirus. Concernant le taux
d’infection en fonction du nombre de partenaires : plus une jeune fille a des rapports avec de
nombreux partenaires et plus ces partenaires ont eux-mêmes de nombreux partenaires, plus
le taux d’infection est élevé. Le risque cumulatif d’être infecté est supérieur à 80% à l’âge de 50
ans et l’infection est le plus souvent multiple parce qu’on s’infecte généralement par beaucoup
de papillomavirus.
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La prévention
La capote, le préservatif masculin, féminin ou le diaphragme
peuvent-ils empêcher l’infection ? Non, parce que le HPV, il
y en a partout : dans tout le tractus anogénital et les voies
génitales. Sur la vulve, dans le vagin, sur le col de l’utérus
et dans le canal anal, chez la femme ; et chez l’homme,
sur le pénis, le scrotum, dans le canal anal, et on sait aussi
maintenant qu’il y a en a plein la bouche. On n’a donc pas
encore trouvé l’agent de prévention suffisant pour ne pas
s’infecter pendant la vie sexuelle.
Le papillomavirus est l’agent du cancer du col de l’utérus
qui est un cancer qui touche essentiellement les pays en
développement, l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine. Il y en a
moins dans nos pays.
Voici quelques chiffres : en France, il y a 3 000 cas par an
de cancers du col et 1 000 décès. Dans le monde, ce sont
500 000 nouveaux cas par an et 275 000 décès, plus de 80%
des cas étant observés dans les pays en développement.
Il y a deux moyens de prévenir le cancer du col de l’utérus. Le
premier, c’est le dépistage par frottis, qui marche très bien.
En Angleterre, où le nombre de cas était de 16 pour 100 000,
cette incidence a diminué avec l’instauration du dépistage.
En France et dans tous les pays de la planète, le dépistage
repose aujourd’hui sur le frottis, c’est-à-dire sur la détection
au niveau du col de l’utérus de cellules infectées par des
papillomavirus ou transformées en lésions précancéreuses
ou en cancer du fait de l’infection par HPV. En France, le frottis
est fait tous les trois ans, entre 25 et 65 ans. Il ne détecte
pas le virus. Mais certains pays vont démarrer, dès l’année
prochaine, un dépistage par recherche du virus même. On
n’attendra donc pas qu’il y ait des cellules anormales et si une
femme n’a pas de papillomavirus oncogène, on lui fichera
la paix, elle n’aura aucun risque de développer un cancer.
L’autre moyen de prévention du cancer, c’est le vaccin qui
sera abordé tout à l’heure.
Cancer du canal anal…
Si le papillomavirus est responsable du cancer du col, il est
aussi responsable d’autres lésions du tractus anogénital :
les condylomes (qu’on estime à 600 000 par an dans la
population), le cancer du canal anal, un certain nombre de
cancers du vagin et de la vulve, de cancers du pénis et de
cancers « tête et cou », c’est-à-dire ORL.
Le cancer du canal anal est un cancer dont l’incidence
augmente chez les hommes et chez les femmes. Aux
États-Unis, elle a doublé chez les femmes au cours des
trente dernières années, et elle a pratiquement doublé
aussi en France. On observe par ailleurs une augmentation
significative et récente du risque de cancer du canal anal
chez les femmes vivant avec le VIH, tandis que chez les
hommes, l’incidence est définitivement plus élevée parmi
les homosexuels et les séropositifs.
On constate certaines similitudes biologiques entre les
lésions dans le canal et celles du col de l’utérus : l’existence
de lésions précancéreuses, une infection par HPV oncogène,
en particulier les HPV 16 et 18. Et la même histoire : infection/
LETTRE D'INFORMATION N°108
lésions précancéreuses/cancer. Les facteurs de risques ne
sont, par contre, sans doute pas les mêmes, et le risque de
transformation non plus.
En France, l’incidence du cancer du canal anal chez les
femmes est passée de 0,7 pour 100 000 à 1,1 pour 100 000
entre 1992 et 2008, une augmentation indiscutable alors
que chez les hommes, elle est relativement stable. Chez les
personnes vivant avec le VIH (PVVIH), l’incidence de ce type
de cancer a presque triplé chez les femmes et « explosé »
chez les hommes séropositifs homosexuels et hétérosexuels
malgré l’arrivée de la trithérapie en 1996. Le cancer du canal
anal est donc aujourd’hui un problème de santé publique
qu’on ne peut plus ignorer.
… et des voies aérodigestives supérieures
(VADS)
L’autre cancer dont je voudrais dire un mot est celui des
voies aérodigestives supérieures (VADS). C’est le sixième
cancer dans le monde, un cancer de l’homme jeune, qui
est essentiellement lié au tabac et à l’alcool. Mais on s’est
récemment rendu compte qu’il y avait une augmentation
extrêmement importante de l’incidence de ce cancer aux
États-Unis, en Angleterre, en Hollande ou au Danemark, une
sorte d’« épidémie » (si on peut employer ce mot) dans une
population qui n’était pas celle qu’on attendait. Une certaine
proportion de ces cancers est en effet due au HPV : un quart
des cancers de la bouche, 24% des cancers du pharynx et
un tiers de ceux de l’oropharynx. En Suède, entre les années
1970 et 2000, les cancers de l’amygdale dus au tabac et à
l’alcool ont ainsi diminué parce que les gens fument de
moins en moins, alors qu’apparaissait en même temps une
épidémie de cancers dus à une infection par HPV. Quel est le
facteur de risque de ce cancer ? Beaucoup d’études ont été
réalisées avec beaucoup d’arguments en faveur du sexe oral,
mais ces cancers surviennent aussi chez des gens qui disent
ne pas avoir eu de rapports oraux. Tous les cancers dus au
HPV augmentent très significativement chez les personnes
immunodéprimées, qu’il s’agisse de personnes atteintes du
VIH ou de personnes transplantées.
L’infection par HPV est extrêmement fréquente, c’est la
cause des cancers anogénitaux et des cancers des voies
aérodigestives supérieures. Le diagnostic repose sur la
détection de l’ADN du HPV, pas sur une culture ou une
sérologie parce que cette dernière sera négative dans les
deux tiers des cas chez des hommes ayant déjà rencontré un
HPV, comme chez la moitié des femmes ayant eu un HPV. La
sérologie ne sert donc strictement à rien pour le diagnostic.
Sans détection de l’ADN du HPV, on est incapable de dire si la
personne est vierge du virus ou si elle s’en est débarrassée.
>> Les vaccins sont extrêmement efficaces en prévention,
mais ce qui me semble être une question importante dans
les années qui viennent sera l’augmentation du risque de
cancer dû au HPV chez les personnes immunodéprimées,
en raison de l’augmentation de leur durée de vie liée à la
meilleure qualité de leur prise en charge.
p. 2 >> HPV : où en sommes-nous ?
LES QUESTIONS
>> Si le frottis est la seule méthode de prévention
efficace du cancer du col de l’utérus, pourquoi faire le
vaccin ?
>> Isabelle Heard : Le frottis sert à dépister la lésion
précancéreuse et à l’opérer : on enlève un bout du col
de l’utérus. Sachant que la lésion apparaît vers 35
ans, enlever un bout de col à cet âge a un impact sur
la fertilité, alors que les femmes font maintenant leur
premier enfant vers 38-40 ans. Donc on fait le frottis,
on détecte la lésion (environ 1% des femmes présentent
des lésions précancéreuses), on l’opère, et quand la
femme a envie de faire un enfant, elle a du mal à le
faire. Si on l’avait vaccinée, elle n’aurait pas eu de
lésion précancéreuse et elle aurait pu faire son premier
gamin à l’âge où elle le souhaitait.
