La problématique du logement en Brabant wallon : Tanguy malgré eux

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La problématique du logement en Brabant wallon : Tanguy malgré eux
Question de point de vue
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La problématique du logement
en Brabant wallon :
Tanguy malgré eux !
Avec le soutien de
Octobre 2011
Auteure : Laurence Delperdange, animatrice aux Equipes Populaires du Brabant wallon
En Brabant wallon, beaucoup de jeunes, en âge de « voler de leurs propres ailes », éprouvent
des difficultés à trouver un nid dont le coût corresponde à leurs moyens financiers.
Attachés à leur ville dans laquelle ils ont tissé, au fil des années, un réseau social et souhaitant
y demeurer, il n’est pas rare pourtant que, prospection faite, ils se tournent, à contrecœur,
vers d’autres provinces…
Selon une étude réalisée en 2008 par le Centre
de recherche en démographie et sociétés de
l’UCL1, en 50 ans, le nombre d’habitants a
pratiquement doublé en Brabant wallon. La
province concentre environ 52,5% de la
croissance démographique de la Wallonie.
On y assiste à une ségrégation
sociodémographique de plus en plus grande.
Une sélection sociale est en marche. Il en résulte
une surreprésentation de couples avec enfants
et une sous-représentation de ménages
monoparentaux et d’isolés.
Autres caractéristiques du logement en Brabant
wallon : une augmentation plus rapide
qu’ailleurs du prix des logements, la rareté et le
coût élevé des logements locatifs (peu à moins
de 500 euros/mois).
Quant au prix de vente des maisons, il est, en
moyenne, supérieur de 40% à la moyenne
wallonne.
Le prix des terrains est, en moyenne, trois fois
plus élevé que dans les autres provinces.
La part réservée aux logements sociaux est de
4,3% contre 7% en Wallonie. En 2004, en Brabant
wallon, un logement social était construit pour 9
logements construits par le secteur privé.
A noter que Nivelles est une exception avec
environ 10% de logements sociaux. Néanmoins,
500 personnes sont en attente d’un logement
social à Nivelles.
L’étude révèle que depuis 1970 l’arrondissement
de Nivelles bénéficie d’une attractivité
migratoire très positive, globalement la plus
élevée de Belgique. Les habitants de Bruxelles
gagnent peu à peu la périphérie verte.
Qui sont ces nouveaux venus ? En grande partie
« des personnes âgées de 30 à 45 ans qui se
caractérisent par une stabilité familiale et
professionnelle et qui disposent de revenus
confortables ». Depuis les années 90, beaucoup
moins de 25-30 ans s’établissent en Brabant
wallon qui semble plus attractif pour les 30-55
ans. Bon nombre de jeunes Brabançons âgés de
20 à 25 ans s’installent à Bruxelles. On constate
une dynamique de vases communicants entre
Bruxelles et le Brabant wallon.
En ce qui concerne les Agences Immobilières
Sociales (A.I.S.), elles comptabilisent 160
logements répartis dans 22 communes.
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Thierry Eggerickx, L’évolution démographique du Brabant
wallon, Le coût social de la périurbanisation, Centre de recherche en
démographie et sociétés, UCL, 2008.
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Les jeunes qui ne souhaitent pas quitter Nivelles
mais sont forcés de le faire, se tournent vers le
Hainaut. Par exemple, un jeune couple qui, en
fonction de ses revenus, ne peut emprunter une
somme supérieure à 130 000 euros, ne pourra
acquérir une maison sans l’aide financière de sa
famille. A moins d’en arriver à un système,
pratiqué déjà dans certains pays où des
emprunts sont contractés pour une durée de 60
et 70 ans. Ce qui amène à transférer la dette sur
ses enfants. Impossible ensuite pour ceux-ci
d’aider leurs enfants à leur tour.
Eviter la fuite des jeunes vers
Bruxelles
Diagnostic notarial…
Interrogé sur la question, le notaire François Noé
constate qu’il y a une grande offre en immeubles
neufs.
