Le paradoxe du fumigène

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Le paradoxe du fumigène
Le paradoxe du fumigène
Las des clichés et des idées reçues sur les supporters de
foot, j’ai décidé, avec ma collègue journaliste Antonia Di
Falco, d’aller rencontrer les fameux ultras Inferno 96 de
Liège. C’est ainsi que notre enquête a débuté, un 18 mars
2012, à Sclessin.
De leur local, en passant par la tribune T3, nous avions
choisi d’interroger leur identité :
Aujourd’hui, les Infernos sont montrés du doigt. Parce qu’ils
ont craqué des fumigènes lors du match Standard-Anderlecht,
ils ne sont plus ultras mais hooligans, traités de voyous, et
même de criminels. Les réactions fusent de tous côtés dans les
médias belges. Ils dénoncent la dangerosité des fumigènes et
les risques d’accidents. Certes. Sauf que ces gens-là
commentent depuis leur tribune de presse, voire depuis leur
canapé dans leur salon. Bien loin de la réalité des tribunes.
En la matière, Marcel Javaux s’est illustré sur twitter et
dans l’émission « La Tribune » lundi 8 octobre 2012.
@JAVAUXM
JAVAUX Marcel
Comment est-il possible
Fumigènes et fumigènes…
Oct 07 via web Favorite Retweet Reply
via Twitter
d’être
aussi
con
?
Marcel Javaux favorable à la prison pour
les hooligans du clasico – RTBF FootballMarcel Javaux,
consultant RTBF Frédéric Bulot sur les incidents lors du
clasico » Je peux comprendre que certains de mes propos vous
aient choqué. Toutefois, je confirme que les crapules qui
viennent au stade et mettent la vie d’autrui en danger
devraient être condamnées à des peines de prison ferme.
via Rtbf
@0Starla
Bruno @RTBFsport Il est temps que des vieux
mauvais arbitres arrêtent de donner leur avis sur
des sujets qu’ils ne maîtrisent pas. @JAVAUXM
Oct 10 via Tweetbot for iOS Favorite Retweet Reply
via Twitter
Fatigués de ces propos vides de sens et d’analyse, les Inferno
96 ont répondu via un communiqué de presse publié le
10/10/2012 sur leur site :
« Incidents » lors de RSCL-RSCA et stigmatisation des Ultras
et de la Tribune 3 en général
A force d’être stigmatisés depuis plusieurs jours dans la
Presse écrite et audiovisuelle suite aux « incidents » du
dernier classico, nous tenons à faire les mises au point
suivantes :
– Nous sommes particulièrement étonnés, et c’est un
euphémisme, de voir l’ensemble des journalistes trainer dans
la boue, il n’y a pas d’autres mots, la Tribune 3 du Standard
de Liège qui représente le Cœur et Chœur du Stade de
Sclessin. Ces mêmes journalistes ne cessent pourtant, depuis
de très nombreuses années, d’évoquer cette même tribune en
des termes des plus élogieux pour la puissance de son
soutien, sa ferveur, sa fidélité et la qualité de ses Tifos.
Manifestement, ces journalistes ont la mémoire courte… Car
combien de fois n’avons-nous pas entendu parler, pour
reprendre leurs propos, du « meilleur public de Belgique » ?
Ce public et cette tribune, à maintes fois portés aux nues,
n’ont pu devenir soudainement monstrueux ! Ces mêmes
journalistes ne cessent de solliciter nos réactions sur la
vie du Club tout au long de l’année. Nous ne manquerons pas
de nous souvenir de cet acharnement en leur délivrant à
l’avenir nos réactions avec la plus grande parcimonie.
– Aujourd’hui, un article parait dans Sud Presse. Le
Président du groupe est cité à plusieurs reprises. Mais
celui-ci avait pourtant refusé de répondre aux questions du
journaliste de Sud Presse pour des raisons qui nous sont
propres. Ces quelques phrases/réponses ont été tirées d’une
interview parue dans un média alternatif il y a environ 2
ans. Même si l’article n’est pas « à charge » et met en avant
les « côtés positifs » de notre groupe, certaines réponses
sont sorties de leur contexte et laissent sous entendre que
nous justifions et endossons la pleine responsabilité des «
incidents » de dimanche dernier alors que ce n’est absolument
pas le cas.
– La contestation survenue en Tribune 3 lors de ce Classico
avait pour seul objectif de provoquer un électrochocchez les
joueurs afin qu´ils fassent preuve de combativité ainsi qu´à
l’équipe dirigeante en place et leur envoyer un signal très
clair : Nous, Supporters du RSCL, n’accepterons pas qu’ils
ramènent notre club dix ans en arrière par leur manifeste
incompétence. Lorsque les Supporters en arrivent à de tels
moyens pour faire entendre leur colère, c’est que le
désespoir est grand… Les journalistes et les « bien-pensants
» pouvant croire un instant que des supporters prennent du
plaisir à « saboter » le club de leur cœur font alors la
parfaite démonstration de leur méconnaissance du monde du
football et de ses tribunes.