La littérature concernant l’impact de la conisation sur
la fertilité est très abondante. Le col est un verrou,
et si vous en enlevez la moitié avec une conisation
assez large, vous n’avez plus que la moitié du verrou.
Et au bout de quatre, cinq mois de grossesse, le bébé
descendra et la mère fera une fausse-couche tardive
ou un accouchement prématuré. Une résection du col
peut aussi entraîner une diminution de la glaire dont
le spermatozoïde a besoin pour faire son chemin, et la
femme n’arrive pas à tomber enceinte.
Le frottis, tant qu’on n’avait rien d’autre, c’était très
bien. Mais nous allons sans doute passer à autre chose
avec un frottis accompagné d’un test HPV et surtout,
nous ne sommes pas dans le cadre d’un dépistage
organisé. Et vous savez très bien que même dans les
pays où toutes les femmes reçoivent des invitations, il y
en a toujours 20% qui ne vont pas faire leur frottis.
>> Sachant que le développement du cancer du col de
l’utérus prend quinze ans une fois l’infection arrivée,
comment peut-on dire que le vaccin est efficace si ça
fait seulement neuf ans qu’il est sur le marché ?
>> Isabelle Heard : Tous les essais qui ont été faits
pour évaluer l’efficacité des vaccins l’ont été en
prenant comme témoin de l’efficacité l’infection
persistante à six mois, la lésion de bas grade et la lésion
précancéreuse. Si on avait vacciné des filles de 12 ans
et attendu qu’elles aient 50 ans pour voir l’efficacité
du vaccin, on ne serait pas tous là cet après-midi. Mais
on a décidé à l’échelle internationale, en particulier
à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), que la
lésion précancéreuse et l’infection persistante qui
sont nécessaires au développement du cancer étaient
des proxys relevants. Et tous les essais – qui ont à
chaque fois porté sur des échantillons de 15 000 filles
vaccinées et 15 000 filles non-vaccinées – ont montré
qu’on avait une diminution extrêmement importante de
l’infection persistante et de la lésion précancéreuse.
Les résumés des caractéristiques (RCP) des vaccins
disent d’ailleurs qu’on a une diminution des lésions
précancéreuses et certains éléments montrent désormais
qu’ils diminuent aussi les lésions précancéreuses
du canal anal. On ne devrait donc effectivement pas
dire – c’est un abus de langage – qu’on diminue le
cancer. Mais vu les lésions précancéreuses et que nous
connaissons très bien l’histoire naturelle et qu’on n’a
jamais vu surgir de cancer chez une dame qui a eu
des frottis normaux toute sa vie, on pense avoir le droit
d’extrapoler en disant que la lésion précancéreuse est
un bon substitut du cancer.
VACCIN / COMMENT CONVAINCRE ?
>> Dr Hélène Borne,
gynécologue
Gynécologue depuis trente ans, je fais de la colposcopie
depuis vingt-cinq, donc je connais bien le sujet.
Petit précis de sexualité : le sexe ne se résume pas au coït
et à la pénétration, les caresses et le sexe oral mènent tout
autant à l’orgasme. Et le HPV est un virus cutanéo-muqueux
omniprésent. On peut donc en attraper très facilement. Il
est vrai qu’avec des « si »… : si les femmes n’avaient qu’un
seul partenaire au cours de leur vie, si ce partenaire unique
n’avait de contacts intimes qu’avec elle tout au long de sa
vie, dépistage et vaccination HPV seraient presque superflus.
Mais ce n’est pas le schéma le plus fréquent dans la vraie vie,
et 80% des femmes rencontreront des HPV au cours de leur
vie. Si elles ont un super système immunitaire, ne fument
LETTRE D'INFORMATION N°108
pas de cigarettes et n’ont pas de déficiences immunitaires,
elles se débrouilleront beaucoup mieux pour lutter contre les
HPV. Mais beaucoup de femmes ont une mauvaise immunité
vis-à-vis de ce type de virus et se retrouvent avec une
infection dite « productrice » puis « transformante », et avec
un cancer du col après avoir eu une lésion précancéreuse de
haut grade. Il y a donc un risque d’infection HPV, et c’est un
défi de santé publique.
Dépister ne suffit pas
Le dépistage ne suffit pas parce que c’est un cancer de la
femme jeune. Quand on regarde les données, le dépistage
par frottis a effectivement empêché 70% des cancers du col.
p. 3 >> HPV : où en sommes-nous ?
Mais c’est chez la femme jeune que le dépistage est le moins
efficace et c’est chez les femmes plus âgées qu’on a enregistré
une chute des cancers du col. En France, malheureusement,
nous n’avons pas de programme organisé de dépistage par
frottis, et 45% de la population féminine française ne fait
pas son dépistage correctement. Et il y a surtout 30% de
faux négatifs. Une étude française s’est ainsi retrouvée avec
des cancers invasifs chez des femmes jeunes (47% avaient
moins de 45 ans) qui avaient eu un frottis négatif dans les
trois ans précédents.
L’infection va d’abord se manifester par des verrues
génitales. Non-oncogènes, les HPV 6 et 11 ne risquent donc
pas d’entraîner de cancer mais provoquent des lésions
très récidivantes qu’on appelle « verrues génitales » ou
« condylomes génitaux externes ». Elles concernent 2% à
3% de la population, surtout des jeunes au début de leur vie
sexuelle parce qu’il y a une forte contagiosité. Les traitements
sont très pénibles avec des récidives dans 50% des cas et un
retentissement psychologique majeur. Même sans arriver au
cancer, c’est stressant. On compte 29 000 hospitalisations
annuelles.
Quand le dépistage marche, on dépiste des lésions qu’on
peut traiter avec des vaporisations laser, une cryothérapie
ou une exérèse avec des risques de morbidité.
Mieux vaut prévenir que guérir
Alors ne vaut-il pas mieux vacciner (dès 11 ans désormais)
que traiter ? Mieux vaut prévenir que guérir, donc vaccinons
puisqu’il existe un vaccin, et avant tout contact avec le HPV,
c’est-à-dire très jeune. Un vaccin – efficace, toléré, pas
dangereux – protègera les jeunes filles.
Deux vaccins prophylactiques sont arrivés en 2007 :
Cervarix®, un bivalent, et Gardasil®, un quadrivalent. Les
différences sont un supplément d’aluminium et un substrat
ASO4, et le Gardasil® ne cible pas uniquement les HPV 16 et
18 qui sont les plus agressifs mais aussi le 6 et le 11, qui sont à
l’origine des verrues génitales.
Pourquoi ne sont-ils pas dangereux ? Parce qu’ils ne
contiennent rien, ce sont des leurres, de fausses particules
virales sans matériel génétique qui ne peuvent donc pas
entraîner de maladie. Ils constituent un leurre pour les HPV
qui arrivent dans les voies génitales.
Selon des études datant de 2007-2009, leur taux d’efficacité
est de 98 à 100% sur les lésions de haut grade, les lésions
vaginales, vulvaires et génitales ; des chiffres qui sont à
peu près les mêmes concernant les critères cliniques. Nous
avons aujourd’hui davantage de recul : 200 millions de
filles ont été vaccinées, avec une efficacité en population
démontrée parce qu’elle est liée à la couverture vaccinale.