La plupart des logements en Brabant wallon
sont des villas quatre façades, des maisons de
maître, des maisons de rapport. Le rêve de
beaucoup de personnes, explique-t-il, est
d’acquérir une villa quatre façades en périphérie.
Les centres-villes sont occupés par des
personnes qui ont de faibles revenus qui ne
vivent pas toujours dans des logements décents.
Côté chiffres, la répartition des logements se fait
entre : 33% de ménages à une personne et 17% de
familles monoparentales. 25% d’adultes sans
enfants et 25% de familles avec enfants.
Il faudrait développer de petits logements pour
les personnes seules, prévoir des logements
adaptés aux différentes situations que l’on peut
connaître au cours de sa vie car les situations
évoluent… On assiste à un grand turn over au
niveau des maisons qui changent de
propriétaires en moyenne tous les sept ans.
Pour répondre à ces jeunes qui désespèrent de
trouver un jour un logement qui réponde à leurs
attentes (à Nivelles ou dans ses environs, à un
prix correspondant à leurs capacités financières
actuelles), François Noé donne quelques
éléments utiles. Un logement vendu par les
propriétaires sans passer par une agence sera
peut-être vendu à un prix plus raisonnable. Car,
en général, cela signifie que le propriétaire ne
cherche pas à vendre à un prix excessif.
On peut aussi demander pour démarrer le
remboursement du crédit de manière différée. Il
est aussi prudent d’opter pour un prêt à un taux
fixe.
La réponse du politique
L’aspect énergétique d’un logement représente
un coût caché au départ mais non négligeable,
surtout dans des villes comme Nivelles où
l’habitat est ancien et mal isolé. Des maisons
construites dans les années 60 ne tenaient
absolument pas compte de cet aspect, étant
donné le prix bas du mazout à l’époque.
L’idéal est d’opter pour la mitoyenneté.
Ce que font beaucoup de jeunes. Mais le prix
moyen de ces maisons « deux façades » est de
264 000 euros à l’achat. Quant aux
appartements, leur prix moyen est de 200 000
euros. La plupart des jeunes couples ne peuvent
acheter à ces prix même avec les taux de
remboursement d’emprunts assez « bas » que
nous connaissons actuellement et qui avoisinent
les 4%. En y ajoutant frais de notaire et frais
d’actes, on atteint des sommes très élevées.
Tous ces aspects ont des répercussions au
niveau social et font la part belle aux
spéculateurs.
Mais, cela n’est pas une fatalité. On peut voir
que d’autres pays fonctionnent sur d’autres
bases. En ce qui concerne les locations, certains
ont, par exemple, opté pour un plafonnement
des loyers.
Bernard Monnier, chef de cabinet adjoint du
ministre wallon du logement Nollet, pointe la
situation atypique du Brabant wallon par rapport
à la situation de la Wallonie. La difficulté des
jeunes à trouver un logement à louer voire à
acheter dans cette province est une réalité. Il est
aussi surprenant de constater que c’est sur les
bas loyers que les hausses ont été les plus
importantes. L’indice santé n’a pas été pris en
compte dans ce calcul des loyers.
Le système actuel avantage les propriétaires,
lesquels peuvent déduire des remboursements
de leur crédit hypothécaire sur le plan fiscal. Il y a
peut-être lieu de revoir cela.
La Région wallonne a mis en place des dispositifs
pour lutter contre ces difficultés d’accès au
logement. Par exemple, elle injecte chaque
année 300 millions d’euros pour les politiques du
logement public. Actuellement, on dénombre
environ 100 000 logements sociaux en Wallonie.
Parmi les 30% de logements locatifs, on compte
un quart de logements sociaux dans le secteur
public et un quart dans le secteur privé locatif.
Mais si l’époque du clientélisme est
heureusement révolue, le délai d’attente pour
entrer dans un logement social est malgré tout
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très long dans certaines régions. En outre, il faut
remarquer que certains de ces logements dits
« sociaux » ne sont plus accessibles, ayant été
rachetés par leurs locataires. Opter pour un droit
de préemption serait peut-être une piste
permettant d’éviter que ceux qui ont acheté ces
maisons les revendent très cher, rendant
impossible leur rachat par les sociétés
d’habitations sociales.