– Lorsque des journalistes stigmatisent des comportements, à
leurs yeux excessifs, ce qui est leur droit, ils devraient
alors, avant de donner des leçons (cf. émission de la RTBF «
La Tribune » de ce lundi 08/10/2012), stigmatiser les propos
scandaleux de leur chroniqueur M. Javaux. Ce dernier agit
comme un « réactionnaire » qui, en réclamant des peines de
prison ferme pour quelques fumigènes, est complètement à coté
de ses pompes. Ce qui est excessif devient insignifiant. Nous
nous lui posons simplement la question de savoir qui a le
plus sa place « à Lantin », entre des Supporters exprimant
leur désarroi et quelqu’un conduisant sous l’emprise de
l’alcool. En effet, dans cette émission, l’accident de Legear
a été évoqué de manière anecdotique alors que celui-ci aurait
pu engendrer des conséquences dramatiques voire mortelles
pour plusieurs personnes. Dans le même temps on évoquait
pendant quasiment 45 minutes les « « incidents » » du
classico.
– Nous sommes et nous resterons éperdument attachés à notre
Club et à nos couleurs. Il est donc de notre devoir de faire
savoir notre désapprobation quand nous jugeons que l’avenir
du club est mis en péril. C’est ce que nous avons fait
dimanche dernier de part la confection de différentes
banderoles explicites et représentatives de notre état
d’esprit actuel.
Il est évident que nous ne nous exprimerons plus dans la
Presse au sujet des débordements ayant eu lieu dimanche
dernier. En ce qui nous concerne, tout a été dit dans ce
communiqué.
ULTRAS INFERNO 1996″
Tout est dit. Et pourtant il reste tellement à faire.
L’éducation des politiques (entre autres) au monde des
supporters de foot demeure un vaste chantier.
Un ultra français me faisait justement cette remarque il y a
quelques jours : « combien de blessés et de morts liés aux
violences policières dans et en dehors des stades ? Comparons
ce chiffre, s’il existe, à celui des blessés à cause d’un
craquage de fumigène. Vous aurez des surprises. » Il n’existe
évidemment aucune statistique officielle là-dessus. Trop
facile.
En France, un jeune supporter montpelliérain a été blessé à
l’oeil (qu’il risque toujours de perdre) par un tir de flashball. La police
se défend et se protège en clamant la
légitime défense. Elle était en effet à la poursuite d’un
autre supporter détenteur, lui, d’un fumigène (qu’il avait
apparemment dans sa poche, éteint, en dehors du stade, ce qui
n’a donc rien d’illégal). Un fumigène dans une poche ? Menace
terroriste pour sûr ! Parce que je n’étais pas sur place et
parce que les faits ont déjà été racontés à maintes reprises,
je vous conseille la lecture de cet article en ligne du
magazine So Foot : Que s’est-il réellement passé avant
Montpellier-Saint-Etienne ? (Anthony Cerveaux, avec Quentin
Blandin). Le journaliste conclue :
« Au-delà des zones d’ombre qui persistent, la morale de
cette triste histoire est qu’un jeune de 22 ans qui n’avait
rien à se reprocher va très probablement perdre grandement
l’usage d’un de ses yeux. Il n’a, pourtant, pas bénéficié
d’une grande compassion de la part des différents médias qui
ont relayé l’affaire, peut-être en raison de son appartenance
à un groupe ultra. Les pouvoirs publics et sportifs
justifient leur lutte contre les fumigènes par le danger
qu’ils représentent : pourtant, si des gros pétards ou des
bombes agricoles ont bien déjà causé des blessures graves (on
pense notamment à un pompier ayant perdu deux doigts en 2006
lors d’un Nice-OM), on ne connaît pas de cas avéré de
blessure significative causée par un fumigène . En revanche,
force est de constater que la lutte à tout prix contre les
fumigènes provoque des blessures et crée une atmosphère de
vive tension entre policiers et supporters, lesquels
considèrent les fumigènes comme un engin festif. Ne serait-il
pas possible de trouver une autre solution que la traque aux
fumigènes pour améliorer la situation ? L’exemple norvégien
laisse penser que si… «
Le paradoxe du fumigène ne s’arrête pas là. S’il est objet de
tant de critiques et de condamnations, il fascine aussi. Parce
que le fumigène, lorsqu’il est maîtrisé, crée le spectacle.
Comme on aime admirer un beau feu d’artifice, on aime admirer
les animations pyrotechniques dans les stades. L’émission
« France2foot » avait même osé intégrer des images de tribunes
enfumées dans son générique.
Générique France2foot (2007) (à 0″21)
via YouTube
Cette traque du fumigène dans les tribunes n’est qu’un
prétexte. Le but : tenter de faire croire qu’il est possible
de contrôler les ultras, cette population qui ne rentre pas
dans les cases, unie par des liens incompréhensibles pour
quiconque n’en faisant pas partie (ou ne cherchant pas à les
connaître), capable de se fédérer au nom d’un club, au nom
d’un sport et au nom de valeurs communes. À Liège, depuis 15
ans déjà.
Ultras Inferno clip des 15 ans
via YouTube

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