Car si vacciner, c’est bien, il faut aussi vacciner beaucoup
de filles qui sont des vecteurs de l’infection pour avoir à la
fois une protection individuelle et des autres jeunes gens et
jeunes filles. Dans les pays où on a vacciné au collège avec
des couvertures vaccinales atteignant 80 à 85%, on a déjà
vu quasi disparaître les virus génitaux en Australie, virus qui
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ont diminué de 80% au Danemark. Les lésions de haut grade
ont pour leur part diminué de 46% en Australie et de 75% au
Danemark.
Une défiance injustifiée
La tolérance est démontrée sur 200 millions de doses. En
juillet 2014, le Haut conseil de santé publique (HCSP) a fait
part des croyances entretenues par certains médecins et
fortement relayées par les médias, qui ont entraîné une
défiance tout à fait injustifiée à l’égard de cette vaccination.
Il rappelait que les maladies auto-immunes se révélaient
avec une fréquence significative à l’adolescence, âge
auquel la vaccination est également recommandée. Les
maladies auto-immunes se révèlent plutôt entre 13 et
16 ans qu’entre 9 et 10. Une coïncidence temporelle. Si la
maladie doit arriver, elle arrivera, mais le vaccin n’entraînera
pas la maladie. Les données de pharmacovigilance, tant
nationales qu’internationales, ne permettent pas de retenir
l’existence d’un lien de causalité entre cette vaccination et
les évènements indésirables graves qui lui ont été attribués
en France, notamment la sclérose en plaques et d’autres
maladies auto-immunes. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le
Haut conseil de santé publique, en juillet 2014.
Depuis 2009, nous voyons pourtant des choses extrêmement
angoissantes pour les mères sur Internet. Et une journaliste
avait parlé de « nouvelle affaire Médiator ». En 2013, il y a eu
une première plainte suivie de 50 autres.
Aujourd’hui, le praticien malmené par les médias doit donc
être conscient du risque médicolégal futur en cas d’attitude
passéiste : ne pourra-t-il pas lui être reproché dans un avenir
proche d’avoir déconseillé ou omis la vaccination en cas de
condylomatose récidivante et invalidante ? Ou en cas de
conisation ou de vaporisation laser liée à un HPV 16 ou 18 ?
Ou encore en cas de cancer invasif lié au HPV 16 ou 18 ?
La responsabilité du médecin
Personnellement, quand j’ai une maman qui me dit « mon
médecin n’est pas trop chaud, ne me l’a pas déconseillé
mais… », je lui donne tous ces arguments-là, en lui disant
que je ne peux l’obliger à rien, qu’il faut qu’elle et son
enfant soient tranquilles avec cette décision, mais de
demander à son médecin d’écrire, dater et signer « Je
vous déconseille de vacciner votre enfant ». Peu de
médecins le feront. Le médecin doit être conscient de sa
responsabilité médicolégale à suivre les recommandations
parce que ce sont des recommandations officielles que
les médecins français se doivent de suivre. La vaccination
confiée aux pédiatres et aux généralistes à 11 ans, au cours
d’un rendez-vous vaccinal, est enfin le schéma vaccinal
choisi par la France. L’âge initialement fixé à 14 ans était
beaucoup trop compliqué. Désormais, c’est un schéma
désexualisé beaucoup plus simple à expliquer aux parents.
La responsabilité de protéger notre jeune génération est
donc partagée par tous les acteurs de santé. Il faut que les
médecins assurent une large couverture vaccinale dans un
but tant individuel que collectif.
p. 4 >> HPV : où en sommes-nous ?
Pour en finir avec la polémique, très récemment, le 10
septembre 2015, la dernière étude de l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)
a montré qu’il n’y avait pas d’association vaccin HPV avec
un risque global de maladie auto-immune. Les 51 plaintes
déposées depuis fin 2013 ont été classées sans suite (le 26
octobre), aucune pathologie n’ayant été reconnue comme
étant en lien direct avec le vaccin. Le vaccin anti-HPV est
le premier vaccin présenté comme une immunisation anticancer.
Malgré la mise à disposition de vaccins efficaces et bien
tolérés, le corps médical français ne protège toujours pas
ses jeunes contre l’infection HPV, contrairement aux pays
anglo-saxons et nordiques, beaucoup plus pragmatiques
qui obtiennent, par une vaccination scolaire, une couverture
vaccinale de 85% et qui vaccinent également les garçons
vecteurs de la maladie. Si les médias continuent à torpiller
les vaccins HPV, la couverture vaccinale restera à une échelle
insuffisante pour une efficacité collective.
HPV ET ANUS : UN FARDEAU POUR LES PATIENTS
>> Dr Laurent Abramowitz,
proctologue, président du Groupe de recherche en proctologie de la Société française en colposcopie
Sans être infecté par le VIH, 12% des hétérosexuels
masculins, environ 50% des homosexuels masculins et près
de 40% des femmes sont infectés par le HPV au niveau de
l’anus. Des prévalences qui explosent chez les personnes
infectées par le VIH : la moitié des hétérosexuels masculins,
90% des homosexuels masculins et 75% des femmes.
Infection HPV et cancer de l’anus
Cette infection provoque des maladies parmi lesquelles les
condylomes, dont le taux chez les hommes a été estimé
à 23 000 nouveaux cas chaque année en France, soit une
incidence de 528 pour 100 000 habitants. N’ayant pas de
données de la littérature pour les patients VIH, nous avons
proposé à Bichat un examen proctologique à 516 patients dont
92% ont accepté. Nous avons ainsi mis en évidence qu’un
quart (23%) de tous les patients VIH avaient des condylomes
anaux (36% chez les homosexuels masculins, 15% chez les
hétérosexuels masculins, et 11% chez les femmes). Pour
9% des homosexuels et 7% des hétérosexuels il y avait
également des condylomes péniens. Les chiffres étaient
exactement les mêmes au long cours, sur 1 206 patients
dépistés : un quart des patients avec des condylomes, 34%
quand ils sont homosexuels, 14% pour les autres, 7% de ces
patients ayant une dysplasie de haut grade, donc une lésion
précancéreuse.
Des méta-analyses qui colligent l’ensemble de la littérature
internationale sur la dysplasie (modification de cellule
pouvant évoluer vers le cancer) indiquent : 5% de dysplasie
de bas grade et 1% de dysplasie de haut grade quand on n’est
pas infecté par le VIH ; 8% de dysplasie de haut grade et 15%
de bas grade chez les homosexuels masculins.
La France comptait 3 711 cancers de l’anus en 2006, et sur
les 366 cancers anaux que nous avons analysés, 97% étaient
liés à l’infection HPV, dont 78% de HPV 16 et/ou 18. J’entends
quelquefois « mais le cancer de l’anus, ça se soigne, il y a
80% de guérison », ce qui veut déjà dire que 20% meurent.
LETTRE D'INFORMATION N°108
Mais le traitement, c’est une radio-chimiothérapie qu’on suit
pendant six semaines, et si ça ne marche pas, on ampute,
laissant les patients avec une poche à vie. Et après une radiochimiothérapie, on a au minimum une dermite radique
responsable de saignements. Les patients sont certes guéris
mais ils ne sont pas sans pathologie. Certains souffrent
d’incontinence anale à vie.
Traiter le problème à la racine
Quelle prévention face à cette lourdeur au quotidien ?