On peut aussi se demander s’il est normal
qu’une habitation sociale ait été attribuée à vie.
- construire - en cette matière, le coût de la
construction est plus ou moins identique
dans toutes les régions mais c’est le prix du
terrain qui fait la différence -,
- dissocier l’accès à la propriété de la maison à
la propriété du terrain. C’est la pratique du
droit emphytéotique qui se pratique par
exemple à Louvain-la-Neuve,
- acheter des parts d’une société coopérative.
Cela demande un changement des
mentalités : la maison est vue comme un
investissement. On récupère ses parts quand
on le souhaite.
- développer davantage les formules d’habitat
groupé.
L’habitat kangourou est une formule qui semble
intéresser de plus en plus de personnes. Le
principe ? Une personne âgée cohabite avec des
jeunes dans sa maison devenue trop grande
pour y vivre seule.
La loi sur les baux à loyer et la régulation des
loyers relève jusqu’ici du niveau fédéral mais des
négociations sont en cours pour un transfert
vers les Régions. Cela va peut-être permettre de
mieux définir des politiques adaptées aux
réalités régionales.
L’idéal serait bien sûr de réguler le prix des
locations de manière à ne plus louer à n’importe
quel prix des logements en piètre état. Les
allocations de loyer n’ont que peu d’effets si ces
mesures ne s’accompagnent pas d’une
régulation des prix. Très longtemps, on a laissé
le marché jouer à plein sans cadrer les choses.
En matière d’accès à la propriété, la Société
wallonne du crédit social (voir l’adresse cidessous) offre des prêts à faibles taux d’intérêts.
Mais, l’accès à la propriété n’est sans doute pas
la voie unique.
Vigilance citoyenne
L’accès au logement et la régulation du
logement font partie des responsabilités du
législateur et il existe une volonté politique
derrière toute décision prise en la matière. Ainsi
certaines communes comme Lasne exigent,
qu’en cas de construction, le bâti occupe une
faible proportion du terrain. Dans ce cas, seuls
les très hauts revenus ont accès à la propriété ou
à la location.
Il importe donc que les citoyens soient attentifs,
en tant que citoyens, souligne Thierry Toussaint,
qu’ils s’informent pour réagir s’ils estiment que
la majorité en place dans une commune n’a pas
tenu ses engagements en matière de logement.
Il est important aussi de s’informer du
programme des partis au moment des élections
communales.
En ce qui concerne le public des jeunes candidats
à la location ou à l’achat, il est évident qu’il y a un
problème. La pratique actuelle du statut de
cohabitant n’arrange pas les choses. Les
allocataires sociaux ont tout intérêt à se déclarer
isolés.
Au niveau communal, des choses peuvent être
mises en place. Les pouvoirs publics et
notamment les CPAS disposent de réserves
foncières qu’ils pourraient réserver uniquement
à l’habitat. On pourrait aussi mettre une règle
qui impose aux promoteurs de réserver une part
significative de logement public dans leurs
projets.
La taxation des logements inoccupés peut être
une manière de lutter contre les logements vides
et d’étendre l’offre de ces logements pour la
location. Une mesure telle que celle-là inciterait
les propriétaires à louer leurs biens quitte à faire
appel à la loi de réquisition douce qui permet
aux pouvoirs publics de remettre eux-mêmes sur
le marché un bien tout en versant le loyer perçu
au propriétaire.
Certaines politiques ont pour but de lutter
contre les marchands de sommeil en refusant la
mise en appartements de maisons de ville.
Néanmoins, cela peut produire des effets
pervers. En limitant les logements de petites
Pour quelle formule opter ?
Aujourd’hui, on considère la maison comme un
transfert de capital vers les générations qui nous
suivent. Mais il y aurait peut-être lieu de changer
ces visions.
Ainsi, parmi les alternatives possibles :
- acheter en copropriété,
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surfaces disponibles sur le marché, les
personnes isolées à bas revenus ont moins de
possibilité de pouvoir se loger. La régulation doit
donc être plus adéquate en instaurant par
exemple un loyer maximal en fonction de la
dimension et du confort du bâti.
