« Longtemps, j`ai pris ma plume pour une épée : à présent, je
Transcription
« Longtemps, j`ai pris ma plume pour une épée : à présent, je
Métonymie : image désuète de l’instrument servant à écrire. Représentation traditionnelle et glorieuse du travail de l’écrivain. Allusion à une époque révolue. Idée de durée, de permanence. Redoublée dans l’opposition des temps verbaux. Instrument évoquant la violence, la guerre, la résistance, la destruction. Croyance, illusion de jeunesse. Arme dépassée technologiquement en 1964 : caractère vieillot, impuissant, ridicule. « Longtemps, j’ai pris ma plume pour une épée : à présent, je connais notre impuissance. » Prise de conscience. Découverte d’une vérité qu’il ignorait jusque là. Rupture avec les croyances passées. Présent d’énonciation : constat réfléchi, lucide. L’expérience lui a ouvert les yeux, a dissipé les mirages. Passage de « ma » à « notre » : d’une réflexion individuelle, égoïste à une analyse collective. Ce n’est pas un échec personnel, mais collectif, touchant tous les écrivains. Constat d’échec, désillusion par rapport à la valeur de ses écrits : écrire ne parviendra pas à changer le monde contexte politique extrêmement tendu, proximité d’événements désastreux. Signe de ponctuation introduisant non une explication, mais une opposition entre les deux phrases juxtaposées. Ce que dit la citation : Les illusions de la jeunesse de Sartre sont détruites par la réalité de son temps. La littérature est incapable de changer le monde. L’argumentation ne sert à rien face aux faits, à la contrainte. Elle ne peut rien face à la barbarie, face aux injustices. Ce qui compte, ce sont les faits, les actes. Partant du constat des tensions de son époque, Sartre conclut qu’écrire est donc un acte vain, décevant : son regard est donc profondément pessimiste. (« Paroles, paroles, paroles… », Dalida) Ce qu’elle ne dit pas : Les mots ne sont pas sans utilité. Certains écrits ont pourtant su changer le monde, faire évoluer les représentations des hommes, les guider vers plus de sagesse. Le travail des écrivains a alors porté ses fruits, leurs efforts n’ont pas été inutiles. D’où l’élaboration progressive d’une problématique (formulée plusieurs fois pour que vous puissiez choisir celle qui vous convient le mieux) : (Il s’agit de poser un débat à partir de la citation de départ). L’inefficacité apparente de la littérature la rend-elle pour autant inutile face aux injustices ? Les mots, les textes littéraires ne sont-ils d’aucune utilité pour faire changer le monde et les idées ? Doit-on partager la désillusion de Sartre quant à la vanité de la littérature ? A partir de là seulement, on peut commencer à dégager des arguments et à les organiser. (Tous les arguments ne sont peut-être pas indispensables, 2 ou 3 par partie suffisent.) Arguments allant dans le sens de la citation de Sartre Arguments semblant la contredire Arguments permettant de dépasser le débat tel que Sartre le pose : Echecs de la littérature : les armes plus fortes que les mots. Ecrits contribuant à faire émerger une évolution des mentalités : littérature de résistance, de lutte. Peut-on envisager d’autres moyens d’agir pour remédier aux insuffisances de l’écriture ? Ecrits permettant de faire apparaître la vérité. La fiction, le plaisir de la lecture sont-ils inutiles ? N’est-ce pas aussi un moyen d’agir, de dénoncer, de combattre ? Echecs de la littérature : la littérature qui choque, éventuellement qui est censurée. Echec public : les écrivains n’ont pas l’audience, l’influence qu’ils pourraient espérer. Un livre qui n’est pas assez lu ne sert à rien. Il faut trouver une langue pour toucher ses contemporains. La littérature peut parfois servir un pouvoir contestable. Ecrits témoignant d’une prise de position qui convainc les lecteurs Le rôle de la littérature est de définir de nouvelles valeurs, de nouveaux repères. Une fois le texte lu, n’est-ce pas aussi au tour du lecteur d’agir ? Ensuite, et seulement après la problématisation du sujet, il s’agit de chercher dans vos connaissances quels textes vous pourriez utiliser comme exemples. Des documents pouvant s’avérer utiles pour compléter ceux vus en classe : 1. Victor Hugo, « Fonction du poète », dans Les Rayons et les Ombres, 1840 : Dieu le veut, dans les temps contraires, Chacun travaille et chacun sert. Malheur à qui dit à ses frères : Je retourne dans le désert! Malheur à qui prend ses sandales Quand les haines et les scandales Tourmentent le peuple agité! Honte au penseur qui se mutile Et s'en va, chanteur inutile, Par la porte de la cité! Le poète en des jours impies Vient préparer des jours meilleurs. Il est l'homme des utopies, Les pieds ici, les yeux ailleurs. C'est lui qui sur toutes les têtes, En tout temps, pareil aux prophètes, Dans sa main, où tout peut tenir, Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue, Comme une torche qu'il secoue, Faire flamboyer l'avenir! 2. Paul Eluard, Au Rendez-vous allemand, 1944. (Le poème fait allusion à la dernière nuit d’un résistant avant qu’il soit exécuté par les occupants nazis.) Avis La nuit qui précéda sa mort Fut la plus courte de sa vie L'idée qu'il existait encore Lui brûlait le sang aux poignets Le poids de son corps l'écoeurait Sa force le faisait gémir C'est tout au fond de cette horreur Qu'il a commencé à sourire Il n'avait pas un camarade Mais des millions et des millions Pour le venger Il le savait Et le jour se leva pour lui.