La prévention secondaire, bien sûr, et la seule politique
de dépistage actuellement recommandée en France
concerne les patients VIH. Elle l’a été par le rapport Morlat
(2013), qui stipule qu’il faut faire un dépistage avec examen
proctologique contenant une anuscopie de tous les patients
homosexuels séropositifs masculins et de tous les patients
avec antécédent de dysplasie du col ou de condylomes
anogénitaux. Des recommandations difficiles à mettre en
œuvre car elles existaient déjà dans le rapport Yeni en 2006.
Avec 160 000 patients séropositifs en France, si on demande
aux médecins de voir dix patients par vacation, il va falloir
400 praticiens uniquement pour ce dépistage. Et je ne parle
que des patients VIH. Donc une mise en place énorme et des
traitements longs (de six mois à trois ans) et douloureux,
pouvant parfois aboutir à des exclusions sociales.
La prévention secondaire doit être mise en place, c’est très
important, mais seule la prévention primaire réussira à
traiter le problème à la racine. Et sachant que la capote ne
suffit pas parce que la transmission est manuportée, reste
donc le vaccin. A-t-il démontré son efficacité ? Le niveau
de preuves est élevé, comme l’a évoqué Hélène Borne. Et le
discrédit jeté sur la vaccination HPV contribue à une perte
de chance pour les jeunes filles non-vaccinées d’accéder au
seul moyen de prévention primaire contre les maladies liées
aux papillomavirus humains.
p. 5 >> HPV : où en sommes-nous ?
Et les garçons ?
Quelques questions et réflexions. Pourquoi cette décision
politique de vacciner moins de la moitié de la population
contre des pathologies touchant les deux sexes ? Cela ne
me paraît pas très éthique par rapport aux filles auxquelles
on fait porter la prévention des maladies sexuelles, et pas
éthique pour les garçons dont beaucoup me disent qu’ils ne
sont pas protégés. Si seules 20% des filles sont couvertes en
France, aucun garçon n’est en effet protégé. Je me demande
ce que feront dans dix à vingt ans les milliers de patients avec
des cancers HPV, qui auraient pu être vaccinés s’il y avait eu
des politiques adaptées. Donc, soit on se bat pour améliorer la
couverture vaccinale parce que si elle atteint 80%, on n’aura
pas besoin d’élargir aux garçons, soit on élargit la population
à vacciner. A mon avis, il faut faire les deux. Certaines études
ont montré que la vaccination était efficace pour prévenir
les lésions au niveau du pénis et les dysplasies au niveau
de l’anus. Le vaccin est donc efficace chez les garçons et si
on élargit la vaccination, on a un bénéfice pour les garçons
qu’on protège des condylomes anogénitaux, des cancers de
l’anus et du pénis (en tout cas une grande proportion), et un
bénéfice pour les filles, grâce à ce qu’on appelle « l’immunité
de groupe ».
Des réflexions économiques ont été publiées dans de grands
journaux et Brisson, au Québec, a montré que les pays où
la couverture vaccinale était inférieure à 50% (comme en
France) bénéficieraient de la vaccination mixte. Une autre
étude a montré qu’il était plus coûteux d’élargir la vaccination
des filles que d’ajouter les garçons. Va-t-on à chaque fois
refaire les erreurs du passé ? Pour prendre l’exemple du
vaccin contre la rubéole, pendant vingt ans, on n’a vacciné
que les filles, ce qui n’a pas empêché les pics de rubéole.
Et puis, on s’est dit qu’il était aussi logique de vacciner les
garçons et la rubéole a disparu.
Une mesure coût-efficace
Quand j’en parle avec mes collègues qui connaissent moins
bien le HPV et la vaccination, ils me répondent que c’est une
question d’argent. Je ne suis pas économiste de la santé, mais
en travaillant un peu sur le sujet, j’ai appris qu’en médecine,
une attitude était coût-efficace si on avait un Qaly (Quality
Adjusted Life Year, année de vie ajustée par sa qualité)
inférieur à 50 000 dollars. Les premières études évaluant
le coût-efficacité d’une vaccination des garçons en tenant
compte du fait qu’on évitait le cancer du col montraient, bien
sûr, qu’elle n’était pas coût-efficace concernant l’immunité
de groupe. Mais quand on a commencé à intégrer dans les
modèles le fait qu’on prévenait aussi les cancers de l’anus,
la vaccination est devenue coût-efficace. Si on vaccine à 12
ans, on a des Qaly à 15 290 $, donc très largement inférieur
à 50 000 $. Et même en vaccinant les homosexuels à 26
ans, on a encore un Qaly inférieur à 50 000 $. D’autres
études démontrant ce coût-efficacité ont permis d’obtenir
l’autorisation de vacciner les garçons aux États-Unis.
Beaucoup plus récente, une étude de 2015 au Danemark
(où la couverture vaccinale est de 85%) a conclu que
l’extension de la vaccination aux garçons était coût-efficace
et permettrait d’accélérer la prévention des cancers, de
leurs précurseurs et des condylomes anogénitaux chez les
filles et chez les garçons. Idem lorsqu’on intègre les cancers
ORL dans les études de coût-efficacité, qui démultiplient les
bénéfices pour la société.
Faut-il vacciner tous les garçons ? Uniquement les
homosexuels masculins ? Vacciner les homosexuels
masculins améliore le rapport bénéfices/risques pour
le cancer de l’anus et les condylomes. Le risque, c’est de
stigmatiser si cela devient le vaccin des homos, le vaccin
du sexe permissif et tout ce qu’on peut imaginer. Deuxième
problème encore plus important : les hétérosexuels ne
seront pas protégés. Je pense donc qu’il faut vacciner tous les
garçons, avec un rattrapage chez les homosexuels. C’est déjà
le cas depuis 2011 aux États-Unis, en Australie, au Canada,
en Allemagne, en Autriche, ou encore en Suisse récemment.
En France, les recommandations changent un peu : depuis
décembre 2014, la vaccination est recommandée à l’âge de
11 ans chez les garçons infectés par le VIH, et en rattrapage
jusqu’à l’âge de 19 ans révolus avec un vaccin quadrivalent et
un schéma 3 doses.
>> Pour conclure, la prévalence de l’infection HPV est massive
dans les deux sexes, et le dépistage est indispensable. Mais,
étant sur le terrain, j’ai le sentiment que cela ne peut pas être
suffisant et qu’il est toujours plus coût-économique d’agir
en amont que de courir après le train. Et je pense qu’il est
éthique de vacciner les garçons et les filles. Car s’il n’est pas
nécessaire de vacciner les garçons si la couverture vaccinale
est de 80-90%, cela me paraît complètement utopique en
France.
LES QUESTIONS
>> Existe-t-il des méthodes d’hygiène de vie simples
pour prévenir l’apparition du cancer de l’anus,
notamment dans les pratiques sexuelles ?
>> Laurent Abramowitz : Il faut insister sur les mesures
de protection : les préservatifs diminuent énormément
le risque d’infection mais ne l’annulent pas puisqu’on
peut aussi contaminer son partenaire avec les doigts.
Mais les préservatifs protègent contre les chlamydiae,
les gonocoques, le VIH, et il faut donc continuer à les
utiliser même s’ils ne protègent pas contre tout.
>> Les rapports sexuels anaux jouent un rôle dans cette
infection ?
>> Laurent Abramowitz : Le risque de cancer de l’anus
est multiplié par 40 pour les homosexuels masculins.
Avoir des rapports anaux augmente le risque d’infection
HPV, le risque de dysplasie et le risque de cancer. Et
quand on est à la fois homosexuel et infecté par le VIH,
c’est la double peine : le risque relatif est multiplié par
80 ou 100.