Se pose aussi la question de la discrimination.
Par exemple un jeune émargeant au CPAS ne
trouvera pas facilement un propriétaire qui
accepte de lui louer un appartement. Il est
possible d’empêcher ce genre de
comportements.
des différentes tranches d’âges, des réalités
familiales différentes, des besoins spécifiques à
chacune d’entre elles.
Des alternatives
Habiter dans un quartier durable. Pratiques et
stratégies d’action pour un nouvel ancrage local
du logement. Jean-Michel Degraeve, architecte.
A l’initiative du Ministre wallon du
développement durable
Les Agences Immobilières Sociales (A.I.S.) : des
associations qui agissent comme intermédiaire
entre les propriétaires bailleurs et les locataires à
la recherche d’un logement. Leur objectif
principal : favoriser la mise à disposition (en
location) d’immeubles issus du parc privé ou
public en vue de répondre à la demande de
logements de qualité pour des ménages à
revenus modestes qui ne trouvent pas une
habitation salubre dont le loyer est compatible
avec leurs revenus.
Néanmoins, certains freins existent. Ainsi,
Bernard Monnier souligne à quel point il est
difficile, en Brabant wallon, de plaider pour les
personnes vivant dans la précarité. En effet,
l’image d’une province riche dans laquelle les
citoyens s’en sortent plutôt bien, est bien
ancrée. Et faire entendre que ce n’est pas le cas
pour tous est une entreprise à laquelle il faut
constamment s’atteler.
Infos : A.I.S.B.W. : Parc des Collines, Avenue
Einstein 4 à 1300 Wavre - Tél. : 010/23 60 87 - Fax:
010/68 66 19
Pour conclure…
On l’a vu, avant d’acheter ou de louer un
logement, des informations sont nécessaires. Or,
peu de choses sont organisées pour fournir ces
informations aux citoyens.
Habitat kangourou : « Concrètement, la personne
âgée s’installe au rez-de-chaussée d’un habitat
tandis qu’un jeune ménage ou une famille
occupe le reste de la maison. Dans la plupart des
cas, la personne âgée est la propriétaire ou le
bailleur des lieux et il est prévu un contrat qui
précise les modalités de la relation de services et
le loyer modique payé par la famille. Cette
formule d’habitat simple et efficace permet aux
personnes âgées de mieux vivre chez elles grâce
à un voisinage bienveillant.»
Conseil aux jeunes candidats à l’achat ? Bien
établir les critères à privilégier lors du choix de
l’endroit où l’on a envie de vivre. Cela, en tenant
compte des aspects liés aux déplacements
domicile-travail, à l’environnement social,
familial, aux services de proximité, aux écoles…
Et se tenir à ses choix en considérant que
s’éloigner entraîne d’autres coûts cachés…
D’après la brochure Habitat kangourou éditée
par l’asbl Question Santé. Site Internet :
Et puis, une chose est sûre : les communes ont
une responsabilité en matière de logement sur
leur territoire. Aux citoyens à être attentifs pour
que l’urbanisation prenne en compte les intérêts
www.questionsante.be/outils/habitat_kangourou.pdf
Adresses utiles
 Service de la Région wallonne compétent en matière de salubrité des logements : Salubrité logement - 081/33
23 28.
 Crédit social de la Province du Brabant wallon, rue de Namur, 38 à Wavre - 010/22 41 56
 Société coopérative des habitations sociales du Roman Païs, allée des Aubépines, 2 à 1400 Nivelles - 067/88 84 84
www.romanpais.be
 Droits quotidiens asbl - 081/39 06 20 - Courriel : [email protected]
 Info conseils logement, Espace Wallonie, rue de Namur, 67 à Nivelles - 067/41 16 70
 Le prêt jeune (- de 35 ans) : voir Région wallonne, division logement : http://mrw.wallonie.be/dgatlp
 La fédération du notariat belge : www.notaire.be
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