LETTRE D'INFORMATION N°108 p. 6 >> HPV : où en sommes-nous ?
IMPACT DE LA VACCINATION HPV EN POPULATION
ET COUVERTURE VACCINALE EN FRANCE
>>Dr Isabelle Parent du Châtelet,
épidémiologiste, InVS
Les vaccins bi et quadrivalents HPV sont aujourd’hui
enregistrés dans plus de 100 pays, dont près de 60 ont déjà
introduit cette vaccination dans leur calendrier vaccinal.
L’Australie, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la
France et l’Allemagne ont été les premiers à recommander
cette vaccination dès 2007, et 22 pays la recommandent
actuellement en Europe. Le poids de la maladie HPV touche
surtout les pays à faible revenu les moins favorisés, et l’alliance
Gavi (Global Alliance for Vaccines and Immunisations,
initiative pour l’accès à la vaccination au niveau mondial)
devrait accélérer la mise à disposition de ces vaccins dans
ces pays.
Les politiques de vaccination
Beaucoup de pays ont des programmes dans les écoles, des
programmes offrant gratuitement ce vaccin aux jeunes filles
à l’intérieur de l’école, qui permettent d’atteindre des niveaux
élevés de couverture vaccinale des jeunes filles, notamment
en Angleterre, en Australie, au Danemark et en Suède (qui
avait auparavant une vaccination opportuniste). Certains
pays ont déjà introduit la vaccination des garçons, l’Australie,
une province du Canada et les États-Unis.
En France, elle a été introduite en 2007 et ciblait (avec
le vaccin quadrivalent) les jeunes filles de 14 ans avec
un rattrapage jusqu’à 15-23 ans (dans l’année suivant le
début de l’activité sexuelle). À l’époque, il s’agissait d’une
recommandation préférentielle pour le quadrivalent parce
que les données pour le bivalent n’étaient pas encore
complètes. Mais au vu des données fournies dans les
années suivantes, cette préférence a été levée en 2010 pour
recommander le quadrivalent ou le bivalent selon différents
schémas. En 2012, l’âge de la vaccination a été avancé de 14
à 11 ans, avec un rattrapage plus ciblé sur les jeunes filles de
15-19 ans, toujours dans l’idée de les vacciner avant le début
de la vie sexuelle. Et depuis mars 2014, c’est un schéma à
deux doses à 11-14 ans pour le vaccin bivalent, à 11-13 ans pour
le quadrivalent.
Le retard français
Premier constat : la France n’a jamais vraiment atteint
des niveaux de couverture vaccinale très élevés puisque
après l’introduction de la vaccination, elle est montée
progressivement jusqu’en juillet 2011 et le battage médiatique
autour d’effets secondaires soi-disant liés au vaccin qui ont
été très repris par la presse. La couverture vaccinale ne s’est
jamais vraiment remise de cette polémique, avec un taux
désormais bien inférieur à 20% (17% en 2014). À l’automne
2011, le Haut Conseil de la santé publique a donc réaffirmé
la balance bénéfices/risques de la vaccination. Quand on
étudie un vaccin, on étudie effectivement ses bénéfices, son
LETTRE D'INFORMATION N°108
efficacité, l’impact qu’il peut avoir sur la maladie, la morbidité
et la mortalité, mais on évalue également ses risques, c’est
le rôle des Agences de sécurité du médicament. Quand la
balance bénéfices/risques reste en faveur de la vaccination,
le programme n’a pas de raison de s’interrompre et doit au
contraire être renforcé. Le Haut Conseil s’est donc à nouveau
prononcé en faveur de la vaccination à l’automne 2011, mais
malheureusement sans impact sur la couverture vaccinale.
Nous ne sommes par ailleurs pas tous égaux dans l’accès à la
vaccination et au dépistage. Si le dépistage n’est pas organisé
en France, même dans les quelques départements où c’est
le cas (13 départements organisent le dépistage du cancer
du col de l’utérus), la couverture de ce dépistage n’est que
de 70%. Donc même en organisant le dépistage, 30% des
femmes n’y ont pas accès. D’après une étude réalisée dans le
cadre de l’enquête Santé 2012 de l’InVS-Irdes qui sera bientôt
mise en ligne sur notre site, le faible niveau de revenus du
foyer, l’absence de mutuelle, le faible niveau d’études et
un indice de masse corporelle élevé sont des facteurs qui
induisent un plus faible accès au dépistage du cancer du
col de l’utérus. Des caractéristiques socio-économiques
que l’on retrouve dans l’accès à la vaccination, la couverture
vaccinale étant également plus faible chez les plus jeunes
et chez les plus âgés. Cette étude a également identifié
758 couples mères-filles parmi lesquels la vaccination des
jeunes filles de 16-24 ans était plus faible quand les mères
n’avaient pas d’antécédent de dépistage, soit au cours des
cinq dernières années (18% de jeunes filles vaccinées, contre
42% quand les mères se sont fait dépister), soit au cours des
trois dernières années (28% vs 38%). Il y a donc bien des
facteurs socio-économiques expliquant l’accès au dépistage
et à la vaccination HPV, et ces mêmes facteurs seraient
probablement retrouvés pour la vaccination des garçons.
L’objectif premier de la vaccination est la prévention primaire
et surtout, de prévenir l’infection HPV chez les jeunes femmes
qui n’auraient pas accès au dépistage pour des raisons socioéconomiques, et on voit bien que seule une petite partie de
la population est la plus favorisée. Idem pour la vaccination
des garçons. Vacciner les garçons qui fréquentent les filles
vaccinées n’aura aucun impact et les études qui montrent
l’intérêt de la vaccination quand la couverture vaccinale est
basse reposent sur des modèles où la mixité est aléatoire et
non pas liée à des facteurs socio-économiques. Je pense
que c’est une limite à préciser. Enfin, une enquête menée
récemment auprès de médecins généralistes en ville leur
demandant s’ils recommandaient « souvent », « toujours »,
« parfois » ou « jamais » les vaccins de l’adolescent montre
qu’environ 25% d’entre eux ne le recommandent jamais ou
parfois pour le HPV. C’est auprès d’eux qu’il faut travailler. On
p. 7 >> HPV : où en sommes-nous ?
a le même problème avec le vaccin contre l’hépatite B ou
avec celui contre le méningocoque C, qui n’a pourtant été
victime d’aucune polémique. La vaccination est donc difficile
en France et il y a des progrès à faire si on veut atteindre les
objectifs.
L’impact de cette vaccination en population
Quand on veut évaluer l’impact d’un vaccin, on peut le faire
avant qu’il soit mis sur le marché et utilisé à grande échelle,
dans le cadre d’études d’efficacité et de tolérance réalisées
à l’aide d’essais cliniques randomisés. Ce sont ces essais qui
ont montré la très grande efficacité de la vaccination HPV
dans ces conditions. On peut aussi évaluer l’impact à l’aide
de modélisations médico-économiques (qui évaluent le
coût par les années de vie gagnées et ajustées sur la qualité)
ou à l’aide d’études menées quand le vaccin est déjà utilisé,
introduit dans les programmes de vaccination, et portant
sur les effets secondaires, l’impact de la maladie, l’efficacité
vaccinale, la couverture vaccinale, ou sur les attitudes et
pratiques vis-à-vis de la vaccination.
Si on ne peut pas encore évaluer l’efficacité de la vaccination
contre les cancers, beaucoup d’études ont montré l’impact
des vaccins sur la prévalence des HPV et sur les condylomes,
les évènements qui arrivent le plus tôt. À moyen terme, on
connaitra l’impact sur les lésions précancéreuses et dans
quelques décennies, celui sur les cancers du col et les autres
cancers liés aux HPV. Des impacts qui recouvrent à la fois les
effets directs et indirects chez les personnes vaccinées mais
également chez celles qui ne sont pas vaccinées.
LE VACCIN HPV
BIENTOT DANS LE CALENDRIER VACCINAL ?
« Faire enregistrer leurs vaccins implique de mener des
études selon des protocoles très stricts, de phase I, II,
III, si l’épidémiologie le permet. Ces études montrent
une efficacité qui est bien plus importante parce que
les jeunes filles sont sélectionnées pour ne pas avoir
été contaminées avant la vaccination. Avant d’accepter
un vaccin et de l’introduire dans le calendrier vaccinal,
les autorités de santé passent en revue toutes ces
études produites par le fabricant et toutes celles qui
sont publiées sur la durée de la protection, la tolérance,
l’efficacité en population… La recommandation d’un
vaccin est un gros travail de revue de données, de
revue de littérature systématisée faite par des gens
indépendants, qui n’ont pas de conflit d’intérêts visà-vis de l’industrie, certains ayant même de grandes
compétences à critiquer ce qui peut être fait parce que
la méthodologie n’est pas suffisamment rigoureuse. La
balance bénéfices/risques, c’est non seulement le travail
du fabricant de vaccin mais c’est aussi celui des autorités
de santé. C’est le travail principal du Haut Conseil de
santé publique et de tous ses experts. » (Isabelle Parent
du Châtelet)
Pour commencer, l’Australie, avec une étude sur l’impact
de la vaccination sur la prévalence menée auprès de jeunes
filles de 18-24 ans recrutées dans des centres de planning
familial des grandes villes, en période de pré-vaccination
(2005-2007) et de post-introduction de la vaccination
(2010-2011). Entre ces deux périodes, la prévalence de tous
les HPV a diminué, essentiellement en raison de la baisse
des HPV ciblés par les vaccins. Après l’introduction de la
vaccination, ces derniers sont devenus beaucoup moins
prévalents, une diminution observée non seulement chez les
vaccinées (5% de prévalence alors qu’elle était de 29% avant
la vaccination), mais également chez les non-vaccinés, ce
qui peut suggérer un effet d’immunité de groupe. Le risque
est diminué chez les non-vaccinés, et l’efficacité vaccinale
contre cette infection a été estimée à 73%. Certes, ce n’est
pas 100%, mais on sait que des jeunes filles avaient déjà été
infectées et que la vaccination ne marche pas ou moins bien
quand on a déjà rencontré le virus. C’est une estimation de
santé publique : quand on fait un programme, la prévalence
baisse de 73%. Les Américains aussi viennent de montrer une
diminution de la prévalence des HPV vaccinaux, cette baisse
étant surtout visible chez les jeunes filles vaccinées avant
19 ans, ce qui montre bien l’efficacité du vaccin quand il est
administré avant le début de la vie sexuelle. Une autre étude
australienne révèle, pour sa part, une baisse considérable de
la prévalence des condylomes chez les jeunes filles de moins
de 21 ans (la tranche d’âge où la couverture vaccinale était la
plus élevée), prévalence qui reste stable chez les jeunes filles
non-vaccinées. Concernant la prévalence des condylomes
chez les hommes hétérosexuels, la dynamique est un peu la
même chez les plus jeunes, c’est-à-dire que les jeunes filles
vaccinées ont indirectement protégé les jeunes garçons.
Une tendance un peu moins visible chez les hétérosexuels
plus âgés. Il n’y a pas vraiment eu d’impact chez les homo
et bisexuels, ce qui laisse supposer que le bénéfice de la
vaccination des filles porte sur les garçons avec lesquels elles
ont des relations sexuelles, démontrant là encore l’immunité
de groupe.
Dernier point : l’impact de la vaccination sur les lésions
précancéreuses. L’Australie l’a démontré assez vite grâce à
un dépistage à partir de 18 ans ou dans les deux ans suivant
le début de l’activité sexuelle. Un dépistage tous les deux ans,
avec un taux de participation assez élevé (61% des femmes
se font dépister tous les deux ans, 86% tous les cinq ans),
et une diminution des lésions précancéreuses de 38%
après l’introduction de la vaccination chez les jeunes filles
vaccinées avant 18 ans, et 47% d’efficacité vaccinale contre
les lésions de très haut grade (sachant que d’autres HPV
peuvent être impliqués dans ces lésions précancéreuses).
On a donc quand même de bonnes raisons de croire que le
vaccin marche de façon très importante contre les HPV qu’il
cible.
Les perspectives
Pour résumer, la France a donc une très faible couverture
vaccinale qui continue à baisser. Les données préliminaires
de l’enquête ESPS de l’InVS-Irdes étant en faveur d’un
LETTRE D'INFORMATION N°108 p. 8 >> HPV : où en sommes-nous ?
recouvrement entre les facteurs d’accès à la vaccination et
l’accès au dépistage, l’objectif du programme de vaccination
à mettre en place pour avoir des couvertures très élevées
serait de pouvoir vacciner ces futures jeunes filles nondépistées. L’impact épidémiologique de l’insuffisance de
la couverture vaccinale française reste encore à évaluer
mais le Centre national de référence (CNR) a déjà récolté
des données qui pourront prochainement le démontrer. Si
les recommandations de 2014 restent sur la généralisation
et l’augmentation de la couverture du dépistage parce que
les vaccins bi et quadrivalents ne couvrent que 70% des
HPV retrouvés dans les cancers, il faudrait mettre en place
des modalités d’administration de cette vaccination pour
atteindre des couvertures vaccinales élevées et pallier aux
inégalités d’accès à la vaccination.
Les données internationales montrent que les programmes
de vaccinations ayant les couvertures les plus élevées,
notamment ceux menés dans les écoles, ont l’impact le plus
marqué. Plusieurs études montrent l’efficacité et l’impact
de cette vaccination et sont en faveur d’une immunité de
groupe. Les données d’efficacité se rapprochent en théorie
des résultats d’efficacité des phases III des laboratoires
incluant des femmes déjà infectées avec, bien sûr, des
limites méthodologies et écologiques (on ne mesure pas
l’incidence chez les vaccinées et non-vaccinées comme on
le fait dans les grandes études cliniques). Mais toutes les
études concordent et aboutissent aux mêmes résultats.
L’effet du vaccin va augmenter dans les années à venir avec
les cohortes de jeunes filles vaccinées avant le début de
l’activité sexuelle et les perspectives sont déjà en cours de
discussion : place du vaccin nonavalent et extension de la
vaccination aux garçons, généralisée ou restreinte à certains
groupes à risque.
VACCINS HPV ET RISQUE DE MALADIES AUTO-IMMUNES
>>Dr Rosemary Dray-Spira,
responsable du pôle Epidémiologie des produits de santé, ANSM
Je vais vous présenter l’étude que nous avons réalisée
récemment, dont l’objectif était d’étudier le risque de
maladies auto-immunes associé au vaccin contre le HPV;
Les maladies auto-immunes résultent d’un dysfonctionnement du système immunitaire, ce sont des pathologies
très variées qui peuvent atteindre un organe spécifique ou
être systémiques. Leurs manifestations sont très variées et
leur épidémiologie très variable aussi. Elles peuvent toucher
des sujets d’âge différent, certaines touchant davantage les
hommes que les femmes et vice-versa, avec également
une très grande variabilité selon la région géographique.
Si la plupart de ces maladies ont une étiologie qui reste
largement inconnue, on sait qu’il y a probablement des
facteurs de prédisposition génétique et un rôle de facteurs
environnementaux. Le risque potentiel de développer une
maladie auto-immune en lien avec les vaccins en général
est régulièrement débattu.
Une étude pharmaco-épidémiologique
Le Gardasil® et le Cervarix® ont été commercialisés en
France en 2006 et 2008. Dans le cadre de la surveillance postcommercialisation, l’Agence européenne du médicament a
mis en place un plan de gestion des risques avec un suivi de
la sécurité de ces vaccins dans la population en vie réelle. La
France a également mis en place une surveillance et un suivi
renforcés en termes de pharmacovigilance et une étude
pharmaco-épidémiologique de la CNAM et l’ANSM dont je
vais vous parler. La pharmacovigilance, c’est le signalement
de cas potentiellement attribuables à un produit de santé,
des signalements d’effets secondaires mais sans aucune
information sur les personnes ayant reçu le produit et qui,
elles, ne développent pas de pathologies. Toute la polémique
et la médiatisation entourant le Gardasil® peut entraîner
des signalements particulièrement importants, car on a
facilement tendance à rapporter au vaccin des pathologies
qui se développent dans les mois ou les années suivant la
vaccination. Donc beaucoup de signalements, et la seule
façon de mesurer si ces cas sont effectivement attribuables
au vaccin, c’est de comparer la fréquence de signalement
de ces pathologies entre des personnes vaccinées et des
personnes non-vaccinées. Tel est l’objet de la pharmacoépidémiologie.
Cette étude s’est dotée d’un comité scientifique présidé
par une épidémiologiste, Annick Alpérovitch, et composé
d’épidémiologistes, de méthodologistes, de cliniciens
de différentes spécialités (immunologie, rhumatologie,
médecine interne, neurologie, pédiatrie) et d’une experte
référente sur les papillomavirus, tous n’ayant aucun conflit
d’intérêts par rapport au produit étudié. De juillet 2014 à juin
2015, ce comité a participé à toutes les étapes de l’étude et
notamment validé ses objectifs, la population étudiée, les
méthodes d’analyse et résultats.
L’objectif étant d’estimer l’association entre l’exposition au
LETTRE D'INFORMATION N°108 p. 9 >> HPV : où en sommes-nous ?
vaccin HPV et la survenue de maladies auto-immunes, nous
avons mis en place une étude de cohorte observationnelle
de type exposé/non-exposé, des personnes exposées au
vaccin comparées à des personnes non-exposées, c’està-dire non-vaccinées. Nous avons utilisé les données de
l’Assurance maladie (le Sniiram), sur le remboursement
des soins consommés en ville avec des données
sociodémographiques (âge, sexe, CMU, zone géographique
de résidence…), les médicaments délivrés, des informations
sur toutes les consultations médicales, les prises en charge
pour affection longue durée (et leur motif), et les données
du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes
d’information) sur les hospitalisations : diagnostic ayant
conduit à l’hospitalisation et actes médicaux pratiqués à
l’hôpital.
La population étudiée
Nous avons inclus dans cette étude les jeunes filles âgées de
13 à 16 ans entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2012
affiliées au régime général de la Sécurité sociale, en excluant
celles qui avaient déjà eu un antécédent de remboursement
de vaccination HPV avant la date d’inclusion et celles qui
avaient déjà une maladie auto-immune. Toutes ces jeunes
filles ont été suivies jusqu’au 31 décembre 2013, sauf si l’un
des évènements suivants survenait avant : diagnostic d’une
maladie auto-immune, changement de régime de Sécurité
sociale, période de 24 mois sans consommation de soins,
atteindre 17 ans, ou en cas de décès. Nous avons défini
l’exposition au vaccin anti-HPV par la première délivrance
d’une dose d’un des deux vaccins contre le HPV. Les jeunes
filles sont toutes rentrées dans l’étude, non exposées, et
devenaient exposées à l’administration de la première
dose. Nous avons identifié 14 maladies auto-immunes, des
maladies neurologiques, rhumatologiques, hématologiques,
endocriniennes et gastro-intestinales.
Nous avons fait des analyses statistiques, des modèles de
Cox, pour comparer le risque de survenue d’une maladie
auto-immune entre les jeunes filles exposées et nonexposées, et toutes les analyses ont été ajustées sur les
facteurs de confusion potentiels (âge, année d’inclusion,
zone d’inclusion géographique, statut CMU complémentaire,
niveau de recours aux soins et autres vaccinations, avant
l’inclusion et au cours du suivi). Nous avons étudié les risques
séparément, selon différentes fenêtres d’exposition à risque,
selon le vaccin, et en excluant les jeunes filles qui avaient
d’autres vaccinations au même moment que le vaccin antiHPV.
Ce sont 2 250 000 jeunes filles qui ont été incluses, avec
un âge moyen de 13,5 ans, parmi lesquelles 37% ont été
vaccinées au cours du suivi, à un âge moyen de 15 ans. Elles
ont été suivies pendant une moyenne de trente mois pour
les non-vaccinées, vingt mois pour les vaccinées, et nous
avons identifié au total presque 3 000 cas de maladies autoimmunes parmi les jeunes filles non-vaccinées et presque
mille parmi les jeunes filles vaccinées.
En ce qui concerne la répartition géographique, le Nord
(Nord-Est et Nord-Ouest) avait une proportion plus
importante de jeunes filles vaccinées que de non-vaccinées.
La proportion de jeunes filles couvertes par la CMU
complémentaire était par ailleurs plus importante parmi les
non-vaccinées. En termes de recours aux soins, on observe
de façon flagrante que les jeunes filles vaccinées recourent
davantage aux soins en général que les non-vaccinées, que
ce soit avant l’inclusion ou pendant le suivi. C’est également
le cas concernant les autres vaccins.
Les caractéristiques de la vaccination
Parmi les 842 000 jeunes filles vaccinées, la plupart (64%)
ont été remboursées pour 3 doses de vaccin, le Gardasil®
dans l’immense majorité (93%).
Le Hazard Ratio (HR) représente la mesure d’association
entre l’exposition au vaccin anti-HPV et le risque de
survenue d’une maladie auto-immune, pour chacune des
pathologies étudiées et dans leur ensemble. S’il est proche
de 1, il n’y a pas d’association, le risque est comparable entre
exposées et non-exposées. S’il est supérieur à 1, le risque est
plus important parmi les jeunes filles vaccinées, et s’il est
inférieur à 1, il est moins important parmi les exposées. Dans
notre étude, il est très proche de 1 pour tous les événements
étudiés, il n’y a donc pas d’association entre l’exposition à un
vaccin anti-HPV et la survenue d’une maladie auto-immune,
à l’exception du syndrome de Guillain Barré (HR : 3,96). Le
résultat est proche de 1 pour douze des quatorze pathologies
étudiées, ce qui est très cohérent avec les données de la
littérature internationale – aucune étude épidémiologique
n’ayant mis en évidence de risque de maladie auto-immune
en lien avec l’utilisation de ces vaccins.
En revanche, nous avons trouvé une association significative
entre le vaccin et la survenue d’une maladie inflammatoire
chronique de l’intestin (Mici, maladie de Crohn et rectocolite
hémorragique), avec un risque clairement plus élevé parmi
les jeunes filles exposées au vaccin. Nous avons voulu étudier
ce problème d’un peu plus près et, en séparant les analyses
en fonction du temps écoulé après la vaccination, il apparaît
que l’augmentation du risque de Mici est surtout nette dans
les semaines qui suivent le vaccin (HR : 1,3 dans les trois
mois suivants) pour diminuer ensuite au cours du temps. En
refaisant les analyses en excluant les trois mois qui suivent
la vaccination, le HR devient non significatif (autour de 1).
Et quand on sait comment sont diagnostiqués ces types de
pathologies, des symptômes non-spécifiques qui évoluent
sur plusieurs mois avant de mener au diagnostic qui est
souvent posé après neuf à douze mois de symptomatologie
gastro-intestinale, ces résultats suggèrent que les jeunes
filles avaient déjà des symptômes digestifs pour lesquels
elles consultaient et que la vaccination leur a été proposée
au cours de ces consultations. Autrement dit, il est probable
que cette association mise en évidence reflète davantage
le fait que la maladie a entraîné la vaccination plutôt que
l’inverse. Au vu de ces résultats montrant une association
de faible amplitude et qui pourraient ainsi s’expliquer par
ce qu’on appelle un « biais de causalité inverse », on ne
peut pas non plus exclure le fait que cette association soit
due au hasard ou à des facteurs de confusion résiduels.
LETTRE D'INFORMATION N°108 p. 10 >> HPV : où en sommes-nous ?
Quand on considère également qu’il n’y a aucun argument
dans la littérature internationale en faveur d’un effet de la
vaccination anti-HPV sur le risque de Mici, nous avons conclu
que ce signal était peu plausible.
Le syndrome de Guillain Barré
En ce qui concerne le syndrome de Guillain Barré, une
pathologie très rare, nous avons eu 21 cas parmi les jeunes
filles non-exposées et 19 parmi les exposées, soit un risque
presque 4 fois plus élevé parmi les exposées comparées aux
non-exposées. En refaisant l’analyse par fenêtre d’exposition,
cette augmentation du risque est majeure dans les premiers
mois suivant la vaccination (5 fois plus élevé dans les deux
mois suivants, presque 4 fois plus élevé dans les trois à douze
mois suivants). Nous avons fait de nombreuses analyses de
sensibilité pour tester la robustesse de cette association
qui reste significative chez les jeunes filles vaccinées par
Gardasil® seul ou Cervarix® seul, mais aussi en excluant
celles qui avaient reçu un autre vaccin dans le même mois
que le vaccin anti-HPV, que le syndrome de Guillain Barré ait
été précédé ou non d’une infection. Sachant également que
la fréquence de ce syndrome varie selon la saison, nous nous
sommes intéressés à la saisonnalité de la vaccination que
nous avons ajustée (on observe un pic de premières doses
de vaccination au moment de la rentrée scolaire) et malgré
cela, l’association reste du même ordre. Travaillant sur des
données administratives, nous nous sommes interrogés sur
la validité du diagnostic de syndrome de Guillain Barré, et
nous avons pu observer que ces cas avaient donné lieu à une
hospitalisation moyenne de 18 jours et qu’une proportion
notable des patientes avaient eu une nutrition entérale ou
parentérale, une ventilation mécanique, voire une intubation,
des données qui confortent la validité du diagnostic.
associé au vaccin contre le papillomavirus, les études de
pharmacovigilance (essentiellement issues des États-Unis)
présentent des résultats contradictoires, l’une d’entre elles
montrant une surreprésentation des notifications de Guillain
Barré après vaccin anti-HPV comparé aux autres vaccins,
quand d’autres ne montrent pas ce phénomène. Quant aux
deux études épidémiologiques, elles n’ont retrouvé aucune
association. Mais sachant qu’elles portaient sur des effectifs
beaucoup moins importants que celui de notre étude,
nous nous sommes peut-être mis en situation d’observer
une association qui ne pouvait pas l’être dans les études
antérieures car elles manquaient de puissance statistique.
Au total, ces résultats sont donc rassurants quant au risque
de survenue de maladies auto-immunes associé à la
vaccination anti-HPV. L’étude ne retrouve aucune association
significative avec la plupart des maladies étudiées, mise à
part une probable augmentation du risque de syndrome de
Guillain Barré. Mais compte tenu de la rareté de la pathologie,
les conséquences de cette augmentation sont limitées.
Ces résultats sont désormais étudiés par l’Agence
européenne du médicament qui les prendra en compte pour
éventuellement réévaluer la balance bénéfices/risques,
mais nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de la remettre en
cause.
Enfin, ayant mis en évidence un risque quatre fois plus
élevé de Guillain Barré parmi les exposées, ce qui ne veut
pas dire la même chose en fonction de la fréquence de la
pathologie, nous avons voulu calculer ce que cela voulait
dire en nombre absolu. Autrement dit, à combien de cas
supplémentaires correspond ce risque plus élevé ? À 15 cas
supplémentaires pour 842 000 jeunes filles vaccinées, soit
1,8 cas supplémentaire de Guillain Barré pour 100 000 jeunes
filles vaccinées. Et quand on se restreint à la fenêtre de 0 à 2
mois (qui a été évoquée par certains comme étant la fenêtre
de plausibilité), on arrive à 0,6 cas supplémentaire pour 100
000 jeunes filles vaccinées.
Ce qui est important, c’est de mettre ces résultats en
perspective avec les données de la littérature internationale
et le premier constat, c’est que le taux d’incidence de
syndrome de Guillain Barré observé chez les jeunes filles
non-exposées (0,4 pour 100 000) est très cohérent avec
les données rapportées parmi les jeunes filles de la même
tranche d’âge. Nous nous sommes par ailleurs intéressés
à ce que disait la littérature sur le risque de Guillain Barré
associé à d’autres vaccins, mais les études épidémiologiques
n’ont finalement pas documenté de lien, à l’exception du
vaccin contre la grippe saisonnière et contre la grippe H1N1.
Concernant la littérature sur le risque de Guillain Barré
LETTRE D'INFORMATION N°108
p. 11 >> HPV : où en sommes-nous ?
CONCLUSION
>> Nelly Reydellet,
chef de service, le Kiosque info sida
Je voudrais d’abord remercier les intervenants pour
la qualité de leurs interventions. Deux-trois choses m’ont
interpellée, notamment l’intérêt pour une association
comme la nôtre de montrer que la prévention est au centre
de beaucoup de choses et que le dépistage ne pourra pas tout
faire. Pour le HPV, la prévention passe par la vaccination mais
tant qu’elle reposera sur les filles, la couverture vaccinale et
l’effet groupe ne concerneront malheureusement pas les
hommes gays.
Avec la future loi de santé qui acte la fusion CDAG-CIDDIST
et la création des Cegidd au 1er janvier 2016, nous aurons
la possibilité d’ouvrir des centres communautaires pour
les publics les plus exposés aux risques, proposant une
offre plus complète en santé sexuelle, des consultations de
dépistage et de prévention.
V
dossier sur les HP
Retrouvez notre et :
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sur notre site in
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HPV : OÙ EN SOMMES-NOUS ?
Lettre d'information n°108 • Janvier 2016
92e rencontre du Crips Île-de-France • 12 novembre 2015
>> Rédaction : Isabelle Célérier • Bénédicte Astier • Michel Bourrelly
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